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406    ◗ Item 187 – Anomalies de la vision d’apparition brutale Objectifs pédagogiques Nationaux Diagnostiquer une anomalie de la vision d’apparition brutale. Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge. CEN Connaissances requises Connaître les principales causes de baisse brutale de la vision monoculaire et binoculaire. Connaître l’urgence d’une cécité monoculaire transitoire, d’un décollement de rétine, d’un glau- come aigu. Connaître les différents temps de l’examen ophtalmologique utiles en cas de baisse brutale de la vision pour les diagnostics positif et étiologique (acuité visuelle, FO, prise de tension oculaire, test de Goldman). Connaître les modifications visuelles brutales autres qu’une baisse de la vision et leurs causes  neurologiques (aura migraineuse, aura épileptique). Connaître l’éclipse amaurotique au cours de l’hypertension intracrânienne et sa gravité. Objectifs pratiques Chez des patients réels ou simulés : affirmer le caractère monoculaire ou binoculaire d’une baisse de la vision ;  reconnaître un scotome central sur une étude du champ visuel (test de Goldman) ; conduire l’enquête étiologique devant une baisse de vision, en fonction des symptômes associés et des circonstances de survenue ;  rechercher les arguments en faveur d’une maladie de Horton en cas de baisse brutale de la vision chez un sujet âgé. Ce symptôme clinique, souvent angoissant, est un motif fréquent de consulta- tion auprès de l’ophtalmologiste et, dans une moindre mesure, auprès du neurologue. L’éventail des étiologies est large et la gravité des situations est très variable. Si le diagnostic s’impose généralement au terme de l’examen ophtal- mologique, il peut requérir, dans certains cas, un interrogatoire rigoureux et une expertise neuro-ophtalmologique complète. Il est important de savoir reconnaî- tre les véritables urgences diagnostiques et thérapeutiques. I. DONNÉE S DE L’IN TE RROG AT OIRE ET DE L’EXAMEN II. ANO MAL IE DE VISION UNIL ATÉ RALE III. ANO MAL IE DE VISION BILAT ÉR ALE 31 04_Partie_03_31_35.fm Page 406 Jeudi, 2. juillet 2009 9:11 09

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Item 187 – Anomalies

de la visiond’apparition brutale

Objectifs pédagogiques

Nationaux 

◗ Diagnostiquer une anomalie de la vision d’apparition brutale.◗ Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.

CEN 

Connaissances requises◗ Connaître les principales causes de baisse brutale de la vision monoculaire et binoculaire.◗ Connaître l’urgence d’une cécité monoculaire transitoire, d’un décollement de rétine, d’un glau-

come aigu.◗ Connaître les différents temps de l’examen ophtalmologique utiles en cas de baisse brutale de la

vision pour les diagnostics positif et étiologique (acuité visuelle, FO, prise de tension oculaire, test de Goldman).

◗ Connaître les modifications visuelles brutales autres qu’une baisse de la vision et leurs causes neurologiques (aura migraineuse, aura épileptique).

◗ Connaître l’éclipse amaurotique au cours de l’hypertension intracrânienne et sa gravité.

Objectifs pratiques◗ Chez des patients réels ou simulés :◗ affirmer le caractère monoculaire ou binoculaire d’une baisse de la vision ;◗ reconnaître un scotome central sur une étude du champ visuel (test de Goldman) ;◗ conduire l’enquête étiologique devant une baisse de vision, en fonction des symptômes associés

et des circonstances de survenue ;◗ rechercher les arguments en faveur d’une maladie de Horton en cas de baisse brutale de la vision

chez un sujet âgé.

Ce symptôme clinique, souvent angoissant, est un motif fréquent de consulta-tion auprès de l’ophtalmologiste et, dans une moindre mesure, auprès duneurologue. L’éventail des étiologies est large et la gravité des situations est trèsvariable. Si le diagnostic s’impose généralement au terme de l’examen ophtal-mologique, il peut requérir, dans certains cas, un interrogatoire rigoureux et uneexpertise neuro-ophtalmologique complète. Il est important de savoir reconnaî-tre les véritables urgences diagnostiques et thérapeutiques.

I. DONNÉES DE L’INTERROGATOIREET DE L’EXAMEN

II. ANOMALIE DE VISION UNILATÉRALEIII. ANOMALIE DE VISION BILATÉRALE

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 ITEM 187 

 ANOMALIES DE LA VISION D’APPARITION BRUTALE  3

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I. DONNÉES DE L’INTERROGATOIREET DE L’EXAMEN

Elles sont déterminantes pour orienter le diagnostic topographique et physio-pathologique.

A. Interrogatoire

Il précise trois éléments principaux.

1. Type de trouble visuel 

Il peut s’agir :

– d’une baisse de la fonction visuelle, du simple flou à la perte de touteperception lumineuse, sur tout ou partie du champ de vision ;– de modifications de la perception visuelle, d’une grande diversité,

correspondant soit à des illusions ou déformations perceptives (altéra-tion des formes ou métamorphopsies, altération des couleurs ou chro-matopsies, vision double ou diplopie, vision instable ou oscillopsie),soit à des hallucinations ou perceptions erronées, de type élémentaire(phosphènes) ou élaboré (scènes visuelles complexes).

 2. Caractère mono- ou binoculaire

Cette distinction est fondamentale sur le plan de la topographie lésionnelle.Un trouble visuel monoculaire implique une atteinte de l’œil ou du nerf opti-

que. Un trouble visuel binoculaire implique soit une atteinte bilatérale desstructures préchiasmatiques, soit plus habituellement une atteinte du chiasmaou des voies visuelles rétrochiasmatiques. La distinction peut être difficile àaffirmer si le déficit a été bref et n’a pas permis au patient de tester sa visionœil par œil. Tout trouble visuel transitoire rapporté à un seul œil n’est pasnécessairement monoculaire, certaines hémianopsies latérales homonymesétant perçues comme un déficit du seul hémichamp temporal. Si le patientpeut préciser qu’il ne voyait durant son trouble que la moitié des objets, onpeut alors affirmer qu’il s’agissait d’une HLH. Enfin, si le flou visuel disparaîten vision monoculaire, normalisant alors la vision de chaque œil, on peut affir-mer qu’il est l’équivalent d’une diplopie et relève d’un défaut d’alignement desglobes oculaires.

3. Modalités d’évolutionLe trouble visuel d’installation brutale peut être fixé ou régressif, en quelquessecondes ou quelques heures. Les circonstances de survenue doivent êtrenotées (traumatisme, position de la tête, activité physique, chaleur ambiante).La prise en compte d’éventuels signes associés (douleur, diplopie), des anté-cédents ophtalmologiques et du contexte (âge, facteurs de risque vasculaire)est fondamentale pour le diagnostic topographique et étiologique.

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CONNAISSANCES – III. ITEMS INSCRITS DANS LES MODULES TRANSVERSAUX

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B. Examen

1. Examen du globe oculaire et de son contenuIl est du ressort de l’ophtalmologiste. Cependant, la détection d’un œil rouge,d’une exophtalmie, d’une inégalité pupillaire, d’une amputation du champ devision, d’une limitation des mouvements oculaires relève de tout examen médi-cal. Les principaux temps de l’examen ophtalmologique dans la présente situa-tion d’urgence sont :

– la mesure de l’acuité visuelle, de loin et de près, en utilisant les échellesclassiques, sans, puis avec correction optique ;

– la détermination du champ visuel de chaque œil, en confrontation, puisselon une technique de périmétrie cinétique (appareil de Goldman) oude périmétrie statique, cette dernière qui repose sur une analyse auto-matisée étant de plus en plus répandue (recherche d’un scotome

central, d’un déficit systématisé) ;– l’examen du globe oculaire et de ses annexes au biomicroscope (lampe

à fente) : paupières (corps étranger), conjonctive (hyperhémie), cornée(kératite, plaie), chambre antérieure (Tyndall), iris (état et motilité despupilles), cristallin (cataracte) ;

– l’examen du segment postérieur ou « examen du fond d’œil » (FO),effectué après dilatation pupillaire sauf en cas de glaucome aigu parfermeture de l’angle : vitré (hémorragie), rétine (décollement), vaisseaux(occlusion), macula (œdème), papille (œdème) ;

– la mesure du tonus oculaire (glaucome) ;– les mouvements oculaires (paralysies), appartenant en réalité à l’examen

neurologique.

  2. Examen neurologique

Il recherche des signes associés, en faveur d’une pathologie hémisphériquepostérieure (trouble de la reconnaissance visuelle, de la mémoire, de la lecture,du langage, etc.).

3. Examen cardiovasculaire

La mesure de la tension artérielle, du rythme cardiaque, la palpation des poulstemporaux, la recherche de souffles vasculaires sont systématiques.

4. Examens complémentaires

Les examens à visée ophtalmologique (potentiels évoqués visuels, angiographiede la rétine à la fluorescéine, échographie orbitaire), neurologique (scanner,IRM, ponction lombaire), cardiovasculaire (ECG, Doppler cervical, échocardiogra-phie) ou générale (vitesse de sédimentation) sont déterminés par l’orientationdu diagnostic clinique.Schématiquement, trois situations cliniques, d’inégale prévalence, peuvent êtrerencontrées :

– le trouble visuel, à type de flou ou de diplopie, disparaît lorsque la visionse fait œil par œil : c’est le problème diagnostique d’une paralysieoculomotrice (cf . chapitre 2 « Diplopie ») ;

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– le trouble visuel est présent sur un seul œil : c’est le problème diagnostiqued’une affection de l’œil ou du nerf optique. La démarche diagnostiquerepose avant tout sur l’examen du fond d’œil (œdème papillaire, papilleou rétine pâle, hémorragies) et sur la recherche d’un déficit pupillaireafférent relatif 1, dont la présence atteste d’une atteinte localisée au nerf optique ;

– le trouble visuel est présent sur les deux yeux : c’est le problème dia-gnostique d’une affection des deux nerfs optiques, du chiasma (hémia-nopsie bitemporale), des voies visuelles rétrochiasmatiques(hémianopsie latérale homonyme, cécité occipitale) ; l’examen du fondd’œil et du champ visuel est ici fondamental pour localiser la lésion.

II. ANOMALIE DE VISION UNILATÉRALE

A. Cécité monoculaire transitoire (CMT)Se définissant comme un déficit de vision aigu et d’évolution habituellementrégressive en moins de 10 minutes, la CMT ou amaurose fugace est un accidentischémique transitoire rétinien. Un simple flou visuel, une amputation verticaleou horizontale du champ de vision ont la même valeur qu’une amaurose com-plète. La CMT est le plus souvent isolée, mais elle peut s’associer à des signesde souffrance transitoire de l’hémisphère homolatéral (réalisant notamment leclassique syndrome optico-pyramidal). La CMT est une urgence diagnostique,en raison du risque de survenue d’un accident ischémique constitué de la rétine(occlusion de l’artère centrale), du nerf optique (neuropathie optique ischémi-que antérieure), ou même d’un hémisphère cérébral. Elle doit faire rechercher

en priorité une pathologie carotidienne, surtout si elle est répétitive sur le mêmeœil. Un examen Doppler des vaisseaux du cou doit être effectué en urgence,complété selon les cas par une angio-IRM ou une artériographie. Dans l’éven-tualité la plus fréquente, il s’agit d’une sténose ou d’une occlusion de la carotideinterne d’origine athéromateuse. Lorsque le bilan cervical est négatif, il convientd’effectuer un examen cardiaque (ECG, ETO : échocardiographie transœsopha-gienne), à la recherche d’une cardiopathie ou d’une plaque d’athérome de lacrosse aortique. Le mécanisme de la CMT est généralement embolique. La miseen évidence d’emboles de cholestérol au niveau des bifurcations artérielles àl’examen du FO est rare, mais pathognomonique. D’autres étiologies sont pos-sibles (sujet âgé : maladie de Horton ; sujet jeune : dissection carotidienne, syn-drome des anticorps antiphospholipides, vasospasme primitif des vaisseauxrétiniens). L’ensemble du bilan peut s’avérer négatif.

1. Si l’on éclaire alternativement les deux pupilles (réflexe photomoteur), dans une piècesombre, le sujet fixant au loin, on observe normalement une petite réponse constrictivede chaque pupille que l’on éclaire, ce qui traduit une plus grande efficacité de la stimu-lation directe par rapport à la stimulation consensuelle. En cas de neuropathie optiqueunilatérale (mais pas en cas d’atteinte de la rétine ou des milieux transparents), laréponse photomotrice directe de l’œil malade est moins bonne que la réponse consen-suelle, avec pour conséquence une dilatation paradoxale de la pupille que l’on illumine.Ce signe s’observe dans près de 100 % des cas de neuropathie optique unilatérale eta très peu de faux positifs.

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CONNAISSANCES – III. ITEMS INSCRITS DANS LES MODULES TRANSVERSAUX

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B. Autres causes de trouble visueltransitoire

1. Œdème papillaire de stase par hypertension intracrânienne

Il peut se manifester par un flou visuel uni ou bilatéral, survenant pendant quel-ques secondes lors des changements de position. Les autres signes d’HTIC sonthabituellement associés. Ces éclipses visuelles sont annonciatrices d’un déficitvisuel durable par souffrance du nerf optique. Il s’agit ainsi d’un symptôme àvaleur diagnostique et pronostique. Les causes de l’HIC sont variables : néoforma-tions cérébrales, pathologie méningée, thrombose veineuse cérébrale, formesidiopathiques (chez la femme jeune, obèse, parfois après prise médicamenteuse).

 2. Signe de Uhthoff Il se manifeste par un flou visuel intermittent, survenant lors de l’effort physiqueou de l’exposition à la chaleur (bain). Il traduit une atteinte du nerf optique ets’observe le plus souvent comme manifestation séquellaire d’une névrite optique.

3. Glaucome aigu par fermeture intermittentede l’angle iridocornéen

C’est une cause trompeuse d’amaurose transitoire lorsqu’elle ne s’accompagnepas de douleurs. Un facteur déclenchant médicamenteux (atropinisant) est àrechercher. Le diagnostic requiert un examen ophtalmologique.

4. Aura migraineuse

L’aura migraineuse est rarement unilatérale.

C. Trouble visuel monoculaire fixé

1. Affections de l’œil et de la rétine

La survenue brutale d’un trouble visuel unilatéral, isolé ou non, nécessite enpremier lieu la recherche d’une origine oculaire.

a. Baisse visuelle indolore

On peut observer :

– un décollement de rétine, secondaire à une déchirure, pouvant entraînerune baisse visuelle massive s’il intéresse la région maculaire ; il est àévoquer en premier lieu devant des phosphènes, des mouches volantes,une sensation de voile. L’examen du fond d’œil fait le diagnostic ;

– un décollement du vitré, explication habituelle des mouches volantes(myodesopsies) ;

– une hémorragie intrarétinienne ou intravitréenne, secondaire à une réti-nopathie proliférante (diabète, vascularite), parfois à une hémorragieméningée ;

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– des maculopathies de toute origine (hémorragies, choriorétinites infec-tieuses, choriorétinopathie séreuse centrale chez le sujet jeune) pouvantrendre compte d’un trouble visuel brutal et indolore, avec scotome cen-tral et métamorphopsies (déformation des objets) ;

– une mydriase, quel qu’en soit le mécanisme (paralysie du III, agentsparasympatholytiques, pupille d’Adie, botulisme), entraînant un flouvisuel et une photophobie par atteinte de la fonction accommodative.

b. Baisse visuelle douloureuse

On peut observer :

– une uvéite antérieure qui détermine un œil rouge et douloureux, paratteinte de l’iris (iritis) et du corps ciliaire (cyclite) ; la baisse visuelles’accompagne d’une photophobie et d’un larmoiement ; il existe unehyperhémie conjonctivale, un Tyndall de l’humeur aqueuse, souvent unmyosis ; il faut rechercher une spondylarthrite, une sarcoïdose, un Behçet ;

– une kératite aiguë qui entraîne douleur oculaire, photophobie, larmoie-

ment et baisse visuelle variable. Il faut rechercher une cause traumatique,virale (herpès) et, sur le plan neurologique, une hypoesthésie du triju-meau ou une paralysie faciale avec signe de Charles Bell.

 2. Affections vasculaires de la rétineet du nerf optique

a. Occlusion de l’artère centrale de la rétine

L’occlusion de l’artère centrale de la rétine, branche de l’artère ophtalmique,résulte en un déficit visuel massif et indolore. Le réflexe photomoteur est sou-vent aboli. Le fond d’œil est caractéristique : artères grêles, rétine diffusément

pâle sauf dans la région maculaire, dont l’aspect rouge cerise est lié à la préser-vation de la circulation choroïdienne. Le fond d’œil peut également montrer desemboles de calcaire ou de cholestérol. Le pronostic visuel est sombre. Si unathérome carotidien ou une cardiopathie emboligène sont souvent en cause, ilfaut rechercher de manière prioritaire une maladie de Horton.

b. Occlusion de la veine centrale de la rétine

Elle entraîne une baisse visuelle rapidement progressive, indolore. L’examen dufond d’œil montre des hémorragies rétiniennes, des veines dilatées et un volu-mineux œdème papillaire. Le risque de séquelles est important. La maladieathéromateuse, un syndrome d’hyperviscosité sont en cause.

c. Neuropathie optique ischémique antérieureC’est la plus fréquente des neuropathies optiques du sujet de plus de 50 ans.Elle traduit une ischémie aiguë de la tête du nerf optique par atteinte des artèresciliaires postérieures. Elle se manifeste au réveil par un déficit visuel, brutal etindolore, de sévérité variable. Une amputation altitudinale du champ visuel estcaractéristique. Le déficit pupillaire afférent relatif est constant. L’examen du fondd’œil montre un œdème papillaire d’origine ischémique. La régression du déficitn’est que partielle, laissant persister une atrophie optique au fond d’œil. Dans90 % des cas, elle résulte d’une artériolosclérose, favorisée par l’HTA et le dia-bète. Une hypotension artérielle systémique, en particulier nocturne, peut êtrele facteur déclenchant. Aucun traitement n’a démontré son efficacité curative.Dans 10 % des cas, elle relève d’une maladie de Horton. Cette étiologie est àévoquer même en l’absence des signes cardinaux (céphalées, baisse de l’état

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CONNAISSANCES – III. ITEMS INSCRITS DANS LES MODULES TRANSVERSAUX

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général, pouls temporaux, syndrome inflammatoire), compte tenu du risqueélevé de bilatéralisation de l’atteinte visuelle. L’angioflurographie rétinienne estsouvent évocatrice. Une biopsie de l’artère temporale et l’initiation d’une corti-cothérapie sont à discuter devant toute neuropathie optique ischémique.

d. Névrites optiques inflammatoires

Les névrites optiques inflammatoires (névrites optiques rétrobulbaires aiguës)sont les plus fréquentes des neuropathies optiques de l’adulte jeune, avec uneprédominance féminine de 2 sur 3. Elles se présentent comme une baissevisuelle unilatérale, s’installant sur quelques heures (de manière souvent moinsbrutale que les atteintes ischémiques), dans un contexte de douleurs rétro-ocu-laires accentuées par les mouvements de l’œil. La baisse visuelle est de sévéritévariable, depuis un simple flou jusqu’à une cécité complète. Le champ visuelest amputé selon toutes les modalités possibles, l’atteinte du champ centralétant pratiquement constante. Un déficit pupillaire afférent relatif est constant.Ce signe d’examen a d’autant plus de valeur qu’il représente à ce stade le seul

signe d’examen objectif (« le patient ne voit rien, le médecin non plus »). Lefond d’œil est normal dans deux tiers des cas (névrite optique rétrobulbaireaiguë « vraie ») et montre un œdème papillaire, souvent peu intense, dans untiers des cas (neuropapillite). Le retard de la latence des PEV est constant, tra-duisant le caractère démyélinisant de la névrite optique. L’évolution est favorabledans plus de 90 % des cas, avec régression souvent complète dans un délaide 2 mois. La corticothérapie en bolus accélère la vitesse de récupération sansinfluencer le pronostic. La persistance d’un flou visuel aggravé par l’effort ou lachaleur traduit une remyélinisation imparfaite des fibres (signe de Uhthoff).Dans plus de la moitié des cas, une névrite optique inflammatoire isolée évoluevers une forme certaine de sclérose en plaques. Elle est le premier symptômede la maladie dans un quart des cas. La présence sur l’IRM de plusieurs hyper-signaux dans la substance blanche, ou une distribution oligoclonale des immu-

noglobulines du LCS sont des facteurs prédictifs du risque de conversion enSEP. De rares névrites optiques aiguës peuvent relever d’une pathologie inflam-matoire systémique (Wegener, lupus) ou d’une pathologie infectieuse (Lyme,VIH, autres viroses), mais elles ne sont jamais isolées.

e. Autres neuropathies optiques unilatérales

D’autres neuropathies optiques unilatérales peuvent se révéler sur un modeaigu : origine traumatique, compressive (anévrisme de la carotide interne, adé-nome hypophysaire) ou génétique (maladie de Leber). Ces rares éventualités  justifient une imagerie systématique (scanner, IRM) devant toute neuropathieoptique aiguë, même régressive.

III. ANOMALIE DE VISION BILATÉRALE

A. Trouble visuel bilatéral transitoire

1. Ischémie dans le territoire vertébrobasilaire

Elle peut se manifester par une amaurose bilatérale de brève durée. Le méca-nisme est habituellement hémodynamique, en relation avec des lésions athé-

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 ANOMALIES DE LA VISION D’APPARITION BRUTALE  3

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romateuses des artères vertébrales ou du tronc basilaire, ou une cardiopathie.Un facteur déclenchant positionnel (rotation cervicale, lever), l’existence d’unehypotension artérielle orthostatique (iatrogène) sont à rechercher. Le troublevisuel est l’un des symptômes habituels des lipothymies et syncopes.

 2. Aura visuelle de la migraine

Elle est aisément identifiable. Il se présente le plus souvent comme un scotomescintillant, qui s’étend en quelques minutes du centre vers la périphérie, enaffectant l’un des deux hémichamps homonymes (HLH) ou l’ensemble duchamp visuel (flou visuel global). Le trouble visuel régresse en 15 à 20 minutesenviron, laissant la place à une céphalée pulsatile, volontiers hémicrânienne etcontrolatérale. Le caractère récidivant des épisodes depuis l’enfance ou l’adoles-cence, la normalité de l’examen neurologique et ophtalmologique après la crise,sont nécessaires au diagnostic. Dans quelques cas, le scotome scintillant estisolé, sans céphalée. Une imagerie cérébrale, recherchant une tumeur ou une

malformation vasculaire, est indiquée en cas d’atypies (âge tardif de début,durée, fréquence et chronologie des crises).

3. Crise épileptique partielle

Une crise épileptique partielle peut se manifester sous la forme d’un troublevisuel paroxystique. Les crises à point de départ occipital comportent uneséméiologie hallucinatoire élémentaire latéralisée (taches colorées, fixes oumobiles, lignes), parfois suivie d’une cécité ou d’une HLH postcritique. Les crisesà point de départ plus antérieur ont une séméiologie plus élaborée (scènescomplexes avec personnages) et une moindre latéralisation. Une dissolutionpartielle ou totale de la conscience et d’autres manifestations cliniques peuventfaire suite au trouble de vision, selon que la crise demeure partielle ou se géné-

ralise. La brièveté des phénomènes visuels (quelques secondes) et leur carac-tère stéréotypé sont évocateurs du diagnostic. L’EEG et l’imagerie cérébrale sontles examens de choix.

B. Trouble visuel bilatéral fixé

Une neuropathie optique bilatérale simultanée est rarement en cause. Le fondd’œil est modifié, les pupilles sont peu réactives et le champ visuel est amputésans systématisation neurologique. Les causes ischémiques ont été évoquées.Une défaillance circulatoire systémique ou une maladie de Horton sont à recher-cher. Rarement, il s’agit d’une cause inflammatoire (névrite optique postinfec-

tieuse), compressive (anévrisme, méningiome), toxique (méthanol) ou d’unemaladie de Leber (notion familiale, présente dans 50 % des cas, transmissionmaternelle).Une hémianopsie bitemporale s’installe rarement sur un mode aigu. Elle estl’indicateur d’une lésion de la région chiasmatique. Le diagnostic principal estl’adénome hypophysaire, qui peut parfois se révéler brutalement sur le planvisuel dans un contexte de céphalées (par remaniements hémorragiques ouischémiques de l’adénome : apoplexie pituitaire).Une hémianopsie latérale homonyme, de constitution brutale, est générale-ment la conséquence d’une lésion vasculaire, ischémique ou hémorragique,intéressant les voies visuelles rétrochiasmatiques de l’hémisphère controlatéral.Le plus souvent, la lésion est occipitale. Plus le déficit homonyme est congruent,plus la lésion est postérieure. L’acuité visuelle est conservée dans tous les cas.

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CONNAISSANCES – III. ITEMS INSCRITS DANS LES MODULES TRANSVERSAUX

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Le champ visuel en confrontation, effectué œil par œil, identifie bien souventl’HLH avant sa confirmation par les techniques de périmétrie. Des hallucinationsvisuelles sont fréquentes au stade initial dans le champ hémianopsique.D’autres symptômes visuels, en rapport avec une lésion des aires corticalesassociatives, peuvent être associés : alexie et agnosie visuelle des objets en casde lésion gauche, prosopagnosie (agnosie des visages) et troubles de la per-ception spatiale en cas de lésion droite. Un syndrome d’héminégligence gaucheest fréquemment présent au stade aigu d’une lésion vasculaire de la partie pos-térieure de l’hémisphère droit. Il ajoute ses conséquences à celles de l’HLH,conduisant à une absence de prise en compte des informations venant du côtégauche et à une méconnaissance de l’HLH. Selon la topographie lésionnelle,une hémiplégie ou une aphasie peuvent dominer le tableau.Une cécité corticale est rare, mais dramatique. Elle est la conséquence d’unelésion occipitale bilatérale, presque toujours vasculaire. Il peut s’agir d’un acci-dent hémorragique (anticoagulants, angiopathie amyloïde), mais le plus souventil s’agit d’un ramollissement, qui se constitue en deux temps (infarctus cérébralpostérieur bilatéral). Au stade aigu, le patient est aveugle. Il existe très souvent

une méconnaissance du déficit (anosognosie), qui rend particulièrement difficilela reconnaissance de la cécité, chez un patient agité, peu coopérant et parfoisconfus. La normalité du fond d’œil et la préservation des réflexes pupillairescontribuent à la difficulté du diagnostic. Le comportement d’aveugle, l’absenced’orientation du regard vers les objets que l’on montre eta fortiori de leur recon-naissance, l’absence de clignement à la menace font suspecter le diagnostic.Des hallucinations visuelles souvent riches sont décrites. En cas d’amélioration,le patient récupère en premier la perception du mouvement et de la luminosité.La récupération de la vision des couleurs et des formes est plus aléatoire. Ilpersiste souvent une agnosie visuelle des objets. Le champ visuel peut égale-ment récupérer dans un hémichamp ou une partie de celui-ci.Un trouble de conversion peut se manifester sur le mode d’une cécité uni oubilatérale. L’absence de signes objectifs (FO normal, pas de déficit pupillaire affé-

rent relatif), le rétrécissement concentrique du champ visuel en « canon defusil », sont évocateurs. Il est important de connaître cette éventualité pourl’identifier, tout en restant vigilant à ne pas taxer trop vite d’hystérique un troublevisuel que l’on ne comprend pas.

Points clés• Trouble visuel monoculaire aigu, transitoire :

– quelques secondes : œdème papillaire ;– quelques secondes à quelques minutes : cécité monoculaire transitoire.

• Trouble visuel monoculaire aigu, fixé :– occlusion de l’artère centrale de la rétine ;– neuropathie optique ischémique antérieure (Horton) ;– décollement de rétine ;– hémorragie intraoculaire.

• Trouble visuel monoculaire subaigu, fixé : névrite optique inflammatoire (sujet jeune).• Trouble visuel binoculaire transitoire et récidivant :

– aura migraineuse ;– épilepsie partielle.

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