18.Les Theories Des Crises Economiques.rosier

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    LES THEORIES DES CRISES ECONOMIQUES

    Bernard Rosier, La Dcouverte

    I) LOBSERVATION DES FAITS ET LEMERGENCE DU CONCEPT MODERNE DE CRISE

    Comme la vie sociale, lactivit conomique est scande de multiples rythmes, la production est alatoire (cf

    agriculture).

    Sous lAR, on peut faire deux observations :

    - lampleur des effets de la crise dpend du mode de rpartition de la production, donc de la nature des

    rapports sociaux- les crises frumentaires de lAR comme les crises des pays dfavoriss aujourdhui nont pas de causes

    climatiques ; elles sont trs largement dtermines par des facteurs sociaux.

    Avec lapparition de lindustrie = autres rythmes ou uctuations de lactivit conomique.

    1 De lobservation et de la conceptualisation des crises priodiques du 19me et de la moiti du 20me la

    mise en vidence de cycles conomiques.

    Si chacune des crises revt des caractres particuliers, de par la nature et la conjoncture dans lq elle sinscrit, des

    traits gnraux peuvent tre relevs pour caractriser une crise :

    Contraction brutale de la production, chute des prix, faillites nombreuses, monte du u et recul de w, tensions sociales,

    avec svt comme dtonateur, un krach boursier ou bancaire + ou retentissant. Cela dsigne, le moment de retournement

    de la conjoncture conomique, le tps du passage dune priode dexpansion ou dessor assez soutenu celui dune phasede dpression ou de contraction, au cours de lq nissent par se mettre en place les conditions de la reprise, retournement

    inverse de la conjoncture.

    Lhistoire enseigne que lexpansion se ralise gnralement autour dune ou pls industries motrices qui entranent

    des effets positifs sur dautres activits. (cf chemin de fer). Cest lampleur mme de lexpansion, donc de llvation

    des investissements dans la production, qui va ds lors que la demande ne suit plus, crer les conditions dune rupture

    plus ou moins brutale du processus expansionniste. Celle-ci va rapidement se propager partir des secteurs touchs et

    devenir gnrale et provoquer des ractions en chane.

    Une dpression plus ou moins longue et accentue souvre alors avec son cortge de misre ouvrire et de gaspillage des

    ressources dont le cot social est considrable.

    Crises et cycles conomiques

    lensemble de ce processus apparat comme un temps de uctuation conomique dont la rptition priodique

    est assez remarquable. Cela a conduit lconomiste franais Clment Juglar en 1860 dcrire la crise comme moment

    de cycles conomiques classiques. Ceux-ci seront dsigns cycles classiques ou encore cycles majeurs.

    Toutefois, la priodicit des cycles nest pas rigoureuse. Cest pq certains auteurs prfrent lide de succession dondes

    conomiques classiques voquant davantage lide de rcurrence ou doscillation (Mitchell et Kendall).

    Mais cycles et crises prsentent des caractres spciques dans leur intensit et dans leur dure. Le premier pays a

    entr en crise est le pays guide est tjs celui de lconomie dominante. Cest alors le poids de lconomie dominante qui

    entrane les autres pays dans la crise.

    2 De la mise en vidence de fuctuations longues

    Cest lconomiste russe Kondratiev qui prsente en 1922 la premire grande synthse sur lexistence de mvt longs et

    concordants des prix et de la production. La production industrielle et agricole, les prix, y compris le taux de salaire et

    r, et le niveau du commerce extrieur, connaissent une priode dexpansion longue dune dure dun quart de sicle etdes priodes de dpressions longues dune dure semblable. Ces priodes sont dsignes phase A & B du Kondratiev

    (Simiand).

    II) Des premires interprtations la thorie des crises de surproduction et aux premires analyses du

    mouvement long.

    1 De lanalyse des crises priodiques comme crises de surproduction ltude du cycle classique.

    La naissance de la thorie : de Sismondi Marx

    Prolongeant les travaux de Sismondi, Marx sera le premier auteur produire une thorie du capitalisme productif,

    spcique par :

    - la nature de ses 2 classes fondamentales et des rapports qui les relient

    - le niveau de dveloppement des forces productives, donc des techniques quil met en uvre.Pour lui, et contrairement aux conomistes classiques, les lois de ce type particulier dorganisation de la production et

    des changes lui sont spciques. La crise est redue possible par le fait quune conomie capitaliste est une conomie

    dchanges gnraliss o production et consommation sont disjointes. La loi des dbouchs tant un mythe, le

    capitalisme entrane des phnomnes de sous-consommation ouvrire et de surproduction capitaliste, car la demande

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    nest pas solvable.

    Marx apporte deux lments importants :

    - la conrmation des premires intuitions de Malthus et de Sismondi : la crise classique (juglar) est analyse

    comme un phnomne structurel et non pas seulement conjoncturel

    - la crise saisie comme jouant le rle de rgulateur est considre dans la priode longue comme une solution

    momentane et violente des contradictions existantes

    Dans la mesure o la crise se trouve inscrite dans un schma explicatif de la dynamique et des uctuations conomiques

    avec un rle spcique, le concept de crise est vritablement construit.

    Le dvp de la thorie : surcapitalisation et mvt des cots : Tugan-Baranovski, Aftalion, Lescure, Wicksell

    - la question de lpargne et du crdit: Tugan-Baranovski publie en 1894 Crises industrielles en Angleterre. Le

    systme conomique serait incapable dajuster le ux dpargne aux besoins de laccumulation, croissants au

    cours dune priode. Pour lui, cest le montant du capital empruntable disponible accumul pdt la dpression qui

    va limiter linvestissement dans lexpansion.

    - la question de lajustement des capacits productives : conomiste franais Albert Aftalion (1908 & 1913)

    aborde la question de la surcapitalisation. En priode dexpansion, linvestissement net est suscit par llvation

    de la demande nale. Par suite des hauts prots de lessor, les commandes de ces biens croissent. Mais, leur

    fabrication demande un dlai ( ou retard dinvestissement), qui interdit un ajustement correct des capacits

    productives. Il tend donc susciter une situation de surcapacit par rapport la demande nale. La crise va donc

    surgir par surproduction. On a un dcalage entre la capacit de cration et lvolution de la demande.- La question de llvation des cots de lexpansion : conomiste franais Jean Lescure souligne le rle de

    llvation des cots au long de la priode dexpansion et son effet ngatif sur lvolution du taux de prot

    anticip. Ainsi, au terme dune priode dessor, les cots dtablissement et les prix de revient slveraient

    davantage que les prix de vente, ce qui ne permettrait plus aux entrepreneurs desprer un taux de prot sufsant.

    Le pb central est la menace qui pse terme sur le taux de prot, moteur de laccumulation.

    Les apports originaux de grands thoriciens des annes trente : Keynes et Schumpeter

    Pb identique, avec le surinvestissement chez Keynes.

    Schumpeter : innovation et rle des entrepreneurs.

    III) LA GRANDE CRISE DES ANNES 30 : UNE RUPTURE DANS LE MODE DE FONCTIONNEMENT

    DU CAPITALISME ?

    Sans doute la crise de 1929 sinscrit-elle dans le cadre des crises classiques : elle vient 8 ans aprs la crise de reconversion

    de 1921, et peut tre explique par les schmas prcdents.

    Elle souvre dans une conjoncture de surspculation ( processus spculatif qui dcroche des phnomnes rels). Aprs

    le krach nancier, la dpression samorce et va se rvler tre dune intensit ingale. Elle samplie sans quaucun

    mcanisme classiquement considrs comme facteurs de reprise ne semble se mettre en action : le systme conomique

    parat incapable de cheminer vers une reprise, de lui-mme, cad partir du jeu de ses propres structures selon le processus

    classique. De la sorte, la crise classique ne joue plus son rle de rgulateur de lactivit conomique en longue priode.

    les interprtations de la crise de 1929

    John Galbraith sattache btir une explication partir dune interprtation dun ensemble de traits quil considre

    comme marquants du capitalisme amricain et de la conjoncture longue des annes 20.Pour lui, le retournement de la conjoncture de 1929, dc le dclenchement de la crise, tient essentiellement de lcart

    qui sest creus entre llvation de la productivit du travail industriel et la quasi stagnation des salaires et des prix

    >accroissement des prot, qui soutint les dpenses des classes aises, alimenta la spculations boursires et encouragea

    le niveau des investissements, alors que la conso des classes populaires tait faible.

    De plus, lconomie amricaine tait fondamentalement malsaine, et cest cela qui a entran lampleur ingale de la

    crise :

    - rpartition trs ingalitaire des revenus ( 5% de la pop percevaient environ le tiers du revenu total) qui rendait

    lconomie dpendante dun haut niveau dinvestissement et des dpenses de luxe.

    - Les effets pervers de la structure des holdings dans une conjoncture spculative

    - Le caractre non pertinent des mesures de politique conomique pour stopper la dation

    En dnitive, la crise de 1929 se situe dans lhistoire du capitalisme dans un contexte marqu la fois par lexpansion

    du salariat et par les dbuts de la production de masse alors mme que demeuraient inchangs les politiques salariales

    et les modes de consommation. La crise classique ne peut dnitivement plus jouer le rle de rgulateur de lactivit

    conomique. Cela confre le caractre particulier de cette crise : une crise classique, mais gante, dans la mesure o sa

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    fonction vient se confondre avec celle de la dpression longue ds lq elle se trouve inscrite.

    IV) LA PERIODE CONTEMPORAINE : DU TEMPS DE LEXPANSION LONGUE DE LAPRES

    GUERRE A LA CRISE ACTUELLE

    1 Croissance et crise

    Une longue priode dexpansion acclre

    Lexpansion repose sur une triple base : technique, conomique et sociale. La croissance conomique est

    impulse et oriente par des rmes qui connaissent un mvt de concentration industrielle, lequel se manifeste surtout

    par la constitution de groupe industriel ou nanciers gants (holding). Firmes et groupes laborent et mettent en placedes stratgies dexpansion planie, susceptibles daccrotre leur pouvoir de march ( market power), cad leur capacit

    dinuencer les conditions de lchange et daccrotre la demande effective sadressant eux.

    Dans chacune des principales branches dactivit industrielle de chq pays ne se trouvent plus que qqs grandes

    rmes, en arrivent des situations dentente il y a oligopole stabilis.

    La concurrence se fait alors par la diffrenciation des produits.

    La forte intensication du travail ouvrier lvation de la productivit surplus conomique = base de la production

    de masse.

    Cela ne cre pas la croissance, mais un certain type de croissance (issu dun certain mode de dvp des forces productives),

    donc de certains mode de vie. Ceux-ci se trouvent faonns par les systmes techniques tels quils sont lis la division

    du travail ( univers de la productivit), par les systmes dobjets inclus dans les modes de consommation (univers de la

    consommativit) et par le type damnagement des espaces urbains et ruraux qui structurent lunivers de la sociabilit.La logique du processus de division internationale du travail et de lconomie-monde entrane une double volution :

    - la hirarchisation accrue des conomies des pays industrialiss du centre dvp du Nord, les + avancs dentre eux

    voyant se concentrer en leur sein les activits caractre stratgique.

    - Au del du processus de dcolonisation politique, le sous dvp des pays priphriques du sud de lconomie

    monde devient un phnomne massif de la priode.

    dvp ingal des nations. Mais un processus de rgulation a t assez puissant pour parvenir aplatir la courbe

    dexpansion et dc, entraver les mcanismes des cycles classiques, les crises tant rduites de simples et brves

    rcessions.

    Retournement de conjoncture et crise

    crise de lnergie de 1973-1974 et 1980-1982 : recul en valeur absolue de la production dans les grands pays

    industrialiss + une pousse de lination = stagation.

    On observe une srie de phnomnes caractristiques : importantes restructurations et concentrations industrielles,

    mises au point de nouvelles technologies, dc nouveaux produits pour une nouvelle demande, recherche de nouvelles

    formes de travail ;

    chmage, qui entretient la dpression

    2 la crise contemporaine : les diverses interprtations

    Les vues des conomistes libraux sur les dsquilibres et la crise actuelle ; leurs propositions de politique

    conomique

    Dclench par des facteurs exognes, le reux de lexpansion aurait t ampli par une srie dimperfections internes,

    en particulier par les stratgies salariales des organisations syndicales. pour les tenants de lconomie de loffre, qui sappuient sur les travaux de lcole du Public Choice, ltat

    est envahissant et strilisant.

    les montaristes de lcole de Milton Friedman critiquent les politiques

    montaires dinspiration keynsienne.

    lconomiste libral amricain von Hayeck dvp une mme critique de ces politiques keynsiennes, ds lq il

    voie la crise actuelle de lination du crdit, quelles auraient provoquer en faisant baisser les taux dintrt.

    Les thrapeutiques pour sortir de la crise prennent le contre-pied de lanalyse keynsienne :

    - rduire la pression scale

    - librer le march du travail, principe de la drglementation

    - rduction de lexpansion de la masse montaire

    Un point de vue keynsien : une crise organique

    Alain Barrre a prsent la crise conomique comme une crise dun nouveau type, sans prcdent, dite crise organique,

    dans la mesure o elle proviendrait du drglement du systme de production et de rpartition. Celui-ci proviendrait de

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    la baisse relative du revenu net disponible pour la consommation et linvestissement, phnomne, observ en France

    et aux USA, la n de la priode de croissance. Cette baisse provoquerait un freinage de la demande effective, donc

    de lemploi et de la rentabilit du capital, do le recul de la propension investir, lapparition du surinvestissement, le

    ralentissement de la croissance et la crise.

    planication nationale

    Deux points de vue marxistes

    Les travaux du groupe de Bernis

    le mode de rgulation serait constitu de la tendance lgalisation et du dvp des contre tendances la baissetendancielle du taux de prot. Chacune de ces lois sincarneraient dans des institutions rgulatrices jouant le rle de

    procdures sociales ncessaires au fonctionnement de lconomie et son dynamisme.

    La crise claterait au moment o la loi dgalisation serait mise en cause et o les la distinction entre crises rgulatrices

    lies linsufsante efcacit des procdures de rgulation et crises du systme de rgulation, ou grandes crises, comme

    celles de 1921-1933 ou lactuelle.

    Les travaux de Barrre-Kebadjian-Weinstein

    Leur interprtation part de deux constats :

    - existence dun rgime daccumulation particulier :le rgime intensif des rgulationnistes

    - la mise en place des rapports et des formes structurelles institutionnalises portant ngation des caractres

    capitalistes.

    Ce serait la mise en cause de larticulation, donc de rgulation par les tats, de ces deux espaces considrs contradictoiresqui aurait conduit la crise : lconomie marchande capitaliste rencontrerait des limites nouvelles et fortes, compte tenu

    de la pousse considrable des interdpendances conomiques et des besoins en activits non marchandes.

    Lapproche du courant rgulationniste

    Mise en vidence de diffrents mode daccumulation, qui dsigne pour une priode longue, lensemble des rgularits

    qui assurent la progression gnral et cohrente de laccumulation du capital.

    Les formes institutionnelles reprsentent les aspects spciques une priode de certains rapports sociaux :

    - les formes montaires

    - la conguration du rapport salarial

    - les formes de concurrence

    - les modalits dadhsion au rgime international

    - les formes dintervention de ltat

    la crise contemporaine vient de lpuisement du rgime daccumulation intensif consommation de masse ou rgime

    fordiste, lui-mme remis en cause li lpuisement de lefcacit des formes institutionnelles qui sont la base du

    rgime daccumulation. Cad une crise du fordisme dans ses diffrentes dimensions : travail et productivit, normes de

    consommation, cots collectifs de la croissance.

    Lapproche radicale de Bowles-Gordon-Weisskopf : la crise conomique amricaine comme crise du systme de la

    grande entreprise

    Trois socles du systme de la grande entreprise :

    - la pax americana, qui arbitre les conditions de lchange international

    - un accord K/L, qui met en place un systme trs structur entre les grandes entreprises et les trvailleurs

    amricains via des conventions collectives- un pacte citoyens-capitalisme qui gre le conit entre les revendications populaires relatives aux responsabilits

    sociales de la grande entreprise et la pure logique de prot qui les anime. Le pacte aboutit un largissement du

    rle de ltat, pour soutenir et rguler lactivit conomique et limiter les cots sociaux de la croissance.

    Cest lrosion progressive du systme de la grande entreprise qui conduit lconomie amricaine la grande crise :

    apparition de conit ds chacun des 3 socles.

    V) DES ANALYSES DE LA CRISE CONTEMPORAINE AU RENOUVEAU DE LAPPROCHE EN

    TERMES DE RYTME LONGS

    Lcole marxiste franaise dite du CME (capitalisme monopoliste dtat), et la suraccumulation du capital

    Paul Boccara et Louis Fontvieille

    La source de la crise est trouver dans un processus de suraccumulation du capital (accumulation excessive par rapportaux capacits de rentabilit normale du capital investi) et on lobserve en France et aux USA ds la n 60.

    Bowles-Gordon-Weisskopf et les bases institutionnelles de laccumulation

    Ouverture dune crise universelle : la crise ignore les frontires et ses effets ne sont pas conns aux champs conomiques

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    au sens strict ; elles touchent au contraire toutes les dimensions de la vie quotidienne.

    Ernest Mandel et les systmes de machines successifs

    La phase dexpansion longue est lie la mise en uvre dune rvolution technologique centre sur un type spcique

    de machines. La sortie de dpression longue se raliserait sous leffet dun facteur exogne qui provoquerait un

    retournement de la tendance des taux de prot et permettrait la mise en place, devenue rentable, dune nouvelle

    rvolution technologique.

    Christopher Freeman et les paradigmes techno-conomiquesPour sortir de la crise, il est ncessaire davoir un remplacement des branches motrices de lconomie, ainsi que de

    profonds changements institutionnels et sociaux.

    Fiche ralise par Claire Talazac, IUFM de Paris, SES