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1355 ÉTUDE DOSSIER Page 34 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 49 - 7 DÉCEMBRE 2018 Le nouvel alinéa 1 er de l’article L. 324-1-1 du Code tourisme, issu de la loi Élan 1 , nous indique que les meublés de tourisme sont « des villas, appartements ou studios meublées, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ». Les meublés de tourisme se distinguent des autres types d’héber- gement, notamment l’hôtel et la résidence de tourisme, en ce qu’ils sont réservés à l’usage exclusif du locataire, ne comportant ni ac- cueil ou hall de réception, ni services et équipements communs. Ils se distinguent de la chambre d’hôte où l’habitant est présent pendant la location. Pour être qualifié de meublé, le logement devra comporter au mi- nimum : des meubles, une literie, une gazinière ou plaques chauf- fantes, un réfrigérateur, des ustensiles de cuisine… 2 1 L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018 : JO 24 nov. 2018. - S. Piédelièvre, La loi Élan en partie validée par le Conseil constitutionnel : JCP N 2018, n° 47, act. 883. - JCP N 2018, n° 49, 1352 à 1356. 2 À défaut de dispositions spécifiques en matière de location meublée touris- tique, il est possible néanmoins de se référer à la liste prévue en matière de Enfin précisons qu’un logement est considéré comme une rési- dence principale lorsqu’il est occupé au minimum 8 mois par an (sauf en cas d’obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure) 3 . Si le logement est loué plus de 120 jours par an, il est considéré comme une résidence secondaire. La location saisonnière ou touristique se distingue du bail d’habitation selon 2 critères : le locataire n’y élit pas domicile, il y réside principalement pour les vacances ; et la location saisonnière doit être conclue pour une durée maximale de 90 jours à la même personne. La présente étude sous forme de questions/réponses abordera le volet juridique des questions et problématiques fréquemment soulevées en présence d’un meublé de tourisme – généralement lors de sa cession. En l’absence de questions de nos clients, il nous appartient néan- moins de les orienter sur les procédures à suivre et réflexes à adop- ter en présence d’un meublé de tourisme. QUESTION 1 La réglementation relative au « permis de louer » est- elle applicable à la location meublée de tourisme ? baux d’habitation (D. n° 2015-981, 31 juill. 2015 fixant la liste des éléments de mobilier d’un logement meublé. En vigueur depuis le 1 er septembre 2015. 3 L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 2 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (mod. L. n° 2014-366, 24 mars 2014, art. 1). Location meublée touristique et pratique notariale Aspects juridiques Les locations de très courtes durées ont le vent en poupe. Ce succès est dû à l’expansion des plateformes électroniques de réservation. La tentation de louer un appartement via une application s’est substituée à la réservation de la classique chambre d’hôtel, et ce essentiellement pour des raisons économiques. Les pouvoirs publics ne sont pas restés insensibles à l’engouement suscité par ce nouveau mode d’occupation de l’immeuble ; de nouvelles dispositions viennent au compte-gouttes encadrer la matière. Attendue par les grandes villes françaises afin de mieux contrôler l’im- pact des plateformes de réservation, la loi Élan (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) vient de renforcer le dispositif d’encadrement des locations de courtes durées. Le notaire devra adopter de nouveaux réflexes tant au travers de son devoir de conseil que lors de la rédaction de l’acte de vente. 1355 BAIL Questions-réponses rédigées par : Damien Lagau-Lacrouts, notaire à Saint-Jean-de-Luz, Master 2 juriste d’affaires, DU Droit notarial de l’entreprise, notaire Conseil d’Entreprise (NCE)

1355 Location meublée touristique et pratique notariale

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1355 ÉTUDE DOSSIER

Page 34 © LEXISNEXIS SA - LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 49 - 7 DÉCEMBRE 2018

Le nouvel alinéa 1er de l’article L. 324-1-1 du Code tourisme, issu de la loi Élan1, nous indique que les meublés de tourisme sont « des villas, appartements ou studios meublées, à l’usage exclusif du

locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit

pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location

à la journée, à la semaine ou au mois ».Les meublés de tourisme se distinguent des autres types d’héber-gement, notamment l’hôtel et la résidence de tourisme, en ce qu’ils sont réservés à l’usage exclusif du locataire, ne comportant ni ac-cueil ou hall de réception, ni services et équipements communs. Ils se distinguent de la chambre d’hôte où l’habitant est présent pendant la location.Pour être qualifié de meublé, le logement devra comporter au mi-nimum : des meubles, une literie, une gazinière ou plaques chauf-fantes, un réfrigérateur, des ustensiles de cuisine…2

1 L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018 : JO 24 nov. 2018. - S. Piédelièvre, La loi Élan en partie validée par le Conseil constitutionnel : JCP N 2018, n° 47, act. 883. - JCP N 2018, n° 49, 1352 à 1356.

2 À défaut de dispositions spécifiques en matière de location meublée touris-tique, il est possible néanmoins de se référer à la liste prévue en matière de

Enfin précisons qu’un logement est considéré comme une rési-dence principale lorsqu’il est occupé au minimum 8 mois par an (sauf en cas d’obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure)3. Si le logement est loué plus de 120 jours par an, il est considéré comme une résidence secondaire. La location saisonnière ou touristique se distingue du bail d’habitation selon 2 critères : le locataire n’y élit pas domicile, il y réside principalement pour les vacances ; et la location saisonnière doit être conclue pour une durée maximale de 90 jours à la même personne.La présente étude sous forme de questions/réponses abordera le volet juridique des questions et problématiques fréquemment soulevées en présence d’un meublé de tourisme – généralement lors de sa cession.En l’absence de questions de nos clients, il nous appartient néan-moins de les orienter sur les procédures à suivre et réflexes à adop-ter en présence d’un meublé de tourisme.

QUESTION 1

La réglementation relative au « permis de louer » est-elle applicable à la location meublée de tourisme ?

baux d’habitation (D. n° 2015-981, 31 juill. 2015 fixant la liste des éléments de mobilier d’un logement meublé. En vigueur depuis le 1er septembre 2015.

3 L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 2 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (mod. L. n° 2014-366, 24 mars 2014, art. 1).

Location meublée touristique et pratique notarialeAspects juridiquesLes locations de très courtes durées ont le vent en poupe. Ce succès est dû à l’expansion des plateformes électroniques de réservation. La tentation de louer un appartement via une application s’est substituée à la réservation de la classique chambre d’hôtel, et ce essentiellement pour des raisons économiques.Les pouvoirs publics ne sont pas restés insensibles à l’engouement suscité par ce nouveau mode d’occupation de l’immeuble ; de nouvelles dispositions viennent au compte-gouttes encadrer la matière. Attendue par les grandes villes françaises afin de mieux contrôler l’im-pact des plateformes de réservation, la loi Élan (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) vient de renforcer le dispositif d’encadrement des locations de courtes durées. Le notaire devra adopter de nouveaux réflexes tant au travers de son devoir de conseil que lors de la rédaction de l’acte de vente.

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BAIL

Questions-réponses rédigées par :

Damien Lagau-Lacrouts,notaire à Saint-Jean-de-Luz, Master 2 juriste d’affaires, DU Droit notarial de l’entreprise, notaire Conseil d’Entreprise (NCE)

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Une réponse négative doit être apportée ici et elle ne fait place à aucun doute.La loi Alur4 a donné la possibilité aux communes et aux EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) d’amé-liorer la lutte contre l’habitat insalubre en prévoyant des régimes d’autorisation préalable et de déclaration de mise en location. Sont désormais intégrés au sein du Code de la construction et de l’habitation (CCH) un chapitre dédié à la déclaration de mise en location (CCH, art. L. 634-1 et s.) et un second relatif à l’auto-risation préalable de mise en location (CCH, art. L. 635-1 et s.). Par suite, le décret n° 2016-1790 du 19 décembre 2016 relatif aux régimes de déclaration et d’autorisation préalable de mise en loca-tion est venu peaufiner ces dispositions législatives en donnant pour chacun des régimes notamment, leur champ d’application.En résulte que le « permis de louer » n’a vocation à s’appliquer

qu’aux locations à usage d’habitation, vides ou meublées, les-

quelles constituent la résidence principale du locataire, exception faite de leur reconduction, de leur renouvellement ou de la conclu-sion d’un avenant au contrat5. Par conséquent, les logements loués

4 L. n° 2014-366, 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme réno-vé : JCP N 2014, n° 15, 1161.

5 CCH, art. R. 634-1 : « Pour l’application des dispositions des articles L. 634-1 à L. 634-5, les logements mis en location ou faisant l’objet d’une nouvelle mise en location sont ceux dont le contrat est soumis au titre Ier ou au titre Ier bis de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Le contrat

à titre secondaire via des locations de courtes durées ne sont pas concernés par le dispositif6.

CONSEIL PRATIQUE

Ü Le notaire aura dès lors tout intérêt à mettre en place

une clause indiquant que l’acquisition du bien est hors du

champ d’application du « permis de louer ». Le futur proprié-

taire s’en trouvera rassuré d’autant que cette réglementation

est peu connue du grand public.

QUESTION 2

Quelle forme sociétaire privilégier lors de l’acqui-sition d’un logement meublé ayant vocation à être loué pour une courte durée ?

Pour les clients investisseurs désireux de procéder à leur acquisi-tion via une société, le rôle du notaire est primordial afin de les orienter et leur éviter bien des désagréments.

portant reconduction ou renouvellement de la location ou avenant à ce contrat n’est pas soumis à l’obligation de déclaration ».

6 Entrée en vigueur du dispositif le 5 avril 2017 (A. 27 mars 2017 : JO 4 avr. 2017).

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Très fréquemment nos acquéreurs font l’amalgame entre acqui-sition d’un bien immobilier et société civile immobilière (SCI). Cette dernière, à leur grand désespoir, est à proscrire absolument. Bien qu’avantageuse pour gérer un bien immobilier, la SCI est particulièrement inadaptée à la location meublée. En effet, les SCI qui pratiquent la location nue effectuent une activité civile. En revanche, la location meublée constitue du point de vue fis-cal, une activité commerciale. Par principe la SCI qui pratique de façon habituelle la location meublée, même de manière accessoire (même sur un seul des immeubles détenus), paralyse l’étendue de son activité (CGI, art. 206-2). Ainsi, la SCI devient alors commer-ciale par son objet et perd donc la transparence fiscale, et devient redevable de l’impôt sur les sociétés sur l’ensemble de ses béné-fices. Seule tolérance de la part de l’administration fiscale, l’hypo-thèse où le montant hors taxes des recettes de la SCI de nature commerciale n’excède pas 10 % du montant total de ses recettes HT… hypothèse d’école en pratique.Nous conseillerons par ailleurs, pour des raisons davantage juridiques que fiscales, de ne pas se tourner vers la société en nom collectif. Même si cette dernière revêt l’avantage d’une part, de ne pas être assujettie à l’impôt sur les sociétés et d’autre part, d’être parfaitement adaptée aux propriétaires qui recherchent un statut de loueur en meublé profes-sionnel ou non-professionnel ; il n’en demeure pas moins que la res-ponsabilité de chacun des associés est considérable puisqu’illimitée et solidaire. Fort heureusement, par le biais d’une société à responsabi-lité limitée, il peut être évité d’être assujetti à l’impôt sur les sociétés, et donc être soumis au régime des sociétés de personnes dans le cas où la société est constituée de personnes de la même famille proche7. Enfin, la perspective de la cession du bien loué est également un argument qui plaide en faveur d’une SARL à l’impôt sur le revenu. En présence d’associés soumis au statut des loueurs en meublé non professionnels, la plus-value de cession relèvera du régime des plus-values immobi-lières des particuliers ; cela évitera de régler une plus-value sur la qua-si-totalité du prix de vente comme cela peut s’avérer être le cas lorsque la société est soumise à l’impôt sur les sociétés du fait de la prise en compte des amortissements pratiqués sur le bien, dans le calcul de la plus-value professionnelle.

CONSEIL PRATIQUE

Ü Le rôle du notaire va être ici central. En amorce d’un

engagement contractuel sur un logement à acquérir, le futur

loueur doit prendre toute la mesure de son investissement.

Une prise de contact avec l’officier public sera plus que né-

cessaire afin d’évoquer, outre les incidences juridiques d’une

société, les impacts fiscaux et sociaux sur chacun des associés.

7 CGI, art. 239 bis AA : « Les sociétés à responsabilité limitée exerçant une acti-vité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, et formées uniquement entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et sœurs, ainsi que les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l’article 515-1 du code civil, peuvent opter pour le régime fiscal des sociétés de per-sonnes mentionné à l’article 8. L’option ne peut être exercée qu’avec l’accord de tous les associés. Elle cesse de produire ses effets dès que des personnes autres que celles prévues dans le présent article deviennent associées ».

QUESTION 3

Le propriétaire de meublé de tourisme doit-il effec-tuer des démarches particulières en mairie ?

Une réponse affirmative est ici à retenir mais elle nécessite quelques précisions.Tout d’abord, si le meublé est la résidence principale du loueur, ce dernier est dispensé de toute démarche en mairie. Rappelons que la résidence principale s’entend du logement occupé 8 mois minimum par an sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure. À l’inverse cela signifie que la résidence principale ne peut être louée plus de 4 mois dans l’année.Ensuite, si le meublé est la résidence secondaire du loueur, il devra se rendre à la mairie de la commune où est situé le meublé pour d’abord effectuer une déclaration (C. tourisme, art. L. 324-1-1, II

nouveau), et ce, que le meublé de tourisme soit classé ou non8. La déclaration en mairie de la commune où est situé le meublé doit être réalisée par le loueur sur imprimé Cerfa n° 14004*3 (C. tou-

risme, art. L. 324-1-1, II nouveau. – C. tourisme, art. D. 324-1-1). Ce dispositif est dissuasif pour le loueur, en l’absence de décla-ration de sa part il s’expose à une amende pouvant aller jusqu’à 450 €.Ensuite, aussi peut-être demander une autorisation préalable de

changement d’usage (CCH, art. L. 631-7). Le dernier alinéa dudit article dispose que constitue un changement d’usage « le fait de

louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée

pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas

domicile »9. Cette autorisation préalable est donc nécessaire afin de pouvoir modifier l’usage d’un logement en meublé de tou-risme (passage de l’habitation principale à une habitation meu-blée de courte durée). Attention, ce régime trouve à s’appliquer seulement dans certaines villes. Le loueur est en effet concerné s’il offre un logement meublé à Paris, dans une des communes de la petite couronne parisienne (départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) ou dans une commune de plus de 200 000 habitants. Étant précisé que le loueur pourra également être concerné dans toute commune où le conseil muni-cipal ou l’EPCI compétent aura délibéré en faveur d’un régime de procédure d’autorisation de changement d’usage (applicable dans les communes de plus de 50 000 habitants) ou sur décision de l’autorité administrative sur proposition du maire – dans les autres villes.

8 Le classement en meublé de tourisme, à l’instar du classement des autres hébergements touristiques, a pour objectif d’indiquer au client un niveau de confort et de prestation. Il constitue également un outil de commercia-lisation pour le loueur. Enfin, il permet de bénéficier de certains avantages fiscaux [abattement forfaitaire de 71 % sur les revenus de location au titre du régime des micro entreprises (CGI, art. 50-0), exonération de la taxe d’habitation et de la taxe foncière (CGI, art. 1407, III. – CGI, art. 1383 E bis)]. Le classement comporte 5 catégories allant de 1 à 5 étoiles, il est volon-taire et a une validité de 5 ans.

9 Il soumet donc la création de meublés de tourisme à la procédure de chan-gement d’usage supposant l’octroi d’une autorisation définitive moyennant compensation, ou d’une autorisation temporaire de l’article L. 631-7-1 A.

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Ici encore la mise en place de ce régime d’autorisation est large-ment dissuasive ; une absence d’autorisation exposera le loueur défaillant à une amende de 50 000 euros par logement ainsi qu’à une astreinte pouvant aller jusqu’à 1 000 € par jour et par m² jusqu’à régularisation (CCH, art. L. 651-2). À noter que des sanctions pénales pourront également frapper le loueur en cas de fausse déclaration, dissimulation ou tentative de dissimulation des locaux soumis à déclaration10.L’article L. 631-7 met enfin en place une véritable sanction sou-vent méconnue des propriétaires, en précisant que « Sont nuls de

plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du pré-

sent article ».Il faut souligner sur ce point que la jurisprudence est une riche source d’enseignements en la matière. Ainsi, la Cour de cassation est venue préciser par exemple que les dispositions d’ordre public de l’article L. 631-7 du CCH pouvaient être invoquées par toute personne y ayant intérêt, en ce compris le syndicat de coproprié-taires11. Ce dernier peut notamment soulever la nullité des baux ou des ventes consentis12. Très récemment la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer concernant une infraction aux dis-positions précitées en matière de sous-location meublée et n’a pas hésité à condamner le loueur récalcitrant à une forte amende13.Par ailleurs, dans les communes où le changement d’usage des lo-caux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable14 ; la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numé-rique a introduit un nouveau dispositif qui autorise les communes à mettre en place un nouveau système déclaratif concernant le meublé de tourisme (par délibération du Conseil municipal ou de l’EPCI compétent). Attention, ce régime s’applique qu’il s’agisse

de la résidence principale ou secondaire du loueur.

Il s’agit d’un téléservice donnant lieu à l’attribution d’un numéro

d’enregistrement, lequel doit figurer sur l’annonce de location publiée en ligne. Le décret n° 2017-678 du 28 avril 2017 relatif à la déclaration prévue au III de l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme et modifiant les articles D. 324-1 et D. 324-1-1 du même code apporte tous les éclaircissements nécessaires sur cette nou-velle procédure d’enregistrement15.

10 CCH, art. L. 651-3 : emprisonnement d’un an et amende de 80 €.

11 Cass. 3e civ., 15 janv. 2003, n° 01-03.076 : JurisData n° 2003-017315 ; Bull. civ. III, n° 8:

12 V. en ce sens H. Périnet-Marquet, Les meublés touristiques dans les immeubles en copropriété : JCP N 2017, n° 26, 1216.

13 Cass. 3e civ, 12 juill. 2018, n° 17-20.654 : JurisData n° 2018-012444 ; JCP N 2018, n° 29, act. 651.

14 V. supra.

15 Le numéro d’enregistrement sera applicable aux meublés de tourisme, ainsi qu’aux chambres chez l’habitant qui ne répondraient pas à la définition de la chambre d’hôtes. Les chambres d’hôtes sont donc exclues du disposi-tif, étant soumises à une déclaration en mairie en application de l’article L. 324-4 du Code du tourisme.

Il détermine les informations exigées pour l’enregistrement : ces informa-tions concernent le loueur (identité et coordonnées) et le meublé (adresse, caractéristiques, statut de résidence principale ou non).

Lors de sa déclaration par téléservice auprès de la mairie, le loueur se verra délivrer un numéro d’enregistrement composé de 13 caractères, qu’il devra publier dans son annonce en ligne.

Avec la loi Élan, un régime très largement dissuasif est venu com-pléter le dispositif applicable. Ainsi, dans les communes concer-nées par le dispositif, le propriétaire qui a déclaré le meublé de tourisme en tant que résidence principale, ne peut, sauf exception, le proposer à la location au-delà de 120 jours par année16.Désormais, et c’est une première, un propriétaire risque une amende de 5 000 euros en l’absence de numéro d’enregistrement et de 10 000 euros lorsque le logement est loué plus de 120 jours par an (la sentence sera identique si le loueur refuse de transmettre à la commune le décompte du nombre de jours de location) (C.

tourisme, art. L. 324-1-1-V, al. 1 et 2 nouveaux). Il appartiendra dès lors à la commune concernée de saisir, par l’intermédiaire de la procédure des référés, le tribunal de grande instance du lieu de situation du meublé de tourisme en cause.Les plateformes intermédiaires sont également mises à l’honneur sur le plan des sanctions... En effet, elles devront à présent veiller à ne publier que des annonces disposant de numéro d’enregistre-ment mais aussi informer chaque loueur des obligations de décla-ration lui incombant et ce, préalablement à toute mise en ligne d’une annonce (preuve à l’appui, via une déclaration sur l’hon-neur du propriétaire).Elles devront également, à l’instar de ce qui se passe pour les loueurs, communiquer à la commune le décompte du nombre de jours annuels où chaque meublé de tourisme a fait l’objet d’une mise à disposition par son entremise (C. tourisme, art. L. 324-2-

1-II, al. 1 nouveau).En l’absence de numéro d’enregistrement ou de non-respect de leur obligation d’information, les plateformes s’exposent à une amende de 12 500 euros par logement. Enfin, en cas de refus de bloquer les annonces dépassant la durée légale de 120 jours par an ou de transmettre aux villes le décompte des nuitées d’un loge-ment, elles encourent une amende qui peut atteindre 50 000 eu-ros par logement (C. tourisme, art. L. 324-2-1-III, al. 1, 2 et 3

nouveau). La procédure des référés à l’initiative de la commune s’effectue également dans ces hypothèses auprès du tribunal de grande instance.

CONSEIL PRATIQUE

Ü Le notaire doit dès lors être en mesure d’identifier

chaque situation quant aux différents régimes applicables ;

d’une part, s’agissant de la qualification du logement en qua-

lité de résidence principale ou secondaire ; d’autre part, quant

à la mise en place éventuelle au sein de la commune concernée

de la procédure de téléservice.

Les conséquences pécuniaires des derniers dispositifs légis-

latifs mis en place doivent être abordées et insérées impérati-

vement dès la conclusion de l’avant-contrat.

16 C. tourisme, art. L. 324-1-1-IV (en outre, jusqu’à la fin de l’année civile qui suit la mise en location la commune peut enjoindre le loueur de lui pro-duire le décompte du nombre de jours où le logement a été loué).

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QUESTION 4

Le règlement de copropriété peut-il contenir des res-trictions à la location de meublé de tourisme ?

Oui, et d’ailleurs avant d’investir en vue de louer meublé, il est primordial de bien se renseigner sur ce point17.La fréquence et la quiétude d’un immeuble d’habitation se trouvent bien évidemment impactées par l’expansion de meu-blé de tourisme. La clientèle n’a pas pour priorité, le temps d’un court séjour, de participer au calme d’une copropriété… ce qui est compréhensible !Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient jus-tifiées par la destination de l’immeuble18 et chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres coproprié-taires ni à la destination de l’immeuble19.Jusqu’à une période récente le fait de louer un logement en meublé ne contrevenait en rien, selon la jurisprudence, à la destination d’habitation de l’immeuble20, sauf à ce que le règlement de copro-priété prohibe formellement de telles locations21. La jurisprudence se montrait assez souple car elle établissait un parallèle de la clien-tèle des meublés de tourisme avec celle des professions libérales22.Depuis quelques années cependant, les juges du fond se sont mon-trés davantage sévères et la cour d’appel de Paris (régulièrement saisie en la matière compte-tenu de l’importante fréquentation des touristes sur l’agglomération parisienne) a eu l’occasion de venir préciser qu’il y avait lieu désormais de différencier les loca-tions meublées dites classiques – étudiantes par exemple, des loca-tions de courte durée. Ainsi, la cour d’appel de Paris va déclarer les premières conformes à une clause d’habitation bourgeoise contrairement aux secondes assimilées pour leur part à une acti-vité commerciale23.Récemment, la 3e chambre civile de la Cour de cassation est allée encore plus loin, et par un arrêt du 8 mars 2018, est venue ad-mettre que les locations meublées touristiques ne correspondent pas à la destination d’un immeuble à usage mixte (habitation/

17 Nous invitons nos lecteurs en s’en référer pour plus de précisions à l’étude de H. Périnet-Marquet (préc. note 12).

18 L. 10 juill. 1965, art. 8.

19 L. 10 juill. 1965, art. 9, al. 1er.

20 Cass. 3e civ., 26 nov. 2003, n° 02-14.158. – Cass. 3e civ., 22 mai 2012, n° 11-10.032.

21 CA Rennes, 1re ch., B, 26 sept. 2008, n° 07/03643.

22 CA Paris, pôle 4, ch. 2, 3 févr. 2010, n° 09/00448.

23 CA Paris, pôle 4, ch. 2, 11 sept. 2013, n° 11/12572 : JurisData n° 2013-019520. – CA Paris, pôle 4, ch. 2, 21 mai 2014, n° 12/17679 : JurisData n° 2014-011746. – CA Paris, pôle 4, ch. 2, 21 mai 2014, n° 12/14333 : JurisData n° 2014-011745.

professionnel)24. Dans cette espèce la Haute Juridiction devait se prononcer sur la question de savoir si les clauses d’un règlement de copropriété relatives à la destination d’un immeuble étaient susceptibles d’entraver le droit pour un copropriétaire de trans-former des appartements en studios meublés en vue de leur loca-tion à des touristes ou des étudiants.La Cour de cassation répond par l’affirmative à cette interrogation :« Attendu qu’ayant retenu qu’il résultait des stipulations du règle-ment de copropriété que l’immeuble était principalement à usage d’habitation, avec possibilité d’usage mixte professionnel-habita-tion et à l’exclusion de toute activité commerciale, ce qui privi-légiait son caractère résidentiel qui était confirmé, dans sa durée et sa stabilité, par l’obligation pour le copropriétaire d’aviser le syndic de l’existence d’un bail et constaté que M. X... et la société X... J... avaient installé dans les lieux des occupants, pour de très brèves périodes, ou même des longs séjours, dans des « hôtels stu-dios meublés » avec prestations de services, la cour d’appel, qui en a souverainement déduit que ces rotations des périodes de loca-tion ne correspondaient pas à la destination de l’immeuble, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».Cette décision rejoint donc la position de la jurisprudence récente avec l’objectif d’un respect strict de la conformité des locations de courtes durées avec les stipulations du règlement de copropriété.Désormais, les locations de meublés de tourisme demeurent illi-cites tant en présence d’une clause d’habitation bourgeoise exclu-sive que d’un usage mixte habitation/professionnel.Pour légitimer une activité de meublé de tourisme le règlement de copropriété devra donc comporter soit une clause visant expressé-ment de telles locations, soit la stipulation d’un usage commercial.Si cette solution paraissait jadis sévère, car prise au seul chef de la tranquillité des habitants permanents d’un immeuble au regard des allées et venues d’une clientèle non seulement diurne… elle trouve aujourd’hui également sa source dans le fait qu’elle par-ticipe à freiner la concurrence faite aux établissements hôteliers professionnels, mais aussi à tenter de redonner un toit à tous ceux qui recherchent un logement à l’année dans nos grandes agglomé-rations, engagés dans un véritable marathon.

REMARQUE

Ü Aujourd’hui, avec l’évolution de la jurisprudence, le no-

taire est parfaitement en mesure de connaître le sort réservé

aux meublés de tourisme au regard d’un règlement de copro-

priété. Le traitement réservé à ces derniers se clarifie25 et ils ne

sont plus assimilables tant à une activité libérale qu’à des loca-

tions de meublés classiques. La clause d’habitation bourgeoise

doit désormais attirer toute l’attention de l’officier public en

présence d’un meublé de tourisme... car susceptible d’attirer

les foudres du syndic chargé de veiller au respect des règles

édictées par le règlement de copropriété. n

24 Cass. 3e civ., 8 mars 2018, n° 14-15.864 : JurisData n° 2018-003731.

25 Sous réserve de la position de la Cour de cassation en la matière.