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Grécia Un autre monde existe déjà N°18 • avril - juin • 2014 Brésil Mexique Grèce Russie Afrique du sud Salvador Italie Argentine États-Unis Palestine AUTONOMIES Argentine Une université transhumante Grèce La santé d’en bas Mexique Les zapatistes inspirent le monde Afrique du sud La vie contre le nouvel apartheid Revue de Quartier trimestrielle

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Grécia

Un autre monde existe déjà

N°18

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- jui

n •

2014

Brésil • Mexique • Grèce • Russie • Afrique du sud • Salvador • Italie • Argentine • États-Unis • Palestine

AUTONOMIES

ArgentineUne université transhumante

GrèceLa santé d’en bas

MexiqueLes zapatistesinspirent le monde

Afrique du sudLa vie contre le nouvel apartheid

Revue de Quartier trimestrielle

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desinformemonos.org

G l o c a lUn Regard

Desinformémonos Revista Barrial, est une publication trimestrielle éditée par Periodismo

de Abajo AC, en sept langues: espagnol, anglais, français, allemand, italien, russe et portugais. Il peut se télécharger librement sur Internet et être distribué en format revue, être collé comme un journal mural dans des espaces libres et/ou être réparti comme

feuille volante.

Cette revue est sous licence Creative Commons (CC BY-NC-SA 2.5 MX), les textes et photos sont distribués sous la même. Certains droits réservés.

[email protected]

Direction

Gloria Muñoz Ramírez

Directrice adjointe

Adazahira Chávez

Traduction

Traducteurs Solidaires

Design

atelier.mx

Collaborateurs pour ce numéro

Argentine: María Coco Magallanes, Mario Canek Huerta, Zanón Fábrica sin Patrón et Groupe de soutien à Fasinpat; Brésil:

Gabriela Moncau et Waldo Lao; Salvador: Ricardo Martínez Martínez; États-Unis: Kilombo Intergaláctico; Grèce: Marina

Demetriadou; Italie: Alejandro González; Mexique: Jaime Quintana et Hermann

Bellinghausen; Palestine: Gloria Muñoz; Russie: Katerina Girich; Afrique du sud:

Richard Pithouse.

DIRECTOIRE

Pour la revue de quartier Desinformémonos il n’y a pas les grandes expériences de luttes d’un côté et les petites de l’autre. Quelque soit la taille des histoires que l’on tente de dépeindre dans ce numéro, il s’agit de l’organisation des

peuples ici et maintenant, pas pour après les grands changements et la révolution. Ce sont des histoires qui se tissent en marge de l’État dans lesquelles organisations et collectifs revendiquent leur droit à décider et à suivre leur propre chemin.

Les processus d’autonomie des peuples indigènes sont faciles à expliquer tant l’esprit communautaire y est ancré depuis le début. Mais on parle peu du défi de créer communautés ou autogestion, loin des pouvoirs hégémoniques et autres structures de doomination sur le réel, dans les métropoles où opèrent individualisme, compétition, avarice, en bref : les relations capitalistes. C’est pour ça que les expériences à contre-courant ont une importance particulière dans ce numéro.

Une caractéristique commune est que ces expériences d’autonomie se construisent en rébellion, sans aucune permission, le pouvoir les considérant de fait comme une menace à l’ordre établi. Elles sont aussi, dans leur pratique quotidienne, radicales, car elles rompent avec les pratiques clientélistes de l’État structuré du haut vers le bas et sont en rupture avec les stratégies de gestion des partis politiques, lesquels ne souhaitent que les faire rentrer dans leur rang - ou les voir disparaître. Souterraines et horizontales, ces expériences se tissent sans leadership ni décisions unilatérales.

Avec Un autre monde existe déjà nous ne voulons pas être faussement optimistes, ni généraliser, ni théoriser. Nous nous sommes donnés la tâche de recueillir des expériences de libération de peuples et collectifs créateurs d’histoires dans des territoires divers, depuis un terrain de foot au Brésil jusqu’à des milliers de communautés organisées au Chiapas. Des histoires qui suivent le même chemin en Argentine qu’en Russie, au Salvador ou en Afrique du sud, en Grèce, en Palestine, en Italie, et même aux États-Unis, coeur du monstre.

Ce sont des histoires collectives, vitales, créatives. Il est quasi impossible de parler d’elles sans se réferer à une de leurs grandes sources, l’inspiration mondiale d’un autre monde possible : l’autonomie des communautés indigènes zapatistes du Mexique où se construit un autre mode de gouvernement dans lequel celui qui commande commande en obéissant.

Le virus de la rébellion se répand sur les cinq continents.

Ce sont ici quelques morceaux isolés d’un casse-tête qui lance quand même le défi de s’armer.

Photos : Gerasimos Koilakos, Gabriela Moncau, Alexander Chemeris, Maria Novella de Luca et Valerio Nicollosi / FoolFrame Project, Fabiana, Wissam Nassar/ MaanImages, Casa Mafalda,

Fútbol Rebelde, ComuneInfo, Teatro Valle Ocupado, Dphinfo, Occupy Cop17, Comunidad de Santa Marta, DGH, MessagefromMoscow, Fasinpat, Universidad Trashumante, Colors et Kilombo

Intergaláctico.

Un autre monde existe déjàAUTONOMIES

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N°18 • avril - juin • 2014

Brésil

L’autre visage du football à Sao Paulo

Un collectif de football a créé Casa Mafalda, lieu où les personnes peuvent se divertir, faire du sport et discuter avec les mouvements sociaux. “C’est un morceau de ce qu’on appelle un autre monde possible”, selon ses créateurs.

Texte original : Gabriela Moncau • Photos : Casa Mafalda et Futbol Rebelde

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Sao Paulo, Brésil. Un espace autonome et alternatif à la culture marchande vit à Sao Paulo. L’idée de la Casa Mafalda vient de deux équipes de foot (l’une féminine et l’autre masculine), Autónomos y Autónomas FC, fondées en 2006 et autogérées par des punks, des anarchistes, des activistes de Sao Paulo.

En 2011, plusieurs espaces autogérés similaires ont fermé leurs portes à cause de difficultés structurelles et financières. À cause du vide laissé par ces fermetures, le club de foot-collectif a décidé de mettre en pratique son idée.

Dans l’ancien studio de musique qui aujourd’hui abrite la Casa Mafalda se déroulent différentes activités. On y présente des vidéos sur la catharsis collective que le football provoque. Le collectif Arte Libertario, inspiré par les muralistes mexicains, se charge de peindre le salon principal. L’extérieur de la maison a été décoré de graffitis. Y ont aussi eu lieu des débats sur cet espace et sa relation avec les autres mouvements sociaux.

“La culture et les valeurs du marché absorbent de plus en plus les gens. Refaire le monde avec une vision contraire est une des choses les plus importantes qu’on puisse faire à Casa Mafalda”, explique Gabriel Brito, membre de l’équipe. “Offrir un espace où écouter la voix des mouvements sociaux qui luttent pour une société plus juste, tout comme discuter d’idées politiques, est une de ses fonctions fondamentales, comme le fait de promouvoir diverses formes de culture”, explique-t-il.

Les principes de l’équipe de foot – anticapitalisme, antifascisme, antiracisme, antisexisme – se réflètent dans les activités de l’espace. “Casa Mafalda est avec les mouvements sociaux, avec les amateurs de foot et avec qui est opposé à la marchandisation du meilleur sport du monde», note Gabriel.

En plus de jouer au foot, les membres du club participent aussi aux mouvements sociaux comme le Movimiento por el Pase Libre (MPL), le Frente de Lucha por Morada (FLM), le Grupo Carnavalesco Hijos de Santa ou encore la Asociación Nacional de los Aficionados.

Autogestion de l’espace

Le groupe a mis en place un système de parrainage/marrainage de l’espace pour rassembler les dons : suivant la quantité reçue, les personnes reçoivent quelques heures de répétition dans le studio (si elles ont un groupe), une date gratuite pour réaliser ses événements, des entrées libres les jours de spectacles, des t-shirts...

Bien qu’Autónomos y Autónomas FC soit à la base du projet, d’autres groupes et mouvements se sont joints à la cause. Brito fait remarquer que s’ils ont commencé bénévolement ils espèrent “une fois les dettes payées pouvoir fonctionner comme un système de travail rémunéré juste”.

La Casa Mafalda ne cherche pas le profit. L’argent, après le remboursement des emprunts et la paiement des travailleurs, sera investi dans Autónomos y Autónomas FC projets – parmi lesquels une équipe de foot junior, un Mondial Alternatif et un journal papier.

Pour Gabriel, l’idée est de faire de cet espace un “morceau de ce que beaucoup appellent “un autre monde possible”, avec justice sociale, égalité, solidarité et respect des droits de tous les groupes sociaux discriminés et violentés actuellement”.

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Le Mouvement de la pomme de terreL’initiative de vente de pommes de terre au travers de réseaux est un exemple du haut niveau d’organisation et de solidarité, comme veut le démontrer l’initiative O topos mu: “nous pouvons arriver à beaucoup de choses sans l’État”.Texte original : Marina Demetriadou • Photo : Gerasimos Koilakos

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Piérie, Grèce. Dans la petite ville de Katerini (55 000 habitants) située au nord de la Grèce s’est organisé le « Mouvement de la pomme de terre » : un groupe de consommateurs a directement contacté des producteurs de pomme de terre de la région de Kato Nevrokopi, et s’est mis d’accord avec eux pour les vendre 25 centimes d’euro le kilo de pommes de terre (un tiers du prix fixé par les supermarchés) pour 24 tonnes de pommes de terre, rassemblant les demandes par Internet afin que la vente soit garantie. L’offre a eu un énorme succès, et le procédé a été réutilisé pour 75 tonnes de plus avant d’essaimer dans d’autres villes de Grèce.

O topos mu (« chez moi ») est un groupe bénévole du district de Piérie. Il a eu une existence très importante dans la ville de Katerini avant le Mouvement de la pomme de terre, à savoir dès 2007, où il a été fondé de manière

non-officielle, parce que, ses membres le reconnaissent, ils ne

voulaient pas d’une reconnaissance légale. Au départ, 4 ou 5 personnes, suite aux grands incendies du sud du pays, sont allées voir les pompiers pour leur demander ce qu’ils pouvaient faire en cas d’incendie similaire sur le proche Mont Olympe, montagne de dieux. « Je donne un jour de mon été à la forêt » a été la première d’une série d’actions, consistant à semer des graines d’arbres ou à protéger la montagne de l’éco-business et autres activités sportives agressives pour la nature (comme le héli-ski ou les rallyes).

En 2009, les membres de O topo mu ont fait partie du mouvement « Je ne paierai pas » qui exigeait le libre accès aux routes publiques, sans péage à payer. En 2011 le groupe a appuyé le mouvement contre l’impôt extraordinaire du service d’électricité, et a formé des groupes de soutien pour reconnecter à l’énergie électrique les maisons qui en avait été privées à cause du refus de paiement de la nouvelle

taxe. Un peu plus tard le collectif a ouvert avec succès un magasin gratuit, où les produits sont donnés pour les familles sans argent. Les « O topos mu » souhaitent ainsi ouvrir un centre médical avec des bénévoles, pour rendre gratuites les consultations et thérapies.

L’initiative du Mouvement de la pomme de terre a eu un impact direct : un des supermarchés du coin, durant la semaine des demandes par Internet, a baissé le prix de la pomme de terre de 70 à 35 centimes par kilo, pour un achat minimum de dix kilos. C’était, précisément, le but de l’initiative : donner un coup à la spéculation sur les prix qui affecte les consommateurs et fait chanter les producteurs.

L’initiative de vente de pommes de terre au travers de réseaux est un exemple du haut niveau d’organisation et de solidarité, comme veut le démontrer l’initiative O topos mu : « nous pouvons arriver à beaucoup de choses sans l’État ».

N°18 • avril - juin • 2014

Grèce

BAISSE DES PRIXLa vente de pommes de terre par Internet a mis la pression sur les supermarchés pour qu’ils baissent leurs prix.

Taux dechange au 19-03-14

Magasins

Autres actions de O topos mu

MagasinsO Topus mu

Par kilo

À partir de 10 kg

Je donne un jour de mon été à la forêt a été une série d’actionns écologiques sur le mont Olympe.

Je ne paierai pas exigeait le libre accès aux routes publiques.

O topos mu a soutenu le mouvement contre la taxe extraordinaire du service d’électricité.

$1.38

dollar

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Sotiris, commerçant grec, 50 ans : « je n’ai ni travail ni sécurité sociale, c’est pour ça que je suis ici. Ce lieu est important pour le rôle qu’il joue dans la crise. S’il n’existait pas, que ferions-nous ?

Texte original : Gloria Muñoz Ramirez • Photo : Gabriela Moncau

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Salonique, Grèce. À cause de la crise économique qui étrangle la Grèce depuis 2007, il n’y a dans les hôpitaux ni le matériel ni les médecins nécessités, même pour ceux qui ont une couverture sociale, vu que le secteur de la santé publique est, de fait, un des plus touchés par les politiques d’austérité.

Le Centre de Santé Solidaire

Au premier étage de l’immeuble de la Confédération Générale des travailleurs de Grèce a lieu un permanent aller-retour de médecins, de patients et d’autres personnes qui arrivent avec des médicaments pour la pharmacie. Pendant que des bénévoles classent ces derniers en attendant les demandes des médecins, la réceptionniste fait entrer les patients dans une salle d’attente pleine

à craquer. Les consultations de médecine générale, neurologie, psychologie et pédiatrie sont au maximum de leurs capacités – et on ne parle même pas de l’odontologie. Une banderole est déployée à l’entrée : « Centre de Santé Solidaire ».

Sotiris, commerçant grec, 50 ans : « je n’ai ni travail ni sécurité sociale, c’est pour ça que je suis ici. Ce lieu est important pour le rôle qu’il joue dans la crise. S’il n’existait pas, que ferions-nous ?

Le Centre a été ouvert le 7 novembre 2011 et depuis le quota maximum est atteint. Ce Centre est formé de 40 dentistes et 20 assistants, 30 psychiatres et psychologues, 15 généralistes, 20 pédiatres, 30 personnes à la réception et 20 à la pharmacie, auxquels il faut ajouter un réseau de médecins qui y tiennent leurs consultations particulières et qui coopèrent avec le Centre. Eux aussi s’occupent sans les faire payer des patients qu’on leur envoie ; ce sont au total 40 spécialistes de plus, cardiologues, orthopédistes, gynécologues, etc.

La Dr Cristina, membre du projet, explique : « il faut ajouter 200 personnes en soutien, ainsi que l’aide donnée par certains laboratoires et centres de radiologie. Les besoins des patients sont multiples et mener à bien les analyses coûte cher, c’est pour ça qu’on a pris la décision de payer les analyses mais pas la consultation médicale. »

Une des merveilles de cet effort est qu’ils ne reçoivent de l’argent ni de l’État, ni de l’Union Européenne, ni des multinationales. Quand la municipalité leur a offert 10 000 euros, ils les ont refusés : « nous ne pouvions pas accepter un soutien d’un organisme qui tous les jours attaque les immigrés et les chasse des places où ils vendent leur marchandise ».

Le soutien vient de syndicats, des groupes culturels ou politiques non partidaires. La source la plus importantes de revenus vient

d’activités organisées dans ce but, telles que concerts ou expositions. Tout sert à couvrir les dépenses mensuelles, 3000 euros, sans que personne ne touche rien. « Et jusqu’ici, on y est arrivées », font remarquer, non sans fierté, Anastasia et Cristina.

Médecins, dentistes, psychiatres, laboratoire d’analyses médicales, activistes, construisent une santé d’en bas

SaloniquePiérie

N°18 • avril - juin • 2014

Grèce

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Pise, Italie. Le squat Municipe des Biens Communs, ancienne fabrique de peinture, est désormais un espace où survivre face à la crise et reconstruire le tissu social. Né en 2012 en tant qu’initiative de la Coordination Rebelle de Pise, il s’est ouvert depuis. La multinationale J-Colors, propriétaire des lieux, a déposé plainte, après un peu plus de 15 ans d’abandon, mais les occupants ne sont pas prêts à se laisser expulser.

Francesco Biagi, membre de la Coordination, raconte que cette dernière est un collectif universitaire né du contre-sommet du G8 à Gênes en 2001. En 2003, ses membres ont occupé un bâtiment abandonné de l’université de Pise. Après l’expulsion vint une autre occupation, et de plus en plus d’étudiants rejoignirent l’expérience. Malgré ça, il manquait toujours un espace d’usage populaire en ville.

Sous la pression, le maire leur octroie un bâtiment, mais en 2008, consécutivement au changement des autorités municipales et aux dénonciations par la Coordination de ses attitudes racistes, il le leur a été repris. « Ainsi, on a eu l’idée d’ouvrir un nouvel espace pour notre compte », se souvient l’activiste.

« Nous nous sommes décidés pour une usine de peinture abandonnée, symbole de la crise économique. Elle appartenait à un entrepreneur local qui a fait faillite en 1998 et qui l’a vendue à la multinationale J-Colors. L’entreprise a fermé quelques mois plus tard pour aller s’installer en Chine, laissant des dizaines de personnes sans emploi et une structure de 14 000 mètres carrés à l’abandon », raconte Biagi.

Pour l’occupation, en octobre 2012, ont uni leurs forces individus et collectifs engagés avec le projet. « En est né le Municipe des Biens Communs », résume l’activiste. Le nom n’a pas été choisi au hasard. « Nous considérons que le zapatisme est un exemple politique que nous devons revendiquer avec force. Nous tenions à l’appeler « Municipe » à cause du principe

de démocratie directe ».

le concept de bien commun est né en Italie avec la campagne pour le gestion publique de l’eau, « mais nous voulions aller plus loin. Il n’y a pas que l’air, la nature ou l’eau qui sont des biens communs, il

y a aussi le territoire et les espaces sociaux. Cette usine a été expulsée par le capitalisme, qui l’a depuis abandonnée, et maintenant nous l’occupons, en prenons soin, la transformons », détaille l’activiste.

Gestion de l’espace

Les activités du Municipe sont diverses : repas populaires, gymnase, cours d’arabe, et un espace pour des assemblées de collectifs. On organise le lieu lors d’une réunion générale. En plus des tours de nettoyage, de nourriture ou de sécurité, il y a des commissions spécifiques pour la logistique.

« La chose la plus belle est que tu rencontres des gens de tous les âges. Les ateliers d’artisanat, de charpente ou de ferronnerie sont menés par des gens d’âge mûr. La partie étudiante existe et est importante, mais n’est pas fondamentale », décrit Biagi, enthousiasmé. « C’est un espace véritablement occupé par les gens. On y fait des fêtes de quartier, qui incluent les migrants. L’espace réunit aussi différentes sensibilités politiques. Le squat est horizontal, mais la pratique zapatiste est un exemple. Nous voulions unir les gens en bas à gauche », raconte-t-il.

Italie

Un municipe zapatiste se met sur pied à PiseInspiré par les idées d’autonomie et d’horizontalité, un groupe de personnes d’origines diverses construit, au jour le jour, un espace culturel et politique, dans une usine ruinée par la crise. Texte original : Alejandro Gonzalez • Photo : Comune Info

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spectateurs, de nombreux artistes connus offrent des spectacles solidaires pour soutenir la lutte.

Ici, tous les jours, les lumières s’allument, le rideau se lève et le spectacle continue.

Lever de rideau : art en autogestion dans un théâtre historique squatté

Le théâtre de quatre étages où, dit-on, Mozart serait venu, a de nouveau rompu catégorieset barrières entre musique, théâtre et danse, revenant à un lieu les genres se mélangent.

Texte original : Alejandro González Ledesma et Gloria Muñoz Ramírez • Photo : Teatro Valle Ocupado et Fabiana

Rome, Italie. Au centre de Rome, à trente mètres du Sénat, se dresse un des premiers théâtre qui a vu naître l’opéra. C’est le théâtre Valle, construit en 1727, majestueux et historique, fermé à cause des baisses du budget de la culture en 2010 et occupé depuis le 14 juin 2011 par des artistes, techniciens, directeurs de théâtre, danseuses et activistes qui, depuis lors, ont rallumé les lumières et levé le rideau, avec des spectacles, concerts, ateliers et autres centaines d’activités réalisées tous les jours, de manière autogérée.

L’enthousiasme déborde. Personne ne pensait qu’un tel lieu historique pouvait être occupé de manière « illégale mais légitime » aussi longtemps. Ce sont les occupants, artistes, techniciens, réalisateurs de cinéma, metteurs en scène de théâtre, musiciens et gens ordinaires qui forment cette communauté née de l’organisation et des innombrables questions que posent le soutien à une telle initiative.

Les défis sont nombreux. « Nous occupons et gouvernons le théâtre en en faisant beaucoup plus que ce qu’il s’y faisait avant, travaillant sur la communication, l’organisation, et toute la technique que requiert une telle scène, avec une programmation quotidienne faite pour que les artistes qui viennent ici soutiennent la lutte ». En résumé, ils essayent de construire, « dans ce pays, une forme de politique

au travers de la coopération, de l’horizontalité et de formes de démocratie directe ».

Le théâtre de quatre étages où, dit-on, Mozart serait venu, a été novateur dès sa naissance et perpétuel lieu de scandales. Au début du XXe siècle les acteurs entraient et sortaient de scène à la manière de Brecht, en faisant encore parler d’eux. Il y a de nouveau été rompu catégories et barrières entre musique, théâtre et danse, revenant à un lieu les genres se mélangent. II s’agit d’acteurs, d’écrivains, de compositeurs et de danseuses unis, « ce qui est très rare en Italie où on travaille en petites compagnies isolées ».

La lutte zapatiste, remarquent acteurs et activistes, « a été une référence très forte. Nombre de nos formes d’organisations viennent du Chiapas, de la récupération des terres, de l’organisation horizontale et de la formation dans des écoles populaires, mais aussi des expériences d’Argentine et des Sans-terre du Brésil, entre autres ».

Le maintien dans ce lieu est une vaste question. Il n’y a actuellement aucune rétribution pour les occupants ou les artistes, et on travaille à la collecte de fonds pour maintenir l’espace et pour constituer la fondation « Théâtre Valle, bien commun » - statut qui donnerait des garanties légales à l’occupation. Heureusement le soutien ne manque pas, et, outre la collaboration des

Italie

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Pise Rome

N°18 • avril - juin • 2014

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La Revue de Quartier de Desinformémonos existe grâce à :

CGT Valencia y CGT Murcia.

Cádiz No. 152Colonia Álamos,

Delegación Benito Juárez

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facebook:Maya Vinic

[email protected]

espacio + comunidad

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En Campeche, Méxicowww.casabalche.com

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Contre la nouvelle ségrégation, le mouvement Abahlali baseMjondolo construit une autre ville

Abahlali baseMjondolo est capable de résister avec succès aux expulsions ; de construire de nouveaux quartiers ; d’accéder aux services de l’État sans adhérer au moindre parti politique.

Texte original : Richard Pithouse / DPH info • Photos : Dph info et Occupy Cop 17

Afrique du sud

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Durban, Afrique du sud. La répression contre le mouvement d’habitants de bidonvilles Abahlali baseMjondolo est forte, mais ne les fait pas dévier de leur ligne : décider et construire où et comment vivre, indépendamment des partis politiques, groupes au pouvoir, intellectuels et ONG. Et avec la défense de leurs quartiers et le mise en route de projets collectifs, ils y arrivent petit à petit.

Pour tourner la page de l’apartheid en Afrique du sud a été garantit le droit au logement, mais au fil du temps l’État considère les baraquements des pauvres comme des menaces envers la modernité, quartiers précaires à éradiquer plutôt que communautés à intégrer. Sa stratégie est de limiter ses services, eau, électricité, enlèvement des ordures ; l’usage de la violence pour limiter l’expansion ; la destruction des quartiers établis et le regroupement des habitants en périphérie.

En réponse, ont surgi en ville des mouvements sociaux contre le nouvel apartheid de de classe. A Durban en 2005 est né le mouvement Abahlali baseMjondolo face à la tentative d’expulsion du bidonville de Kennedy Road.

Il s’agit d’un projet politique autonome basé un sentiment de préoccupation d’autrui ; une culture politique lente, profondément démocratique et délibérée ; une diversité impressionnante d’ethnies, « races » et nationalités.

Abahlali baseMjondolo est capable de résister avec succès aux expulsions ; de construire de nouveaux quartiers ; d’accéder aux services de l’État sans adhérer au moindre parti politique ; d’entreprendre des projets de soutien mutuels ; de connecter (illégalement) des milliers de personnes aux réseaux d’électricité et d’eau ; de s’opposer à l’oppression politique ; de démocratiser la gestion des quartiers et de lutter pour la terre et le logement, à la campagne comme à la ville.

Dans quelques-uns de ces baraquements, Abahlali baseMjondolo implante avec succès des projets comme des garderies, des potagers, des collectifs de couture, du soutien aux orphelins et aux malades du Sida, et, en plus, un championnat de foot de 16 équipes et des nuits musicales de genres divers.

Abahlali baseMjondolo mène aussi réunions et campagnes où viennent ONG, universitaires et

avocats disposés à travailler pour le mouvement en se basant sur le respect mutuel.

Les quartiers affiliés au mouvement sont traités comme des territoire dissidents par la police et les forces militaires. Les manifestations y sont illégalement interdites et attaquées. Mais malgré les difficultés, les avancées d’Abahlali baseMjondolo sont considérables. Une Université Abahlali baseMjondolo a été établie, et parmi les discussions qui y ont eu lieu il a été décidé de protéger l’autonomie du mouvement, de ne travailler qu’avec des ONG et si elles sont d’accord pour le faire sur la base de la réciprocité. Comme le dit le président du mouvement, S’buZikode : « nous ne voulons pas qu’ils pensent pour nous et qu’ils parlent en notre nom. Nous ne sommes pas disposés à écouter quelqu’un nous parler de l’ordre. Mais nous sommes prêts à discuter avec tout le monde ».

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Mexique

Téléphonie mobile zapotèque, communautaire et autonomeUn projet de communication tout à fait nouveau et qui fonctionne collectivement est né dans les communautés indigènes de Oaxaca. Il rend service aux personnes qui n’intéressent pas le marché.Texte original : Jaime Quintana Guerrero • Photo : Alexander Chemeris

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Oaxaca, Mexique. Dans des communautés indigènes de la Sierra Negra de Oaxaca est en train de s’installer un

système de téléphonie mobile communautaire, un projet social de communication unique au monde qui cherche un modèle de gestion semblable à celui des radios communautaires.

Ce projet a pour origine la communauté zapotèque Talea de Castro. L’esprit en est “qu’une communauté puisse gérer son propre système”, déclare Pedro Flores, coordinateur de l’initiative.

Au Mexique, il existe 50 000 communautés indigènes privées de service téléphonique. Depuis plus de 10 ans, pour obtenir ce service, elles ont sollicité les grandes entreprises qui ont répondu qu’il n’était pas rentable d’investir dans des zones reculées. C’est ce que nous explique Flores qui est membre de Rhizomatica, le collectif promoteur du projet de communication.

Dans les communautés indigènes, avoir un téléphone d’une marque donnée est le signe d’un certain statut social, mais il a aussi une certaine utilité, déclare Flores : “Les jeunes l’utilisent pour écouter de la musique et voir des vidéos. C’est aussi une lampe électrique ou une calculatrice, et il sert pour écouter la radio. Nous avons remarqué que les appareils existent, qu’un grand nombre de personnes les utilisent, il ne manque que le réseau”. Un des défis du projet est de ne pas encourager le

consumérisme. “Nous ne voulons pas contribuer à rendre les peuples dépendants de la technologie”.

La communauté Talea de Castro est heureuse, non seulement de bénéficier du service, mais aussi parce qu’il lui est propre. Les fonds ont été réunis pour acheter le matériel et “il a été décidé de fixer des limites de temps. Au bout de cinq minutes, l’appel est coupé pour donner la possibilité à quelqu’un d’autre d’utiliser le service”, explique Flores. « Le plus compliqué, pour configurer l’installation, a été d’intégrer les décisions de la communauté».

La communauté zapotèque, parmi laquelle il y a beaucoup de migrants, économise beaucoup d’argent avec ce système. Il existe un numéro de téléphone dans la communauté et d’autres pour Los Angeles et Seattle aux États-Unis. Quelqu’un qui dépensait six pesos pour appeler ne dépense plus maintenant que cinquante centimes.

“Le système comporte des numéros publics qui se connectent à un ordinateur relié à un commutateur qui localise le téléphone de la personne à qui tu veux parler”, explique le coordinateur. Le résultat est que l’usage du téléphone est devenu plus populaire, facilitant la communication interpersonnelle et la solution des problèmes quotidiens.

“Alors, des employés des compagnies privées sont arrivés pour parler à des membres de la communauté, en leur disant: nous avons appris que vous aviez déjà votre propre téléphonie et nous voulons lancer notre service ici. Ils prétendaient profiter du réseau déjà installé pour mettre des téléphones dans les maisons, mais la réponse de la communauté a été de refuser qu’ils viennent faire de l’argent sur son dos et de dire que le service proposé ne l’intéressait pas, étant donné qu’elle disposait déjà de son propre réseau”, raconte Flores.

Parmi les différents défis il y a d’abord le défi légal, car, bien que la Commission Fédérale de Téléphonie (COFETEL) leur ait accordé un permis de deux ans, elle leur demande de fournir un projet qui englobe quatre États pour rendre le réseau opérationnel. Le deuxième défi est technologique, parce qu’ils ont besoin d’un matériel moins coûteux. Le troisième défi concerne l’organisation, la gestion et l’administration de la communauté. “Nous sommes en train de discuter avec les communautés et cela pourrait être comme une radio communautaire”, signale Flores. Mais, le coordinateur nous confirme que le plus grand défi “ce sont les compagnies téléphoniques et leurs corporations”, car il considère que plus il y aura de communautés qui demanderont le service, plus les entreprises téléphoniques s’acharneront à entrer dans le système.

N°18 • avril - juin • 2014

Téléphonie locale Fonctionnement du système de téléphonie localedans les communautés indigènes de la Sierra negrade Oaxaca.

L’infrastructure nécessaire a été installée pour fournir le signal à la communauté.

Le système comportedes numéros publics qui se connectent à un ordinateur.

L’ordinateur relié à un commutateur qui localisele téléphone de la personne à qui tu veux parler.

Au bout de cinq minutes, l’appel est coupé pour donner la possibilité à quelqu’un d’autre d’utiliser le service.

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Aujourd’hui, aux travaux de santé et d’éducation communautaire et autonome, s’ajoutent des projets de production,de création de moyens de communication autonomes, des systèmes de transports, de coopératives et même une banque anticapitaliste.

Texte original : Hermann Bellinghausen • Photos : Maria Novella de Luca et Valerio Nicollosi / FoolFrame Project

importants pour le développement de l’autonomie ont été la santé, l’éducation, la production, et, notoirement, le travail des femmes ; ils font « ce qu’ils peuvent » pour avancer dans ces directions.

« Nous ne faisons pas le même travail que celui que fait le gouvernement officiel, où commande une personne ou un groupe de spécialiste. Dans l’autonomie zapatiste, tout le monde commande. Ici, tu te rends compte que tous se bougent, personne ne reste assis derrière son bureau à gratter du papier. Tous lisent, tous écrivent, tous jouent. Toutes les activités sont réalisées par tous. Ce n’est pas la même chose qu’un gouvernement officiel où le président commande « allez par là, et vous, allez de l’autre côté », explique les autorités d’un des cinq Conseils zapatistes.

C’est pour ça, entre autre choses, que l’autonomie de ces peuples continue à être une référence inédite dans le monde. Il n’y a pas d’expérience équivalente, et ce n’est évidemment pas la question, mais son existence est le moteur de nombreuses luttes qui ont cours au Mexique et dans différents endroits de la planète.

Mexique

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Chiapas, Mexique. L’Armée Zapatiste de Libération Nationale n’a pas perdu de temps.

En décembre 1994, le sous-commandant Marcos, chef militaire et porte-parole de l’organisation, a annoncé, depuis la communauté de Guadalupe Tepeyac, la création de nouveaux municipes, rebelles et autonomes.

Quelques années plus tard, en 2003, à cause de la non-application des accords de San Andrés signés avec le gouvernement, dans lesquels était- entre autres - reconnu le droit à l’autonomie des peuples indigènes, les zapatistes ont décidé de transformer ces accords en lois sur leur territoire. Commence ainsi l’expérience de l’autonomie avec cinq Conseils de Bon Gouvernement organisés chacun dans un Caracol, et des dizaines de municipes et régions autonomes en rébellion. Une telle expérience a été et est toujours combattue par les gouvernements fédéral et de l’ État, avec le déploiement constant de troupes militaires, policières et paramilitaires.

La santé et l’éducation, deux piliers de l’autonomie, et surtout le « commander en obéissant », principe à partir duquel s’organisent les gouvernements autonomes, sont nés de la période de reconnaissance entre les peuples et la guérilla. Ça fait partie de ce

qu’ils mettront en pratique des années plus tard.

Aujourd’hui, aux travaux de santé et d’éducation communautaire et autonome, s’ajoutent des projets de production, de création de moyens de communication autonomes, des systèmes de transports, de coopératives et même une banque anticapitaliste pour, par exemple, appuyer les dépenses de santé urgentes.

L’autonomie des zapatistes, tzeltales, tzotziles, choles, tojolabales, mames et des paysans du Chiapas a été rendu possible par l’étendue de son territoire et de son organisation, et l’existence d’une armée propre, où les insurgés et miliciens sont fils et filles de ces peuples. Une armée qui, honorant la trêve négociée avec la société civile, ne combat pas, mais n’a pas pour autant déposé les armes.

Au Caracol « Tourbillon de nos paroles » on travaille sans arrêt et sans simagrées. Des dizaines d’indigènes, des membre des gouvernements autonomes régional ou municipal ou de diverses commissions, y sont occupés par des cours, réunions, discussions, rencontres avec d’autres paysans et reçoivent parfois des visiteurs d’autres parties du monde. Selon le Conseil de Bon Gouvernement « Coeur de l’arc-en-ciel de l’espoir », les axes les plus

L’autonome zapatiste, pilier et source d’inspiration pour le mondeOaxaca Chiapas

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Cinq caracoles Localisation des cinq caracolesen territoire zapatiste.

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Palestine

Organiser la vie dansun camp de réfugiésOn ne peut peut-être pas qualifier d’autonomie ce qui se construit dans un camp de réfugiés, dans leur propre pays soumis par l’État d’Israël, mais l’effort des palestiniens va bien au delà de la simple survie ; ils créent des centres culturels dans leurs camps pour affronter l’asphyxiant quotidien. Texte original : Gloria Muñoz Ramirez • Photos : Wissam Nassar/ Maan Images et Internet

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Naplouse, Palestine. Fatima, 85 ans, est l’une des 750 000 palestiniens qui ont fui la nakba

(« catastrophe ») en 1948, qui préfigura la création de l’État d’Israël en territoire palestinien. Réfugiée depuis plus de 60 ans, elle fait partie des 7 millions de palestiniens dispersés dans le monde (70 % de la population palestinienne) parmi lesquels 1 300 000 survivent dans des camps de réfugiés, dans et hors des territoires occupés.

Dans le vieux centre de Naplouse, à 10 km du camp d’Askar, une bombe explose dans un immeuble. Nihad reçoit un appel de Nadia et la balade dans la vieille ville s’arrête. « Mais ça, ce n’est qu’une partie, insiste Yousef Abu Serriya, secrétaire du comité local du camp d’Askar, il faut aussi raconter les bonnes choses, celles que nous, palestiniens, faisons pour que notre histoire ne meure pas, pour que nos enfants sourient, pour organiser notre vie quotidienne ».

Le Centre de développement social d’Askar organise des activités pour les jeunes et les enfants : théâtre, bibliothèque, ordinateurs, danse, musique, cours de journalisme, etc. « Il y a surtout des jeux pour les enfants, pour qu’ils nourrissent leur esprit et exprime leurs sentiments et problèmes ». Cet espace, à l’entrée du camp, accueille entre 1000 et 1500 jeunes d’Askar et des alentours.

Dans le camp de Balata, le plus grand de Cisjordanie, l’histoire se répète. Provenant en majorité de la ville de Jaffa, ses habitants sont arrivés en 1948, durant la nakba. Ils ont abandonné terres et maisons, et ils sont ici « comme des migrants ». On y trouve aujourd’hui des écoles et des cliniques, et un peu d’aide, dans un espace d’1,5 km de long où survivent 21 000 personnes. La surface n’a pas changé depuis 1948, il y a 60 ans.

En 1997 a été crée un centre pour enfants pour que ceux-ci grandissent dans le meilleur environnement possible, avec des activités sportives, culturelles et artistiques, leur offrant des moments de plaisir pour qu’ils découvrent leurs talents et capacités. On y trouve des projets, des programmes sociaux, du soutien psychologique pour les enfants qui ont des traumatismes, du stress ou la peur des attaques quotidiennes du camp.

Dans ce centre la culture prédomine et la mémoire de la culture palestinienne y est vive, comme la danse

de Dabka. « On essaye de former une génération qui montre la culture palestinienne à d’autres pays qui ne croient qu’ici il n’y a que de la violence. Ici il y a des chants, des danses, des pièces de théâtre qui montrent la vie en Palestine avant l’occupation. Il y a aussi un sentiment de joie et de plaisir. »

« La situation est difficile pour les palestiniens, mais nous sommes debout », disent les gens de Balata. « Nous résistons et cultivons le délassement et la culture, c’est-à-dire la vie, ce qui ne veut pas dire que nous renonçons à notre droit au retour », affirment ceux d’Askar.

Avant 1946 Plan de l’ONU - 1947 1949-1967 2010

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Sous contrôle palestinien Sous contrôle israélien

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Les instituteurs qui venaient d’un processus d’organisations populaires et d’éducation induite par la lutte, ont réussi à maintenir une éducation de qualité avec la population. Les jeunes se sentent engagés avec le legs de leurs pères.

À Santa Marta on réalise aussi d’autres projets et il y a diverses zones de travail bénévole. Élevage de poisson, serres où sont cultivés concombres, tomates et chiles, socialisés à bas prix entre les villageois ; chacun cultive son terrain, mais après avoir nourri sa famille, les surplus sont répartis dans la communauté. Il y a aussi des zones récréatives, et une petite église suit le chemin de la Théologie de la Libération.

Parmi les efforts communautaires, ils ont réussi à construire Radio Victoria, un émetteur radio de portée départementale. « Les communautés d’ici ont une tradition de lutte et de résistance, quelque chose qui ne pourra disparaître et qu’il nous faut défendre », conclut le jeune Elvis.

Salvador

L’autogestion née de la guerre

Basée sur la solidarité construite alors qu’ils fuyaient la guerre, les villageois de la frontière Honduras-Salvador continuent à mener une vie collective incluant production, éducation et moyens de communication.

Texte original : Ricardo Martinez Martinez • Photos : Villageois de Santa Marta et DGH

Mesa Grande, Honduras, et Santa Marta, Salvador.  Dans la bande frontalière entre Salvador

et Honduras, zone isolée pendant la guerre civile salvadorienne, il existe plusieurs organisations sociales et communautaires. Les villageois, tous d’ex-réfugiés, ont construit des formes d’auto-organisation avec des pratiques collectives marquées, produites par la nécessité de survivre.

Trois générations de réfugiés salvadoriens ont vécu à Mesa Grande dans des conditions difficiles – faute de nourriture et d’espace pour vivre, en plus des continuelles menaces militaires et paramilitaires – grâce auxquelles ils ont construit de solides liens d’amitié et de solidarité. Ils ont créé et maintenu pendant des années des formes de travail collectif pour survivre, et sont revenus chez eux avec une nouvelle forme d’organisation.

Les retours au Salvador ont commencé en 1987, quand la situation dans les camps de réfugiés s’est aggravée à cause de séquestrations et autres assassinats ciblés. De retour dans leurs communautés d’origine, les ex-réfugiés y ont enduré de véritables massacres. Les survivants ont alors trouvé refuge dans des lieux protégés par les insurgés, comme à Santa Marta.

Aujourd’hui à Santa Marta, avec ses habitants d’avant et ceux de maintenant, on maintient des formes d’organisation propre, loin des programmes d’aide financière du gouvernement et de l’ingérence significative des partis politiques.

La population a décidé de continuer le processus éducatif qu’elle pratiquait déjà à Mesa Grande. Ils ont mis en pratique le modèle d’Éducation Populaire, initié dans les campements des bases d’appui des diverses organisations révolutionnaires.

« Ce projet éducatif est important parce qu’il se fait depuis la communauté », explique Yeny, qui est rentrée dans le projet jusqu’à devenir éducatrice populaire. Le nombre d’élèves à Santa Marta a augmenté, le niveau du Bac a été atteint, et 60 % sont partis vers des universités. « Le ministère de l’Éducation n’accepte pas que des personnes non -diplômées donnent les cours, même s’ils ont reconnu les certificats des élèves à cause de la mobilisation des gens ».

Santa Marta

Mesa Grande

Honduras

Salvador

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monument, pour parler et jouer de la musique. La réunion improvisée a duré plus d’un mois. Les gens allaient et venaient, le lieu a eu la réputation d’être le siège de la « classe créative ». Rapidement une organisation a été mise en place pour le nettoyage, la nourriture ou la propagande dans les réseaux. La majeure partie des assistants n’avait rien à voir avec les partis politiques, et était là pour écouter les conférences, chanter, partager un moment de convivialité.

Dans un autre contexte, cet événement n’aurait pas eu une telle ampleur politique, mais dans la Russie d’aujourd’hui, il l’a. Le gouvernement essaye à tout prix de contrôler l’espace politique public. Ceux qui ne suivent pas les règles du jeu et détruisent le discours du système actuel représentent un plus grand danger que l’opposition officielle avec ses manifestations et rassemblements organisés et planifiés.

Peut-être que ces innocents bourgeons de protestation arriveront à briser la chape de béton de la Russie post-soviétique.

Russie

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Saint-Pétersbourg, Russie. Après la soudaine fermeture de l’Université Européenne de Saint-

Pétersbourg en 2008, quelques professeurs ont décidé de s’organiser pour donner des cours dans la rue. L’acte de protestation est devenu une nouvelle forme d’éducation contagieuse, un mode d’appropriation de l’espace public et un prétexte à la la réflexion sur la situation politique de la Russie post-soviétique.

La première journée de cette Université de Rue n’a pas duré très longtemps, mais elle a attiré plus de 70 étudiants, professeurs, journalistes et activistes. Et même depuis la réouverture de l’université officielle, de nouveaux étudiants continuent de s’inscrire aux conférences.

Les professeurs ayant montrés de l’intérêt pour le projet étaient motivés par une vision très particulière de l’éducation, de l’art contemporain et des processus politiques. Le nom Université de Rue renvoie à un lieu ouvert où chacun peut participer et où sont conviées les antiques traditions – socratiques, aristotéliciennes, platoniciennes – comme les nouvelles. Y participent de célèbres scientifiques et philosophes. L’Université a obtenu la réputation d’être oppositionnelle et anticonformiste.

L’idée est contagieuse. L’affaibli et marchandisé système éducatif n’a été fertile que pour l’éducation de rue. Dans ses conférences on y réfléchit sur la réforme éducative, le mouvement étudiant, les études alternatives, la résistance civile, l’esthétique et la théorie des formes avant-gardistes et

l’activisme d’en-bas.

En définitive, il s’agit bien d’une protestation, mais dans un style relativement neuf pour la Russie contemporaine. Douce mais persévérante, moqueuse mais abordant des sujets sérieux, tel que la manière de rétablir la tradition étudiante d’auto-organisation...

« Occupy Abai » est né récemment de cette contagion, suite à la victoire de Vladimir Poutine après les protestations antigouvernementales les plus massives de l’histoire récente de la Russie capitaliste. Quand les manifestants se sont démobilisés et que tout paraissait indiquer qu’après la tempête le calme était revenu,

on a aperçu à l’horizon la silhouette d’Abai.

Abai Kunanbaev était un poète kazakh, peu connu, dont la modeste statue orne un des parcs centraux de Moscou. Durant l’investiture de Poutine, des participants au meeting de l’opposition se sont assis pour se reposer au pied du

Une université de rue lance un défi au pouvoir

Elle est née de la protestation d’un groupe d’universitaires et d’élèves, et elle est vite devenu un défi lancé au pouvoir depuis l’espace public. Texte original : Katerina Girich • Photo : Message From Moscow

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Neuquén, Argentine. Zanón est une usine argentine qui depuis plus de dix ans est sous

contrôle ouvrier, construit d’autres relations sociales et rend possible des expériences où la solidarité de classe ne se négocie pas.

En 2001 le gouvernement de De La Rua a confisqué les avoirs de milliers de personnes. L’inflation fut insupportable, et des millions de familles ouvrières furent jetées à la rue. Des milliers d’usines ont fermé, sous le regard complice des centrales syndicales.

Les ouvriers de Zanón, fabrique de céramique, furent de ceux qui sortirent lutter dans la rue, et décidèrent d’occuper leur usine. Pendant cinq mois, avec le soutien d’organisations sociales, de chômeurs, de jeunes, ils ont campé hors de leur lieu de travail en supportant menaces et répression. Avec cette force de relations, ils ont réussi à gagner l’expropriation de l’usine, contre l’avis des entrepreneurs et des chambres syndicales.

En dix ans les ouvriers qui contrôlent le lieu ont créé plus de 220 emplois et destinent une partie de leur production à la communauté. Les travailleurs de Fasinpat réaffirment leur conviction

: travailler en démocratie directe pour prendre des décisions, en action directe pour faire valoir ses droits, avec l’unité de ceux qui luttent non seulement pour un emploi mais ausi pour la santé, l’éducation, un bout de terre pour vivre, le logement, ou un programme de travaux publics.

Une école dans l’usine

Zanón sous contôle ouvrier n’est pas qu’un lieu de travail. Dans cet espace sont nées une école primaire et une secondaire pour les travailleurs de l’usine, d’autres du même parc industriel et des voisins des quartiers alentours.

Depuis 2001 et le début du fonctionnement de l’usine sous le contrôle des ouvriers, un travail très étroit avec la communauté a été initié. Manifestations, assemblées et espaces de discussions ont été réalisés en commun.

Ouvriers et enseignants ont réflechi sur les nécessités et difficultés du système pour s’auto-éduquer. Ils ont décidé de prendre la chose en main-propre, et d’imaginer une éducation à l’intérieur de l’usine, en tant qu’espace collectif de construction des connaissances.

L’école s’appelle Jorge Boquita Esparza, en hommage à l’un des ouvriers qui s’est le plus efforcé pour

Argentine

Zanón, fabrique de céramique et école d’autogestionEn Argentine, un groupe d’ouvriers licenciés a obtenu l’expropriation de sa source de travail et depuis plus d’une décennie travaille en démocratie directe pour prendre des décisions, en action directe pour agir, avec l’unité de ceux qui luttent pour une vie meilleure.Texte original : Zanón - Usine sans patron et Groupe de soutien à l’école FASINPAT • Photos: Fasinpat

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construire ce projet, et cherche à exercer un droit dont les travaileurs sont exclus, enfermés dans un lieu du marché du travail comme s’ils étaient incapables de décider de leur futur.

Avec ce projet les ouvriers veulent enfoncer le clou de l’autogestion ouvrière en se rapprochant de la transformation de la réalité à partir d’une analyse collective. “Si nous ne nous occupons pas de la formation, de la culture, de l’intégrité d’une personne, nous n’aurons exercé qu’une nouvelle méthode de répartion, peut-être meilleure, mais rien de plus”, font-ils remarquer. Comme le disait Paulo Freire : “Je ne peux penser si l’autre ne pense pas aussi, je ne peux simplement pas penser pour l’autre, ni à la place de l’autre, ni sans l’autre”.

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Rosario, Argentine. Les participants à l’Université Trashumante – initiative

autonome, pédagogique et organisationnelle née en 1998 – y travaillent à cause d’une profonde incrédulité devant tout type de “démocratie”. Ils veulent récupérer le sentiment collectif et construire dès maintenant le monde auquel ils rêvent, à partir des savoirs populaires.

Regarder un atelier interne révèle comment fonctionne ce type de projet pédagogique politique, dans un contexte de démobilisation, d’intégration à l’État et de désarticulation sociale autant que de répression, débuté sous la présidence de Menem et qui dure juqu’à aujourd’hui.

De neuf heures le matin à neuf heures le soir, en assemblées plénières ou en groupes de travail, le seminaire est en marche. Les sessions commencent avec des exercices ludiques pour rapprocher les corps, le plaisir et le toucher personnel – jamais à distance, froid, ou “disciplinaire”. Les espaces de travail sont les terrains où les jeunes du quartier jouent au foot et les hangars

Argentine

Université Trashumante, changer le monde en le questionnant

Ils ne font pas de bilan politique et n’établissent pas de plans sur la comète. Ces “élèves” apprennent, désapprennent, réfléchissent et font, théorisent et pratiquent tout pour réaliser leur rêve : construire ici et maintenant un nouveau pays.

Texte original : María Coco Magallanes et Mario Canek Huerta • Photos: Université Trashumante

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où ont lieu des ateliers communautaires d’art et de danse.

Le séminaire est un forum pour dénoncer les situations de répression et de carences qui se vivent sur tout le territoire argentin mais c’est aussi une attendue rencontre de rêves, projets, commissions de travail collaboratives et fêtes.

Il est surtout une rencontre de questions, de choses entendues, de coeurs et de silences : pour quoi construire une école Trashumante, comment travailler en ateliers et caravanes, qui, vu les 30 000 km carrés de l’Argentiine, ont déjà eu lieu plus d’une centaine de fois ?

Il n’y a pas de lieux communs dans ces rencontres, on n’y entend pas de bilans politiques, on n’y fait pas de plans sur la comète et on ne s’y centre pas sur la critique de la dynamique politique de l’État et d’en haut. C’est un lieu où la pensée profonde découle de la réalité réelle, “à voix basse”. Il s’agit d’un dialogue de silences, de savoirs et d’apprentissages, de pratiques territoriales et de l’expérience de travail popuaire comme racine d’un nouveau projet pour former des éducateurs populaires pour la lutte.

De la même manière, la question “avec qui ?” est significative de la rencontre, comme le note Roberto Tato Iglesias, fondateur de l’université : “La Trashumante a été discréditée par différents groupes locaux et nationaux à cause de son incrédulité devant la politique partidaire et pour avoir défendu une posture anticapitaliste”, ce qui lui a aussi valu d’être qualifiée d’”extrémiste”. Ce terme correspond à sa forme horizontale réalisée dans la pratique qui a débouché sur une “conduite éclatée” (un représentant par groupe de dix présents au séminaire). Comme le rappellent divers participants et le professeur Iglesias lui-même, le zapatisme est une “référence politique, cuturel et idéologique pour nous”.

C’est donc de cette manière que l’Université Trashumante déploie une pédagogie politique : apprendre, pratiquer, désapprendre, écouter, réfléchir, reconnaître, théoriser et se préparer à revenir à la pratique : lutter pour la réalisation du rêve d’un autre pays dans le ici et maintenant car, comme le dit le professeur Tato, “il faut se rappeler et lutter, avoir de la mémoire et lutter, parce que si nous ne luttons pas on finira par se faire baiser !”

Rosario

Neuquén

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États-UnisColors, restaurant coopératif dans la Grande PommeColors se dirige vers la construction d’une coopérative de travailleurs-consommateurs pour impliquer les clients dans un lieu de travail plus juste.Texte original : Adazahira Chavez • Photos : Colors

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New-York, États-Unis. Un groupe de travailleurs de restaurants, ayant perdu leur emploi à cause

du 11-Septembre, construit aujourd’hui son propre lieu de travail. Le restaurant coopératif s’appelle Colors et cherche à atteindre un niveau de vie digne pour ses travailleurs, dans une structure « dont la propriété et le pouvoir de décision est le même pour tous » relate Cathy Dang, conseillère de Colors.

Actuellement, il y a deux sites, un à New-York et un à Detroit. Celui de New-York est un restaurant coopératif, le premier de son genre, propriété des travailleurs.

Il est aussi ouvert aux repas et événements spéciaux, on y forme aussi des travailleurs dans le cadre du programme de formation de l’organisation Restaurant Opportunities Center United (ROC United) de New-York et de l’institut CHOW (Colors Hospitality Opportunities for Workers).

De l’autre côté, Colors Detroit est un programme de ROC Michigan : c’est un espace de formation sans but lucratif pour son programme de formation professionnelle. Il est ouvert pour les petit-déjeuners, les élèves du programme de formation complètent leur stage payé en travaillant comme serveurs, acquérant les compétences nécessitées pour avoir un salaire digne dans l’industrie du restaurant.

Cette dernière, aux États-Unis, emploie plus de 10 millions de travailleurs ; malgré tout, moins d’1 % est syndiqué, ce qui explique de mauvaises conditions de travail. ROC United dénonce le fait que dans ce secteur, les salaires sont plus bas que dans n’importe quel autre, et que 90% des travailleurs n’y ont ni indemnités maladies, ni congés payés, ni sécurité sociale.

C’est dans ce contexte – depuis l’attaque contre les Tours jumelles – qu’est né ROC United, pour l’heure la seule organisation aux États -Unis dédiée exclusivement aux travailleurs de ce secteur.

Les travailleurs qui, depuis, ont initié Colors, cherchaient à travailler dans un restaurant ayant de bonnes pratiques, qui les paye plus que le salaire minimum que reçoivent ceux qui perçoivent des pourboires – 2,13 dollars par heure pour les serveurs, les baristas ou les coursiers – et au moins neuf dollars par heure pour les travailleurs en cuisine qui

eux ne touchent pas de pourboire, qu’on leur paye les jours de maladie et qu’on leur offre des possibilités d’ascension.

Colors se dirige vers la construction d’une coopérative de travailleurs-consommateurs pour impliquer les clients dans un lieu de travail plus juste, avec des pratiques saines, telles que proposer des salaires dignes, des avantages comme le paiement des arrêts-maladie ou un ascenseur social interne », argumente Cathy Dang.

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États-Unis

Alimentation, vie et travail autonome au coeur du monstre

Dans les quartiers afro-américains et latinos du centre-ville de Durham, fragmentés par la transformation urbaine qui souhaite les remplacer par des gens plus riches, une collectivité de migrants, travailleurs et étudiants de communautés de couleur

construit une petite île qui répond à ses besoins de base et qui fortife ses liens communautaires.Texte original : Kilombo Intergaláctico • Photos : Kilombo Intergaláctico

Durham, États-Unis. Dans un pays où le gouvernement peut espionner et arrêter ses

citoyens sans aucune charge, où la police les harcèle tous les jours à cause de leur race, où les programmes sociaux s’arrêtent, où la pauvreté augmente, où les gens perdent leur maison, où les coûts de santé triplent et où un afro-américain sur trois est déjà passé par la case prison, est né le Kilombo Intergaláctico, collectif de migrants, d’étudiants et de travailleurs de diverses origines, majoritairement des gens de couleurs, qui travaillent ensemble à cultiver, défendre et reconstruire leur communauté.

Le nom du collectiif vient des communautés d’esclave fuyant le colonialisme en Amérique du sud, et de l’idée zapatiste de l’importance des efforts d’organisation plus que d’idéologies ou d’identités. Le quartier s’appelle El Hoyo et ne compte que dix pâtés de maisons dans la ville de Durham, mais à l’intérieur existe tout un monde.

Au début, un centre social a été ouvert où tous pouvaient se rencontrer et partager des repas ou

des événements communautaires. Ont suivi des cours d’anglais et d’espagnol, d’alphabétisation, l’apprentissage des usages de l’ordinateur, l’aide aux devoirs scolaires, et une commission de santé pour établir des services gratuits de consultations médicales et dentaires. On y a élaboré un séminaire politique pour la communauté. Le centre social est

rempli de gens qui prennent des cours, utilisent la bibliothèque ou Internet ou simplement se réunissent pour des repas.

Il y a un parc récupéré par les voisins et qui sert de terrain d’athlétisme et de centre pour des réunions de famille. Le parc, le Centre et les rues forment un axe de rencontres et de

sentiment communautaire pour les gens du quartier.

L’assemblée se réunit tous les mois pour discuter et évaluer les projets en cours et futurs. On s’y est rendu compte que la non-stabilité de l’accès à l’alimentation, au logement et au travail sont les principaux facteurs de la fragmentation de la communauté. Sont donc nés trois projets : un verger bio pour avoir de la nourriture gratuitement, un projet d’habitat collectif et des

coopératifves pour travailler sans patron.Le verger communautaire est une source accessible et saine d’aliments. Grâce à un processus d’essais et d’erreurs, a été aménagée petit à petit une grande parcelle urbaine qui peut alimenter la communauté. Il y a toujours des blettes et du chou, et on commence à y mettre des poulaillers pour fournir les voisins en oeufs et en poulet.

La commission d’habitation a acheté des maisons que les voisins se louent entre eux, et on les entretient avec le travail collectif pour baisser le plus possible les coûts de la vie quotidienne. Toutes les maisons membres du Kilombo sont dans la même rue, longeant le jardin, ce qui en fait un territoire où commence à se construire différents types de vies communautaires. Nous avons ces quelques choses qui nous unissent. C’est peu, en comparaison avec ceux d’en haut, mais nous possédons deux éléments iimportants : l’organisation et l’engagement. Et, aujourd’hui, ça nous suffit.

Nueva York

Durham, Caroline du Nord

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