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AOUT Deruxième série 4. saint Bandry, évoque de Soissons (545), Ili,Nni LAURENT. 2. Saint Serenus ou Serèae, évêque de Marseille (604 ou 606), A. Fit. Bn. 3. Saint Pierre d'Anagni, Bénédictin et évêque d'Anagni (1105), BLArsr. LE EN. 4. Saint Luan, Lugid ou Molua, premier Abbé de Clonfeit Moins (vie siècle), ÉMILE ArtioNr. 5. Saint Cassien, évêque d'Autun (ive siècle), A. Fn. Bn. 6. Bienheureux Octavien de Quingey, évêque de Savone (vers 1060- 1128), MAnu,-Auousri. LECLnno. 7. Saint Victi-ice, évêque de Rouen (iv°-ve siècle), Fnavçojs DELarKS. 8. Saint Sévère, apôtre de Vienne en Dauphiné (Ve siècle), EMMANUEL VARNOUX. 9. Saint Jean-Marie Vianney, curé d'Ars (1786-1859), F. C. 10. Bienheureux Amédée, Franciscain, fondateur des Amadéistes (f 1482), C. 0cr.ViFN. 11. S:,int Taurin, preinier évêque d'Evreux (ive siècle), MAxiau, VL\LLET. 12. Saint Euple, diacre et martyr à Catane (304), DENis Ilierm. 13. Saint Jean Berclimans, scolastique de la Conipagnie de Jésus (159,( 1621) GUILLAUME 13isnNARD. 14. Sainte Athanasie, veuve et religieuse (ixe siècle), A. F. C. 15. Saint Stailislas Kostka, novice de la Compagnie de Jésus (1550-1568), A. Z. 16. Saint Simplicieil, évêque de Milan (vers 320-400), C. OcvAVjEN. 17. Sainte Claire de Moiitefalco, Abbesse de l'Ordre de Saint- Augustin (12(38-1308), E. A. 18. Sainte Hélène, veuve, mère de Constantin le Grand (vers 248- 328), F. C. 19. Saint Jean Eudes, fondateur de la Congrégation de Jésus et de Marie (Eudistes) (1601-1680), A. F. C. 20. Saint Pliilibert ou Pliilbert, Abbé de Jumièges et fondateur de Noirmoutier (616-684), A. F. II. 21. Saint Privat, évêque du Gévaudan et martyr (me siècle), E. 1L et Fa. Bu. 22. Saint André le Scot, ireliidiacre de Fiesole (fin du ixe siècle), Fit BRUNO. 23. Bienheureux Jacques Bianconi, de Bevagna, Dominicain (1220- '1301), M.-M. DL J. 1

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AOUTDeruxième série

4. saint Bandry, évoque de Soissons (545), Ili,Nni LAURENT.2. Saint Serenus ou Serèae, évêque de Marseille (604 ou 606), A. Fit. Bn. 3. Saint Pierre

d'Anagni, Bénédictin et évêque d'Anagni (1105), BLArsr.LE EN.4. Saint Luan, Lugid ou Molua, premier Abbé de Clonfeit Moins (vie siècle), ÉMILE ArtioNr.5. Saint Cassien, évêque d'Autun (ive siècle), A. Fn. Bn.6. Bienheureux Octavien de Quingey, évêque de Savone (vers 10601128), MAnu,-Auousri.

LECLnno.7. Saint Victi-ice, évêque de Rouen (iv°-ve siècle), Fnavçojs DELarKS.8. Saint Sévère, apôtre de Vienne en Dauphiné (Ve siècle), EMMANUELVARNOUX.9. Saint Jean-Marie Vianney, curé d'Ars (1786-1859), F. C.10. Bienheureux Amédée, Franciscain, fondateur des Amadéistes (f 1482), C. 0cr.ViFN.11. S:,int Taurin, preinier évêque d'Evreux (ive siècle), MAxiau, VL\LLET. 12. Saint Euple,

diacre et martyr à Catane (304), DENis Ilierm.13. Saint Jean Berclimans, scolastique de la Conipagnie de Jésus (159,(1621) GUILLAUME 13isnNARD.14. Sainte Athanasie, veuve et religieuse (ixe siècle), A. F. C.15. Saint Stailislas Kostka, novice de la Compagnie de Jésus (1550-1568), A. Z.16. Saint Simplicieil, évêque de Milan (vers 320-400), C. OcvAVjEN.17. Sainte Claire de Moiitefalco, Abbesse de l'Ordre de Saint-Augustin (12(38-1308), E. A.18. Sainte Hélène, veuve, mère de Constantin le Grand (vers 248-328), F. C. 19. Saint Jean

Eudes, fondateur de la Congrégation de Jésus et de Marie (Eudistes) (1601-1680), A. F. C.20. Saint Pliilibert ou Pliilbert, Abbé de Jumièges et fondateur de Noirmoutier (616-684), A. F.

II.21. Saint Privat, évêque du Gévaudan et martyr (me siècle), E. 1L et Fa. Bu. 22. Saint André le

Scot, ireliidiacre de Fiesole (fin du ixe siècle), Fit BRUNO.23. Bienheureux Jacques Bianconi, de Bevagna, Dominicain (1220'1301), M.-M. DL J.24. Saint Ouen, évêque de Bouen (ti00-634), liiANçois DELmAs.25. Saint Yrieix, Abbé d'Attane (ou Saint-Yrieix) dans le Limousin (591), A. L.26. Saint Zéphyrin, Pape et martyr (vers 221), DoaiiNIRuE ROLANDGoSSELrN.27. Bienlieureux Guérin, Cistercien, Abbé d'Atilps, puis évêque de Sion (1150), A. L.28. Saint Julien de Brloude, officier et martyr (vers 304), DoanniQuii ROLAND-COSSELIN.29. Saint Merri ou Médérice prêtre et Abbé(700), chanoine L.-F. LAnoisi.. 30. Saint Gaudens,

martyr en Coraininges au ve siècle, abbé F. Sor.31. Saint Raymond Nonat, religieux de la Merci et cardinal (1204-1240),E. L.A ASAINT BANDMEvêque de Soissons (} 545).Fête le ler aoet.N icoLAs de Beaufort, religieux Joanniste qui vivait au xne siècle, soit six cents aris après saint

Bandry, a écrit, pour servir à l'histoire de cette vénérable Eglise, la Vie du quatorzième évêque de Soissons. Son récit, reproduit par les Bollandistes, paraît digne de confiance, bien qu'il soit loin d'avoir la valeur d'un témoignage conteniporain. Notons tout de suite, afin de n'y plus revenir, les variantes du nom de Bandry, en latin 13andaridus, que l'on trouve en français sous les formes de Bandry, Baudry, Daiidared, Banderik, Batidritz et Baudriz.

Saint Bandry est élu évêque de Soissons.

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Le biographe de Bandry n'a rien recueilli sur ses origines, ni sur son éducation, ni sur ce que furent les événements dont se composa sa vie avant son accession à l'épiscopat, ni sur l'àge qu'il avait lors de son élection. Il nous iransporfe d'emblée au temps de Clotaire ler (bis-56i), quand, vers 533, I'Lglise de Soissons, ville qui était alors la résiderice royale, vint à perdre son évêque saint Loup. Après avoir donné libre cours à son deuil, le peuple, d'une voix unanime, désigna par acclamation, comme successeur du Pontife défunt, Bandry, n homme habile autant que remarquable par l'excellence de ses mérites n. On est fondé à supposer que, né de famille germaine ou franque, il avait passé pieusement sa jeuriesse dans l'école cléricale de Bazoclies, fondée par saint Loup, et qu'il s'y était distingué par ses progrès dans les sciences et dans la vertu. Le roi ayant sans hésiter confirmé le choix, l'élu fui ordonné et sacré.

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z. r'r AOLSTIl: donne: l'exemple des vertus.Cï>nscien[ des: devoirs de son nouvel: état, Randry se mit à enseé-garer son peuple, en-

conhmen.ça-nt par lui donner la l'eçori: d'e~ l'exemple. l'ti était assidu à.la, prière fidèle à observer le jeûne, senou rable aux' pauvres, in-fatigal'"ile dans tes veilles, prudent et i'rr&pro. cllable dans son commerce avec ses ou'artléa. Patient,, humble e'fa animé d'une grande pureté d'mterttîon„ il'l témoignait à ceux q i l'aplirocliaicnt.' toutes l'es formes de ta•: Isieraveil'lance et de l'ai do'x cour, utilisant le moyen de' l'a eonam)s'at'rma pour jeter dans tes in él

ligen'rees et dans les cmu'rs la' semence' divine des Bcrituaress et,'arrois at rageant quiconque persévérait dans le bien. C'était une joie pour

lui de secourir la misère et de faire des malheureux les dépositaires de ses biens. Sa sollicitude pour leurs besoins l'avait rendu semblable à eux, car de ses revenus il ne se réservait que ce qui était indispensable à la nourriture du jour présent, sans souci aucun du lendemain. l'elle était sa faculté d'adaptation que les riches le croyaient plus pourvu qu'eux des biens de ce monde, tandis que les pauvres reconnaissaient en lui l'un des leurs par l'air et le visage.

Saint Bandry est proscrit sans jugement par Clotaire pr.Dieu permit que son serviteur passât par l'épreuve de la calomnie. Less personnages de la cour

royale qui; nous l'avons .vu,, était fixée à Soissons, et qui- laissait. beaucoup à désirer sons ls rapport des mceurs, supportaient mal les anathèmes- lancés contre les vices e l'époque.

Des bruits perfides sont mis tout à coup en circulation. Les uns reprochent à )évêquee la prodigalité avec laquelle il dissipe les biens de la maison de Dieu air lieu d'en être le dispensateur fidèle, et taxent d'hypocrisie sa libéralité envers les indigents, Certains pré' tendent même qu'il préfère la vanité au service de Dieu. Il s'éleva, à vrai dire, en faveur de Bandry, des voix pour répéter tout le bien accompli par lui parmi son peuple et pour garantir la dignité de sa vie, Niais les gens de la cour faisant chorus avec ses adversaires agirent directement sur le monarque

Seigneur roi, lui dirent-ils, noirs avons été souvent les témoins d'un usage dont nous avaient déjà parlé nos devanciers et d'après lequel tous les évêques qui partagent à vos côtés le gouvernement dus royaume doivent vous faire parvenir ou vous apporter des présents dignes de votre Majesté. Or, bien qu'il vous doive son éminente dignité, l'évêque de Soissons Bandry semble étranger à. cette

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tradition : nul ne le voit à la cour royale et il n'envoie pas de présents. Ordonnez donc (pue nous l'allions trouver et lui suggérions d'avoir à se soumettre à votre autorité et à obéir aux édits royaux, comme le font ses collègues dans l'épiscopat. Pareille mise en demeure s'impose, autrement. il prétendra, pour s'excuser, n'avoir jamais entendu parler de rien de semblable.

Forts de l'approbation royale, les ennemis de Bandry se cou.SAIAT nsxnaY 3dirent près de d'évêque et lui répétèrent, non sans menaces, les suggestions auxquelles Clotaire Pr

avait souscrit. Quand ils auront terminé, le serviteur de Dieu leur répondit en ces termes- Mon Seigneur roi me mande ses volontés. J'y déférerais avec plaisir et empressement si j'en

avais la possibilité. Mais Celui à qui appartient toute-puissance an ciel et sur la terre sait que nulle part je ne possède de présents dignes du roi et -que 'je ne puis -préparer ainsi -au pied levé cc -que :vous exigez quasi de -vive force. A moins que le Seigneur, riche de tous les biens -et prodigue de ses dons envers quiconque recourt à lui et met en lui sa confiance, loin de l'en reprendre, ne daigne dans sa bonté divine pourvoir à mon indigence.

Les envoyés, furieux, se hâtent de rapporter à leur maître les paroles- de 'Bandry, non sans les travestir :

- Grand roi, vivez à 'jamais. Agissant selon vos ordres, nous sommes allés voir -cet évêque stupide;-noirs avons trouvé un homme enn délire, 'lâchant des incongruités qu'il serait déshonnête -d'adresser à de vulgaires manants. N'a-t-il pas affirmé avec serment que jamais 'il 'ne mettrait le pied dans votre palais -ni ne témoignerai L, à vous on aux vôtres, la moindre-marque d'honneur!) ~N y a fort à craindre que si, dans voire mansuétude, vous laissez passer impuni un pareil langage, votre royaume ne connaisse les désolations de la- discordeet ne tombe sous le joug d'une autre famille. lin cette affaire, il ne vous reste, semble-t-il, d'autre ressource épie de faire jeter en prison on rebelle ou bien ., de le condamner à l'exil, comme coupable de fraude.

Clotaire, vivement impressionné par ce rapport mensonger, opine pour la seconde solution. Les calomniateurs, érigés en ,juges et en ,vengeurs d' un. crime imaginaire, accourent de nouveau, avec I'assens liment du roi, .à la demeure de l'é.vêlue qu'ils chassent aussitôt do chez .I.ui, sans qu'ait été tenu un synode ni rendu le jugement de ses pairs ccclésiastiques, mais par ie seul fait du prince.

Sur la route dg l'exil.'Bandry, le coeur rempli de confiance en Dieu et -préoccupé avant tout de pratiquer l'humilité et

la patience, pensa :d'abord -vivre _caché dans la :région. Tout hier cet sidéré, il lui Partit pieférable (le partir pour la terre étrangère, -où personne ne connaîtrait son pays -d origine, sa qualité ; où lui seraientt épargnés la calomnie et -les reproches inséparables dune -folle infortune ; où l'obstacle d'un voyage périlleux le mettrait à l'abri des ,recherches. ,Résolu de mettre la mer, entre loi et, sa patrie, il marcha longtemps et atteignit un port de mer aménagé _parmi les rochers sur l'un -desquels, formant colonne, il grava l'amuse, le jour -et.J'heure de son départ pourl'An leterre. Moulas de, $' Beaufort ne raproduiLmalheureusnment pas cos renseignements dans son récit.

Après,uu,e traversée favorable, l'exilé reprit le,bâton de -voyageur, s'informant, quand :une, ville apparaissait sur son chemin, si -à l'abri de ses murs ne s'élevait pas ;quelque -nmonastère..La :provi-

Q Ier AOUTSAINT B.ANnnYdence le conduisit enfin à la porte d'une communauté qui accepta de lui donner l'hospitalité peut-

être par égards pour l'habit de chanoine dont l'étranger était revêtu.

L'évêque jardinier.Le nouveau venu, ayant exprimé le désir de vivre du labeur de ses mains, fut employé à la culture

du jardin, office qu'il remplit pendant sept ans. A ses humbles fonctions il apportait un tel amour du travail et un tel soin que jamais la table du monastère n'avait été si fournie de légumes. Dieu, voulant montrer à quel point lui était agréable l'obéissance de son serviteur, lui communiqua un peu de sa puissance sur le règne végétal ; de telle sorte que ceux qui souffraient d'un mal quelconque, s'ils acceptaient au nom de Dieu les potions composées par lui avec des herbes, recouvraient la santé, chacune des plantes qu'il employait devenant dans ses mains le remède spécifique d'une

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maladie. Son nom acquit la célébrité parmi les populations côtières, et l'on ne comptait plias les gens qu'il guérissait, soit par la vertu de ses drogues, soit encore par imposition des mains. Son souci était de reporter ces prodiges sur la sagesse divine et d'exhorter ceux qui en avaient bénéficié à toujours rendre grâces à Dieu.

Les Soissonnais réclament le retour de leur évêque.Tandis que de l'autre côté du détroit les bienfaits et les mérites de Bandry lui gagnent l'affection

des foules, sept ans environ après son départ de Soissons la sécheresse et. la peste se mettent tout à coup à ravager son ancien diocèse. En cette extrémité, on fait assaut de prières au ciel ; les yeux de beaucoup s'ouvrent et peu s'en fart qu'une sédition n'éclate. Dans leur accablement, les Soissonnais se portent en masse vers le palais de Clotaire, qu'ils apostrophent en ces termes :

- Roi, ou plutôt non, car votre mine et votre réputation témoignent que vous êtes un tyran dénué de miséricorde et d'équité, en quoi avons-nous péché contre vous pour que vous imposiez à nos épaules ce crime énorme dont nous portons aujourd'hui le châtiment? Pourquoi votre tyrannie et celle des vôtres nous a-t-elle ravi notre pasteur, le docteur et le pilote de nos âmes et de nos corps? Pourquoi, non content de le chasser du royaume, l'avoir contraint de passer la mer? O ennemi de toute justice, contempteur sacrilège des lois divines et humaines, quelle audace téméraire fut la vôtre d'arracher sa dignité épiscopale au Saint de Dieu 1 Bien plus, son absence est cause que nous périssons d'une mort horrible. Puisque telle est la raison et tel le crime qui nous vouent à la ruine, rendez-nous celui que vous avez enlevéé par violence et par fraude. Tant que Bandry, l'élu de Dieu déposé par un jugement inique, n'aura pas été rappelé sur son siège, la peste ne nous fera pas grâce. Si vous vous y refusez dans l'obstination de votre coeur, vous périrez sous le coup d'un décret divin.

A la recherche de l'exilé.Le roi, craignant pour sa vie, manda ses serviteurs, leur adjoignit plusieurs notables Soissonnais,

puis donna mission aux uns et aux autres d'aller dans tous les sens à la recherche du serviteur de Dieu.

Saint Bandry s'occupe du jardin du monastère. Dans le médaillon,

l'abbé du monastère, apprenant la qualité du frèrejardinier, demande sa bénédiction.Après de longues pérégrinations, l'un des groupes atteignit la mer, et grande fut la joie de ses

membres lorsque la lecture de l'inscrip. tion gravée dans le rocher de la main même de Bandry leur 4

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eut apporté la certitude d'être sur la bonne voie. Heureusement par-ler AOUTSAINT- eANnnx 71venus de l'autre côté de la Manche, ils se partagent la tâche de fouiller villes et villages. Le

monastère qui donnait asile à l'exilé est découvert. Comme les émissaires du roi franc priaient Dieu de bénir leurs recherches, voilà qu'un moine prononce le nom de Bandry et invite les Fières à se rendre au jardin pour la cueillette des légumes. Les gens de Soissons dressent l'oreille, se précipitent hors du lieu saint, passent l'inspection de la communauté et n'ont pas de peine à reconnaître celui qu'ils étaient venus chercher. On se jette à ses genoux, on le supplie de revenir. Vaines instances. L'évêque-,jardinier n'éprouve aucune envie d'abandonner la paix monastique pour subir les nouvelles violences d'un tyran. Ses diocésains lui objectent qu'ils sont ici sur l'ordre de Clotaire lui-même, revenu à de meilleurs sentiments, que tout le monde là-bas souhaite son retour.

Ct Bandry de leur répondre :- Abandonnerai-je donc, pour me rendre à vos voeux, le Père si bon qui, non content d'accueillir

un étranger, un vagabond, J'a nourri pendant sept annéesP Sachez que je n'ai plus la libre dispo-sition de ma personne et qu'il m'est interdit de rien entreprendre sans le consentement de l'Abbé.

Celui-ci, saisi aussitôt du cas, ne cache pas son admiration. Il mande Bandry et, voulant sans doute l'éprouver, lui reproche pour la forme d'avoir rusé avec lui et sous-estimé son caractère d'évêque.

- Ne me tenez pas rigueur de ma conduite, mon Père ; j'ai agi en toute pureté et simplicité d'esprit et de eceur.

Alors l'Abbé se jette à ses pieds :- Je sais, dit-il, que vous êtes un homme saint et juste. En vérité la bénédiction divine est entrée

avec vous dans ce monastère, Pardonnez-moi, pardonnez-nous d'avoir interverti les rôles en trou-vant bon d'être servis par vous au lieu d'être vos serviteurs.

Bandry le rassure, puis lui demande de lui indiquer le parti à prendre :- Si j'écoutais mon seul désir, reprend l'Abbé, vous resteriez parmi nous jusqu'au terme de votre

vie. Mais je vois que vous n'avez ni le pouvoir ni l'envie de résister à la volonté du ciel ; d'ailleurs, vous êtes grandement nécessaire au peuple à vous confié. Retournez donc en tonte quiétude dans votre patrie, où vous rappelle le Seigneur.

Toute la communauté, l'Abbé en tête, accompagna Bandry et les envoyés de Clotaire jusqu'au rivage et ne reprit le chemin du monastère que lorsque le navire emportant les voyageurs eut disparu à l'horizon.

Retour triomphal.Bien avant leur arrivée à destination, la renommée a précédé les délégués. A peine ont-ils foulé le

sol de France qu'une foule joyeuse de cavaliers et de piétons les entoure avec force acclamations. La puissance d'en haut fait cortège à l'évêque, et tous les malades qui sollicitent sa bénédiction recouvrent la santé par la vertu du signe de la croix tracé sur eux. [,'enthousiasme croissait à mesure que l'exilé se rapprochait des limites de son diocèse. Toute cette multitude, note

Nicolas de Beaufort, brûlait doublement, car, àà sa. soif d'entendre Bandry lui dispenser la parole de Dieu, s'ajoutait celle que provoquait la chaleur d'un été intolérable, et l'eau manquait partout. A six milles de Soissons, au lieu nommé Aisdin, Auditin ou Audin, ces malheureux, n'en pouvant plus, clamèrent leur détresse à l'homme de Dieu, comme L'avaient fait, autrefois à Moïse les Israé-lites dans le désert :,

-- Père saint,, suppliaient-ils, donneznous de L'eau, dee peur que nomes ne venions à défaillir en route I

A cet appel désespéré, le cocur de. Bandry ne pouvait rester insensible :- Chers enfants, petits et grands, dit-il, prions le Seigneur Dieu de; nous montrer sa boulé ; qu'il

daigne tirer de l'eau des entrailles de la terre comme. autrefois à la prière de. Moïse et d'Aaron..Tous, s'agenouillent, à l'exemple de Bandry, qui a d'abord planté son bâton en terre. Leur prière

terminée, après que chacun se fut relevé, l'homme de Dieu dirige vers le ciel ses yeux embués de

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larmes ; il se signe et trace sur la foule le signe. de la croix puis reprend son bâton. Une source claire et abondante jaillit bientôt, qui rend aux corps leur vigueur épuisée et porte à son comble l'allégresse des âmes.

La multitude s'était reformée en un cortège immense pour ramener dans son palais l'évêquee revenu d'exil_ Tout le long de la route celui-ci reçoit les acclamations des villageois. Le flot, une fois parvenu en vue de la ville, se grossit de tout ce. que Soissons compte de moines et de chanoines en vêtements de fête, de vierges consacrées à Dieu et sorties, en cette circonstance exceptionnelle, de leurs retraites cloîtrées, enfin de notables bourgeois et de personnages importants vivant Fi l'ombre du palais royal.

La réponse du ciel ne se fit pas attendre- A peine Bandry avait-il repris possession de son siège que la terre,, frappée de stérilité,, redevenait féconde et que Pair empesté cessai[ de véhiculer des germes de mort ; dans la ville rendue à l'aisance la joie se lisait de nouveau sur les visages, tandis que la paix régnait dans les coeurs.

Saint Randry exorcise la fille de Clotaire..Clotaire avait, une. fille unique possédée du démon qui, la maltraitait horriblement, lui déchirant

le. corps et la précipitant tour à Leur dans lee feu et danss l'eau. Jusqu'alors,, le monarque et ses sujets avaient sans résultat multipliéé less prières pour obtenir que l'esprit malin cessât de, tourmenter l'enfant. Le recours à Banda-y semblait tout indiqué, mais Clotaire,, se souvenant de sa conduite indigne enverss le prélat, n'osait se résoudre à cette démarche. Le mal empirant, l'amour paternel prévalut sur la morgue, du potentat. Il dépêcha plusieurs de ses familiers auu palais épiscopal„ les chaargeant de demander pardon en son nom pour le passé et de recommander sa fille aux prières de Bandry. Ce dernier avait trop souci du bien de= la religion pour ne pas accueillir favorablement la requête du prince. I1- se met en prières, se munit d'une des potions

8 ler AOUTmiraculeuses par lui composées en Angleterre, suit les envoyés royaux au palais, où il

administre, au nom de Dieu, la drogue à la possédée ; il lui impose les mains et la rend guérie à son père.

Dotations faites par Clotaire J" à saint Bandry.Le roi reconnaissant tenta de se libérer envers son bienfaiteur en le couvrant d'or. Mais l'évêque

ne l'entendait pas ainsi :- Loin de moi la pensée de vilipender, sous l'aiguillon de l'avarice, le don de Dieu qui est chose

inénarrable, défiant toute comparaison. Ce dont il m'a gratifié sans mérite aucun de ma part je ne le vendrai point en acceptant l'argent du trésor royal. Ni le droit ni la coutume ne nous autorisent à commettre un tel forfait. Si toutefois il entrait dans vos intentions de prendre sur les revenus de vos domaines pour le donner par notre ministère à Dieu et à ses Saints, afin de vous purifier de vos fautes, nous n'y ferons pas difficulté.

Clotaire se rendit à ces raisons : au lieu d'argent, il donna à Bandry la terre de La Celle-sur-Aisne et deux autres domaines du fisc. L'évêque appliqua le tout à la dotation du monastère fondé non loin de là sous le vocable des saints Crépin et Crépinien, les célèbres martyrs soissonnais.

Mort et culte de saint Bandry.L'heure du repos avait sonné pour le serviteur de Dieu. Comme il sentait redoubler la fièvre qui

le dévorait, il prescrivit àr ses serviteurs de lui aménager un tombeau dans le monastère des Saints-Crépin et Crépinien, à droite de l'autel de la Sainte Vierge. Quelque temps après, le ier août 545, il expira.

Le souvenir bienfaisant de saint Bandry ne devait pas disparaître de ce monde avec son corps. La même puissance miraculeuse dont Dieu avait favorisé le, pontife pendant les jours de sa vie mortelle continua d'opérer à son tombeau. C'est pourquoi Auselle, Abbé de Saint-Crépie, jugea bon de lever son corps en io44 et de le placer dans rie châsse somptueuse. Les calvinistes s'en emparèrent en 1567 et répandirent sur le sol les ossements du Saint, que Dom Lépaulard, prieur de Saint-Crépin, en 1567, eut soin de renfermer dans une autre châsse de bois doré. Jusqu'à la Révolution, les habitants de Saint Bandry, l'ancien Arthèse, avaient le privilège de porter à la procession générale des religieux de Saint-Crépin, le lundi dans l'octave de l'Ascension, le corps de

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saint Bandry, leur patron. Aujourd'hui, les reliques de ce saint pontife ont disparu.En sus de la bourgade qui porte son nom, saint Bandry est encore patron de Jouy, près de

Soissons. Sa fête, tour à tour marquée au ler, au 2 et au 9 août, n'a jamais été interrompue dans le diocèse dont il reste l'une des gloires.

BervnI LAUnENT.Sources consultées. - Acta Sanctorum, t. I d'août (Paris et Rome, 1867), blgr PAUL GUEInN,

Les Petits Boilandistes, t. IX (Paris, 1897).SAINT SERENUS ou SERENEEvêque de Marseille (t 604 ou 606).Fête le a août.L E diocèse de Marseille regarde saint Serenus, Serin ou Sérène, évêque du vie siècle, comme

l'une de ses gloires. Après avoir longtemps sommeillé en France, son culte s'est ravivé dans le cours des trois derniers siècles, et, au siècle présent en particulier, le resserrement des rapports entre son diocèse et celui de Verceil, où il mourut, a donné un nouveau lustre à son nom.

Saint Serenus accueille les apôtres de l'Angleterre.L'histoire ne nous dit rien de la période de sa vie antérieure à son élévation. Il succéda, vers l'an

595, à Théodore, évêque très saint et très aimé, dont le dévouement pendant une horrible peste avait excité l'admiration des Marseillais.

Pour que Serenus ne fit pas trop regretter son prédécesseur, il fallait qu'il fût doué de rares qualités. Son siège, d'ailleurs, était l'un des plus importants de la Gaule méridionale. Si donc le clergé et le peuple l'élurent d'un commun accord, c'est qu'il s'était déjà acquis la vénération de tous.

Dès le début de son épiscopat, Serenus eut fa joie de contribuer pour sa modeste part à l'un des événements les plus importants de la prédication évangélique.

Pendant l'été de l'année 596, le Pape saint Grégoire le Grand envoyait des missionnaires en Grande-Bretagne, afin de convertir ce pays et de le civiliser. L'entreprise était digne de ce saint Pontife, mais hérissée de difficultés ; les évêques de la Gaule facilitèrent du moins de tout leur pouvoir le voyage de ses envoyés: saint Augustin, le futur évêque de Cantorbéry, et ses compagnons.

Serenus reçut le premier saint Augustin et ses compagnons. Il lut avec respect la lettre du Souverain Pontife qui lui disait :

10Bien qu'auprès des évêques animés de la charité de Dieu, dos religieux n'aient besoin d'aucune

recoinmaudat on, nous croyons cependant le intiment. opportun pour vous écrire, et nous expédions nos .lettres à votre 1 vaternitr ; vous -informa il que le et des présentes, le moine Augustin, dont nonā connaissons le zèle, et d'autres moines avec lui, sont envoyés par nous pour u-availler, avec l'aide de Dieu, au bien tirs âmes..,

Marseille 'a toujours 'fait bon accueil aux pèlerins qui, revenant de horde, abordaient sur son rivage peur reprendre •le chemin de leur pat'ri'e. Serenus fut des premiers à inaugurer en cotte ville ces traditions de gracieuse hospitalité.

Les envoyés de saint Grégoire, après un court séjour à i\larséi•Ile, s'avancèrent jusqu'à Aix. Là, ils furent bien reçues par l'évêque Protasius, niais ils prêtèrent trop aisément l'oreille il des propos qui tenda=ient à les détourner de leur sainte entreprise ; ils hésitèrent un moment à la continuer, et redescendirent jusqu'à Lérins où demeurèrent les compagnons d'Augustin, pendant que ce dernier s'en vint chercher il Rome auprès du Pape des conseils et de nouveaux encouragements.

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Saint Grégoire l'exhorta à poursuivre sans faiblir sa mission en Angleterre. Serenus eut donc la joie de revoir une seconde fois ses nobles botes_ Avec quelle ferveur il les bénit en leur disant adieu ! Quel, vrëux rie fil-il pas pour que le succès vînt couronner leurs travaux et récompenser leur courage I

Zélé de saint Serenus pour combattre l'idolâtrie.Lepaganisme avait disparu presque entièrement du territoire de Provence. Les -faux dieux

n'avaient plus, à proprement parler, d'autels ni d'adorateurs : mais il restait parmi le peuple quelque penchant à l'idolâtrie, el, sans aller jusqu'à sacrifier à de vaines idoles, plusieurs attachaient aux statues et aux images saintes quelque chose de divin et leur rendaient un culte idolâtrique., en ce sens que leurs adorations s'adressaientt plus aux images ellesmêmes qu'à la personne de Notre-Seigneur on dos Saints qu'elles représentaient.

Seremis, -effrayé, 'ne vit pas d'autre moyen d'extirper l'erreur qu'en soustrāyaut aux yeux des fidèles les •statues qui prêtaient à cette déplorable confusion, et même, assure-t-en, il alla ,jusqu'à ariser dans son zèle certaines de ces images.

Ce soucide maintenir d'intégrité de la foi n'.avai-t en soi rienque de louable. Peut-être même la mesure extrême à laquelle l'évêque dut en venir s'expliquait-

elle en un ;pays encore à demi barbare, vis-à-vis d'ui c population plus facile à instruire pas les moyens violents -que par la -persuasion.

Un blâme portifcal accepté avec soumission.Saint Grégoire de -Grand., informé -du fait, n'en jugea pas ainsi, et le blâme qu'il crut devoir

envoyer ù Serenus, .dont la bonne foi ne fut jamais suspectée, même par ses -ennemis, out pour con.équdnce de mettre en relief la :profonde humilité du= saint prélat_

SAINT sCSIMOB Ou séniocaLe Pape profita d'une lettre dans laquelle il recommandait -à sa charité l'Abbé Cyriaque, moine

de Reine, qu'il envoyait auprès de Syag:rius, évêque d'Autun, polir -transmettre à l'évêque de Mar-seille l'expression de son étonnement. Le document .pontificat,

rédigé •en juillet 599, est ainsi LibelléCie. eue, à Sercaus évêque du Marseille. - Le retard dans cette -lettre adressée à votre Fraternité

ne (toitPas être attribuer la négligence, mois aux occupations. Nous vous reeommandens le porteur des présentos, `Notre très cher fils, Cyriaque, sep •rieur de Votre mcnistère. iQu'aucun retard ne l'arrête dans da ville de Marseille, :mais qu'il se rende, avec l'agrément de votre Sainteté, vers notre frère et co évêgne Syagcius.

Je mous informe cri colle que Nous .avons appris, il y a quelque temps, que voue Fraternité, apercevant -certains ehrél.icns qui adoraient des images, a déliait et jeté les images de l'église.

Nous louons le zèle qui vous a porté à empêcher qu'on adorât l'ouvrage de la main des flemmes, mais Nous estimons que vous n'auriez -pas dû détruire ces mêmes images. La pcinime est, en effet, employée dans les églises pour que ceux qui sont illettrés Puissant du moins lire sur les murailles ce qu'ils ne peuvent pas Iire dans les livres. Votre Fraternité aurait donc•dû à' la fois les .eensenver et -détourne,- 'le peuple de •leur.adoration, afin que les ignorants puissent s'instruire de d'histoire et que cependant le peuple ne tomb&t pas dans le péché d'idolâtrie.

Scierais avait -apporté à sa 'conduite une :telle pureté d'intention, il croyait si fermement son action bonne et -opportune, qu'il se

demanda quelque temps si Bnette lettre, remise par Cyila-que, n'était pas le fait de celui-ci., inspiré petit-tare par ceux qu'avait pu mécontenter sa 'fermeté.

Il résolut -de s'ouvrir 'de ses •dorntes à ce sujet auprès du Pape lui-même et il lui écrivit. La réponse -de Rome partit vers '1e mois de septembre de l'année 6oo. 'C'était bien le Père commun des spasleurs et des fidèles qui, plein de sollicitude pour le monde entier et pour chaque Tglise en Particulier, reprenait de son zèle -inconsidéré l'un de ses fils.

-Le -début de votre lettre 'laissait voir en vous une telle bonne volonté sacerdotale, que' Nous en éprouvions une joie plus grande +n sujet. (le .voho Fraternité. Mais la fin de votre écrit est si différente du commencement, que la lettre semble n'être pas -l'œuvre d'un seul, mais celle de deux esprits -diffésenls. Car Je fait d'avoir douté -de -l'émitt que Nous vous avons envoyé -a montré votre

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imprudence; si, en effet, vous aviez prêté une attention soigneuse aux avertissements que Non, vous avons donnés avec un amour fraternel, -non seulement vous n'auriez pas eu la moindre'hésitalion, mais encore vous muriez su ce qu'il convenait de faire avec -une gravité toute sacerdotale... Tout cela, Nous le disons à votre 't^raternilé par amour pour 'la Sainte 1iglise... Mon très -cher Frère, écoutez altentivament ces paroles -avec les oreilles (le votre, cour, et cfforce -vous -d?agir de datte sorte (pie vous corrigiez d'une nmnière sainloire ceux qui .sont dans l'erreur -et que vous -ne provoquiez pas dons •l'esprit de -vos fils le scandale résultant de la société des méchants.

Le coup fut rude .au co=ter -de -l'ardent -évêque. Notons, toutefois, que le Pape reconnaissait la 'sainteté de Seremis -et la droiture de ses intentions. li était loin de lui mdtiter,son amitié,

2 AOUT12 2 AOUTSAINT SEISENUS OU SôZRàRP,13Ce qui dut être encore plus douloureux pour le serviteur de Dieu, ce fut de se voir indignement

calomnié auprès du Souverain Pontife. Il est vrai que ce dernier, clairvoyant et toujours équitable, se refusa à accueillir ces incriminations.

La soumission de Serenus fut admirable. Il se bâta de rétablir, suivant le désir du Pape, toutes les images de son église ; il s'attacha à montrer à son peuple les avantages qu'il pourrait retirer de cette dévotion bien comprise, et ses instructions réprimèrent la funeste tendance vers l'idolâtrie qui avait pu jusque-là se manifester.

Sa douceur et sa parfaite docilité remirent tout dans l'ordre et édifièrent grandement ceux qui en furent les heureux témoins.

Le nuagee entre le Souverain Pontife et Serenus fut par là même entièrement dissipé, Quelques mois plus tard, saint Grégoire le Grand lui recommandait en des termes empreints d'une bonté toute paternelle de nouveaux missionnaires qu'il envoyait en GrandeBretagne.

Mort de saint Serenus.Serenus mourut au retour d'un voyage ad limina. L'on ignore les motifs et les circonstances de

cette lointaine démarche. Sans doute, le pieux évêque avait-il voulu satisfaire sa dévotion envers les reliques des saints apôtres et déposer aux pieds du Souverain Pontife le témoignage de sa pleine soumission.

Il regagnait sa patrie, quand il tomba malade, et, arrivé dans la petite ville de Bianderate, au diocèse de Verceil, il demanda l'hospitalité dans un monastère de Bénédictins, dit-on, où, malgré des soins empressés, il fut emporté en peu de jours. On croit que c'était en l'année 6o4, d'autres disent 6e6.

Le vénérable évêque fut enseveli avec les humeurs dus à son rang, mais sa haute sainteté ne fut pas aussitôt révélée à ces populations. Des guerres sanglantes survinrent. Sous le règne de Frédéric Barberousse, la ville de Bianderate fut saccagée et son monastère se changea en un amas de ruines. Le Saint tomba dans un complet oubli : les traces mêmes de son tombeau furent perdues.

La glorification après l'oubli.C'est alors que la Providence se chargea de le rendre glorieux par une suite de miracles. Plusieurs

fois, les habitants de Bianderate furent mis en éveil par des harmonies dont on ne pouvait découvrir la provenance, par des clartés soudaines auxquelles on ne trouvait pas de cause naturelle.

Un jour enfin, l'on soupçonna la source de ces merveilles. Un laboureur conduisait son paisible attelage dans le champ qui recouvrait l'emplacement de l'ancien couvent bénédictin. Voici que tout à coup ses bceufs refusent d'avancer, ploient les genoux et poussent de longs gémissements, sans que l'aiguillon et les cris de leur maître puissent les déterminer à se relever. Le seigneur du lieu, informé, arrive en toute hâte et une foule nombreuse avec lui. On se décide à creuser et l'on découvre bientôt une tombe de

;t ) VVVRNINSaint Serenus accueille à Marseille les missionnaires

envolé par saint Grégoire le Grand pour évangéliser la Grande Bretagne.marbre dont l'inscription atteste qu'elle renferme le corps d'un saint évêque de Marseille, nommé

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Serrons.De prime abord, une vive contestation s'éleva entre les gens de Bianderate et ceux du village

voisin, appelé Casal-Bertram, au sujet de la possession de ces reliques : le champ qui les renfermait était bien sur le territoire de Bianderate, mais le propriétaire du champ était de Casal-Bertram. On réserva au Saint lui-même le soin de trancher la difficulté, et l'on convint de laisser aller où il voudrait, traîné par deux jeunes bmufs n'ayant pas encore porté le joug, le char sur lequel on venait de placer ses précieux restes.

\\\\1\~, 1 111;\ \~11;1 1lq, Î

142 AOLT.SAINT SERENUS OU sauLAE 15Sans hésitation, ces deux animaux prirentt la direction de- l'ég)ïse paroissiale de Biandērate,

dédiée à saint Colomban. Dès lors,s le conflit cessait, et saint Sererrus, eut en ce lieu sa chapelle. où s'opérèrent d'autres miracles,

La fête de- saint Serenus à Bianderate.Pendant des siècles la fête dé saint Screnus' n'a pas cessé d'ttre célébrée à Bianderate avec autant

d'enthousiasmee que de: ferveur, non sans feux de joies. salves, et ares de triompheVoici la description- qui nous en est donnée au xvni°' siècle par les rédacteurs, des Acta

Sanctorunm:. La veille- de loi fêl,e,,m'est,à-rhiu'ele r° août, avant les premières Vêpres, un des chanoiii.es ouvre, la chvlsse en- boiss doré, posée

sur l'autel de saints Screnus ett fermée avec deux clés, dont l'une est conservée par le prévôt de l'église Saint-Colomban. De cette châsse est. extrait un autre relizprai~re en cristal, contenantt le corps momifié du. Saint, revêtu dl'ornemm;ts pontificaux, avec la. mitre et la crosse.. Les reluques sortt alors transportées de l'église. S'a-int-Colonban vers ]:''église Sait Screnus où elles sont encensées,, après quoi, sont chantées- les premières Vêpres.

Le jour suivanC,. la ivresse de saint Seremis est célébrée avec lute, grande solennité„ niaiss cri l'église Saint-Col'omd,an,, afin de permettre aux prêtres de passage de satisfaire leur- dévotion: en. célébrant le Saint Sacrifice à l'autel de saint Serenus.

La messe. était suivie• d'une procession solennelle accompagnant une relique importante. Les

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Acta Sarnelo•uen nous ont même conservé,, pour Vannée 1730,: la liste des éléments dont elle se composait :: d'agora des groupements. de, femmes, tant de, la. ville- que des- environs,, paroisse par paroisse;. puis les groupes paroissiaux d'hommes, la petite garnison de 13ian.deratc, les Frères Mineurs de la, localité, les chanteurs et les musiciens.,, le clergé et les chanoines de Saint-Colomban,, le prévôt, sous le dais,. portant l'a relique entre' le diacre- et le sous-diacre, lee seigneur du, lieu, les consuls de la; commune et enfin le peuple.,

L'après-midi, les, Vêpres du Saint étaient chantées à SaintColomban et suivies de la vénération de la relique. Le corps du Saint reprenait' sa place dans sa châsse de bois, doré le lendemain 3- août.

Au xvui` siècle également, on signale plusieurs fondations pieuses, assurant la célébrai-ion: de messes. en l'honneur du Saint, d'une manière régulière pendant plusieurs mois de l'année. La ville de Bianderate, à l'heure présente, n'aa pas oublié le saint, évêque qui demeure son patron.. C'est ainsi. qu'au mois d'août 1-932 des fêtes surent lieur en cette. localité, à l'occasion du. Ilh centenaire d'un voeu fait, par tes habitants préservés d'une épidémie de peste une délégation marseillaise y assistait. Mais ce n'était pas la première fois que saint Serenus faisait sentir sa protection. : déjà, dans. les années i6-S„ 1629„ r63o, Bianderate avait échappé au mêmee fléau qui dévastait l'Italie..

Le culte au diocèse de Marseille.

Plusieurs évêques de Marseille se sont préoccupés plus particulièrement d'honorer leur glorieux prédécesseur.

C'est ainsi qu'en 1747, Mgr de Belsunce, le héros de la peste de 1720 et l'apôtre de la dévotion du Sacré Coeur à Marseille, obtint de Mgr Solaro, évêque de Verceil, nu doigt du milieu de la main droite : malheureuserrient, cette relique, enchâssée dans un doigt cri or, enrichi d'un anneau pastoral portant un très beau grenat, attira la cupide attention des révolutionnaires de 1793. Ils prirent le reliquaire et jetèrent son contenu.

Moins d'un siècle après, en 1839, Mgr Eugène de Mazenod, le pieux fondateur des Oblats de tuante-Immaculée, flirt encore plus favorisé que Mgr de Belsu nce. Ce grand évêque se montra sou-cieux de ne pas laisser dans l'ombre les gloires de son Eglise, et pour ce motif il entoura d'honneurs les restes de plusieurs saints prélats marseillais, notamment saint Lazare, saint Sérénus et le vénérable Jean-Baptiste Gault. S'étant rendu à Verceil, il obtint de l'archevêque, Mgr d'Angeunes, un bras entier du Saint, ce qui constitue, une relique insigne. Mgr de Mazenod a laissé une relalion de son pieux voyage ; il ne sera pas sans intérêt d'en citer au moins un passage :

Affligé de voir la mémoire d'un si grand Saint entièrement oubliée dans le diocèse qu'il avait gouverné avec gloire au vr° siècle, je me reprochais de ne rien faire pour réparer une indifférence trop prolongée... La Révolution, en dispersant les reliques, avait semblé dissiper ,jusqu'au souvenir de ce qui avait été, fait. Perse-une ne s'occupait plus de saint Sérénus, et, à part les prêtres qui en récitaient l'Office, personne ne savait

intime s'il avait existé un Saint de ce nom. Cependant, il est une des gloires de notre Eglise, et je me servis cru tien coupable (le ne pas faire

tout ce qui dépendait de moi pour le replacer sur le trône d'honneur qu'il doit occuper parmi nous, tant que notre Eglise subsistera.

ra relique fut confiée à la garde du Chapitre et une partie en fut donnée, en 1842, à l'église de la Sainte-Trinité, qui eut désormais saint Serenus pour patron particulier.

La translation de ce don précieux de la cathédrale à l'église de la Très-Sainte-'trinité se fit avec une grande solennité. L'année suivante, le curé de la paroisse acheta un terrain où il fit construire la chapelle consacrée aujourd'hui à saint. Serenus. Cette chapelle fut décorée avec art et élégance. Quatre toiles représentantt des épisodes de la vie du Saint et peintes par Elster et Mollitor furent placées sur les murs latéraux. Ern janvier rg33, la paroisse de la Sainte-Trinité célébra, pour sceller des liens d'union avec Bianderate, le 111° centenaire du vceu des habitants de cette ville. En cette même année, à l'occasion du jubilé de la Rédemption, Mgr Duhourg, évêque de Marseille. décidait de conduire lui-même à Bianderate, au tombeau de saint Serenus, un pèlerinage diocésain de retour de Rome.

On a vu que la fête de saint Serrons était célébrée à Bianderate

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16 2 AOUTle 2 août. Le diocèse de Marseille célébrait naguère le g août la translation de 1338 ; cette fête a

été reportée au i t août. Enfin, la paroisse de la Sainte-Trinité commémore la translation de la relique qui lui appartient en propre le deuxième dimanche après

l'Épiphanie.Ce diocèse adresse à saint. Serenus, dans son office cette confiante prière :Seigneur, notre Dieu, par qui le bienheureux Sérénus, votre confesseur et pontife, en exerçant la

charge pastorale, est arrivé à la gloire ; vous qui l'avez honoré par de nombreux miracles, fades que nous soyons délivrés (les maux qui nous menacent, par l'intercession de celui dont nous célébrons aujourd'hui les mérites. A. Fit. Bis.

Sources consultées. - Acta Sanetormn, t. 1 d'août (Paris et Rame, 186,). - Abbé RAYLE, Saint Screnus (Marseille, 1855). - Mgr Rmnno, Mgr de Mezcnod (Paris et Lyon). - Les Saints de Mglise de Marseille (1885). - Mgr PAUL Guènla,

Les Petits Bollandistes, t. IX (Paris, 1897). - (V. S. R. P., n' 1,71.)................................

PAROLES DES SAINTS La lecture de l'Evangile.Je vous conjure de lire et de méditer l'Bvangile. C'est le moyen de faire croître la sentence (les

enseignements qu'il renferme et d'en retirer un grand bien pour le salut de vos âmes. Ce saint exercice vous rendra agréables à Jésus-Christ, et en méditant les paroles sorties (le sa bouche, vous apprendrez 't purifier la vôtre de toutes les paroles mauvaises, légères et inutiles. Vous deviendrez ainsi terribles aux démons lorsqu'ils verront votre langue armée de ces paroles de feu ; vous vous attirerez une plus grande grâce de Dieu, et cette étude assidue rendra les yeux ce votre cour plus vifs et plus éclairés.

Saint JEAN Cnnrsosrozsn.(Contmenlair'e sur saint Matthieu.)La prière.L'oraison de celui qui jeûne est agréable à Dieu et terrible au démon. On connaît assez, par ce

qu'elle contribue au salut des autres, combien elle profile à celui qui la pratique. Saint Léox ler LE GRAND.

(Sermon 2 sur le jeûne.)Petites et grandes fautes.Les vices croissent peu à peu, et nous tombons insensiblement en de grandes fautes lorsque nous

négligeons les petites.Saint boucans DE SÉVILLE.(De la règle de bien vivre.)La persévérance.La persévérance est la gloire des Saints et la couronne des vertus ; c'est le nerf de nos forces, la

consommation de nos vertus, la nourrice de nos mérites, la médiatrice des récompenses, la sour de la patience, le rempart de la sainteté.

0tez la persévérance, le service est sans récompense, le bienfait sans agrément, et la force sans louange et sans honneur.

Saint BERNARD.(Lettre 129.)

SAINT PIERRE D'ANACNIBénédictin et évêque d'Anagni (t 1105).

Tête le 3 août.p mnmE naquit à Salerne, dans l'Italie méridionale, d'une famille noble, vers le premier tiers du

xia siècle. Ses parents étaient (les s chrétiens sinsères • ils n'avaient d'autre fils que lui et ils se préparaient à lui léguer une fortune importante en même temps qu'un nom considéré, lorsque la mort s'abattit sur leur foyer. Devenu orphelin, l'enfant fut confié à son oncle paternel, Abbé du

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monastère bénédictin de Salerne, qui lui fit apprendre ce (tire les monastères enseignaient aux jeunes gens admis comme élèves ou comme Oblats, c'est-à-dire la doctrine chrétienne, les lettres profanes, la psalmodie, et surtout la pratique de la vertu.

L'entrée dans la vie monastique. - Chapelain pontifical.Après plusieurs années, il obtint l'habit religieux, et ayant fait don à la communauté de son

patrimoine, il se prépara à mener la vie de pauvreté et de détachement d'un moine Bénédictin. Dès ces premières années de vie religieuse, les autres Frères le considéraient comme un modèle.

Il apportait surtout une ardeur particulière à l'étude, notamment pour la théologie et le droit canon ; à cette fin, il n'accordait au sonnmeil qu'un temps très limité, et passait de longues heures penché sur les livres ; cela ne l'empêchait point de se rendre ensuite à l'église conventuelle et de s'y adonner à la pratique de l'oraison.

La lumière ne devait pas rester longtemps cachée sous le boisseau. Le cardinal Hildebrand, le futur Grégoire VII, alors légat pontifical, ayant visité le monastère, eut l'occasion d'entendre parler de ce jeune religieux qui avait. déjà la réputation d'un Saint ; il obtint de l'Abbé de pouvoir emmener Pierre à Rome, et il le présenta au

-s -"lMrr7~1CI G1Y1U".'-e

Srrer"IL,.rn , Për'n2rr18 3,souasAINr PmnTT n'ANAG axq'Souverain Pontife, Alexandre il, comme un homme aussi vertueux que savant. I e nouveau venu

prit rang parmi les chapebüns pontificaux ci se vil chargé diimpoittanl.es affaires 'regardant les intérêtsde L'Eglise.L'évêque-d'Ana rii. - -EtatiIainentàble du diocèse.

'Parmi les diocèses de la péninsule italienne, celui d'Anagni, dans l'Italie centrale, était, au rmilieu du aa°-siècle , l'un des plus :éprouvés. De fait, après l'année io4o ci j,usgù'en io48, ce siège épiscopāl:avait été occupé par un personnage indigne nommé Ri malde 'Ici, la liste épiscopale offre une lacune qui nous fait croire à une longue vacance, et c'est seulement en rosi que figure un nommé Bernard, indiqué avec le titre ou le nomde u'Canocllarius n, mot qui signifie chancelier. Une chronologie locale, qui n'est pas d'accord sur ce point avec tous les historiens, rapporte qu'Alexandre II se rendit à cette époque à 'Anagni ale siège était de nouveau -vacant ; l'église cathédrale, négligée par les hommes, malgré son antiquité, malgré ses privilèges enviables, tombait alors en ruines.

A Rome ou à Anagni - peu importe - le Pape aurait reçu mie délégation de la cité, composée de clercs et de laïcs, qui venait lui exposer ce triste état de choses, et Alexandre 11, désireux d'y porter

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remède, ne crut, pouvoir mieux faire qu'enn proposant aux diocésains d'Anagni de leur donner pour chef Pierre, son vertueux secrétaire.

Accueilli mec joie par l'unanimité des suffrages, Pierre fut, malgré ses répugnances, et ses tentatives de refus, installé avec honneur, L'on dit même qui lorsque arriva le jour oiu J'élu devait recevoir la consécral.ion épiscopale le Pape se rendit de nouveau dans ha ville, pour assister à la cérémonie ; mais, de cela encore,.nons n'avons pas la, preuve. L'épiscopat qui commençait n'allaitt pas., durer moins de quarante-.trois ans.

L'un des premiers soins du nouvel évêque fut d'étudier la situation matérielle de son diocèse. Peu s'en fallût qu'il ne renonçât à son siège, en voyant l'état de disgrâce auquel étaient réduites la résidence épiscopale,et la cathédrale, l'absence des ressources pour entreprendre les restaurations nécessaires et même pour assurer l'existence 'de l'évêque et de -ses clercs.

Sans doute d'anciens: actes étaient là 'qui 'attestaient les 'droits s.de l'Eglise : mais l'avidité de certains clercs qui s'étaient emparés des biens épiscopaux, la mauvaise -foi de laïcs puissants 'qui -s'étaient faitremettre des' terres avec des baux ii très longue échéance équivalant à une quasi-propriété, avaient réduit àla misère: un diocèse naguère passez opulent. Cependant, quelques -prêtres :parmi les plus dignes, apprenant quo Pierre avait résolu de' se: démettre, le convainquirent de l'opportunité 'de conserver sa charge, ~si lourde fût'elle, et l'encouragèrent à mettre son espoir dans le. Tout-Puissant et dans les 'Saints, dont cette- église conservait les reliques,-, en:particulier en saint ~àlagne,'dont le corps entierreposait encette église, comme l'affirmait 'une tradition.

Découverte' du corps de saint Magne;De ce Saint, le Martyrologe - Romain nous dit simplement, à laa datee du. 3 août,, qu'il était

évêque et qu'il remporta la palme 'lu martyre durant, làà persécution de. Dèce, c'est-à-dire verss l'an. 250

;..l'hagiographie précise qu'il était évêque de, Trani, en Sicile..Le développement donné dans la biographie dePierre (tAnagni à tout ce qui concerne saint

Magne et son culte nous permett de croire à l'existence de quelque pieux. conflit,, au désir de donner. mi relief plus grandd àà ce Saint eu particulier pour un motif que nouss ignorons. Sans. prendre parti en cette affaire, bornons-nous sur ce point à résumer ce qui nous est rapporté. Les conseils de son mllourage réconfortèrentt le coeur. (le l'évêque d'Anagni, bien qu'à vraii dire il eût peinee à admettre que sonn église conservât les restes de ce saint martyr.. La guérison d'une toute jeune femme, Donica, que la maladie privait de l'usage clee ses membres et que son mari, nommé Fiance,-apporta~ à la cathédrale,, allait être l'occasion. (le la découverte des reliques.

La guérisonn miraculeuse et la découverte qui avait suivi eurent, comme on le devine, beaucoup de retentissement à Anagni'et dans la région. Ces deux faits concoururent à fortifier la position du prélat eni son diocèse et. sans doute aussi l'encouragèrent-ils à entreprendre et à soutenir des luttes plus ou moins longues, plus ou mobns pénibles pour défendre les intércts matériels du diocèse. : c'est ainsi qu'un certain nombree de terres ou de propriétés, des biens d Lglise indûment détenus- par diverses personnes revinrent par ses soins àà leurs légitimes possesseur. De même, il reconstruisit ou restaura les murs d'Anagni, fil édifiere une tour qui- en assurait la protection et, sur le, bord de l'eau,, deux. moulins appelés à rendre beaucoup de services à la population.

Quelque temps' après, Pierre fut envoyé: à. Constantinople par le Pape Alexandre II comme légat pontifical ; ayant obtenu en cette ville la guérison de l'empereur, Michel Doultas, il en reçutt un don important, qu'il employa à orner sa cathédrale et surtout à. placer de la manière la plus honorable ' corps de saint Magne, celui. de sainte Secondiine, vierge, ainsi que l'es ossements des vierges Aurélie et Néomisie, et que les reliques des saints Séhasti,en et Césaire.

L'insistance du biographe à rappeler les gloires religieuses de l'antique cité rend vraisemblable la supposition que cette partie du récit a reçu des développements qui ne se trouvaient: point dans le texte primitif de la Vie de Pierre d'Anagni.

La calomnie. - Pèlerinage en Terre Sainte.Une leçon bien utile.

Le' Pape Alexandre D était mort_ en (073 ; après lui, l'Eglisee fut favorisée par la succession de

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trois' Saints : d'abord saint Grégoire VII., l'intrépide jouteur (-, ro85) ; puis le bienheureux Victor III, qui lie régna que deux ans,, et enfinn le bienheureux Urbain 11, lee prédicateur de la, première Croisade.

2o 3 AOQTSAINT Tienne, D'ANAGNI9iIl semblerait qu'en raison de la courte distance qui sépare Rouie d'Anagni, de l'égalité dans la

vertu du côté des Papes et du côté de l'évêque, un conflit sérieux fût impossible. De fait, nous voyons, en 1088, le bienheureux Urbain Il témoigner à pierre sa confiance ou peut-être son désir de le favoriser, cri incorporant à son diocèse celui (le Trevi, trop pauvre pour garder son autonomie ; la décision pontificale porte la date du 17 août.

D'autre part, l'animosité et l'envie de certains suscitèrent à l'évêque d'Anagni les plus graves difficultés. On l'accusa d'avoir dilapidé au profit des malheureux l'argent recueilli pour la restau-ration de sa cathédrale et d'avoir laissé inachevés les travaux entrepris pour fortifier la cité.

Ses détracteurs allaient jusqu'à l'accuser d'avoir dérobé pour se les approprier une partie des ressources appartenant à l'évêché.

Pierre supporta ces épreuves avec résignation ; et se voyant privé de tout appui du côté des hommes, il résolut de partir pour les Lieux Saints et de se joindre à l'une des armées qui, en 1097, à l'appel du bienheureux Urbain II, se mettaient en route pour la Palestine. Cet homme paisible se rangea sous la bannière du fougueux Bohémond, prince de 'Parente, fils du célèbre Robert Guisraid.

Nous n'avons pas l'intention de rapporter ici ce qu'on appelle « la Croisade des barons s, particulièrement mouvementée, où, pour assurer leur sécurité, les chrétiens de l'Occident durent plus d'une fois se mesurer avec les sujets ou les alliés de !'empereur d'Orient Alexis Comnène. L'histoire est d'ailleurs discrète sur le rôle de l'évêque d'Anagni. On sait seulement que Pierre rencontra près des chefs et près de tous ceux (fui l'approchaient des sentiments de vénération, provoqués sans doute par sa piété, sa modération et sa bonté.

L'armée étant rentrée deux ans plus tard, après la conquête de !a Palestine, Pierre demeurait dans sa résolution de se tenir éloigné de son siège épiscopal. Une légende rapporte que saint Magne ;ni apparut sous l'aspect d'un pèlerin.

Comme l'évêque d'Anagni lui demandait qui il était et de quel pays, Magne lui répondit :- Pèlerin, je suis Italien et je fuis la vie conjugale. Je suis venu ici pour y résider jusqu'à la fin de

mes jours, afin d'y faire mon salut. Est-ce que je serai sauvé?- Non, répondit Pierre ; il n'est pas possible que tu sois sauvé vivant dans une pratique opposée

au devoir conjugal, car le Seigneur a décidé à l'origine que l'homme ne peut séparer ce que Dieu lui-même a uni.

- Et. pourquoi donc, aurait répliqué saint Magne, as-tu renoncé témérairement, contre l'intérêt de ton salut et la volonté de Dieu, à une Eglise à laquelle tu as été uni?

Pierre reçut avec respect cet avertissement ; il reconnut son erreur et en rendit grâce à Dieu. Il reprit place à bord d'un vaisseau en partance pour l'Occident et arriva à Constantinople, où l'empereur

Le gardien de l'église, guéri miraculeusement, court après saint Pierre d'Anagni.l'accueillit avec honneur : l'évêque ayant fait connaître sa condition de pèlerin - sans doute mieux

vue à 13yumce que celle de croisé, - l'état défavorable où se trouvait sa cathédrale, reçut du souverain un don important consistant en or et en argent, ainsi qu'en objets précieux destinés au culte divin.

De Constantinople, le vaisseau fil voile vers Palerme, où Roger I°T, comte de Sicile, ne se montra pas moins généreux. De lit, pierre passa par Salerne, où il revit avec joie le monastère bénédictin dans lequel il avait été formé ; il visita encore un certain nombre de sanctuaires qui se trouvaient sur sa route et arriva finalement à

Ana.-ni.22 3 AOCTSAINT IIIRnnE D'AXAGNi à$

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Nouvelles attaques. -Une seconde fuite arrêtée par un miracle.La population le reçut avec beaucoup d'égards. La construction de la cathédrale, qui lui avait valu

tant de déboires, fut menée à bonne fin avec ses dépendances ; de nouveaux dons, vertus (le divers côtés, lui permirent d'augmenter les immeubles et possessions de l'Eglise.

En l'honneur du Sauveur et de saint Benoît, le prélat bâtit une chapelle près de son palais et en fit la consécration. Sur son ordre, entre cette chapelle et le palais fut aménagée une cellule où, après avoir consacré de longues veilles à la prière et s'être acquitté de toutes les prescriptions de sa règle, Pierre prenait quelques heures d'un repos tout relatif ou s'adonnait à l'étude.

Il avait aussi fait aménager un local restreint avec une entrée réservée à la réception des pèlerins et des hôtes, ce qui lui permettait de se porter lui-même à leur rencontre et de veiller sur eux avec plus de soin.

De nouveau l'ivraie se propagea parmi le froment ; les brebis galeuses contaminèrent le trouaeau fidèle autrement dit les seupçons recommencèrent à peser sur le prélat. Cette fois, ses ennemis décidèrent d'envahir son appartement et de s'emparer d'un trésor dont ils imaginaient l'existence. Le pasteur vigilant, ayant connu par miracle leurs projets, réveilla en temps utile le prêtre qui reposait à ses côtés. Tous les deux quittèrent le palais épiscopal par l'entrée réservée aux pèlerins et aux pauvres, et se disposèrent à partir pour Rome, où Pierre voulait se fixer en vue de mettre fin au scandale dont il était, innocemment l'occasion.

D'après le biographe, saint Magne intervient alors pour la seconde fois. Le gardien du cloître de l'église, un certain André, était un infirme, presque perclus des deux jambes et d'un bras, et ne pouvant marcher ou plutôt se (rainer qu'avec beaucoup de peine. Magne lui apparaît ; le Saint lui ordonne de partir au plus vite à la recherche de l'évêque qui s'est enfui, et il précise l'endroit où le gardien pourra retrouver le prélat. Et comme André se récuse, allégeant son infirmité, saint Magne de lui répondre

- Lève-loi immédiatement ; La puissance divine t'a guéri par les mérites de ton évêque„ et tu (lois en témoigner ta reconnaissance en te hâtant.

Le gardien ne se le fit pas répéter et courut sur les traces du fugitif. Tombant aux pieds de son évêque, il lui rapporta ce qui était arrivé.

Pierre reconnut sans peine, en voyant son serviteur guéri, la réalité du message céleste.

Retour définitif de saint Pierre en sa ville épiscopale.Pendant ce temps, la plupart des habitants d'Anagni, ayant appris le départ de leur évêque,

s'abandonnaient au chagrin et se montraient sévères pour ses détracteurs.Cependant, vers la sixième heure, le bruit se répandit que lepasteur était de retour, précédé de son ,portier.. Ce dernier, tout le monde le savait infirme, et

voilà qu'il s avançait d'un pied ferme . nul ne coula que, sa guérison subite nfeùrt •été obtenue -par la sain[clé Lin prélat calomnié. Aussi la cité :fit-elle à d'.icrre :un accueil triomphal, l'acclamant comme Vautour de cet éclatant miracle; mais lui, inyposant silence à la foule, déclarait avec autorité -quo la guérison élu gardien n'était point de son fait, mais bien l'ceuvre de saint. Magne.

C'est vers la cathédrale que l'évêque se dirigea, toujours escorté de la foule. Près de là -S'était fait :porter-une inLliune, mue femme du nom de Irisa„ atteinte d'un mal :chronique et qui sié3ait quasi ruinée en visites et ordonnances médicales.

Pierre fut bouché -de campassion et ordonna à la malade. au nom de la: Sainte Trinité, de la Sainte vJerge, de saint Magne eUdes Saints dont les reliques étaient conservées cri son église, -de se lever et de se rendre à l'église pou' y remercier Dieu : Lisa, rendue à la santé„ obéit sur-le-champ.

Cependant, le renom de sainteté et du pouvoir miraculeux Je l'évêque d'Anagni a devancé ses pas ; le clergé vient Processionnellenaont à sa rencontre. La cathédrale se remplit bien Mite de fidèles des deux sexes. Ceux qui -se sont 'montrés les plus-coupalhl.es envers le ministre de Lien implorent son pardon : Pierre leur donne le baiser de paix et les presse clans ses bras. Et de nouveau lui cor -tège d'humains,, éprouvés •de l'une ou de l'autre manière, défile (levant lui pour que, cil les touchant, il les soudage de leurs maux.

Portrait de saint Pierre d'Anagni. - Sa mort et ses obsèques.

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'L'écrivain à qui nous devons de connaître au moins les faits .principaux de la vie de Pierre nous a laissé de lui un portrait à la fois Physique et moral :

Il était d'une taille moyenne, son aspect et :ses gestes avaient de la distinction, son visage de l'enjouement. Il n'offrait au regard rien de notable ni quant à la maigreur

ni quantt à d'embonpoint, en dehors des traces laissées par son abstinence. Une sainte :pâleur était chez lui un ornement,; sn barbe blunclie lui donnait un aspect vénérable, sa conversation était à la fois réservée et gracieuse. Sa voix était bien équilibrée, ni -faible lorsqu'il parlait doucement ni collée lorsqu'il devait parler avec force. C'était un :homme ale conseil, ait regard rayonnant, -d'une aménité de bon ton, dont la démarche nléneit •ni -lente ni empressée, ne blessant quiconque Irar ses actes, juste sans acception des personnes, ne faisant jamais entendre une parole qu'il eût à regretter.

C'est ''bien là, en vérité, le portait idéal d'un a Saint n en général, autrement dit de l'homme parfait qui, presque toujours au prix dos plus rudes combats -intérieurs et crue sonren+t anal ne soupçonne, est arrivé à. dompter ses passions, s^,s désirs, et à conquérir une absolue maîtrise de soi même.

Ce fion pasteur avait atteint ir lune vieillesse vénérable. :Durant l'été de l'aunes i rob, une fièvre le saisit et il sentit que la mort ne

24 3 noUTtarderait pas. Il fit donc venir autour de sa couche les membres du Chapitre.De nouveau le moribond recommanda à ses chanoines tout ce qui pouvait contribuer, au spirituel

et au temporel, à la gloire de leur diocèse, remercia d'avance son collègue de Segni, Broutait, à qui il demandait de recommander à de pieux suffrages le repos de son âme.

11 reçut ensuite le Saint Viatique et continua à prier, autant que ses forces déclinantes le lui permettaient, pour son Eglise, son clergé et pour le peuple confié à ses soins, et c'est ainsi qu'il passa de la vie de ce monde à la vie éternelle. C'était le 3 août iio5, la sixième année du pontificat de Pascal IL

De son corps émanait un parfum délicieux qui attestait sa sainteté. Le bruit de sa mort se répandit rapidement dans la ville, et toute la population voulut revoir une dernière fois les traits de son pasteur. Tous pleuraient qui un père, qui un bienfaiteur, qui un conseiller, mais cette douleur était atténuée par la vue de nombreux malades soulagés et par la douceur ineffable de l'aspect du mort qui paraissait dormir.

Brunon, évêque de Segni, se trouvait pendant la nuit en prière dans l'église Saint-Pierre de sa ville épiscopale, lorsqu'il aperçut une lumière qui planait au-dessus d'Anagni ; en même temps, il perçut la musique d'un chant céleste : à cette double intervention du ciel il comprit aussitôt que l'âme de son frère dans l'épiscopat avait gagné un monde meilleur.

Il convoqua aussitôt la famille épiscopale, fit préparer ce qui étaitt nécessaire pour le voyage et partit en hâte pour Anagni, o`u il présida les obsèques et inhuma de ses propres mains le défunt dans la cathédrale. En suite de quoi, désireux de consoler le clergé et le peuple affligés par la perle de leur chef, il prononça l'éloge de son ami, dont il retraça la vie vertueuse et la mort édifiante. Quelque temps après, il composa un ouvrage à cette même fin, et il en fit don à l'Eglise d'Anagni.

C'est à son récit, lequel a subi sans doute, comme nous l'avons laissé entendre, quelques interpolations, que sont empruntées les présentes données biographiques.

Saint Pierre de Salerne fut canonisé par le Pape Pascal 11, en, vertu de la Bulle Dom.inum excelsum habentes, datée de Segni, le 4 juin lrog. Son nom figure au Martyrologe Romain.

BLAISC Lszen,sources consultées. -- 4cta Senctorum, t. ter d'aodt (Paris, et Rome, 1867). ...............PAROLES DES SAINTS

Comment servir Dieu.Nous devons servir Dieu comme il le veut et non comme nous voulons. Sainte Tuflntse,SAINT LUAN, LUGID ou MOLUAPremier Abbé de Clonfert Molua (Vie siècle).

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Fête le 4 août.L A fécondité du germe monastique semé en Irlande au v6 siècle par saint Patrice et sainte

Brigitte fut prodigieuse. Pendant les trois siècles qui suivirent sa conversion, cette île privilégiée semble n'avoir été qu'un vaste monastère ; pas un endroit qui ne fût la demeure de cénobites ou d'anachorètes.

Parmi tant de saints successeurs et émules de saint Patrice, le nom de Luan se détache avec u n relief particulier, parce que, six siècles plus tard, saint Bernard a consacré sa mémoire en affirmatif qu'il avait fondé, à lui seul, cent monastères.

Enfance de saint Luan.Le nom celtique de Lughaidh, avec ses diverses orthographes et sa prononciation, a pris, en latin,

la double forme de Lapides et de Luanus, dont on a fait Lugid et Luan ou Lua. Le préfixe Ho, terme de tendresse ajouté par l'amour maternel, a été conservé par le maître et par les disciples de. saint Luan, d'oit le nom de Molloe ou Molua que l'on rencontre très fréquemment.

Luan naquit dans la première moitié ou vers le milieu du vie siècle, à une date qu'il est impossible de préciser avec certitude, sur le territoire de IIy Eicihgent.e, dans le comté de Limerick, province de Munster. Son père s'appelait Carthach ; sa mère, Soclila ou Sochte, était originaire de la région d'Ossory ; ils avaient trois garçons : Johain, Luger et Luan, et une fille, Ci-on ou Croin. Luan était le plus jeune.

Une grande obscurité recouvre les circonstances de sa vie, et la légende y a ajouté des événements si manifestement fabuleux qu'il est impossible d'yy ajouter foi. Il n'en demeure pas moins que Luan

ne: 4: morrxfut unn grand thaumaturge doué d'un pouvoir miraculeux extraordïnaire qui l'ui: valet d'exercerr

rue, inllucrrae considérable.Dès: son enfance, il se. signala par de: nombreux ;nlraeihs. Cértains disent qu'il guérît, son père

aLuan cancer' ,l la jamae et que, même, il, remit en place, la piedl qu'on avait d5, amputer:.La première occupation da: l'enfant, fat de- paître les troupeaux paternels.. Icii encore le

uaerveilL'eu,~ abondé : les anges vemüerrl parfois l'aider ; un jour quee tout en g`arrlhaf.dés moulons il se chaut, fàiG avec ses frères autour -d'ut feu de. Lois: mort,- une violente averse: éteignit le feu. Un ange, vissa le ral8uaaser. DU même son père le: trouva un soir endormi dans mi champ et veillé par mi ange vêtul de blanc. Une autre fois, on remarqua qu'or parfum délicieux s'exhalait de la bouche du petit pâtre endormi.

Un jpurr d'ëf&-,, Luira se baignait dans: une rivière;: un infirme eut l'idée de se baigner non foin du jeune garçon, et il fut soudain guéri.

On raconte que Luan pratiquait- déjà le jeûne et l'abstinence à un tel degré qu'il semblait vivre sans prendre de nourriture ; ce qui a fait dire que la sainte Eucharistie était son unique aliment.

Il alla voir un de ses oncles, nomme Finlan, dont la fille, Finn Lainer, figée de iG ans, était sourde-muette ; la jeune fille ayant embrassé son cousin fut soudain guérie. fille se voua alorss à Dieu et construisit plus tard un monastère- appelé Cluain Claraith, où elle accueillit un grand nombre de pieuses femmes et parvint à une éminente sainteté.

Saint. Luan: disciplee de' saint Comgall.Un jour, suint Comgall, fondateur et premier Abbé chi célèbre monastère de Bangor, voyageant à

travers la province de (Munster, passa près d'un champ où le- jeune Luan gardait ses troupeaux. Il eut alors la révélation' Lie ce que- serait plus tard Cet enfant ; l'avant interrogé et ayant obtenu, le

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consentement des parents, il )'emmena avec lui à Bangor, où se trouvait peut-être déjà l'a génial élève qui devait être: saint Golombara..

Luan montra une intelligence singulièrement pénûtran•Le et rit'J des: progrèss étonnants, mais saint Comgall n'en frac plus surpris le jour où ils vit un ange se faire le professeur de son élève:

Avec l'étude et la prière, l..uan- sel.ivraIl,e à Ba-ngor, à des travaux manuels et remplissait divers emplois. Sa saieideté' se manifesta également eni ce' lieu par de nombreux mi.racles,

Bangor étant si-tuée au bord de. In mer, sur le. côte méridionale du golfe de: Belfast, les moines: allaient souvent à la pêche, et Luan les: accompagnait parfois.. On te trouva un jour prosterné- cri prières sur le- rivageotr la: marée montante t'entourait sans le toucher.

Une autre foisy Luan fut changé de ramener des pêtuma~es des, récipients remplis de lait ; les chevaux se cabrèrent et projetèrent sur le soi. les vases de lait dont le contenu se répandit. Avec L'aide d'un- ange;. Luan remplit (l'eau pare les récipients, l'es: plaça sir le dos des- chevaux, et: quandd il arriva au monastère cette eau était

devenue un lait délicieux ayant le parfum du miel et le bouquet d'un vin généreux.Une autre fois, ayant amené de l'ivraie à moudre au moulin, ce fut de la farine de froment qu'il

rapporta au monastère.Un matin, Comgall réunit ses religieux.- Qui de vous, leur dit-il, a, cette nuit, demandé à Dieu le don d'une intelligence supérieure?Tous déclarèrent ne l'avoir point fait, sauf Luan, qui reconnut avoir fait cette prière puisqu'il était

déjà très versé dans toute science et dans les arts libéraux.- Beaucoup ont dû leur perte à l'acquisition du savoir, déclara l'Abbé.- Si j'avais la science de Dieu, répondit Luan, je n'offenserais jamais Dieu ; car ceux-là lui

désobéissent qui ne le connaissent pas.- Mon fils, dit Comgall, tu es ferme dans la foi, et la science véritable te mettra dans le droit

chemin du ciel.Une nuit de Pàques, tandis que Comgall offrait le Saint Sacrifice, Luan tenait devant lui une

chandelle allumée ; fatigué par le manque de sommeil, il s'assoupit ; la chandelle échappa de ses mains et tomba dans le baquet contenant l'eau pascale qui venait d'être bénite. Aussitôt réveillé, Luan plongea la main dans l'eau, retira la chandelle qui s'était éteinte ; il souffla dessus et elle se ralluma.

Alors, un des vieux moines de s'écrier, faisant allusion à l'Abbé et au jeune religieux :- Il n'est pas possible que deux lumières pareilles restent dans le même endroit IL'heure était venue, en effet, où Luan, après avoir passé de nombreuses années à Bangor, devait

porter ailleurs les bienfaits de ses lumières et de sa sainteté.Saint Luan quitte Bangor.

En route vers son pays natal. - Premières fondations.Saint Comgall persuada alors son disciple de recevoir les ordres sacrés, puis il l'engagea à

retourner dans son pays, afin d'y propager la vie cénobitique. Après lui avoir recommandé do venir cri aide matériellement aux populations nécessiteuses, mais surtout (le tour distribuer la nourriture spirituelle, il lui donna sa bénédiction, et Luan quitta Bangor avec quelques compagnons.

Arrivé dans un endroit appelé Druim Sneachta, aujourd'hui Drumsna, à environ cinq milles à l'ouest de Monaghan, Luan fonda un monastère dont il ne reste plus qu'un cimetière. Un jour qu'il se promenait sur les bords d'un lac voisin du monastère, il aperçut deux garçons qui se baignaient ; soudain, un monstre énorme sortit des profondeurs du lac, se dirigeant vers les baigneurs.

-.Nagez vers moi, leur cria Luan, à qui arrivera le premier 1Pris d'émulation, les deux garçons nagèrent vigoureusement vers la rive, où ils arrivèrent presque

en même temps, suivis de prèsSAINT LUAN2,UN SAINT coca cru ue Joua OU mois, 2' sCaas (.rein) 228 4 AOUTMENT L1JAN

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par le monstre, dont ils ignoraient la présence. L'un d'eux se retourna à ce moment et, apercevant l'énorme bête, il fut saisi de frayeur et tomba raide mort. D'un signe de croix, Luan ressuscita le malheureux garçon et mit le monstre en fuite.

Luan demeura quelque temps dans ce monastère et il y accomplit plusieurs miracles ; aussi les chefs du pays, désirant le garder, lui offrirent-ils de grandes propriétés qui s'étendaient jusqu'au lac Erne. Mais, voulant se conformer aux instructions de son maître Comgall et redoutant la possession des biens terrestres, il refusa. Après avoir assuré simplement la stabilité de la petite commu. nauté, il bénit ses religieux et reprit le chemin de Hy Fidhgentc.

Quand il arriva aux confins des provinces de Munster et de Leinster, dans le Dail Birrn d'Ossory, pays de sa mère, Luan rencontra le prince Faolan qui lui offrit un terrain, l'aida à construire un monastère où le donateur reçut l'habit religieux.

Il s'en alla visiter deux de ses oncles maternels qui habitaient cette contrée ; l'un d'eux le reçut avec joie et lui donna ses biens, mais l'autre, pris de jalousie en se voyant frustré d'un héritage qu'il convoitait, saisit une épée et se précipita sur son neveu ; le ,Bremier s'interposa, mais le méchant homme, tournant sa rage contre le monastère, détruisit les travaux que Luan avait commencés.

- Dieu ne tardera pas à vous punir, mon oncle, s'écria le serviteur de Dieu.Un mois après, en effet, cet homme mourait et ses biens étaient dispersés.Luan resta peu de temps en cet endroit ; un ange vint, dit-on, lui indiquer une mnontagr,e,

nommée Smoil ou Sinnoir, au pied de laquelle il devait édifier un grand monastère. Il se mit en route et alla trouver un homme nommé Bledne au village de Rosbilech. Entre temps, l'ange était apparu à Bledne, lui disant :

- Demain, le saint Abbé Luan viendra vers toi précédé de cinq vaches blanches à oreilles rouges ; offre-lui ton héritage, car t u deviendras son disciple.

Ainsi fut fait, et Luan, après être resté un certain temps dans ce nouveau monastère, y laissa quelques sujets et partit vers la montagne qui lui avait été indiquée.

Il arriva dans la principauté (le Leix, que gouvernait Berach, ni moment où le fils de ce chef venait de mourir. Luan le ressuscita. Berach, transporté de joie, voulut donner son château et ses terres au serviteur de Dieu pour y établir un monastère, mais Luan refusa et demanda seulement un terrain situé sur le versant méridional de la montagne. Berach, non seulement accorda le terrain, mais il fournit des subsides et leva un impôt pour la construction du monastère.

L'endroit vers lequel l'Abbé dirigeait ses pas s'appelait Bladhma et était situé sur la pente méridionale d'une montagne appartenant au massif du Slieve Bloom, site admirable, à l'abri des vents du Nord et surplombant les riches vallées des rivières Nore et Suia.

Saint Luan par un ingénieux procédé sauve deux enfants qui allaient être engloutispar un monstre marin.

Luan se mit aussitôt à l'ouvrage et construisit un monastère vaste et commode qui reçut, par la suite, le nom de Cluain Ferla Molua ou Clonfert Molloe, ce qui signifie, dit-on, a retraite mira-culeuse de saint Luan ». Près du monastère, un hospice ou une hôtellerie fut aussi édifiée pour recevoir les pèlerins et les étrangers. Et bientôt une ville grandit autour de cette maison de prières. Comme toutes les abbayes d'Irlande, elle devait être détruite au moment de la prétendue Réforme par le fanatisme protestant venu d'Angleterre. On peut voir les ruines de Clonfert, maintenant Kyle, près de Borris-in-Ossory, au diocèse actuel de Killaloe.

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sAI\T LLAN 31La « Règle de saint Molua ». - Saint Luan et ses disciples.Le saint Abbé donna à ses disciples une règle inspirée de celle de Bangor et qui a reçu le nom de

u règle de saint Molua n.. Elle divisait la journée monastique en trois parties, une pour la prière, une autre pour l'étude, la troisième pour le travail manuel ; elle ordonnait aux religieux d'observer un silence absolu et de vivre dans un recueillement perpétuel ; elle imposait aussi une vie de pénitence et de mortification ; enfin elle interdisait rigoureusement et à jamais l'entrée des femmes dans le monastère.

Luan aurait, dit-on, fait présenter cette règle au Pape saint Grégoire le Grand, qui l'aurait approuvée et bénie. Elle fut longtemps suivie en Irlande.

De nombreux moines vinrent se grouper à Clonfert, sous la direction de l'Abbé, qui les recevait avec beaucoup d'affection, suivant son habitude. Dans ses exhortations spirituelles et ses admonitions, il employait uniquement la douceur et la persuasion, écartant toute parole amère, et il donnaitt en toutes choses un admirable exemple.

A ce sujet, on rapporte plusieurs anecdotes curieuses.Un barde nommé Conan était venu se joindre à la communauté ; il n'avait jamais fait aucun

travail manuel et, outre son inhabileté, il trouvait déplaisant ce genre d'occupations. L'Abbé lui dit un jour :

- Allons ensemble faire un petit travail.Prenant chacun une faucille, ils se dirigèrent vers un bois envahi par les chardons.- Coupons ensemble ce carré de chardons, dit Luan.- Je peux bien les couper tout seul, répondit Conan. Quand il cul coupé un chardon, l'Abbé

l'arrêta en disant - C'est assez pour aujourd'hui.Et Conan, tout étonné, suivit ron mattre au monastère. Le lendemain, il coupa deux chardons ; le

troisième jour, trois, et ainsi de suite. Au bout d'un certain temps, une grande clairière fut ouverte et un chemin fut tracé qui reçut le nom de « route de Conan a.. Luan donnait ainsi à son disciple une leçon pratique de persévérance et d'entraînement.

Cependant, Luan ne se confina pas à Clonfert ; de là, au contraire, il rayonnait à travers le pays. C'est ainsi que, prenant avec lui plusieurs de ses religieux, il partit pour son pays natal Hy Fidhgente; là, beaucoup de gens lui firent des donations de terres et autres biens, et il entreprit la

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construction de plusieurs « celles a ou résidences monastiques très restreintes, qui devinrent des monastères très peuplés appelés à demeurer longtemps célèbres.

Mort de saint Luan.Quand Luan fut devenu vieux, une de ses dents tomba ; il la remit à un de ses assistants en lui

disant :- Mon fils, garde soigneusement cette dent, ne l'enterre pas avec moi ; un jour viendra oùù on te

la demandera.De fait, quelques années après la mort du saint Abbé, des moines qui parcouraient l'Irlande pour

recueillir des reliques de Saints vinrent à Clonfert solliciter des reliques de saint Luan ; niais per-sonne ne voulut ouvrir le reliquairee et en distraire une parcelle des restes du saint fondateur. Alors le moine qui avait conservé cette dent la leur offrit et ils s'en allèrent satisfaits.

Ayant connu que l'heure approchait de rendre son âme à Dieu, Luan réunit ses moines et leur donna ses derniers conseils, les exhortant avec sa douceur et sa tendresse habituelles à se maintenir dans l'esprit de la règle.

Après ses recommandations, accompagné d'un religieux nommé Stellan, il partit pour Boscrea, où demeurait son disciple saint Cronan. Il s'entretint avec lui de choses spirituelles et ]ni annonça sa mort prochaine puis, après la prière en commun et l'échange du baiser de paix, les deux religieux se séparèrent en pleurant.

Luan reprit le chemin de Clonfert, mais il fit un détour par les bords d'un lac marécageux, afin d'aller visiter une autre celle nommée Tuaim Domhnaigh ou Dois Donunich. An bout d'un moment, il se sentit fatigué et s'assit sur le bord du lac. Puis, s'adressant à son compagnon, il lui posa cette question :

- Si quelqu'un voyait au même instant saa famille de la terre et celle du ciel, vers laquelle irait-ilP- Vers celle du ciel, répondit Stellan.- Fils bien-aimé, dit alors l'Abbé, donne-moii le Saint Sacrement, car je vois ma famille du ciel

qui m'attend.Luan reçut alors la sainte Hostie des mains de son disciple, car il portaitt toujours sur soi le Saint

Sacrement, puis il rendit son âme à Dieu. C'était, croit-on, un samedi 4 août, dans les premières années du vue siècle ; seules les années 60.2, 613 et 61.9 présentent cette concordance. Cependant, la mort de saint Luan est placée, suivant d'autres auteurs, aux années 6o5, 6o8, 6og et même 6m.

Son corps fut porté à la celle de Tuaim Domhnaigh, où, au bout de quelques jours, les religieux de Clonfert vinrent le réclamer. Alors une dispute s'étant élevée pour la possession de ces précieux restes, le corps fut, comme il est rapporté pour d'autres Saints, déposé sur un chariot attelé de deux bmufs. Ces animaux, libres de leurs mouvements, s'arrêtèrent devant la porte du monastère de Clonfert. A ce moment, saint Manchon, moine (le ce monastère, affligé d'une maladie des yeux, fut guéri en touchant le corps de son maître.

Le culte.Le corps fut ensuite déposé avec de grands honneurs dans un tombeau construit spécialement

pour lui. Il est probable qu'il fut transféré plus tard dans une chapelle à l'intérieur de l'église du couvent. Les gens du pays du Clonfert montrent encore, dans le cimetière de Kyle, l'emplacement du premier tombeau, et aussi une pierre quadrangulaire de trois pieds de long sur un piedet demi de large, et creusée en son milieu ; on l'appelle a auge de. Saint-Luan ».

Si chaude que soit la saison, elle n'est jamais à sec, et l'eau qu'elle contient passe pour guérir les maladies d'yeux et les maux de tête. Les buissons d'aubépines qui la surplombentt sont couverts de chie fous, étranges ex-volo qui témoignent de guérisons obtenues.

La cloche de Saint-Luan demeura dans ce monastère jusqu'à l'époque de la suppression. Les gens avaient l'habitude de prêter serment sur cette cloche en prenant à témoin le Saint qu'ils disaient la vérité. Elle est conservée dans un petit musée, à Parsonstown.

Dans une prairie située au sud-ouest de Kyle, on montre une pierre énorme de forme irrégulière, très enfoncée dans le sol. La partie supérieure, qui mesure environ cinq pieds sur quatre, est percée de cinq trous à peu près ronds. Celte curieuse pierre est appelée a la pierre de Saint-Molua », et l'on

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dit que les trous sont l'emplacement des genoux, des épaules et de la tête de Luan prosterné en prières sur cette pierre. On dit aussi que le saint Abbé y célébra la messe. Il est probable que ce furent plutôt de primitifs fonts baptismaux.

On croit que l'église de Killaloe, en irlandais Kill-da-Lua, ou la a celle de Lua », tire son nom de saint Luan, peut-être parce que ce moine a habité pendant quelque temps en cet endroit, peut-être aussi parce que l'église lui a été dédiée.

Il est probable aussi que saint Luan fonda lui-même l'église primitive de Kilmanagh ; on y vénère une belle statue grandeur naturelle datant du xn° siècle et qui le représente en chasuble ; une nouvelle église, qui lui est dédiée, a été consacrée le 4 août I8;2 par Mgr il'Ioran, évêque d'Ossory. Non loin de là, une fontaine miraculeuse, dite de Saint-Luan, attire les pèlerins.

Dans la paroisse d'Emlygrennan, au comté de Limerick, il existe un cimetière de Saint-Luan ; une partie des murs de clôture, de facture cyclopéenne, sont les seuls restes d'une maison religieuse qui fut vraisemblablement construite par l'illustre Abbé. Un pet, a l'est de ce cimetière, il y a une fontaine de Saint-Luan, près de laquelle les pèlerins sont nombreux. Pour obtenir leur guérison, les malades doivent, dit-on, en faire le tour plusieurs fois, trois samedis de suite et avant le lever du soleil, en récitant 6 Pater et 6 Ave, réciter ensuite le rosaire en entier, à genoux près de cette fontaine; enfin, boire de cette eau et en emporter dans une bouteille. La foule y est particulièrement considérable le 3 et le 4 août, c'est-à-dire la veille et le jour (le la fête du Saint.

La croyance en l'efficacité de ces prières s'étend fort loin. Une personne digne de foi assure avoir connu en Amérique des malades qui écrivirent à des parents restés en Irlande, leur demandant de faire à leur intention ce pèlerinage et qu'ils obtinrent leur guérison.

Dans une lettre pastorale de saint Cummian, saint Luan est mis au rang des Pères de l'Eglise d'Irlande.

EMILE AIMOrar.Sources consultées. - Acta Saneto 1 d'aoùt (Paris et Rome, t86 ). -11ev. Joex CANON O'nlencon, Lives of the I h Saints, t. VIII (Dublin, rao4).SAINT CASSI ENÉvêque d'Autun (1V° siècle),

Fête le 5 août.'^` n peut diviser en deux parties, inégales quant à l'intérêt, e ~ l'histoire de saint Cassien.

La première est celle qui a traitV à son origine, à sa jeunesse, aux débuts de sa carrière épiscopale ; dans le récit ancien qui nous

en est venu par divers auteurs, on trouve trop de particularités difficilement conciliables avec les données certaines de l'histoire, pour que nous nous croyions autorisés à nous y attarder.

La seconde partie a trait à l'épiscopat d'Autun ; la vraisemblance en est beaucoup plus grande. Enfin, l'hagiographie nous offre au sujet de ce Saint une riche gerbe : l'ensemble des miracles dus après sa mort à son intervention près de Dieu, et aussi l'histoire de son culte.

Il peut, néanmoins, être intéressant pour le lecteur de trouver ici un court résumé de la vie de saint Cassien, telle que l'admettaientt nos ancêtres, jusqu'au moment où des documents plus solides que le reste nous le montrent sur le siège épiscopal d'Autun.

Un noble chrétien d'Egypte.Cassien, qui naquit vers la fin du m° siècle, aurait vu le jour à Alexandrie, dans une des plus

nobles familles de l'Egypte. Ses parents le confièrent à un saint évêque du nom 'le Zénon ou Thé-non. A cette école, il entendait fréquemment parler de la gloire qui résulte du martyre pour un serviteur de Dieu, et il sentit peu à peu son âme envahie du désir de conquérir la palme. Fier de ce chrétien qui aimait à réchauffer sa foi et sa charité près des tombeaux où reposaient les victimes de la persécution, Zénon enrôle Cassien parmi les clercs de son Eglise.

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34 5 AouTSAINT CASSIEN D'AUTUN 35Le jeune lévite, favorisé des dons de la fortune, considère les pauvres comme autant de frères ; il

libère ses esclaves, se préoccupe de fonder, avec un riche chrétien d'Alexandrie, une sorte d'hospice où il donne la nourriture et les soins aux déshérités, aux infirmes ett auxx malheureux; enfin il bâtit à Orte ou porta, où il s'est fixé, une église qu'il dédie au diacre martyr saint Laurent.

Le siège épiscopal de cette ville étant devenu vacant, Cassien est appelé par acclamations à l'occuper ; il est déjà investi de cette dignité lorsque saint Zénon est mis à mort en haine de la foi. L'évêque d'Orte rend alors les derniers devoirs à ce martyr qui futt naguère son Père, et dont il est maintenant le frère et l'égal.

Mais voici que l'empereur Constantin a donné à l'Eglise une paix durable, une situation honorée ; Cassien, déçu dans ses espoirs du martyre, s'en vient dans les Gaules où les païens sont nombreux, où, loin des grandes voies romaines et des cités, vivent tant d'hommes au caractère rugueux, et plongés dans L'erreur. En essayant d'ouvrir leurs yeux à la lumière, peut-être trouvera-t-il l'occasion d'offrir sa vie pour le Maître qu'il sert I

Saint Cassien en Gaule. - L'évêque d'Autun.Vers l'an 3zo, nous dit-on, Cassien prend congé de ses diocésains, et par Marseille, remontant le

Rhône et la Saône, arrive dans la cité des Eduens, Aug.uslodunum, c'est-à-dire à Autun.L'endroit même où il se fixe suffirait, semble-t-il, à ébranler la légende qui le fait passer d'Egypte

en Gaule pour chercher le martyre. S'il en était ainsi, ce n'est pas dans une cité florissante, mais dans les villages plus éloignés que Cassien irait exercer son zèle. Or, nous le voyons dans une ville célèbre, la capitale de la Gaule celtique, où le christianisme a pénétré depuis longtemps, même si le paganisme y a encore un centre puissant et si le druidisme y possède de nombreux adeptes.

Dès le n° siècle, saint Polycarpe avait envoyé de Smyrne à Autun trois de ses disciples, les saints Andoche, Thyrse et Félix qui fécondèrent de leur sang l'Eglise fondée par leurs travaux ; saint Bénigne lui aussi s'était arrêté sur cette terre. Presque à la même époque, vers l'an r8o, un jeune chrétien d'une des plus nobles familles éduennes, Symphorien, y subissait un glorieux martyre. La foi y avait donc pénétré.

Mais que d'idoles à renverser encore 1 que de sectes et de superstitions à détruire I

Saint Rhétice et saint Cassien.'Quels que fassent l'origine de Cassien et le pays où il avait vu le jour, qu'il fût ou non revêtu du

caractère sacerdotal, voire épiscopal en arrivant à Autun, il ne pouvait manquer d'être un colla-borateur précieux pour le Saint qui occupait alors le siège d'Augustodunum. Réticius ou Rhétice - tel était son nom - avait été nommé évêque d'Autun en 313, c'est-à-dire au lendemain de la paix

constantinienne. Ecrivain ecclésiastique, il est connu comme l'auteur d'un Commentaire du Cantique des cantiques. Sa présence est signalée au Concile romain de 313, qui condamna le schismatique Majorin et l'évêque Donat de Casae-Nigrae, et au Concile d'Arles, réuni pour le même motif en 314. Il mourut vers 334. Tels sont les renseignements que nous donne au sujet de ce prélat Grégoire de Tours dans son traité De la gloire des Confesseurs.

Projet de mission en Bretagne.Il est rapporté que Cassien, qui peut-être avait un caractère aventureux - cela s'est vu chez

d'autres Saints, par exemple saint Amand, l'évêque de Macstricht, - aspirait à la vie missionnaire, 24

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qui lui paraissait peut-être plus active, et plus attirante aussi, enraison même de ses dangers.Dans ces dispositions, il dit un jour à Rhétice- Père, j'ai formé le dessein d'aller porter LEvangile en Bretagne. Ici, Dieu estt maintenant

connu ; là, au contraire, il y a tout un peuple qui ne le connaît point encore.- Mon frère, répondit saint Rhétice, je n'ai plus que peu d'années à passer sur la terre, et Dieu, qui

vous a envoyé ici, veut que vous me secondiez jusqu'à la fin. Croyez-moi, l'heure n'est point venue pour vous d'entrer dans une voie nouvelle ; attendez encore un peu.

Cassien, habitué à voir dans les paroles du vieillard la volonté même de Dieu, se soumit. Il travailla trois ans encore avec saint Rhétice, jusqu'à ce que la mort vînt briser l'union qui existait entre ces deux apôtres.

Et lorsqu'en 334 Rhétice fut rappelé à Dieu, Cassien recueillit avec une filiale piété les restes bénis du pontife, et les inhuma solennellement comme les reliques d'un Saint.

Successeur de saint Rhétice.Rhétice axait-il, avant de mourir, désigné à son clergé et à son peuple Cassien comme son

successeur P Bien que les Actes n'en disent rien, il est permis de le supposer.Par respect pour la mémoire de l'évêque défunt, ce siège demeura vacant une année entière,

pendant laquelle Cassien administra l'Eglise d'Autun avec une sagesse et une douceur qui fixèrent sur

lui tous les regards.Ce fut donc sur l'accord unanime du clergé et du peuple qu'il fut définitivement établi pasteur do

l'Eglise éduenne.Résigné et plein de confiance en l'appui du divin Pasteur, il se livra tout entier, avec un nouveau

zèle, au soin des âmes que Dieu lui confiait.Pour seconder son apostolat, Dieu lui accorda, vers la En de sa vie, le don des miracles.Mort de saint Cassien.On S'accorde pour fixer à l'année 355 la date de la mort de saint Cassien.. La chronologie, ici

encore, est assez embarrassante, car son36 5 Ao1TSAINT CASSIEN D'AUTUN37successeur aurait été saint Egémon ou Egémonius, au sujet de qui les précisions manquent ; puis

vient un évêque plus nettement connu, saint Simplice, qui peut-être assista, avec le titre d'évêque d'Autun, aux Conciles de Sardique (344) et de Cologne (346). Il est donc plus simple de déclarer que nous ne connaissons pas l'année de la mort du saint prélat qui avait été le disciple et successeur de saint Rhétice ; on croit que c'était le `- août.

Au tombeau de saint Cassien. - Visite de deux saints.Tandis que l'âme de Cassien s'envolait au séjour des bienheureux, son corps était déposé dans le

cimetière de la via Strata, près des restes vénérés de son prédécesseur.Le sépulcre des Saints est glorieux. Celui de saint Cassien resplendit d'une gloire éclatante. Saint

Germain, qui fut évêque d'Auxerre de 418 à 448, vint prier près du tombeau de saint Cassien. D'après une tradition, il interpelle le défunt :

- Glorieux frère, lui dit-il, que faites-vous dans votre tombe P- Je repose dans la paix du Seigneur et j'attends l'avènement du Rédempteur, répondit une voix

sortie du sépulcre.- Mon frère, dit alors Germain, reposez dans cette tombe tant qu'il plaira au Christ, niais priez

pour ce peuple et pour moi, afin que nous méritions la gloire de la bienheureuse résurrection.A la fin du vi' siècle, voici l'évêque de Tours et historien, saint Grégoire :J'ai vu, écrira-t-il, dans le cimetière d'Autun, le tombeau du bienheureux pontife Cassien usé et

presque transpercé, car les malades mêlent à leur breuvage un peu de la poussière prise à la pierre de ce tombeau, et aussitôt ils éprouvent la puissance du saint évêque.

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Les reliques de saint Cassien offertes à l'abbaye de Saint-Quentin.Si l'Eglise a toujours entouré de vénération les reliques des Saints, le haut moyen âge s'est signalé

de ce point de vue par un culte tout spécial, par une pieuse émulation entre les églises et les monas-tères pour s'en procurer ; au besoin, nos ancêtres n'hésitaient pas à dépouiller les légitimes possesseurs par des démarches que nous qualifierions d'indiscrètes, voire, à l'occasion, par de véritables larcins.

Pour saint Cassien, on ne recourut point à ce moyen extrême ; il y eut une demande régulière, à laquelle il était moralement difficile de se soustraire. Le résultat fut de dépouiller le diocèse d'Autun au profit d'un monastère célèbre, celui de Saint: Quentin, et d'associer désormais dans un même culte l'évêque de la cité des Eduens et le martyr du Vermandois, mis à mort vers 287. Et voici dans quelles circonstances.

En l'an 84o, sous l'épiscopat de Modoin, l'Abbé de Saint-Quentin, nommé Hugues, envoya à Autun deux messagers pour solliciter le don des reliques de saint Cassien. Modoin, en raison de son amitié

pour le solliciteur et par respect pour les deux empereurs Charlemagne et Louis, dont l'un était le père, l'autre le frère de l'Abbé de Saint-Quentin, ne crut pouvoir se dérober à ces sollicitations. Il donna ù plusieurs de ses prêtres l'ordre de recueillir les restes du

Saint Cassien débarque e Marseille.

Saint. Le transfert se fit en grand secret, car Modoin redoutait du tumulte dans la population éduenne si le départ des reliques venait à être connu.

La consigne épiscopale fut respectée et les ossements du Saint quittèrent la ville d'Autun. En route il ne se produisit d'abord qu'un

vire 1; .r,r r[irirr lrr rrr.r leIlY:\;\1

Ili4

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7

31 r'lJ38seul miracle : la guérison de l'un des membres de l'expédition, qui avait une sorte de tumeur à la

poitrine.Mais les choses se passèrent tout autrement lorsqu'on approcha du lieu de destination.

Arrivée des reliques dans le Comté de Laon.A la limite du comté de Laon, l'Abbé de Saint-Quentin, entouré de prêtres et de clercs, vint à la

rencontre des reliques qu'il reçut avec joie. Le lendemain, il les entoura d'aromates, puis de baume, et les déposa dans un suaire, ensuite dans une pièce de pourpre, et enfin dans une châsse; le jour suivant, sur son ordre, le cortège continuait sa route.

Parmi ceux qui s'offrirent pour porter la châsse, se présentèrent deux hommes que l'on reconnut plus tard coupables d'homicide ; à leur contact la châsse devint soudain si pesante qu'il devint impossible de poursuivre la marche en avant. Ceux qui se trouvaient là, ayant remarqué la coïncidence entre le miracle et la venue des deux criminels, forcèrent ceux-ci à s'éloigner,

Cependant, comme s'il répugnait à la puissance divine de se manifester à la faveur d'un crime, à ce moment un aveugle recouvra la vue. D'autres miracles retentissants allaient se produire le fou., du parcours.

Guérison d'un enfant paralyséAinsi l'on put voir une femme s'approcher hâtivement de l'Abbé qui suivait la châsse ; puis, se

jetant aux pieds de celui-ci, elle le supplia de faire arrêter le cortège et de daigner attendre que son enfant, tout contrefait et débile, s'approchât du corps saint.

Hugues, admirant la foi de cette femme, se prêta à son désir et donna des ordres en conséquence, tandis que l'infirme se traînait dans la direction voulue, trop lentement au gré des porteurs qui, impatientés, se remirent en mouvement. Alors, la pauvre mère renouvela son geste. Elle fit de même une troisième fois. Sa constance fut récompensée, car les personnes qu'elle avait envoyées vers son fils pour le prier de se hâter revinrent bientôt avec un air tout joyeux et annoncèrent que l'infirme venait de recouvrer l'usage de ses membres.

« Les aveugles voient... »Le bruit de cette guérison s'est à peine répandu que de tous côtés on amène des malades sur le

passage de la châsse. Parmi eux se trouve une femme « dont le nom et la résidence sont connus u, dit le manuscrit ancien. Cette personne est aveugle, paralysée des deux bras, les reins pliés, et se traîne avec peine L'Abbé Hugues, qui l'aperçoit tantôt devant et tantôt derrière la châsse, s'imagine qu'elle n'est venue là que pour solliciter l'aumône ; il ordonne de lui donner un secours, et de l'avertir de ne pas se fatiguer davantage. Mais tel n'estt point le but de la solliciteuse.

SAINT eAssu:N D'AuTUN 39Les porteurs ont déposé les reliques sous un arbre pour prendre un instant de repos : l'infirme

s'approche ; bientôt elle voit ; tous ses autres maux ont aussi disparu, et elle réclame comme un hon-neur de prendre place parmi les porteurs.

Plus loin, ce sont d'autres aveugles qui recouvrent la vue des femmes encore, trois d'abord, puis deux.

Enfin une mère, atteinte d'une maladie de langueur, s'est fait porter sur le seuil de sa maison pour voir passer les reliques ; et, tandis qu'elle prie, la guérison survient. Malgré sa maigreur extrême, elle trouve la force de prendnc son fils « déjà grandet s - jan majusculmn - dans ses bras décharnés, et s'approche pour remercier le Saint, à l'intercession ce qui elle doit le retour à la vie.

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C'est dans ces conditions triomphales, an milie- de ces miracles et d'autres analogues, que les reliques de saint Cassien arrivèrent dans la ville de Saint-Quentin.

Il est rapporté qu'une femme, au lieu de participer avec tous les habitants aux fêtes célébrées en l'honneur du saint évêque, préféra rester dans sa maison, et, malgré les reproches qu'on lui en faisait, alluma son four en vue de mettre le pain à cuire. Un retour de flamme la brûla si grièvement, qu'elle en perdit l'usage de sa main droite, trop heureuse encore, malgré d'horribles souffrances, de n'avoir pas perdu la vie dans un fait où elle-même reconnaissait un châtiment du ciel.

Pieuse intervention de Charles le Chauve.Pendant les cinq années qui suivirent, les reliques de saint Cassien furent conservées

successivement en divers endroits, tantôt connus et tantôt secrets, en raison des malheurs des temps et d'autres circonstances plus ou moins favorables.

Au printemps de 845, le roi Charles le Chauve vint en la basilique de Saint-Quentin accompagné de Wénilon, archevêque de Sens, et d'Immon, évêque de Noyon. il se préoccupa de faire rendre un culte honorable à saint Cassien.

Et en présence de nombreux clercs tenant des cierges, et de fidèles plus nombreux, il leva lui-même le corps du Saint, parfumé et entouré d'aromates, et le porta dans la crypte de la basilique, et le déposa à la droite de l'apôtre du Vermandois.

Puis, en vue d'assurer le luminaire et l'ornementation des tombeaux de ces deux Saints, et surtout d'assurer les frais de la construction du tombeau de saint Cassien, le monarque fil don, à perpétuité, d'un domaine nommé Tugniactun, ..vec toutes ses dépendances. Un acte fut dressé en bonne forme, et Charles, après avoir déposé l'authentique au chevet du tombeau, ajouta ces paroles

- Si quelqu'un tente de s'emparer du domaine dont je fais et dont je confirme la donation en l'honneur de ces deux grands Saints, que celui-là ait Dieu pour juge, et que ses deux serviteurs insignes se chargent de l'en punir.

5 AOUTfto5 AOUTLe culte de saint Cassien.Les reliques connurent encore plusieurs déplacements ; l'église de Saint-Quentin fut incendiée ;

relevée de ses ruines par le comte de Laon et l'Abbé. Teutric, elle reçut de nouveau, avec honneur, les restes des deux Saints qui demeurèrent unis dans un culte commun.

Actuellement la basilique-collégiale de Saint-Quentin - honorée du titre de cathédrale depuis Igos - ne possède plus que quelque reliques de saint Cassien ; son tombeau est vide.

Autrui garda, à défaut de son corps, le souvenir et le culte du saint évêque ; le roi de France Robert le Pieux (} so3t) éleva une chapelle à l'endroit où avaient reposé primitivement ses reliques. Le diocèse célébrait deux fêtes de saint Cassien ; l'une le 5 août, anniversaire de sa mort, l'autre le g février, en mémoire de son ordination.

Au diocèse de Dijon, le Saint est le titulaire des églises d'Athie et de Veilly ; le titulaire et patron d'Eeutigny et de Savigny-les-Beaune.

A. Fis. Bis.Sources consultées. - Acta Sanetor t. Il d'août (Paris et Rome, s86a). -Mer PAm. GuémN, Les Petits Bollandist t. IX (Paris, 1897). - (V. S. R. P., n' 5519.)....................................PAROLES DES SAINTS L'Eglise militante et triomphante.Notre-Seigneur .Jésus-Christ, homme parfait et achevé est corps et tète nous reconnaissons sa

tête dans cet homme né de la vierge Marie : voilà la tête de l'Eglise.Le corps de cette tête est l'Eglise, qui remplit toute la terre, depuis Abel jusqu'à ceux qui doivent

naître et croire dans le Christ jusqu'à la fin; tout le peuple des Saints destinés à la cité unique qui est comme le corps du Christ, dont lui-même est la tête.

Là sont les anges, nos concitoyens ; mais parce que nous voyageons, nous souffrons, tandis qu'eux-même, dans la cité, attendent notre venue.

Des lettres nous sont venues de cette cité dont nous sommes éloignés : ce sont les Boutures

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Saintes, qui nous exhortent à mener une bonne vie.Le Roi de la cité est descendu lui-même et s'est fait notre voie pour ce voyage, afin qu'en le

suivant nous n'errions ni ne défaillions, que nous ne tombions pas entre les mains des larrons, que nous ne nous jettions pas dans les pièges qui sont placés le long du chemin.

(Du disciple de la Sainte Ecriture.) Saint AUGUSTIN.Les effets du Saint-Esprit.Quand le Saint-Esprit visite les cours des élus, il les pacifie puissamment, et il ne s'est pas plutôt

insinué dans leur esprit qu'il les excite à la haine de tout péché et à l'amour des vertus. Il leur fait aussitôt, par un merveilleux changement, haïr ce qu'ils aimaient et aimer ce qu'ils haïssaient. Or, l'un et l'autre les fait gémir et leur fait verser beaucoup de larmes, lorsqu'ils se représentent qu'ils ont malheureusement aimé le mal qu'ils détestent à présent et qu'ils ont aveuglément haï le bien qu'ils aiment.

SAINT GRÉGOIRE LE GRAND.(Commentaire sur le lie livre des Rois, II, 2.)BIENHEUREUX OCTAVIEN DE QUINGEYEveAque de Savone (vers 1060-1128). Fête le 6 août.CE saint personnage est assez peu connu en France et même dans la Franche-Comté où il vit le

jour. Mais il a laissé au diocèse de Savone, en Ligurie, dont il fut l'évêque, un souvenir constammentt honoré depuis huit siècles, comme en témoignent les Chroniques de l'Eglise de Savons, remontant au xtte siècle, et qui sont la source principale des renseignements que nous possédons sur sa vie.

Naissance et famille. - Education à Cluny.D'après les Chroniques de Savone, qui le qualifient de bourguignon, Octavien naquit vers l'an

Io6o, à Quingey, aujourd'hui cheflieu de canton du département du Doubs.Il était de noble lignée. Fils du célèbre comte Guillaume II, surnommé Tête-Hardie, qui eut

douze enfants, il compta parmi ses frères deux comtes de Bourgogne, Renaud ou Rainaud et Etienne, un archevêque de Besançon, Hugues III, qui occupa ce siège de io85 à troc, et Guy, lequel devait être plus tard, de Lsrg à 1124, le pape Calixte Il et tenir le premier concile oecuménique de Latran.

Son éducation fut digne de son haut rang. A cette époque, l'abbaye de Cluny, en pleine efflorescence, était, par la science et la sainteté, le plus illustre monastère des Gaules.

Là venaient s'ensevelir de préférence les grands personnages de Bourgogne, lorsqu'ils quittaient pour le cloître les vanités du monde; Guy II, comte de MAcon et parent d'Octavien, y entra, l'an 1078, avec ses fils et trente de ses chevaliers ; là aussi venaient s'instruire les jeunes gentilshommes de grande famille.

Guillaume Tête-Hardie y plaça ses fils. Octavien et Guy y commen-

42 6 AOUTrcranrunrux OCTAVIEN DE QniNCEY43cèrent ensemble leurs premières études, sous la direction de saint Ilugues de Cluny, qui gouverna

glorieusement son monastère pendant soixante ans.Quelle école de charité que cette célèbre maison, au si° siècle 1 Octavien en eut sous les yeux,

pendant son court séjour, d'admirables exemples. 17 000 pauvres y étaient annuellement nourris et

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entretenus. L'hospitalité la plus généreuse y était exercée, et quiconque se présentait à la porte du couvent était sûr d'y trouver -un abri, un repos préparé.

C'est là, sans doute, que le futur évêque de Savone acquit, outre la connaissance des lettres, ces germes de piété et de tendre charité qui le rendront plus tard si cher à ses diocésains, et surtout aux plus pauvres d'entre eux.

A l'Université de Bologne.Après quelques années doucement écoulées auprès des moines Bénédictins, le jeune étudiant se

rendit, sur l'ordre de son père, dans la ville de Bologne, qu'on appelait la mère des éludes, et dont l'Université était la plus fameuse et la plus ancienne de toute l'Italie.

Paris et Bologne attiraient, à cette époque, presque toute la jeunesse studieuse d'Europe. Mais, tandis qu'à Paris l'étude de la théologie était surtout en honneur -- le Saint-Siège y interdit même l'étude du droit romain, - Bologne brillait spécialement par l'étude du droit romain et canonique. Elle se divisait en deux Universités distinctes : celle d'en deçà des monts, ou des Dix-sept nations, qui comprenaitt la jeunesse des principales villes d'Italie, et celle d'au delà des monts, ou des Dix-huit nations, parmi lesquelles était représentée la Bourgogne. En général, elle montrait des tendances impérialistes, ce qu'il est important de signaler à l'époque où sévissait la « querelle des investitures n, dont nous aurons à reparler.

Octavien y apprit, avec un égal succès, la théologie, le droit romain et le droit canon, et fut bientôt jugé capable d'enseigner à son tour ces mêmes sciences à de jeunes ecclésiastiques confiés à ses soins.

Le bienheureux Octavien Bénédictin.Une pénible nouvelle vint l'arracher à sa vie d'étudiant et de professeur. En 1087, il apprend que

son père, le comte Guillaume, déjà avancé en âge, est atteint d'une grave infirmité, et, sur-le-champ, il quitte Bologne pour Besançon. Il brûle du désir de revoir une fois encore son père et de le soutenir à ses derniers moments.

Aussi résiste-t-il à toutes les instances de l'évêque de Pavie, Guillaume 1°`, des comtes de Canosio, qui, lui ayant offert l'hospitalité au cours du voyage, avait été charmé de son mérite et s'efforçait de le retenir.

Mais, tandis qu'il s'apprête à quitter le palais épiscopal, un nouveau message, envoyé par sa famille, lui apprend la mort de son père.

Cette cruelle épreuve brisa le coeur d''Octavien. Elle eut, selontoute vraisemblance, une influence décisive sur sa vocation religieuse et vint modifier les plans

d'avenir qu'il pouvait avoir formés.Résolu à consacrer tout entière à Dieu cette vie qui nous est donnée pour le servir et pour l'aimer,

il alla frapper à la porte du couvent bénédictin de Saint-Pierre au Ciel d'or, à Pavie, où il reçut bientôt l'habit religieux.

Il devait passer trente années dans l'obscurité du cloître, se sanctifiant sans bruit dans l'exercice de toutes les vertus religieuses, et pratiquant avec simplicité la vie monastique qu'il avait jadis admirée à Cluny. L'étude des sciences sacrées faisait sa principale occupation.

Il est chargé d'importantes missions..Ce n'est pas cependant que sa réputation de sainteté ne se répandît au dehors. Les archives de

Saint-Pierre au Ciel d'or et un grand nombre de chroniqueurs italiens se plaisent à citer son nom comme l'une des gloires du monastère. La distinction du religieux frappait tout le monde, excitait l'admiration et le fit particulièrement estimer de trois évêques successifs de Pavie.

Co fut Guillaume Canosio qui eut la joie de l'appeler au sacerdoce ; ce même prélat voulut, en outre, lui confier plusieurs fonctions importantes relatives à l'administration de son vaste diocèse.

Guy Pipari, son successeur, honora l'humble moine de la mêmeconfiance. Il le chargea d'être son représentant au Concile de Guas-, talla, tenu en croc par le

Pape Pascal II au sujet de la grave question des investitures, c'est-à-dire de la lutte engagée entre les Pontifes romains et les souverains

d'Allemagne au sujet de la collation des titres ecclésiastiques. Octavien fit preuve, en cette occasion, d'une grande prudence et d'une si remarquable sagesse, que le Souverain Pontife lui remit à son

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départ une lettre félicitant l'évêque de Pavie de l'heureux choix qu'il avait fait pour le représenter.Bernard Lunato, qui vint ensuite, n'eut pas une attitude différente à l'égard du moine de Saint-

Pierre au. Ciel d'or.Telles furent ses qualités pendant son séjour au monastère de Pavie. Un chroniqueur du temps,

Adalbert, rapporte en ces termes l'opinion générale de ses contemporains : « Le Bourguignon Octa-vien jouissait d'une telle renommée de sainteté que l'Eglise de Savone, veuve de son pasteur,, tourna ses regards vers lui et le choisit pour son évêque. II

Les chanoines de Savone le désignent pour i'épiscopat.Le Chapitre de la cathédrale de Savone avait, de temps immémorial, le privilège de choisir

l'évêque diocésain. Or, une nouvelle élection était devenue nécessaire pour donner un successeur à l'évêque Guillaume ; ce dernier avait été élu seulement deux années auparavant et avait lui-même succédé au célèbre Pierre Grossolano, ou Pierre Chrysolanus, dont la carrière avait été fort mouvementée.

Outre qu'il ne déplaisait pas aux chanoines d'avoir pour premier pasteur le frère du Pape régnant (on était en l'an .1123, , et Calixte. II

446 AOUTBIENHEUREUX OCTAVIEN DE QUINGEY45occupait depuis quatre ans la chaire de saint Pierre), ils eurent avant tout égard au mérite

d'Octavien, et c'est ce qui les détermina à l'arracher à l'obscurité de son cloître.Ils vinrent à sa rencontre jusque sur les limites du territoire de Savone, avec les consuls de la

commune, Amédée Albertengo et Ansalde Boccaorso, à la tête d'une foule innombrable qui accueillit son nouvel évêque comme un ange consolateur. Quant à lui, par sou air plein de simplicité, par sa démarche où la modestie du moine s'alliait à la distinction du gentilhomme, par son regard empreint de douceur et d'amabilité, il conquit, dès le premier abord, tous les coeurs.

Le champ que la Providence lui confiait n'était pas sans présenter çà et là quelques buissons épineux. Bien des abus étaient à extirper. Les luttes récentes entre le Sacerdoce et l'Empire, le schisme qui avait plusieurs fois afflige la chrétienté, certains désordres introduits peu à peu dans le clergé lui-même, avaient nui à la ferveur des populations de la Ligurie et favorisé le relâchement dans la foi et dans les mceurs.

C'était une couvre de réforme qui s'imposait partout aux débuts du xn° siècle.Premières épreuves d'un épiscopat.Octavien entreprit cette Couvre pour son diocèse, et l'y poursuivit avec l'énergie d'un Saint. Il

rencontra beaucoup de difficultés, des contradictions, des révoltes même, et ses premiers contradicteurs furent les chanoines mêmes qui l'avaient placé à leur tête.

Il voulait les rendre à l'austérité de leur ancienne discipline, dont ils s'étaient depuis longtemps départis.

Son exemple aurait dît, semble-t-il, suffire à les y ramener, Besio, l'auteur d'une chronique manuscrite de la bibliothèque civile de Savone, s'exprime, au sujet du zélé pasteur, dans les termes suivants

On connaissait la sainte vie d'Octavien. Il reposait une partie de la nuit et passait le reste en prières ; il jeûnait rigomnuscment tous les vendredis, en mémoire de la Passion du Sauveur ; il ceusurail les vices avec liberté, prêchait avec un grand zèle, et s'appliquait à rétablir l'union parmi les citoyens divisés. Ami des pauvres, auxquels il consacrait tout son avoir, il visitait aussi les malades et leur procurait la santé de l'âme et même celle du corps, car on citait plusieurs d'entre eux qu'il avait guéris de graves

infirmités.Tels étaient les exemples donnés par l'évêque à son clergé. Il y ajoutait de fréquentes

exhortations pleines de douceur. Mais ses exemples comme sa parole restaient sans résultat vis-à-vis des membres de son Chapitre. Il dut se résoudre à sévir.

Les chanoines, suivant leur institution primitive, vivaient en communauté. En dehors des

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exercices communs, chacun se retirait dans l'habitation privée qui lui était dévolue à l'ombre des murs de l'ancienne cathédrale, et jouissait des revenus du jardin qui y attenait. C'était l'un des prédécesseurs d'Octavien, le bienheureux Ami, élu en

ro4g, qui les avait ainsi groupés ; il leur avait concédé en outre un droit de dîme, tant sur le territoire de Savone que sur celui de Noli. Octavien, après avoir vainement employé les moyens de douceur, eut

Le bienheureux Octavien de Quingey, au manient de partir

pour aller voir son père mourant, apprend que celui-ci a quitté cette vie.enfin recours à une mesure sévère : la suppression de cette dîme ou prébende.Quelques-uns de ses chanoines eurent peine à se résigner, mais la fermeté désintéressée de

l'évêque triompha de leurs résistances, sa bonté les ramena, les dissensions furent apaisées et les chanoines obtinrent de rentrer dans leurs droits.

466 AOUTniESnEUn7Ux OCTAVIEN DE QUINGEY47Ce trait de zèle pour le maintien de quelques points de discipline parmi le clergé laisse entrevoir

l'action énergique et salutaire du prélat sur les moeurs de son peuple. Rien ne l'arrêtait dans son osuvre de réforme, ni les insinuations perfides, ni les calomnies qui furent si terribles à la fin du xva siècle, qu'un de ses successeurs, le Dominicain Pierre Gara, n'a pas craint de l'appeler a le premier martyr de Savone n. Son énergie et sa charité vinrent à bout de tous les obstacles.

Services rendus dans le gouvernement de la ville.Sa sollicitude paternelle ne s'étendait pas seulement aux intérêts spirituels de ses ouailles, elle

atteignait aussi leurs intérêts temporels, et la part qu'il prenait aux affaires civiles doublait son influence. En vertu d'une faveur impériale, confirmée par plusieurs diplômes, les évêques de Savone étaient en même temps princes et comtes de la cité, et, comme tels, ils partageaient avec les consuls le gouvernement de la république, apportant dans les délibérations l'appui de leurs conseils et de leur expérience. Les diocésains trouvaient dans l'action prudente et les mesures toujours charitables de leur pasteur une garantie contre les excès possibles du pouvoir civil.

C'était l'époque où commençaient, au milieu de nombreuses difficultés, les institutions

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municipales. La sagesse de l'évêque, s'aidant du concours des personnages les plus éminents de la cité, sut faire tourner à l'avantage des âmes, en même temps qu'au bien temporel de son peuple, le progrès que constituait cette profonde transformation de l'état social.

On le vit aussi obtenir en 1127, du comte Roger II de Sicile, la restitution d'une galère que son armée avait prise aux habitants de Savone. La même année, il intervenait très heureusement dans la conclusion d'un traité entre cette ville et Guillaume II, duc de Pouille et de Calabre.

Le père des pauvres. - Double moisson.Les plus anciens portraits d'Octavien le représentent distribuant l'aumône. Les pauvres furent, en

effet, la portion chérie de son troupeau ; il se plaisait à les secourir de ses propres mains, et ils arri-vaient à lui en si grand nombre que la demeure épiscopale était devenue la maison des indigents.

Une année, la ville, et le territoire de Savone curent à souffrir d'une extrême disette.Dès les premiers jours, l'évêque avait distribué tout ce qu'il possédait. Comme les affamés ne

cessaient de recourir à lui, et qu'il souffrait (le ne pouvoir subvenir à leurs besoins, il fit mettre la population en prière, organisa avec le clergé une grande procession pour toucher le coeur de Dieu, et il traversa ainsi toutes les campagnes environnantes. -

On vit, quelques jours après, les champs se couvrir des moissons les plus riches ; les épis étaient plus beaux et plus nombreux qu'en

aucune autre année, le blé fructifia au centuple, et les habitants attribuèrent cette bénédiction extraordinaire aux prières et à la sainteté d'Octavien. La chronique ajoute que la moisson fut doublée, cette année-là, car l'éteule - c'est-à-dire le chaume qui restait dans les sillons - germa une seconde fois et donna de nouveaux épis, aussi beaux que les premiers. L'abondance revint dans tout le pays.

« Le Saint est mort. »Protection du bienheureux Octavien sur Savone.Octavien occupa le siège épiscopal de Savone de IIrq à 1128, et il mourut à l'âge d'environ 7o

ans, plein de mérites devant Dieu.Quand la nouvelle de sa mort se répandit parmi le peuçie, tous répétaient avec larmes : a Le Saint

est mort I Le Saint est mort I n Et chacun d'accourir au palais épiscopal pour baiser une dernière fois la main qui les avait si souvent bénis, et ravir, si on le pouvait, quelque relique du bien-aimé pontife, en coupant la frange ou peutêtre des morceaux de ses vêtements.

Quarante ans environ après sa mort, on eut des signes manifestes de la gloire dont il jouissait au ciel. Tandis que, près de sa sépulture, l'on ouvrait une tombe pour l'un de ses successeurs, une flamme se mit à voltiger au-dessus de ses restes. Emerveillés, les prêtres firent alors ouvrir son tombeau, et son corps fut retrouvé exempt de corruption, encore plein de majesté dans l'appareil de ses ornements épiscopaux, et exhalant un suave parfum.

Le prodige fut bientôt connu. Le nom d'Octavien volait de bouche en bouche, et déjà chacun le proclamait Bienheureux. La foule accourut pour voir son corps. Les vieillards qui l'avaient connu pleuraient de joie et répétaient avec émotion à leurs enfants a Nous vous avions bien dit qu'Octavien était un Saint 1 a

Plus tard, les évêques Antoine de Saluces, vers 1202, et Jean-Baptiste Centurions, en 1586, procédèrent à la reconnaissance solennelle des restes dee leur vénéré prédécesseur : chaque fois le corps fut trouvé merveilleusement intact. De l'ancienne cathédrale, où il

-vait été d'abord déposé, il fut ensuite transféré dans la nouvelle.feouis huit siècles, la ville de Savons a éprouvé. à maintes remrises. l'effet de la sauvegarde

céleste de son saint pasteur. En 1657, notamment, sous l'épiscopat de François-Marie Spinola, de l'Ordre des Théatins, la peste causait d'affreux ravages dans la cité. Rien ne pouvait en arrêter les progrès, et le mal avait déjà fait r 20o victimes.

Devant cette impuissance des secours humains, la population tourne ses regards vers le ciel et recourt à l'intercession du Iienheureux Octavien. On décide de porter processionnellement ses reliques à travers les rues de la ville désolée.

Aussitôt l'espérance renaît dans les coeurs ; tous les habitants se préparent à cette manifestation

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de foi ; les sénateurs ou anciens de la commune publient deux édits pour régler la marche du cortège.

Le 2 juillet, l'évêque, escorté de toutes les associations de laïcs, fies autorités civiles et du clergé, s'avance solennellement à la suite

48 6 AOUTdes reliques, au chant des litanies des Saints, pendant que les habitants, agenouillés sur le seuil de

leurs demeures, unissent leurs ferventes supplications à celles de l'Eglise.Les écrivains contemporains rapportent que cette confiance ne fui point trompée : le fléau cessa

presque subitement ; la ville sortit de l'espèce de tombeau dans lequel elle semblait ensevelie, et le peuple accourut dans les églises pour y entonner l'hymne d'actions de grâces.

En 1854, tandis que le choléra décimait la province de Piémont, le peuple de Savone invoqua, selon sa coutume, son céleste protecteur et fut presque entièrement préservé. A peines quelques per-sonnes eurent-elles ressenti les premières atteintes (lu mal, que l'on se porta en foule à la cathédrale, dans la chapelle de la Nativité, où reposaient les reliques d'Octavien. La contagion se dissipa promptement, et, deux mois après, la population, saine et sauve, célébrait une grande fête d'actions de grâces pour remercier le Bienheureux de sa protection.

Culte et béatification.Inauguré, comme on l'a vu, presque au lendemain de la mort d'Octavien, et marqué de bien

d'autres faveurs signalées, son culte s'est maintenu sans interruption jusqu'à nos jours. Les étrangers viennent visiter pieusement ses restes dans la chapelle qui lui est consacrée en l'église cathédrale. Les évêques de la cité aiment à s'agenouiller sur la tombe de celui qui est leur modèle et protec teur, et beaucoup d'entre eux se sont fait un devoir de reconnaissance d'enregistrer les grâces merveilleuses obtenues par son intercession. Les archives de Savone conservent, avec une respectueuse vénération, ces nombreux actes authentiques.

En 1789m, l'évêque, qui était Mgr Dominique Gentile, et le clergé de la ville présentaient au Souverain Pontife ces précieux documents, pour qu'il daignât reconnaître canoniquement le culte du bienheureux Octavien.

Pie VI accorda cette faveur moins d'un an après, et il concédait, en même temps, en l'honneur du saint évêque, une messe et un office propres pour tout le diocèse de Savone.

MAnnE-AUGUSTE LECLEnQ.Sources consultées. - Don Quemnoz.o, l'ils (tel bealo Otlaviano (saveur, 1855). - Les

PnorESSruns nu col.,.èae SA,9Y.FnANçoIs-XAVUrn DE BESANÇON, Vie des Saints de Franche-Comtd (Ilesançon). - Abbé JAunEr, Saint Odilon, Abbé de Cluny, et son temps (Lyon, ,898). - (V. S. B. P., n' r o66.)

....................................PAROLES DES SAINTSLa simplicité.Lorsqu'une fume est ingrate et corrompue, possédée de la passion de l'envie, il n'y a point de

miracle qui puisse la guérir ; lorsqu'elle est simple, au contraire, et bien disposée, elle a peu besoin de miracles pour se rendre à Dieu.

(Commentaire sur saint Matthieu.) Saint JEAN CinaysoSTOME.∎SAINT VI CTRI CEEvêque de Rouen (IV°-V° siècle)

Fête le 7 août.F, nom de Viciricitis ou Victriee paraît provenir de leggio vietri.x, « légion victorieuse », surnom que portaient plusieurslégions romaines, entre autres la sixième et la vingtième. II est assez vraisemblable que Victriee

eut pour aïeul un soldat émérite, c'est-à-dire un ancien soldat, qui appartenait à l'une de ces légions. Au dire de son ami saint Paulin, il était né « au bout du monde » ; cette indication est assez vague, il est vrai, mais elle désigne à cette époque les provinces de Germanie-Seconde, ou de Seconde-Belgique, ou de Grande-Bretagne. Un de ses récents his toriens, M. l'abbé Vacandard, inclinerait à

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croire qu'il naquit non loin des rives de l'Escaut, et pas avant l'année, 33o, car il était notablement plus jeune que saint Martin, né lui-même en 316 ou 3x7.

La conversion du légionnaire.Les premières années de son enfance se passèrent dans les lieux, qui le virent naître. Si l'on

jugeait de son instruction par le talent littéraire qu'il déploya plus tard, il faudrait admettre que Victriee suivit dans sa jeunesse d'excellentes leçons, C'est possible, mais il est également probable qu'une fois sorti de l'armée le jeune homme tint à compléter sa formation littéraire, qui, chez un soldat, fils de soldat, laissait forcément à désirer.

A dix-sept ans il fut incorporé dans l'armée. C'était l'âge réglementaire auquel les vétérans devaient livrer leurs fils aux officiers de recrutement, sous peine de priver leur postérité du coin de terre qu'ils possédaient comme récompense de leurs services. En conséquence, Victrice

50 7 AOUTprêta le serment qui l'engageait à passer au moins vingt années sous les armes... Dès lors

commença pour lui une vie toute d'activité physique, qui développa singulièrement ses forces corporelles. Elle donna à ses membres une trempe d'acier qu'ils conservèrent jusqu'à un âge très avancé. Vers la fin de son épiscopat, il faisait encore montre d'une vigueur et d'une endurance extraordinaires, en manoeuvrant les énormes pierres qui devaient entrer dans la construction des murs de sa cathédrale.

Le jeune soldat était né dans le paganisme, et jusqu'à ce moment il ne semble pas avoir porté un intérêt bien vif aux choses de la religion chrétienne. Le contact de quelques-uns de ses camarades qui professaient la doctrine et la morale de l'Evangile le détermina à prendre rang, lui aussi, parmi les catéchumènes. Il le fit aussitôt et comme on pouvait l'attendre de sa nature généreuse, avec une droiture et une franchise qui devaient lui attirer bien des désagréments.

Refus de service militaire.

Comme Martin, le futur évêque de 'fours, le soldat Victricc, une fois qu'il eut adhéré au christianisme, chercha à obtenir son licenciement. Le métier des armes lui parut incompatible avec une religion faite de charité et qui prohibe avant tout l'effusion du sang. C'était là faire montre d'une exagération excusable chez un néophyte et que n'auraient pas manqué de combattre les gens d'Eglise si Victrice leur eût demandé conseil. Il n'en fit rien, et il donna même à sa démarche le plus d'éclat possible.

Un jour que se tenait un grand conseil militaire et que, les soldats étaient sous les armes, tout à coup Victrice, éblouissant dans sot) armure, sort des rangs et se dirige vers le tribun qui com-mandait sa légion. Tous les yeux sont fixés sur lui : « Voici mes armes, dit Victrice à son chef, je veux désormais me mettre au service du Christ ; je quitte ces armes de sangg pour revêtir des armes de paix ; déliez-moi des serments qui m'attachaient à la milice de César. » Le tribun fut quelque peu surpris de cette démarche dans laquelle il ne voulut voir qu'un acte d'insubordination. En effet, pas plus chez les Romains que dans les armées modernes, il n'était permis à un soldat de sortir de l'armée avant le délai fixé, à moins d'y être forcé par la maladie ou d'être chassé pour cause d'infamie, et, bien entendu, un soldat sur les rangs n'était pas autorisé à manquer gravement à la discipline.

Aussi le tribun, furieux, fit-il saisir Victrice ; après quoi, il ordonna de le battre à coups de verges

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devant toute l'armée. Comme on n'en put rien obtenir, le réfractaire fut jeté tout meurtri dans la prison militaire, qui avait pour pavés des têts de pots cassés, dont la pointe ne pouvait qu'aviver ses plaies et sa douleur. Mais. suivant la remarque de saint Paulin de Nole, à qui nous devons ce récit, a le Christ qui le soutenait lui donnait à la fois son sein pour lit ett son bras pour oreiller n. Toutes les mesures de violence prise contre Victrice échouèrent de même.

SAINT VICTRICC 51 Dieu délivre son soldat.Le tribun, qui ne pouvait infliger la peine de mort, l'envoya devant le tribunal du comte, c'est-à-

dire de l'officier placé juste au-dessus de lui dans la hiérarchie militaire. Celui-ci essaya, mais inutilement, de faire revenir le soldat sur sa décision de quitter l'armée, et comme Victricc persistait à lui demander son congé définitif, ill assimila son cas à une désertion ; dès lors, la mort seule pouvait laver ce forfait. Une escorte conduisit aussitôt le condamné au supplice. En route, le bourreau passa par moquerie la main sur le cou de Victricc à l'endroit qu'il allait frapper du glaive ; cet outrage ne resta pas sans châtiment, car, à l'instant même, cet homme devint aveugle.

Un autre miracle suivit de près celui-là. Le geôlier avait tellement serré les chaînes du prisonnier qu'elles entraient dans ses chairs. Victrice pria les soldats qui le conduisaient de les desserrer un peu. Ils s'y refusèrent. Alors, le chrétien se mit à invoquer àà haute voix le secours de Jésus-Christ, et aussitôt les chaînes tombèrent d'elles-mêmes. « Les bourreaux, remarque saint Pantin, n'osèrent renouer ce que Dieu avait dénoué; ils retournèrent tout émus auprès du comte et lui firent un récit de ce qu'ils venaient de voir. n L'officier écouta religieusement ce que rapportaient less soldats, et il ajouta foi à leur parole ; puis, dans un rapport détaillé qu'il adressa à l'empereurs - Julien l'Apostat, selon toute vraisemblance, - il demanda la liberté pour Victrice et pour ses compagnons qui, témoins de tant de prodiges, étaient, eux aussi, devenus chétiens. Ils obtinrent tous leur licenciement, et le comte a congédia comme des Saints, cri les comblant d'éloges, ceux qu'il avait d'abord condamnés et châtiés comme des coupables, et il rendit témoignage à la vérité, lui qui voulait punir les témoins de la foi ».

Tel est le témoignage de saint Paulin de Note, dans une lettre adressée an héros même de ce prodige, vers l'année 398, et où il lui rappelle cet épisode mémorable de sa jeunesse. Si l'évêque Victrice, le destinataire de la lettre de Paulin, n'a pas élevé de protestation contre ce récit, nous devons en conclure qu'il l'estimait conforme à la vérité..

Les années obscures. - L'épiscopat.Le soldat de Jésus-Christ n'avait pas perdu sa couronne, mais son divin Maître lui réservait

d'autres combats et d'autres victoires pour augmenter sa récompense. Victrice ne rentra pas au milieu du inonde, mais, avec la même générosité dont il avait fait preuve en acceptant la mort, il s'immola tous les jours pour Dieu, en se consacrant uniquement à son service. On pense qu'il alla se former à la perfection chrétienne, puis à l'élude, dans une des écoles de rhétorique des Gaules, qui jouissaient alors d'une grande célébrité.

De tous les livres qu'il étudia durant ses années de retraite, le premier à coup sàr, son livre de chevet, fut la Bible. Et autant qu'on en peut juger par les citations qu'il en fit plus tard, le Nouveau Testament lui

52 7 AOUTSAINT vIeTamE53devint surtout familier. Ce qu'il cherchait dans la Bible, c'était avant tout un aliment pour sa

piété. Il se préoccupait beaucoup moins d'enrichir son intelligence que de sanctifier sa volonté.Cet ancien soldat, ce disciple des rhéteurs, ce philosophe dédaigneux de la dialectique, avait. une

âme d'apôtre. Son zèle trouva-t-il l'occasion de s'exercer sous l'habit laïque ou sous le manteau (lu moine P Par quelles ouvres extraordinaires attira-t-il sur lui l'attention publique P Nous l'ignorons. Nous savons seulement qu'aux environs de 38o, les Rouennais, frappés de l'éclat de ses vertus, le choisirent pour évêque. Dès lors s'ouvrit pour lui une carrière où il put dépenser sans compter tous les trésors de science et de piété qu'il avait amassés durant ses années de retraite.

L'Eglise de Rouen au temps de saint Victrice.

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Rouen était alors la capitale de la province dite Seconde-Lyonnaise. Avec ses remparts et sa forte garnison, elle offrait presque l'aspect d'un camp retranché. Depuis près d'un siècle, la religion du Christ. y avait fait des progrès considérables ; grâce au zèle des

six évêques connus qui précédèrent Victrice sur le siège (le cette ville, il semble bien que, vers 38o, la grande majorité de la population était chrétienne. Une lettre de saint Paulin de Note, écrite peu après l'arrivée de Victrice à Rouen, nous en donne cet excellent témoignage.

Auparavant, (lit Paulin, la ville do Rouen était assez peu connue dans le monde chrétien, mais sous Victrice elle est devenue une nouvelle Jérusalem, et son nom est célèbre parmi les plus illustres Eglises. Les apôtres semblent avoir choisi cette ville, où ils étaient autrefois étrangers, pour y faire reposer leur esprit, et, en y allumant clans les cours des fidèles ),ce flammes (lu divin amour, ils font éclater les merveilleux effets de la puissance du Seigneur. On y voit un grand nombre d'églises, où l'on chante les psaumes sacrés avec un concert mélodieux, et des monastères nombreux dont les habitants, par la perfection des conseils évangéliques, élèvent chaque jour de nouveaux trophées à la religion. On y trouve de toutes parts des vierges qui, par leur potelé, font de leur corps et de leur coeur un sanctuaire digne (le Jésus-Christ ; (les veuves qui ne cessent, nuit et jour, de s'appliquer au service de Dieu et à l'exercice des rouvres de charité ; des personnes qui gardent la continence même dans les liens du mariage et qui, par la ferveur et la continuité de leurs prières, donnent au monde le plus édifiant spectacle.

Relations d'amitié avec saint Martin et saint Paulin.C'est en 386, à Vienne, en Dauphiné, que Victrice rencontra saint Martin, l'illustre évêque de

Tours, Paulin, encore catéchumène, s'y trouvait aussi de passage ; il fit la connaissance de Victrice et conserva pour lui une grande admiration presque égale à celle qu'il éprouvait pour l'évêque de Tours, et là s'ébaucha une amitié qui devait être vraiment fraternelle. Nous avons encore quelques-unes des lettres, pleines de respect et d'affection, que Paulin adressait plus tard de Nole au prélat de l'Eglise de Rouen : a Hélas 1 ajoutait-il, je n'ai vu en vous que l'évêque qui était devant nos yeux, et je n'ai pas su voir ce qui était bien plus illustre, le

martyr vivant n, faisant allusion à la manière dont Victrice avait quitté l'armée.Vers l'an 3g5, Victrice et Martin se retrouvaient à Chartres, auxSaint Victrice, conduit au supplice, est raillé par ses compagnons d'armes.côtés de l'évêque Valentin. A ce propos, le biographe de saint Martin, l'historien Sulpice Sévère,

raconte, d'après un témoin oculaire, le prêtre Evagre, un trait qui met en relief non seulement le pouvoir miraculeux de l'évêque de Tours, mais aussi l'humilité des Saints. Un habitant de la ville amène à l'évêque de Tours sa fille, muette de naissance, dont il sollicite la guérison. Martin,

54 7 AouxSAINT vrcrnmE55aussi humble que grand, prie ce père désolé de s'adresser à ses deux compagnons, Vietrice et

Valentin, l'évêque de Chartres, qui seuls peuvent obtenir de Dieu une pareille faveur. Mais ceux-ci se joignent au père affligé et supplient Martin de faire ce qu'on attend de lui. Alors, le pieux évêque cède aux instances de ses collègues, il fait écarter la foule, et, n'ayant pour témoins que ses collègues et le père de la jeune fille, il se prosterne selon sa coutume pour prier, puis il bénit, avec la formule de l'exorcisme, un peu d'huile qu'il introduit aussitôt dans la bouche de l'infirme en lui tenant la langue. L'effet du remède ne se fit pas attendre. a Comment s'appelle ton père, ? a dit le Saint. Et la jeune fille prononce sur-lechamp le nom demandé : elle était guérie.

Saint Victrice, l'évêque missionnaire.Saint Paulin nous parle du fructueux apostolat qu'exerça Victrice dans la Gaule Belgique,

notamment chez les Morins et les Nerviens, peuples encore païens qui attendaient toujours la prédication de l'Évangile. Les Morins occupaient alors ce qui fut depuis le Boutonnais, la Morinie,

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l'Artois flamingant et la Flandre occidentale ; quant aux Nerviens, leur territoire comprenait Bavay (Bagacam), Tournai (Tornacn.m), le Hainaut et le Brabant. C'est dans cette vaste région, où se trouvaient déjà les villes de Thérouanne, Boulogne, Cassel, Cambrai, Waudrez, etc., que l'évêque de Rouen et ses prêtres portèrent avec succès la parole de Dieu. Dans chaque ville ou bourg (viens), Victrice laissa comme marque (le son passage une église et des fidèles. S'il faut en croire saint Paulin, on vit surgir, non seulement dans les villes, mais encore dans les îles et dans les forêts qui émergeaient (le ces marais, de véritables monastères, où plusieurs clercs vivaient en communauté et se dévouaient au service des paroisses. Ainsi, ajoute l'évêque de Nole, a au lieu des barbares du dehors et des bandits du dedans, c'étaient maintenant des choeurs vénérables et angéliques de Saints qui envahissaient tout le territoire des Morins ett des Nerviens a.

Victrice déployaa le mime zèle pour la création d'églises et de paroisses rurales, alors peu ou pas cornues, dans son vaste die, cèse de Rouen. Il serait bien difficile d'en établir la nomenclature exacte, mais il est à présumer que les localités situées aux carrefours ou sur les bords des voies romaines bénéficièrent tout d'abord de cette faveur. Dans le nombre, citons Pontoise, Mantes (Petromanum), Badepont, Brionne, Lillebonne, Harfeur et d'autres encore, dont les noms sont inscrits dans les a itinéraires n de cette époque.

Des difficultés s'étant élevées parmi les évêques de la GrandeBretagne, sur leur demande, Victrice traversa la Manche afin de rétablir l'harmonie et la paix. Il s'est rendu lui-même cette jus-tice, que si, au cours de nette mission,, il n'a pas fait tout ce ce qu'il a dû, il a du moins fait tout ce qu'il a pu, puis il ajoute

J'ai inspiré aux sages l'amour de la paix, je l'ai donnée aux dociles, je l'ai inculquée aux minorants, je l'ai fait pénétrer de force chez les récalcitrant, en insistant e avec opportunité et importunité n, selon le conseil de l'Apôtre ; bref, je suis entré dans leurs âmes par la doctrine et l'insinuation. Lorsque la fragilité humaine m'a trahi, j'ai appelé à mon secours l'esprit des Saints. J'ai fait ce que font, dans l'extrême violence (le la tempête, ceux qui naviguent ; ils ne se fient pas à l'habileté du pilote, mais ils implorent la miséricorde de la souveraine Majesté. Abattre les flots et modérer les vents, Jésus qui est en nous peut 1, faire, ]'art humain ne le saurait. Désormais donc, je n'ai plus à m'occuper de ceux qui sont tombés tout à fait en rompant le lien (le la discipline.

Envoi de reliques et culte des Saints.La nouvelle cathédrale de Bouen était. encore en voie de construction, lorsque Vietrice eut la

grande joie de l'enrichir de reliques apportées d'Italie. Ces restes sacrés n'étaient pas les membres des martyrs. L'usage, ne s'était pas encore établi de mutiler les corps des Saints pour se les partager ; on se donnait et l'on recevait avec une joie dont nous avons peine aujourd'hui à nous faire une idée, lui peuu de poudre de leur tombeau, un peu de poussière imprégnée de leur sang, ou bien un morceau de iinge qui avait enveloppé les membres des martyrs. Le trésor venu d'Italie, de Milan et de Brescia, semble-t-il, fut déposé religieusement dans l'église encore inachevée ; il contenait des souvenirs, des a reliques » au sens que nous venons de dire, de saint Jean-Baptiste, des apôtres André et Thomas, de l'évangéliste saint Luc, des saints Gervais et Protais, martyrs de Milan, de sainte Agricole de Bologne, de sainte Euphémie, la martyre de Chalcédoine.

Vers 3g6, au retour de sa mission en Angleterre, Victrice reçut un nouveau trésor de reliques, envoyé par saint Ambroise et quelques-uns de ses collègues d'Italie. Les martyrs dont l'évêque de Rouen mont des souvenirs avec des transports d'allégresse étaient Procule de Bologne, Antonin de plaisance, Saturnin et Trajan de Macédoine, Nazaire de Milan,. Alexandre et Chindeus de Pcrgé en Pamphylie, Mocius de Constantinople, Datysus ou mieux Dasius de Silistrie en Mésie, Anastasie de Sirmium, Anatolie de Sabine près de Borne, et deux autres vierges martyres, Rogate et Léonide, dont on n'a pu retrouver le pays d'origine. Pour Victrice, la vertu des reliques, émanation de la puissance de Dieu, était tout entière dans la moindre parcelle aussi bien que dans le corps entier. Il organisa des fêtes magnifiques et prononça à cette occasion un grand discours, qui, retouché plus tard par lui-même, devint le De lande Sanctorum, un vrai traité théologique sur le culte rendu par l'Eglise catholique aux martyrs et aux Saints.

Voyage à Rome. - Mort de saint Victrice.Au cours de l'année 4o3, selon toute vraisemblance, Victrice eut l'occasion de se rendre à Rome

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pour rendre témoignage au1567 AOUTPape Innocent I°r de sa foi et de sa doctrine, que des personnes malveillantes avaient attaquées

auprès du Souverain Pontife. Il n'eut aucune peine à se disculper, et il réussit en même temps à régler avec l'empereur Ilonorius, qui se trouvait alors à Rome, certaines difficultés qui s'étaient élevées entre l'Eglise et le pouvoir civil. Vici.riee aurait bien voulu aussi poursuivre jusqu'à Note, près de son ami saint Paulin, mais une cause inconnue de nous l'obligea à revenir précipitamment à Bouen. Par la force des choses, il avait laissé sans solution des affaires importantes, que le Pape Innocent for trancha dans sa célèbre décrétale du r5 février 4o4, adressée à Viotrice et que celui-ci devait transmettre aux autres évêques des Gaules. On y voit des règlements très sages concernant les moines et les religieuses ; le Chef de l'Eglise y maintient avec une grande fermeté le célibat des prêtres, ainsi que l'exige l'ancienne tradition apostolique.

Viotrice mourut peu après. Une lettre de saint Paulin donne à entendre qu'en 4oq il n'était plus de ce monde. Il fut sans doute enterré avec ses prédécesseurs dans le cimetière dit de Saint-Gervais. Après la prise de Rouen par les pirates normands, le 12, mai 841, le corps fut transporté à Braine, dans l'église du prieuré de Saint-Remi, l'un des principaux domaines de l'Eglise de Rouen, à quatre lieues de Soissons. Une partie en fut détachée au xn° siècle par Agnès, femme de Robert de Dreux, qui en fit don à l'église paroissiale de Saint-Nicolas, à Braine, au diocèse de Soissons. Ces dernières reliques sont encore conservées alors que les autres ont disparu en 1561, brûlées par des iconoclastes.

Les 16 et 17 octobre 1865, le cardinal de Bonnechose, archevêque de Rouen, présida, à Braine, des fêtes magnifiques pour procéder à la déposition de ces reliques dans une très belle châsse en cuivre doré, ornée d'émaux et de pierres fines, don de l'Eglise de Bouen. En retour, l'église de Draine céda au diocèse de Rouen - un os iliaque de saint Victricee et un fragment du corps de saint Evode, dont la translation solennelle dans la cathédrale de Rouen eut lieu le 13 avril 1874.

Fnxnpois DE1.MAS.

Sources consultées. - Acla Sanctorum, t. Il d'août (Paris et Rome, 1867). - E. Vnann'usno, Saint Victrice, évêque de Rouen (Paris, igo3). - (V. S. li. P., r 51,6.)

PAROLES DES SAINTS La compassion de Marie.La mort de Jésus a été l'oeuvre du plus grand amour qui fùt jamais, et la compassion de Marin

l'ceuvre d'un amour auquel, après celui-là, il n'yen eut jamais de semblable.Saint Brtnnnnu.(Sermon sur Les douze étoiles, r5.)

SA] NT SÉVÈREApôtre de Vienne, en Dauphiné (Vo siècle).bête le 8 août.L 'ncsTOmE de saint Sévère ou Sever présente dès le premier moment une particularité qui pose

une question assez curieuse. il s'agit de. l'origine même de ce missionnaire des Gaules. En effet, plusieurs martyrologes anciens le donnent comme né dans les Indes ; il serait vertu cri Occident, au prix de fatigues et de difficultés sans nombre, pour détruire l'idolâtrie et la superstition et prêcher le christianisme.

La propagation de l'Evangile en Extrême-Orient. -- Les e Indes o.Au témoignage d'Eusèbe et de saint Justin, l'Evangile fut annoncé par les apôtres dans les

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contrées les plus reculées de l'Orient. Plus tard, au m° siècle, les Indiens, que le commerce attirait à Alexandrie, prièrent saint Pantène de passer dans leur pays pour opposer à la doctrine des brahmes celle de Jésus-Christ. Le Saint se rendit à leurs instances et vint raviver dans ces régions lointaines la foi chrétienne que saint Barthélemy et saint Thomas leur avaient apportée sitôt après la mort du Sauveur. Aussi n'est-il pas tout à fait invraisemblable qu'on ait vu sortir de ces pays éloignés un apôtre de la Gaule, et en particulier de la région viennoise, laquelle en a conservé le nom avec le souvenir de ses vertus. Il serait difficile, sans doute, de préciser de quelle partie de l'Inde Sévère est venu ; il convient, en effet, de se rappeler que ce terme géographique est extrêmement large ; sous le nom de a Grandes Indes v on a compris non seulement l'Inde proprement dite, mais encore les îles de l'océan Indien, Ceylan, les îles de la Sonde, les Philippines, le Japon et la Chine. Lors de

f'-1Ai -ci411.58 8 AODTla découverte de l'Amérique on. appellera de même tout le nouveau continent « Petites Indes ' ou

a Indes occidentales n ; la seconde de ces deux dénominations devintt même le titre d'un patriarcat créé vers 1520, titre aujourd'hui purement honorifique, attachéé présentement à l'archevêch 3 de Tolède.

Saint Sévère quitte sa patrie.D'après les légendaires de l'Eglise de Vienne, Sévère appartenait par sa naissance à l'une des plus

illustres familles de l'Inde. Il possédait des biens immenses, mais il était riche surtout de la foi du Christ et des vertus engendrées par elle. Encore enfant, il perdit son père et sa mère, et dès qu'il fut en âge de comprendre le prix du. sacrifice accompli pour l'amour de Jésus-Christ, il distribua aux pauvres l'héritage de ses parents. Une conduite irréprochable le fit élever au sacerdoce. Alors, saisi d'un zèle vraiment apostolique, comme Abraham, il s'arrache du pays de sa parenté, et, après avoir franchi l'immensité des terres et des mers, il parvient aux environs de Vienne, une des plus grandes cités des Gaules à cette époque. Il s'arrête d'abord à peu de distance de cette ville, et se repose pendant quelque temps, avant d'y entrer, dans un lieu qui, aujourd'hui encore, est appelé Vaugris ; ce devait être vers l'an 43o et sous l'épiscopat de saint Simplice.

Saint Sévère convertit les idolâtres et détruit un arbre consacréaux démons.

Malgré les efforts des évêques, l'idolâtrie n'avait pu être entièrenlent anche dans les Gaules ; Sévère entreprit d'évangéliser ce village dont les habitants étaient encore, pour la plupart, attachéss aux pratiques du paganisme.

On sait que la persistance de l'idolâtrie dans les campagnes avait fait appeler les adorateurs des fausses divinités païens, du mot latin, pagani, c'est-à-dire habitants des villages. Vers cette même époque, en 439, Théodose le Jeune était obligé de promulguer un édit pour interdire les sacrifices aux idoles. Les paysans furent, en effet, les derniers à s'opiniâtrer dans les superstitions païennes. Deux siècles plus tard, sous le roi Dagobert, saint Amand convertissait des idolâtres dans le nord de la France. Le culte des arbres dura même jusqu'au Nue siècle ; on peut en juger par les Canons des Conciles qui condamnent cette superstition.

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En ce lieu de Vaugris, au milieu d'un bois où s'accomplissaient de honteux mystères, s'élevait un arbre consacré aux démons et qui était l'objet d'un culte idolâtrique. A la suite de ses prédications, Sévère prend un ascendant immense sur ce peuple, et il obtient la destruction de l'arbre superstitieux. Dans ses racines, ill découvre de l'argent qui lui sert à construire une église en l'honneur du martyr saint Alban. Cette église, appelée Saint-Alban de Navou, devint une des paroisses de Vienne ; ruinée depuis, elle fut transférée dans la ville en l'oratoire de Saint-George. Une petite

chapelle plus rapprochée, et où l'on allait pour les Rogations, en a conservé le nom et le souvenir. Près de là est une fontaine, dédiée à saint Alban, où les malades venaient demander la guérison de leurs infirmités.

Cette église une fois consacrée, et les païens du lieu ayant reçu le baptême, Sévère continua sa route et arriva dans la ville de Vienne.

Destruction miraculeuse du temple des Cent-Dieux.Parvenu dans la cité, Sévère en parcourt les divers quartiers. Après avoir traversé un pont, il

trouve, au-delà de la rivière de Gère, sur une éminence qui domine la ville, un temple antique dédié à une multitude d'idoles sous le titre de temple des CentDieux. Le missionnaire, à cette vue, se met en prière, et Dieu, qui voulait ouvrir les voies à son apostolat par l'éclat des prodiges, détruisit à l'instant le temple et les idoles.

Frappée de ce miracle, la multitude des païens n'hésita pas à écouter les enseignements du thaumaturge ; elle céda à la véhémence de son zèle et embrassa enfin la religion du Christ, que jusque-là elle n'avait pas eu le courage d'accepter.

Aidé par les nouveaux convertis, Sévère se mit à construire une basilique en l'honneur du premier martyr, saint Etienne, à l'endroit même où s'élevait auparavant le temple de la superstition, et fit de ce lieu un véritable lieu de prière. Cette fois encore, pendant que les ouvriers creusaient la terre pour asseoir les fondations de l'église, ils découvrirent au fond de la tranchée un vase d'argent plein de pièces d'or du meilleur aloi. Ce trésor, si providentiellement découvert., vint apporter un secours inespéré aux pieux travailleurs. C'était, en effet, la coutume des peuples anciens d'enfouir, aux pieds de leurs divinités, une partie des richesses qui étaient le fruit de leurs victoires sur leurs ennemis. Le vase d'argent trouvé en cette circonstance était encore conservé jusqu'au xvi' siècle parmi ceux qui servaient aux cérémonies du culte dans l'église cathédrale de Vienne ; il fut emporté par les calvinistes en x562.

Saint Germain d'Auxerre promet de consacrer l'église Saint-Etienne.Comment il tint parole.

Pendant qu'on travaillait à la construction de la basilique de Saint-Etienne, saint Germain, évêque d'Auxerre, passait par Vienne, se rendant en Italie, auprès de l'empereur Valentinien. Et, dit-on, comme il approchait du lieu où l'église se bâtissait près les portes de la ville, il rencontra inopinément Sévère. Les deux serviteurs de Dieu se saluèrent aussitôt de leurs propres noms comme s'ils se fussent toujours connus, ainsi qu'il arriva plus tard entre saint Dominique et saint François d'Assise. Après avoir ensemble béni le Seigneur de cette heureuse rencontre, saint Germain félicita Sévère de l'oeuvre qu'il avait entreprise et lui dit

UN SAINT POUR CRAQUE JOUR DU MOIS, 2' SÉRIE (AOUT)SAINT SÎ%VÉIE DE VIENNE59

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Go 8 AOtiT- Je vous demande, ô mon frère, de vouloir bien attendre le retour de notre Humilité (il employait

cette formule par modestie), pour ouvrir ce temple au culte et le dédier à Dieu selon vos désirs ; de la sorte, après en avoir admiré la structure, nous mettrons le comble à notre joie en la consacrant nous-même.

Sévère s'empressa d'adhérer à cette proposition bienveillante ; après quoi l'évêque et le prêtre se séparèrent, et saint Germain reprit sa route vers l'Italie.

Sévère hâla autant qu'il put la construction commencée, et lorsqu'elle eut été achevée, voulant attendre le retour de saint Germain, il en différait la dédicace. Mais le peuple était impatient de ce retard ; vaincu par la pieuse insistance des fidèles, Sévère s'adresse à l'évêque de Vienne, et convient avec lui du jour de la consécration de la nouvelle basilique. Au jour fixé, on prépare ce qui est nécessaire pour cette cérémonie, mais, en dépit de tentatives répétées, les douze cierges qui

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doivent brûler pendant la dédicace ne peuvent être allumés. On s'étonne et l'on remet à une autre date la consécration de l'église.

Ce nouveau jour arrivé, un peuple immense était accouru pour assister à cette solennité; déjà le pontife s'apprêtait avec ses clercs à verser l'eau sainte sur les murs de l'édifice, lorsque tout à coup se répandit une nouvelle impressionnante : saint Germain, disait-on, est mort à Ravenne, mais les compagnons de son voyage rapportent son corps à Auxerre ; ils viennent d'arriver aux portes de la ville de Vienne, et demandent à déposer pendant quelque temps dans l'église Saint-Etienne le précieux fardeau dont ils sont chargés.

Ce n'était que la vérité. On reçut avec honneur les saintes dépouilles de l'évêque défunt ; son pieux cortège se mêla aux assistants ; la cérémonie de la dédicace put suivre son cours ; et, au chant joyeux des psaumes, les reliques de saint Etienne furent déposées dans l'autel.

C'est ainsi que, tout autrement qu'on ne l'avait pensé, saint Germain, mort à Ravenne le 31 juillet 418, tint parole à son ami, et fut présent à la consécration de l'église, digne monument du fécond apostolat de Sévère. En l'absence de documents historiques précis, disons seulement que ce récit nous est connu par les traditions de l'Eglise de Vienne et qu'il figure au Martyrologe d'Auxerre où les reliques de saint Germain arrivèrent le zz septembre.

Pouvoir de saint Sévère sur les démons.Un soir que Sévère revenait de l'église de Saint-Alban à Vienne, il lui arriva de trouver étendu

sur la route un homme à moitié mort ; le missionnaire vient à son aide, l'interroge et ne peut en tirer aucune parole. Eclairé d'en haut, il comprend qu'il a devant lui une victime non des hommes, mais du démon. Alors Sévère adresse à Dieu sa prière, se munit du signe de la croix et guérit sur-le-champ le malheureux de ses blessures. Dans son zèle contre

le démon, il se met à la poursuite de cet esprit de ténèbres et des légions qui l'accompagnent, et leur commande au nom de Jésus-Christ (le s'arrêter, l'es démons tremblants demandent grâce

Les terrassiers de saint Sévère trouvent un vase d'argent rempli de pièces d'oren creusant les fondations de l'église Saint-Etieune.

à Sévère ; sur son ordre, ils disparaissent, laissant désormais libre le chemin où ils faisaient de nombreuses victimes.

D'autres miracles furent encore accomplis par le serviteur de Dieu ; grâces spirituelles et grâces temporelles accordées à ceux qui les demandaient avec une foi ardente.

SAINT sTVPRE DE VIENNE6fSAINT sévLms Dr vrn~xr> 63Dernière fondation et sainte mort.Illustre fille de la cité impériale, Vienne, assise aussi au pied de sept collines, avait comme Rome

son mont Quirinal. C'est là, sur cette éminence qui commande la ville, que Sévère fonda une troisième église, fruit de son zèle infatigable, et qu'il dédia à saint Laurent, diacre et martyr. A côté de cette basilique, était une a recluserie v ou retraite du reclus pour ainsi dire officiel de la ville de Vienne ; cet étroit espace fut habité successivement par deux saints Abbés, grands fondateurs de maisons religieuses, saint Léonien au ve siècle et saint Chef ou Theudère au siècle suivant.

Lorsqu'il eut accompli ces divers travaux, Sévère, constamment attentif à dompter son corps par l'abstinence et par le jeûne, et à fortifier son âme dans la prière contre les traits du démon, se mit à parcourir assidûment chacun des lieux qu'il avait évangélisés, et il allait tour à tour offrir à Dieu le saint sacrifice dans les églises qu'il avait bâties sur les hauteurs et dans les plaines. Ce fut au milieu de ces oeuvres de zèle et de piété que, plein de jours et dee mérites, il s'endormit dans le Seigneur, le 8 août, vers le milieu du ve siècle.

Saint Sévère fut, inhumé dans la basilique de Saint-Etienne. Sur sa tombe on lisait une inscription latine, en vers, et dont voici la traduction :

Dans ce tombeau repose Sévère, dont l'industrieuse piété éleva jadis ce temple de fond en comble. Il consacra non seulement cette église, mais d'autres encore en grand nombre, poussé par

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l'amour du Christ. Assisté du secours divin, partout où il posa sa main, il trouva pour cela l'or et l'argent. Mais à quoi bon en dire davantage il Que louée soit la grâce du Christ qui partout se manifeste en faveur des bons, comble de dons cachés les exilés et distribue aux étrangers les trésors jadis enfouis 1 Il mourut le 8 des ides d'août 43e.

La date que l'on vient de lire ne peut se concilier avec celle de la mort de saint Germain d'Auxerre (448) ; de toute manière elle est manifestement erronée.

Saint Sévère délivre les prisonniers et console saint Didieravant le martyre.

Auu siècle suivant, la reine d'Austrasie, la célèbre Brunehaut, avait exilé dans l'île de Lewis, en Ecosse, le saint archevêque de Vienne, Didier, coupable au yeux de cette princesse d'avoir essayé de mettre un terme aux débordements de son petit-fils le jeune roi Thierry II ou Théodoric. Dans cette épreuve Dieu justifia son serviteur par le don des miracles.

Le bruit de ces prodiges s'étant répandu dans les: Gaules, Brunehaut en parut touchée, et, après quatre ans d'exil, elle permit à Didier de retourner à son Église.

- Il y revint au milieu des rangs des fidèles accourus au-devant de lui ; mais de nouveaux chagrins l'y attendaient. Le magistrat

de Vienne, obéissant selon toute vraisemblance aux ordres ou aux conseils de la reine, molesta le saint évêque, et fil emprisonner douze de ses serviteurs ou des clercs de son Eglise. Didier, pénétré de douleur, répandit ses larmes devant Dieu; et, pendant sa prière, Sévère apparutt aux prisonniers et les délivra du cachot où ils gémissaient ; ceux-ci vinrent au tombeau de saint Sévère et y déposèrent leurs chaînes en témoignage de reconnaissance,

L'éclat de ce miracle inspira au roi Théodoric le désir salutaire de se conformer, autant toutefois que sa nature et le milieu dans lequel il vivait semblaient le lui permettre, aux instructions d'un. évêque d'une si grande sainteté et de lui demander pour sa conduite de nouveaux avis.

Mais la vengeance de Brunehaut n'était point satisfaite ; et, dès que saint Didier eut quitté la cour pour retourner à Vienne, elle ordonna à trois comtes de le suivre et de le mettre à mort, Poursuivi par ses ennemis, Didier se réfugia dans la maison d'un Juif' charitable, nommé Ozanam.

La veille de sa mort,, saint Sévère lui apparut pour le consoler et lui annoncer que le martyre allait couronner sa carrière, Et en effett l'archevêque fut massacré, le 23 ' niai, en 6o6, 6o7 ou 6o8, en unn lieu appelé Prisciniacwn et qui depuis lors a reçu le nom de Saint -Didier-sur-Chalaronne. La bénédiction (le Dieu se répandit sur la maison. du Juif qui- avait reçu le saint martyr ; il se fit chrétien ; l'illustre Frédéric Ozanam se faisait gloire de l'avoir pour ancêtre.

La collégiale de Saint-Sévère.L'église Saint-Etienne fut réédifiée après les ravages des Sarrasins et mise,, à. cette époque, sous

le vocable de saint Sévère. On. y voyait plusieurs inscriptions antiques,. païennes et chrétiennes.Deux archevêques. de Vienne qui vécurent au temps de Charlemagne', Ours (-1- ,96) ét Wolfère

(t 8ro) y étaient inhumés dans' des tombeaux de marbre. Dès' le vn° siècle, une eomnaunanté de clercs y était attachée au service des autels. Cette collégiale fut, durant un certain temps,, composée de soixante ecclésiastiques ; niais, en 1639, par suite de laa perte de ses biens, elle fut réduite à quatre chanoines, y compris le curé qui en était le chef sous le titre de recteur et d'archiprêtre de Saint-Vallier,

Cette paroisse était la première de la ville ; chaque soir, ài te heures,. la cloche de cette église,, appelée Charité, sonnait le couvre-feu et la prière pour less morts.

Le clergé de Saint-Maurice de Vienne allait plusieurs fois dans l'année faire station ;, Saint-Sévère, en particulier lo vendredi après Pâques,, et le jour de l'a fête de saint Etienne, premier martyr, titulaire primitif de cette église. Ce jour-là, on vénérait l'insigne relique de saint Elienne, et un sermon était adressé à la foule.

La procession de la Fête-Dieu, qui a pris naissance ou du moins a été sanctionnée dans la ville de Vienne au Concile général ou ccu'ménique rassemblé par le Pape Clément V cri r3ii-rira, était

648 AOUTcélébrée d'une manière très solennelle par le clergé de cette collégiale. Entre l'église Saint-Sévère

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et celle de Notre-Dame des Jacobins, était dressé un théâtre où l'on exposait le Saint Sacrement et où il recevait les adorations des fidèles. Telle est l'origine de nos reposoirs modernes. Le premier reposoir fut, dit-on, un ormeau ; c'est ce que représentaient les armoiries de la ville de Vienne : a d'or, à l'ormeau arraché de sinople, chargé d'un calice d'or, supportant une hostie d'argent et une banderole d'argent voltigeant cri brochant sur le tronc de l'arbre avec ces trois mots : Vienne, civitas saneta (Vienne, la cité sainte) a. Vers la fin du xix° siècle ces armoiries ont fait place à d'autres d'un esprit plus laïque.

Les nouveaux archevêques de Vienne se rendaient d'abord à SaintSévère quand ils venaient prendre possession de leur siège. On voyait anciennement à la porte de cette église une table de marbre sur laquelle ils prêtaient serment de maintenir les privilèges et les libertés de la ville. De là on les conduisait processionnellement à la cathédrale où ils étaient installés.

L'église Saint-Sévère avait une espèce de monnaie - des méreaux - qui lui était propre pour payer les distributions à ses clercs après chaque office. Ces méreaux, en cuivre jaune, représentent saint Sévère vêtu d'une aube et d'une chasuble et tenant un démon enchaîné ; cinq besants sont posés à ses pieds et quatre étoiles au côté droit. On lit autour : S. Severus Vienne (Saint Sévère de Vienne) ; le revers porte une croix fleuronnée, cantonnée de quatre étoiles ; légende : Ejus libra Ecclesiae, 15x11.

Le démon enchaîné fait allusion non seulement aux malins esprits que saint Sévère avait repoussés, mais encore à l'idolâtrie qu'il avait abolie en détruisant le panthéon, le bois sacré et l'arbre superstitieux ; les cinq besants rappellent les trésors trouvés au pied de l'arbre et dans le temple des Cent-Dieux.

Vienne gardait encore au xviiie siècle des reliques de saint. Sévère ; à Saint-Ferréol, notamment, on offrait un de ses doigts à la vénération publique : les reliques ont été perdues pendant la Révolution.

L'église Saint-Sévère, vendue comme bien national à cette époque tourmentée, ne fut pas rendue air culte ; en 1836, ce qu'il en restait a été détruit par un incendie.

Autrefois, à Lyon et dans la province de Vienne, on célébrait la fête de saint Sévère. Une seule paroisse du diocèse de Grenoble, dont Vienne dépend aujourd'hui, a saint Sévère pour patron : c'est la paroisse de Chonas. Dans ce diocèse, saint Sévère est honoré le 8 août. C'est d'ailleurs à cette même date que le Martyrologe romain relate sa mort.

E\T\MANUEL VARNOUX.Sources consultées. - Acta Sanctorum, t. Il d'août (Paris et nome, ,S6y). - Avoa, Martyrologe et

Cluonique. - Le LiSvae, De la sainteté et de l'antiquité de la ville de Vienne (16x3). - Cnoareu, Antiquités (sG6g). - Fseunr, Histoire de

l'Eglise. - Romv, Recherches sur les précieuses reliques vénérées dans l'église de Tienne (1876). - (V. S. I3. P., n' roté,.)

SAINT JEAN=MARIE VIANNEYCuré d'Ars (1786-1859)Fêle le 9 août.E L monde entier connaît la physionomie séduisante par sonexpression toute céleste de cet humble prêtre, ange depatience, séraphin d'amour, émule de saint Jean-Baptiste par ses effrayantes et continuelles

austérités, modèle achevé des pasteurs d'âmes. Ars, ce monosyllabe de forme latine, s'est attaché à la mémoire de Jean-Marie Vianney, comme un titre de noblesse gagné sur un champ de bataille. Le a Curé d'Ars n : ces simples mots sont un signalement, un portrait, une leçon.

Les premières années. - Ce que peut une mère chrétienne.Le 8 mai 1786, naissait à Dardilly, gros village situé en face de la colline de Fourvière, à huit

kilomètres au nord-ouest de Lyon, un enfant qui reçut le même jour au baptême le nom de Jean-45

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Marie. Le père Mathieu Vianey - c'est l'orthographe de lépoque - était, comme sa femme, excellent chrétien. Consacré à la Sainte Vierge dès avant sa naissance, comme d'ailleurs ses cinq frères et soeurs, l'enfant apprit de bonne heure de sa mère, vrai modèle de foi éclairée et de piété éminente, à faire le signe de la croix, à aimer le bon Dieu, à réciter les prières élémentaires. Dans les choses de la piété, il fut un enfant précoce dont la pensée allait aisément vers Dieu, qui s'intéressait aux mystères de la vie de Jésus, aux cérémonies de la messe, aux récits de l'Histoire Sainte. En posses-sion d'une statuette de Marie, le garçonnet ne s'en séparait ni le jour ni la nuit.

Après Dieu, c'est à sa pieuse mère que Jean-Marie fut rade.

\'/lI\. &r%rKF\/ 'Îp66 g Aotrvable de ce goût insatiable de la prière et aussi de la haine du péché. « Vois-tu, mon Jean, disait-

elle, si tes frères et tes sceurs offensaient le bon Dieu, j'en serais bien peinée, mais je le serais encore beaucoup plus si c'était toi. a Chez cet enfant aux cheveux bruns, au regard vif, la piété et la pratique de la prière n'avaient pas supprimé une certaine pétulance naturelle : il était né avec un caractère impétueux. Malgré cela, il savait déjà se maîtriser ; il obéissait avec tant de promptitude et de persévérance que sa mère le proposait comme modèle à ses frères et soeurs.

Un petit berger déjà apôtre. - Amour des pauvres.Jean-Marie atteignait à peine l'âge de raison quand la Terreur sévit en France, chassant et mettant

à mort les prêtres non assermentés. Il y en avait dans les environs de Dardilly ; la maison des Vianney en abrita momentanément quelques-uns. L'enfant dut assister avec ses parents à des messes célébrées en cachette, dans la nuit. Au logis, on fut obligé d'enlever les Crucifix et les images de piété. L'enfant garda avec précaution sa statuette de Marie. Quand on lui a confié la garde du troupeau paternel, il emporte son cher trésor avec lui. Arrivé avec sa soeur Gabon (Marguerite) dans les prés, surtout dans le charmant vallon de Chante-Merle, JeanMarie, tout en veillant sur les bêtes,

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place la statue dans un tronc d'arbre ou sur un petit reposoir et récite, sans peur, devant elle son chapelet. Il fait prier les petits pâtres des environs, organise avec eux de modestes processions, leur enseigne des prières apprises de sa mère, leur recommande de ne pas désobéir, blasphémer, en un mot se fait leur petit curé, Cela ne J'empêche pas d'ailleurs de jouer aux palets avec ses compagnons et de partager son pain avec les plus pauvres.

La première communion, - Laboureur et vigneron.Pendant l'hiver (le 1795, l'enfant fréquenta la modeste école ouverte à Dardilly par le citoyen

Dumas. Il s'y fit remarquer -par sa sagesse et son application et y fit en lecture surtout des progrès sensibles. C'est à L âge de onze ans qu'il se confessa pour la première fois, au pied de l'horloge de la maison, à un prêtre non assermenté, M. Groboz, de la Compagnie de Saint-Sulpice, et do passage à Dardilly. Après l'avoir entendu, le prêtre demanda aux parents d'envoyer leur fils pour rare instruction religieuse plus complète au village d'Ecully, près de deux religieuses de Saint-Charles .qui préparaient en cachette les premiers communiants. Jean-Marie logea pendant près d'un an chez sa tante Humbert, s'instruisant et priant. Pendant la seconde Terreur, en 1799, à l'époque où l'on coupe les foins, il fit, à treize ans passés, sa première Communion. Les seize communiants furent conduits séparément dans la maison de la « ci-devant n dame de Pingon. C'est dans une chambre aux volets clos, aux abords de laquelle on avait rangé des charrettes de foin que des hommes déchargèrent pendant la cérémonie, que

SAINT JEAN-MABIE v1ANNeY C7la messe de communionn fut célébrée avec grande précaution. Ce fut pour Jean-Marie un jour de

bonheur et de joie profonde : il en parlera plus lard avec des larmes dans les yeuxx et montrera aux enfants d'Ars son modeste chapelet de communiant en les exhortant à conserver le leur.

C'est aussii à Ecully, dans l'église paroissiale que le jeune homme reçut, à vingt ans passés, en n8o7, la Confirmation donnée par le cardinal Fesch. Il choisit alors saint Jean-Baptiste comme- patron de Confirmation ; c'est pourquoi, dans- la suite, il signera Jean.hdarie-Baptiste ou même Jean-Baptiste-Marie Vienne y.

Le jour même de sa première Communion, Jean-Marie revint à Dardilly. .A la maison paternelle, il va aider ses parents et son frère aîné dans les divers travaux de la ferme. Aux champs comme dans la vigne, il sanctifie son dur labeur en l'offrant à Dieu et à la: Sainte Vierge. Il est pour tous un modèle de patience, de charité et d'obéissance. Avec, l'autorisation, de son père, dans l'église parois-siale rouverte au culte, il fait souvent, le matin et le soir,, de longues stations pour adorer et prier. Quand il ne peut assister à la messe,, il s'unit par la pensée et la prière au célébrant. Sur la route, au retour du travail, il récite son chapelet; le soir, avant de s'endormir, ill prolonge la veillée pour lire l'Evangile et l'Imitation; saa mère doit lui prescrire de prendre le repos nécessaire.

Une vocation tardive bien éprouvée. - Le sacerdoce.Depuis plusieurs années, Jean-Marie voulait être prêtre pour gagner beaucoup d'âmes. Sa mère,

quand elle contrat cette vocai,ion, pleura de joie. Le père refusa de se priver d'un grand garçon, si nécessaire aux travaux de la ferme. Ayant déjà beaucoup dépensé pour doter sa fille Catherine et racheter de la conscription François, son aîné, il n'avait. pas de quoi payer les frais d'études. Finalement, il' autorisa son deuxième fils à suivre à Ecully les classes de la petite école presbytérale que le curé, M. Ballcy, venait d'ouvrir.

A cause de sa mémoire ingrate, des graves lacunes de ses études primaires et du long repos donné au travail intellectuel, le jeune étudiant rencontre beaucoup de difficultés pour apprendre le latin. Il prie, se mortifie et travaille, au risque de ruiner sa santé : les progrès sont presque nuls. Le découragement le saisit. Un pèlerinage fait à pied, en mendiant le pain nécessaire, au tombeau de saint François Régis, à La Louvesc, chasse le désespoir et amé-. libre un peu les résultats scolaires.

En 18og, le candidat au sacerdoce doit entrer à la caserne. l'1 y tombe malade. L'année suivante, par une suite de circonstances où ill n'y avait aucune faute ou préméditation de ai part et où il est permis de voir une intervention providentielle, il se trouve légalement en état (le désertion et reste pendant deux hivers dans un village perdu des Cévennes, instruisant les enfants, édifiant tout le monde par sa piété.

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L'amnistie générale dr, 1811 et le départ anticipé de son frère cadet pour l'armée le ramènent à Ecully où il continua ses études.

SAINT JLAN-\MARIE VIANNCY6968 9 AOUTSa mère ne tarda pas à mourir. Agé de vingt-six ans, Jean-Marie étudie la philosophie à

Verrières. Il s'y montra d'une faiblesse extrême. A l'automne de 1813, il entrait au Grand Séminaire SaintIrénée, à Lyon, où son peu de connaissance de la langue latine lui fut fort nuisible pour les classes et les examens ; on le congédia au bout de six mois. Son maître, M. Balley, l'instruisit et le présenta, trois mois après, aux examens d'ordination : nouvel échec. Enfin, il obtint que le malheureux candidat, désarçonné par le jury imposant et la langue latine, fût examiné en français au presbytère d'Ecully. Cette fois, vicaire général et supérieur du Séminaire furent très satisfaits des

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réponses. « Puisque c'est un modèle de piété, dit le vicaire général, je l'appelle au sous-diaconat; la grâce de Dieu fera le reste. n Jean-Marie reçut les ordres mineurs et le sous-dia. conat le a juillet 1814. Quinze mois plus tard, le 13 août 1815, l'évêque de Grenoble, Mgr Simon, l'ordonnait prêtre. Comme on s'excusait de le déranger pour bien peu de chose, le prélat prononça, sans prévoir à quel point se réaliserait sa remarque : « Ce n'est pas trop de peine pour ordonner un bon prêtre. n

Vicaire d'Ecully, puis curé d'Ars.A la grande joie de M. Balley le nouveau prêtre fut nommé vicaire d'Ecully, mais la lettre de

nomination ne lui donnait pas encore les pouvoirs de confesser. Dès qu'on lui eut permis de siéger au saint tribunal, son confessionnal fut assiégé et les malades ne demandèrent presque plus que lui. Le premier à lui ouvrir son âme fut son propre curé.

Sans calculer, M. Vianney se dépense au bien des âmes dans les fonctions du prêtre : pour elles il prie et se mortifie ; il les édifie par sa piété, son dévouement, sa simplicité discrète. Aux pauvres, il donne tout ce qu'il a, jusqu'à ses vêtements. En mourant, en dé. cembre 1817, M. Balley confiera à son vicaire ses instruments de pénitence, qui ne resteront pas inemployés : le fils spirituel s'en servira après son père vénéré.

Au début de février 18x8, la paroisse d'Ars était confiée au zèle de l'ancien vicaire d'Emilly. En signant sa feuille de nomination, le vicaire général lui dit : a Il n'y a pas beaucoup d'amour du bon Dieu dans cette paroisse ; vous y en mettrez. n

A l'œuvre pour la conversion d'une paroisse indifférente.Ce village de deux cent trente habitants, situé sur le plateau de la Dombes, à trente-cinq

kilomètres de Lyon, gardait un fond de religion, mais délaissait les pratiques chrétiennes. L'église était désertée ; des enfants aux vieillards on blasphémait : le dimanche, quatre cabarets faisaient aux offices sacrés une concurrence victorieuse ; pas de repos dominical : l'ivrognerie, les bals, les veillées; étaient de véritables fléaux pour les bonnes moeurs. Au matin du Io février 1818, te nouveau pasteur célébra sa première messe dans la pauvre église.

Dieu lui demandait de convertir sa paroisse. Il se met aussitôtà l'ouvre. Il ne garde dans son modeste presbytère, une maison paysanne, que le mobilier

indispensable ; il passe tout le jour et une partie de la nuit à l'église, dans la prière ou la préparation- Je n'ai pas la foi, dit un visiteur au saint curé d'Ars.- Mettez-vous là, quand vous serez confessé, vous aurez la foi.longue et ardue de ses prônes. La nuit il couche sur des sarments, sur le plancher, et avant de

prendree ce sommeil, qu'il abrège tant qu'il peut, il se flagelle jusqu'au sang avec une discipline aux pointes de fer, Il consacre son petit avoir soit à soulager les pauvres, soit à enrichir le ménage du bon Dieu : il p•~sse souvent

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709 AOUTSAINT JEAN-MARIE VIANNEY 71deux ou trois jours sans prendre de nourriture, prépare lui-même pendant près de dix ans les

quelques aliments, toujours les mêmes, qui lui sont indispensables pour vivre. Avec cela il se montre affable, s'empresse auprès dos malades, visite les paroissiens, laissant à tous une parole surnaturelle. Pour rendre l'église plus attrayante, il lui donne un nouvel autel, achète de nouveaux ornements, ajoute des chapelles, puis il fait la guerre par les catéchismes et les prônes du dimanche à ce grand péché de l'ignorance en matière de religion. Il lui fallut huit ans de zèle assidu pour secouer la torpeur religieuse de ses fidèles, supprimer à peu près le blasphème, le travail du dimanche, tarir la clientèle des cabarets.

Le curé d'Ars devra lutter plus de vingt-cinq ans pour enlever à ses paroissiens le goût et l'habitude des danses. Les coureurs de bals proclamaient ces plaisirs innocents et très légitimes. Du haut de la chaire comme au confessionnal, le pasteur ouvre les yeux à ces pauvres aveugles : la danse, les toilettes indécentes, les veillées comme elles se pratiquent à Ars, sont des pourvoyeuses de la passion impure. De la parole, le curé passa à l'action. Il parut sur la place publique afin de faire fuir les danseurs comme une volée de pigeons ; il paya le ménétrier ou le cabaretier, afin qu'ils se dérobassent à l'heure du bal ; il fit peindre dans la chapelle do Saint-Jean-Baptiste, à l'église, cette inscription évocatrice : « Sa tête fut le prix d'une danse. » Il refusa d'absoudre les jeunes filles qui dansaient ou assistaient aux danses.

L'heure des grandes épreuves. -- Ars n'est plus Ars.Le bien ne s'opère pas sans souffrances pour l'apôtre. Les prédications, les réformes de l'abbé

Vianney furent bien accueillies par les âmes vraiment chrétiennes. Elles suscitèrent chez des esprits ignorants quelque étonnement, voire des plaintes ou des murmures. Seules les âmes perverties, les pécheurs endurcis employèrent les insultes, la calomnie, l'outrage déshonorant contre le prêtre que

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tout le monde regardait comme un Saint. Des lettres fielleuses furent envoyées à l'évêché et déterminèrent une enquête canonique.

L'épreuve, s'ajoutant à la prière, à l'exemple et à une austérité héroïque, avait transformé la commune. a Ars n'est plus Ars, c'e,t une paroisse petite qui sert Dieu de tout son coeur n, écrivait son curé. Elle était au-dessus (les autres, L'ensemble des fidèles était passé soit du liberl.inage à la vertu, soit de la simple piété à la ferveur. Plus de respect humain ; fréquentation assidue de l'église le dimanche ; ce jour-là, plus de travail défendu ; aux champs, dans les rues, on récite l'Angélus ; les conversations sont plus chastes ; les pratiques religieuses reparaissent dans les foyers : en semaine, il y a toujours une personne eu adoration devant le Saint Sacrement ; chaque matin, à la messe, un bon groupe de fidèles sont là avant d'aller au travail. Une vie nouvelle anime la confrérie du Saint-Sacrement, qui se mourait. Chaque soir, au son de la cloche, la paroisse se réunit à l'église pour la prière en commun. Les

processions, surtout celle de la Fête-Dieu, sont préparées et faites avec le plus de solennité et d'amour possible.

Pour les petites filles de la paroisse et bientôt après pour l'éducation chrétienne et l'instruction des orphelines abandonnées, l'abbé Vianney dépensa son patrimoine pour établir cette admirable Maison de la Providence, modèle d'éducation populaire.

Le pèlerinage d'Ars. - En « lutte avec le grappin ».A partir de 182o, le curé d'Ars prêcha et confessa beaucoup dans les paroisses environnantes à

l'occasion des Quarante-I-Ieures ou des missions. Partout sa piété, son austérité, ses conseils, sanctifièrent les âmes. Pour rendre service â des confrères ou à des personnes qui le demandaient, il ne reculait devant aucune peine, le jour ou la nuit, en hiver comme en été.

Pour le voir, l'entendre, lui demander conseil, des fidèles de la Donbes, de la Bresse, du Lyonnais, venaient jusqu'à Ars. Ainsi commencèrent les célèbres pèlerinages, qui chaque année amenèrent dans la paroisse des milliers de personnes de toute condition, de France et de l'étranger. Il y avait des prêtres, des religieux, des fonctionnaires, 'des incrédules, des pécheurs, des âmes inquiètes, des âmes en quête de la perfection ; ces pèlerins s'en retournaient consolés, guéris, éclairés, convertis, toujours impressionnés par la

sainteté du curé d'Ars.Les pécheurs couraient après l'humble prêtre. C'est pour empêcher leur conversion que le démon

-- ou le grappin, comme le nommait l'abbé Vianney - accabla ce dernier, pendantt environ trente-cinq ans, de continuelles et pénibles obsessions. Par des coups, des cris, des bruits de tous genres, des secousses données à la maison et aux meubles, des injures et d'autres faits semblables, il cherchait à lui enlever le sommeil et, le repos, à le dégoûter de la prière, des travaux apostoliques. Le curé d'Ars voyait dans ses attaques l'arrivée et la conversion de quelque gros poisson. Il ne craignait pas son ennemi et le mettait en fuite par le signe de la croix. Satan fut vaincu et cessa ses attaques perfides pendant les dernières années du

saint prêtre.Étonnant médecin et convertisseur d'âmes.La fourmilière de pèlerins - on en compta jusqu'à cent mille par an - qui chaquee jour envahissait

Ars imposa à M. Vianney de longues stations au confessionnal, Dieu lui avait donné lo génie de la conduite des âmes ; il inspirait le goût, presque la faim do la confession : il lisait dans les consciences, disant à charme !a vérité, et conseillait par quelques paroles lumineuses et sages. Levé à minuit, il se rendait à l'église une heure après ; il confessait ceux qui l'attendaient. ; après sa messe, il recommençait jusqu'à l'heure du catéchisme qui avait lieu avant midi. Vers une heure, il était de nouveau à l'église pour confesser jusqu'à l'heure de la prière du soir. Il passa de seize à vingt heures par jour au confessionnal pendant plus de trente ans.

729 AOVTLes bénédictions divines descendaient innombrables sur les âmeset sur les corps. Dans son humilité si profonde qu'elle aurait suffi,dit Mgr de Ségur, à le faire canoniser, le curé d'Ars attribuait ces grâces à l'intercession de a sa

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chère petite Sainte a, de son chargé d'affaires près de Dieu, la martyre sainte Philomène dont on venait de découvrir le corps; il en avait obtenu une relique grâce à Pauline Jaricot et lui avait dédié une chapelle dans l'église d'Ars.

Mort et funérailles. -- Dans la gloire.A plusieurs reprises, l'abbé Vianney avait annoncé sa fin pro chaîne. Le vendredi 29 juillet 1859,

il se sentit plus malade. Avec difficulté, victime de suffocations fréquentes, il confessa, fit le caté-chisme comme à l'ordinaire : la chaleur était torride ; l'église, pleine de fidèles, était une véritable étuve : le prêtre resta à son poste. Le soir, il était à bout ; difficilement il gagna sa chambre et se coucha grelottant de fèvre, a C'est nia pauvre fin u, annonça t-il. Il fit venir son confesseur, le curé de Jassans, se confessa avec sa piété ordinaire, tranquille, sans exprimer aucun désir de guérison. La maladie fit de rapides progrès. Le mourant bénissait ceux qui pouvaient approcher jusqu'à lui et les pèlerins qui se trouvaient au dehors, mais ne parlait guère, sinon à Dieu. On priait sainte Philomène de guérir son grand ami d'Ars. Au soir du lendemain samedi, il reçut, les yeux baignés de larmes, l'Extrême-Onction et le Viatique. Devant un notaire, et par obéissance, il articula péniblement qu'il voulait être enterré à Ais, renonçant ainsi à ce que son corps fût transporté à Dardilly. L'évêque de Belley accourut bénir et embrasser l'agonisant. Le jeudi 4 août, à 2 heures du matin, le curé d'Ars, souriant, entrait dans la gloire du ciel. Il avait soixante-treize ans.

A l'annonce de cette mort, grande fut la douleur de la paroisse, du diocèse, de la France entière. Devant le corps, des milliers de pèlerinss défilèrent, y faisant toucher de multiples objets de piété. Les funérailles, présidées par l'évéque de Belley, furent un cortège triomphal. Les restes furent déposés dans un caveau au pied (le la chaire. Cette tombe devint un lieu de pèlerinage et de prières.

Déclaré vénérable le 3 octobre 1872 par Pie IX, il fut béatifié par Pie X le 8 janvier rgo5. Pie XI, le 31 mai 1925, a canonisé le Curé d'Ars, et, par un Bref du 23 avril 1920, l'a donné pour patron à tous les curés du monde catholique ; la fête, pour l'Eglise entière, est, fixée au 9 août.

Dans la nouvelle église d'Ars, le corps de Jean-Marie Vianney est exposé intact dans une châsse de bronze doré, offerte par les prêtres de France à l'occasion de la canonisation.

F. C.Sources consultées. - Abbé FRANc,s Tnocnu, Le curé d'Ara, saint Jean-AfarieBaptiste Viauney

(Lyon, rga5). - Jossvn Visser, Le bienheureux curé d'Ars (Paris, rgo6). - J. VenDesov, Sur les pas de nos Saints, Se Série (Paris, Bonne Presse, rgaa), - (V. S. B. P., ne- rrg3, r3oo et 5327).

BIENHEUREUX AMÉDÉEFranciscain, fondateur des Amade'istes (t 1482).

Fête le ro août.Les biographes désignent l'Espagne ou le Portugal comme la patrie du bienheureux Amédée.

Cette incertitude a polir origine l'humilité même du Saint qui, vivant loin du lieu de sa naissance, ne voulut jamais soulever le voile discret destiné à cacher la noblesse de sa parenté. Cependant, à force d'instances, ses amis lui arrachèrent un jour l'aveu qu'il était né d'un père espagnol et d'une mère portugaise. Selon l'opinion la plus probable, son, père fut Rodrigue Gomez de Silva, gouverneur des forts de Campo-Mayor et d'Ouguela, et sa mère, Isabelle Menez, fille du comte de Viana, allié à la famille royale de Portugal.

Avant le cloître.L'enfant reçut au baptême le nom d'Amédée, suivant le conseil d'un ange qui aurait apparu à ses

parents sous la forme d'un pèlerin.Il commença dans les douleurs une vie qu'il devait terminer dans la mortification ; jusqu'à l'âge

de g ans, il demeura en effet si faible de santé qu'il pouvait à peine se soutenir. Le lait était la seule nourriture que son estomac débile pouvait supporter. Mais bientôt, soit par un effet naturel, soit par une disposition de la Providence, un grand changement s'opéra dans sa complexion, et, à l'âge de 12 ans, il était devenu fort et robuste.

Ses parents le fiancèrent à une jeune fille de noble lignée, mais le mariage n'eut point lieu. Amédée ayant embrassé la carrière des armes sous les ordres du roi Jean II de Castille, le vainqueur de Figueras et de Guadix, fut blessé au bras dans une bataille contre les Maures. Cette blessure qui

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le condamnait au repos fut le moyen

74 10 AOUTdont Dieu se servit pour attirer à lui son serviteur. Amédée réffé chic aux dangers quee laa

fréquentation du- monde et le métier des armes faisaient courir à son âme, et résolut de suivre désormais la voie des conseils évangéliques.

Ce fut le monastère de Sainte-Marie de Guadalupe, dans l'Estramadure,. qu'il choisit pour exécuter ce dessein. Centre d'un pèlerinage important, ce monastère était habité depuis r38g par les Ermites de Saint-Jérôme, qui y avaient succédé aux. Mercédaires. Le démon dressa sur son chemin des embûches à sa vertu et à sa vie, mais le jeune homme réussit à les déjouer. Amédée raconta lui-même plus tard comment, trois soldats s'étant jetés sur lui pour le massacrer, Dieu envoya à son secours un ange armé d'une massue d'or, qui mit les agresseurs en fuite..

Chez les Ermites de Saint-Jérôme. - Cuisine extraordinaire.Amédée arriva sans autre incident au couvent de Guadalupe, où il prit l'habit des Hiéronymites.

Dix années de sa vie se passèrent dans cette maison, et il ne cessa d'y être un modèle de vertu pour tous les religieux.

Ses supérieurs lui avaient donné le soin de la cuisine, et il s'acquittait très exactement de cet 53

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emploi. Un jour, cependant, la ferveur de sa prière lui fit oublier de veiller au repas de la communauté. Au sortir de cet entretien plus prolongé avec Dieu, quelle ne fut pas sa douleur de trouver les viandes qu'il avait placées sur le feu entièrement carbonisées! Tout attristé de cet accident, Amédée recourt aussitôt à la miséricordieuse boité de Dieu et à l'intercession de la Vierge Marie, les suppliant de réparer sa négligence involontaire. Tandis qu'il prie avec ferveur et confiance, un religieux, en qui il croit reconnaître le Frère infirmier du couvent, entre dans la cuisine, s'approche du fourneau et se met en devoir dé remuer, à l'aide d'un bâton, le contenu de la marmite.

- Voilà une singulière manière de remédier à mon malheur 1 se disait le pauvre cuisinier, de plus en plus troublé.

Quand le religieux fut sorti, Amédée s'approcha à son tour et constata que toute trace de brûlure avait disparu. Il ne douta point qu'un ange ne fût venu à son secours dans celle pressante nécessité, car le Frère infirmier, interrogé, déclara ne l'avoir en rien assisté dans son humble besogne.

Désir du martyre. - Résurrection d'une morte.Tempête mystérieuse.

Cependant, le jeune religieux nourrissait dans son âme un ardent désir de verser son sang pour Jésus-Christ. Poussé par un mouvement do l'Esprit-Saint, il alla se jeter aux pieds de ses supérieurs et obtint d'eux la permission de se rendre à Grenade, ville qui était encore à cette époque la capitale d'un royaume maure.

Il partit donc joyeux dans l'espoir d'aller cueillir en cette contrée la palme du martyre. Aux environs de la ville, il fut rencontré par une troupe d'infidèles qui le prirent pour un espion, le sai

B7nxnadnrux AMé»ÉE %Ksirent et le conduisirent à leur chef. Celui-ci ordonna aussitôt de lui faire subir une cruelle

flagellation et de le faire périr ensuite an milieu d'affreux supplices. La sentence devait s'exécuter sur-lechamp, et déjà les bourreaux musulmans, parmi lesquels se trouvaient quelques chrétiens apostats, le dépouillaient de ses vêtements lorsqu'ils aperçurent son rude cilice et les chaînes de fer qu'il avait coutume de porter autour des reins. Cette rencontre inattendue les surprit ; reconnaissant alors qu'ils n'avaient point affaire à un espion, ils ne craignirent pas de plaider sa cause auprès du chef musulman. Celui-ci accéda à leur demande, et lui ordonna dee sortir de la ville,, non sans lui avoir fait subir une seconde flagellation.

Amédée sortit de Grenade avec l'intention d'aller en Afrique, où il espérait trouver plus facilement la couronne (lu martyre. Sur son chemin, ayant reçu l'hospitalité d'une pauvre veuve dont la fille venait de mourir, il eut compassion de ses larmes et ressuscita l'enfant ; mais comme ce miracle avait attiré l'attention sur lui, d se hâta de fuir pour se dérober aux marques d'estime et de vénération qui blessaient son humilité.

Bientôt il atteignit le littoral. Un navire marchand était sur le point de mettre à la voile pour l'Afrique ; Amédée prit passage à son bord. Mais à peine le vaisseau avait-il levé l'ancre qu'une tercipête épouvantable se déchaîna, menaçant d'engloutir le bâtiment et ses passagers. Amédéee pria alors le capitaine de virer de bord et de regagner la terre. Mais cette manoeuvre ne réussit qu'à moitié, à cause de la violence du vent contraire et des écueils contre lesquels les matelots craignaient de se briser. Alors, sollicités par te religieux qui désirait retourner à terre, ils mirent en mer leur chaloupe, dans laquelle il ne fut pas plutôt descendu que la tempête cessa comme par enchantement. Ayant reconnu par là que Dieu ne voulait pas qu'il passât en Afrique, il retourna à son couvent de Notre-Dame de Guadalupe, où on lui donna l'emploi de sacristain.

Nombreux prodiges arrivés en sa faveur.Il serait trop long d'énumérer les nombreux prodiges par lesquels Dieu se plut à manifester la

sainteté de son serviteur.Un jour, à sa prière, le vin destiné au sacrifice de la messe s'accroît miraculeusement dans la

burette. Une autre fois, tandis qu'il garnit d'huile les lampes de l'église, un faux mouvement le précipite dans le vide ; il invoque aussitôt le nom de Marie et se relève sans aucun mal.

Par mégarde, il met un jour le feu à un meuble rempli de linge : bientôt l'incendie s'étend et

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menace de tout détruire. Dans sa perplexité, se voyant dénué de tout secours humain, Amédée se jette à genoux et invoque avec ferveur la Sainte Vierge. Aussitôt se présentent deux jeunes gens, qu'il suppose être des anges ; en effet, ils apportent avec eux de l'eau et éteignent l'incendie naissant, puis disparaissent à ses regards étonnés. Le sacristain se précipite aussitôt pour se rendre compte des dégâts, mais, ô miracle f tout se trouve en ordre et rien ne révèle la moindre trace d'incendie.

7610 AOUTBIENhEUREUX AM DIE77Vers cette époque, Amédée fut attaqué d'une terrible maladie, un rhumatisme aigu ou une autre

affection, qui lui enleva l'usage de ses membres ; il ne trouvait de soulagement à ses maux que lorsqu'il pouvait entendre l'office divin. Ses supérieurs mirent alors à sa disposition une petite voiture dans laquelle, à l'heure des offices, on le transportait à l'oratoire. Il s'y tenait ordinairement dans une chapelle où était vénérée une image de la Sainte Vierge. Un jour, il supplia avec tant de ferveur la Reine du ciel de lui accorder un peu de soulagement dans ses douleurs, que non seule-ment sa prière fut exaucée, mais qu'il se trouva parfaitement guéri.

Départ pour l'Italie. - Triomphe sur le démon.Cependant, Dieu appelait Amédée à exercer son zèle dans une autre contrée et sous une autre

règle. Trois fois la Vierge Marie, saint François d'Assise et saint Antoine de Padoue lui apparurent en songe et lui intimèrent l'ordre de se rendre en Italie, pour y revêtir l'habit des Frères Mineurs. Considérant que ces avertissements réitérés ne pouvaient être vains et illusoires, il en parla à son supérieur, Dom Gonzalve de Illescas, qui devint plus tard évêque de Cordoue (} r4ô4). Celui-ci n'eut garde de s'opposer à la volonté de Dieu si clairement manifestée. La permission obtenue, Amédée partit sans retard pour Assise. Mais, ayant rencontré sur sa route, à Ubéda, un couvent de Frères Mineurs, il y séjourna quelque temps et y reçut l'habit de Saint-François (1452).

Poursuivant son chemin, le voyageur parvint à une léproserie où il dut s'arrêter pour prendre un peu de repos. On lui apprit qu'à une certaine distance, sur le versant d'une montagne escarpée, vivait un ermite qui, par sa vertu et ses austérités, s'était acquis un grand renom dans le pays. Amédée ne voulut point passer outre sans lui faire visite ni sans profiter des lumières de son expérience. Il se dirigea donc vers la grotte de l'homme de Dieu. Comme il s'en approchait, il vit venir de son côté un vieillard à l'aspect vénérable : c'était l'ermite qui, averti de son arrivée par une vision, s'empressait d'accourir à sa rencontre.

Le solitaire ayant fait entrer son visiteur dans la grotte sauvage, lui offrit un peu de nourriture et du vin ; puis tous les deux s'entretinrent longtemps du bonheur que l'on goûte au service de Dieu. Quand l'heure de la séparation fut proche, l'ermite dit à Amédée :

- Vous aurez beaucoup à souffrir pour le Christ, choisissez donc ce que vous préférez, ou de supporter ces tribulations dans votre jeunesse et de vous reposer dans l'âge mùr, ou de vous reposer maintenant et d'être accablé de souffrances au soir de votre vie.

Le choix d'Amédée ne fut pas long : jeune encore, il se sentait rempli d'une vigueur qui le rendait capable de supporter les plus grandes fatigues, vigueur qui, d'ordinaire, disparaît avec la jeunesse ; il préféra donc réserver pour le déclin de l'âge la part de repos que Dieu lui destinait. Amédée prit congé de l'ermite qui lui donna deux de ses disciples pour guider sa route.

Chemin faisant, ceux-ci demandèrent à l'étranger s'il avait coutume de porter des provisions avec lui. Sur sa réponse négative, ils furent saisis d'étonnement, car personne n'avait porté à l'ermite

011IIIIIIIIIII 11111NIÇIÎÎ~ ~ "~Allllllll "~"i u'Le bienheureux Amédée voit deux jeunes gens inconnus

éteignant le feu qui avait pris à la sacristie de la chapelle.d'aliments ou de vin, et ils comprirent que la Providence avait seule pourvu aux frais du repas qui

lui avait été servi.

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La prophétie du vieillard ne tarda pas à recevoir son accomplissement, car le reste du voyage fut pénible, et le pieux voyageur eut beaucoup à souffrir de la fatigue et de la faim. Deux jours

78IO AOUTBIENIEUREUX AIItDtiEdurant, égaré dans une solitude, il dut se contenter pour toute nourriture de quelques fruits

sauvages.Sa persévérante fidélité se trouva souvent récompensée par des marques d'une protection

spéciale. Un jour, c'est un ange qui lui apporte un pain de pur froment. Une autre fois, c'est un seigneur, dont il a fait la rencontre non loin d'Avignon, et qui, après lui avoir donné une partie du dîner de ses ouvriers, retrouve leur portion intacte.

Mais si Dieu l'assistait d'une manière si visible, le démon, de son côté, ne cessait de lui tendre des pièges. Amédée vit un jour sur sa route un homme qui lui sembla être un ouvrier chaudronnier et qui lui demanda où il allait :

- Je me rends à Gênes, répondit l'interpellé.Sur ce, l'ouvrier déclara qu'il se dirigeait vers la même ville et manifesta le désir de faire route en

sa compagnie, ce qui lui fut accordé. Brisés par la fatigue, les deux voyageurs s'arrêtèrent sous un arbre pour se reposer. L'ouvrier ne tarda pas à s'endormir. Amédée voulut mettre à profit cette halte forcée pour réparer ses vêtements qui tombaient en lambeaux. Parmi les outils de son compagnon, il y avait une sorte d'alène : il voulut l'utiliser pour sa besogne. Mais quelle ne fut pas sa stupéfaction de trouver le manche de cet instrument entr'ouvert et plein de ducats 1 Craignant aussitôt de succomber à la tentation, le religieux remit à sa place l'étrange outil et prit la fuite sans oser détourner la tête. Quand il se fut tin peu éloigné, il jeta cependant un regard en arrière : le faux ouvrier avait disparu et de l'endroit où peu auparavant il était assis, s'élevait une fumée épaisse qui répandait une horrible odeur de soufre.

Amédée comprit alors qu'il avait eu affaire an démon.Le pieux voyageur tomba malade en arrivant à Gênes, mais la Sainte Vierge lui apparut et lui

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rendit ses forces, de sorte que, poursuivant son chemin vers Assise, après de grandes difficultés, il parvint à Chiavari.

Arrivée à Assise. - Merveilles qu'il y opère.Il est admis dans l'Ordre des Frères Mineurs et se rend à Milan.

Peu après, Amédée arrivait à Pérouse, où il trouva le Fr. Ange, lecteur en théologie et Ministre général de l'Ordre de Saint François.

Ce religieux refusa de le recevoir. Sans se décourager, l'humble solliciteur se rendit à Assise et alla frapper à la porte du couvent de Saint-François. Mais le même traitement l'y attendait, Dieu permettant ces épreuves pour exercer sa patience et fortifier sa vertu.

Amédée, en effet, ne se rebuta point, et dans l'espérance que Dieu lui fournirait les moyens d'exécuter sa sainte volonté, il bâtit un petit ermitage tout près de l'église de Saint-François. Là, il vécut trois ans de privations ci de pauvreté. Les haillons qu'il portait et que son humilité estimait encore trop riches et trop luxueux ne pouvaient faire deviner en lui un religieux : aussi ne lui ména-.

geait-on pas les injures ni les mauvais traitements. Le solitaire trouvait dans l'union avec Dieu le courage de supporter ces épreuves.

L'oraison était aussi son bouclier de défense contre les attaques fréquentes du démon. Amédée était un jour prosterné au pied du maître-autel de la basilique supérieure, quand Satan se présenta devant ses yeux épouvantés sous la forme d'un géant immense.

- A quoi bon tant de prières et do dévotions, tant de jeûnes, d'abstinences et d'austérités, lui dit le monstre, puisque tu es déjà damné pour jamais?

Et il s'efforçait, par de semblables paroles, de jeter Amédée dans J'abîme du désespoir :- Que le monde tout entier s'écroule, répondit ce dernier ; pour moi, je veux rester toute ma vie

vrai serviteur de Dieu et d. Marie.A ces mots, le géant disparut avec fracas, et son interlocuteur occasionnel remercia Dieu de sa

délivrance et de son triomphe.A force de fréquenter l'église des Franciscains, Amédée avait fini par lier connaissance avec les

Frères chargés du soin de la sacristie. Il leur rendait de menus services et recevait d'eux en récompense quelques aliments. L'un des religieux sacristains étant tombé malade, Amédée pria pour lui et obtint sa guérison. Dans sa reconnaissance, celui-ci offrit à son bienfaiteur, qu'il prenait toujours pour un simple laïc, un habit de Frère Mineur. Dieu continua à manifester par un grand nombre de miracles la sainteté de son serviteur. C'est ainsi que celui-ci obtint par ses prières la naissance d'un enfant au foyer de Catherine de Condon, femme de César de Cordon, de Lucques, et soeur du Pape Nicolas V. Cette faveur et beaucoup d'autres qu'il serait trop long de rapporter répandirent la renommée du pauvre ermite d'Assise, et, vers la même époque, Ange de Pérouse, étant mort, le nouveau Ministre général, Jacques de Mozanica, ne fit aucune difficulté d'admettre Amédée au nombre des Frères Mineurs.

Le nouveau fils de saint François se trouvait au comble de ses voeux, mais la période de tribulation n'était pas encore terminée pour lui. La vie austère qu'il menait au couvent d'Assise et l'observance exacte de la règle à laquelle il s'appliquait, excitèrent bientôt contre lui l'antipathie de plusieurs religieux moins fervents, pour qui sa conduite semblait un reproche perpétuel : aussi l'accablèrentils de toutes sortes de vexations. Amédée supporta cette épreuve, plus terrible petit-être que les précédentes, avec une admirable patience et une angélique douceur.

Mais, voyant que toits ses efforts pour calmer les esprits étaient impuissants, sur le conseil d'en haut, il partit pour Pérouse, puis pour Brescia, où se trouvait alors le Ministre général de l'Ordre. Celui-ci l'envoya à Milan, où les Franciscains possédaient un couvent, près de la porte de Verceil. Dans cette nouvelle retraite, Amédée fut d'abord chargé de la sacristie, mais comme cet emploi le détournait de l'oraison, il obtint de ses supérieurs la permission de se retirer dans une cellule de l'ancienne infirmerie pour y vaquer

8o10 AOUTplus librement à la contemplation. Il restait quelquefois quatorze heures en prière, et toujours à

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genoux.Cependant, les miracles se multipliaient sous les pas d'Amédée aussi accourait-on de toutes parts

afin de se recommander aux prières d'un homme si puissant sur le cour de Dieu. Le duc de Milan, François Sforza, le comblait des témoignages de son estime et de son affection. L'humilité du religieux s'effraya (le ces marques de respect, et il supplia ses supérieurs de l'éloigner de Milan et de l'envoyer dans un couvent où il pût vivre ignoré des hommes. On le fit partir pour Marliano, et de là pour Oppreno, qui possédait la première église dédiée à saint François.

Il reçoit les ordres sacrés et fonde les Amadéistes.Dans ce monastère, Amédée reçut les ordres sacrés pour obéir à son provincial qui, connaissant

son humilité, le contraignit d'accepter cet honneur. Il célébra sa première messe le jour de l'Annonciation de, l'année 1469 avec les sentiments de dévotion et de respect que mérite ce mystère adorable. Ce fut l'année suivante, d'après le vénérable François de Gonzague, autour des Origines de l'Ordre de Saint-François, que se réunirent autour de lui les premiers Amadéistes. Ces religieux, qui formaient une branche nouvelle de l'Ordre franciscain, se multiplièrent avec rapidité, et bientôt le fondateur, après avoir triomphé de diverses persécutions, se vit à la tête d'une Congrégation florissante. Un monastère fut établi à Milan sous le vocable de Sainte-Marie de la Paix, et le Pape Sixte IV ayant appelé Amédée à Rome, le choisit pour son confesseur, et fit bâtir pour lui et ses religieux le couvent de Saint-Pierre in 9fontorio.

Le moment approchait où Dieu allait rappeler à lui ce bon et fidèle serviteur. Amédée avait quitté Borne pour visiter ses monastères, quand il tomba malade, à Milan. Il reçut les derniers sacrements et s'éteignit doucement au milieu de ses religieux le io août 1482, en la fête du martyr saint Laurent.

On assure que le bienheureux Amédée eut certaines révélations relatives à la fin des temps et qu'il laissa à ses religieux un volume scellé qui fut placé dans son tombeau avec cette inscription sortie de ses lèvres : e Ce livre sera ouvert au temps marqué par Dieu. Aperietur in ternpore. n Quoi qu'il en soit de cette légende, un recueil de prophéties, qui porte son nom, a été falsifié en beaucoup d'endroits et doit être tenu pour très suspect.

De nombreux miracles s'opérèrent sur le tombeau du saint fondateur, et en 1625 le Pape Urbain VIII autorisa son culte. L'Ordre des Amadéistes a été réuni, au xvie siècle, sous le pontificat de saint Pie V, aux Franciscains de l'Observance, qui eux-mêmes, depuis le 4 octobre 1897, ont été joints par Léon XIII à trois autres rameaux franciscains pour former l' « Ordre des Frères Mineurs a.

G. OCTAVIEN,Sources consultées. - Acta Sanclorum, t 1: d'août (Parie et Rome, 1867). - :(V. S. B. P., n' 8o8.)SAINT TAURINPremier évêque d1Evreux (IVe siècle) Fête le ri août.SAINT Taurin fut l'apôtre d'Evreux : sa mémoire est restée en grande vénération pendant de

longs siècles, non seulement aen Normandie mais en Auvergne, en Bourgogne, en FrancheComté, en Lorraine. Les églises qui

ont eu le bonheur de posséder de ses reliques ont souvent constaté des grâces merveilleuses obtenues par son intercession. Aussi devons-nous beaucoup regretter que ses contemporains ne nous aient pas laissé une histoire de sa vie, ou du moins que ce récit se soit perdu. Le peu que nous savons de lui a été écrit longtemps après sa mort, selon le témoignage de traditions assez flottantes. Ainsi s'explique que certains aient placé sa venue dans les Gaules dès le premier siècle et sa mort entre 119 et 127, opinion aujourd'hui abandonnée bien qu'elle s'accorde avec le Martyrologe romain où il est dit de saint Taurin qu'il fut « ordonné évêque d'Evreux par le bienheureux Pape Clément a.

Un nouveau Samuel.D'après un ancien manuscrit d'Evreux et d'autres de l'abbaye de Gigny (Jura), Taurin naquit à

Rome d'une riche et noble famille, d'origine grecque ou orientale : c'était probablement au ive siècle. Son père, Tarquin, était païen ; mais sa mère, Eutice, joignait à la noblesse du caractère l'excellence de la foi chrétienne. Après Dieu, c'est à cette mère chrétienne que Taurin devra sa sainteté et Evreux son apôtre.

Eutice voyait avec peine les emportements où la haine du christianisme entraînait parfois son mari, et souvent, prosternée près du tombeau de quelque martyr, elle avait imploré du ciel, pour lui,

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des grâces de conversion. Un autre tourment affligeait sa vie : c'était sa longue stérilité. A l'exemple d'Anne, mère de Samuel, elle n'avait

82. I I AOUTSAINT TAURIN83cependant ménagé ni les pleurs ni' les prières pour bbtenir de Dieu un fils qui serait tout entier

consacré au service des autels.Or, une nuit, dit le chroniqueur, l'ange du Seigneur lui apparaît en songe et lui annonce qu'elle va

être exaucée. En effet, la naissance d'un fils ne tarda pas à réjouir le cceur de Tarquin et d'Eutice. L'enfant fut nommé Taurin, et en dépit des- erreurs de son père, il fut élevé dans la. religion chrétienne par sa pieuse mère..

Vocation à l'apostolat missionnaire.Loin de contredire aux nobles aspirations d'Eutice qui, dès avant sa naissance, l'avait promis au

Seigneur, Taurin ne rêvait que le service du Christ. Le monde et ses vanités n'avaient pas d'attraits pour lui. Ni le prestige d'une position avantageuse ni les appâts des honneurs et de la fortune n'eurent de prise sur son cour entièrement voué au Seigneur.

Après une brillante éducation, dans la fleur de son âge, il médita le généreux dessein de tout quitter, parents, amis, patrie, repos, richesses, pour aller porter la lumière de l'Evangile aux popula-tions encore païennes et conquérir des âmes à Jésus-Christ.

En ces premiers siècles, où la foi chrétienne n'avait point encore multiplié le nombre des prêtres et. des pasteurs, le caractère épiscopal était d'une grande utilité au chef d'une mission.

Plus que tout autre, Taurin était digne de le recevoir ; son humilité peut-être eût voulu décliner un tel honneur,, mais il obéit au Pontife romain.

Le successeur de Pierre, après lui avoir conféré les ordres sacrés, lui communiqua la plénitude du sacerdoce par la consécration épiscopale.

Ainsi armé de la force et des lumières de ]'Esprit-Saint> libre de tous les biens de la terre, le nouveau messager de la foi reçut la mission d'aller prêcher Jésus-Christ dans les Gaules.

Saint Taurin évangélise le pays d'Evreux.Après de longues marches et des vicissitudes diverses, l'apôtre arrive enfin dans la tribu des

Eburovices, au pays d'Evreux, lune des trois peuplades qui, avec les Véliocasses el, les Lexoviens, étaient comprises jadis sous le nom commun d'Aulerques et habitaient la région appelée plus lard la Normandie

M'oins heureux que d'autres Gaulois, les habitants de cette région n'avaient pas. encore en, à ce qu'il semble, des missionnaires à poste fixe, et la plupart, selon l'expression de la Sainte Ecrit.ure, étaient encore assis à l'ombre de la mort. L'ennemi des âmes n'était pas disposé à abandonner la place sans une furieuse résistance.. Mais Taurin a pour lui l'armée du ciel ; il combat avec les armes de la prière et de laa pénitence, et lee triomphe n'est pas douteux..

Luttes avec Satan.Une première fois, durant les courses de l'apôtre, Satan veut effrayer son adversaire enn se

présentant à lui, sous l'aspect d'animaux terribles, d'un lion, d'un buffle et d'un loup. Mais, fort de son espoir en Dieu, Taurin

s'avance intrépidement contre ces bêtes féroces, puis, apostrophant en elles son ennemi : « Misérable„ .dit-il, voilà donc où en est réduit ton orgueil : à ressembler aux bêtes et à se complaire dans leur figure. - Quelle autre joie me resteraitil, répond Satan, maintenant que tu viens nie chasser

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de ces lieux P Mais je me vengerai de toi, et, dès aujourd'hui, je te déclare une guerre implacable. a Taurin le chassa par le signe de la croix.

A quelque temps de là, le missionnaire annonçait l'Evangile au peuple, lorsque le démon s'emparant de la fille de Lucius, son hôte, la torture cruellement et la jette dans le feu où elle expire- Satisfait de sa cruauté, l'esprit infernal crie dune voix frémissante : e Taurin, tu me fais la guerre ; moi aussi I - Le Seigneur est mon soutien, repartit l'envoyé de Dieu ; je ne crains aucune créature. n Ensuite il se met à genoux et prie. Bientôt, il rend à Lucius sa fille vivante et parfaitement guérie ; et le peuple s'écrie.: « Gloire au Christ, vrai Dieu 1 u

Sa condamnation à mort. - Il ressuscite le fils de son persécuteur.Conversions nombreuses.

D'autres combats attendaient le missionnaire, car Salan a toujours facilement trouvé des auxiliaires dans les passions des hommes. Le préfet des Aulerques, Licinius, païen cruel, poussé par les magiciens ell les prêtres des 'idoles, envoie l'ordre d'arrêter le héraut de Jésus-Christ et de le faire comparaître devant lui : l'interrogatoire est court et la cause est promptement jugée. Taurin, sur le refus d'adorer des dieux de bois ou de métal, est condamné à mort.

Déjà, sur l'ordre du préfet, des bourreaux lui déchirent les flancs à coups de lanières et de nerfs de boeuf, lorsque leurs bras s'arrêtent .soudainement desséchés, et une voix céleste se fait entendre, disant au martyr de rie rien craindre. A cette vue, de nombreuses personnes se convertissent, parmi lesquelles Théonille, femme du préfet.

Licinius, au comble de la fureur, ordonne de jeter le martyr dans un affreux cachot. Mais sa jeune femme persiste dans sa foi : le préfet, oubliant jusqu'aux droits de la nature, ordonne de la jeter elle-même dans une prison.

Cependant, le vrai Dieu, que Taurin priait dans son cachot, intervient par sa puissance. Le fils du préfet est frappé de mort subite.

Le magistrat, sous le coup de la douleur, est contraint de supplier son prisonnier d'intercéder pour lui auprès de son Dieu. Taurin ressuscite le défunt, et le préfet reçoit le ;baptême avec son fils. On montre encore, près de l'église de Gisay, au diocèse d'Ewreux, le lieu où le missionnaire avait été flagellé.

Un autre jour, Taurinentre dans un temple d'idoles, suivi d'une foule nombreuse. Au nom ode Dieu, l'évêque commande au démon, qui faisait sa demeure dans une idole, de dire qui il est, Forcé

sa il AOUTpar la puissance du Très-Ilaut, le faux dieu répondit d'une voix lugubre qu'il, n'était qu'un démon

venu pour tromper les hommes. Devant cet important aveu, douze cents personnes se convertirent.Saint Taurin modèle de l'évêque et du missionnaire.Au reste, ce qui attirait les païens an Christ, ce n'était pas sententent la renommée des merveilles

qu'opérait son serviteur, mais encore l'éclat des vertus qui brillaient en lui.Ange de paix et de lumière, Taurin prêchait la doctrine du Christ, dans l'humilité et la patience,

semant partout le bon grain de l'Évangile et l'arrosant de ses sueurs et de ses larmes. Au tribunal des magistrats de l'empire, comme sous le chaume de l'artisan, toujours égal à lui-même, sans se décourager devant les obstacles, sans s'enorgueillir du succès, il annonçait le Dieu qui a envoyé son Fils pour le salut de tous les hommes.

D'abord il n'avait autour de lui qu'une centaine de fidèles. Au bout de quelques années, il compta des milliers de diocésains.

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Peu à peu les temples païens sont déserts : quelques-uns tombent sous les coups des démolisseurs ; d'autres sont changés en églises, par les mains du Pontife, et leurs murs, naguère témoins des infamies païennes, retentissent maintenant du chant des psaumes et des louanges du vrai Dieu.

Dans cette ouvre réparatrice, l'évêque n'oublie pas la Reine des vierges, à laquelle il a consacré ses travaux ; d'un temple de Diane, d'où il a chassé les statues de cette divinité païenne, il fait un temple dédié à l'Immaculée Mère de Dieu. Ce fut le premier sanctuaire 'levé sur le sol d'Evreux ; il porta le nom de Sainte-àlarie de la Rotonde, et la Sainte Vierge, à qui Taurin l'avait dédié, reçut, dès ce jour, le nouveau champ d'apostolat sous son patronage spécial.

Après s'être ainsi créé un diocèse, à force de dévouement, de zèle et de fatigues, Taurin ne cessa jusqu'à ses derniers jours d'en parcourir les bourgs et les campagnes pour affermir les fidèles dans la foi et les former à la pratique des vertus chrétiennes. Qui dira ses labeurs, dans cette ouvre éminemment civilisatrice P

Mort de saint Taurin. - Son culte. - Ses reliques.Enfin, un ange lui donna l'assurance que l'heure de la récompense éternelle approchait : le Père

de famille attendait au festin du ciel ce vaillant et bon ouvrier.Transporté d'allégresse par ce message, l'homme de Dieu convoque son peuple et lui adresse ses

derniers adieux ; puis il le bénit, et pendant qu'une nuée embaumée l'enveloppe tout entier, son âme prend l'essor vers les cieux.

A ce prodige, le deuil universel se change en une immense action de grâces : chacun des témoins de cette scène proclame à l'envi la sainteté du serviteur de Dieu, et lorsqu'après une heure de durée la nuée merveilleuse s'est évanouie, de pieux fidèles procèdent à la sépulture du défunt.

Plus que sa vie peut-être, le tombeau du Saint, au témoignage de l'histoire, fut fertile en prodiges. Signalons en particulier,, parmi les plus certains, la guérison

Saint Taurin chasse d'un signe de croix des animaux sauvages dont le démon a pris la forme pour

l'effrayer.des deux époux Le Tac, au xvn° siècle. L'un et l'autre étaient dangereusement malades, la femme

d'une paralysie et le mari d'une attaque de goutte ; mais aux maux du corps se joignait pour celuici la plaie bien plus grave de l'âme : il était calviniste.

C'est au tombeau de saint Taurin, et par son intercession, que la dame du Tac recouvra l'usage de ses membres. A son tour, son

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SAINT TAURINss'I t4 :A -AIt4~I86 II &OUTSAINT TAURIN87mari ayant usé avec foii de quelques linges qui avaient touché la châsse du saint évêque, en reçut

un si prompt et si grand soulagement, qu'il renonça aux erreurs protestantes pont' rentrer au sein de la véritable Eglise.

Un enfant du bourg de Damville, au diocèse d'Evreux, était sujet à des attaques d'épilepsie, qui le prenaient tous les jours, Le jeune malade finit par être paralysé des deux jambes, et les médecins jugèrent le mal incurable,- Le père, catholique fervent, commença une neuvaine en l'honneur de saint Taurin. Le neuvième jour, - comme il revenait d'Evreux, après avoir achevé ses pieux exercices, quelle ne fut, pas sa joie de voir accourir au-devant de lui son fils parfaitement guéri 1 Il avait recouvré la santé à l'heure même où l'on offrait pour lui à Evreux le Saint Sacrifice de la messe, en l'honneur de saint Taurin : ce prodige eut lieu le ta mai r6gr.

L'invention des reliques de saint Taurin par saint Laudulfe.Les restes de saint Taurin sont passés par bien des vicissitudes depuis la mort de l'apôtre

d'Evreux jusqu'à nos jours, mais une protection spéciale de la Providence les a en grande partie conservés.

Au v° et au vie siècle, les hordes dévastatrices des barbares passent et repassent sur le sol d'Evreux, comme à travers tant d'autres villes, et l'emplacement du saint tombeau est oublié.

Il était réservé à saint Laudulfe (ou Laudulphe,, que l'on appelle aussi, par abréviation, saint Lau) de le retrouver. Laudulfe était chanoine d'Evreux, à la fin du vr° siècle. Ce prêtre était un modèle parfait de prière et de pénitence. Il avait fixé sa résidence dans un pauvre ermitage, à une heure de la ville. Sa cellule était une chétive maisonnette composée de quatre murailles et d'un toit, sans ameublement ;: quelques légumes et des herbes sauvages suffisaient à sa nourriture- Chaque jour, par les froids de l'hiver comme par tes chaleurs de l'été, il venait à Evreux assister aux offices de l'église Notre-Dame, et y remplir les fonctions de son ministère. Il sentait se ranimer sa ferveur en songeant que cette église avait été fondée par saint Taurinn et dédiée par lui à la Reine des anges, pour qu'elle fût la patronne de tout son diocèse.

Un jour, comme il priait dans sa solitude, il entendit les anges chanter les louanges du Très-Haut et célébrer les mérites de son serviteur saint Taurin : cette vision augmenta en luii le désir de retrouver les reliques du grand évêque.

A la mort de Viateur, évêque d'Evreux, Laudulfe fut élu pour lui succéder. Il redoubla alors de prières pour obtenir de découvrir les restes de son saint prédécesseur. Un jour ga'il répétait ses instances, il vit une colonne de lumière, brillante comme le soleil, s'échapper du sol et monter vers le ciel àà une prodigieuse hauteur. Onn creusa à cet endroit et l'on trouva un sarcophage sur lequel se trouvait gravée une inscription. latine disant : « Ici repose. le bienheureux Taurin, premier évêque d'Evreux- I»

Laudulfe, tout heureux de sa découverte, fit construire sur le tombeauu une chapelle, quii fut remplacée plus tard par une grande

église. A partir de ce jour, Laudulfe marcha avec une nouvelle ardeur dans le chemin de la sainteté, imitant fidèlement les vertus épiscopales de saint Taurin, jusqu'au jour où Dieu l'appela à le rejoindre au, ciel (vers 6ao).

Translations des reliques.Deux siècles plus tard, un autre évêque d'Evreux, Guntbert, réussissait à soustraire les reliques de

saint Taurin aux ravages des normands qui, bien avant Rollon, avaient commencé à désoler la région de la Neustrie où ils. allaient se fixer pour toujours ; les restes du premier évêque d'Evreux furent cachés, partie dans le cimetière de l'abbaye de Saint Taurin, à Evreux, ondée vers fige, partie dans l'église de Saint-Pierre, au bourg de Lezoux, quelquesunes auraient été aussi mises en sûreté à Fécamp et à Chartres et jusque dans le Massif Central ; sis l'onn s'étonne de les voir si éloignées,

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que l'on se rappelle le corps de saint Philibert de Noirmoutier, porté jusqu'à Tournus et, celui de saint Martin de Tours,

à Autun.Mais, en grz, les Normands s'étaient convertis. A la faveur de la paix qui suivit cet heureux

événement, les habitants d'Evreux voirlurent rentrer en possession du corps entier de leur patron : trois

jeunes clercs allèrent, vers gi4, comme cela se fit alors pour d'autres reliques, enlever secrètement les restes de saint Taurin, au moins ceux qui reposaient dans l'église de Lezoux ; mais, au retour, ils furent retenus trois jours au bourg de Gigny sans pouvoir s'en éloigner. Gigny possédait alors une abbaye placée sous le vocable de saint Pierre, et dont l'Abbé n'était, autre que le bienheureux Bernon, le fondateur de l'abbaye de Cluny. C'est à lui qu'ils abandonnèrent le fruit de leur larcin, se résignant à rentrer à Evreux avec les mains vides.

A une époque assez difficile à préciser, une ou plusieurs reliques importantes semblent avoir été apportées à l'abbaye de Fécamp ; saint Taurin y avait un autel près duquel plusieurs Abbés tinrent à être inhumés- Le culte du Saint dans les diocèses de Rouen et de Bayeux est attesté par les anciens Bréviaires.

Sur ces entrefaites, en 1158, l'abbaye de Gigny ayant été détruite par un incendie, les reliques de saint Taurin qui, s'y trouvaient furent, transférées à Cluny, distant d'environ seize lieues. Des miracles marquèrent leur passage. Les moines de Cluny honorèrent l'évêque d'Evrcux d'un culte spécial, et l'un des premiers Bollandistes, le P. Papebrock, revenant de Borne en Belgique en r66r, déclare avoir vénéré dans le célèbre monastère une relique consi dérable de saint Taurin. Il semble qu'un partage ait eu lieu, une partie faisant retour à Evreux, tandis que l'autre revenait à Gigny, où. elle demeura jusqu'aux jours néfastes de la Révolution.

Durant la nuit du 23 fructidor de l'an 17g4, les reliques de Gigny tombèrent entre des mains sacrilèges ; cettee fois encore on parvint à les sauver, au moins en partie, de la destruction. La tour-mente passée, Evreux a pu rentrer en leur possession. Elles y sont

88ri AOUTconservées dans une châsse splendide, un des plus beaux monuments de l'orfèvrerie médiévale.L'ancien Martyrologe franc-comtois, en usage dans les diocèses de Besançon et de Saint-Claude,

prévoyait pour Gigny la fête de saint Taurin le 5 septembre. Depuis la revision récente des Propres diocésains, cette fête a été conservée dans le seul diocèse de SaintClaude ; en revanche, elle figure aux Propres de Chartres, Séez et Coutances. Au diocèse d'Evreux, elle est célébrée sous le rite de première classe.

Dans ce même diocèse, saint Taurin est le patron d'une paroisse de la cité épiscopale, ainsi que des paroisses de Gisay, Hécourt et Thiberville. MAXIME VIALLET.

Sources consultées. - Acta Sanclorum, t. Il d'août (Paris et licous, 1867). -Dom BAUnoT, Dictionnaire d'hagiographie (Paris, 1925). - Mgr GAuanoN, Notre diocèse

(l'svreax„193x). - (V. S. B. P., n' Goo.)PAROLES DES SAINTS

Toujours en avant.Celui qui n'avance pas s'arrête ; celui qui revient d'où il s'était déjà éloigné recule ; celui qui

apostasie sort du chemin. Le boiteux va mieux dans la voie que le coureur hors la voie.Pour posséder Jésus-Christ.Quiconque sait parfaitement quelle est la douceur de la vie céleste quitte volontiers tout ce qu'il

avait aimé des choses de la terre. Tout lui semble vil en comparaison ; cette vaine apparence des biens terrestres qui lui plaisait auparavant lui paraît difforme, parce qu'il n'y a plus que cette belle perle qui remplit son esprit de sa brillante clarté.

Saint GnscotnE I°r LE GnAND,(ilom€lies sur les Evengiles, xi.)L'Ecriture sainte.

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Si vous voulez éprouver combien la lecture de l'Écriture Sainte est utile, examinez-vous vous-même. Voyez dans quelle disposition vous êtes lorsque vous écoutez des psaumes ou lorsque vous entendez des chansons profanes : vous serez surpris de voir combien votre âme est différente d'elle-même dans ces circonstances. Saint Paul disait : e Les mauvais entretiens corrompent les bonnes moeurs. n Nous avons continuellement besoin des cantiques du Saint-Esprit. Chanter les louanges de Dieu est le plus beau privilège de l'homme : c'est la nourriture de l'âme, c'est son ornement, c'est sa sécurité.

Saint JEAN CunvsosTOME.(Commentaire sur saint Afallhieu.)L'Oraison dominicale.Celui que vous devez prier vous donne lui-même la formule de votre supplique. Le roi, afin de

vous témoigner son amour, a bien voulu faire l'office d'avocat pour vous dicter la demande qu'il devait exaucer.

Saint PIERRE CinsysoLOGUE.(Sermon 7.)SAINT EUPLEDiacre et martyr à Catane (t 304).Fête le ra août.OMPATBTOTE de sainte Agathe, la martyre de Catane (t 251) ;contemporain de sainte Lucie, la martyre de Syracuse (t 3o4),saint Euple, encore appelé du nom latin Euplius ou Euplus, nous est présenté en ces termes par le

Martyrologe romain a A Catane, en Sicile, la naissance au ciel de saint Euple, diacre ; sous les augustes Dioclétien et Maximien, il souffrit une longue torture pour la confession du nom du Seigneur, eut enfin la fête tranchée et _eçut la palme du martyre. st

La conservation des Saints Livres chez les chrétiens.Les « traditeurs ».

Un des traits caractéristiques de la vie chrétienne aux premiers siècles de l'Eglise est le culte et l'étude des Saintes Ecritures.

Les transcriptions des Livres Sacrés étaient rares ; les commentaires qu'en faisaient les théologiens et les Pères de l'Eglise restaient nécessairement manuscrits. Aussi les prêtres et les diacres, dont la fonction principale était de faire connaître et d'expliquer les textes évangéliques, entouraient-ils les Livres Saints de soins et de précautions.

Un des grands soucis des persécuteurs dans les mesures prises pour détruire le christianisme fut donc de s'emparer de ces livres et de les détruire ; de là les édits sommant les chrétiens, sous peine de mort, de livrer, avec les vases sacrés et ornements qui servaient au culte, les livres des Evangiles.

Or, durant la persécution de Dioclétien, un assez grand nombre de chrétiens avaient livré les écrits sacrés aux païens pour échapper

Saint AUGUSTIN.

go 12 AOUTà la mort : ils sont connus sous le nom de traditeurs. Après la per; séeution, un grand nombre

d'évêques, surtout en Numidie, refusèrent d'avoir aucun rapport avec ces traîtres. Donat, évêque de

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Casas Nigrae ou les Cases-Noires, en Numidie, était à leur tête; c'est ce qui leur lit donner le nom de donatistes. Le Concile d'Arles, tenu en 3s(t, tout de suite après la paix constantinienne, décida que tous ceux qui étaient réellement coupables d'avoir livré aux persécuteurs des livres ou des vases sacrés seraient dégradés de leur ordre et déposés ; mais il fallait qu'ils en fussent convaincus par des actes publics.

Le diacre saint Euple offre précisément dans son martyre cette par-. ticularité intéressante, qu'il fut mis à mort pour avoir refusé de livrer les Saintes Ecritures.

En vertu de sa promotion au diaconat, il avait, en effet, parmi ses attributions, la charge de veiller à la conservation des objets liturgiques, des livres servant à l'instruction religieuse des chrétiens ou des catéchumènes.

Dioclétien célèbre ses vicennales. - Amnistie générale.Après la proclamation du premier édit de persécution, qui fit beaucoup de victimes, Dioclétien se

disposa à célébrer ses vicennales ou vingt années de règne (3o3).L'accompagnement obligé d'une pareille solennité était une amnistie générale. L'empereur

accorda ce bienfait à ses peuples. C'est alors que, en même temps que les criminels de droit commun, d'innombrables chrétiens furent remis en liberté.

Mit-on à leur grâce la condition déshonorante d'une apostasie P Ce n'est pas probable. Du reste, une telle condition eût été superflue et elle n'eût pas été acceptée, puisque déjà tous les chrétiens emprisonnés avaient été mis en demeure de sacrifier, et que tous ceux qui consentaient à le faire étaient, de droit, renvoyés libres. De plus, l'intérêt de l'Etat était de se débarrasser des chrétiens qui dans les prisons tenaient la place des malfaiteurs, au détriment de la Justice régulière et du budget.

Reprise de la persécution. - Assemblées chrétiennes interdites.Cependant, l'amnistie proclamée au moment des vicennales n'avait pas garanti les chrétiens de

nouvelles poursuites. Elle n'avait entraîné l'abrogation d'aucun des édits récemment rendus. Sous l'impulsion des deux princes fanatiques Max.imien et Galère, devenus maîtres de l'empire depuis que Dioclélien était tombé malade, ces édits allaient être appliqués avec un redoublement de rigueur dans les premiers mois de 3o4.

Un des articles de l'édit de 3o3 ordonnait aux prêtres et aux fidèles de livrer les Saintes Ecritures et les livres de prière; il interdisait aussi lm assemblées chrétiennes, qui durent être interrompues presque partout. Quelquefois, cependant, des fidèles plus zélés ou plus audacieux parvenaient à se réunir les jours de fête et à célébrer

SAINT EUPLE 91ensemble les, saints mystères. Mais il leur fallait user de, subterfuges et se dissimuler pour n'être

pas découverts.

Zèle du diacre saint Euple.Cbst à cette époque (le trouble et de persécution que le diacre Euple exerçait sa charge dans

l'Eglise de Catane. C'était un homme rempli de zèle et de crainte de Dieu. Pour appartenir plus complètement au Seigneur, il avait, autant qu'on en peut juger, fait profession d'une entière pauvreté, puisqu'il déclara au juge n'avoir pas de maison.

En dehors des cérémonies sacrées où il' assistait l'évêque de Catane, il s'employait avec un grand zèle à l'instruction des catéchumènes, dont le nombre ne diminuait pas malgré les menaces des persécuteurs.

Hors de l'Eglise„ il remplissait avec soin différents, exercices de charité, comme la visite des malades, la répartition des aumônes entre les pauvres, l'assistance et le soutien des confesseurs de la foi dans les prisons. Il réalisait vraiment dans sa personne ce que les Constitutions apostoliques disent dess diacres„ qui doivent être a les oreilles, les yeux, la bouche et le coeur de l'évêque. »

Saint Eupl'e est arrêté durant une réunion chrétienne.Euple fut surpris, disent les Actes de son martyre, par ceux qui cherchaient les chrétiens, au

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moment où il lisait l'Evangile au peuple et instruisait les fidèles. A ce moment, en effet, la loi ne punissait pas la profession de christianisme, mais seulement les faits extérieurs qui la manifestaient, comme l'assistance aux réunions ou la possession (le Livres Sacrés. Les magistrats et les fonctionnaires impériaux avaient reçu des ordres rigoureux et veillaient à ne pas laisser échapper les organisateurs des réunions chrétiennes, ainsi que les détenteurs des Saintes Ecritures et des livres de liturgie.

Le saint jeune homme fut donc arrêté et amené devant le tribunal de Calvisien, gouverneur de la Sicile, le 2q avril de l'an 3o(t. Malgré la défense formelle qu'on lui fit de conserver le livre des Ecritures qu'il portait sur lui, Euple ne voulut pas se dessaisir de son pieux dépôt.

Le jeune diacre publie l'Evangile.Quand il fut arrivé dans l'antichambre du palais où l'on rendait la justice, il se mit à crier à haute

voix :- Je suis chrétien, je veux mourir pour le nomm du Christ.Et comme la pièce dans laquelle il se trouvait n'était séparée de la salle où se tenait le gouverneur

que par unn rideau, celui-ci entendit parfaitement cette déclaration. Il ordonna alors de le faire entrer.

Euple fut introduit aussitôt en présence du magistrat ; il portait ostensiblement le livre des Evangilcs. Un des amis du gouverneur,

UN SAINT POUR CHAQUE JOUR DU MOIS, 2' SCRIE (AOUT) ;92 12 AOUTnommé Maxime, sénateur romain, qui se trouvait là par hasard, fil cette réflexion :- Le livre que cet homme tient à la main est un outrage aux décrets des empereurs.- Où as-tu pris ce livre P lui demanda Calvisien. Vient-il de ta maison P- Je n'ai pas de maison ; Jésus-Christ, mon Maître, en est témoin.Le gouverneur insista alors- Est-ce toi qui as apporté ce livre ici P- Oui, c'est moi, tu le vois bien ; je l'avais en main quand on m'a arrêté.- Voyons, lis-moi quelques passages de ton livre.Euple l'ouvrit et lut les titres des quatre Evangiles, et ensuite quelques passages des plus saillants.« Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est

à eux. » Puis dans un autre endroit : « Que celui qui veut venir après moi prenne sa croix et me suive. »

Calvisien lui demanda ce que tout cela voulait dire, et Euple répondit :- C'est la loi de mon Maître, telle qu'elle m'a été donnée.- Donnée par qui P demanda le gouverneur.- Par Jésus-Christ, le Fils du Dieu vivant, répondit le diacre.Une telle déclaration suffisait pour renseigner le magistrat sur la religion qu'Euple professait.

Calvisien renonça à prolonger l'interrogatoire, et décida que ses paroles dûment enregistrées par un secrétaire, seraient lues en public. En attendant, il fit emprisonner le diacre jusqu'à une nouvelle audience.

« Plutôt mourir que d'être traditeur. »Cette audience fut différée jusqu'au ra août ; par conséquent, l'accusé resta trois mois et demi en

prison. La raison de ce retard doit être recherchée soit dans la lenteur de la justice romaine, soit dans le désir du gouverneur de lasser la constance du martyr.

Au jour fixé par le gouverneur, Euple fut donc ramené devant le tribunal de Calvisien:Celui-ci lui demanda s'il persistait dans la confession qu'il avait faite précédemment.Le diacre, traçant sur sa personne un grand signe de croix, déclara qu'il n'avait pas changé d'avis.- Ce que ,j'ai confessé, dit-il, je le confesse encore ; je suis chrétien et je lis les divines Ecritures.- Pourquoi as-tu gardé ces livres P lui demanda le juge, et pourquoi ne les as-tu pas remis aux

autorités P Les empereurs l'avaient pourtant ordonné.

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- Parce que je suis chrétien, répondit Euple, et qu'il ne m'était pas permis d'être traditeur. Plutôt mourir que d'être traditeur. La

vie éternelle s'obtient par la mort ; an contraire, le traditeur perdla vie éternelle. C'est pour ne pas la perdre que je donne ma vie. Calvisien l'interrompit et

prononça d'une voix sévère :- Euple, contre l'édit de nos princes, n'a pas livré les Ecritures,

Saint Eupte marchant au supplice chante les louanges du Seigneur.

mais il les a lues au peuple ; que le bourreau le mettre à la torture.Cet ordre fut aussitôt exécuté. Pendant le supplice, le saint diacre priait avec ferveur :- Je vous rends grâces, ô Christ I Défendez-moi. C'est pour vous que je souffre ces tourments.SAINT EUPLE9394SAINT EUPLE9,5Il arrive .assez fréquemment que, dans le récit de la passion des martyrs, le narrateur primitif,

animé par sir pieux dessein d'édification, mette sur les lèvres de aces héros, ana moment même où ils endurent les tourments les plus affreux, ,de longs -discours pleins de théologie, ou une fervente prière aux périodes cadencées comme serait une Collecte empruntée au Missel. Ici, au contraire, -ce sont des phrases brèves, saccadées, qui gardent une parfaite vraisemblance,, et le lecteur ne peut se défendre contre l'émotion, pour peu qu'il y réfléchisse. L'on sent qu'Euple, en proie à une vive souffrance, comprime les gémissements qui vont lui échapper afin de confesser encore et toujours le nom de son It-Iaître, Jésus, pour qui il va mourir,.

Comme Calvisien l'exhortait à adorer les dieux pour se délivrer„ il répondit :- J'adore le Christ. J'ai les démons en horreur. Achève ce que tu veux faire. Je suis chrétien. Il Iy

a longtemps que j'anshitionne ce bonheur Encore une fois, achève ce que tu veux faire. Ajoute de nouvelles tortures : je suis chrétien.

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Cruels tourments.Les tourments continuèrent ainsi pendant longtemps. Le juge, admirant son énergie à tout

supporter sans se plaindre, lui dit- Malheureux I adore nos divinités l rends tes hommages à Mars, à Apollon et à Esculape.- Non, répondit Euple, j'adore le Père, le Fils et le Saint-Esprit. J'adore la Sainte Trinité, hors de

laquelle il n'y a point de Dieu. Que les dieux qui n'ont point fait le ciel et la terre périssent. Je suis .chrétien.

Calvisien le fit alors tourmenter de nouveau et plus cruellement qu'auparavant. Pour ne point faiblir, le martyr priait en ces termes :

- Je vous rends grâces, Seigneur Jésus 1 Secourez-moi. C'est pour vous que je souffre ces tourments.

Il répéta plusieurs fous la même chose, jusqu'à ce que, les forces lui manquant, on lui vit seulement remuer les lèvres, sans pouvoir entendre ce qu'il disait.

Condamné à mort. - Bonheur du lévite.Enfin, après avoir souffert beaucoup de tourments, il remporta la palme du martyre et la

couronne de la vraie foi. Calvisien, en effet, ayant quitté l'audience pour entrer au Parquet, y dicta la sentence que le greffier, selon la coutume, transcrivit sur des tablettes.

Elle était conçue dans les termes suivants :a Le chrétien Euple a méprisé les édits des princes, il a blasphémé nos dieux et il refuse de se

repentir ; j'ordonne qu'il ait la tête tranchée par le glaive. Emmenez-le, aOn lui attacha au cou son livre des Evangiles, comme un objet de honte,. Un héraut le précédait

en criant t - Voilà Euple, chrétien et ennemi des dieux et des empereurs.. Le jeune diacre, dont les voeux étaient comblés, répétait sans cesse- Béni soit Jésus-Christ, mon Dieu 1La grâce dont Notre-Seigneur remplissait son coeur le faisait aller au supplice avec tant de

promptitude, malgré les souffrances qu'il avait endurées sur le chevalet, que le peuple nombreux qui le suivait lie pouvait s'empêcher d'admirer son courage.

Pour lui, il rendait grâce à la bonté divine et priait pour les chrétiens qui le suivaient, mêlés aux païens, et qui se recommandaient à ses prières.

Saint Euple édifie les assistants. -. Sa mort courageuse.Le martyr arriva bientôt au lieu de l'exécution, car il redoublait ses pas à mesure qu'il approchait

de la couronne. Quand il y fut arrivé, il fit à genoux une assez longue prière. Puis, étendant les mains vers le ciel :

- Je vous rends grâces, Seigneur Jésus, dit-il, de ce que votre puissance m'a soutenu ; vous n'avez pas laissé périr mon âme avec les impies, et vous m'avez donné la grâce de confesser votre nom. Confirmez à cette heure ce que vous-même avez opéré en moi, et que l'audace de votre ennemi soit confondue 1

Puis, tournant ses regards vers les fidèles qui l'accompagnaient, il ajouta :- Frères bien-aimés, écoutez mes dernières paroles ; priez Dieu et craignez-le de tout votre coeur,

car au moment de la mort il se souvient de ceux qui le craignent ; et, quand ils seront sortis de ce monde, les anges viendront au-devant d'eux et les conduiront dans la cité du Seigneur, à la sainte Jérusalem.

En achevant ces paroles, Euple se mit à genoux et présenta sa tête au bourreau, qui l'abattit d'un seul coup.

.C'est ainsi qu'il reçutt la couronne éternelle, récompense de sa foi.

Culte du jeune diacre.Son corps fut enlevé par les chrétiens, embaumé et mis en terre. On assure qu'il se faisait

beaucoup de miracles à son tombeau. Du reste, on peut juger, dit Tillemont, a de la vénération que l'Eglise a eue pour saint Euplius, par le soin qu'on a pris de conserver sa mémoire. En effet, nous

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avons encore aujourd'hui ses Actes de trois éditions, partie en grec, partie en latin, qui, bien que différentes en quelques points, peuvent passer toutes trois pour bonnes et même pour originales s.

L'Eglise grecque, qui le compte parmi ses grands martyrs, lui a consacré pour son principal office la date du il août ; l'Eglise latine célèbre sa fête le 12 aofit, jour de sa mort.

Le Pape saint Théodore 1" (642-big) fit construire un oratoire en son honneur à Rome, sur la voie d'Ostie, près de la basilique de Saint-Paul ; le Pape Adrien le'' (772-795) le fit restaurer, mais il n'en reste plusaucun vestige de nos jours.

La ville de Lucques, en Toscane, vénérait autrefois saint Euple9612 AOUTcomme l'un de ses patrons et avait, près de ses faubourgs, une église très ancienne élevée en son

honneur.Déjà, au temps de saint Grégoire le Grand (t 6o4), des reliques de saint Euple avaient été

apportées à Rome.On dit que vers la même époque, un sous-diacre de l'église de Messine en avait aussi obtenu et

qu'il avait fait consacrer sous le nom de saint Euple une église qu'il avait bâtie et dotée de ses biens.

DEMts IIUTTE.Sources consultées. - Acta Sanctorum, t. Il d'août (Paris et Rome, 1867). - Les Actes des martyrs

publiés par les Pères Bénédictins, t. IV (Paris, '863). - TILLanonT, Mémoires pour servir à L'histoire ecclésiastique, t. V (Paris, 1658). - PAU'.

ALLARD, Histoire des persécutions: La persécution de Dioclélien, t. Ier (Paris). -(V. S. 13. P., O' 1728)...................

PAROLES DES SAINTS

Effets du baptême.Après avoir reçu le saint baptême, je suis devenu un homme tout nonveau. Le Saint-Esprit a

ouvert mes yeux, éclairé mes doutes et dissipé mes ténèbres. La mort de nos crimes nous a donné la vie de la grâce que nous devons attribuer à la miséricorde de Dieu qui nous a donné la renaissance et tous les dons, toutes les vertus, toutes les forces que nous avons le bonheur de posséder. C'est lui qui nous fait vivre en nous animant, en nous don nant une nouvelle vigueur et en nous faisant pressentir la véritable félicité,

Celui qui est baptisé est fort et puissant, parce qu'il est non seulement affranchi de tout ce qui le tenait attaché au monde, et à couvert des efforts de l'ennemi par la grâce qu'il a reçue; mais sa vigueur et ses forces se sont si considérablement augmentées, qu'il peut commander avec empire à toute l'armée des démons.

Saint CvpnsEn.(Lettre à Donat.) La porte du ciel.Le chemin qui conduit au royaume éternel est étroit. Par conséquent, quiconque sera enflé

d'honneu" et rempli des biens de la terre, comme une bête chargée de bagages, n'y pourra entrer. Car la porte du ciel est aussi étroite à l'égard d'un homme riche que le trou d'une aiguille l'est à l'égard d'un chameau.

Saint MAxm'E,(Sermon sur saint Michel.)La paix de la conscience.Le méchant ne peutt avoir un jour de repos parce que jamais sa conscience n'est en paix. Mais

celui qui a une bonne conscience est tranquille, et cette tranquillité est le jour du repos du cour qui bannit le trouble des mauvaises pensées, des fantômes de l'imagination, des soins de la terre, de l'embarras des affaires, et de tout ce qui peut affliger une bonne âme.

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SAINT BOreAVENTUBE.(Sermon Il pour le dimanche dans t'octave de l'Epiphanie.)SAINT JEAN BERCHMANSScolastique de la Compagnie de Jésus (1599-1621).Fête le 13 août.LE premier et meilleur biographe de ce jeune religieux, remar-e quable par son innocence et sa

fidélité aux règles de son Institut, fut le P. Virgile Cépari, son dernier supérieur et le témoin de sa mort, à qui l'on doit aussi la biographie de saint Louis

de Gonzague. Dans cette courte existence de 22 ans, pas d'extases, de miracles, d'actions d'éclat ou de travaux apostoliques merveilleux on n'y trouve que les humbles et modestes devoirs d'un enfant, d'un novice et d'un étudiant. Mais Jean Berchmans a toujours accompli ces actions communes d'une manière non commune, avec toute la perfection chrétienne. Il est le modèle de tous dans l'accomplissement surnaturel, intégral et continu, du devoir d'état de chacun.

Famille et enfance de saint Jean Berchmans.Jean Berchmans naquit, le samedi 13 mars i5gg, à Diest, petite cité du Brabant belge, située sur

la Demer, à cinq lieues de Louvain. Sa famille était très honorable et profondément chrétienne, mais assez peu fortunée. Le père était maître corroyeur ; après la mort de sa femme, il entra dans les ordres et mourut chanoine d.: l'église Saint-Sulpice, dont il avait d'abord été marguillier. Jean fut l'aîné de cinq enfants dont trois allaient se consacrer à Dieu dans la vie religieuse, à l'imitation de plusieurs de leurs tantes.

Les grâces les plus abondantes entrèrent par le baptême dans l'âme de cet enfant aimable, dont les vertus, l'intelligence, la maturité de pensée, furent véritablement précoces. Ni les maladies ni les contrariétés ne provoquaient chez lui des gestes ou des cris d'impatience ; il n'était ni querelleur ni disputeur, mais paisible et gracieux. Sa mère, femme d'une patience héroïque dans les infirmités, demandait

9813 AOITSAINT JEAN nERCrulANs99souvent à Dieu que son premier-né ne perdît jamais l'innocence baptismale. Elle lui apprit à faire

toujours la volonté de Dieu et lui inspira une horreur extrême de tout ce qui déplaisait à Jésus, L'avenir montrera combien l'enfant sut profiter des exemples et des leçons de vie chrétienne que lui ont données ses pieux parents.

Lorsque, à l'âgé de 7 ans, il revenait de l'école et qu'il rie trouvait point ouverte la porte de la maison, il allait dans l'église voisine réciter son chapelet au pied de l'image de Notre-Dame. Souvent, au plus fort de l'hiver, il se levait furtivement, sans attendre qu'on vint pour l'éveiller ; et comme un jour on lui demandait la raison de ces disparitions, il répondit :

- Pardonnez-moi, j'aurais peut-être dû vous prévenir ; désirant m'instruire, je vais demander à Dieu la bénédiction de mon travail, en servant deux ou trois messes avant la classe,

A la grâce naturelle que répand l'innocence sur le visage d'un enfant, s'ajoutait sur celui de Jean un charme tout divin que lui donnait la piété. Les mères du voisinage ne cachaient point l'envie qu'elles portaient à sa mère ; on se disputait le bonheur de posséder et de fêter celui qu'on appelait « l'ange de Diest ».

A l'âge de io ans, Jean Berchmans étudia le latin au collège communal de sa ville natale, qui était 70

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dirigé par un prêtre instruit. Comme il avait la pensée de se consacrer au service de Dieu, il désirait habiter, avec d'autres aspirants au sacerdoce, la maison du curé de la paroisse Notre-Dame.

Cette faveur lui fut accordée l'année suivante par son père, comme récompense de son travail et de sa conduite. Avec l'habit ecclésiastique, il porta une petite tonsure. On remarqua, dès les premiers jours, son tendre amour pour la Sainte Vierge, qu'il amait comme sa mère, et en l'honneur de qui il s'imposait de petites, mais de fréquentes mortifications. Dans sa onzième année, il eut la joie, si longtemps attendue, de faire sa première Communion. Il garda ensuite l'habitude de se confesser chaque semaine et de communier deux fois le mois et à toutes les fêtes.

Vertus extraordinaires. - Voeu de virginité.

Les maîtres de l'ange de Diest rendentt de lui les plus beaux témoignages. Dès qu'il porta l'habit ecclésiastique, il se considéra comme clerc. Afin de protester avec plus d'énergie contre les moque-ries des hérétiques, et pour donner en quelque sorte en sa personne un triomphe à l'Eglise catholique, il mettait sa tonsure en évidence et la faisait bien raser. Sa gravité avait quelque chose de la maturité des vieillards ; il était patient, réservé, appliqué à la prière, à l'étude, dévoué au prochain et d'un caractère fort agréable.

Jean perchmans aimait à méditer la Passion du Sauveur, et chaque vendredi il faisait nu-pieds l'exercice du chemin de la croix, Avant, de communier, il se confessait et implorait le pardon de ceux qu'il croyait avoir offensés. Et pourtant, jamais il ne blessa personne. Tel était son amour de la paix qu'il s'éloignait des groupes ou s'élevait

une discussion, Sa piété, ses vertus, son air toujours riant, ses paroles amicales, son empressement à rendre gaiement de petits services, lui avaient gagné le respect et l'affection de ses condisciples sur qui il exerçait une grande influence, Il pratiquait l'abstinence à un degré extraordinaire pour son âge, ne se préoccupait guère du manger et du boire, même à table. Ses camarades disaient qu'à l'heure des repas l'esprit, de Berchmans s'en allait en pèlerinage.

L'amour de la Vierge immaculée était, sans aucun doute, un des grands soutiens de la vertu de l'enfant, et le sanctuaire de NotreDaine de Montaigu, situé à une lieue de Diest, était le foyer où cette flamme trouvait son aliment.

Tout petit, il visitait souvent ce sanctuaire, et il faisait le trajet à pied et à jeun. Sa vie durant, il conserva le souvenir de la Madone vénérée, et plus tard, à Rome, on le surprendra chaque soir, le front incliné vers cette église, d'où son coeur n'avait pu se séparer.

Jean savait que l'innocence donne des droits à la tendresse privi-. légiée de Marie, et que le sûr moyen de lui plaire est de garder, dans toute sa fraîcheur le lys odorant de la pureté, Afin de lui donner un gage de son amour, il lit, peut-être au sanctuaire de Montaigu, aux pieds de la Reine des vierges, le vou de virginité,

Au Petit Séminaire et chez les Jésuites de Malines.Ne pouvant plus continuer à subvenir aux frais de son éducation au pensionnat Notre-Dame, les

parents de Jean Berchmans durent, à leur grand regret, l'en retirer après trois ans d'études. L'enfant supplia son père de le laisser continuer ses classes, car il désirait devenir prêtre. La Providence n'abandonnerait pas sa famille, cruellement éprouvée par les douloureuses infirmités de la mère. En effet, le curé du Béguinage de Diest prit Jean à son service, se chargeant de son entretien et de son éducation, Peu de temps après, en r6I3, us chanoine de Malines, grand-chantre à la cathédrale Saint-Romhaud, acceptait comme domestique le pieux adolescent, et, se faisait son protecteur. Jean ne cessa de témoigner par ses attentions délicates, ses soins empressés, son obéissance prompte et joyeuse et son respect, la gratitude et l'affection que son cœu' nourrissait à l'égard de son bienfaiteur, vite conquis, d'ailleurs, par les qualités ett les vertus de ce jeune serviteur si aimable et si dévoué. Ce der nier fut accueilli en même temps comme élève au Petit Séminaire de Malines. Mais à cause des occupations journalières, multiples et astreignantes, que lui imposait le service du chanoine, il ne pouvait assister à toutes les classes. Il employait dès lors tous ses moments libres et une bonne partie de ses nuits à la prière et à l'étude : Dieu récompensa par le succès le travail du pieux Séminariste.

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Contre la volonté de tous ceux dont il était l'obligé, mais polir obéir à l'impulsion divine, Jean Berchmans alla achever, en 1615, ses humanités au collège que les Pères Jésuites venaient d'établir à Malines. Il se montra tel qu'il avait toujours été : ardent an travail (il tenait la tête de la classe de rhétorique), angee do piété, d'une

100 13 AOUTSAINT JEAN EERCUMANS101humeur toujours égale et souriante, charitable et patient envers ses condisciples. Vite admis dans

la Congrégation de la Sainte-Vierge établie au collège, il ne se contenta pas des pratiques ou des prières imposées par le règlement ; par ses conseils, ses exemples, par de pieuses industries, il propage la dévotion envers Marie, la fait davantage aimer par les nouveaux congréganistes qu'il recrute.

La vocation religieuse. - Un novice exemplaire.Au collège, Jean eut l'occasion de lire les lettres de saint Jérôme et la vie de saint Louis de

Gonzague, mort en 1591. Le premier de ces livres le détermina à quitter entièrement le monde, le second lui fit particulièrement aimer la Compagnie de Jésus et mit en son cceur le désir de lui appartenir. Le jeune homme ne se décida pas cependant sans avoir consulté, longuement prié, recouru à Marie. Une fois convaincu que Dieu l'appelait à l'état religieux, il écrivit à ses parents en vue d'obtenir leur consentement. Malgré la piété et l'esprit chrétien de sa famille, Jean y rencontra des résistances. Le père, considérant avant tout la pauvreté qui régnait au foyer, aurait voulu que son fils aîné entrât dans le clergé séculier afin de pouvoir ensuite faire honneur aux siens et leur venir en aide. Il essaya, inutilement d'ailleurs, d'ébranler et d'arrêter la vocation de son enfant. Jean, après avoir fait ses adieux à ses parents attristés, suivit l'appel divin. Il entra, le 9,4 septembre x616, au noviciat des Jésuites, à Malines.

Plus de soixante-dix novices s'y trouvaient réunis pour se former à la vie religieuse. Mais aucun ne parut égaler Jean Berchmans, qui se montrait exemplaire en tout ; « un ange dans un corps mortel », disent son maître de noviciat et ses compagnons. On admirait la sagesse et la maturité de ses paroles et de ses conseils : les censeurs les plus sévères ne trouvaient rien à reprendre dans sa conduite, qui suscitait non seulement l'admiration, mais l'affection. En lui rayonnaient, en effet, les qualités les plus aimables : simplicité, franchise, charité et gaieté. Pour ses frères en religion, Jean Berchmans était l'Ange de la maison, le Saint joyeux ou le Frère « Hilaire e, à cause de son innocence et de son heureux et agréable caractère.

Deux mois après son entrée au noviciat, il perdait sa mère. Ce deuil fit ressentir plus cruellement encore au foyer la douleur de l'absence du fils aîné. De nouveau, le père vint à Malines pour per-suader au novice de renoncer à sa vocation, afin de pouvoir assurer les intérêts matériels de sa famille. Le jeune homme demeura inébranlable, et ses réponses respiraient une telle sagesse surnaturelle qu'elles décidèrent son père à entrer lui-même dans les ordres.

Le pieux novice s'appliquait avec une ferveur persévérante à l'acquisition de toutes les vertus. Les offices les plus modestes, comme le soin des lampes, les habits usés, tout ce qui paraît de nature à entretenir l'humilité le séduisait et le charmait. Il appelait « sa robe nuptiale » une soutane tout usée, et ne manquait pas de féliciter ceux qui en portaient de semblables.

L'obéissance, après la charité et l'humilité, était sa vertu préféréeJamais on ne put le surprendre enfreignant un point même minime de la règle. Sa parfaite et

constante modestie des regards en toute occasion édifiait profondément. En soustrayant quelques bouchées chaque jour à son repas du matin, il parvint à se passer de déjeuner.

1• \\\:\\\\\)\~\\\\\\\\\\\\\ \\\\\'\;;,.• , l// i ++ k~.4 \C' IIIIII~~/ 'M'Jr~ • ~ ll~llill~tayoī„ī---' ,o I

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\%~\`~~\i1I \qp ~II~~I~ I IIG~III' IIpIIiIICI~~dI ty\\\\\\\~\!\\\L\1\\\\\\`\1\\\\h kkLL\\'Saint jean Berchmans embrasse l'infirmier qui lui annonce qu'il va mourir.Le Saint qu'il paraissait aimer le plus tendrement était son frère en religion, Louis de Gonzague,

mort en r591, c'est-à-dire seulement huit années avant la naissance de Jean. Il en connaissait la Vie par coeur et arrêtait fréquemment avec dévotion ses regards sur l'image de ce Saint fixée à son pupitre. Il le priait de tenir sa place devant le Saint Sacrement, quand il sortait de la chapelle. Aussi, l'un des Frères pouvait-il dire :

10213 AOUTSAINT JEAN narvCnnxxs ic,3- Je ne lis pas la Vie de Louis de Gonzague, je l'ai, touss les jours, vivant sous mes yeux.

Départ pour Rome. - L'étudiant du Collège romain..Le 25 septembre iGxS, Jean Berchmans fit sa profession perpétuelle, à Malines :- Réjouissez-vous, écrivait-il à son père, votre fils va mourir.. 0 douce mort. I. ô mortt qui n'est

pointt une mort, mais une vie très douce 1 qu'elle meure donc, mon. âme, de cette mort des justes 1

Le lendemain de ses voeux, il était envoyé au collègee d'Anvers:, afinn d'y suivre les cours de philosophie. Il n'y resta qu'un mois:, édifiantt tous les autres religieux par ses vertus. Le. 24 octobre suivant, il quittait la Belgique pour Borne, sans avoir revu ni son père, mort le r2 octobre précédent, ni les, membres de sa famille à laquelle il fit ses adieux par une lettre pleine d'affection et d'esprit surnaturel.. Le jeune profès partait avec l'espoir d'obtenir du Supérieur général de, la Compagnie la faveur d'êtree envoyé aux missions des Indes ou de Chine.

Accompagné par un autre scolastique, Jean Berchmans fit à, pied ce voyage de plus de trois cents lieues, s'arrêtant dans les maisons de son Ordre qui se trouvaient sur la route. Partout il laissa lee parfum d'une profonde édification.. Il resta deux jours à Lorette pour la fête de Noël, ett le 31 décembre 1618, il atteignit Rome. Le. P, Mufins Vitelleschi, cinquième successeur de saint Ignace de Loyola, le garda deux ou trois jours à la maisonn du Gesù, puis l'envoya au Collège romain pour y étudier la philosophie et les mathématiques.

On lui donna la chambre que saint. Louis de Gonzague avait habitée; bien vite tous remarquèrent que le nouveau venu était une copie aimable et gracieuse de ce Saint. A Rome, comme à Malines, Jean Berchmans- apparut, en effet, commee le modèle des étudiants et des jeunes religieux. Dans un petit écrit, il avait, à son intention, résumé les devoirs du religieux étudiant par- rapport au triple objet qui devaitt le préoccuper : Dieu, les études,, le prochain.

Le Collège romain comptait alors près de deux cents Pèress et Mères de toute nationalité, occupés aux travaux intellectuels. Le « petit Flamand qui avait l'air d'un ange a rivalisait avec les meilleurss d'entre par eux par son intelligence prompte et lucide, son solide jugement, son ardeur au travail, son application incessante à préserver son âme virginale des moindres fautes. et. des imperfeetiens coupables. Esprit méthodique, réfléchi, prévoyant, il était saintementt avare de son temps, le réglait et n'en perdait pas la moindre parcelle. Comme il étudiait avant tout. pour pouvoir mieux glorifier Dieu,, aider les âmes ett correspondre à. saa vocation particulière, il avait à coeur le succès de son travail, de ses examens, se montrant constant dans sess efforts. La piété présidait à ses études, dont Marie était, la patronne.. Un de ses condisciples avait bien, raison de dire : a Si les règles de saint Ignace concernant la formation du parfait

scolastique de la Compagnie avaient été perdues; duu vivant de Berchmans, il' eût suffi de considérer sa vie pour les reconstituer. »

Sa' vie, en effet, était Une prière ininterrompue et un. effort généreux pour accomplir, avec toute 73

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la perfection surnaturelle possible, chacun des devoirs du chrétien et du religieux, étudiant.A la fin de ses études philosophiques, Jean fut désigné pour soutenir la même année la thèse

publique sur l'ensemble de la philosophie- Son humilité s'eni alarma, mais après avoir prié et consulté son directeur, il se prépara à cette soutenance et subit l'épreuve ovale une aisance- agile et sûre, avec une, parfaite modestie.

Maladie et mort de saint Jean Berchmans.Ce jeune scolastique de 22 ans avait déjà rempli une longue car, rière, et son âme était mûre pour

le ciel. Au début du mois d'août ilrr, i.1 fui, sérieusement indisposé et quelques jours après il devait s'aliter à l'infirmerie. Une violente fièvre épuisait ses forces : il n'en avait pas moins le visage souriant: et accueillait avec douceur et reconnaissance' tous ceux qui le visitaient. On put- voir alors combien il était aimé et vénéré de tous ses confrères. Il fut unn malade obéissant, patient, attentif à ne pas incommoder les autres, aimerveillant. le médecin qui croyait voir et entendre en. lui saint Louis de Gonzague. Il était complètement abandonné•'i à la volonté divine, préférant néanmoins, mourir quee vivre. Lorsque le Frère infirmier luis~ annonça qu'on. allait lui apporter le saint Viatique, Jean, tout rayonnant, se souleva sur sa couche, enlaça vivementt le cou dru bort Frère et l'embrassa. avec tendresse. Aux sanglots de celui-ci, le moribond' mêlait ces douces paroles :

- Que. faites-vous, mon Frère, vous pleurez- P Réjouissez-vous avec moi de la bonnee nouvelle, car, en vérité, il: ne; peut m'arriver un plus grand. honlienrr.

Le Crucifix amoureusement collé sur les lèvres, il murmurait- O Jésus, mon, unique bien en ce monde, ne m'abandonnez pas.Quand on, apporta la sainte Hostie, le saint religieux, étendu sur uni matelas,_ à tente,, demande

pardon à touss les Frères présents'; ceux-ci fondaient en larmes.- Nous allons au ciel, nous allons au ciel I leur disait-il.Après l'Extrême-Onettien, il roulai embrasser chacun des religieux présents. Dominé par

l'attendrissement, le P. Grassi, son professeur, s'agenouilla au chevet du malade et le supplia, en pl'eu'rant lui aussi•, de, prier' peur luii au cielr.

- Oui, oui, répondit Jean, je prierai pour vous.Puis il' ajouta- Eh I donc, soyons un peu gais, mon Père IA chaque Frère qui venait lui faire les suprêmes adieux, Jean_ B'erolimans disait une douce

parole il recommandait la dévotion à l'immaculée Conception, fi fidélité ii la règle. R tenait sur son coeur son chapelet„ le livre des règles et le Crucifix. C'était sort trésor ; il voulait mourir en sa possession.

104 13 AOUTLe vendredi r3 août, vers 8 h. r/4, les yeux du mourant s'arrêtèrent sur L Crucifix pour ne plus

s'en détacher ; il disait et redisait sans cesse : Jases 1 Maria 1 Et c'est en murmurant ces noms bénis qu'il expira doucement, en l'année 1621, trente ans et quelques jours après son modèle et son émule, Louis de Gonzague.

La sépulture, le culte, la gloire.La mort de Jean Berchmans suscita des regrets unanimes. Au Collège romain, tant les

professeurs que les élèves furent d'accord pour faire l'éloge de la vertu du défunt et pour rendre à sa dépouille mortelle les honneurs et la vénération qu'on réserve aux corps des Saints. Il y eut affluence de visiteurs pendant tout le temps que le corps fut exposé. Malgré la surveillance, la dévotion indiscrète des fidèles s'empara comme de reliques de plusieurs objets qui se trouvaient sur le lit funèbre, Crucifix, chapelets, barrette ; on emporta même des morceaux des vêtements du mort, ainsi que du drap mortuaire. Un peintre fit le portrait du défunt. Le coeur fut mis à part et embaumé ; plus tard, un compatriote qui avait assisté Jean dans sa dernière maladie devait porter cette relique insigne en Belgique ; elle fut déposée au Collège des Jésuites, à Louvain, où elle se trouve encore. Après la construction de l'église Saint-Ignace, le corps de saint Jean Berchmans y fut placé sous l'autel latéral de gauche, en face de celui de saint Louis de Gonzague.

En Belgique, comme à Rome, la dévotion envers l'illustre enfant de Diest ne tarda pas à se manifester et à se répandre. Cependant, par suite de diverses circonstances, le procès de

74

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canonisation n'aboutit qu'après plus de deux siècles. Jean Berchmans fut béatifié par Pie IX, le 28 mai 1865, et canonisé par Léon XIII le 15 janvier 1888 avec les bienheureux Pierre Claver et Alphonse Rodriguez. Sa fête est fixée au 13 août. Toutefois, les diocèses de Malines, de Liège et de Bruges la font à la date du 26 novembre.

GUILLAUME BERNARD.Sources consultées. - Mgr PAuL GuéRIN, Les Petits Bollandistes, t. IX (Paris,. 18g7). - P.

LéoNMnn Cnos, S. J., Vie du bienheureux Jean Berchmans (Toulouse, 1870). - P. Il,rPOISre DessuAr8, S. J., Saint Jean Berchmans (Collection a Les

Sainte a, Paris, zpal). - (V. S. 13. P., n' 1,26)....................................PAROLES DES SAINTSHéritiers du Christ.En mourant, Jésus a fait son testament au profit de tous ; il nous a tous déclarés ses héritiers.(Sermon XIV sur le psaume 118.) SAINT AMBRonS.La prière.La prière, c'est un élan du coeur, c'est un simple regard jeté vers le ciel, c'est un cri de

reconnaissance et d'amour au milieu de l'épreuve comme au sein de la joie.Sainte Tuénàss De L'ENFANT-Jésus.SAINTE ATHANASI EVeuve et religieuse (IX° siècle).

Fête le r4 août.LE Martyrologe romain mentionne, à des dates différentes, au moins deux Saintes portant le nom

prédestiné et symbolique d'Athanasie (immortelle). Elles vécurent à plusieurs siècles de distance et leur destinée sur la terre fut loin de se ressembler. Celle que l'on fête le 14 août, -et dont la vie fut écrite par un chroniqueur anonyme du ix' siècle, mena une existence qui, sous plusieurs aspects, ressemble à celle de sainte Françoise Romaine qui mourut

en r44o.Une étoile miraculeuse.Athanasie naquit au commencement du 1x° siècle, en l'île d'Egine, dans le golfe du même nom

entre le Péloponèse et l'Attique, d'une famille grecque qui s'était gagné une honnête aisance par son travail et s'était attiré l'estime des habitants par ses vertus. Son père, qui était tisserand, se nommait Nicétas et sa mère Irène.

En les voyant faire le bien, l'enfant apprit à le pratiquer, et bientôt elle montra que ce n'était pas en vain que Dieu l'avait fait appeler Athanasie, puisqu'elle devait, par ses vertus, laisser ici-bas comme les justes u une mémoire éternelle, pendantt que son âme jouirait de l'immortalité bienheureuse du ciel D.

Elle apprit très jeune le psautier et ne tarda pas à puiser dans les Saintes Ecritures et la lecture de la Vie des Saints la force et les lumières nécessaires pour courir dans les voies de la perfection.

Dieu récompensa bientôt ses généreux efforts. Un jour qu'Atha, nasie, dans un esprit de pénitence et d'amour divin, aidait son père dans son travail, elle vit une étoile rayonnant de mille feux

so6 54 Aouxso.snrE ATIIANASIE

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507se détacher du ciel, venir jusqu'à sa poitrine et, après l'avoir enveloppée de ses rayons, la pénétrer

peu à peu. Mais cette divine lumière éclaira plus encore son âme que les yeux de son corps. L'enfant comprit dès lors le néant des délices de la terre, et, brûlant d'une sainte ardeur, elle résolut de se consacrer à Dieu et de mener la vie parfaite en se faisant religieuse.

La jeune veuve.Mais ses parents, aveuglés par Dun égoïsme commun à beaucoup de pères et de mères, crurent

qu'ils manqueraient :d'affection pour leur fille en lui permettant de suivre sa vocation. Un jeune sei-gneur du pays, maître d'une fortune considérable, captivé par les vertus et les charmes d'Athanasie, la demandait en mariage. Nicétas et Irène, éblouis ,par une telle proposition, forcèrent leur fille à accepter la main du riche prétendant. Elle se soumit non sans pleurer sur l'obligation où on la mettait de subir un genre d'existence contraire à l'état de virginité auquel elle était appelée.

Peu de temps après la célébration du mariage, les Maures abordèrent en l'île d'Egine. Les habitants s'opposèrent aux envahisseurs. Par un de ces jugements dont Dieu seul a le secret, le mari d'Athanasie périt dans une bataille, laissant sa veuve à la tête de toute sa fortune.

La jeune femme n'attendait que la fin de la guerre pour la sacrifier et s'enfermer dans un cloître, quand le Seigneur voulut, par une seconde épreuve, faire briller encore plus sa constance et son énergie.

Les combats contre les Maures avaient fait périr beaucoup d'hommes. Le pouvoir impérial prit, pour remédier à la situation, une décision injuste et tyrannique en prohibant le célibat et en obligeant toutes les jeunes filles et les jeunes veuves à se marier.

Second mariage. - Charité. - Double vocation.Athanasie, sur les instances de son père, dut ainsi contracter une nouvelle alliance qui augmenta

'encore sa :fortune.Mais les préoccupations du monde ne la détournaient pas du soin de son salut, Chaque jour elle

récitait tout le psautier et allait chercher dans les Saintes Lettres des enseignements et des exemples qui la soutenaient parmi les dangers de son état. Ifum'btement soumise à celui :que le ciel lui avait donné pour guide et pour chef, pelle s'efforçait, par son amour et sa mansuétude, de l'entraîner après elle vers Dieu.

Elle sut lui inspirer une .telle charité pour des pauvres quielde -obtint la permission de leur donner tout ce qu'elle voudrait ; et elle en usait si largement que ses immenses revenus lui suffisaient à peine.

Sa demeure était comme le grenier d'abondance de la contrée où tous venaient puiser dans leurs nécessités. Moines, pèlerins, voyageurs, orphelins, tous trouvaient place à sa table et ne sMoi-gnaient jamais sans avoir été comblés de ses bienfaits.

Mais son zèle et sa générosité éclatèrent surtout au milieu d'une famine qui vint fondre sur sa patrie. on la voyait partir dès le matin chargée de provisions pour aller sauver les malheureux qui périssaient sur les routes, tandis que son mari pourvoyait aux besoins de ceux qui se présentaient à la maison.

Miséricordieuse à l'image du Père céleste qui fait e lever son soleil sur les bons comme sur les méchants, et envoie sa pluie aux Saints comme aux pécheurs n, elle étendait ses bienfaits jusque sur les hérétiques manichéens qui remplissaient alors la Grèce. En même temps qu'elle nourrissait leurs corps, elle s'efforçait d'éclairer et de toucher leurs coeurs, et plus d'un malheureux qui ne lui demandait que le pain matériel recevait, en outre, le pain de la vérité bien plus nécessaire à l'homme. Poussée par cet amour des âmes, elle réunissait toutes ses voisines aux jours de fêtes, leur expliquait les mystères divins et « leur communiquait sans jalousie les lumières qu'elle avait reçues de Dieu ».

Comme ces vertus se développaient de plus en plus en elle et que son âme était devenue, dit l'historien grec, a telle qu'un parterre orné des fleurs les plus belles et les plus odoriférantes », son mari comprit toute la grandeur et la beauté des biens célestes ; Athanasie osa lui proposer de renoncer au monde avec elle et d'embrasser la vie religieuse. Il y consentit volontiers, et, laissant sa maison à sa femme qui voulait la changer en monastère de religieuses, il se retira dans un couvent

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de moines, où, après quelques années d'une vie sainte, il alla jouir au ciel des joies ineffables que lui avait préparées l'amour si vrai et si pur de son épouse.

Essais de vie religieuse.Athanasie, de son côté, ne songea plus qu'à se donner à Dieu elle répandit ses richesses entre les

mains des pauvres et reçut dans sa maison plusieurs femmes pieuses éprises d'une même ardeur pour la pénitence et la prière.

Après quelque temps, la petite communauté s'organisa comme un monastère dont la direction revint tout naturellement à la fondatrice. Ce n'est qu'à force de contrainte qu'on put lui faire accepter la charge de supérieure ; mais, si son rang l'obligeait il marcher la première, dans son coeur Athanasie s'estimait la dernière et la plus méprisable de toutes, suivant ce conseil de i'Evangile : « Que celui qui veut être grand parmi vous se regarde comme le plus petit et le plus faible, »

Cette humilité se manifestait dans tous ses actes ; jamais elle ne souffrit qu'on la servît, pas même, selon le témoignage des contemporains, qu'on lui versât de l'eau sur les mains. « Indigne pécheresse, disait-elle, je ne mérite pas de vivre en si sainte compagnie ; comment voulez-vous que j'accepte des honneurs qui ne sont dus qu'à la vertu i »

Pendant les quatre années :qu'elle vécut ainsi, on ne l'entendit jamais parler avec amertume ou colère. Ses avis, toujours pleins

ros14 AOUTSAINTE ATIIANASIE1olde douceur et d'onction, étaient reçus comme des oracles, et c'était surtout par une ardente prière,

adressée au Maître de toute volonté, qu'elle savait faire régner l'obéissance.Mais, pour garder cette égalité et cette suavité d'âme, elle devait chaque jour lutter

énergiquement contre soi-même, soumettre ses passions à la loi divine et les maîtriser par les rigueurs de la pénitence.

Sa nourriture quotidienne consistait en du pain et de l'eau. A grand'peine, au jour de Pâques, pouvait-on lui faire goûter un peu de poisson et de lait. Pendant le Carême et à l'approche des grandes fêtes, elle ne mangeait que tous les deux jours, et encore ne prenait-elle que des légumes crus, sans aucune boisson. Elle passait ses nuits dans une auge de pierre, priant et pleurant jusqu'à ce qu'elle fût vaincue par le sommeil. Sous son vêtement de laine, elle portait un long cilice qui la torturait à chaque instant du jour ; mais Atlanasie cachait tout aux yeux des hommes, redoutant de s'attirer leur estime, et seul le Père céleste était témoin de ses souffrances.

Ainsi maîtresse de son corps, elle s'était élevée à une contemplation presque continuelle. En dehors dés offices communs, on l'entendait souvent répéter quelques versets des psaumes ou exciter ses Soeurs à les redire après elle. « Je bénirai le Seigneur en tout temps, s'écriait-elle souvent avec David, et sans cesse ma bouche fera retentir ses louanges. a

La véhémence de son amour lui faisait verser des larmes en l'oraison comme au milieu de la psalmodie, et en telle abondance, dit la chronique, qu'on eût vu une fontaine se tarir plutôt que les yeux d'Athanasie.

Consécration définitive. - Le couvent de Timia.Le véritable amour est insatiable ; il cherche toujours de nouveaux moyens de se manifester.

Toute sainte que fût sa vie, cette humble servante du Seigneur la trouvait encore tiède et imparfaite. Aucune consécration solennelle ne l'avait encore liée à Dieu, et elle ne se croyait pas véritablement toute à lui tant que cette consécration n'aurait pas eu lieu.

Aussi songea-t-elle à prononcer les voeux de religion. Ses pieuses compagnes, mises au courant, embrassèrent avidement son dessein ; bientôt, elles n'aspirèrent plus qu'à se lier elles-mêmes par ces chaînes bénies, et à se retirer dans un lieu plus solitaire.

Elles se préparaient à donner suite à leur généreuse pensée par un redoublement de prière et de pénitence, quand Dieu leur envoya un directeur sage et prudent, le prêtre Mathias. Depuis plusieurs années il dirigeait avec honneur une communauté de femmes, et ses vertus lui avaient mérité

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plusieurs visions célestes.« Je ne saurais assez remercier Dieu, dit-il à Athanasie, du généreux désir qu'il vous a inspiré.

Oui, mettez une barrière infranchissable entre vous et le monde, retirez-vous dans la solitude afin de.10IIIIII 0000 ;4S100 00/çIN INio400k.ye Voici Celui qui sur la terre fut doux et humble de azur. Imite-le. avous livrer davantage à la prière. Cependant, modérez vos austérités ; sans doute, il ne convient

pas que le corps écrase l'âme de son poids, mais il doit pourtant être assez fort pour la porter. L'obéissance est meilleure que les sacrifices et les victimes. n

Les aspirantes à la vie religieuse acceptèrent joyeusement les avis et la direction de l'homme de Dieu. Mathias vit dans ce prompt renoncement la marque évidente de leur vertu et de la sainteté de celle qui les avait formées, et, dès lors, il n'hésita plus à se rendre à leurs désirs.

Comme il les conduisait à l'ermitage de Timia, bâti dans un lieu éloigné des bruits du monde, Athanasie s'écria en l'apercevant

j ~p`/~.~ Ww~'y~ ~~, ppplpÎmlllll~. ~I, ,II \\\\\\\\ 00_, ~~ft 1 11, i~lüUlllluil Il14.. IsII;0 Il

000000r110 r4 AOUTS-INTE M ANAS[E I I ie C'est ici le lieu de mon repos il y a longtemps que Dieu me J'avait montré 1 aLe pieux directeur donna l'habit religieux et une règle monastique à ses filles, et bientôt il

constitua, par les voeux, une communauté régulière.Comment peindre la ferveur des, nouvelles moniales P' Lites se livraient à la prière,. auxx

austéritéss de la règle,, à la pratique de l'obéissance avec une énergie, extraordinaire qui- rappelait les. communautés de la Thébaïde..

Athanasie se distinguait entre. toutes ses compagnes par une recherche constante de la mansuétude et de l'humilité. Se faire toute à tous, se mettre. aux pieds de' trous pour la gloire de Jésus,, telles étaient ses délices, et le ciell lui-même venait l'aider à avancer dans cette voie.

Souvent, elle voyait, par une faveur extraordinaire, le Sauveur marcher à côté d'elle au milieu d'une nuée_ lumineuse ;; les anges. l'entouraient en chantant : a: Voilà Celui qui,, sur la terre, fut doux et. humble de c<eur- imite-le,. Athanasie,, et tu participeras à ses gloires et à ses- triomphes..

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»Ainsi poussée sans cesse, elle finit par enlever jusqu'à la racine de l'orgueil et de la colère que le

péché a fait entrer- si avant danse le coeur humain.Elle avait aussi une très grande dévotion. pour la: Sainte Vierge; ellee en méditait les vertus afin

de les pratiquer de son mieux et de plaire ainsi, davantage à sa céleste Mère.Don des miracles.Comme. elle s'abaissait chaque jour davantage, Notre-Seigneur devait l'exalter,, ainsi qu'il. lai

prédit dans EEcriture. Un jour, un aveugle vint se jeter aux pieds de cette humble servante du Christ, implorant avec larmess sa guérison. Comme elle s'excusait. sur son indignité et la multitude de ses péchés : « Non, non, répondit l'infortuné,, vous êtes toute-puissante auprès de Dieu, priez et je verrai;. priez, jee le veux. m

Athanasie, poussée par la charité, s'agenouilla, fit le signe de la croix sur les yeux du malade en disant : « Que le Sauveur qui guérit l'aveugle-né te guérisse aujourd'hui. a Et, sur l'heure, l'aveugle recouvra la vue.

Malgré la. défense de sa bienfaitrice, cet homme alla raconterr partout le prodi.gey et bientôt de nombreux fidèles accoururentt au monastère.

Il y avait' en: autrefois datas ce lieu un pèlerinage; en lthonneur de saint Étienne ;. Athanasie profila du concours dus peuple pour llee faire refleurir.

En vue d'aider encore à la piété des- fidèles, elle éleva trois églises„ respectivement dédiées à la. Bienheureuse Vierge, à saint Jean,Baptiste et à saint Nicolas.

L'impératrice' Théodona, charmée du ce: qu'elle entendait raconter de ses vertus, voulut la voir et lui_ envoya L'ordre de venir à. Constan

tinople. Malgré ses répugnances, Athanasie obéit,, mais elle voulut résider dans un couvent ett non au; palais.. Les postulantes, attirées par la renommée de sa sainteté et de ses miracles, affluèrent bientôt, et elle sut, par sa patience- douce et ferme à la fois,, en fairee de dignes épouses de Jésus-Christ.

Il y avait déjà sept anse qu'elle fécondait cette nouvelle commu. nauté par ses exemples et ses sages conseils, quand la Sainte Vierge lui apparut : a Voici, lui dit-elle, l'heure de la récompense qui approche, retourne à ta première retraite, car je veux que tu meures à l'ombre du sanctuaire que tu m'as élevé.. n

Docile à la voix du ciel, Athanasie reprend le chemin de Timiâ.L'entrée dans la gloire au jour de l'Assomption.A peine y avait-elle' repris sa vie de prière et d'amour qu'elle fut saisie d'une grave maladie, et

deux auges vinrent lui annoncer l'heure- de sa mort. Ils portaient un livre où L'on voyait écrit en lettres d'or : a Réjouis-toi' : d'ans douze jours, ton âtre pourraa enfin s'échapper de la prisonn duu corps. n

Dès ce moment, Athanasie ne se livra plus qu'à la prière;. elle n'interrompait sa contemplation que pour répéter: a priez, nues soeurs, priez et louezz sans cesse le- Seigneur, afin que, dans saa miséricorde, il oublie nos péchés. n.

Le soir du onzième jour, embrassant Marine et Euphrasie,, les. plus saintes de ses compagnes, elle ajouta : a Voilà donc qu'il faut imeus séparer, mess chères soeurs, mais coirsolez-vous, Dieu: nous réunira, je l'espère de sa bonté,, dans. un monde meilleur. Qu'il vous donne, en attendant, laa paix, la céleste charité, la concorde, et qu'il vous comble de ses bénédictions., a

La beauté de son âme se refléta un instant sur son visage,. qui devint éblouissant de clarté, et ellee rentra dans. lee calme.

Le lendemain, Athanasie; plus- que jamais jalousee du culte divin„ ne voulut pas;s qu'à cause d'elle on négligeât la prière. « Célébrez aujourd'hui en toute solennité, dit-elle, là gloire de Marie dans son Assomption, ett quandd vous. aurez tout terminé, venezz confier à. ta terre mon pauvre corps, a.

Elle reçut ensuite les sacrements des mourants, et à peine, le Corps sacré- da Sauveur avait il touché sess lèvres, que son âme allait commencer au ciel l'éternelle action de grâces. C.'ëtait le r4 ou 15 août, probablement de l'année 86a-.

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Ses filles se jetèrent alors- sur sa sainte dépouille et la couvrirent de leurs larmes et de leurs baisers. a- Comment doncc as-tts pu mourir, toi dont le nom signifiait l'immortalité P s'écriaient-elles ; ah 11 pourquoi. nous: laisser orphelines P Nous étions indignes' de te posséder plus longtemips,, et Dieuu t'a rappelée à lui_ n

Comment Dieu canonisa lui-même Athanasie.Ces pleurs, ces regrets et la pieuse mémoire qu'elle laissait dans tous les esprits auraient suffi

pour révéler la sainteté d'Athanasie; mais le Seigneur voulut la. manifester plus. visiblement.112I4 AOUTUne des religieuses de Timia ne pouvait quitter le tombeau de la fondatrice. Elle y passait ses

jours et parfois ses nuits, priant et pleurant sans cesse. Un soir, la défunte lui apparut et lui dit: a Console-toi, dans quarante jours je jouirai pleinement de tout ce que m'a préparé la miséricorde de mon Dieu. »

Cependant, par un oubli volontaire ou par une permission du ciel, le quarantième jour passa sans qu'on récitât au monastère les prières prescrites par la Règle pour les défunts.

Le soir même, Athanasie apparaissait encore à celle qui veillait sur son sépulcre. « Est-ce ainsi que l'on m'oublie P dit-elle. Cependant, fais préparer un repas pour les pauvres et soyez vous-mêmes dans la joie, car je vais rentrer au milieu de vous. »

Le lendemain, comme on récitait au choeur les prières pour les morts, deux religieuses du monastère aperçurent leur Mère environnée d'un vêtement de gloire et de lumière. Des anges la por-tèrent jusqu'au sommet de l'autel, l'établirent sur un trône et la proclamèrent la protectrice et la patronne de son couvent.

A partir de ce moment, de nombreux prodiges s'opérèrent au contact des reliques de la fondatrice du couvent de Timia.

Un jour, on amena sur le tombeau une femme que les malins esprits tourmentaient cruellement. Dès que la malheureuse se fut approchée, elle entra en fureur, et, dans sa rage, elle arracha toutes les pierres, sans qu'on pût la retenir ; mais à peine eut-elle touché aux saintes reliques que le démon s'enfuit.

Plus tard, le cercueil, de l'humble servante du Christ ayant été été ouvert de nouveau, son corps apparut intact et aussi flexible qu'au jour du décès ; il répandait même un suave parfum.

Avant de l'ensevelir une seconde fois, les religieuses voulurent revêtir leur Mère d'une robe plus riche et plus éclatante ; mais elle serrait si fortement les bras contre sa poitrine qu'on ne pouvait y parvenir. Une des Sceurs, inspirée par le ciel, se jette à genoux et s'écrie : u Toi qui fus toujours obéissante pendant ta vie, obéis aujourd'hui. » Et Athanasie étendit aussitôt les bras.

Ces prodiges et d'autres encore excitèrent de plus en plus la confiance des peuples, et bientôt Timia devint, selon la pittoresque comparaison du chroniqueur, comme une nouvelle piscine de Siloé.

Il serait impossible de dire combien d'aveugles, de boiteux, de paralytiques, de morts, de sourds, trouvèrent la guérison auprès du tombeau d'Athanasie. Les contemporains eux-mêmes s'y déclarent impuissants- Cette femme, qui n'avait pendant toute sa vie cherché qu'à se cacher, était devenue la gloire de son pays. Dans l'Eglise latine, la fête de sainte Athanasie, célèbre, comme dit le Martyrologe romain, par sa fidélité aux observances monastiques et par le don des miracles, est fixée au s4 août. Les Grecs honorent leur glorieuse compatriote le lendemain de l'Assomption.

A. F. C.

Sources consultées. - Acta Sanctorum, 1. 111 d'août (Paris et Borne, s867). - Mgr PAUL Guiaxtn, Les Petits Bollandist lx (Paris, 187). - (V. S. B. P., n' s83.)

SAINT STANISLAS KOSTKANovice de la Compagnie de Jésus (1550-1568).Fête le 15 août.c ET angélique enfant, qui en peu d'années devait arriver à une si haute sainteté, naquit en

Pologne le 28 octobre i55o, au château de Rostkow. Son père, Jean Kostka, était sénateur et héritier

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d'une des plus nobles familles du royaume ; sa mère, Marguerite Kriska, suer du palatin de Mazonie, appartenait à une noblesse non moins illustre. L'enfant fut baptisé en l'église paroissiale Saint-Adalbert, à Prasnitz, diocèse de Plock.

Dès ses plus tendres années, Stanislas était si pieux, si doux, si pur, si modeste et en même temps si gracieux de visage, que son père et sa mère l'appelaient a leur petit ange », et les domestiques du château lui témoignaient le plus grand respect. Si par hasard, dans la conversation, quelque convive étranger ou quelque cavalier de passage s'oubliait jusqu'à dire en sa présence une parole incon-venante, l'enfant en éprouvait une telle horreur qu'il s'évanouissait..

Au collège de Vienne. - Les deux frères.Après avoir commencé avec succès ses études au château paternel, Stanislas, âgé de 14 ans, fut

envoyé à Vienne avec Paul, son frère aîné, pour y continuer son éducation au collège de la Noblesse dirigé par les Jésuites.

Un précepteur, nommé Jean Bilinski, plus tard chanoine de Plock, et qui devait déposer au procès de béatification de son élève, de même que Paul Kostka, accompagnait les deux jeunes seigneurs polonais. Cet homme ne méritait guère alors la confiance dont les parents de Stanislas l'avaient honoré ; il se montra d'une regrettable faiblesse envers Paul, qui, bien différent de son frère, se montrait tout épris du monde, de ses plaisirs et de ses vanités. C'est ainsi qu'il lui laissa choisir un appartement dans l'hôtel d'un héré-.

ir4 15 AOUTtique luthérien, le sénateur Kimbercher, uniquement parce que cette demeure était située dans le

plus beau quartier de la ville.Stanislas, affligé de loger chez un ennemi de la Sainte Eglise, en profila pour fuir le monde

davantage. Chaque matin, avant la classe, il faisait sa méditation dans l'église des Jésuites, et il y revenait le soir adorer le Maître de toute vraie science.

Suivant les cours avec assiduité, il travaillait consciencieusement et avec ardeur, et le succès couronnait ses efforts, sans nuire à son humilité et è sa piété. Il évitait comme la peste la société (les jeunes gens de mceurs frivoles et légères ; sa meilleure récréation était de s'entretenir de sujets religieux avec les plus pieux et les plus exemplaires de ses condisciples.

Sans orgueil ni vanité, il évitait de se poser en fils de grand soigneur, et sortait salis laquais, à moins que son gouverneur ne l'obligeât à se faire accompagner. Il portait des vêtements simples, presque pauvres, sans gants ni fourrures même durant les grands froids. Il ne reculait point devant les occupations les plus humbles, balayant parfois la chambre de son frère.

L'austérité et une tendre dévotion à Marie servaient de rempart à sa chasteté. Il récitait chaque jour le chapelet avec recueillement. Il réussissait à jeûner souvent sans qu'on s'en aperçût et se flagellait eu secret par de rudes disciplines.

Cependant son frère et son gouverneur, irrités de ses vertus qui condamnaient leur frivolité, le raillaient, l'appelaient par ironie n le Jésuite », et s'efforçaient de le faire descendre à leur niveau moral.

- lié quoi ! Stanislas, lui disaient-ils, pensez-vous que noirs ne voulions pas sous sauver aussi bien que vous? Avez-vous assez de présomption pour croire que, parmi tant de personnes de qualité que nous voyons à Vienne, vous soyez le seul qui viviez bienP

Stanislas ne cherchait point la discussion ; il se contentait de répondre qu'il n'était pas fait pour le inonde. Il savait qu'une chose est nécessaire pour tous, pour l'homme du inonde aussi bien que poux le religieux, c'est de sauver son âme I

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Le jeune étudiant ne changea donc rien à son existence ; il communiait tous les dimanches et à chaque fête solennelle.

Grave maladie. - Communion miraculeuse,La Sainte Vierge le guérit,

lin autre genre d'épreuve vint exercer sa vertu : il tomba si dan. gereusement malade, au mois de décembre 1566, que les médecins désespérèrent de sa vie. Stanislas était résigné à lotit, mais le luthérien, obstiné dans l'erreur, chez qui il logeait, refusait de laisser apporter la sainte Eucharistie eu jeune malade dans sa maison. Ni Paul ni Jean Bilinnski n'osaient insister. Le démon, de son côté, attaqua visiblement le jeune étudiant; plusieurs fois, il lui apparut dans sa chambre sous la forme d'un gros chien noir qui se jetait sur lui pour le dévorer ; mais chaque fois le malade le chassa en faisant de signe de la croix.

Stanislas se souvint avoir lu que ceux qui invoquent sainte Barbereçoivent la grûce de ne point mourir sans sacrements, et il se mit à invoquer avec ferveur cette

vierge martyre.Une des nuits suivantes, pendant que la violence du mal empêchait le vertueux adolescent de

dormir, la Sainte apparut près de son lit, accompagnée de deux anges d'un éclat merveilleux. L'un d'eux portait la sainte Eucharistie. A cette vue, Stanislas, recueillant ses forces, se mit à genoux sur son lit, pria son gouverneur, qui le veillait, d'adorer avec lui son Sauveur, et il reçut la communion des mains de l'ange. Jean Bilinski, qui était d'autre part docteur en médecine, affirmera plus tard que a Stanislas avait alors toute sa connaissance et n'était point victime d'une hallucination causée par la violence du mal ».

Après cette immense faveur, Stanislas, embrasé d'amour divin, ne songeait plus qu'au ciel. De fait, l'heure de son dernier soupir ne semblait pas éloignée, lorsque la Sainte Vierge daigna lui apparaître à son tour. La Mère de Dieu tenait son divin Fils entre ses bras et elle le déposa même un instant sur le lit du malade. Celui-ci, ravi d'un si grand trésor, eût souhaité le posséder à jamais. Mais la Reine du ciel, reprenant son Fils, dit à Stanislas que le temps de la récompense éternelle n'était pas encore arrivé pour lui, et qu'il devait la mériter en entrant dans la Compagnie de Jésus, fondé:;

depuis 153/.Vocation et fuite.Une guérison instantanée suivit de peu de jours ces merveilles. Stanislas pouvait se lever et se

rendre à l'église pour remercier Dieu. Il raconta à son directeur la faveur dont il venait d'être l'objet, et lui exposa son désir d'être reçu dans l'Ordre des Jésuites. Celui-ci ayant approuvé son dessein, le jeune seigneur s'empressa d'aller s'offrir au Provincial des Jésuites, à Vienne ; il supplia même le car-. dinal Commeidonc, légat du Saint-Siège, d'intervenir en sa faveur mais ni le Provincial ni le cardinal n'osèrent accéder à ses désirs, par crainte des ennuis que la famille du jeune homme pouvait susciter à la Compagnie. Devant cet échec, et prévoyant que ni son frère ni son gouverneur ne lui accorderaient jamais l'autorisation de se faire Jésuite, Stanislas résolut de quitter Vienne et d'aller se présenter au Provincial de la haute-Allemagne, qui était alors saint Pierre de llondt, ou Pierre Canisius.

Mais comment échapper à son frère, dont la surveillance devenait de plus en plus rigoureuse et sévère P Paul le traitait avec une grande dureté. Un jour qu'il parlait encore plus rudement et mena-çait de coups son frère cadet, Stanislas lui déclara :

- Si vous continuez d'agir ainsi, je serai obligé de nie séparer de vous et d'en avertir nos parents.- Allez où vous voudrez, repartit Paul, je ne m'en soucie nullement.Stanislas ne se le fait pas répéter deux fois. Il passe une grande partie de la nuit suivante en

prière, se lève de grand matin, va communier à l'église des Jésuites, reçoit du P, François Antoni, confes-.

SA!\'r STANISLAS KOSTYA115116 15 AOLTSAINT STANISLAS KOSTKA

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117seur de l'impératrice Marie, une lettre de recommandation, puis sort de la ville de Vienne, et,

marchant toujours à pied, s'engage sur la longue route qui mène à Augsbourg. Bientôt il rencontre un pauvre auquel il donne sa tunique ; pour la remplacer, il revêt un médiocre vêtement de toile, et, un bâton à la main, il continue sa marche. Son acte de charité allait recevoir bientôt sa récompense.

Le soir, Paul Kostka, ne le voyant pas rentrer à la maison, est très affligé. Il craint que ses mauvais traitements n'aient engagé son frère à s'enfuir ou à se cacher. Dès le lendemain, de concert avec Bilinski, il le cherche dans toute la ville de Vienne. Peine inutile. Alors, les deux Polonais et leur hôte hérétique montent dans une voiture et s'élancent à la poursuite du fugitif, précisément sur la route d'Augsbourg.

Comme Stanislas allait à pied, ils ne tardent pas à le rejoindre ; mais il ne le reconnaissent pas sous ses habits de mendiant, et continuent leur course.

Etonnés de ne pas le rencontrer, ils se demandent si le jeune homme qu'ils ont dépassé ne serait pas Stanislas ; ils reviennent donc sur leurs pas, et prennent un chemin de traverse où précisément le voyageur venait de s'engager. Ils allaient l'atteindre, lorsque leurs chevaux se raidissent sur le sol et refusent obstinément d'avancer. Alors ils se décident à reprendre la direction de Vienne et aussitôt les chevaux de repartir au galop.

De retour à Vienne, où le départ de Stanislas allait provoquer beaucoup de bruit, surtout parmi ses compagnons d'études, Bilinski recevait la visite d'un ami du fugitif qui lui apportait une lettre affirmant sa vocation et son désir très net d'y répondre fidèlement.

La communion dans un temple protestant.Arrivée de saint Stanislas à Rome.

Après avoir fait 183 lieues à pied, Stanislas entra dans Augsbourg. Apprenant que le Provincial des Jésuites était à Dillingen, il part pour cette ville. En route, il s'arrête dans un village et va droit à l'église ; elle était pleine de monde, mais, hélas I c'était des hérétiques qui s'étaient emparés de cette église et en avaient fait leur temple. Pendant que le voyageur pleurait sur cette profanation et exprimait à Dieu ses regrets de ne pouvoir communier en ce lieu comme il l'avait souhaité, des anges lui apparurent, escortant l'un d'entre eux qui portait la sainte Eucharistie. Le jeune homme reçut la communion de la main de l'ange et offrit à son Sauveur les élans de sa reconnaissance et de son amour.

A Dillingen, il fut parfaitement accueilli par le Père Provincial. Les Jésuites tenaient dans cette ville un collège placé sous le vocable de saint Jérôme ; Stanislas se vit confier le soin de servir les pensionnaires ; le jeune seigneur polonais s'acquitta de ses fonctions avec autant de charité que d'humilité. Après quelques semaines de cette épreuve, le Provincial le jugea digne d'être admis dans la Compagnie. Mais, pour éviter les obstacles que pouvait lui susciter sa famille, il l'envoya faire son noviciat à Rome.

Stanislas accomplit à pied, avec deux autres jeunes religieux, le long voyage. Forêts, plaines ou montagnes, torrents, chaleur ou froid, rien n'arrêta son courage, tant était grand son désir d'être fidèle à sa vocation et de se consacrer complètement à Jésus-Christ.

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Saint Stanislas 1Nostka, ayant invoqué sainte Barbe, est communié par un ange.Arrivé à Rome, il alla se jeter, le 25 octobre 1567, aux pieds du Supérieur général des Jésuites.

C'était alors l'illustre François de Borgia, deuxième successeur de saint Ignare. François accueillit en père le jeune exilé, qui venait de montrer tant d'énergie, et lui donna l'habit religieux le 28 octobre, en la fête de saint Simon et de saint Jude.

118 15 AOUTSAINT SrANISLAS FOSTiA Ir_)La joie de Stanislas, en se voyant enfin revêtu de l'habit religieux, fut immense. Il disait à ses

compagnons de noviciat du couvent de Saint-André :- Que nous sommes heureux, mes frères 1 Dieu est tout à nous et nous sommes tout à Dieu, La

vie que liens menons ici ressemble à celle des Saints dans le ciel ; Dieu nous tient lieu de toutes choses comme à eux. Ils font toujours la volonté de Dieu, il en est de même de nous, si nous pratiquons fidèlement l'obéissance.

Lettre de saint Stanislas à son père.Cependant, Jean Kostka ne tarda pas à apprendre comment son fils s'était fait Jésuite à Rome. Il

lui écrivit des lettres pleines de reproches et d'injures ; i1 l'accusait d'avoir déshonoré la noblesse de sa famille en s'enfuyant de Vienne sous les haillons d'un mendiant, en embrassant, une profession indigne de sa haute naissance et des richesses de sa famille. Enfin il déclarait 3 son fils que si jamais celui-ci rentrait en Pologne, il saurait le châtier d'une manière exemplaire.

Stanislas, qui avait toujours eu pour son père un respect plein 'de tendresse, fut ému jusqu'aux larmes en voyant sa douleur et ses préventions. Mais, confiant en Dieu, son céleste et son premier Père, il écrivit à son père de la terre ces lignes touchantes

Je serais inconsolable si j'avais mérité par quelque mauvaise action votre colère et les reproches que vous m'adressez. biais, je l'avoue, je ne puis avoir honte de celles dont vous me blâmez, et par lesquelles vous prétendez que j'ai déshonoré mon nom. Il y a longtemps que j'ai mis ma gloire à obéir à Dieu et à embrasser la croix de Jésus-Christ. J'y ai trouvé tant de douceur, que je ne puis me persuader qu'aimant vos enfants comme vous faites, vous vouliez me priver d'un bien que je ne changerais pas pour toutes les couronnes du monde.

Le noviciat. - Ferveur et vertus.De fait, le fervent novice, sans se laisser ébranler par cette tentatien, ne songea qu'à prier Dieu de

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protéger ses parents et à devenir lui-même un parfait religieux.Avec quelle docilité et quelle exactitude il employait tous les moyens que la vie religieuse met à

la disposition des âmes pour avancer dans la vertu I Aussi, en dix mois, fit-il plus de progrès que d'autres en cinquante ans. Son obéissance absolue et sa parfaite observance de la règle permettaient à Stanislas de s'immoler sans cesse à Dieu.

Son Aine si pure, qui avait conservé l'innocence du baptême, avait cependant soif d'expiations et de sacrifices. Il portait habituellement le cilice, se flagellait jusqu'au sang et jeûnait souvent, aussi souvent, du moins, que le lui permettait son maître des novices : car il soumettait à l'approbation de son directeur toutes ses austérités, sachant bien que nul sacrifice n'est plus agréable à Dieu que celui de notre propre volonté.

Ni la noblesse de sa famille, ni le courage dont lui-même avaitfait preuve pour suivre sa vocation, ni ses brillantes qualités ne lui donnaient d'orgueil ; il était le

plus humble, le plus charitable, le plus empressé à rendre service aux Frères et à se charger des emplois les plus vulgaires de la maison. Un jour qu'un autre novice le louait de sa haute naissance :

- C'est peu de chose, répondit-il, d'elle grand en ce monde où tout est si petit. Il n'y a de vraie grandeur que celle qui vient de la grâce de Jésus-Christ, par laquelle nous sommes faits enfants de Dieu et héritiers de son royaume. Faible avantage que d'être né avec des biens qu'on n'emporte point cri mourant 1 Rien ne nous fait riches quee ce que l'on ne petit nous ôter.

Animé de pareils sentiments, après avoir quitté sans regret les grandes richesses de sa famille, il ne s'attachait pas, comme il arrive parfois chez de jeunes religieux même fervents, aux petits objets à son usage, tels que livres, meubles, images et milles choses semblables. 'fout son coeur était à Dieu, et l'amour divin le remplissait entièrement.

Nous avons vu quelle était son assiduité à la prière, dans le monde. Une fois au couvent, on peut dire que sa vie fut comme une oraison perpétuelle- Modeste dans ses regards et ami du silence, il était sans cesse uni à Dieu, même au milieu des occupations matérielles. Et quand il se trouvait au pied de l'autel, il se sentait parfois embrasé d'un si grand feu d'amour divin, que sa poitrine elle-même devenait brûlante : il lui arriva même d'être obligé de sortir au grand air, et contraint d'appliquer des linges mouillés sur sa poitrine pour obtenir un rafraîchissement indispensable à sa santé.

Le serviteur de Marie. - L'Assomption célébrée au ciel.Sa dévotion envers la Sainte Vierge n'était pas moins admirable.Il parlait de cette divine Mère avec un charme qui ravissait ses auditeurs, et ne commençait

jamais une action sans l'invoquer.L'année de son noviciat n'était pas encore terminée, quand la Reine du ciel jugea digne du paradis

cette fleur dont les parfums embaumaient la terre. Quelques jours avant la fête de l'Assomption, Stanislas dit à un Père :

- Ah 1 mon Père, que 'oc fut fui heureux jour pour les Saints que celui où la Sainte Vierge entra dans le ciel 1 Je suis persuadé qu'ils en renouvellent tous l'es ans la mémoire par quelque réjouis-sance, aussi bien que nous ; j'espère voir la première fête qu'ils en feront.

Déjà, à la suite d'une belle exhortation de saint Pierre Canisius sur la préparation à la mort, 'Sta nislas avait dit à un autre novice

- Cette exhortation est un salutaire avertissement pour tout le monde ; plais pour moi, qui dois mourir durant ce mois, c'est vraiment la voix de Dieu.

On n'attacha point d'importance à ces paroles, tant il paraissait alors plein de vie et de santé, mais lui se préparait en silence,

On rapporte que le io aou't, fête de saint Laurent il alla communier, portant sur sa poitrine une lettre dans laquelle il suppliait la

120 15 AOUTSainte Vierge de lui obtenir la grâce de mourir avant le beau jour de son Assomption. Le soir, il

battit sa coulpe au milieu du réfectoire, baisa les pieds de tous les religieux et leur demanda en aumône le pain qu'il devait manger, comme cela se pratique encore en certaines circonstances, puis il alla servir à la cuisine. I1 n'avait pas terminé cet office d'humilité, quand il se sentit saisi de la

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fièvre.Le médecin, appelé le lendemain, crut à une indisposition passagère ; mais Stanislas dit au Père

recteur qu'il mourrait avant quatre jours. En effet, une hémorragie étant survenue, l'état da malade empira très rapidement, et apparut bientôtt sans remède. Après avoir reçu les derniers sacrements, le malade demanda d'être placé à terre pour y mourir. Il ne s'entretint plus qu'avec NotreSeigneur et la Sainte Vierge, baisant souvent les plaies du Crucifix et exprimant sa joie d'aller au ciel.

Enfin, dans la nuit qui précéda le jour de l'Assomption, vers 3 heures du matin, la Sainte Vierge vint elle-même chercher l'âme de cet enfant d'adoption pour la conduire à la fête éternelle du

ciel. Stanislas avait 18 ans. Il était le premier novice décédé au noviciat de Saint-André et ses restes furent inhumés d'abord dans l'ancienne chapelle, puis, en 1670, dans la nouvelle église.

En voyant la multitude qui se pressait à ses funérailles et baisait ses pieds, le P. François Toledo, plus tard cardinal, s'écria

- Voilà sans doute une chose merveilleuse, qu'un petit novice polonais, qui vient de mourir, se fasse honorer dans la ville de Rome comme un Saint 1

Les miracles obtenus à son tombeau le firent déclarer Bienheureux par Clément VIII, le 18 février 16oli, avant même le fondateur de la Compagnie de Jésus, et son culte devint populaire, surtout en Polōgne, dont il fut proclamé patron, ainsi que de la Lithuanie, par Clément X. Ce même Pape accorda aux Jésuites et à la nation polonaise la faveur de réciter son Office et de célébrer sa fête qui se trouvait fixée au 13 novembre. Le Martyrologe Romain l'honore le 15 août. C'est Benoît XIII qui l'a canonisé le 31 décembre 1726, en même temps qu'un autre jeune Saint de la même Compagnie, Louis de Gonzague.

En 1798, le corps de saint Stanislas fut emporté en Hongrie pour éviter qu'il ne fût profané par les armées de la République française ; il revint à Rome le 20 octobre ,8o4. Quant à son chef, il avait été emporté en Pologne dès 1621.

Paul Kostka se convertit peu d'années après la mort de Stanislas. Toute sa vie il voulut faire pénitence des mauvais traitements qu'il avait infligés à son admirable frère, Il mourut lui-même en odeur de sainteté, âgé d'environ 6o ans, probablement le 13 novembre zOo„ alors qu'il se disposait à entrer au noviciat des Jésuites.

Le chanoine Jean Bilinski fit de même une mort édifiante.A. Z.Sources consultées. - Abbé M. Le Monxcen, Vie de saint Stanislas Kostica, d'après le P. Josern

Borne, S. J. (Lille et Paris, ,8q3). - Mgr PAUL Gu€nm, Les Petits Bollandistes, t. %III (Paris, '897). - (V. S. B. P., n' 6r3.)

SAINT SIMPLI CI ENEvêque de Milan (vers 320-400).

Fête le 16 août.AMST Augustin, au huitième livre de ses Confessions, décrit lesrapports qu'il entretint avec saint Simplicien et la part qu'eutce dernier dans l'œuvre de son retour à Dieu.De son côté, saint Ambroise, cette autre lumière de l'Eglise, appelle saint Simplicien son père

selon la grâce, car il fut baptisé par lui et il lui voua une affection toute filiale. Maitre de saint Ambroise, conseiller de saint Augustin, ce sont là, en vérité, deux titres qui recommandent saint Simplicien à la pieuse attention du lecteur. Sa vie a été écrite dans un style un peu archaïque au xvii` siècle par le P. Saint-Martin, des Ermites de Saint-Augustin, professeur de théologie à

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l'Université de Toulouse.Première éducation de saint Simplicien.Simplicien était probablement Milanais et peut-être né en un village nommé Betuale, de parents

chrétiens et nobles que quelquesuns font descendre de l'empereur Marc-Aurèle (t 181). Reconnais-sant la vivacité de son esprit et le grand désir que l'enfant avait d'apprendre, ils l'envoyèrent de bonne heure à Rome.

En peu de temps, Simplicien progressa rapidement dans l'étude des sciences et de la vertu, et laissa loin derrière lui ses condisciples plus avancés ; soit en la lecture des livres saints, soit en la visite des églises et des tombeaux des martyrs, il se faisait remarquer par son assiduité. Son dessein était d'allier la science à la piété et la dévotion aux lettres. Il choisissait ses amis parmi les étudiants les plus vertueux ; sa douce humeur, son abord affable et modeste lui méritaient l'estime et la sympathie des meilleurs.

Simplicien resta à Rome et y reçut le sacerdoce ; c'est dans cette..,~,r,t,t\t~I\ILh ehr i

rhrhrUUChtllkic122 16 AOUT.SAINT sIAMPLIeTEN12.3ville qu'il exerça son ministère sous lee pontificat de Libère (3ba366), puis, au début, du.

pontificat d'ee saint. Damase fer.Conversion de Victorinus.Parmi ceux qui s'attachèrent à. Simplicien durant sonn séjour à Rome; se trouvait Victorinus,

orateur et grammairien fameux,- philosophe- dest plus subtils, homme d'une grande distinction, mais, d'autre part inféodé au paganisme à- tel, point, dit le' P. SaintMartin, a qu'il était gagé par le Sénat de Rome pour attirer, par

les- charmes de sa parole,, les chrétiens à renier leur foi,. Il n'y réussissait que trop, Dieu permettant que sa langue fût un piège à prendre des âmes, un rasoir mille fois plus tranchant que le fer des bourreaux n.

Simplicien entreprit d'amener au Christ cet esprit dévoyé et il eut le bonheur d'y réussir aux environs de l'année 3Go. Plus tard, à !fila,,, interrogé par Augustin, quel la grâce de Dieu travaillait

il nue façon singulière, Simplicien lui raconta en détail la merveille de la conversion de Victorinus et, à- son tour, saint Augustin, eu raison du bien que ce récit pouvait opérer dans les âmes, le

reproduit dans ses Confessions.!vous ne saurions mieux faire que de reprendre cette belle page d'histoire, à laquelle son autour a.

donné un tour alerte et qui est éminemment encourageante.Il nie dépeignit donc ce' savant vieillard, qui excellait dans toutes les sciences, qui avait, lu tant

de livres des philosophes, qui en avait porté des jugements si solides, qui les avait éclairés par les lumières de son esprit, ce maître fameux. de tant de' sénateurs illustres, qui, par- la hautes réputation de son enseignement,, avait mérité - honneur- insigne: aux yeux du monde - qu'on lui élevât une statue sur le. Forure ; ,jusqu'à cet, âge il avait adoré les idoles et participé àà ces mystères sacrilèges pour lesquels presque toute fa noblesse avait un engouement qui se coniriiuniquait au peuple, mettant même au nombre des dieux l'aboyeur Anubis et autres monstres... Après avoir défendu durant tarir d'années ces divinités abominables avec aile éloquence toute terrestre,, ce même vieillard n'avait point en honte de devenir- le serviteur du Christ, de renaître enfant dans la. source du baptême, de se courber sons le joua,, (le Elmmilitéé et d'abaisser son front superbe sous les

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opprobres de la croix.Seigneur, Seigneur, „ qui avez abaissé les cieux et en êtes descend,,, qui avez louché les

montagnes et les avez embrasées n, par quels attraits êtes-vous entré dans cc cceur PIl lisait avec attention, comma le rapporte Simplicien, la Sainte Reritureet tous les livres clos chrétiens qu'il pouvait trouver, et s'efforçait~d'en

pénétrer le sens ; puis il disait, à Simplicien, non pas devant le monde, mais en particulier, comme à son ami : u Sachezs que, maiatenaart, je suis chrétien. a A quoi il répondait, E a Je dani croirai rien, et je ne. vous considérerai point comme tel, jusqu'à ce que je vous voie dans l'Eglise du Christ. » Victorinus se moquait de celle réponse et disait : « Sont-ce dore les murailles qui font les chrétiens a a Et lui, répétant souvent qu'il était chrétien, Simplicien lui faisait toujours la même réponse et Victoria us ne manquait jamais de railler au sujet (les murailles, Au tond, il' craignait de déplaire à ses amis, qui étaient d'orgueilleux ados'ateurs des démons..,

Mais, lorsqu'en lisant et en priant avec ardeur, il se fut rendu plus fort dans la foi, il appréhenda d'être désavoué par le Christ devant les anges, s'il craignait de le confesser devant les hommes... Tout d'an coup, lorsque Simplicien y pensait le moins, il lui dit : « Allons à l'église, je veux être chrétien. a Simplicien, transporté do joie, l'y accompagna à l'heure même. Aussitôt qu'il eut été instruit des premières notions des mystères, il donna son nom pour prendre place avec ceux qui devaient être régénérés par le baptême. Rome fut remplie d'étonnement, et l'Eglise de joie...

Dès lors, Victorinus montra toute l'ardeur des néophytes et mit autant d'acharnement pour combattre le paganisme qu'il en avaitt mis jusque-là à lutter contre les mystères et les symboles chrétiens.

Il mourut à Rome vers l'an 370, laissant deux livres contre les manichéens, un Traité de la Trinité, en quatre livres,, contre les ariens, des Hymnes, un Poème sur le martyre des sept frères Macchabées où se retrouvent les qualités et les défauts d'un rhéteur, sans parler de Commentaires sur Cicéron et d'autres ouvrages profanes.

Le conseiller de saint Ambroise. - Son humilité.Cette victoire remarquable fit valoir la science et la sainteté de Simplicien à un degré

extraordinaire. Le Pape saint Damase, qui le tenait en une très haute estime, eut l'occasion de la témoigner peu après l'élection de saint Ambroise en qualité d'évêque de Milan (374).

Ce choix du préfet impérial pour remplacer l'évêque Auxence, favorable aux ariens et qui venait de mourir, n'était pas des plus réguliers. Le nouvel élu n'avait pas eu le loisir de se préparer par l'étude de l'Ecriture Sainte à la charge qui venait de lui être imposée; dès lors on est en droit de supposer, en voyant Simplicien quitter Roi-ne à cette époque pour se rendre à Milan, que le Pape saint Damase l'avait donné pour auxiliaire ou plus exactement pour conseiller au fonctionnaire impérial que la voix d'un enfant avait désigné pour l'épiscopat.

Dans sa nouvelle fonction, a Simplicien, dit encore le P. SaintMartin, se comporta avec tant de tact, de sagesse et de modestie, qu'il ne semblait pas qu'il fût le précepteur de saint Ambroise, mais bien plutôt son disciple. n

Lorsque se présentait une question difficile dont il voulait que l'évêque connût la solution, Simplicien interrogeait le pasteur comme pour apprendre de ses lèvres la réponse qui convenait. Saint Ambroise avait l'esprit trop pénétrant pour ne pas remarquer ce pieux stratagème, et il ne pouvait s'empêcher de se plaindre, dans une lettre, de cette manière de faire :

Pourquoi, écrit-il, feignez-vous de douter et me demandez-vous ce qu'il m'en semble P Vous vous abaissez jusqu'à me consulter comme si vous ne m'étiez pas donné pour me prescrire ce que j'en dois croire, Faut-il que l'aveugle passe devant son guide, et que je nie donne autant de peine à faire le docteur que vous l'écolier P Je vous en prie, laissons les choses dans l'ordre où Dieu les a mises. Ayez trot d'humilité qu'il vous

UN SAINT POUR CRAQUE JOUR DU MOlI, 2- SLRrs (AOUT) 5124 i6 AorT

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sAI\T SMPLICIEN19.5plaira, mais non pas au préjudice de ce que la charité vous oblige à me rendre.Comme cette lettre est instructive, et comme elle éclaire admirablement la physionomie morale

de Simplicien, toute de délicatesse, de charité et d'humilité 1 Elle indique en même temps la manière, chère aux platoniciens dans l'art de la discussion, qu'adoptait. Simplicien, comme du reste saint Augustin et les philosophes de celle époque.

Saint Simplicien dans la solitude. -- Arrivée d'Augustin à MilanSaint Ambroise eût désiré garder Simplicien auprès de lui. Mais comme celui-ci aspirait à la

solitude, qu'il avait perdu ses parents, vendu les biens dont il avait hérité, distribué son argent aux pauvres ainsi qu'un économe fidèle, il se retira en un lieu proche de Milan pour y mener avec plusieurs disciples une vie d'ermite ou de religieux.

Le saint évêque venait souvent l'y visiter, veillant à ce que rien ne lui manquât, ni à lui ni à ses frères, ce qui obligeait le bon vieillard à la reconnaissance. C'était comme un devoir pour lui de s'intéresser, du fond de sa retraite, aux affaires du diocèse, d'indiquer les meilleurs remèdes à apporter aux mauvaises coutumes qui se glissaient dans Milan et ailleurs.

En 384, Augustin, qui venait de professer la rhétorique à Rome, était arrivé à Milan, où il avait obtenu un poste semblable. Il restait encore imbu des erreurs manichéennes, même après avoir conféré avec saint Ambroise sur les points qui le tenaient encore opiniâtrément engagé dans la secte.

O mon Dieu, écrira-t-il plus tard, vous m'inspirâtes alors la pensée, queje trouvai excellente, d'aller voir Simplicien qui me semblait être votre fidèle serviteur et en qui

brillaient leslumières de votre grâce. J'avais appris que, dès sa jeunesse, il avait vécu dans la piété la plus fervente. Il était déjà vieux alors, et ces longs jours passés dans l'étude laborieuse de vos voies nie garantissaient sa docte expérience. Et je ne me trompais pas.

Augustin ébrailé par les arguments de saint Simplicien.Simplicien avait entendu parler de cette belle intelligence, et, tout heureux à la pensée de la

conquérir à la véritable Eglise du Christ, il saisit avec empressement l'occasion que Dieu lui mettait en main de travailler à sa gloire. Il accueillit paternellement le jeune Augustin, et sa cordialité incita le visiteur aux confidences. Entre autres choses, il parla des ouvrages philosophiques qu'il avait lus, et particulièrement des rouvres des platoniciens, traduites en latin par un rhéteur nommé Victorinus. qu'on lui avait dit être mort chrétien. Simplicien saisit la balle au bond. Ici, laissons la parole à saint Augustin

Il me félicita de n'avoir point lu les ouvrages d'autres philosophes,qui, ne s'arrêtant qu'aux seules choses corporelles, sont pleins de mensonges et de tromperies ; au

lieu que ceux des platoniciens tendent par

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Saint Simplicien rend la justice sur l'ordre d'Honorius.tous leurs raisonnements à élever l'esprit à la connaissance de Dieu et de son Verbe. Et puis, pour

m'exhorter à l'amour de l'humilité du Christ, u cachée aux sages du monde et révélée seulement aux petits n, il ramena la conversation sur ce même Victorinus, qu'il avait connu très particu

lièrement étant à Rome.C'est alors que Simplicien raconta ce que l'on a pu lire plus haut. Le coup porta, comme l'espérait

l'homme de Dieu. Que Vietorinus, qui passait en son estime pour un esprit si poli, se fût laissé persuader par une croyance si éloignée de celle de Platon, véritablement cela l'ébranlait fort, et lui semblait conclure que ce

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126 16 AOUTSAINT! :BI~ll'YICIkN 127devait être la vraie, puisqu'un homme de si bon sens s'y était rangé,Mais ce qui le secoua plus que tout fut de considérer que ce même Victorinus, tout ancré qu'il

était en l'estime du monde, avait préféré la profession de chrétien à l'honneur, à la pompe, au gain qu'il se pouvait procurer dans sa charge de professeur public d'éloquence. Il était, en effet, débouté de cette charge, d'après l'édit de l'empereur Julien l'Apostat, dès le jour où il se faisait chrétien.

Seigneur, dit de lui-même saint Augustin, à peine Simplicien, votre serviteur, m'eut-il fait le récit de la défaite de Victoriens, que j'eus un extrême désir de l'imiter. Du reste, c'était bien à cette fin que Simplicien m'avait fait ce récit. Il ajouta que l'empereur Julien ayant publié vers 36, un édit, par

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lequel il défendait aux chrétiens d'enseigner les lettres humaines, et particulièrement la rhétorique, il se soumit à cette loi, aimant mieux abandonner la profession de parler en public que de renoncer à votre Verbe e qui rend éloquente la langue des enfants e ; il me sembla que, s'étant montré si généreux en cette rencontre, il n'avait pas d'autre part été moins heureux d'avoir trouvé une occasion si favorable de ne plus travailler que pour vous seul. Je soupirais, mon Dieu, après cette liberté de ne penser plus qu'à vous.

L'influence de Simplicien, celle de saint Ambroise, d'Alype, la lecture de saint Paul, la prière de sainte Monique et surtout un coup décisif de la grâce, provoquèrent enfin, au mois d'août 386, la conversion d'Augustin.

Baptême de saint Augustin.Quelques mois plus tard, Augustin revenait à Milan pour recevoir le baptême des mains de saint

Ambroise, avec son ami Alype, son fils Adéodat et quelques autres. Simplicien assista à cette cérémonie qui eut lieu dans ta nuit du 24 au 25 avril. Une ancienne composition métrique en l'honneur de saint Augustin veut que Simplicien ait, ce jour même, revêtu le néophyte de la robe et du capuchon noirs, et lui ait ceint les reins d'une ceinture de cuir, ce qui ferait remonter au jour même du baptême du futur évêque d'Hippone l'origine de la grande famille augustinienne.

On voyait autrefois à Milan une peinture représentant Simplicien conférant l'habit religieux au nouveau baptisé.

Plusieurs auteurs disent qu'Augustin se retira peu (le temps après dans une retraite située hors des murs de la ville, sorte de monastère dirigé par Simplicien, et qu'il y demeura quelque temps, s'em-ployant aux exercices spirituels et à la contemplation des mystères divins. Ils ajoutent que ces moines gouvern,s par Simplicien vivaient comme des anges, mais sans aucune règle écrite ; supérieur et disciples virent bientôt de quelles grâces surnaturelles Dieu avait doué l'esprit d'Augustin et, d'un commun accord, ils le prièrent de vouloir bien être leur chef. Augustin n'eut garde d'accepter ; cependant, sur les instances de Simplicien, il aurait édicté un petit règlement propre à faire avancer les Frères dans les voies de la perfection monastique.

Plus tard, le saint vieillard reçut encore d'Augustin la solutionde nombreuses :difficultés qu'il lui avait soumises sur plusieurs points de t'Ecriture. Consulté en

particulier sur certaines difficultés rencontrées dans d'Fpî,tre aux Hébreux, saint Augustin répondit par un ouvrage intitulé : Diverses questions à Sirn.pliciea.

Saint Simplicien succède à saint Ambroise.Saint Ambroise mourut le 4 avril 397,Quelques-uns de ses diacres se tenaient dans sa chambre, assez loin de son lit, devisant à voix si

basse que c'est à peine s'ils s'entendaient entre eux.Ils parlaient de ce qui arriverait si Dieu rappelait à lui leur saint prélat. Ils se demandaient surtout

qui pourrait bien être son successeur, et l'un d'eux hasarda, mais d'une voix presque rimpercep.tible, le nom de Simplicien.

Aussitôt, le malade se redressa et dit par trois fois, comme pour approuver leur choix, cette parole':

- II est vieux, mais il est bon.Les assistants furent si étonnés d'entendre le malade parler de la sorte en l'état où il sa trouvait

que, sans ajouter un mot, ils prirent la fuite.La parole d'Ambroise n'en fut pas moins vérifiée, car, lorsqu'il eut rendu l'âme à Dieu, bien qu'il

y eût dans UEglise'de Milan -quantité d'hommes, prêtres ou laïques, dignes de l'office, de pasteur, Simplicien fut néanmoins choisi pour occuper le siège épiscopal de ~ce

célèbre diocèse, l'an 397.l'uns estimaient -qu'il s'acquitterait très dignement de sa charge. Et l'on ne fut pas trompé dans

cette attente, car il mania les affaires avec tant de prudence, de soin et de courage, que l'Eglise de Milan semblait n'avoir rien perdu par la mort de saint Ambroise.

Aussi sa réputation ne s'étendit-elle pas seulement en Italie, mais bien loin de là, en Afrique. Les

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donatistes y avaient baptisé un jeune enfant, et plusieurs évêques, rassemblés à Carthage, doutaient, de la validité de ce baptême. La solution de la difficulté fut, d'un commun avis, renvoyée à Simplicien, et l'on résolut de s'en tenir à sa décision.

L'empereur Iionorius, informé des vertus et des mérites de l'évêque de Milan, prit, par considération pour lui, plusieurs mesures importantes dans un sens favorable au pouvoir ecclésias

tique.Ce prince résidait à Milan, et, comme chaque jour se présentaient des affaires qui requéraient

l'avis et le jugement du prélat, il rendit de son propre mouvement une ordonnance par laquelle les citoyens qui le désiraient pouvaient se présenter directement au tribunal de l'évêque et lui exposer leurs différends, décrétant que les sentences de Simplicien auraient force de loi comme si elles eussent été prononcées en la cour séculière et laïque.

Cette ordonnance, Constantin le Grand l'avait déjà portée auparavant, lorsqu'il permit d'en appeler de la décision des magistrats et présidents des villes à celles des évêques et juges ecclésiastiques.

128 16 AOUTMais elle était tombée en désuétude. C'est pourquoi l'empereur Honorius la rétablit à Milan.Le même empereur promulgua un autre édit non moins favorable à la religion : il ordonna que

tous les temples où l'on honorerait encore des idoles et faux dieux seraient détruits ou changeraient d'affectation et seraient remis à l'Eglise catholique ; cette mesure portait un coup mortel au' restes du paganisme.

Un présent de l'évêque Vigile.La dernière année de la vie de Simplicien, Vigile, évêque de Trente, personnage éminent par sa

piété et sa science, lui fit présent des reliques de trois martyrs : les saints Sisin, Martyrien et Alexandre, missionnaires que Vigile avait envoyés dans les vallées de son diocèse et qui avaient été mis à mort par les idolâtres. En même temps que les restes de ces martyrs, l'évêque de Trente adres-sait à Simplicien une lettre contenant le récit de la fin de ces trois messagers de l'Evangile.

L'excellence d'un tel présent témoignait de la haute estime en laquelle le saint évêque de Milan était tenu même en des diocèses éloignés.

Ce don fut agréé avec toute la vénération qu'il méritait, et Simplicien fit honorablement placer les précieux corps en l'église SainteMarie.

Et de même que son prédécesseur saint Ambroise avait voulu être enseveli auprès des sépulcres des martyrs saint Gervais et saint Protais, que Dieu lui avait fait découvrir, de même Simplicien choisit sa sépulture tout auprès des trois serviteurs de Jésus-Christ, Sisin, Martyrien et Alexandre.

C'est là que fut déposé son corps après sa mort qui survint le 13 août 4oo, en la troisième année de son épiscopat. Il fut transféré plus tard en l'église qui porte son nom.

Avant d'expirer, il exhorta ses frères à pratiquer la charité les uns envers les autres, à faire grand état de l'humilité et à chérir au possible la pauvreté volontaire.

Saint Ennode, évêque de Pavie, mort en 521, a écrit un poème en l'honneur de saint Simplicien.Le martyrologe romain place sa fête au 16 août en ces termes« A Milan, la mise au tombeau de saint Simplicien, évêque, que le témoignage des saints

Ambroise et Augustin a rendu célèbre. nLa fête de saint Simplicien figure au 13 août dans le martyrologe de l'Ordre de saint Augustin.Le missel ambrosien fait mention de saint Simplicien au 15 août en même temps que de la

translation du corps des trois saints martyrs dont nous avons parlé.C. OCTAVIEN.Sources consultées. - Arta Sanctorum, t. III d'août (Paris et Rome, x869). - Saint Aucvsnrv,

confessions, livre VIII. - (V. S. B. P., n' ,2a4.)SAINTE CLAIRE DE MONTEFALCOAbbesse de l'Ordre de Saint-Augustin (1268.1308)Fête le 17 août.P ARMI les Saintes extraordinaires que l'Eglise propose à notre admiration, sainte Claire de la

Croix, dite Claire de Montefalco, est une des plus merveilleuses. Sa courte vie offre, outre une

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abondance remarquable de privilèges éblouissants, une faveur absolument unique dans l'histoire des Saints : l'impression matérielle de la croix du Sauveur et des divers instruments de la Passion dans un coeur démesurément grandi pour les recevoir.

Précoce appel divin.Claire naquit l'an 1268, à Montefalco, petite ville de l'Ombrie dépendant du diocèse de Spolète.

Ses parents, pieux et honorables, se nommaient Damien et Jacqueline. A l'âge de quatre ans, elle savait par coeur le Pater, l'Ave et plusieurs autres prières qu'elle récitait à genoux, les mains jointes et les yeux au ciel, avec une piété si sensible, que tous ceux qui la voyaient prier en étaient émus.

Dès le berceau, elle fut prévenue de faveurs divines exceptionnelles. Un jour que, dans les bras de sa mère, elle passait devant l'église Saint-Jean-Baptiste, elle se sentit attirée de ce côté par un parfum délicieux et poussée en même temps par un puissant mouvement intérieur. Quittant aussitôt les bras maternels, elle courut vers le lieu saint et un premier contact ineffable s'établit entre le Coeur de Jésus et celui de l'enfant.

Dès lors, cette petite fille de quatre ans se sentit pénétrée d'une singulière horreur du péché et altérée d'une soif ardente de sacrifice. Sous la direction de sa soeur Jeanne, son athée de dix-sept ans, et supérieure d'un petit groupe de pieuses filles qui s'essayaient à la vie religieuse sous la règle du Tiers-Ordre de saint François d'Assise, Claire se forma à la piété et à l'austérité.

j, À00 `130Elle n'avait pas encore six ans que déjà elle frissonnait à laa pensée des dangers du monde et

aspirait à la solitude du cloître. Aussi alla-t-elle trouver sa smur Jeanne à l'ermitage Saint-Damien,. implorantt son admission dans la communauté. Jeanne, la jugeant trop jeune la laissa languir pendant un an.

Entre temps, le démon multipliait les artifices pour détourner la sainte enfant de son projet. Claire chassa l'esprit du mal enn invoquant le nom de Jésus et par le signe de la croix..

Au couvent de Saint-Damien,Le bonheur tant désiré se réalisa enfin, Claire avait sept ans. Sa joie fut si grande que, pour

remercier Dieu, elle ne prit en fait dee nourriture: qu'un peu de pain et quelques fruits pendant une- semaine. Elle devint bientôt un modèle pour les religieuses qui n'eurent jamais qu'à admirer sa modestie, son obéissance, son amour de la retraite, de la pénitence et de. la prière.

Pour les manquements les plus légers et les plus involontaires, elle s'imposait de rigoureuses punitions, Ayant transgressé une fois la règle du silence pour parler à sa mère, elle se condamna à réciter cent fois l'Oraison dominicale, en marchant pieds nus dans la neige.

A mesure quelle grandissait, Claire profitait de l'accroissement de ses forces pour augmenter les rigueurs• de ses mortifications. Mais de toutes les vertus, la- plus belle, c'est-à-dire la vertu- de chasteté, fut de sa part l'objet de soins particulièrement vigilants, tant elle voulait la conserver dans une délicatesse infinie. Une nuit, pendant qu'elle dormait, son pied nu s'évada de la couverture. La-supérieure s'en aperçut, la réveilla et la reprit comme d'une immodestie. Confuse et affligée, Claire demanda pardon, et, pour éviter unie récidive, elle prit la précaution, chaque soir, d'enfermer ses pieds dans sa robe ficelée comme un sac.

Dieu ne tarda pas à donner à sa petite servante une preuve signalée de' sa satisfaction et de son amour. Un- jour, tandis qu'elle était abîmée dans une profonde oraison, une dame splendidement vêtue et tenant par la main un enfant d'une beautéé ravissantee lui apparut. Claire se sentit attirée vers cet enfant qui venait à elle en souriant; éclairée par un rayon de lumière divine, elle reconnut Notre-Seigneur, qui lui demanda l'hommage de son coeur. Ces visionss se renouvelèrent plusieurs fois ; elles l'attachaient de plus en plus fortement au- pur amour de Dieu et la rendaient toujours plus fidèlee dans l'observance de la règle.

Unn jour' que les Sceurs l'observaient priant dans sa cellule,, elles virent des anges parer ses épaules d'un collier des plus belles fleurs qu'on puisse voir et ceindre son front d'une couronne éclatante. Une autre fois, la cellule apparut embrasée d'une lumière céleste. Claire entendait parfois des concerts angéliques,, et ses forces, épuisées par le jeûne, les veilles et less macérations,

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retrouvaient leur vigueur dans les flots de cette divine harmonie.Avec de tels sentiments et après de si grandes marques de: la préSAINTE CLAIRE DE M0NTEEALCO 131dilection divine, on s'étonne que Claire n'ait pas été admise plus tôt à la table eucharistique et

qu'on n'ait pas dérogé en sa faveur à la coutume qui reculait jusqu'à la douzième année l'âge de la première Communion.

Lorsque ce jour arriva, elle rayonnait de toute son âme; cependant une épreuve pénible l'attendait. Au moment de la Communion, comme sa soeur Jeanne lui faisait signe de s'avancer vers la Table Sainte, Claire, toute à l'émotion de recevoir son Dieu, oublia -de revêtir son manteau de choeur. Jeanne s'en aperçut, lui reprocha cette négligence et lui inlima l'ordre de regagner sa place.

La pauvre enfant se prosterna, confessa sa faute et alla s'agenouiller en sanglotant dans un coin de l'oratoire, le regard 'avidement tendu vers l'Hostie tant désirée. Et voici que Jésus paraît de nouveau sous l'aspect d'un aimable enfant ; il s'approche d'elle, lui prend la tête entre ses mains divines, lui baise le front, essuie ses larmes et remplit son coeur d'un joie, ineffable.

Plus, tard cette scène se renouvela dans une circonstance analogue.

Un nouvel ermitage. - Smur quêteuse.Les vertus pratiquées dans l'ermitage de Saint-Damien et surtout la sainteté de Jeanne et do

Claire attiraient des âmes avides de marcher sur leurs traces ; mais la petite communauté, qui com-prenait déjà huit membres, était à l'étroit dans cette solitude et ne pouvait pas recevoir les nouveaux sujets que pourtant le ciel lui envoyait. Il fallait agrandir l'ermitage ou en construire un autre.

Dieu désigna à la supérieure, dans une vision, l'emplacement où elle devait construire une nouvelle maison : une croix resplendissante de pierreries planait au-dessus de la colline de Sainte-Catherine, ainsi nominée du nom de l'église qui la dominait, hors des murs, mais toute proche de Montofalco ; au pied de la croix se tenait une nombreuse troupe de vierges. Munie des autorisations nécessaires, Jeanne -recueillit quelque argent, acheta le terrain et se mit à l'œuvre. Les travaux marchèrent rapidement et dans le courant de 1282, bien que leur nouvelle résidence fût inachevée, les pieuses vierges allèrent l'habiter. Claire avait alors quatorze ans.

En moins de trois -années, la famille religieuse s'accrut notablement, et, à la fin de l'année 1284, elle ne comptait pas moins de vingt membres.

A Sainte-Catherine, comme à Saint-Damien, la subsistance étaitassurée par le produit du travail et par le secours -des familles ; mais toutes les ressources avaient

été absorbées par la construction du couvent, interrompue du reste faute d'argent ; et, malgré des prodiges d'activité et d'économie, les pauvres religieuses furent réduites à n'avoir plus rien pour vivre.

Dans cette extrémité, la supérieure décida d'envoyer des Soeurs mendier le pain nécessaire à la communauté. Claire s'offrit aussitôt pour cette charge qui, toute nouvelle dans les mmurs d'alors, pouvait lui procurer des humiliations et des fatigues supplémentaires.

17 AOUT

132 17 AOUTEnveloppée dans son manteau de manière à ne pas laisser voir son visage, elle allait,

accompagnée de Soeur Marine de Giacomo, frapper à toutes les portes sans jamais entrer nulle,

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part; elle recevait l'aumône à genoux par terre dans la poussière ou dans la boue; elle, baisait le don qui lui était fait, s'inclinait profondément pour remercier le bienfaiteur sans dire une parole et priait sans interruption. Surprise un jour, dans la campagne, par une pluie battante, elle refusa de s'abriter sous un auvent où s'étaient réfugiées d'autres personnes, dans la crainte de s'exposer à interrompre son oraison. Ce sacrifice fut récompensé : Claire fut, en effet, ravie en extase. Sa compagne en informa la supérieure ; celle-ci retira à sa soeur la charge de quêteuse et lui donna la tâche de servante et d'aide cuisinière. Dès lors, Claire ne sortit plus de l'ermitage.

Une longue période d'épreuves.Jusque là, cette âme si favorisée n'avait connu l'application à la prière et les austérités de la

pénitence que dans une paix pleine de charmes et de consolations. L'heure vint où Claire allait être livrée, comme le Christ, au prince de ce monde, et abandonnée, en apparence, de l'Epoux divin, comme le Christ l'avait été de son Père. Un jour, dans sa cellule, elle s'entretenait des choses du ciel avec soeur Marine, et dans la simplicité de son cceur, persuadée qu'il en était de ses compagnes comme d'elle-même, elle parlait des douceurs de la prière et de la libéralité de son divin Époux. Avec humilité, Marine avoua que malgré ses efforts et ses désirs elle n'obtenait pas de pareilles faveurs. Un léger mouvement de vivacité ou de vaine complaisance, pourtant vite réprimé, échappa à la vierge privilégiée et ce mouvement suffit pour ouvrir un abîme de souffrances intérieures dans lequel elle se trouva soudain engloutie. Les tentations bouleversèrent son âme jusque-là si tranquille ; elle fut obsédée (le ces imaginations impures et de cette révolte des sens qui ont tourmenté certains des plus grands Saints. Le démon mit en couvre tous ses artifices pour l'abattre, l'accablant de mille manières, allant jusqu'à prendre la figure du Crucifix pour lui suggérer des sentiments impurs.

La malheureuse Claire cherchait un refuge dans les bras de sa chère supérieure, dans les conseils de son confesseur ; elle martyrisait son corps par des mortifications toujours plus rigoureuses ; elle multipliait les supplications, sans arriver à fléchir la sévérité du divin Maître. Son âme épouvantée lui parut toute couverte de la lèpre du péché et vouée aux horribles tourments de l'enfer.

Cette épreuve redoutable ne dura pas moins d'onze ans. Quand elle cessa, Claire semblait n'avoir plus rien que d'immatériel ; visiblement elle appartenait au ciel plus qu'à la terre, et sa vie ne fut plus dès lors, qu'une suite d'extases et de ravissements.

Sous la règle de saint Augustin.Entre temps, les travaux de construction du monastère avaient .repris et vers l'année I2go ils

touchaient à leur fin. Plusieurs jeunesfilles avaient été admises dans cette retraite, et il avait paru profitable au bon règlement, à la

stabilité et au développement de la maison de l'ériger en un monastère formel. Tout en souhaitant garder l'habit franciscain, sous lequel elles étaient entrées dans

Les anges se p'aisaient à parer de fleurs la petite Claire.

la vie religieuse, et, si cela leur était possible, la règle du Patriarche séraphique, les pieuses femmes s'en remirent pourtant à la décision de l'évêque de Spolète, Gérard Artesine.

Le so juin 12go, par un décret spécial, le prélat érigeait la maison en monastère, sous le vocable de la Sainte-Croix, et lui donnait la règle de Saint-Augustin. Cependant, il. autorisait les moniales à

SAINTE CLAIRE DE MONTEFALCO133

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1, A'OUTSAINTE CLAIRE De MONTEFALCO13Ggarder la livrée de saint François, comme elles- l'avaient sollicité'; c'est dans la; robe de

franciscaines que Claire sera plus tard ensevelie.Les religieuses eurent d'abord- à élire leur première abbesse, et le choix unanime se porta sur

Soeur Jeanne, puis toutes renouvelèrentt leurs voeux et firent profession dans l'Ordre augustinien.Jeanne ne devaitt pas assumer longtemps sa charge ;: l'année suivante, le 22 novembre 521, à

l'âge de quarante ans, elle rendait à Dieu son âme toute* sainte. La- désolation-n de Claire fut immense,, au point de scandaliser quelque peu. ses compagnes. Comme onn lui demandaitt la raison de:e cette douleur excessive, elle répondit :

- Je pleure moins une.sœur qu'une' maîtresse que je perds dans un temps où j'aurais le plus grand besoin de son soutien.

Sainte Claire élue abbesse.Après avoir rendu les honneurs funèbres à leur première abbesse,, les religieuses, en présence du

vicaire général, délégué par l'évêque: de,-Spolète, procédèrent à l'élection de celle qui devait lui succéder;. comme d'un seul cœur, les votes firent sortir le nom de Claire. Celle-ci', tombant à genoux aux pieds de son supérieur, le supplia en sanglotant de ne- pas imposer ce fardeau. à ses faibles épaules; elle invoqua sa jeunesse, sonn inexpérience, son. indignité, avec une telle persuasion que le prêtre futt ébranlé ; mais,, ayantt interrogé de nouveau les religieuses, il déclara l'élection canonique et régu , hère, et devant le mot d'obéissance,. Claire, toute tremblante, courba. la tête et se tut.

On la vit alors redoubler ses austérités et ses- prières et témoigner à- chacune, de ses filles la_ sollicitude et la tendresse d'une mère. Elle leur expliquait avec une étonnante lucidité la doctrine des Saints Livres ;; elle leur montrait, ouverte devant elles, la voie sacrée de la virginité.

La charité de la sainte abbesse s'étendait au dehors de son monastère ; fléchissant la justice de Dieu, elle put convertir une multitude de pécheurs, reconcilier les familles, pacifier les villes armées les unes contre les autres. Elle tint courageusement tête aux hérétiques que l'on appelait les a Fraticelles e ou e Frérots » et réfuta victorieusement les erreurs de ces moines qui, prétendant

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ramener l'Ordre franciscain à sa pureté et à sonn austérité primitives, étaient tombés dans l'hérésie et le dévergondage.

Elle pénétrait l'avenir et lisait dans les consciences ; elle opérait de nombreuses guérisons, elle ressuscita même deux morts.

Le coeur de sainte Claire devient un Calvaire.Dès son enfance, Claire avait mis tout son coeur à méditer les souffrances do Notre-Seigneur

dans la Passion. Flic avait obtenu de voir en esprit tout ce qui se passa au cours de ce drame affreux, et de ressentir quelques-unes des douleurs de l'Homme-Dieu. Ce fut pour elle la cause d'inexprimables mais bien-aimées souffrances.

Notre-Seigneur voulut faire davantage pour sa fidèle servante. Claire avait alors trente-trois ans. Un jour qu'elle était absorbée dans la contemplation de ces ineffables mystères, elle vit apparaître l'auguste Victime, revêtue d'un manteau blanc et chargée de sa croix, et qui lui dit avec douceur :

- Il y a longtemps, ma fille, que je cherche un lieu ferme et solide, où je puisse planter ma croix, et je n'en ai point trouvé de plus propre que ton coeur ; il faut donc que tu la reçoives et que tu souffres qu'elle y prenne racine.

Dès cet instant Claire eut non seulement la croix, mais les autres instruments de la Passion implantés dans son coeur et elle commença à contempler les souffrances du Christ non plus à Jéru-salem mais en elle-même.

Dernières années. - Sainte mort.La servante de Dieu gouverna son monastère pendant sept ans encore, tendrement aimée de ses

religieuses et vénérée de son évêque. Elle entreprit la construction d'une nouvelle église, dont la première pierre fut posée en la fête de saint Jean-Baptiste de l'année x3o3 et qui fut achevée en l'espace d'un an. Dans cette église, dédiée à la sainte croix, Claire passait de longues heures en ado-ration ; elle s'y faisait porter pendant ses maladies, car elle était percluse d'infirmités ; c'est là qu'elle voulut rendre le dernier soupir.

L'heure de sa mort lui fut révélée, Quand elle la vit venir, elle réunit ses religieuses, leur donna ses suprêmes avis et les bénit ; puis elle reçut les derniers sacrements avec une dévotion et un amour extrêmes.. Unn démonn hideux surgit à ce moment :

- Que me veux-tu, cruelle bête?. Retire-toi, mauditl s'écria-t-elle.Entendant ces paroles, une Soeur voulut placer un. Crucifix devant ses yeux.- Ma Saur, lui dit la mourante, si vous cherchez le Crucifix vous le trouverez dans mon coeur.Son ange gardien lui apparut ; elle vit le ciel s'ouvrir, et, entrant en extase, elle s'envola vers Dieu

dans un élan d'amour. C'était le 17 août I3o8. Elle avait quarante ans.Dans. le coeur de sainte Claire.Leur sainte abbesse ayant affirmé plusieurs fois qu'on trouverait le. Crucifix dans son coeur, ses

filles furent saisies du pieux désir de s'en assurer. Sa poitrine ayant été ouverte, on constata que le coeur était fort enflé et. avait laa grosseur de la tête d'un petit enfant. Une religieuse divisa ce coeur en deux et l"ouvrit comme un livre. Un sang vermeil s'en écoulait, répandant un parfum suave ; on le recueillit dans un vase de cristal. Alors apparut au centre de la partie de droite une croix de la hauteur d'un pouce, sur laquelle le Christ était fixé ;; de chaque côté de la croix se voyaient trois clous, unee lance,, et une éponge au bout d'un roseau.

Dans la partie de gauche on trouva un énorme fouet noueux à1361 AOUTcinq cordes, une colonne et une couronne d'épines. Tous ces objets, quoique formés de chair et

de nerfs, étaient durs et avaient l'aspect de la pierre, du bois, du fer ou de la corde.Les religieuses, émerveillées, s'empressèrent d'informer l'évêque de Spolète qui envoya aussitôt

son vicaire général, Donadieu Béranger. Celui-ci, assisté de plusieurs médecins, de théologiens et de magistrats, procéda à un examen long et minutieux ; tous les témoins furent saisis d'admiration devant un pareil prodige.

L'examen des viscères amena une autre découverte. Dans la vésicule biliaire, complètement

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durcie, on trouva trois petites boules couleur de cendre, tachées de sang, dures comme des billes de marbre et disposées en triangle. Elles étaient de la même grosseur et, fait extraordinaire, une seule avait le même poids que les deux autres et que les trois réunies, symbole du mystère de la Sainte Trinité pour laquelle Claire montrait une dévotion profonde. On peut voir ces objets dans l'église du couvent de Montefalco, sauf les trois clous qui ont disparu ; c'est aussi dans cette église qu'est vénéré le corps de la pieuse vierge ; elle semble seulement endormie. L'une des boules se partagea en deux au moment où l'hérésie protestante s'abattit sur l'Europe. De même il a été remarqué que le sang coagulé se liquéfie et bouillonne lorsqu'une grave calamité menace l'Eglise.

Le culte.Ces précieuses reliques et le corps de Claire furent solennellement exposés à la vénération des

fidèles dès le zz août r3o8 ; des guérisons éclatantes marquèrent cette ostension. Dès lors les pro-diges se multiplièrent ; le procès de canonisation, commencé le 18 juin i3og, dix mois après la mort de l'angélique abbesse et terminé en ,315, en présentait deux cent dix-neuf.

La cause cependant subit un long retard, motivé par les troubles de la guerre et des schismes ; les pièces du procès furent alors égarées. rées. Réintroduite le 2,o février 1737, la cause aboutissait le 6 avril à une reconnaissance de culte ; mais les pièces du dossier primitif avant été retrouvées vers ,88o, elle fût reprise au point où elle était restée au xrv` siècle. Sainte Claire de Montefalco a été canonisée par Léon XIII, le 8 décembre 1881, en même temps que saint Jean-Baptiste de Rossi, saint Laurent de Brindes et saint BenoîtJoseph Labre.

Les Franciscains et les Augustins dans de longues controverses ont tour à tour revendiqué sainte Claire comme une de leurs gloires. Il reste acquis aujourd'hui que les uns et les autres peuvent la considérer comme leur, puisqu'elle appartint successivement à ces deux Ordres.

E. A.Sources consultées. - Acla Sanclorum, t. III d'août (Paris et Rome 1867. - l.msemo TAnm, moine

Augustin, Vie de sainte Claire de La Croie (Paris 1893). - Mgr PAUL Guéris, Les Petits Bollandistes, t. X (Paris, 1897). - R. P. Léon, L'auréole séraphique, t. III (Paris). - Mgr A. BATTAnaIzn, Annuaire pontifical cotho. lique de 1901 (Paris, Bonne Presse). - (V. S. B. P., n' 58.)

SAINTE HÉLÈNEVeuve, mère de Constantin le Grand (vers 248-328)Fête le 18 août.F LAVIA-JULiA-IIELENA est connue dans l'histoire comme la mère de Constantin le Grand,

premier empereur romain chrétien et fondateur de la ville de Constantinople. Son souvenir est inséparable de cet événement mémorable qu'est l'invention de la vraie Croix, l'instrument de notre rédemption. Mais, de plus, cette femme, sortie (les derniers rangs du peuple et parvenue à la plus haute dignité humaine, se montre, après sa conversion au christianisme, passionnée d'amour pour Dieu, zélée pour la foi et le culte, pleine d'humilité, toujours bonne et charitable pour les pauvres et les petites gens ; elle apparaît en un mot comme le modèle d'une

souveraine chrétienne.Modeste origine et mariage de la future impératrice.Dans les siècles passés, on a beaucoup discuté sur le lieu d'origine, d'Hélène. De nos jours, on

admet presque comme une chose certaine qu'elle naquit, vers 2,118, à Drépane (aujourd'hui Yalova), charmante bourgade située en Bithynie, sur le versant méridional du golfe de Nicomédie et station thermale très fréquentée. Ses parents étaient païens et de basse condition. C'est dans cette petite ville, à laquelle plus tard Constantin donnera, en souvenir de sa mère, le rang de cité et le nom si Ilélénopolis, que l'enfant grandit, exerçant, pour gagner sa vie, la profession assez mal famée de

servante d'auberge.Un tribun militaire, originaire d'Illyrie et nommé Constance Chlore, de passage à Drépane, fut

séduit par la jeunesse et l'intelligence de la jeune fille, Il l'épousa. Ni l'un ni l'autre lui à cause

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13818 AOUTSAINTE iifLLNE13.9de sa profession militaire, elle à cause de son origine non romaine, ne pouvaient prétendre au

mariage qu'on qualifiait de légitime ou de plein droit. A cause de cela, quand, en 293, Constance Chlore deviendra César de la Gaule, de la Grande-Bretagne et de l'Espagne, il pourra légalement (et par politique il sera obligé de le faire) répudier Hélène, pour épouser Théodora, belle-fille de l'empereur Maximilien-Hercule.

Entre temps, Hélène accompagne son mari en Germanie, en Angleterre, en un mot dans les diverses étapes de sa carrière militaire. C'est à Naïssus (Niseb) que naît Constantin, ce fils unique qui devait être sa fierté et sa joie. La jeune mère est le bon génie de Constance, chef habile, honnête, aimé de ses troupes, fort tolérant pour les chrétiens et, le clergé.

Victoire du Pont Milvius. - Conversion de la mère de ConstantinHélène avait environ quarante-cinq années quand, par suite de sa répudiation par Constance, elle

dut se séparer de son mari. Son enfant même lui fut enlevé. Quel coup pour cette âme ardente, ambitieuse, passionnée 1 La séparation se prolongea pendant treize ans. Durant, cette période, Hélène disparaît de l'histoire, mais non de la légende. Il est vraisemblable qu'elle dut se rapprocher le plus possible de son enfant qu'elle aimait d'un amour exclusif et vigilant, payée d'ailleurs en retour. L'épreuve fut salutaire à ce tempérament un peu rude.

A la mort de Constance Chlore (3o6), Constantin fut proclamé Auguste. Il y avait à ce moment même jusqu'à six empereurs à la fois. Par une série de batailles victorieuses, par des mesures poli-tiques qui n'étaient pas toujours très honnêtes, Constantin évince en Occident tous les rivaux qui lui disputent l'empire. En 312, après la bataille du Pont Milvius, il entre dans Rome : niais le Labarum impérial porte le monogramme du Christ. Constantin adhère à la foi chrétienne officiellement, bien qu'il diffère jusqu'à la fin de sa vie la réception du baptême.

Sa mère ne tarda pas à le rejoindre. Elle le voyait maître incontesté de l'Occident, délivré de ses ennemis. Elle en ressentit une joie profonde et se soumit enfin elle-même à ce Dieu des chrétiens qui lui avait procuré un pareil bonheur. L'empereur, dit l'historien Eusèbe, rendit sa mère, qui auparavant vivait dans l'ignorance du Irai Dieu, si pieuse et si fervente, qu'elle semblait avoir été instruite à l'école même du Sauveur. De fait Hélène arrivait au christianisme au soir de sa vie : elle avait plus de soixante ans. Mais dorénavant elle sera chrétienne, comme elle avait été épouse et mère, c'est-à-dire avec toute son âme ardente et généreuse.

Vertus et zèle d'une impératrice néophyte.Vers 317, Constantin accorda à sa mère le titre d' Augusta. Il la combla de biens, d'honneurs et

d'égards, lui ouvrit le trésor impérial ; elle eut sa cour et son palais, le Sessorium, près du Latrait : on frappa des monnaies d'or à son effigie. Elle profita de son

influence sur son fils pour qu'il se montrât aussi généreux que possible envers l'Eglise et ses ministres. Avec lui elle construisit et orna plusieurs basiliques romaines ; elle fit rendre les biens confisqués et les emplois aux chrétiens dépouillés ; elle s'intéressa au sort des prisonniers, des condamnés aux mines, demandant à Constantin d'adoucir une législation trop barbare. Maîtresse des trésors de l'empire, toujours elle en fit bénéficier les pauvres, les malheureux, distribuant du blé, des

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habits, de l'argent, des secours de tout genre.Oubliant sa dignité, elle aimait à être confondue parmi les autres fidèles dans les églises. Elle

partageait avec son fils le souci et le désir ardent d'établir partout, le règne du christianisme. Saint Ambroise vante l'éclatante sainteté de ses moeurs, Butin sa foi et son zèle, Socrate sa profonde humilité et son mépris du faste.

Constantin fait disparaître du Calvaire toute trace de paganisme.Dans un dessein politique, l'empereur Hadrien avait installé à Jérusalem une colonie romaine,

interdit aux Juifs l'accès de la cité qu'il avait organisée comme les autres, avec des thermes, des temples païens, etc. Pour éloigner les chrétiens du tombeau du Christ ainsi que du Calvaire, il avait fait disparaître en ces endroits le sol primitif sous une vaste terrasse d'une centaine de mètres de long où parmi de jolis bosquets on avait dressé, au Calvaire, la statue de Jupiter,et au Saint Sépulcre celle de Vénus. Sur la grotte de la Nativité, à Bethléem, on fit encore pis. Quelle douleur éprou-vèrent les fidèles devant ces profanations si diaboliques! Dieu cependant permit cela pour la conservation des Lieux Saints en ces siècles de persécution violente.

A l'occasion du concile cecuménique de Nicée, en 325, plusieurs évêques et plus particulièrement, semble-t-il, celui de Jérusalem, signalèrent à l'empereur Constantin la triste situation des lieux sanctifiés par la mort et la résurrection du Christ. Aussitôt le prince donna l'ordre d'abattre statues, idoles, temples, d'entreprendre des fouilles minutieuses pour retrouver l'emplacement et les monuments primitifs. Les travaux furent exécutés avec promptitude en 326; bientôt le Calvaire et le tombeau du Sauveur apparurent, Dans une lettre envoyée à saint Macaire, évêque de Jérusalem, Constantin veut qu'on élève au lieu où le Sauveur a reçu la sépulture une basilique qui soit, par la richesse des matériaux et sa décoration, digne de lui. L'empereur prend cette construction à sa charge.

Constantin avait commencé en Bit.hynie la célébration de ses vicennales. De grandes solennités devaient les clore, à Rome. La famille impériale, sauf Hélène, se rendit dans la grande ville. L'accueil y fut plutôt froid. Les Romains gardaient rancune à Constantin d'avoir abandonné et leur capitale et leur culte : le prince reçut même, un peu par sa faute, de violentes injures. Sa femme Fausta et ses beaux-frères profitèrent de cet état de choses pour calomnier indignement son fils Crispas, né d'une pre-

1110 18 AOUTSAINTE H r.ÈHEmière union. Hélas 1 privé des conseils de sa mère, Constantin ajouta foi aux rapports de sa

femme. Crispus, innocent, fut arrête et traîné à Pola, en Istrie, où il fut mis à mort.L'impératrice était arrivée trop tard à 'Rome pour sauver la vie à son petit-fils. Du moins, elle

détrompa le malheureux père et lui fit comprendre sa faute. Constantin, au lieu de se repentir et de pardonner, s'abandonna à la colère et il se vengea de ceux qui l'avaient indignement trompé en les faisant mourir.

Hélène, épouvantée par cette série de meurtres, ne perdit pas courage. De plus près encore qu'auparavant, elle veilla sur son fils égaré par la passion, le ramena à des sentiments plus chrétiens, et chercha à satisfaire en son nom à la justice divine.

Pèlerinage de sainte Hélène aux Lieux Saints..- Deux basiliques.Vers la fin de l'année 326, elle quitte Rome pour retourner en Orient par la voie des Balkans. On

apprit bientôt que la mère de l'empereur allait se rendre en pèlerinage à Jérusalem. Elle y voulait sans doute développer sa piété personnelle, mais aussi remercier Dieu et le supplier pour son fils et son petit-fils, implorer aussi miséricorde pour le meurtrier de Crispus et de Fausta.

Avec une ardeur juvénile - l'expression est de l'historien Eusèbe - l'Augusta prit probablement la route de terre, car elle visita les provinces orientales de l'empire, montrant à l'égard des villes et des populations une sollicitude et une générosité vraiment royales. Elle reçut les hommages respectueux, mais enthousiastes des habitants accourus pour voir cette femme étonnante.

On imagine avec quelle ferveur et quelle piété l'ardente chrétienne vénéra les Saints Lieux. Sa dévotion satisfaite, elle voulut en laisser des preuves éclatantes et durables. Son fils lui avait ouvert

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son propre trésor pour qu'elle pût réaliser ses pieux desseins. Hélène fit construire deux basiliques, désirant elle aussi enchâsser dans des monuments splendides les vestiges du Seigneur. L'une d'elles fut élevée à Bethléem, sur la grotte où Jésus était né; l'autre, la fameuse basilique de l'Eléona (ou des Oliviers), vers le sommet du mont des Oliviers, en mémoire de l'Ascension, au-dessus de la grotte oie le Seigneur avait l'habitude d'instruire ses apôtres : cette Grotte des enseignements de Jésus existe toujours. Les deux monuments étaient, nous dit-on, d'une beauté merveilleuse et dignes d'une éternelle mémoire. Avec la basilique de la Résurrection, ils furent les sanctuaires les plus vénérés de l'antiquité chrétienne.

Découverte ou invention de la vraie Croix.Dans un discours prononcé en 3g5 aux funérailles de Théodose le Grand, saint Ambroise vante le

bonheur de Constantin d'avoir eu une mère qui a assuré la protection divine à toutes ses entreprises. Il dit ensuite que, remplie de l'Esprit-Saint, Hélène est venue vénérer les Lieux Saints. Arrivée au Golgotha, le lieu du saint combat, elle a cherché le trophée de la victoire, l'étendard du salut que le démon avait caché.

Près du Calvaire, au milieu d'anciennes carrières, une profonde excavation s'ouvrait sous une roche. Ce fut dans cette espèce de grotte que, le soir du Vendredi-Saint, on avait jeté les gibets des trois

Sainte 3tétène découvre les trois croix sur le Calvaire.crucifiés : ils y furent comme ensevelis quand plus tard fut exécuté le nivellement du Calvaire

sous l'empereur Hadrien. Afin de retrouver les reliques de la Passion, Hélène fit creuser le sol. On découvrit les trois croix, Comment distinguer celle du Sauveur? L'inscription en trois langues que Pilate y avait fait afficher fut le signe providentiel, dit saint Ambroise. Au début du ve siècle,

142 r8.AOUTRuftn racontera - et ce récit se trouve reproduit au Bréviaire m main dans la légende de la fête de

l'Invention de la Croix (3 mai) - qu'une guérison miraculeuse, obtenue au contact du gibet: du Sauveur, servit à l'identifier d'une manière certaine. Avec la croix et, l'écriteau, on eut aussi les clous quii avaient, percé les mains et tess piedss de Jésus. Selon la tradition, sur l'ordre d'Hélène, l'unn d'eux fut fixé dans le casque (ou peut-être le diadème) de Cōnstantin,, afinque. le culte rendu à la personne de l'empereur atteignît aussi !e Christ dont il était le mandataire. La plus grande partie duu bois sacré demeura à Jérusalem dans l'édifice appelé l'oratoire de la Croix.. Une autre portion,

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avec l'écriteau et un clou, fut, selonn le Liber pontificalis, envoyée à Rome, du vivant de: l'empereur, et placée dans l'église établie par Hélène dans son palais Sessorien ; cette relique insignee fit désigner la basilique hélénienne sous. le vocable de Sainte-Croix de Jérusalem qu'elle a conservé.. L'envoi à Constantinople d'une autre partie de la vraie. Groix est aussi attesté' par la tradition byzantine.

L'existence de la Croix du Sauveur à. Jérusalem est affirmée nettement par saint Cyrille de: Jérusalem, au milieu du iv' siècle. A la même date, les reliques de la Croix: sont déjà répandues en Orient et en Occident. A Constantinoplee on les porte au cou enchâssées dans de l'or. Dans les siècles suivants, surtout au moyen âge et à la Renaissance, l'art chrétien représentera,, sous des formes variées,, la scène de l'invention de la Croix par l'impératrice Hélène. Dans les miniatures, les icones, les peintures, les. fresques, les reliquaires, Constantin et sa mère sont souvent placés à droite et à gauche de la Croix ; cette double présence rappelle leur rôle en ce qui concerne laa découverte de l'arbre de salut.

Hélènee ne vit pas l'achèvement des travaux entrepris à Jérusalem. Après quelques mois, elle repartit pour Constantinople, heureuse d'avoir ravivé sa piété et retrempé sa foi au lieu même où le Sauveur était mort. Avant de quitter la Palestine, elle fit réunir less vierges consacrées au Seigneur, et leur donna un repas où elle servit de ses propres mains celles qui étaient, par vocation et par état, les servantes ou mieux les épouses du Christ.

Mort de sainte Hélène dans la ville impériale.Mais un si long voyage était plus que suffisant pour épuiser les forces d'une femme bientôt

octogénaire. Presque aussitôt après sonn retour à Nicomédie et ensuite à Constantinople, Hélène sentit sa dernière heure approcher. Elle fit son testament, partagea ses biens entre son fils et ses petits-fils, !es enfants de la malheureuse Fausta, recommanda à Constantin de se conduire et de gouverner ses sujets en toute justice. C'est dans les bras de- son fils qu'elle mourut en 328 ou 329, au mois d'août, peut-être le 18 de ce mois (date à laquelle sa fête est fixée), ou aux environs du même jour.

La mort de la grande, impératrice eut le caractère d'un deuil public, vivement ressenti dans tout l'empire, surtout par l'Eglise, les humbles et les pauvres, à qui la défunte était si secourable. A.

SAINTE IIGLLNE 143cause de la dignité dont elle était revêtue et des servicess éminents rendus: pendant sa vie,

Constantin fit faire à sa mère des funérailles vraiment impériales à Constantinople. Le corps, accompagné d'un cortège nombreux, fut. ensuite transporté à Rome et déposé dans le sarcophage' et le mausolée que l'empereur avait préparés pour luimême à l'époque où il ne pensait pas se fixer sur les rives du Bosphore. Ce mausolée était situé en dehors de Rome, sur laa via Labicana, à un endroit appelé Tor Pignattara, non loin de la villa de Constantin. A sa gauche s'ouvrait la catacombe des saints martyrs Pierre et Marcellin : à cause du voisinage du tombeau de sainte Hélène, la petite catacombe et son église furent parfois désignées par l'indication : ad sanetam Helenam. On montre aujourd'hui, dans la salle de la Croix grecque du muséee du Vatican un sarcophage de porphyre rouge, dit de sainte Hélène.

De Rome à l'abbaye d'Hautvillers et à l'église Saint-Leu de Paris.Du mausolée impérial, les restes de la mère de Constantin furent bientôt transportés, peut-être par

mesure de sécurité ou pour un autre motif, dans la crypte voisine des saints martyrs. Vers le milieu du iv' siècle, époque de trafic et de pillage des reliques romaines, un prêtree de Reims, nommé Teutgis, fort dévot à sainte Hélène qui l'avait guéri, réussit, lors d'un pèlerinage à son tombeau, à emporter la plus grande partiee de son corps. Le diacre romain chargé de l'administrationn de la catacombe des Saints-Pierre et Marcellin dut sans nul doutee faciliter une pareille opération. On laissa dans le sarcophage, la tête, les bras et les membres inférieurs. Lors de l'arrivée des reliques dans le diocèse de Reims, le Chapitre de cette ville crut nécessaire d'envoyer à Romee deux délégués pour faire une enquête discrète, mais sérieuse, sur l'authenticitéé du récit et des ossements apportés par le prêtre pèlerin.

Cette enquête rassura pleinement le Chapitre. Les reliques ci, sainte Hélène furent déposées dans

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l'abbaye bénédictine d'Hautvillers au même diocèse. Pour les vénérer on accourut de toute la Cham-pagne et bientôt de toute la France. Les pèlerinages principaux se faisaient le r8 août et le r4 septembre, jour où l'Eglise d'Orient célèbre l'anniversaire de la découverte ou invention de la vraie Croix (en Occident cette fêtee est célébrée le 3 mai, la date du. 14 septembre étant réservée à honorer l'exaltation de la sainte Croix). Une neuvaine avait lieu à l'époque de la Pentecôte ; dans ces trois circonstances la châsse était exposée. Le g février, on commémorait la translation des reliques.

Ces dernières étaient enveloppées d'un suaire qui est formé d'une étoffe de soie portant des dessins inspirés par l'art byzantin ; il existe toujours. On peut suivre à travers les siècles le sort des reliques de sainte Hélène au monastère d'Hautvillers, grâce à plusieurs procès-verbaux d'authenticité, aux récits de nombreux miracles accomplis à leur contact. Au début de la Révolution française, en I79I, les restes de sainte Hélène furent d'abord confiés au monastère de Montier-en-Der, puis au curé de Ceffons : un brave paroissien les

14418 AOUTgarda chez lui et les restitua ensuite. En 1820, sur la demande de la duchesse d'Angoulême, ils

furent cédés par acte notarié aux chevaliers de l'Ordre du Saint-Sépulcre établis à Paris. On les dé-posa dans l'église Saint-Leu de la même ville. C'est là qu'on les vénère encore aujourd'hui. Mais les villes d'Orléans, de Reims et quelques autres localités ont obtenu des parties plus ou moins im-portantes des reliques apportées au Ix° siècle à Hautvillers.

Les ossements que Teutgis avait laissés dans le tombeau de sainte Hélène à Rome étaient peu en sûreté. Ils furent ramenés, peut-être au xii- siècle ou même auparavant à l'intérieur des murs. Dans le transept gauche de l'église Saint-Marie in Ara Caeli, à Rome, une chapelle dédiée à sainte Hélène contient, dans une urne de porphyre, quelques restes du corps de la Sainte avec ceux des martyrs Abundius et Abundantius. L'archibasiliquc de Saint-Jean de Latran, l'église Sainte-Sabine sur le mont Aventin, l'abbaye de SaintMathias de Trêves l'ont vénérer aussi quelques os des bras et des .jambes et surtout le chef même de la première impératrice chrétienne.

Patronage et culte liturgique.L'histoire de sainte Hélène est liée dans la tradition catholique à celle de la découverte de la vraie

Croix. Tout naturellement on invoquera le secours de cette Sainte pour retrouver les objets perdus. Mais la Croix ayant la puissance de chasser les démons et ses agents, les magiciens et les sorciers, c'est celle qui a retrouvé le bois sacré qu'on priera pour se protéger contre les sortilèges, les maléfices diaboliques et les maladies qu'ils engendrent, au moins selon les croyances du moyen âge, telles que le cancer et l'épilepsie. Sainte Hélène est la patronne des Chevaliers du Saint-Sépulcre et de la Confrérie de la Sainte-Croix érigée dans l'église de Saint-Leu à Paris. Quelques villes, en particulier Colchester, Bonn, Trêves, Pesaro, lui ont voué, pour des raisons locales, un culte tout spécial.

Nombreuses sont, dans les diverses nations catholiques, les églises et chapelles dédiées à sainte Hélène ; parmi les plus connues, il y a à Rome la crypte de la basilique de Sainte-Croix de Jérusalem, élevée, nous l'avons vu, sur l'emplacement de son palais, et, à Jérusalem, la chapelle de la Croix, renfermant la grotte où, selon la tradition, les [rois gibets ont été retrouvés.

L'art chrétien à travers les siècles représente sainte Hélène avec les attributs de la dignité impériale, diadème et manteau royal ; mais sa caractéristique propre est la Croix, qu'elle a découverte.

F. C.Sources consultées. - Acta Sanctorum, t. III d'août (Paris, 1867). - Mgr PAUL Guénu, Les Petits

Bollandistes, t. X (Paris, 1897). - MAUS10s JULES, Sainte Hélène, (u l'Art et les Saints » , Paris, 1g30). - P. Iloun.LOS, 0. P., •S', e le lldti.nn (Coller1k a Les Saints e, Paris, igo8). - Lacer, Sainte Hélène (Paris, 18,6). - louvet, Histoire de sainte Hélène (Paris, 1882). - MAusmu JULES, Sainte Hélène (Lille, 1927). - (V. S. B. P., n' 339.)

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SAINT JEAN EU DESFondateur de la Congrégation de Jésus et de Marie (Eudistes) (1601.1680),.Fête le 19 août.c E prêtre au coeur ardent et zélé fut, en plein xvn° siècle, suscité par Dieu pour établir et

promouvoir le culte liturgique des Sacrés Coeurs de Jésus et de tMMarie, pour former les clercs dans les Grands Séminaires, pour renouveler l'esprit chrétien dans: le peuple par la prédication des missions. Il a fondé six Séminaires,. prêché plus de cent missions dans quatorze diocèses de France, laissé de nombreux ouvrages ascétiques et mystiques. Il se survit dans les deux Instituts, celui des Eudistes et celui des Sieurs de Notre-Dame de Charité, dont il est le Père et le législateur. Saa vie est bien connue grâce au Mémorial écrit par lui-même.

Naissance. - Education. - Vocation ecclésiastique.Jean Eudes naquit le 14 novembre i6o1, dans l'un des modestes. hameaux du petit village de Ri, à

une douzaine de kilomètres d'Argentan, au diocèse de Séez. Son père, Isaac Eudes, avait dû, seul survivant de sa famille victime de la peste, renoncer au sacerdoce : agriculteur et médecin de campagne, il récitait chaque jour son bréviaire comme le curé et était d'une piété peu commune, ainsi d'ailleurs que sa femme, Marthe Corbin. Jeanfut leur premierné, après trois ans de mariage, et l'aîné de sept enfants dont un, François Eudes, seigneur de Mézeray (i61o-1683), devait être un his-torien connu. La naissance de Jean fut la réponse du ciel au vceu fait par ses parents d'aller en pèlerinage à la chapelle de NotreDame de Recouvrance, sise à quelque six lieues de Ri, dans la paroisse des Tourailles. Dès les premiers jours de sa vie, ce u fruit d'oraison plutôt que de nature » fut offert en reconnaissance à

I'C,46Tq 'AOUTSAINT JEAN EUDES1:49Marie dans son 'sanctuaire. L'enfant reçut 'de Dieu -les plus beaux dons : un esprit vif, un coeur

affectueux, une volonté droite et énergique, surtout la crainte de Dieu et le goût de la piété. Il fit sa première Communion le jour de la Pentecôte, en 1613, la renouveltant ensuite chaque mois. Dans sa quatorzième année, il fit le voeu de virginité perpétuelle. Béni dana sa vertu, il le fut également dans son intelligence qui s'ouvrait toute grande aux leçons de ses maîtres, les Pères Jésuites de Caen, et il remporta au collège royal du Mont, en humanités, rhétorique et philosophie, les plus brillants succès, pen.dant les cinq ou six ans qu'il y resta.

Dans les dangers de la ville, Dieu protégea la pureté de sa foi et de ses moeurs, fit croître sa piété. Aux environs de 1618, Jean fut reçu dans la Congrégation de Notre-Dame, dans laquelle Jésus lui fit de très grandes grâces par l'entremise de sa Mère. Fervent congréganiste de la Sainte

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Vierge, il fut le modèle de ses condisciples, qui, dans leur admiration, l'appelaient le e dévot Eudes ». fil la prit alors, non seulement pour sa Reine et sa Mère, niais pour son Epouse ; et, dans la confiance que la Sainte Vierge agréait son choix, il passa une bague au doigt d'une de ses statues quelque temps après, il écrivait le contrat de cette sainte alliance qu'il signait de son sang.

Ayant reçu de son directeur le conseil, qui pour lui était un ordre, d'entrer dans l'état ecclésiastique, il déclara sa résolution à ses parents, dès son retour à Ri. Mais ceux-ci, oublieux de la promesse qu'ils avaient faite autrefois à Notre-Dame de Recouvrance, rêvaient pour leur fils d'un mariage fort avantageux ; ils durent céder devant son énergique résistance. Jean reçut, en septembre 1620, à Séez, la tonsure et les ordres mineurs. Il retourna à Caen étudier la théologie et las autres sciences ecclésiastiques. Là, voyant la difficulté de se sanctifier au milieu du inonde, le jeune clerc, après avoir consulté son confesseur et vaincu héroïquement l'opposition des siens, sollicita et obtint son admission dans la Société de l'Oratoire de Jésus (1623), fondée en 1611 par un saint prêtre, Pierre de Bérulle.

Séjour à l'Oratoire.Entré le 25 mars 1624 à la maison 'de la rue Saint-Honoré, à Paris, où était établie l'institution ou

noviciat, Jean Eudes s'y forma, sous la direction du P. de Bérulle, à la vie d'oraison et d'union à Jésus-Christ, qui caractérisait la Congrégation nouvelle, et, par elle, à toutes les vertus sacerdotales et religieuses. Après une année des plus ferventes, où jeunes et anciens le regardaient comme leur modèle, il se rendit à la résidence d'Aubervilliers, située presque aux portes de Paris, et s'y prépara, sous les yeux de Notre-Dame des Vertus, aux ordres sacrés et à la prêtrise, initié par le célèbre P. Charles de Condren, au culte du Verbe incarné. Prêtre le 2o décembre 1625, il célébra sa première messe la nuit de Noël, dans l'église de la rue Saint-Honoré, et à l'autel de la Sainte Vierge. L'année suivante la maladie lui imposa un repos relatif.

En 1627,. il venait d'être admis définitivement dans: l'Oratoire et se préparait., à la maisonn de Paris, à la prédication, lorsqu'une lettre de son père le sollicite de se dévouer aux pestiférés,. dans les contrées voisines d'Argentan. Il part avec laa permission de sonn supérieur, et, assisté, d'un bon curéé quii consent à le loger, il parcourt les villages infectés, soignant,, confessant les malades, et leur donnantt la communion. Deuxx mois, septembre. et octobre,, se passent dans ce ministère- de charité héroïque.. Par une sorte de miracle, les deux prêtres échappèrent à la contagion. Le fléau ayant cessé, le P. Eudes, sur l'ordre de ses supérieurs, se renferma danss la maison de l'Oratoire de Caen, pour se préparer auxx missions. Cette préparation dura quatre ans,, interrompue 'en 1631 par les: soins dévouéss qu'il donna aux pestiférés de, cette; ville et par une nouvelle maladie grave,, qui lee conduisit aux portes du tombeau..

En 1632, il donna, avec ses confrères, sixx missions dans. le diocèse. de Coutances ; il y prêcha, il y confessa avec tant d.'onction victorieuse et pénétrante, que ses premierss essais passèrent pour des, coupss de maître il atteignait d'unn bond àà la, perfection du mis,' sionnaire. Aussi, après deux nouvelles années de retraite et d'études,, le P. de Condren L'établit-il chef dess missions de l'Oratoire dans la Normandie. Les évêques de Bayeux, de Saint-Malo, de Lisieux, l'employèrent successivement dans leurs diocèsess de 163:5 à. x641, et sa parole,, qui entraînait les foules, obtint les résultats les plus consolants. A l'Avent de 1638, il commença dans l'église SaintEtienne de Caenn une mission dont les fruits furent plus grands qu'on ne saurait le dire. L'Avent de. 163q, et le Carême de 164o,, à Saint-Pierre, eurent plus de succès encore:.. Unn jour même quee le P. Eudes avait profondément remué son auditoire par une vivante et effroyable peinture des châtiments divins, il L'invita,, dans l'élan, de son zèle, à tomber à genoux et à crier avecc lui_ à, haute, voix e Miséricorde, mon Dieu, miséricorde 1 e Tous aussitôt- de s'agenouiller d'un même mouvement et de répéter plusieurs: fois ces paroles avec tant- de componction quee de toutes parts éclatèrentt les. sanglots. La mission. dehouen, en. 1642, ne lui réserva pas: de: moindres triomphes. A. sa parole, on vit souvent l'auditoires fondre en larmes ;, les' confessionnaux, troiss moise durant, furent assiégés ; les conversions. furent innombrables : une multitude de: mauvais livres et de tableaux de prix, niaiss déshonnêtes,, furent brûlés publiquement devant le missionnaire. Les missions prêchées ensuite à Saint-Malo et. à Saints-Lôô convertirent, beaucoup de brigue-. nots;

Fondation de la Congrégation de. Jésus et Marie.

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Une- des' plus grandes' peines du. P. Eudes, c'était de- voir que les heureux résultats obtenus par lui et ses collaborateurs dans les, missions ne duraient pas, faute de pasteurs pieux et instruits pour. les maintenir. Sans doute, les entretiens qu'ill y faisait aux ecclésiastiques et les exercices qui les accompagnaient, produisaient un grand bien, mais ne suffisaient pas pour guérir le mais.

14819 AOUTSAINT JEAN EUDESCe qu'il fallait, c'étaient des Séminaires, où les clercs se prépareraient à la réception des saints

ordres et se formeraient aux vertus et aux fonctions de leur état. Ainsi pensaient saint Vincent de Paul, M. Olier et bien d'autres : ainsi pensa le P. Eudes, et il résolut de fonder de tels établissements. Cette résolution, il eut quelque temps l'espoir de la réaliser dans l'Oratoire. Dieu ne le permit pas. Alors, sur les coconseils de saints prélats, de doctes religieux g

r set d'un and nombre de personnes fort encouragé par la parole d'une pieuse fille, célèbre par ses

états mystiques, Marie des Vallées, Jean Eudes décida de quitter l'Oratoire et d'insti. tuer une Congrégation nouvelle- Mandé à Paris par Richelieu, reçu avec honneur, écouté avec attention, approuvé dans ses vues, il eut la - joie de recevoir, au commencement de décembre 1642, les lettres patentes du roi autorisant sa future Congrégation, De retour à Caen, il disposa tout pour son établissement.

Dans une pensée mystique, il avait chosi la date du 25 mars 1643 pour la naissance de sa Société, parce qu'il se proposait d'y continuer les travaux et les fonctions du Verbe incarné, et d'honorer particulièrement son union intime avec sa sainte Mère. Voulant que, ce jour-là, commençât, pour lui et ses compagnons, la vie toute dédiée au Fils de Dieu que le nouvel Institut devait mener sous les auspices de Marie, il effectua sa sortie de l'Oratoire dès le 2(i au matin. A treize kilomètres de Caen, vers la mer, s'élève un antique sanctuaire consacré à la Sainte Vierge, sous le vocable de Notre-Dame de la Délivrande, lieu de pèlerinage célèbre et fréquenté ; il y conduisit ses collaborateurs, au nombre de cinq, dès la première heure de leur réunion, pour s'y consacrer à Jésus et à Marie, eux et leurs successeurs. Après quoi, il les installa dans leur nouvelle demeure, confiant dans la Providence et le secours de Marie.

Le P. Eudes donna à son oeuvre le nom de Congrégation de Jésus et Marie, qui, dans sa pensée, équivalait à celui de Congrégation des Noms et des Cceurs de Jésus et de Marie. Ce nouvel Institut, purement séculier comme l'Oratoire, avait pour but premier et principal, la formation de prêtres pieux et zélés par le moyen des Séminaires et des retraites ecclésiastiques : après cette oeuvre des oeuvres venait celle des missions paroissiales. Il était placé d'une façon spéciale sous l'égide des Cceurs de Jésus et de Marie.

Le fondateur établit, de 1643 à 1670, six Séminaires : à Caen, Coutances, Lisieux, Rouen, Evreux, Rennes ; et combien de prélats le sollicitèrent de leur accorder la même faveur I! Après sa mort, ses fils en eurent à Avranches, Valognes, Dol, Senlis et Blois. Dans la fondation de ceux qu'on appela a les Eudistes u et dans l'établissement des Séminaires, l'apôtre rencontra beaucoup de difficultés, d'oppositions, de contradictions, suscitées par la jalousie, le vice, l'esprit janséniste, la haine ; se vertu h-roïque, sa prière, triomphèrent de tout. Ses nouvelles oeuvres ne l'empêchèrent pas d'évangéliser les villes et les campagnes. Tout en plaçant au-dessus de .toute autre fonction les exercices des Séminaires, il engagea ses confrères à partager ses travaux apostoliques. On le vit donc par.

courir avec eux la Normandie et une partie de la Bretagne, le Perche et le pays chartrain, l'Ile-de-France, la Brie, la Champagne, la Bourgogne et la Picardie, attirant les foules et produisant, de

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Saint jean Eudes et le cardinal de nicbelieu.1643 à 1676, dans plus de quatre-vingts missions, des conversions merveilleuses. Le P. Eudes

avait 1,.L tempérament ardent et auda cieux, le zèle brûlant d'amour surnaturel, les qualités et les dons qui font le vrai missionnaire. Ses contemporains saluaient en lui un maître de la chaire sacrée, gagnant les esprits et les coeurs par sa.

750 19 AOUTparole sainte, forte, longtemps méditée devant Dieu et venant d'un cour débordant de charité.

Courageusement, il dénonçait les vices, extirpait les coutumes scandaleuses, ne ménageait pas, même aux grands et aux riches, la vérité libératrice. Sa douceur et sa compassion au confessionnal ressemblaient à celles du divin Pasteur après avoir foudroyé les crimes, il avait pitié du pécheur.

L'institut de Notre-Dame de Charité du Refuge.Au cours de ses missions, le P. Eudes avait eu la joie de ramener à Dieu plusieurs pécheresses

fameuses., et, sur leur demande, il les avait réunies dans la maison d'une femme charitable, puis, en 1641, clans un local plus vaste et mieux approprié. Furieux, le démon souffla le découragement et la jalousie parmi les directrices qui, sauf une, quittèrent le Refuge. Le fondateur pria les Visitandines de Caen de lui donner quelques religieuses pour gouverner les repenties et former leurs futures directrices. Elles lui accordèrent., en 1644, trois de leurs Soeurs, dont la Mère Patin, femme d'un grand mérite. Avec son concours il posa les fondements de l'Ordre de Notre-Dame de Charité, sous la règle de saint Augustin. Aux trois voeux de pauvreté, de chasteté :et d'obéissance, les religieuses de cet Ordre ajouteraient le vceu spécial de se consacrer à la conversion des filles et des femmes

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tombées ou exposées à de coupables égarements. Cet hôpital pour les âmes fut une création audacieuse, fort combattue, et éprouvée de multiples façons.

Trois autres monastères du même genre furent établis du vivant du pieux fondateur à Rennes, ilennebont et Guingamp ; quatre autres après sa mort, à Vannes, La pochette, Tours et Paris. Depuis la Révolution française, l'Ordre a pris une extensionn qu'il n'avait peint connue jusque-là. Il a franchi les frontières de la France pour essaimer en plusieurs pays de l'Europe et de l'Amérique. La maison d'Angers même, érigée en généralat, sous l'inspiration de Dieu, par Marie de Sainte-Euphrasie Pelletier, en 1835, forme une branchu prospère de l'Ordre, qui, sous le nom de Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur d'Angers, couvre de ses établissements les cinq parties du monde.

Dévotion aux Sacrés Coeurs de Jésus et de Marie.La dévotion du P. Eudes aux Sacrés Coeurs de Jésus et de Marie datait de sa jeunesse ; on en

trouve des traces manifestes dans l'un de ses ouvrages, publié en 1637. Lorsqu'il institua sa Con-grégation, il commença à y organiser le culte du Sacré-Cceur par certaines prières quotidiennes comme l'Ave Cor Sanolissimu.m, et des fêtes annuelles. Ainsi en fut-il chez les religieuses de NotreDame de Charité, plus spécialement vouées au Cour de Marie, taudis que ses prêtres l'étaient au Cmur de Jésus. Ce culte ne demeura point ~conflué dans ses communautés : il le répandit au dehors dans ses missions, par des prédications, des prières, la publication d'opuscules, J'organisa,tion de fêtes.

SAINT JEAN EUDES 15TEn 1648, il fit célébrer à Autun, avec l'approbation de l'évêque, la première fête publique du Très

Saint Cour de Marie, et cette fête se propage rapidement dans les diocèses et les communautés religieuses, à tel point qu'en 1672 Jean Eudes peut affirmer iqu'on la solennise dans toute la France. Elle est même approuvée en 1668, avec l'office et la messe que le P. Eudes avait composés, par le cardinal de Vendôme, légat -a latere, dont tous les actes furent confirmés par le Pape Clément IX ; et, en 1674 et 1675, Clément X, épar six Brefs, reconnut et consacra l'existence des confréries des Coeurs de Jésus et de Marie établies dans les Séminaires. Le n9 juillet 1672, le fondateur prescrit à toutes les maisons de son Institut de célébrer le zo octobre la fête du Sacré Coeur de Jésus, que déjà la maison de Rennes fêtait avec un admirable office de sa composition. Cette solennité passa dans les monastères et les diocèses où antérieurement avaient été adoptés la fête et l'office du Coeur de Marie. C'est en toute justice que les Pontifes romains ont appelé le P. Eudes l'auteur, le père, le docteur, l'apôtre, le promoteur et le propagateur du culte liturgique des Coeurs de Jésus et de Marie ; car, avant les révélations de Paray-le-Monial, il a travaillé de toutes manières à répandre cette dévotion si combattue par les jansénistes. Dans les paroisses où il donne une mission, il organise ordinairement des confréries sous le vocable du Coeur de Jésus et du Cour de Marie. Mais comme dans ces confréries l'on recevait toutes sortes de personnes, pourvu qu'elles ne fussent pas de vie scandaleuse, il institua pour celles qui, tout en restant au milieu du monde, désiraient y pratiquer la perfection évangélique, une pieuse union dite Société du Cmur de la Mère admirable, dans laquelle, sous forme de bon propos, lecélibat était gardé. Des filles et de pieuses veuves en formèrent toujours le principal contingent. De nos jours, cette Société est encore prospère en Bretagne et en Normandie, où elle est connue, par analogie avec les Tiers-Ordres anciens, sous les noms de Tiers-Ordre du SacréCceur, de Notre-Dame de Charité et aussi des Eudistes.

Opposition au jansénisme. - Ecrits ascétiques : la mort.Tout en se plaçant parmi les modérés et les sages, parmi ceux qui, fortement attachés à la

doctrine traditionnelle de l'Eglise et aux constitutions pontificales, savaient, au besoin, agir et parler, mais évitaient d'ordinaire les chocs d'opinions et les combats de paroles tant recherchés par d'autres, le P. Eudes fut un ennemi déclaré du jansénisme,, et son opposition lui attira les plus cruelles persécutions. Ce serait un trop long chapitre que de les raconter.

On ne peut non plus insister sur cette foi vive, lumineuse, qui élevait son esprit au-dessus de la terre, pour lui faire regarder toutes choses en Dieu et en Jésus-Christ; sur cette inébranlable espérance, qui, au milieu des orages, lui servait d'ancre ferme et sûre ; sur cette charité ardente qui le consumait jour et nuit pour Dieu et pour ses frères, et lui donnait le courage d'entreprendre et de

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mener à bonne fin, pour la gloire de Dieu et le salut des âmes,152Ig AOUTdes travaux que l'humaine faiblesse aurait à peine osé concevoir.Parler et agir ne suffirent pas au P. Eudes : il voulut encore, par sa plume, promouvoir l'esprit

chrétien parmi les fidèles, l'esprit sacerdotal parmi les prêtres : de là de nombreux et remarquables ouvrages, selon l'expression de Léon XIII. Le centrai de l'homme avec Dieu par le saint baptême n'est pas un des moindres dans son petit volume. Vie et royaume de Jésus dans les âmes chrétiennes, Méditations sur l'humilité, Entretiens de l'âme chrétienne avec son Dieu, Mémorial de la Vie ecclésiastique, Prédicateur apostolique, faon confesseur, Cceur admirable de la très sacrée Mère de Dieu (ouvrage achevé peu de jours avant sa mort) ; voilà les principaux, parmi ceux qui ont été imprimés.

Plus Jean Eudes approchait de la tombe, plus l'épreuve et la croix, compagnes inséparables de sa vie, devinrent lourdes et meurtrissantes. Maladies et deuils d'amis dévoués, médisances et calom-nies colportées par les jansénistes ou même par des personnes consacrées à Dieu, maneeuvres malhonnêtes pour le perdre à Rome et le desservir auprès du roi, libelle. diffamatoire lancé dans le public, douloureuses infirmités des dernières années, rien ne lui fut épargné. En 168o il donna sa démission de Supérieur général. Après avoir adressé aux siens ses dernières volontés et recommandations, il reçut le Viatique à genoux sur le pavé de sa chambre et mourut dans les transports d'une ardente charité, à l'âge de soixante-dix-neuf ans, le r9 août.

Son corps fut inhumé dans l'église du Séminaire de Caen. En r81o, ses restes furent portés dans l'église Notre-Dame de la Gloriette, chapelle de l'ancien collège du Mont ; une partie du corps fut confiée au monastère de Notre-Dame de la Charité à Caen.

Les procès canoniques, commencés en 1868, aboutirent à la béatification (25 avril 1909) sous Pie X, et ensuite à la canonisation par Pie XI, le 31 mai 1925. Sa fête, étendue à l'Eglise universelle en mai r928, est fixée au iq août. Le 18 février 1932, la statue en marbre de saint Jean Eudes, fondateur des Eudistes et des Sceurs de Notre-Dame de la Charité, a été placée à Saint-Pierre de Rome.

A. F. C.Sources consultées. - P. Enur.s Geonoes, Eudiste, Saint Jean Eudes (Arras, rgrzg). - P. Cannzzs

LEenuN, Eudiste, Saint Jean Eudes et la dévotion au sacré Cour (Paris, [gag) ; ,, Le bienheureux Jean Eudes n, dans Dictionnaire de théologie catholique (Paris, 1912). - llzaru JOLY, Le vénérable Père Suées (Collection « Les Saints », Paris, 1907). - (V. S. E. P., n°' , 58, 1a5g et 1525.)

....................................PAROLES DES SAINTS

Suivre Jésus.Vous désirez voir votre Jésus dans la gloire de son royaume, et vous en demandez le moyen : le

plus sûr et le plus doux est dç le suivre toujours ; ce n'est pas seulement le plus doux : si vous en croyez l'Epouse, c'est le seul, ,t il n'y en peut avoir d'autre.

Saint Gnécorme DE NYSSE.SAINT PHILIBERT ou PHILBERTAbbé de Jumièges et fondateur de Noirmoutier (616-684)

Fêle le 2o aoùt.L 'ABBAYE de Jumièges, l'une des plus illustres parmi celles qui firent vivre la règle

monastique de saint Colomban, puis celle de saint Benoît, sur le sol de France, dresse encore au bord de la Seine, à peu de distance de Rouen, la silhouette grandiose de ses ruines. Au cours de ses onze siècles d'existence, quatre-vingt. deux Abbés la dirigèrent, dont cinq : Philibert, son fondateur, Achard, Hugues, Thierry et Gontard, sont inscrits au nombre des Saints.

De la cour royale au cloître.Philibert naquit au début du vit- siècle, en 616, d'une famille noble d'Aquitaine. Son père

Philibaud, après avoir administré la ville d'Aire avec prudence et sagesse, fut choisi, comme un autre saint Ambroise, pour en être l'évêque. Voyant les heureuses qualités dont son fils était doué, il

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l'envoya, suivant l'usage d'alors, se former à la cour de Dagobert qui régnait en Neustrie (la Normandie actuelle). En ce séjour brillant, mais fécond en occasions dangereuses, l'adolescent, par une disposition providentielle, rencontra un jeune écuyer nommé Ouen, avec lequel il se lia d'une étroite et fraternelle amitié. Devenus vite assez intimes pour n'avoir plus de secrets l'un pour l'autre, tous deux résolurent de renoncer à un avenir d'honneurs mondains et de richesse pour embrasser la vie religieuse. Ils entrèrent donc dans une communauté de moines venus de Luxeuil à la prière d'Ouen, qui leur avait bâti à Rebais, autrefois Resbacum, dans la Brie, non loin de Coulommiers, une abbaye magnifique (638).

Le premier Abbé de ce monastère qui était placé sous le patronage de l'apôtre saint Pierre, fut saint Aile ou Agile, ancien moine de Luxeuil.

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Débuts dans la vie monastique.La ferveur de Philibert était dès lors si grande, ses progrès furent si rapides, qu'il distança bientôt

les plus parfaits.Ces progrès ne se réalisaient pas sans luttes. Parmi toutes les vertus qu'il voulait pratiquer,

l'abstinence était celle qui semblait lui coûter le plus, vu son tempérament. Malgré les sollicitations de son appétit, il se levait fréquemment de table, après avoir servi ses Frères, sans avoir pris ce qui lui était nécessaire. Un jour, pourtant, il lui arriva de manger plus qu'il ne se le permettait ordinairement. Un songe l'avertit du piège où il était tombé. Le jeune religieux crut voir pendant son sommeil le diable lui caresser l'estomac en répétant: c Que je suis bien ici 1 Que je suis bien ici 1 » Mis ainsi en éveil contre les tentations de gourmandise qui offraient peut-être pour lui an véritable danger, Philibert décida de redoubler la rigueur de ses jeûnes.

D'autres tentations survinrent, dont il triompha par le signe de la croix. Pendant la nuit, il se rendait à l'église pour prier. Le diable voulut lui en interdire l'accès en se plaçant à l'entrée sous les formes les plus hideuses : tantôt c'était un serpent qui s'élançait en sifflant contre lui, tantôt un ours qui voulait l'étouffer. Les rusess de l'ennemi furent déjouées par le signe de la croix, et, dès lors, Philibert put vaquer en pleine liberté à la prière.

Abbé de Rebais.A la mort du fondateur et premier Abbé (t vers 65o), les suffrages de tous mirent Philibert à la

tête de la communauté.Son gouvernement réalisa l'idéal tracé par saint Benoît. Cependant. malgré sa prudence, la

fermeté du nouveau supérieur déplut à quelques moines exaltés qui s'oublièrent jusqu'à fomenter une rébellion contre lui. La Providence frappa d'un châtiment honteux les principaux artisans de cette conspiration, les autres se soumirent et furent reçus par leur Abbé comme des enfants prodigues.

Afin d'introduire dans son monastère les usages qui lui sembleraient les plus propres à procurer la sanctification des religieux, Philibert résolut de visiter les communautés les plus ferventes du temps. Le succès de cette étude dépassa ses espérances, au point que les princes se disputaient l'honneur d'avoir une maison occupée par des disciples formés à son école.

Fondation de Jumièges.A la demande du roi Clovis Il, successeur de Dagobert, Philibert quitta Rebais avec sept de ses

religieux, pour aller fonder au diocèse de Rouen, non loin du monastère de Fontenelle que venait

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d'établir saint Wandrille, lui aussi venu de la cour de Dagobert, une autre abbaye. C'est celle qui devait rendre si glorieux le nom de Jumièges (654).

Du vivant même de son fondateur, elle compta jusqu'à goo religieux de choeur.5A1xT Pn/LIBERT DE NOIR51OUTIER 155Les bâtiments de la nouvelle fondation, située dans une contrée fertile, furent dignes de la

magnificence royale qui y pourvoyait. Mais les splendeurs de l'édifice matériel, sur lesquelles s'étend avec complaisance le chroniqueur, étaient surpassées de beaucoup par la ferveur dont les moines étaient animés : la charité y brillait de son plus pur éclat, l'abstinence y était extrême, l'humilité profonde. On distribuait aux pauvres ce que l'esprit de mortification et d'abstinence retranchait aux religieux. Ceux-ci donnaient sans compter, si bien qu'un jour le pain manqua ; on n'avait pas même de quoi s'en procurer. L'Abbé fit aux Frères assemblés un discours afin de les encourager dans leur jeûne et de leur rappeler la promesse que Dieu a faite au juste, de ne point l'éprouver par la disette. A peine finissait-il de parler qu'un homme apporta au monastère les vivres de la journée.

Depuis, les Frères ne manquèrent plus de rien, et, malgré leur charité qui ne se ralentit point, la disette ne se fit jamais sentir désormais à Jumièges.

Miracles de saint Philibert.Philibert avait un jour besoin des services d'un de ses moines pour une négociation avec Ebroïn,

lo puissant et redoutable maire du palais. Ce moine, par une fâcheuse rencontre, était accablé d'une fièvre violente. Le saint Abbé alla le trouver, le chargea de sa mission et termina par ces mots : e Allez, mon enfant, acquittezvous de votre message, revenez me trouver, et désormais ne soyez plus malade. e Le religieux, subitement guéri, se leva aussitôt et partit.

Un autre, sur le point de mourir et ayant perdu l'usage de la parole, témoignait par signes son désir de se confesser d'une faute autrefois oubliée. Plein de sollicitude pour cette âme en péril, l'Abbé alla se prosterner dans l'église, afin d'obtenir de Dieu que la langue du mourant fût déliée ; à peine achevait-il sa prière qu'on vint lui annoncer que celui-ci avait recouvré la parole et désirait se confesser. Aussitôt ce devoir accompli, l'âme du pénitent, libérée de la tenlation (lu désespoir, prit son vol pour l'éternité.

Toutes ces grâces, Philibert les obtenait par sa ferveur dans la prière. Il passait ses nuits en oraison dans l'église, et un moine surprit une fois l'éclat sans égal de son regard, témoignage évident de sa sainteté. Il avait aussi le don des larmes, et ne pouvait s'adonner à la prière sans que des pleurs abondants vinssent sillonner son visage.

Les éléments eux-mêmes semblaientt lui être soumis : un jour, pendant la moisson, alors que les Frères achevaient d'édifier les mordes,, un vent violent s'éleva, menaçant de disperser la récolte. Philibert, voyant le danger, leva les bras vers le Seigneur, et Celui qui avait autrefois calmé la tempête apaisa l'ouragan.

A sa prière, le même prodige se renouvela plusieurs fois sur la Seine et sur l'Oise, qu'il put souvent traverser sans péril, malgré l'agitation des flots.

UN SAINT POUF, CHAQUE JOUR DU ALOIS, 2- sCRIE (BOUT) G20 AOUT

156 20 AOUTSAINT PIIIT.IarnT De NOInSr0UT1rn157Nouvelles fondations. - Le monastère a aumônier ».Le saint Abbé ne veillait pas seulement au salut des moines et des novices qui venaient

nombreux se mettre sous sa direction, il se préoccupait aussi de l'avenir éternel des femmes que sa prédication attirait à la vie parfaite. Il construisit pour elles à Pavilly, à quelque distance de Jumièges, un monastère de moniales. A leur tête il plaça une femme remarquable par sa prudence et son esprit de religion : sainte Austreberte, dont la rivière qui arrose la contrée porte toujours le nom.

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Son zèle ne se ralentissait pas et, sous son impulsion, d'autres monastères encore furent construits en Normandie. En même temps, les ressources de son abbaye devenaient plus considérables il les employait au rachat des captifs et envoyait ses moines avec des convois de vivres soulager les populations dans le besoin. Aussi, a les religieux de Jumièges ont-ils mérité jusqu'à la fin, pour leur monastère, le beau surnom d'aumônier qui lui a été de tout temps accordé ». (SAVALLE.)

Face au persécuteur. - La calomnie et la prison.Ebroïn, le terrible maire du palais, avait fait périr l'évêque de Paris, Sigobrand, coupable de s'être

opposé à ses prétentions. Il s'était vu, pour ce crime et bien d'autres, privé de sa charge, revêtu de l'habit monastique et enfermé à Luxeuil (670). Trois ans après, une nouvelle révolution lui rendait sa liberté et sa puissance. Il en usa pour commettre d'autres forfaits, faisant assassiner Dagobert II, crever les yeux et couper la langue à saint Léger ou Léodegaire, évêque d'Autun, qui s'était livré volontairement à lui pour empêcher le massacre de son peuple.

Philibert alla le trouver pour lui représenter l'horreur de sa conduite et s'efforcer de le faire rentrer en lui-même. Démarche hardie, qui pouvait entraîner la mort du prédicateur ; la perspective n'était pas de nature à effrayer l'homme de Dieu : il marcha réso. lument au-devant du martyre.

Mais Dieu, qui voulait que son apostolat se poursuivît encore, le préserva des fureurs d'Ebroïn. Le tyran, après avoir vainement tenté d'acheter à prix d'or la conscience du religieux, se vengea en faisant répandre contre lui des bruits calomnieux qui arrivèrent jusqu'aux oreilles du saint archevêque Ouen. Trompé par le,, apparences, et malgré le souvenir de son affection pour le moine, l'archevêque le fil emprisonner. Philibert, loin de se plaindre de ce traitement, d'autant plus cruel qu'il lui venait d'un ancien ami, s'en réjouit. Les chauves-souris qui peuplaient son humide cachot s'enfuirent à son arrivée ; une lumière ardente v brilla, en même temps qu'un parfum suave s'y répandait, et le captif en fit retentir les murs du chant des hymnes sacrées.

L'exil. - Fondation de Noirmoutier.Cependant, saint Ouen, ayant bientôt reconnu sa grave erreur, courut délivrer le prisonnier ; tous

deux s'embrassèrent en pleurant.Puis Philibert, pour échapper aux persécutions d'Ebroïn, se retira près d'Ansoald, évêque de

Poitiers, avec l'intention de construire dans cette région un monastère, tous les hommes que sa parole

Saint Philibert dissipe un ouragan qui allait détruire la récolte du monastère.

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convertissait ne pouvant être réunis en une seule maison. A cette époque se place le pèlerinage qu'il fit à la cellule de saint Martin, à Ligugé.

Ansoald, gagné à son tour, renonça à l'épiscopat pour embrasser la vie monastique. Sur ses conseils, Philibert éleva un monastère dans l'île de Her, depuis Ifer-Moutier, aujourd'hui Noirmoutier,

sur les côtes du Poitou (677).158Comme il se refusait à se rapprocher d'Ebroïn et ne pouvait rentrer en Neustrie, les moines de

Jumièges, pour ne point manquer à la foi qu'ils avaient jurée à leur premier Abbé, ne voulurent accepter aucun de ceux que saint Ouen leur proposa successivement.

Retour à Jumièges.A la mort du maire de Neustrie (68x), saint Ouen entreprit de ramener son ami à Jumièges. 1l ne

fut pas difficile de l'y faire consentir.Heureuse et fière de retrouver un si grand homme, la Neustrie se porta pour ainsi dire tout entière

à sa rencontre, et déploya pour le recevoir toute la pompe dont on était capable alors. Les deux amis, Ouen et Philibert, en se rencontrant après une séparation de huit années, échangèrent un baiser fraternel.

Ansoald vint séjourner quelque temps à Jumièges où il fut témoin de la délivrance, opérée par Philibert, d'un moine possédé du malin esprit.

Néanmoins, pressé du désir de retourner à son nouveau monas tère du Poitou, l'Abbé plaça à Jumièges un homme en qui il avait toute confiance : saint Achard. Ce fut pour les moines de Neustrie, qui le voyaient partir avec désolation, un bonheur d'avoir à obéir à un Supérieur nommé par lui, sûrs qu'ils étaient ainsi de conserver au moins les traditions et les enseignements de leur Père ; il agit de même pour le gouvernement du monastère de Saint-Benoît-du. Quinçay, près de Poitiers.

Dernier séjour à Noirmoutier. - Série de miracles.De retour à Noirmoutier, Philibert donna un nouvel élan à la pratique des vertus religieuses, cl,

Dieu, pour seconder sa parole et encourager les efforts des religieux, sembla vouloir augmenter le pouvoir miraculeux de son serviteur.

Un Frète accablé de violentes douleurs, et ne pouvant trouver de remède efficace à son mal, demanda l'eau dans laquelle l'Abbé venait de se laver les mains. A peine en eut-il fait l'application au siège de son mal qu'il fut délivré.

Une, autre fois, ayant à sa table un religieux malade de la fièvre, Philibert prit un peu d'huile, la bénit et, y ayant trempé un morceau de pain, le porta à la bouche du moine qui se trouva incontinent guéri.

Un autre s'étant luxé le bras en travaillant s'évanouit sous le coup (le la douleur, Philibert se sentit ému et pressé de guérir le blessé, mais, son humilité voilant dissimuler autant qu'il était en lui sa puissance miraculeuse, il fit le signe de la croix sous le vêtement du Frère, qui fut aussitôt soulagé.

Le cellérier du monastère vint lui dire un jour qu'il lui restait d'huile à peine une demi-mesure, réservée pour les besoins du monastère ou des étrangers. Le saint Abbé lui ordonna d'utiliser cette huile pour la lampe du sanctuaire, l'assurant qu'il ne devait

SAINT PInLIILRT un NOIBMOUTlcn 159point craindre d'en manquer. Le cellérier obéit, et le soir n'était pas arrivé qu'on annonça un

navire qui amenait quarante mesures d'huile envoyées de Bordeaux par des amis de l'abbaye.L'île de Noirmoutier n'était pas à l'abri des pirates, qui iufestaient les mors à cette époque. Des

navires bretons passant dans ces parages virent sur la côte un attelage, de bceufs qui leur parut de bonne prise. Ils s'en emparèrent, mais Dieu veillait sur les biens de ses serviteurs, et quand les pirates voulurent emmener leur capture à bord, une tempête commença à agiter les flots au point de mettre les bateaux en péril. Reconnaissant leur faute, les marins coururent se jeter aux pieds de Philibert qui les bénit et leur pardonna, puis ils retournèrent chez eux sans autre incident fâcheux.

A une certaine époque, les vents contraires retinrent quelque temps dans les ports des navires qui

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devaient retourner en GrandeBretagne. Le mauvais temps se prolongeant, les pauvres matelots, dont les ressources étaienti épuisées, craignaient de mourir de faim. La charité du religieux les sauva : il leur fit donner tout ce qui leur était nécessaire, pria et fit prier et leur obtint du ciel un vont favorable et un heureux voyage.

Mort de saint Philibert. - Le sort de ses reliques.C'est à Noirmoutier que s'acheva cette vie toute sainte, pleine de mérites et de miracles, le 2o

août 684. Les reliques du grand fondateur furent conservées jusqu'en 836 dans l'église de Noir-moutier. Mais, à cette date, l'invasion de pirates normands obligea l'Abbé, nommé Hilbod, à s'enfuir avec ses moines et ce que le monastère possédait de plus précieux, notamment les reliques du fondateur.

On les trouve d'abord à Déas (Saint-Philbert de Grand-Lieu), puis vers 845 à Cunauld, en Anjou, où ils apportèrent les restes de saint Philibert en .858 ; en 862, Hilbod conduisit l'essaim de moines à D4essay, dans le Poitou, et mourut peu de temps après. Son troisième successeur, nommé Geilon, après avoir essayé de se fixer à Saint-Pourçain-sur-Sioule, aboutit finalement, en 875, au monastère de Saint-Valérien, à Tournus, dans la Bourgogne, et actuellement au diocèse d'Autun. Le nom de ce martyr fit place par la suite à celui de saint Philibert ; l'église, reconstruite au milieu du xe siècle, puis restaurée après un incendie, fut consacrée le 29 refit noig, et de nouveau le 3 janvier r,2o par le Pape Calixte Il ; ce monument magnifique, dont le narthex, à lui seul, constitue une véritable église à deux étages, a été savamment res-, tauré (le 1845 à 1850, puis de rgo8 à 19x5.

Cette église a gardé les reliques de saint Philibert intactes, malgré les fureurs dévastatrices des protestants en 1562 et la rage impie de l'époque de la Terreur. En 1793, le dévouement d'un homme du peuple, le menuisier Laurent, et de sa femme, les sauva des pro. fanations révolutionnaires.

La reconnaissance en fut faite en 184, par l'évêque d'Autun.20 AOUT160P.0 AOUTLe cardinal Perraud, en mai rgo1, les transféra solennellement dans une nouvelle châsse, qui

demeure l'objet de la vénération populaire. Saint Philibert figure dans les nouveaux Propres des diocèses d'Aire, d'Auch, des Rouen, de Poitiers et de Luçon ; en ce dernier diocèse, on l'appelle plus couramment Phil,bert.

A. F. H.Sources consultées. - M,cueun, Vie de saint Pli ilibert (Paris, x815 ; Tantes, r8!16). -

MABWLON, Acta Sancloram 0. S. B., t. II. - Cardinal Psenaun, Panégyriquede saint Philibert (Tournes, 1901). - tle,ln (luné, Saint Philibert de Tournus (Paris, ,9o5). -

Jean \',Ter, L'église Saint-Phitibert de Tournes (Paris, ,g3a). -(V. S. B. P., n' 974.)....................................PAROLES DES SAINTSSaint AMBROISE.(Sermon Ir.)

Le saint amour .De même que l'amour impur enflamme l'âme et l'entraîne à convoiter les voluptés terrestres et

mortelles qui doivent la faire périr et la précipiter dans l'abîme, ainsi le saint amour l'élève en haut, vers les choses éternelles qui ne passent pas, et, des profondeurs de la terre, l'élève au ciel.

Saint AUGUSTIN.Le miroir de la loi divine.La miséricorde de Dieu nous a fait de ses lois un très clair miroir dans lequel chacun peut voir le

visage de son âme, et connaître combien il est conforme à l'image de Dieu ou combien il lui est dissemblable.

SAINT Léore Ier LE GRAND.(Sermon 1l.)

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Il faut suivre Jésus-Christ.Suivre Jésus-Christ comme. on doit le suivre, c'est avoir soin, lors même qu'on souffre, (le

pratiquer toutes les autres vertus, et de souffrir seulement pour Jésus-Christ.Saint JEAN CanysosTOms.(Conxrnenteire sur saint Mallhieu.)La correction fraternelle.Ayons un grand zèle pour la justice et une aversion extrême du péché. Que personne ne flatte les

vices ; que personne ne les dissimule ; que personne ne dise : Suis-je le gardien de mon frère ? Car se taire, lorsqu'on peut reprendre le vice, c'est y consentir et encourir la même peine que ceux qui le commettent.

Saint RBaNArw.SAINT PRI VATEvêque du Gévaudan et martyr (Ille siècle).

Fêle le 21 août.L E Gévaudan, qui est l'ancien Gabalitanas Pagus, habité autrefois par les Gabales, correspond à

peu près au département actuel de la Lozère. Cette région très accidentée qui présente des montagnes, des plateaux, des gorges profondes, des forêts impénétrables peuplées de nombreux animaux sauvages, a gardé en partie sa physionomie d'autrefois.

Elle fut évangélisée de bonne heure par saint Martial, premier évêque de Limoges, Il fonda, à Mende (IYfintate Gabaloru.tn), un petit oratoire sur l'emplacement de la cathédrale actuelle et le consacra à la Sainte, Vierge. D'après la tradition, il laissa saint Sévérien pour continuer son owuvre de salut. Saint Privat, -patron du diocèse de Merde, est le deuxième évêque qui figure dans la liste chronologique de l'Ordo diocésain ; ce fut vraiment lui qui infusa dans ce pays une foi profonde et solide.

Origine de saint Privas. - Lutte contre le paganisme.Privat ne paraît que vers le milieu du ni' siècle ; nous ne savons rien sur les premières années de

sa vie. On croit qu'il naquit à Coudes, village situé sur les bords de l'Allier, entre Issoire et Clermont-Ferrand, vers la fin du lie siècle ou au début du siècle suivant. Vers a5o il était prêtre. C'est dans le Gévaudan qu'il exerça sa ferveur et son zèle. Les travaux de ses prédécesseurs n'avaient pas été stériles ; un grand nombre d'âmes avaient ouvert les yeux aux lumières de la foi ; mais un plus grand nombre encore peut-être restaient plongées dans les ténèbres de l'erreur ; les divinités du paganisme conservaient nombre d'autels et d'adorateurs. Privat se mit à parcourir les campagnes : il prêcha la divinité de

L'humilité.On parvient an Royaume par l'humilité, on pénètre dans le ciel par la simplicité. Qui veut s'élever

jusqu'au faîte de la grandeur doit s'abaisser jusqu'au fond de la bassesse.(Sermon sur saint Jean-Baptiste.)-1r62 21 AOVTCelui qui est mort pour nous sur la croix, il expliqua sa religion divine. Et les miracles aceom-

pagnaient sa prédication, les conversions se multipliaient.Au sommet du mont Mimat, qui domine la ville de Mende et lui a donné son nom, se trouve une

grotte solitaire, au. milieu dies rochers ;: c'est là que se retirait le missionnaire, après les rudes labeurs de l'apostolat. Seul avec Dieu, il. multipliait les prières et les mortifications, suppliant en

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faveur de son peuple le Maître qui seul' peut changer les. intelligences et les' coeurs.Ses grandes austérités, ses ferventes oraisons lui gagnèrentt autant et peut-être plus d'âmes que sa

prédication ; le Gévaudan fut bientôt chrétien.La grotte du Mimat a été longtemps témoin de ses prières et de sa pénitence ; elle sera aussi le

témoin de' son glorieux martyre.

L'invasion des Alamans.Au temps des empereurs Valérien et Gallien les Alamans étaient encore païens ; ils passèrent le

Rhin et vinrent s'abattre dans 'a Gaule où ils commirent des excès sans nombre. Leur armée, con-duite par le roi Chrocus - qu'un manuscrit ancien appelle par confusion Ilérodea - était puissante et se signalait surtout par les cruautés qu'elle faisait subir aux populations ; rien n'arrêtait ces farouches soldats : maisons, villages entiers, églises et temples étaient l'a proie de leur terreur dévastatrice.

Chrocus, à la tête d'une de ces bandes, sème la désolation dansle pays des Arvernes, et menace l'e Gévaudan. Les Gabal'itains se préparent à la défense; les phis

faibles cherchent un refuge dans les forêts, les' plus forts se retirent sur la montagne de Grènes où se dresse une forteresse inexpugnable, le Castrum Gredonense, rendue inaccessible p'ar' la nature elle-même. Les réfugiés y apportèrent vivres et munitions pour tâcher de se maintenir dans la place et de garder leur indépendance: ils préféraient souffrir,, mourir même, plutôt que de se rendre à l'envahissent,.

Cependant Privat était resté dans la grotte, du mont Mimat ; là, il travaillait seul et priait davantage : il ne sortait de sa solitude qu'aux jours de fêtes pour célébrer la solennité des offices avec les fidèles et leur distribuer la parole divine avec les sacrements. Son troupeau était en péril, il ne le savait que trop ; aussi= sa peine fut-elle grande quand il, connut l'approche. de. l'envahisseur.

Décidé à obtenir de Dieu, par le sacrifice~ de sa propre vie, le salut de son, troupeau., il résolut de. rester seul face à, l'ennemi, et tandis que ses dernières ouailles le quittaient pour gagner les bois ou se réfugier dans le Caslrum. Gredonense, son coeur de. père les y suivit et continua de les assister de ses oraisons.

Les hordes barbares, arrivées en Gévaudan,, y commencèrent leurs incursions néfastes ; elles lie tardèrent pas à aborder le pied de la montagne sur le sommet de laquelle se trouvait la citadelle, Le siège fut mis devant ce rempart : rien ne fut ménagé ; l'ennemi

SAINT PRIVÂT 163l'attaqua avec ardeur et y employa toutes les ressources que sa cruauté et son désir de vaincre

pouvaient lui inspirer. Mais la position était solide et les Mamans n'arrivèrent pas à la faire capituler. Ils allaient essayer un autre moyen : la force était inutile ; en conséquence ils résolurent d'assiéger Grèzes jusqu'à ce que la faim et J'extrême nécessité eussent dompté ses habitants..

Le martyre de saint Privat.'Or, le bruit arriva aux oreilles des barbares que l'évêque -Privait n'était pas avec les assiégés. Sa

retraite fut dénoncée on découverte. Un groupe d'hommes en armes se dirigea vers la grotte du -mont Mimat, où il trouva l'évêque en oraison. Leur chef recourut à une tactique habile qui consistait à emmener Privat -au pied du pic de Grèzes, afin que les assiégés, 'voyant leur évêque aux mains de l'ennemi et désireux de lo délivrer, vinssent aisément à 'un accord.

L'ayant saisi, les soldats l'emmenèrent sur la colline; là, on voulut le forcer à persuader les Gabales de la nécessitéde se rendre. Mais Privat refusa avec énergie : jamais il ne trahirait son peuple en lui donnant de tels conseils.

- Il ne convient pas à un père de donner un -rarcil conseil à ses enfants, répondit-il. Puisqu'ils sont en sécurité je me garderai bien de leur faire croire qu'il est de lent, intérêt de se rendre. Un pasteur ne livre pas ses brebis à la fureur des loups.

Irrités par une attitude si ferme, les barbares, qui devenaient peu à peu des bourreaux, frappèrent l'évêque à coups de bâton : Privat resta inébranlable, préférant souffrir pour le Christ et pour le salut de son peuple.

Alors les envahisseurs prétendirent contraindre Privat à sacrifier aux idoles, afin que, dit le biographe, ne voulant pas être l'ennemi de ses concitoyens, on leur persuadant le mal, Privat devînt

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l'ennemi de sa propre âme. Mais, dans l'élan de son cœur et l'ardeur de sa foi, le saint prélat, rempli d'indignation, s'écria

- Je m'étonne que vous me =proposiez litre chose si exécrable si vous saviez ce qu'est un évêque et s'il y avait en vous quelque prudence humaine, vous comprendriez qu'il vaut mieux, pour un seul homme investi de cette charge, subir tous les tourmēnls d'une mort atroce, plutôt que d'être la perdition de mon peuple en me perdant moi-même pour l "éternité.

Stupéfaits par ces paroles admirables, les barbares furent un ment indécis sur le sort à réserver à leur prisonnier ; ils ne savaient trop que dire, mais bientôt ils présentent une objection qui petit jeter Privat dans l'embarras.

- Eh quoi 1 disent-il, te contraignons-nous à des choses extraordinaires et usitées seulement chez ;nous, que vous autres traitez de barbares ! Vos empereurs et vos juges n'adorent-ils pas des dieux et ne forcent-il pas tous les :chrétiens à leur sacrifier P

A'quoi le suint évêque repartit:-- Je reconnais que ce que vous dites est vrai., bien que les actes16142I AOUTSAINT PRIVATr65dont vous parlez soient mauvais. Les profanations dont se rendent coupables les princes romains

ne sont pas tant des péchés que des crimes ; s'il n'en était ainsi, les peuples barbares ne seraient pas assez forts pour troubler la République romaine. Car tout ce que vous faites pour notre ruine procède, non de votre puissance, mais de la fausse religion des empereurs qui se trouve ainsi punie. Mais il est hors de doute que le Dieu des chrétiens, que vous ignorez entièrement, est si puissant qu'en un moment il peut délivrer de leur erreur les princes dont vous invoquez l'attitude, jeter par terre vos idoles ; après nous avoir châtiés par les tribulations présentes, il saura nous récompenser. Quant à moi, gardant l'espérance des biens éternels, je méprise tous les tourments qui pourraient m'être destinés.

Alors les barbares préparèrent de nouveaux instruments de supplice et ils dirent au martyr- Ou sacrifie sur-le-champ ou tu apprendras, après avoir subi divers genres de tourments, que tu

es destiné à mourir d'une mort nouvelle et horrible.Mais l'évêque, qui tenait sans cesse son âme dirigée vers le bon plaisir divin, répondit :- Employez n'importe quel genre de tourment ; mettez fin à ma vie de la manière que vous

voudrez. Pour moi, au nom du Seigneur mon Dieu, je ne puis être autre que je ne suis ; mieux vaut pour moi avoir à supporter les maux présents, que de m'exposer à des supplices éternels en vous servant, vous et vos démons I

Devant ce nouveau refus, les Alamans frappèrent Privat à coups de fouets et de bâtons, et brûlèrent ses chairs avec une véritable férocité. Laissé pour mort, le martyr est abandonné sur place, tandis que ses bourreaux se dirigent vers Grèzcs où, pendant quelques jours encore, ils tentent de vaincre l'héroïque résistance des assiégés.

0 prodige[ Bientôt les assiégeants, renversant les rôles, sollicitèrent la paix et offrirent des présents aux Gabales-; d'amicales relations s'échangèrent entre les envahisseurs et ceux qui avaient tant souffert de leurs violences. Puis l'ennemi se retira, candis que les habitants du pays, rendus à la liberté se préparaient à reprendre le chemin de leurs demeures.

Auparavant, ils se mettent à la recherche du courageux pontife dont ils ignoraient le sort, mais à la surnaturelle protection duquel, tous, mêmes les infidèles, attribuaient leur délivrance. Tous veulent aller témoigner leur reconnaissance à leur évêque qui a été dans la circonstance le plus héroïque des pères. Ils le trouvèrent sur le chemin de Mende, étendu sur la terre, le corps tout déchire, et baignant dans son sang. Il respirait encore, ses yeux étaient levés vers le ciel, un angélique sourire éclairait son visage. Il rendit le dernier soupir quelques instants plus tard, entre les bras de ses prêtres et entouré de ses ouailles. C'était le 2I août d'une année qui se place, croit-on, aux environs de 265.

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Les chrétiens de .Mende trouvent saint Privat baignant dans son sang.

Pour ne pas laisser profaner les restes du saint martyr, les fidèles creusèrent une crypte et y déposèrent ses restes sacrés.

Les reliques des saint Privat. - Son culte.Le nom de saint Privat devint de plus en plus glorieux avec les années ; au vie siècle son

tombeau sera aussi célèbre que celui de saint Martin. L'histoire des reliques paraît assez mouvementée.

On rapporte que le roi Dagobert, peu après avoir fondé le monastère de Saint-Denis, y transporta le corps des serviteurs de Dieu les plus célèbres par leurs vertus et leurs miracles. Celui

i

166 21 AOUTSAINT PRIVAT161de saint Privat fut an nombre de ces saintes reliques. Du monastère de Saint-Denis, les restes de

l'évêque du Gévaudan auraient été transportées à Salons, monastère fondé au diocèse de 'Metz, par Fulrade, Abbé de Saint-Denis ; pâtis elles seraient revenues au monastère de Saint-Denis en l'an 815.

C'est de là qu'un religieux, au prix de beaucoup de fatigues, ramena à Mende le corps de l'apôtre du Gévaudan. e A l'arrivée des saintes reliques, les cloches de l'église, dit-on, s'ébranlèrent d'elles-mêmes et carillonnèrent les joies futures de la cité. n Plu-. sieurs chapelles furent élevées en l'honneur de saint Privat, sur le chemin du retour, dans les banlieues d'Orléans, de Bourges et d'autres villes situées sur le passage des restes du martyr.

Or, désireux de garder définitivement le corps de leur évêque, l'es habitants de Mende ne crurent pouvoir faire mieux que de le cacher dans la crypte d'une chapelle dédiée à sainte Thècle.

Au xi' siècle, Aldebert 111 du Tournel, qui fut évêque de Mende de 1151 à 1187, faisait reconstruire une chapelle en l'honneur de cette Sainte. En 1170, il partit pour la cour de France où l'appelaient les affaires du diocèse ; s'arrêtant à Issoire, il eut un songe :

Je fus transporté en rêve, dit-il, devant l'autel de sainte Madeleine,, lequel est situé au milieu de l'église de Mende Levant les yeux, j'aperçois une peinture aux tons harmonieux : elle tic couvrait pas toute la voûte dee la nef, niais seulement la partie qui surplombe la crypte, où fut, dès l'origine, inhumé saint Privai. Presque tout le inonde croyait que ses reliques s'y trouvaient encore; ceux qui en doutaient n'osaient le dire, ne pouvant leur assigner un autre lieu, Or, j'attribuai cette belle peinture à mon sacristain et je le félicitai d'avoir si bien décoré l'église en mon absence, lui qui ne faisait rien de tel, sans mes ordres. Puis je regardai à gauche, et je vis, clans le mur contigu à l'évêché, un évêque revêtu d'ornements superbes. Il ne manquait, contrairement à la coutume, qu'un détail : le nom du personnage. Là-dessus, je félicitai encore mon sacristain, et lui lis inscrire au bas du vitrail : Sanctus Privatus (Saint Privat).

Aldebert partit ensuite vers Clermont ; là, le lendemain du songe, un messager vint lui annoncer que l'on avait découvert une crypte dans le jardin de l'évêché de 1V.ende, où l'on était en train de creuser un puits. Il certifia que dans cette crypte se trouvait un sarcophage de plomb renfermant le corps de saint Privat ; il manquait aux ossements la mâchoire inférieure, placée précédemment dans le grand autel de l'église de Mende.

Ayant renvoyé le messager, Aldebert dm Tournel continua sa route, l'esprit plein de ces merveilles.

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A son retour à Monde, il se fit raconter en détail les circonstances de la découverte des reliques : les ossements gisaient pêle-mêle dans la crypte, ce qui prouvait qu'on n'était pas en présence du pre-mier endroit de la sépulture. Dans ces restes précieux Aldebert découvrit une petite ampoule de cristal a semblable à celle du baume de la confirmation n. Outre cela, il y avait une châsse en bronze, qui, suspendue jadis à la voûte et contenant les osse

monts, était tombée sur le sol, par suite de l'usure de la chaire qui la tenait attachée.Dès le lendemain de l'arrivée d'Aldebert, tout le clergé se rendit en procession pour transférer les

reliques du saint martyr. Au jour fixé, l'évêque prit les restes vénérés de saint Privat et les plaça dans une nouvelle châsse ; le lendemain, le corps du Saint fut déposé dans la crypte de la cathédrale, sauf la tête qu'Aldebert voulait faire vénérer le jour de sa fête. La mâchoire inférieure fut portée au Puy en io36 et déposée vers 1105, dans le tombeau du grand autel de la cathédrale dédiée à saint Julien de Brioude.

Un peu plus tard, on découvrit une seconde crypte située à l'ouest de la première.En continuant les fouilles, on découvrit une troisième crypte un peu en avant des deux autres, et

formée de trois compartiments remplis d'ossements dont certfains étaient carbonisés, ce qui permettrait de croire qu'ils appartiendraient à des martyrs suppliciés par le feu. Dans cette troisième crypte, comme dans la première, gisait sur le sol une châsse de bronze, très abîmée, ainsi quo des débris de chaînes qui servaient probablement à la suspendre. Les reliques trouvées dans cette crypte furent transférées dans une crypte construite par l'évêque Aldebort du Tournel.

Enfin, au milieu de la cathédrale de Mende, on trouva une autre crypte où certainement avait été inhumé saint Privat après son martyre ; ce fut là que le replaça Aldebert.

En 1256, Odilon de Mercceur, petit-neveu de saint Odilon de Cluny, transporta ces restes dans le grand autel, et mit les corps de saint Julien et de sainte Basilisse, qui s'y trouvaient, dans la crypte de sainte Thècle, à la place de saint Privai. En 1579, les protestants, sous la conduite de Merle, profanèrent le corps du saint évêque; on put conserver cependant quelques reliques qui se trouvent actuellement soit à la cathédrale, soit à la grotte de l'Ermitage.

Saint Privat est le patron principal de la ville de Mende et de tout le diocèse. Sa fête y est célébrée sous le rite double de première classe. L'un des évêques de Mende, Guillaume VI Durand (1296-1328), qui avait succédé à son oncle et homonyme Guillaume V Durand, l'auteur du Rationale divinorunz officiorum, composa un office de saint Privat qui devait rester en usage jus

qu'en 1720.Miracles de saint Privat.Dans les archives du département de la Lozère, il existe un précieux manuscrit du xive siècle, qui

contient presque toute l'hagiographie gévaudanaise, entre autres un traité sur les miracles de saint Privat., divers offices ou proses du même Saint et six opuscules sur la découverte de son corps, en 1170, et dus à Aldebert III du Tournel.

On y trouve un prologue, trente récits de miracles opérés par l'intercession de l'évêque martyr et enfin un épilogue. Parmi les

Î168 xr AOUTmiracles cités, l'un des plus frappants est intitulé : De vinees apud Canonicam coinbustisJe vais mentionner un prodige contemporain, dont l'authenticité peut être attestée par des témoins

oculaires, qui vivent encore. Le village de La Canourge avait un terroir très fertile, planté d'arbres et de vignes. Un chevalier, qui le convoitait, s'en empara de vive force, le ravit û saint Privat, et l'engloba dans sa mouvance, Un vain, l'évêque et d'autres personnes essayèrent (le le détourner de ce sacrilège : rien n'y lit. Alors les clercs et le peuple assemblés supplièrent leur saint patron de venger son honneur, et d'obliger le coupable à la restitution. Tandis que se multipliaient les prières, le terroir de La Canourge fut le théâtre d'un prodige, Des profondeurs du sol surgit un feu, qui brûla, jusqu'aux racines, les vignes et les châtaigniers, richesse de la contrée. Le rapace chevalier reconnut la main de Dieu et les victimes de son brigandage recouvrèrent leurs propriétés. (Traduction. licuize.)

Outre les trente miracles que nous rapporte Aldebert III, une douzaine ont été constatés du xvii'

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au xix° siècle.Histoire de l'ermitage.Dès le xn° siècle, l'évêque Aldebert fit de la grotte où s'était refugié saint Privat un lieu de

pèlerinage ; il y établit une chapelle. Plus tard, un prêtre y fonda un collège de prêtres, appelé a Collège Saint-Privat-la-Roche ». La Révolution y trouva installé un ermite, le Fr. Louis Petit ; elle le déporta à la Guyane. La Grotte et ses dépendances furent vendues comme biens nationaux. Mais sous la Restauration, l'acquéreur rendit ces biens à l'Eglise ; on édifia alors une petite maison située en face de la Grotte d'I?n-Haut. L'église et l'ermitage actuel ont été construits dans le dernier quart du xlxe siècle, sous la direction du Fr. Joseph.

Des missionnaires diocésains ont maintenant la direction des sanctuaires de saint Privat.Chaque année il est fait, dans tout le diocèse, au jour de la fête du patron du diocèse, une quête

de précepte pour a l'entretien de l'Ermitage de Saint-Privat ».Une indulgence plénière est attachée à la visite de ce lieu le 21 août et les deux jours suivants.E. B. et Fa. Bis.Sources consultées. - Acta Sanctorum, t. IV d'août (Paris et Rome, ,867). - Abbé S: M. Mosnaan,

Les Saints d'Auvergne, t. Il (Paris). - Chanoine fluxRsu,zs, Saint Privai, martyr, évêque du Gévaudan (Mende, agio). - Rnuaso, [lisfoire de la Lozère

(Monde). - (V. S. B. P., n' 344.)

.....................................PAROLES DES SAINTSCe qu'est la vie.

La vie présente n'est, à l'égard de la vie future, que ce que le songe d'une nuit fort courte est à l'égard d'un siècle, et infiniment moins encore.

Saint JEAN Cnnree5TOME.(Sermon sur Lazare.)SAINT ANDRÉ LE SCOTArchidiacre de Fiesole (fin du IXe siècle).

Fête le ss août.A NDRL'' était originaire soit de l'Ecosse, soit de l'Irlande, le terme de Scot ayant désigné

longtemps les habitants de l'un et de l'autre pays ou ceux qui en étaient natifs.Ses parents étaient nobles et largement pourvus des biens de ce monde. Il eut une soeur plus

jeune que lui, sainte Brigitte, qu'il aimait tendrement ; la fête de celle-ci est célébrée le i' février, mais il faut se garder de la confondre avec sainte Brigitte de Kildare, la grande thaumaturge, qui figure à la même date au Martyrologe

Romain.Elève de saint Donat.Le maître et le disciple s'en vont en pèlerinage.Dès sa jeunesse, André manifesta un désir ardent de savoir, en même temps qu'un grand esprit de

mortification et une attention vigilante sur ses sens, qui lui faisait fuir la compagnie prolongée de ses camarades.

Avec l'adolescence, il éprouvait une aspiration à des études plus élevées, qui lui faisait rechercher de plus en plus la conversation et les enseignements du pieux philosophe Donat, son compatriote ; il en suivait avidement les cours et devint rapidement son disciple favori.

Le maître et l'élève étaient dignes l'un de l'autre : tous les deux recherchaient également la mortification, étaient animés d'un même amour pour Jésus-Christ. Ils en arrivèrent à un même désir de fuir la vaine gloire, la perte de temps que représentaient trop souvent les visites de leurs proches et de leurs admirateurs, et ils résolurent de pratiquer plus strictement les préceptes et les conseils de l'Evangile : d'un commun accord, ils décidèrent de partir pour Rome, de s'y fixer et d'y finir leurs

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jours dans la pénitence.

I/I\\ %hI\ \à Ai I17022 AOUTSATN'r ANDRÉ LE SCOT171Ayant donc échangé les riches vêtements de leur condition pour l'habit de pèlerins et dit adieu à

leurs parents et compatriotes, dont beaucoup tinrent à les accompagner jusqu'au bord de la mer, ils s'embarquèrent pour l'Europe continentale.

Ils n'avaient avec eux qu'un très petit bagage, tout juste de quois'alimenter durant la traversée. A quoi bon s'embarrasser davantage, puisqu'ils pensaient vivre

d'aumônesP Partout où ils passaient, un sac sur le dos et un bâton à la main, ils s'arrêtaient dans tous les sanctuaires qui tour étaient signalés soit en raison des indulgences qu'ils y pouvaient gagner, soit à cause des reliques importantes qui y étaient vénérées.

Ils avaient ainsi franchi les Alpes et étaient arrivés jusque dansla Toscane, à Fiesole, ville située non loin de Florence, Fiesole alors en pleine prospérité, alors

que sa rivale ne s'était pas encore relevée des ruines qu'y avait laissées quatre siècles auparavant le passage d'Attila.

Election miraculeuse de saint Donat à l'évêché de Fiesole.

A cette époque, les habitants de Fiesole étaient agités par de graves dissensions au sujet du choix d'un évêque. On pouvait tout craindre de l'échauffement (les passions, et les meilleurs chrétiens de la cité suppliaient Dieu cl'.), mettre bon ordre . c'est alors que les deux pèlerins, attirés par le nombre des martyrs de cette région et par les faveurs spirituelles accordées aux fidèles (lui visitaient les églises, arrivèrent près de Fiesole. Fatigués par 1'ascensien des montagnes et par la longueur du voyage, ils furent accueillis à l'hospice des pèlerins qui se trouvait devant une des portes de la ville à la distance d'un jet de pierre.

Dieu allait se servir de ces deux inconnus pour témoigner sa miséricorde aux habitants de Fiesole, exauçant les prières ferventes que lui adressaient les âmes justes pour que l'ordre se rétablît. Un miracle éclatant cri fut l'occasion : au moment où Donat et André, ayant repris des forces, pénétraient à Fiesole, toutes les cloches de la ville, sans l'intervention de la main humaine, se mirent à sonner avec éclat, et les lampes des églises, qui se trouvaient éteintes, s'allumèrent comme d'el] es-mêmes, jetant une clarté plus vive quo d'ordinaire. En présence de ces événements, les habitants, frappés de stupeur, se mirentt à courir cri désordre dans les rues de la ville, se demandant avec inquiétude quelle en pouvait être la signification. A ce premier mouvement fil[ place mn sentiment plus religieux, et tout le peuple prit le chemin de l'église cathédrale ; à l'intérieur, ce n'étaient que fidèles agenouillés, les mains jointes et les yeux levés vers le ciel, suppliant Dieu de faire connaître ses desseins. Et comme, sous l'action d'un mot d'ordre invisible, le silence s'était établi, au-dessus de l'assemblée une voix se fit enendre qui disait :

- Un étranger, Donat le Scot, sera bientôt parmi vous accueillez-'le et choisissez-le pour pasteur.A ce moment-là, les deux pèlerins pénétrèrent dans la cathédrale, lis furent surpris de trouver les

fidèles dans une altitude de supplication et de tristesse, alors qu'ils croyaient participer à une céré-monie solennelle à l'occasion de quelque fête.

Un homme qui se trouvait près de ces deux étrangers osa les interroger, leur demanda leurs noms

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et de quel pays ils étaient. Ce fut Donat qui répondit ; il le fit avec simplicité et humilité n- Nous sommes deux Scols, dit-il ; mon compagnon s'appelle André, et Donat est mon nom, et

nous allons l'un et l'autre cri pèlerinage à 'Rome.Ce qu'entendant, son interlocuteur s'écria d'une voix forte- Citoyens, il est ici l'homme dont le Seigneur nous a annoncé la venue.Et, ce disant, il le serrait dans ses bras et le présentait à ceux qui l'entouraient.La nouvelle s'en répand avec rapidité et bientôt, -au milieu d'acclamations joyeuses, Donat est

élu d'enthousiasme évêque de Fiesole.Celui que le ciel et le suffrage de tous avaient ainsi désigné supplia les clercs et les fidèles de

renoncer à leur dessein sur lui, de laisser lo pauvrepèlerin à demi barbare, qu'il prétendait être, con-tinuer sa route et accomplir son vou, phis il insistait dans sa modestie, plus ses électeurs se faisaient pressants. Pour finir, il s'indina devant la volonté divine, et reçut le bâton pastoral, insigne d'une dignité qui l'attachait pour toujours à un pays inconnu.

Il fut pour ses ouailles un chef éminent, qui brilla par la pratique de toutes les vertus.Saint André est ordonné diacre.

André était resté près de lui, partageant sa vie comme compagnon, nous dirions volontiers comme secrétaire, pratiquant l'humilité qui convenait vis-à-vis de son ancien maître, ainsi promu aux honneurs ; sa diligence et son dévouement ]ni attirèrent l'estime de tous ceux qui eurent à l'approcher.

Saint Donat, de son côté, admirant les qualités et les rares vertus de son dévoué serviteur, voulut l'investir d'une dignité qui augmentât le respect, l'on pourrait même dire la vénération des fidèles, et il décida de lui conférer l'ordre du diaconat. Il fallut employer beaucoup de ténacité pour obtenir l'assentiment de l'intéressé, qui protestait, parce qu'il s'en jugcàit indigne.

Cependant, comme, en fin de compte, André préférait à ses propres désirs les directions de son chef et père spirituel, il céda à l'insistance de Donat ; et lorsque celui-ci lui eut conféré le diaconat, il marcha sur les traces de saint Etienrm et de saint Laurent, s'acquittant de ses nouvelles fonctions avec soin, avec piété et sans murmurer. Aux côtés de son évêque et sous les ordres de celui-ci, il montra un zèle si apostolique dans sa charge que presque toutes les âmes menaient une vie chrétienne et vraiment édifiante.

I7222 AOUTSAINT ANuni LE SCOTr;3Le pouvoir des miracles par délégation. - Archidiacre.Il est bien édifiant ce trait qui nous montre un personnage dont la fille unique, tendrement aimée,

est tombée gravement malade, et qui n'ayant plus d'espoir que dans la miséricorde divine, vient se jeter aux pieds de Donat et le conjure de venir en sa maison, et d'imposer les mains sur le corps de son enfant.

Sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, l'évêque étendit la main et releva le suppliant, puis il commanda que l'on fît venir André, qui vaquait alors à la prière ; il lui fit connaître la démarche du personnage et lui donna l'ordre d'accompagner celui-ci et de guérir la malade si Dieu permettait qu'il en fût ainsi.

Arrivé en présence de l'enfant, André s'agenouilla sur le sol et fit une prière ardente qui se termina par une extase. Quand il reprit contact avec le monde matériel, il se releva et dit d'une voix forte :

- Ma fille, levez-vous. Notre-Seigneur Jésus-Christ vous a guérie.Sur-le-champ, la malade s'élança hors de son lit, à la grande stupeur des personnes présentes ; sa

maladie avait disparu sans laisser de trace.Lorsque Donat connut le miracle, il commença par remercier Dieu qui avait daigné faire de si

grandes choses par l'intermédiaire de son collaborateur, puis il conféra à André le titre d'archidiacre, voulant lui voir tenir le premier rang aux yeux du peuple. Cet honneur fut une épreuve pour

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l'humilité du nouveau dignitaire, qui eût été heureux d'être considéré pour rien.

Relèvement d'une église dédiée à saint Martin.Au bas de la colline où était située la vieille ville de Fiesole, près du torrent de la Mensola, avait

existé autrefois une très ancienne église, dédiée à saint Martin de 'l'ours, peu de temps après la mort du saint évêque ; elle avait été complètement renversée au temps de l'invasion d'Attila, Une folle végétation avait depuis longtemps envahi ces ruines ; des ronces, des plantes grimpantes, des arbres même, avaient recouvert les pierres parmi lesquelles des reptiles et d'autres animaux avaient trouvé une retraite sûre.

Un jour que saint Donat, accompagné de son archidiacre, avait dirigé ses pas vers ce lieu de désolation, il fut touché jusqu'aux larmes par mi tel spectacle et, intérieurement, il demanda à Dieu de lui permettre de faire cesser cet état de choses.

André, en voyant pleurer son pasteur, résolut de tenter l'entreprise ; les propos échangés avec les habitants du voisinage, chez lesquels perçait un sincère regret du passé, le fortifièrent dans son intention. Sans doute, l'oeuvre apparaissait bien difficile, mais l'archidiacre avait une foi vive, et la bénédiction de son évêque, qui était un Saint, était un gage de succès. Il entreprit donc, avec l'aide d'excellents chrétiens, de dégager ce lieu de toute la végétation parasite. On découvrit les vieux matériaux cachés sous les gravois ; des travailleurs de bonne volonté, stimulés par la parole et l'exemple de l'archidiacre, amenèrent sur place des pierres nouvelles,

Saint André de Fiesole découvre une chapelle

qui avait été ruinée par les 7tuns quatre siècles auparavant,le ciment et tout ce qui était nécessaire pour une construction neuve.De divers côtés arrivaient des aumônes et des dons ; architecte et maître d'oeuvre avaient été

engagés : comme une abeille diligente, André demeurait sur le chantier et participait au labeur dans la mesure où le lui permettait un organisme fatigué par les jeûnes. Le travail fut mené avec rapidité, et bientôt l'ancienne église se releva de ses ruines et se trouva même de beaucoup agrandie.

Comme il restait une somme disponible sur les aumônes reçues, André, qui vivait avec une sainte parcimonie, acheta un modeste domaine destiné à assurer le strict nécessaire aux religieux qui

SAINT ANDrU LC scor- 175s'étaient fixés à l'ombre de l'église ; quant à ce qu'il regardait comme dit superflu, il prit soin de le

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distribuer aux pauvres, ayant horreur de ce qui, même de loin, pouvait ressembler à l'avarice.

Dernière maladie de saint André.Voyage miraculeux de sa sueur sainte Brigitte.

Ce bon serviteur de l'Eglise, usé par l'excès des austérités, se sen. tant tourmenté par la fièvre, comprit que la mort venait. Il fit convoquer les Frères, les incita à la patience, à la persévérance, les suppliant de rester fidèles à ce monastère que tous avaient coutribué à relever de ses ruines.

A ce moment, son coeur fut envahi par un désir obsédant de revoir sa soeur Brigitte, restée au pays natal. André s'efforçait de modérer ce désir humainement irréalisable. ; qui, en effet, pouvait aussi bien que 'lui, l'évêque de 1 iesole mis à part, se rendre compte de la distance qui. séparait le frère et la soeur, de l'impossibilité pour eux de se revoir sur cette terre?

Mais Dieu a parfois des tendresses sensibles pour ses serviteurs, Tandis que l'archidiacre songeait à Brigitte, celle-ci était à table, seule, prenant un frugal repas.

Or, tout à coup, la pieuse femme se trouva transportée dans la chambre du moribond, à la grande stupeur des Frères alors rassemblés autour dee sa couche. Quant h elle, estimant que ce qui frappait ses sens était une vision, non une réalité, elle portait autour d'elle ses regards étonnés. Le moribond lui adressa ces paroles :

- Brigitte, ma soeur très chère, j'ai désiré ardemment vous voir avant de mourir ; je ne l'espérais pas, mais la bonté intime (le Dieu a accordé cette faveur à un pécheur comme moi. N'ayez pas peur : c'est bien André le foot que vous voyez en cet instant ; c'est votre frère, que vous noyiez mort depuis longtemps. Sans doute, grâce à vos mérites, Dieu aura-t-il pitié de moi j'ai pensé aussi que dans cette région éloignée de noire patrie et où j'ai dépensé mes forces bien restreintes, vous viendriez un jour mener une vie de pénitence et compenser ainsi mon départ de ce monde. L'heure approche où je vais être appelé. Sachez bien que ce ;que vous voyez en ce moment n'est pas un songe, mais une réalité.

Brigitte parut alors s'éveiller d'un profond sommeil. Tout d'abord, l'émotion arrêta les mots dans sa gorge, et elle se contentait de baiser en les couvrant de ses larmes les mains de son frère retrouvé.

Quand la parole lui revint, ses sentiments. de gratitude envers Dieu sedonnèrent libre cours, puis, se tournant vers André, elle rappela tout ce qu'elle devait à ce frère aimé qui avait été le guide de son enfance et de sa jeunesse ; elle lui témoigna sa sympathie de soeur en le voyant souffrir, sa joie et son admiration en constatant qu'il avait su résister victorieusement aux attraits du monde.

Enfin, elle promit de réaliser le souhait du mourant et de ter miner sa carrière en ce pays lointain où l'ange du Seigneur l'avait transportée d'une manière mystérieuse.

La mort.Après ce doux et édifiant colloque, André, réconforté par les paroles de Brigitte, se mit à genoux

sur son rude grabat ; les mains jointes et élevées autant qu'il le pouvait, les yeux fixés vers le ciel,, il dit un dernier adieu à sa soeur selon la chais, puis aux Frères ; enfin, il pria Notre-Seigneur d'accueillir son âme et il expira.

A ce moment, sa saur et les religieux, en prière dans une salle voisine, virent tout à coup une lumière telle que leurs- yeux n'en pouvaient soutenir l'éclat, descendre vers l'endroit où gisait l'archidiacre. En même temps, ils perçurent un parfum inconnu d'une suavité admirable, qui remplissait la maison. La lumière parut remonter vers le ciel, d'où elle venait. Alors, s'approchant, ils trouvèrent sur son lit le corps du Saint ; il paraissait reposer, les bras croisés sur la poitrine. Les restes du serviteur de Dieu, déposés dans un cercueil, furent transportés devant l'autel, où ils demeu-rèrent jusqu'aux funérailles solennelles.

Pendant ce temps, toute la population de Fiesole et des campagnes avoisinantes,, comme si elle cil, été convoquée par la frontpatte d'un ange, se hâtait vers le couvent de Saint-fillarlin pour con-templer une dernière fois les traits du saint prêtre. Malgré la chaleur de la saison, le corps gardait toute: sa fraîcheur ci, une flexibilité parfaite. Chacun lui baisait les mains et les pieds ; les plus audacieux arrachaient au passagemie parcelle de ses vêtements.

Des miracles se produisirent, si éclatants et en si grand nombre, que, dit le biographe, le Souverain Pontife, lorsqu'il en- eut reçu les attestations, n'hésita pas à inscrire le nom d'André d'une

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manière régulière au catalogue des Saints ; il est fâcheux, ajouterons-nous avec les Bollandistes, que: cet auteur ait omis de nous rapporter lee mode et la date de cette canonisation.

Enfin, telle était l'affluence auprès des restes de l'archidiacre qu'il fallut différer plusieurs jours la cérémonie des obsèques, après laquelle le corps fut enfin inhumé dans. l'église Saint-Martin de Mensola, qu'il avait reconstruite.

Derniers jours de sainte Brigitte.Quant à Brigitte, après la mort de son frère, désireuse de mener une vie encore plus mortifiée et

de fuir la compagnie de ceux qui vivent selon le monde, elle se retira dans un ermitage, vers des forêts profondes qui regardent et dominent les sommets des Alpes, à l'endroit où se dressa plus tard l'entrée d'une église élevée rat son honneur, dans la partie escarpée de la montagne. C'était alors lui site sauvage, véritable repaire de bêtes fauves. Là, Brigitte s'adonnait à d'héroïques pénitences, se contentant pour toute nourriture de fruits sauvages et de racines d'herbes.

Son existence no demeura pas complètement inconnue des hommes, car,, parmi les travailleurs qui cultivaient les champs les moins éloignés des bois, certains étaient venus jusqu'à la grotte de sainte Brigitte ; parfois, aussi, des chasseurs avaient découvert

17622 AOUTsa retraite, grâce à l'aboiement de leurs chiens, et lui avaient laissé charitablement des présents

dont elle n'avait que faire.De nombreuses années s'étaient ainsi écoulées, et la vie de Brigitte était arrivée à son terme,

Lorsque approcha pour elle l'heure de la délivrance, de saintes femmes, des hommes vertueux de la région, accoururent à l'ermitage et. pourvurent à ses besoins jusqu'à sa mort.

Après sa mort, la grotte où elle avait saintement vécu fut transformée en un oratoire, où chaque année sa mémoire était célébrée.

Translation du corps de saint André. - Son culte.Le monastère de Saint-Martin, à Mensola, d'où les moines s'étaient retirés pour faire place à des

religieuses, s'honorait (le posséder en sa chapelle un autel dédié à saint André de Ficsole. C'est là que reposait le corps de l'archidiacre : chaque année sa fête y était célébrée solennellement.

Or, il arriva en l'an 1285 qu'une jeune femme, renommée pour sa beauté, mourut après avoir été mariée très peu de temps. Ses parents et ses proches lui tirent faire des funérailles très solennelles, et inhumèrent son corps devant l'autel de saint André, cette place leur paraissant très honorable.

L'aumônier de la communauté qui avait consenti à ce manque de respect en fut sévèrement puni du ciel et reçut l'ordre de le faire cesser au plus vite. Des fossoyeurs, mandés, exhumèrent donc le cadavre, qui exhalait une odeur affreuse et se trouvait déjà ta proie des vers. Continuant à creuser le sol, ces hommes retrouvèrent à une certaine profondeur le corps de saint André. Il était enveloppé d'aromates et reposait dans un cercueil de bois en parfait état de conservation et sur lequel le portrait de l'archidiacre était grossièrement sculpté. Au chant des hymnes, les reliques furent levées de terre et déposées bientôt dans un loculus de forme élégante près de l'autel majeur de l'église. C'est là que pendant des siècles elles ont reçu les nombreux témoignages de la vénération des fidèles.

En r38o, une dame noble de Florence ayant obtenu une grâce importante par l'intercession de saint André, fit faire un reliquaire en forme de buste, et l'offrit à l'église Saint-Martin de Mensola. Une inscription latine disait que ce reliquaire représentait les traits a de saint André, Scot d'origine, compatriote, disciple, compagnon et diacre de saint Donat, évêque de Fiesole, et qu'il vécut vers l'an 88o s.

Par mesure de sécurité, le reliquaire fut dans la suite transporté, avec la moitié du chef, au monastère bénédictin de Florence.

L'église Saint-Martin de Mensola fut longtemps le siège d'une Confrérie régionale, qui connut des périodes de prospérité, et qui était placée sous le patronage du saint archidiacre de Fiesole.

Fa. Bauno.

Sources consultées. - Acta Sanctorum, t. IV d'août (Paris et home, 1867).

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BIENHEUREUX JACQUES BIANCONI, DE BEVAGNAReligieux Dominicain (1220-1301).Fête le 23 août.

L 'ANTIQUE et florissante cité de Bevagna, en Ombrie, compteparmi ses gloires les plus pures un humble fils de saint Dominique que l'Eglise a placé sur les

autels, Jacques Bianconi, plus connu sous le nom de Jacques de Bevagna. Il naquit le y mars 1220, sous le pontificat d'Honorius III, et il appartenait à l'une des plus illustres familles de la ville.

Une naissance qui réconcilie deux familles.L'influence salutaire que Jacques devait exercer autour de soi se manifesta sans retard, par la

réconciliation des familles de se' parents. A cette époque, les factions des Guelfes et des Gibelins se partageaient la cité de Bevagna, comme presque toutes les villes italiennes, et, malgré le mariage contracté entre Jean Bianconi et* Jeanne Alberti, père et mère du futur Bienheureux, leurs familles étaient divisées. Toutes les tentatives de réconciliation avaient échoué, lorsque Dieu permit que le sourire et la grâce d'un enfant obtinssent ce que n'avaient pu faire les démarches et les paroles.

On pouvait augurer beaucoup d'une vie commencée sous de telsauspices. La pieuse mère le comprit et s'efforça de développer la piété et la vertu dans l'âme de son fils et de lui faire pratiquer la vie chrétienne non seulement pendant les années que celui-ci passa, auprès d'elle, mais encore lorsqu'il dut la quitter pour s'adonner à l'étude.

L'Esprit-Saint avait devancé dans l'âme de l'enfant toutes lesleçons maternelles. Dès l'âge de ro ans, Jacques avait reconnu la vanité des choses de la terre. Il travaillait par devoir, mais les sciences humaines ne pouvaient le satisfaire, car Dieu seul était déjà, l'unique objet de ses recherches et de ses aspirations.

11 1It ~ ~ l

TA F,(ER178 23 AOUTL'appel de Dieu.En 1236, arrivèrent à Bevagna deux Dominicains envoyés pour prêcher une station de Carême.

Jacques suivit assidûment les sermons et se mit en rapports avec les Pères, auxquels il confia son désir d'embrasser laa vie religieuse dans leur Ordre.

Le prédicateur auquel il avait ouvert son âme l'engagea à passer dans la prière et la pénitence ininterrompues la journée du VendrediSaint, afin que Dieu lui fît connaître positivement sa volonté.

Jacques suivit ce conseil. La nuit, tandis qu'il se livrait à une fervente méditation sur les souffrances du Sauver, il vit apparaître un religieux plein de majesté qui lui dit avec une bonté paternelle :

- Ne crains rien, mon fils, je suis Dominique et je viens te déclarer que Dieu t'appelle à la vie religieuse. Obéis promptement à cette inspiration, je viendrai à ton aide.

Sacques passa le reste de la nuit en action de grâces ; puis, il se rendit auprès de son directeur et lui fit part de la vision dont il avait été favorisé. Ce dernier y reconnut la volonté de Dieu et décida que le jeune homme, après avoir mis ordre à ses affaires, viendrait

prendre l'habit religieux à Spolète.Les choses ainsi réglées, Jacques fit en grand secret les préparatifs de son départ qui suivit de

près celui des prédicateurs, et, dès son arrivée à Spolète, il reçut l'habit religieux pour être ensuite envoyé au noviciat de Pérouse. Cependant, par crainte des difficultés que sa famille pourrait susciter à sa vocation, il avait évité de la prévenir, et celle-ci ne put que se montrer mécontente de son départ. Le fugitif était tendrement aimé de tous les siens, qui avaient placé en lui de grandes

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espérances, et voilà que son entrée au couvent détruisait tous ces projets. Ses parents se rendirent donc à Pérouse, afin d'ébranler sa résolution, mais tout fut inutile. Bien loin de fléchir, Jacques triompha de lopposition de sa famille, puisque son père et sa mère, non seulement lui accordèrent l'autorisation sollicitée, mais encore rentrèrent chez eux remerciant Dieu de l'insigne faveur qu'il leur avait faite en appelant leur enfant.

Les écrits du bienheureux Jacques. - Vertus religieuses.Il relève Bevagna de ses ruines.

Jacques s'adonna avec plus d'ardeur que jamais aux études ecclésiastiques, en particulier à la théologie, où il fi des progrès remarquables. Ses prédications ne tardèrent pas à devenir fructueuses, parce que, au rapport (le son biographe, il unissait au raisonnement - qui sait convaincre l'intelligence, la chaleur et l'onction qui persuadent et déterminent la volonté.. Il avait aussi un don particulier pour résoudre les difficultés : ses réponses étaient si judicieuses, qu'elles portaient la conviction chez tous ceux qui venaient le consulter.

Fr., Jacques Bianconi composa en latin deux ouvrages de grand mérite, qui, malheureusement, ne sont pas parvenus ,jusqu'à nous r le premier, Miroir de Jésus-Christ fait homme, traitait du mystère

nuENnEUriEUX JACQUES n1AACONi 179de l'Incarnation et de la vie du Rédempteur, modèle de la nôtre ; le second, Le Miroir des

pécheurs, retraçait avec éloquence, d'après les Saintes Ecritures, tout ce qui concerne le jugement dernier. Ajoutons à ces deux traités un volume de sermons sur presque tous les sujets relatifs, à la vie chrétienne et aux différentes vertus quii la constituent.

Ces vertus dont il parlait, le saint religieux les pratiquait toutes d'une manière éminente, bien qu'il excellât surtout dans la charité.

Aimant Dieu de toutes ses forces, il reportait cet amour sur- les créatures en s'efforçant de procurer au- prochainn le bien spirituel et le bien temporel. Il s'attachait aux pécheurs avec un zèle tout apostolique et savait les amener à cette contrition qui, effaçant les souillures de leur vie passée, les incitait à réparer ces désordres et à s'engager dans une vie nouvelle.

Bevagna, comme tout le duché de Spolète,, eut beaucoup à souffrir des troubles de cette époque et des ravages causés par les armées= de Frédéric II, cet empereur allemand révolté contre le Saint-Siège, qui avait pris à sa solde les musulmans de Sicile,. afin que ces soldats n'eussent rien à redouter de l'excommunication lancée par le. Pape contre ses troupes.. Sans parler de plusieurs destructions partielles, dont elle avait euu à souffrir quelques années auparavant, la ville fut complètement détruite en. x249. Bon nombre d'habitants durent s'établir ailleurs; ceux qui restèrent eurent à supporter tous les maux que les guerres entraînentt après elles.

Dans ces tristes circonstances, la famille Bianconi, partageant les souffrances de ses concitoyens, soutint leur courage et les aida effirarement.. André, le frère de Jacques, qui avait embrassé laa car-rière des armes, se mit à laa tête des Guelfes, c'est-ki-dire des: patriotes opposés aux. Allemands ;. il rappela less proscrits et convia le peuple à relever les murs de la ville.

Jacques secondait heureusement son frère par sa grandee influence sur la population. Tous, en effet, vénéraient et aimaient le saint religieux, chacun ayant pu apprécier ses. vertus et son zèle apostolique. Et lorsqu'ap.rès-la restauration matérielle Jacques commença la restauration morale desa ville natale, il fut docilement écouté. Appelant ses concitoyens à Il pénitence, il les exhorta à pleurer leurs fautes, à implorer la divine miséricorde, et ses paroles saintement persuasives touchèrent les coeurs les plus endurcis ; laa cité entière rompit avec les habitudes vicieuses que les guerres avaient encore fortifiées..

Fondation d'un couvent. - Conversion d'hérétiques.Au moment où il se préparait à partir, considérant sa mission comme terminée, les habitants de

Bevagna résolurent de fonder un couvent de Dominicains, afin de conserver le Fr. Jacques au milieu d'eux. Les permissions requises furent obtenues et le religieux choisit un terrain en vue de la nouvelle fondation ; mais alors s'élevèrent des difficultés. Si l'couvre était généralement approuvée, l'emplacee

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23 AourBU1NIIEUREUX JACI2UEs BIANCONS181ment choisi paraissait peu favorable, parce que très petit et peu susceptible d'agrandissement.

Jacques, qui voyait les choses de plus haut, ne changea rien au plan de la construction et déclara que le lieu était voulu de Dieu et que la Providence, qui dilatait l'Ordre des Frères Prêcheurs d'une mer à l'autre, saurait bien, quand le moment serait venu, édifier un vaste couvent adapté aux besoins des religieux et à leur ministère. L'installation se fit en 1271.

Nommé prieur du couvent, Jacques Bianconi eut toute facilité de continuer son apostolat dans sa patrie, travaillant sans relâche à la restauration du culte et des mmurs chrétiennes. Du reste, les habitants de l3evagna trouvaient dans les Dominicains d'admirables modèles de vertu, des hommes assidus à l'oraison; remplis de zèle et de charité, ett ils se félicitaient de les posséder.

La prophétie du P. Jacques ne tarda pas à se vérifier. Comme il fallait, par suite de l'étroitesse de la chapelle, prêcher dans une autre église où se groupaient les auditeurs, un voisin des Dominicains leur offrit sa propriété ; d'autres l'imitèrent, si bien que l'on put construire bientôt un monastère aussi vaste que régulier.

Il y avait alors en Italie un docteur de Paris, nommé Almaric, chef d'une secte hérétique appelée u la Liberté a, dontt les disciples répandaient dans la péninsule de pernicieuses doctrines. Sous les dehors d'une vertu austère et d'une vie séparée du monde, ses adeptes s'abandonnaient à tous les désordres, prétendant justifier leur conduite par des textes des Saintes Écritures, interprétés dans un sens opposé à celui de l'Eglise. Peu à peu, l'hérésie se répandit dans Ilevagna.

Désolé de voir sa chère patrie abandonner la vie chrétienne et son glorieux passé, le prieur des Dominicains s'employa de toutes ses forces à combattre les progrès du mal. prédications dans les églises et sur les places publiques, conférences, disputes théologiques, il mit tout en couvre pour retenir les bons dans l'Eglise catholique et y ramener ceux qui s'en étaient écartés ; en particulier, et suivant en cela l'exemple de son Père saint Dominique, il recourut avec dévotion et confiance à l'arme du rosaire.

La secte, voyant ses erreurs et ses turpitudes démasquées, persécuta le P. Jacques. Un jour que, dans son sermon, il avait été plus véhément que d'habitude, le chef du parti, nommé Ortinello, lui coupant la parole, lança contre lui les plus grossières injures ; mais, à l'exemple du divin Maitre, le prédicateur, calme et recueilli, écouta sans mot dire, puis, à sa descente de chaire, il pria Dieu de toucher les coeurs que sa parole n'avait pu ébranler.

On vit alors le merveilleux effet des prières du saint religieux. Ortinello ne tarda pas à éprouver une grande confusion de sa conduite, et, par crainte des peines éternelles dont avaient été menacés les hérétiques endurcis, il s'avoua vaincu et abjura publiquement ses erreurs. La perte de leur chef détermina la plupart des hérétiques à quitter la ville, alors que plusieurs autres rentraient dans l'Eglise catholique.

Action apostolique. - Ruse de l'enfer déjouée.Jacques 13ianconi n'hésitait pas à défendre la foi partout où elle était en péril ; c'est pourquoi il se

rendit en plusieurs villes voisines, puis à Pise, que déchiraient les factions, et où il résida assez long

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Pendant que le bienheureux Jacques médite sur la Passion du Sauveur,

saint Dominique lui fait connaître qu'il sera dominicain.temps, d'abord comme simple religieux, ensuite comme prieur. La ville était alors fort

corrompue, et il ne fallait rien de moins que les saints exemples, les oraisons et les prédications de plusieurs zélés serviteurs de Dieu tels que ce saint Frère Prêcheur, pour contre

18223 AotTnuesnrurrux JACQUES BIANCONI 183balancer la mauvaise influence et les scandales qui venaient parfois de très haut,Si les efforts du P. Jacques ne purent obtenir à Pise tous les succès voulus, il fui bien dédommagé

à Orvieto, où nous le voyons appelé plusieurs fois à gouverner ses frères. La cour pontificale, qui résidait alors danss cette ville, y attirait plusieurs grands Saints qu'il eut la consolation de fréquenter, comme saint Bonaventure et saint Thomas d'Aquin. Le P. Jacques continua avec plus d'ardeur que jamais ses travaux apostoliques, et, cri dehors de ses prédications populaires, il s'appliqua tout particulièrement à guider vers les sommets de la perfection mue humble Tertiaire dominicaine, la bienheureuse Jeanne d'Orvieto, plus connue sous le nom de lNanna, dont l'Eglise célèbre la fête le 23 juillet.

L'enfer fit une dernière-tenfative pour regagner, dans la vallée de Spolète, le terrain perdu grâce au zèle de Jacques de Bevagna.

Certain bourg de Bersite était presque chaque nuit le théâtre d'une réunion diabolique, où sorciers et sorcières se donnaient rendez-vous et s'y livraient à des danses et à des jeux lascifs.. Des habitants, attirés par le bruit et la curiosité, avaient été témoins de ces scènes infernales, et les meilleures familles de la société ne craignaient pas d'y participer. Le scandale était au comble.

Le P. Jacques résolut de combattre vigoureusement ces désordres et donna, dans ce bourg si corrompu, plusieurs conférences prouvant que certains faits étranges qui se produisaient dans ces réunions, au dire de la rumeur publique, ne pouvaient avoir d'autre cause que l'intervention du démon, destinée à perdre les âmes en leur offrant toute facilité de se livrer aux péchés les plus honteux.

L'apôtre ne borna pas là son action. Pour convaincre ses auditeurs, il -se rendit une nuit au lieu des fameux rendez-vous, et, ayant invoqué le nom du Seigneur, il lit le signe de la croix sur la

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troupe infernale. Aussitôt le charme s'évanouit, l'illusion aussi; et la réalité des choses et des personnes apparut dans toute son horreur ; tels Adam et Eve après la faute, les coupables, surpris, ne songèrent plus qu'à se cacher. Jacques obtint du ciel qu'ils ne fussent pas reconnus des assistants, et peu à peu, grâce à ses prières et à son énergique intervention, la contrée fut entièrement purifiée de ces désordres.

Miracles du bienheureux Jacques.Le serviteur de Dieu avait abondamment reçu dé Dieu les dons gratuits qu'énumère saint Paul.

Avec la foi capable d'opérer les miracles, il but encore le don de prophétie et celui de guérir les malades. De tous côtés, on recourait à lui, soit pour la santé de l'âme, soit pour celle du corps, et la grâce secondant la bonté naturelle de son coeur, les conversions et les guérisons se multipliaient un signe de croix sur les malades, une onction avec l'huile de la lampe du Saint Sacrement, un peu d'eau bénite lui suffisaient pour opérer des prodiges.

Une dame de Montefalco, nommée Billa, atteinte d'un cancer,avait épuisé tons les remèdes sans obtenir aucun soulagement ; ayant entendu parler du saint

religieux, elle voulut s'entretenir avec lui et en reçut une grande consolation. En la quittant, le P. Jacques lui remit un peu d'huile de la lampe qui brûlait près de l'autel pour oindre son mal, et lui promit qu'elle guérirait si elle avait la foi. Billa pria de tout son coeur, fit l'onction prescrite, et, trois jours après, le cancer avait disparu.

Marguerite de Spello s'en allant, par superstition, le matin de la Saint-Jean, cueillir des plantes odoriférantes dans la campagne, avant le lever du soleil, marcha pieds nus sur des épines et se blessa Cruellement, L'épine s'étant brisée dans le pied, il s'ensuivit une enflure énorme et des douleurs aiguës qui faisaient pousser nuit et jour à la patiente des cris épouvantables. Lorsqu'elle eut entendu parler des merveilles opérées par le prieur des Dominicains de Bevagna, elle se fit transporter en cette localité et implora sa guérison. Le P. Jacques traça alors sur le pied malade une croix avec l'huile de la lampe de l'église, en disant : « Que Jésus-Christ te guérisse. n A peine l'onction était-elle achevée, que l'épine sortait du pied, en même temps que disparaissait toute trace de la blessure.

De même, un aveugle de Toligno fut conduit vers le P. Jacques, à Bevagna, au moment où celui-ci venait de célébrer la sainte messe ; il obtint une parfaite guérison dès que le religieux eut lavé les yeux malades avec le vin et l'eau qui restaient dans les burettes.

Citons encore la délivrance miraculeuse d'André Bianconi, frère du thaumaturge ; i1 était retenu prisonnier à Todi à la suite d'une défaite. Les gens de Bevagna, privés de leur chef et de leur soutien, supplièrent le P. Jacques de s'entremettre pour obtenir, même au prix d'un miracle, la délivrance du captif. Malgré leurs instances, le religieux se contenta de prier Dieu à celte intention, et, dès le lendemain, André était miraculeusement rendu aux siens. Il raconta qu'un ange était venu pendant la nuit briser ses fers.

Dernières faveurs du ciel. - La mort. - Le culte.

Une vie consacrée tout entière à la prière, aux bonnes rouvres et aux travaux apostoliques aurait dû, semble-t-il, rassurer le P. Jacques sur son salut éternel ; mais, afin de l'éprouver, Dieu permit qu'il tremblât toujours à la seule pensée du jugement qui l'attendait. A l'âge de 8o ans, il en était encore tout effrayé, et, pros. 'terré aux pieds du Crucifix, il implorait avec larmes la miséricorde du Sauveur.

Un jour, plus anxieux encore que de coutume après l'examen des nombreuses grâces dont il croyait n'avoir pas profité, il conjurait le Seigneur de le cacher clans ses plaies sacrées, afin de le mettre à l'abri des coups de sa justice ; il fut alors ravi en extase et entendit Jésus crucifié qui lui disait :

- Jacques, pourquoi crains-tu P Tu es à moi, tu m'as servi pendant toute ta vie, ton âme sera sauvée. Que le sang qui découle des

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184 23 AOUTplaies de cette image te soit un gage de salut ; aie confiance, mon fils IEt aussitôt le sang du Christ ruissela comme une pluie salutaire sur le religieux humblement

prosterné, et son âme rassurée ne soupira plus qu'après le moment (le quitter cette terre.Après cette grâce insigne, sentant approcher le terme de sa vie, le P. Jacques prit ses dernières

dispositions relativement aux charges dont il était revêtu ; puis, tout étant réglé, il ne songea plus qu'au ciel. Le jour de l'Assomption 13o1, il vit entrer dans sa cellule JésusChrist lui-même, accompagné de la Sainte Vierge, de saint Georges et de saint Dominique. Notre-Seigneur, s'adressant à lui, l'encouragea à la confiance et lui dit :

- Jacques, prépare-toi ; dans huit jours, tu entreras dans l'éternelle joie. Tu m'as fidèlement servi, je le renouvelle l'assurance de ton salut ; je t'en ai donné le gage par mon sang répandu pour toi.

Les derniers jours se passèrent dans l'union la plus intime avec Dieu. Le 22 août, il reçut les

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derniers sacrements avec une admirable ferveur, exhorta les Frères à servir Dieu en observant la règle et en travaillant au salut des âmes. Comme on lui apportait, sur sa demande, un peu d'eau, il la bénit, et aussitôt elle fut changée en vin ; les assistants en burent par trois fois, le reste fut conservé jusqu'en l'année 1377, où un soldat hérétique brisa le vase qui le contenait. Il reçut. encore une nouvelle visite de Notre-Seigneur, de sa sainte Mère et des deux Saints qui lui avaient déjà apparu ; puis, levant les yeux au ciel, il s'écria joyeusement :

- Mon Seigneur Jésus-Christ, je vous rends grâces de ce que par votre grand amour vous daignez venir auprès de votre indigne serviteur. MMe voici ; je viens à vous I

En prononçant ces paroles, il expira.Le corps du serviteur de Dieu se conserva sans altération après plusieurs mois de sépulture ; les

nombreux prodiges qui s'accomplissaient sur sa tombe donnèrent naissance à un culte populaire qui, toléré d'abord par l'Eglise, alla sans cesse en augmentant.

Le Pape Iloniface IX, en r4oo, accorda même des indulgences aux fidèles qui visiteraient chaque année a l'église du monastère des Saints-Dominique et Jacques de Bevagua n - antérieurement on l'appelait l'église Saint-Georges - en la fête des saints apôtres Philippe et Jacques. Ces faveurs, il est vrai, furent supprimées cri vertu d'une Constitution d'ordre général publiée par saint Pie V en 1567, mais après divers procès institués au sujet de la béatification du serviteur de Dieu, elles furent renouvelées par Paul V en 16ro ; enfin Clément X le déclara bienheureux par équipollence, en con-firmant son culte, le r8 mai 1672 ; il autorisa son culte sur le territoire de Bevagna, le 1; mars de l'année suivante, et concéda, le 8 août 1674, la fête du bienheureux Jacques Bianconi de Bevagna à tout l'Ordre Dominicain. DE J.

Sources aonsultues. - Acta Sunctorum, t. IV d'août (Paris et Rome, 1867). PIsnc,au, Il beato Giacomo tjianconi de Bevagna (Todi, 1662).

SAINT OUENEvêque de Rouen (600-684).Fête le 24 août.n début du vu' siècle, vivait dans le Soissonnais un seigneur

d'origine franque, nommé Authaire, non moins illustre parsa piété que par sa grande fortune. Sa richesse consistait surtout en biens fonciers, qui étaient disséminés sur le territoire deplusieurs cités ; ses principales villas se trouvaient à Ussy, sur lesbords de la Marne, à Brame et enfin à Sancy, petit village situéà dix-huit kilomètres de Soissons. Son épouse Aiga imitait ses vertus.

La bénédiction d'un Saint.L'un et l'autre assistaient généreusement les pauvres, les voyageurs et les religieux. Ils écoutaient

avec foi la parole de Dieu et s'efforçaient d'y conformer toute leur conduite. Leur maison ne connut jamais les histrions et les mimes, qui recevaient alors l'hospitalité chez la plupart des représentants de la noblesse gallofranque ; au dire des historiens, on n'y chantait que des hymnes célestes, on n'y méditait que des paroles évangéliques ou apostoliques, on n'y faisait que des exercices pieux.

Saint Colomban, le grand réformateur irlandais, exilé de l'abbaye de Luxeuil par la persécution, reçut d'eux, à son passage dans le Soissonnais, une bienveillante hospitalité dans leur villa d'Ussy. Le Saint bénit les enfants de cette heureuse famille et prédit qu'ils deviendraient illustres devant leur patrie et devant l'Eglise.

Ces enfants étaientt au nombre de trois et portaient des noms germaniques : Adon, Dation et Radon. Tous trois brillèrent à la cour des rois mérovingiens, tons trois renoncèrent ensuite au inonde : Adon, l'aîné, fonda l'abbaye de Jouarre et s'y retira ; Radon,

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le plus jeune,, fonda de même le couvent de Feuil-sur-Marne Tous les deux sont honorés d'un

culte public le 26 avril, ainsi que leurs parents. Enfin, le deuxième, Dadon, qui, à partir de sa promotion à l'épiscopat signe A'udoenus ou' Audoinus, est connu sous le nom d'Ouen.

Saint Ouen à la cour de Clotaire Il.Vers l'âge de quinze ans, le jeune seigneur fit son entrée au palais de Clotaire II, qui avait alors

réuni sous son sceptre tous les royaumes francs. Dadon avait reçuu pour son époque et pour son âge une instruction littéraire fort étendue. Les sept arts libéraux, c'est-à-dire tout le cours des études classiques, lui étaient devenus familiers, sauf peut-titre les sciences mathématiques, dont il ne semble avoir appris que les premiers éléments.

C'est au roi ou à l'un des grands de sa cour que Dadon et sou frère aîné furent recommandés selon l'usage: On appelait « recommandation n une institution, d'abord guerrière, puis politique, à laquelle devaient se soumettre les leudes des souverains d'origine germaine. L'historien romain Tacite, dans

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son ouvrage sur la Germanie et ses coutumes, en a fait, au tel siècle de notre ère, une description qui se révélait encore exacte au vu° siècle.

Les princes -- dit-il - aiment à s'entourer d'un groupe considérable de jeunes gens d'élite, qui sont pour eux un ornement pondant la paix et une force pendant la guerre. Une insigne noblesse on les grandes actions des ancêtres appellent le choix du prince sur ces adolescents. On les incorpore à d'autres plus robustes et déjà expérimentés, qui tic rougissent pas de ce rôle de compagnons. L'association a mérite ses degrés, ses grades ; les compagnons rivalisent d'ardeur entre eux : c'est à qui obtiendra le premier rang auprès du prince.

Toutefois, sous Clotaire 11, là l'apprentissage du métier des armes se joignait celui des fonctions administratives.

Le jeune comte porte an costume conforme à sa dignité. Sa robe est brodée d'or ; (les pierreries rehaussent son baudrier bu ceinturon, également d'or ; un bracelet complète sa parure. En guise d'aumônière,, il tient à la main une bourse élégamment tissée et sensée de perles. Ce luxe de vête-ments, si bien faitt pour frapper lo peuple et l'éblouir, est une des marques qui distinguent les officiers des palais mérovingiens. Le jeune leude qui vivait au milieu des grands était déjà considéré comme l'un d'entre eux

(E. VAÇASDARD).Les rois francs, n'ayant ni capitale ni résidence fixe, se déplaçaient souvent, logeant dans les

diverses villas qui constituaient leurs domaines. Les officiers de la cour les y suivaient. Le palais se déplaçait ainsi avec le roii et ne le quittait jamais. C'était une sorte de capitale vivante et mouvante, un gouvernement itinérant. C'est ainsi qu'on peut apercevoir le jeune Dadon parmi les fonction naires de Clotaire II, à Compiègne, à Rueil, à. Clichy, à Etrépagny, ailleurs encore. Il fréquentait de préférence des personnages recommandables par leurs vertus, comme les deux frères Austicus et Didier, qui devaient occuper successivement le siège épiscopal de

SAiNT OULN rS7Cahors et que l'Eglise a placés sur ses autels.; les saints Bétüaire et Sulpiee, morts respectivement

évêques de. Chartres et de Bourges ; saint Arnoul, le futur évêque de Metz, et surtout saint Eloi, qui- fût par la suite le populaire évoque de Noyon. Ces jeuness hommes et d'autres encore constituaient un- groupe d'élite qui avait avant tout, dans l'accomplissement de ses devoirs, le sentiment d'une mission supérieure.

Il serait intéressant de surprendre le secret de leur intimité. On les trouve, aisément à l'heure de la prière, notamment le dimtmelae, dans la cllapell'e du palais où l'Abbe Sulpiee préside les exercices religieux. Eu d'autres moments, ils se réunissent pour s'entretenir des choses du ciel, de projets d'avenir ou intime d'affaires profanes et quand ce commerce oral est, impossible, ils riment à. échanger leurs pensées sur des tablettes. A l'émotion avec laquelle Didier, devenu évêque de Cahors, rappelle le souvenir de ces liaisons, il est visible qu'elles étaient d'un grand charme et que la piété y avait la plus grande part.

Saint Ouen à l'a cour de Dagobert.Clotaire II' mourut en 629 et tout l'héritage des Francs ne tarda guère à passer entre les mains de

Dagobert, son fils aîné'. Dadon avait alors une' trentaine d'années. Il fut élevé bientôt à la dignité de référendaire. Sa charge consistait fi soumettre à l'a signature du roi les diplômes et ii les signer lui-même ; elle mettait son titulaire à un rang si élevé, qu'il n'y avait au-dessus de lui que le maire du palais, dont l'autorité' balançait presque celle du roi. On conserve encore aux Archives nationales de Paris un acte signé de l'a main du référendaire Dadon.

L'un après l'autre, presque tous ses amis embrassèrent l'état ecclésiastique et durent quitter le palais pour prendre la direction d'un diocèse des Gaules ; c'était la volonté expresse de Dagobert, qui n'ie'norait pas qu'en plaçant des hommes vertueux à la tête des h,ghses l'E'tat y trouverait aussi soir avantage. L'intention du référendaire fut alors de, résilier sa charge et de renoncer à tout pour servir uniquement le Boi du ciel dans la solitude. Le souverain franc, qui ne pouvait se passer de ses services, ne le lui permit point ; mais il l'autorisa à construire mn monastère d'ans le diocèse de NI'eaux, à l'endroit nommée aujourd'hui encore fichais et qui appartenait à la famille de- Dadon.

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C'était cri l'année 636.On raconte que le pieux référendaire, visitant les domaines paternels, s'arrêta en ce lieu pour se

reposer, et que, s'étant endormi sous un pommier, il vilt en songe un météore lumineux sous forme de croix nettement dessinée sur le sol. Trois jours de suite, le phénomène se reproduisit. Il était impossible de ne pas reconnaître dans ce signe une indication ezleste,.

Ainsi averti, Dadon choisit l'emplacement marqué par la croix pour y jeter les fondements de l'église du monastère.

Il profitait de sa haute position pour exhorter souvent le roi à regarder Jésus-Christ comme son créateur et son Sauveur, comme son maître, sans l'assistance de qui il ne pouvait gouverner son

Us SAINT POUR CHAQUE JOUR DU MOIS, 2a SURIE (:FOUT) 724 AOUT

18824 nouxSAINT OUENi8qroyaume avec justice ; il l'engageait aussi à chasser les méchants de ses provinces, à prendre un

soin particulier de tout ce qui regarde, l'Eglise, à bâtir des monastères, à être le protecteur des pauvres et des orphelins. On doit avouer que Dagobert, en monarque chrétien qu'il était, tenait compte de ses conseils et que la religion fleurissait partout sous son règne.

Son ministre, au milieu des grandeurs et des honneurs, se conduisait comme un religieux fervent. Ses pénitences étaient inouïes. Sous ses habits de soie, il portait un rude cilice. Il ne cessait de prier, de veiller, de jeûner et de lire les Saintes Ecritures. Ce fut à sa prière, d'après un de ses historiens, que se serait réuni à Orléans mn Concile afin de condamner un hérétique venu de l'Orient. Dadon serait allé lui-même au Concile et, quoique simple laïque, aurait lutté vigoureusement avec saint Eloi contre l'hérétique et l'aurait confondu.

Saint Ouen élu évêque de Rouen.Un jour vint où les fidèles et le clergé de Rouen, qui avaient pu apprécier les mérites du

référendaire, l'appelèrent à recueillir la succession de l'évêque saint Romain qui venait de mourir (a3 octobre 639). La ratification (lu pouvoir civil était requise; les conseillers du jeune roi Clovis 11, qui venait de succéder à Dagohert, ne la firent pas attendre. Comme les canons ecclésiastiques exigeaient qu'un laïque promu à l'épiscopat fît un stage d'une année dans les Ordres inférieurs avant d'être sacré. Dadon, que nous appellerons désormais Ouen -- contraction du nom d'Audouen qu'il prit alors, -- n'eut garde de les violer, et l'année qu'il consacra à cette initiation sainte fut l'une des plus remplies de son existence.

Son premier soin fut de renoncer complètement à toutes les affaires du siècle. Il s'éloigna de la cour, s'adonna avec ardeur à l'étude de la science ecclésiastique auprès de l'évêque de Mâcon, Adéodat, qui l'ordonna prêtre. Puis il se mit à prêcher clans les régions situées au sud de la Loire, apparaissant partout comme un envoyé du ciel. Aux uns, il apprit les principes de la foi ; il fortifia les autres ; il en arracha plusieurs à l'hérésie.

Son amour pour le salut des âmes lui fit porter ses pas jusqu'en Espagne. Trouvant cette contrée affligée d'une sécheresse qui durait depuis sept ans, il pria Dieu de mettre fin à ce fléau. Dès que ce

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nouvel Elic eut terminé sa prière, une douce pluie tomba en grande abondance. Les terres furent fertilisées, et les nouvelles récoltes firent oublier les malheurs du passé. A la vue de ce miracle, tout le peuple bénit Dieu et promit de. renoncer aux vices qui avaient attiré sur lui la malédiction du ciel.

Après avoir accompli ces travaux apostoliques, le serviteur de Dieu revint en France se faire sacrer. Il rencontra, en traversant l'Anjou, un pauvre meunier, qui, pour avoir violé la sainteté du dimanche en travaillant sans nécessité, était devenu subitement paralytique de l'une de ses mains. Le morceau de bois avec lequel il faisait tourner

la meule était si fortement tenu entre le pouce et la paumede la main que personne n'avait encore pu l'en arracher. Ce malheureux, voyant venir Ouen, va se jeter à ses pieds, lui expose en pleurant

Saint Ouen guérit d'un signe de croix un homme qui avait une main desséchée.sa misère et lui confesse sa faute ; touché de son repentir, le prêtre prend la main paralysée, fait

sur elle le signe de la croix, et aussitôt elle revient à son premier état.Son ami saint Eloi, élu depuis peu évêque de Noyon et de Tournai, vint le voir à Rouen et tous

les deux furent, dit-on, sacrés ensemble en cette ville à une date qui paraît être le 13 mai 641.

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rgo 2ft AoUTComment saint Ouen se sanctifie dans l'épiscopat.Sa nouvelle dignité ne lui fit rien changer à sa vie. Dans son coeur, il conserva la même humilité,

sur son visage la même modestie. Son soin et son attention pour les pauvres prirent de nouveaux accroissements. Il multiplia ses jeûnes,, ses veilles, ses prières; une claie d'osier lui servait de lit; des cercles de for entouraient tous ses membres' et le rendaient ainsi l'image de Notre-Seigneur garrotté et crucifié. Des larmes abondantes jaillissaient de ses yeux, soit à cause de ses propres péchés, soit à cause des péchés de ses ouailles. Les honneurs (le la terre n'avaient pour lui aucari attrait ; aussi préférait-il aller soulager les pauvres, les prisonniers et les nécessiteux que d'être en compagnie des grands seigneurs. Il ne perdait jamais de vue les drues confiées à sa garde, les instruisant, les corrigeant, les soulageant par sa charité. Il ne se hissait point de fonder des églises, des monastères et des hôpitaux.

En faisant ses visites pastorales, non seulement il allait dans les villes et dans les bourgs, mais encore jusque dans les métairies les plus reculées pour connaître tout son peuple. A tous il montrait les voies du salut, en même temps qu'il assistait corporellement ceux qu'il trouvait dans la nécessité. 11 prêchait chaque dimanche, soit dans les villes, soit dans les églises rurales. S'il lui restait quelque temps, Ouen l'employait à l'oraison, s'élevant quelquefois aux plus hautes contemplations.

Il réforma son clergé, rétablit l'ancienne discipline et alluma un tel feu de l'amour divin à Rouen que cette ville ressemblait pour le nombre et la ferveur des religieux à la Thébaïde. C'est sous son épiscopat et dans son diocèse que s'établirent nombre de fondations religieuses, entre autres les célèbres monastères de Flay, de Foulenette et de Jumièges, érigés respectivement par les saints Germer, Wandrille et Philihert.

Divers miracles.Comme il ne pouvait plus monter à cheval pour faire ses visites à cause de sa trop grande

vieillesse; Ouen allaitt en chariot. Un jour qu'il était dans le pays de à'Iadrie, au diocèse actuel d'Evreux, les mules qui traînaient le char s'arrêtèrent tout à coup, sans qu'il fût possible de les faire avancer. Etonné, l'évêque, levant les yeux pour en découvrir la cause, aperçut en l'air une croix resplendissante. En même temps, une révélation de l'Esprit Saint lui fit connaître que Dieu voulait avoir une demeure en ce lieu pour y être honoré. Ouen marqua la place en y plantant une croix, y déposa quelques reliques et put continuer sa route. Le soir même, une colonne de feu plus brillante que le soleil parut en ce lieu. Les habitants des environs vinrent y prier et de nombreux malades y trouvèrent leur guérison. Avant la fin du vn° siècle, saint Leufroy y bâtit une église qui, à cause de son origine, fut appelée la Croix-Saint-Ouen.

Un autre jour, arrivant, accablé de fatigue, dans une petite île de la Seine, il s'endormit. Pendant

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son repos, il entendit la mélodieSAINT OUEN 191des anges qui vinrent le visiter et lui apporter, de la part de Dieu, l'ordre de bâtir en ce lieu une

église à saint Étienne, ce qu'il fit aussitôt à ses frais.Un homme illustre par sa naissance et par ses richesses, le due Waneng, que le diocèse de Rouen

honore sous le nom de saint Waninge, étant aux portes du tombeau, eut une vision terrible où il vit une partie des peines que souffrent les damnés. La peur d'être réprouvé lui fit appeler l'évêque, qui, après avoir prié, le guérit en lui donnant sa bénédiction, En reconnaissance, cet homme fonda à Fécamp une abbaye de religieuses que dirigea sainte IIildemarque.

Voyage à Rome. - L'apôtre de la paix.Il ne voulut pas quitter cette terre, sans aller à Rome prier sur le tombeau de saint Pierre. Dès

qu'on ont appris ce pieux projet, on vint de toute part lui apporter de l'or et de l'argent pour les frais de son voyage et pour les dons qu'il (levait faire aux saints apôtres Pierre et Paul. Plusieurs personnes l'accompagnèrent, parmi lesquelles on signale un moine de Jumièges, Sidonius, plus connu sous le nom de saint Saens.

Ce fut avec une immense piété qu'Ouen parcourut les églises de la capitale du monde chrétien ; il se prosternait devant les tombeaux des martyrs et y restait longtemps en prière. Le Pape Adéodat (672-676) et les nobles de Rome lui rendirent des honneurs extraordinaires ; ils lui firent présent de plusieurs reliques qu'il reçut avec plus de joie que s'il eût reçu toutes les richesses de l'univers. C'était vers l'année 675 ; il avait alors environ soixante-quinze ans.

A son retour de borne, il avait trouvé la maison royale fort divisée, ce qui l'avait plongé dans une grande affliction. Il supplia Dieu de réconcilier les princes, ce qu'il obtint par ses moyens habi. tuels : la prière et le jeûne. Dans son admiration, le roi de Noustrio, Thierry III, ordonna que personne, dans ses Étais, ne tût élevé à une dignité ecclésiastique saris qu'on eût consulté le saint prélat sur cette élection.

La désunion ayant éclaté de nouveau entre les deux moitiés de la France, la Neustrie et l'Austrasie, la guerre civile allait recommencer, lorsque Thierry Ill l'envoya vers Pépin, le redoutable maire du palais de l'Austrasie. L'entrevue eut lieu à Cologne et fut très cordiale; Pépin accepta les paroles de paix que lui portait le messager de Dieu, et les maux de la guerre qui devaient ébranler définitivement t'autorilê, de la famille mérovingienne, si chère au coeur du saint évêque, furent évités pour le moment.

Il est remarquable que la vie entière de saint Ouen ait été dépensée au service de l'État, en même temps qu'à celui de l'Eglise. Les intrigues de. cour ne l'ont jamais atteint, Eue pendant cinquante ans, sous le gouverncnrcnt de six monarques et d'une régente, l'égal des plus grands et un conseiller toujours écouté, cela témoigne d'un rare mérite. C'est que saint Ouen excelle en iodes les qualités qui font le politique et le diplomate, Il a la mesure, le sens pratique, la souplesse, l'esprit de conciliation. De là son autorité, non seulement auprès des rois, qui sont putois tenus

192 2/4 AOUTà l'écart des affaires, mais encore auprès des ministres les plus jaloux du pouvoir, tels un Ebroïn

et un pépin.Mort de saint Ouen. - Ses reliques.Le saint évêque vint àà la villa de Clichy, près de Paris, rendre compte au roi Thierry fil de sa

mission. Saisi en ce lieu par la fièvre, le vénérable vieillard comprit bientôt que sa mort était proche. Comme il recommandait à Dieu, par de ferventes prières, ie diocèse de Rouen, il fut consolé en apprenant qu'on lui choisirait pour successeur le moine saint Ansbert.

Il rendit paisiblement son âme à Dieu, sans doute le 24 août 684 il avait plus de quatre-vingts ans. Sa mort fut un deuil pour toute la France. Une députation de la ville de Rouen vint chercher ses restes précieux. Le roi Thierry et la reine Chrodehilde menaient le deuil. Le maire du palais, les évêques, tous les palatins, se disputaient l'honneur de porter le cercueil. La cour suivit jusqu'à Port-toise le cortège funèbre qui, par petites étapes et à travers le Vexin, se rendit à Rouen. Le prélat fut enseveli dans l'église du monastère de Saint-Pierre, fondé par le roi Clotaire tee. Les nombreux

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miracles opérés à son tombeau attirèrent les populations.En 688, son successeur Ansbert retrouva son corps sans aucune corruption ; il le plaça derrière le

maître-autel, dans un sépulcre neuf, artistement travaillé. L'abbaye de Saint-Pierre ne tarda pas à s'appeler l'abbaye de Saint-Ouen, et la ville choisit son ancien évêque pour un de ses patrons. Ansbert lui-même fut guéri, durant la cérémonie, d'une violente fièvre en invoquant son saint prédécesseur.

Au sx° siècle, par crainte des Normands païens, le corps fut porté par les religieux, d'abord à Gasny, non loin de Mantes, puis à Condé, au diocèse de Soissons. Après leur conversion, les Normands réclamèrent ce trésor et on le leur rendit en février gr8. Les reliques restèrent à Rouen jusqu'en l'année 1562, où les calvinistes Ipillèrent la splendide église Saint-Ouen, rebâtie en 13x8, et brûlèrent les restes du protecteur de la ville. On ne put en conserver que quelques fragments.

FRAsçois DELMAS.

Sources consultées. - E. VACANOARD, Vie de saint Ouen, évêque de Rouen (Paris, 1902). - (V. S. B. P., n' ,34.)

....................................PAROLES DES SAINTS La miséricorde de Marie....Pour ce qui est de ta miséricorde, ô bienheureuse Vierge, que celui-là, s'il en est un, s'abstienne

de. la célébrer, qui aurait souvenance d'avoir été par toi abandonné dans ses épreuves...Saint BERNARD.(Sermon IV pour l'Assomption.)

SAINT YRIEIXAbbé d'Ahan, (ou Saint-Yrieix) dans le Limousin (t 591).

Fête le a5 août.S AINT Grégoire de Tours (t vers 593 ou 5g4) a été sagement inspiré en racontant la vie de

saints personnages dont il était le contemporain, et cela même de leur vivant. C'est ainsi que nous est connue la vie de saint Yrieix, lequel ne précéda que de deux ou trois années dans le tombeau le pieux évêque de Tours, son historien. En dehors de ces écrits, Yrieix a fait l'objet de deux biogra-phies, dont l'une, plus courte, est un remaniement de l'autre. Ces deux documents ont été fort malmenés par la critique, comme le montre M. René Aigrain dans le Dictionnaire d'histoire et de fiéegraphie ecclésiastiques. Force nous est de nous borner à reproduire l'essentiel de ces données, sans vouloir prendre parti dans les controverses auxquelles tel ou tel point historique a pu donner lieu.

Nobles origines.Aredius ou Yrieix, appelé Héray en Poitou, Haret' dans le Dauphiné, Azary ou haire dans le

Rouergue, ailleurs Iriez ou prier, naquit à Limoges, dans le premier quart du vie siècle ; son père se nommait Jucundus ou Joeond, sa mère Pélagie. Ils étaient nobles tous les deux, descendant l'un d'une famille patricienne, l'autre d'une famille royale ; Pélagie, en effet, était la nièce du roi d'Aus-trasie, Théodebert ; elle est honorée comme Sainte le 26 août.

Les deux époux confièrent leur enfant à un moine nommé Séhastien, premier Abbé du monastère de Saint-Pierre de Vigeois, fondé au diocèse de Limoges, mais sur le territoire du diocèse actuel de Tulle. Yrieix, docile, intelligent, laborieux, fit de rapides progrès. Dès son adolescence, il fut jugé digne d'être envoyé à la cour de

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IlnY9425 AOUTSAINT TnlEix 195Théodebert, son grand-oncle ; son biographe veut même qu'il en soitt devenu le chancelier, c'est-

à-dire le secrétaire.De si grands honneurs n'allaient-ils point engendrer l'orgueil dans son cour P Les divertissements

frivoles et dangereux de la cour n'allaient-ils point le corrompre P Yrieix comprit bientôt que sa vertu était en danger, et, sagement conseillé par saint Nicet ou Nizier, qui fut évêque de Trèves de 5(t7 à 566, renonça aux grandeurs du siècle pour entrer dans la cléricature.

Vues merveilleuses de Dieu sur saint Yrieix.Un jour, écrit saint Grégoire de Tours, tandis qu'Yricix chantait l'office divin dans l'église avec

les autres clercs, on vit descendre de la voûte du chceur une belle colombe. Après avoir voltigé doucement autour de lui, elle vint se poser sur sa tête, et comme il s'efforçait de l'éloigner, elle voltigeait encore autour de lui et revenait se poser, tantôt sur sa tête, tantôt sur son épaule ; enfin, elle le suivit sur la place publique jusqu'à ce qu'il fût entré dans la maison de l'évêque ; le soir, elle partit. Mais on la vit revenir le lendemain et les jours suivants. Et ainsi pendant trente jours.

Le même historien cite un. autre fait non moins remarquable, qui eut lieu vers celte époque : saint Nizier venait de voir le roi et il naviguait sur la Moselle, quand une violente tempête ayant soulevé les flots, l'embarcation fut sur le point de sombrer.

L'évêque, cependant, dormait d'un profond sommeil. Réveillé par ses compagnons,, il fit un. signe de croix sur les flots, et l'on vit cesser la tempête. Or, comme il poussait de profondes exclamations, les siens, soupçonnant quelque chose, demandèrent quelle vision il avait eue :

- J'avais résolu de la taire, répondit-il ; toutefois, sur vos instances, je consens à la révéler. Je rêvais donc que je jetais des filets dans le monde entier pour prendre des lûmes, et que personne ne m'aidait dans ce travail, excepté le petit Yrieix.

Fondation du monastère d'Attane.Le pieux clerc de l'Eglise de Trèves, élevé au sacerdoce, était destiné par la Providence à devenir

un grand moine. Son père Jucundus et son frère Eustade étant morts, il prit congé de saint Nizier et revint à Limoges pour consoler sa mère.

Après avoir passé quelque temps auprès d'elle, Yrieix se retira alors dans an lieu désert, où le creux d'unn rocher lui servait de cellule et d'oratoire.

Ce rocher, dit l'abbé Arbellot, biographe du Saint, se voit encore à peu de distance de la ville de Saint- rieix, sur le bord de la petite rivière de la Loue. IA tradition du pays désigne encore ce rocher creux comme ayant servi de retraite à notre Saint.

Dans cet ermitage, Yrieix priait le Seigneur sans relâche temps et nuit. Ses austérités étaient si grandes qu'après un certain temps sa

mère, effrayée, vint se jeter à ses pieds et le supplia en pleurant- de quitter son rocher et de bâtir un monastère.

Se rendant à ces désirs, le solitaire se mit à construire tout près de là, dans un lieu agréablement 141

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situé,,un monastère qui fut appelé Atlanum ou Attane, et qui a été le berceau de la ville de Saint-Yrieix (autrefois Saint-Yrier). Les gens de sa maison vinrent l'habiter avec lui. Ils portaient l'habit religieux, recevaient la tonsure et suivaient les règles tracées par saint Basile et Cassien, car la règle de saint Benoît ne fut adoptée que plus tard à Attane.

Pélagie leur procurait à tous la nourriture et le vêtement ; elle avait soin aussi des domestiques, surveillait le labourage des champs, la culture (le la vigne ; en un mot elle s'occupait de toutes les charges matérielles. Sa générosité était très grande c'est ainsi qu'elle consacra une partie do ses biens à bâtir à Limoges les deux monastères de Saint-Paul et de Saint-Michel hors les Murs.

Grâce au concours actif que, sainte Pélagie apportait pour les choses matérielles, son fils conservait une grande liberté d'action. Il s'exerçait vaillamment dans les jeûnes, les veilles, les prières, et s'employait aux couvres de charité. Une de ses occupations préférées était la transcription de.livres sacrés, dont il gratifiait les églises du voisinage. Il construisit deux églises, l'une en l'honneur de saint Hilaire (le Poitiers (- vers 368), l'autre en l'honneur de saint Julien d'Auvergne, martyr à Brioude vers l'an 3o/i. Il fit de larges aumônes, soit aux pauvres, soit aux lieux du culte, soit aux monastères, et bientôt son riche patrimoine se trouva singulièrement amoindri,

Miracles de saint Yrieix.Parmi les Saints. du vie siècle, Yrieix apparaît comme l'un des plus grands thaumaturges. Sur ses

nombreux miracles, saint Gré. goire de Tours et les deux a Vies » s'étendent avec complaisance.Yrieix, raconte saint Grégoire de Tours, était animé d'une grande dévotion envers saint Julien,

martyr.Il se rendit plusieurs fois en pèlerinage à la basilique où l'on vénérait ses reliques sacrées. Dans

on premier voyage, il était accompagné de sa mère et de plusieurs religieux de sa maison. Comme les pèlerins traversaient l'Au

vergne, le crépuscule du soir les surprit dans un lieu désert et aride, où l'on ne voyait aucun ruisseau, aucune source d'eau vive. Les serviteurs d'Yrieix allèrent çà et là, dans les plaines environnantes, et n'en trouvèrent pas. Sa mère lui dit :

- Mon fils, nous n'avons pas l'eau qui nous est néeecssaire pour le repas du soir ; comment ferons-nous pour séjourner ici cette nuit P

Alors Yrieix se met à genoux, implore le Seigneur par une longue et fervente prière ; puis il se lève, enfonce dans le sol aride le bâton qu'il tenait à la main, et après l'avoir retourné deux ou trois fois, il le retire à lui. Tout à coup, une source jaillit avec tant d'abondance que, non seulement elle suffit à leur usage, mais que dans la suite les troupeaux purent s'y abreuver.

Une autre fois, c'est à la pluie qu'Yricix commanda. Accompagné de plusieurs religieux, il s'arrêta un soir près du village de Hfenoux, dans le département actuel de l'Indre.

19625 AOUTSAINT YItIEIX197Le site où ils se trouvaient était charmant, le ciel était serein et tout brillant de la clarté des

étoiles... 'fout à coup, le tonnerre retentit avec fracas, l'air s'obscurcit, la pluie tombe en torrents, la foudre éclate, enflamme une forêt voisine. Les compagnons du saint Abbé d'Attanum craignaient tous que la foudre ne les anéantît. Mais Yrieix les exhortait à persévérer dans la prière et à passer la nuit dans 1.1 récitation de l'office divin. Le lieu où il s'était retiré pour prendre son repos était situé au-dessus de l'endroit où ses compagnons avaient planté leurs tentes. Tous furent complètement mouillés par l'orage, nais lui, ayant détaché la châsse aux saintes reliques qu'il portait au cou, et l'ayant posée sur la terre, ne reçut pas une goutte de pluie.

Durant le même voyage, Yrieix opéra un prodige qui nous rappelle les miracles de l'Évangile.

Lorsqu'il fut en vue d'Argenton-sur-Creuse, il dit à ses compagnons de route- Passons rapidement et en silence, de peur d'être retardés dans notre voyage.

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Or, cette bourgade était un lieu profane, consacré au culte des démons et à d'antiques superstitions. Les chrétiens qui habitaient là étaient accablés par des infirmités de toutes sortes, et continuellement tourmentés par les démons. Yrieix voulait passer inaperçu et priait en silence, quand tout à coup la multitude des infirmes se ma à courir après lui et à invoquer son nom. Il s'arrêta, les regarda, puis, s'étant prosterné à terre, il conjura le Seigneur de leur rendre la santé, selon la mesure de leur foi. Lnfn il se leva, traça le signe de la croix sur le front de chacun d'eux en les oignant d'huile sainte, et tous ceux qui étaient accablés de diverses infirmités, ou tourmentés par les esprits immondes, furent délivrés.

Un autre jour, c'est une jeune fille-aveugle, nommée Acteflède, qui recouvre la vue sous sa main bénissante ; c'est un jeune homme appelé Ingratius qui se lève plein de vigueur du lit où il se mourait ; c'est une paralytique dont les membres deviennent souples ; c'est un

jeune homme encore, Léonacter, qui est délivré de terribles accès de folie ; c'est une femme portant au cou une plaie énorme, qui voit soudain son mal disparaître.

Si je voulais parler de chacun de ses miracles en particulier - dit ,saint Grégoire de Tours, employant ici encore une formule qui semble lui être chère, - je ne pourrais en dire le nombre ni me rappeler leurs noms : toutefois, je sas une chose c'est que tous les malades qui se sont présentés à lui s'en sont retournés guéris.

Résurrection d'Actard.La biographie du Saint relate un fait plus prodigieux encore que tous les autres.Yrieix, un jour, était en prière dans son oratoire ; on lui porta un jeune homme inanimé, appelé

Actard, qu'on était sur le point d'inhumer. Ses parents, désolés, suppliaient Dieu de lui rendre la vie. Le thaumaturge unit ses prières à leurs prières, ses larmes à leurs larmes, puis, se tournant vers le jeune homme, il l'appela par son nom ; mais Actard ne répondit pas : son corps restait sans vie.

Saint Yrieix fait jaillir une source d'une terre arride

en la creusant avec son bâton.Yrieix pria de nouveau, et Dieu, enfin, l'exauça. Actard ouvrit les yeux, parla, et, debout près de

l'autel, chanta le Magnificat lPrédiction de l'avenir.Yrieix reçut de Dieu le don de prophétie ; plusieurs lois, éclairé d'une lumière céleste, il fil

connaître les événements à venir.Il arriva, vers l'an 573, raconte saint Grégoire de Tours, qu'une guerre ayant éclaté entre Sigebert,

roi d'Austrasie, et Chilpéric, roi de Neustrie, les habitants de Limoges craignirent de voir leur cité

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~~Wil 11)t 91111a7tHf198 25 AOIITSAINT YmEIx 199ravagée et leurs murailles renversées. Un messager de Sigebert leur fut envoyé pour leur

enjoindre de se soumettre. lis refusèrent. Leur ville fut assiégée et dépeuplée. L'un des chefs de l'armée assiégeante, nommée Domaric, alla trouver Yrieix et le pria de lui révéler ce qu'il savait par esprit de prophétie. Le serviteur de Dieu lui répondit tout bas :

- Quoique vous craigniez beaucoup le prince Théodebert, fils aîné de Chilpéric, sachez que son règne ne tardera pas à finir, car bientôt il sera mis à mort. Votre roi, Sigebert, soulèvera contre lui les armées de plusieurs nations, après quoi il remportera la victoire. Mais quand il l'aura obtenue, il sera trahi, et son royaume sera livré aux mains de ses fils et de ses petits-fils. Les autres rois, dont le royaume paraît solide, disparaîtront de ce monde avec ignominie.

Domaric, ayant entendu cette réponse, retourna vers les siens. Les événements qui lui avaient été prédits ne tardèrent pas à se réaliser.

Relations avec saint Venance-Fortunat.Yrieix était, dans le monde religieux et même civil de son époque, un personnage important, et il

entretenait des relations avec d'autres personnages éminents, soit par leur vertu, soit par leur rang social. Il ne reculait point, au reste, devant la fatigue d'un voyage. C'est ainsi que, lors d'un séjour à Poitiers, il eut l'occasion de voir, au monastère de Sainte-Croix, sainte Radegonde, femme de Clotaire Jar, laquelle avait préféré à la couronne royale le voile religieux ; il avait vu aussi sainte Agnès, l'abbesse du même monaftère, qui y introduisit la règle de saint Césaire d'Arles, et enfin saint VenanceFortunat, qui devint, plus tard évêque de Poitiers, et qui est l'une des célébrités littéraires de cette époque. Fortnnat, qui adressait des poésies aux évêques, aux rois et aux princes de son temps, alla visiter Yrieix dans sa villa ou domaine rural de Centum.

Le poète vante les fruits délicieux de cette villa, ses pommes aux couleurs éclatantes et variées dont il s'est rassassié, à la suite d'une longue marche.

Un autre des poèmes de Venance-Fortunat est dédié à Yrieix, etl'on aimera le trouver cité ici entièrement, en raison de l'intimitétouchante qu'il atteste entre ces âmes d'élite.Je désire, ô bon Père, vous saluer d'un mot, puisque de Poitiers je nepuis vous voir de mes propres yeux. Je professe pour vous une telle vénération que c'est pour

remplacer ma visite que je vous envoie cette lettre. Je vous en conjure, ô Bienheureux, par la douce nourriture du Christ, souvenezvous de moi quand vous réciterez des prières 1 Je regarderai comme une grâce céleste, ô pasteur Aredius, que vous daigniez vous souvenir de votre Fortunat I Saluez aussi pour moi, ô très cher, votre sainte mère ; et quand mon serviteur reviendra, favorisez d'une réponse celui qui vous parle. Vos filles dévouées vous saluent également, ô vénérable Père ; Agnès et Radegonde vous offrent leur filial amour.

Dernière maladie et mort de saint Yrieix.Yrieix vécut jusqu'à l'âge de 8o ans. On compte que par ses soins une dizaine d'églises ont été

élevées et quatre ou cinq monastèresconstruits ; il fit de nombreux pèlerinages, en particulier aux tombeaux de saint Julien de Brioude

et de saint Martin de Tours. C'est à paris, d'autres fois, qu'il se rendit, non plus en pèlerin, niais en avocat du peuple auprès des rois. L'influence que lui donnaient sur eux ses éminentes vertus était considérable. Ici, c'est une ville qui obtient, grâce à lui, miséricorde ; là - un fait analogue est rapporté aussi dans la Vie de saint Germain d'Auxerre, - c'est une province qui voit diminuées ses contributions ; partout c'est la justice et la charité qui triomphent, grâce à son intervention.

En 591, la petite vérole fil de nombreuses victimes dans toute la Gaule : Yrieix fut du nombre ; toutefois il est dit ailleurs que c'est la dyssenterie qui allait l'emporter. Quoi qu'il en soit, le sixième

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jour de la maladie, raconte saint Grégoire de Tours, une femme qui avait été tourmentée par le démon et que l'Abbé d'Attane n'avait pu guérir, se mit à crier

- Arrivez, citoyens l' peuples, hâtez-vous 1 Accourez au-devant des martyrs et des confesseurs qui viennent célébrer les obsèques du bienheureux Yrieix 1

Comme on voulait enchaîner cette possédée, elle rompit ses lienset revint au monastère annoncer à tous la grande nouvelle.Yrieix savait aussi que sa finn approchait- Sachez, mes bien chers frères, dit-il à ses moines, que le. Seigneur daignera me délivrer prochainement des liens de ce siècle.Et comme les religieux pleuraient, il ajouta en pleurant lui-même - Que la volonté du Seigneur

s'accomplisse et non pas la nôtre tQuoique gravement malade, Yrieix n'interrompit pas. ses couvres dee charité, voulant mettre le

sceauu à sess vertus par la persévérance. Il passait la nuit dans la prière et dans les veilles.Le 211 août, il réunit de nouveau ses disciples.- Voici, leur dit-il, que je remets entre vos mains le salut devos âmes.Puis, tombant à genoux et gémissant, il s'écria- Je vous recommande, ô Seigneur Jésus, les brebis que vousm'avez confiées.Il embrassa tous les religieux présents, l'un après l'autre- Désormais, leur disait-il, je ne vous parlerai plus.. Vous ne me verrez plus. Adieu I Allez en

paix et āaissez-moi mourir 1Levant les yeux au ciel, il dit encore avecc larmes- Souvenez-vous de moi, Seigneur, vous qui seul êtes sans péché IRédempteur du inonde, recevez-moi dans votre royaume céleste 1. Un moment après, il ajouta :- Maintenant, Seigneur, laissez aller en paix votre serviteur selon. .votre parole.Et en disant ces mots, empruntés au saint vieillard Siméon, il rendit son âme à Dieu.C'était le soir. On vit alors, dans le ciel, un globee d'une grande clarté descendre sur le monastère

et remonter aussitôt vers les. astres..200 25 AOUTTous comprirent que Dieu voulait montrer par ce prodige que l'âme de son serviteur était allée le

rejoindre.Funérailles de saint Yrieix.Quand le Saint eut rendu le dernier soupir, les gémissements et les larmes redoublèrent autour de

sa dépouille mortelle. Une grande multitude se rendit dès l'aurore au monastère. Saint Ferréol, évêque (;.: Limoges, admirateur et ami d'Yrieix, accourut en toute hâte. Il pleura longtemps devant la dépouille dur défunt, puis ordonna de la faire porter à l'église Saint-Julien, que l'Abbé d'Attane avait bâtie en l'honneur du martyr ; mais en essaya vainement de lever le corps sacré du lieu où il se trouvait.

On sut bientôt que saint Yrieix avait mr.nifesté le désir d'être enseveli dans l'église Saint-Hilaire, qu'il avait également construite en ce lieu. Ferréol, cependant, hésitait. Il ordonna aux moines et au peuple de jeûner durant trois jours et il jeûna lui-même, Il dit c-isuite aux assistants :

- Si c'est la volonté du Seigneur ou du Saint qu'il aille où nous désirons maintenant qu'il soit enseveli, qu'on transporte le corps sans délai.

Quelques personnes s'étant approchées du cercueil pour l'enlever le tirent avec tant de facilité que deux hommes le portaient aisément, tandis qu'auparavant un grand nombre n'avaient pu même le soulever.

Le corps fut a levé de terre » par l'évêque de Limoges, Saibrand, en 1181, le dimanche dans l'octave d,, l'Ascension.

Outre les restes de leur saint fondateur, les moine., d'Attane avaient conservé plusieurs objets qui avaient été à son usage, entre autres ses vêtements et son lit : beaucoup de miracles furent opérés

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par leur simple contact. On les a distribués comme des reliques en divers lieux, et ceux qui existent encore sont partout cri grande vénération. Le corps même du Saint, si l'on en excepte une parcelle donnée à l'église de Janailhac, est toujours resté dans la ville qui porte son nom, auprès de celui de sainte Félagie, sa mère.

Quant au monastère de Saint-Yrieix, après avoir longtemps suivi la règle de saint permit, qui, peut-être y avait été introduite par .rieix lui-même, il fut sécularisé, et devint une collégiale de cha-r.iines qui dépendait de Saint-Martin de Tours.

Plusieurs églises portent son nom sous les formes diverses que nous avons citées, et sont devenues le centre d'autant de communes. Il y en a trois dans le diocèse de Limoges, et six dans divers autres diocèses.

La fête de saint Yrieix est fixée au 26 août dans le nouveau Propre de Limoges.A. L.Sources consultées. - Saint Gnécolna ne Tours, Historia francorum, 1. X. -Abbé Anoeu.ot, Vie de saint Yrieix, ses miracles et son culte (Paris et Limoges, i»oo). - Acta

Sanctorum, t. V d'amtl (Paris et Borne, 1867). - Louis Monanc, Le grand dictionnaire historique, t. X (Paris, 1759). (V. S. B. P., n' 1765.)

SAINT ZÊPHYRINPape et martyr (t vers 221).b'cte le 26 août.L'AN 202 serait, d'après certains auteurs, celui où saint Zéphyrin - connu dans plusieurs

provinces de France sous le nom de Saphorin - fut élevé au trône pontificat. D'autres, d'une manière peut-être trop affirmative, déclarent que ce fut le 8 août no3. Plus incertaine, mais prudente, une troisième opinion remonte et s'arrête aux alentours de l'année 16o. L'histoire et la tradition ont gardé là-dessus un impénétrable silence. Autour de la vie si active, si vigilante, si héroïque, de ce Pontife toujours caché par force, en raison des événements et des circonstances, mais présent toujours par l'admirable rayonnement de ses directives, de son autorité et de sa foi, s'étend une obscurité mystérieuse. On sait qu'il était Romain de naissance, que son père avait nom Abundius et que lui-même succéda au Pape saint Victor. Il occupa le siège de saint Pierre durant les vingt premières années du ni' siècle, bien que l'on ne puisse établir avec précision ni le commencement ni la fin de son gouvernement, lequel coïncida avec les dernières années de SeptimeSévère, avec le règne de Caracalla et celui de Macrin, et, sans doute, avec une partie de celui d'Héliogabale.

L'édit de 202.Sous le pontificat de saint Victor, l'empereur Septime-Sévère, dont les Romains disaient que son

vrai nom eût été, non Severus mais Crudelis, et dont la maxime était : u Payez bien les soldats, et moquez-vous du reste n, s'était plutôt montré favorable aux chrétiens. Et puis, presque en tout temps loin de Rome, occupé presque sans cesse à guerroyer, l'empereur n'avait guère loisir de songer à autre chose. Ce n'était, hélas I qu'une partie remise, et dont l'issue

2029,6 AouaSAINT z rm'nux2o3terrible était déjà préparée ~à Rome par Plautien, le redoutable préfet.En 202, 'Septinne-Sévère résidait en Palestine. La turbulence juive retenait sa présence autant

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quelle réveillait et excitait en lui un penchant acariâtre pour un autoritarisme dénué de scrupule. I e venait-il point de retirer à V'aplouse son droit de cité et d'accorder en revanche à Samarie - aujourd'hui Sébastyéh - le rang et les privilèges d'une colonie romaine P De tels gestes étaient la cause de querelles locales et de luttes à main armée. De ville en ville, de contrée en contrée, l'empereur passait, donnant aux habitants de nombreuses, de rigoureuses lois, interdisant 'à quiconque, sous la menace de grandes peines, de se faire juif, et rendant, en ce qui touchait les chrétiens, un décret analogue, 11 s'y sentait d'autant plus enclin que sa femme, l'impératrice Julia Domna, Syrienne, fille de Julius Bassianus, prêtre du Soleil à Emèse, exerçait un grand pouvoir sur son esprit et sur son coeur. Elle avait, en outre, auprès d'elle sa soeur Julia A'Iaesa et ses deux nièces Julia Sooemias et Julia Mammée, toutes les trois renommée. pour leur intelligence et pour leur beauté.

Si l'on ajoute que cette compagnie illustre et brillante se targuait de philosophie, recherchait les doctrines étranges, adoptait le culte de àlithra, était enthousiasmée par les extravagances orgiaques et pluson moins spirites de Montan et de sa secte, et multipliait les discussions délétères, il sera aisé de comprendre quel malin empressement mit Septime-Sévère à signer et à lancer l'édit de la septième persécution.

Cet édit, dont on ne connaît que vaguement et brièvement les dispositions législatives, semble distinguer deux sortes de chrétiens : ceux qui l'étaient de naissance et ceux qui le devenaient par leur conversion. Les premiers demeuraient régis par le fameux rescrit de Trajan, adressé à Pline, qui interdisait ile rechercher les chrétiens et de recevoir des dénonciations anonymes ; les autres tom-. baient sous les coups de la nouvelle loi, qui ordonnait de poursuivre d'office ceux qui feraient du prosélytisme ou entreraient dans la religion proscrite.

La persécution.-Pour Zéphyrin, gardien de l'Eglise de Dieu, quelle immense donleur de voir l''horizon se rougir

du sang des justes ! Maïs aussi quelle fierté de rendre témoignage dans toutes les régions de l'Empire romain à l'héroïsme des fidèles victimes des tourments les plus atroces et les plus raffinés! A Alexandrie, en Egypte, Léonide, le père d'Origène, était décapité. Celui-ci écrira plus tard, après le supplice de la jeune vierge 'Potamienne « Nous avons vu de nos yeux les martyrs se succéder comme, les eaux d'une source inépuisable. a En Afrique, à Carthage surtout, les fureurs des ennemis de l'Eglise étaient si déchaînées que l'on regardait comme proche la fin du monde. Les immolations succédaient aux immolations, Nul n'ignore les noms glorieux de Perpétue, noble matrone de Tuburbo, aujourd'hui Tebourba, et de ses quatre compagnons les deux

esclaves Révocatu et. Félicité, et deux jeunes gens, Saturnin et Secondrde, tous enté humante, et qui se firent hapiiser après leur arrestation. Quant à leur catéchiste, Salue, il se livra lui-même.

En Asie, les provinces de Phryg-ie et de-Cappadoce étaient singulièrement éprouvées, comme permettent de le deviner les fréquentes allusions des auteurs contemporains. La persécution y devenait plus grave cour. Ces régions, en effet, demeuraient toujours le centre incandescent(les aberrations de Montan et de ses deux prophétesses, Priscille et Maximille, qui en étaient originaires et qui vivaient encore.

Les montanistes.Les deux ennemis du christianisme, païens et montanistes, prodiguaient donc leurs meurtres dans

ces pays d'Asie. Montan avait d'abord embrassé la vraie religion afin de pouvoir atteindre la dignité ecclésiastique. Très vite, il avait laissé le droit chemin. Il se donnait pour le Paraclet et disait avoir mission de compléter l'oeuvre de la Rédemption entreprise par le Christ. L'illuminisme animait, -infestait sa doctrine. Montan et ses adeptes n'admettaient qu'une seule personne dans la Sainte Trinité, condamnaient comme adultères îles secondes -noces, et, toutefois, affirmaient que l'on avait faculté de se libérer à volonté des liens du mariage. Exagérant dogmes et -préceptes, ils donnaient des bornes à la miséricorde de Dieu, corrompaient la forme du baptême, ordonnaient, pendant l'anake, trois jeûnes extraordinaires, et, contempteurs de toute hiérarchie, ils abandonnaient le gouvernement spirituel aux femmes et aux exaltés. Zéphyrin, qui prononcera, vers l'an 212, une sentence solennelle d'excommunication contre leur secte, ne, cessait de rappeler la saine et sainte vérité -et de revendiquer ses droits.

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La voix des Catacombes.Il eût été contraire aux vertus de sagesse et de prudence qu'en ces temps de terreur le Souverain

Pontife exposât sa vie, -malgré le généreux désir qu'il -en eût, pour confesser sa foi en mourant pour Notre-Seigneur. Pasteur, bon pasteur, il se devait à son troupeau. Aussi bien se vit-il contraint de vivre le plus souvent caché, tant que sévissait le sanglant orage, dans les Catacombes. Volontaire ensevelissement s'il -en fut I Solitude, ou peu -s'en fallait, solennelle, dans laquelle chaque :moment était lourd de responsabilités -et d'angoisses. Une crucifixion de soi-même sans trêve renouvelée, un sacrifice que, seule, la mort viendra interrompre et couronner. En outre, combien de surprises accablantes pour celui qui aime tant les âmes 1

L'épreuve, souvent, dépasse les prévoyances humaines. On da peut croire à son déclin, quand elle ne laisse, ne permet qu'une halte -de répit. Les consolations rafraîchissantes qui -suivent un combat héroïquement affronté, -surmonté avec la grâce de Dieu et pour sa gloire, peuvent être le prélude -d'autres embûches et -d'autres

12o426 pourSAINT ZRPÜPRiN205peines, en même temps que le viatique pour les accueillir avec plus de vaillance encore.Aux accents réprobateurs que faisait entendre le chef de l'Eglise, plusieurs de ceux qu'avait

séduits la doctrine hérétique de Montan ne tardèrent pas à se rétracter. D'autres les imitèrent, et le Pape Zéphyrin avait des motifs d'espérer en la disparition plus ou moins prochaine, mais qui semblait assurée, du montanisme, lorsqu'une défection retentissante, outrageante pour sa personne de Vicaire de Jésus-Christ, douloureuse à son coeur de père compatissant et embrasé (le charité, lui montra que les puissances du mal étaient plus que jamais coalisées. Tertullien, devenu, de toute la force provocante de son orgueil, un apostat militant, après avoir été un des témoins les plus célèbres de la Vérité, cet homme, dont l'Eglise ne cessera de louer les immortels travaux, s'était rallié, sous l'influence séductrice d'un certain Proclus-ou Proculus, aux montanistes dont le crédit se propageait en Afrique, pénél'rait à Lyon et cherchait à s'imposer dans Rome même.

Emue, émouvante, la voix de Zéphyrin continua de retentir sans défaillance. Pierre sait que Notre-Seigneur est avec lui jusqu'à la fin des siècles. Zéphyrin, comme tous les Papes, ses prédécesseurs, comme aussi ceux qui, au cours des âges, lui succéderont, ne connut point les alarmes stériles de la crainte et de la pusillanimité. Contre Tertullien, contre le rebelle doué d'un beau et incontestable génie, il se dressa, il parla, et, toute indulgence, toute magnanimité rendue superflue par une satanique opiniâtreté, il n'hésita point à proclamer l'excommunication. L'auteur de l'admirable traité des Prescriptions, maintenant le défenseur des opinions les plus fallacieusement rigides, s'insurge contre la condamnation pontificale. Sa colère, comme sa superbe, ignore les obstacles et la plus élémentaire retenue. Il adopte le ton du pamphlétaire et use d'injures en place de raisons. Il assemble les contradictions. 11 brave le Saint-Père, et, cependant, reconnaît en lui le « Pontife suprême, l'Evêque des évêques n. Malgré l'Eglise, il entend rester dans l'Eglise. Vaines restent ses prétentions, et ses efforts inopérants. Jouet de sa suffisance, de plus en plus, tête baissée, incurable aveugle, il se jette sans frein dans le tourbillon de l'erreur. Ses ouvrages contre le catholicisme sont des élucubrations sans portée ni consistance. Mécontent de luimême, lassé de ses notveaux amis, il se retranche dans un quantà-soi ulcéré et méfiant. Est-ce le repentir ou seulement, hélas 1 le remords? Nul n'a pu dire si Tertullien vint jamais à résipiscence.

Les patripassiens. - Hippolyte. - Natalis.

Zéphyrin, d'une mansuétude peut-être plus grande que celle de son prédécesseur saint Victor, était éminemment averti des plis retors, des masques divers, mais, dans le fond, pleins de ressem-blance où se cache l'hérésie pour guetter sa proie. Dès l'aurore de son règne, il avait réfuté, confondu, condamné les patripassiens ; ainsi dénommés parce que réduisant les trois personnes de

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la très.!1 ,r19 7914 11911741,9 74'9 1-91q 1.914 'q74

\1\\\\\\\\\\\\\\\\\\~\\\\\\\\\\\\\Le pape saint Zéphyrin reçoit l'abjuration de 7Vatalis.Sainte Trinité à la triple manifestation d'une seule, ils enseignaient que Dieu le Père a souffert la

Passion et a été crucifié. En Occident, cette hérésie se répandit avec Praxéas, et fut victorieusement réfutée par Tertullien. Praxéas, par une miséricordieuse faveur de la Providence, devait, ensuite, brûler ce qu'il avait adoré et rentrer dans le sein de l'Eglise.

Aucun jour qui n'apportât au doux, mais intrépide Zéphyrin une raison impérative de lutte et de redressement. L'obligation de s'armer et de sévir, quand on préférerait ouvrir des bras consolateurs, refuge d'un pardon sans retour, quel calvaire 1 Zéphyrin le gravissait avec une ferme sérénité. 1

-\ \\\\%\lbll\1 1à\a\\u\1\s\>1k~1\\fN'v206 26 AOrTSAINT ZJ PIIYRIN207De quelles injustices, de quelles attaques offensantes n'était-il point l'objet quasi

quotidiennement, poursuivi et traqué par un prêtre romain, docte juriste, au caractère tranchant, à l'esprit faux, l'illustre llippolyte P Celui que l'on a nommé le a patron des antipapes e, entraîné dans les menées schismatiques, tombera en martyr, après avoir persécuté deux Papes, deux Saints, Zéphyrin et ,alixte. Prévenante, toujours pleine de sollicitude est la bonté de Dieu qui provoque l'occasion de relever le malheureux égaré quand celui-ci ne s'entête pas dans son égarement.

Sur les pas du Christ, Zéphyrin essayait, toujours avec une ridélité plus absolue et généreuse, cl, modeler ses pas. Sa clémence était, elle aussi, un don de soi qui chassait le fantôme des erreurs d'antan. Un chrétien, Natalis ou Natalius, vivait pieusement à Rome. Il avait même souffert pour la foi, mais, cependant, il se laissa tromper par les sectateurs de Théodore le Corroyeur. Ayant apostasié, il fut un négateur de la divinité de Jésus-Christ. Les hérétiques l'ordonnèrent évêque et lui assurèrent une pension mensuelle de i5o deniers romains, filais Dieu se souvint que, naguère encore, Natalis avait participé à ses souffrances. Par des apparitions, il lui fit reconnaître son erreur. Comme l'infortuné persistait en ses hésitations, une nuit, deux anges vinrent le battre de verges. Le

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lendemain, couvert de cendre, revêtu d'un cilice, épuisé de repentance et de larmes, Natalis s'en fut se jeter aux pieds du Pape Zéphyri ' et confessa sa faute en présence de tous les fidèles édifiés d'une si parfaite contrition. Zéphyrin releva Natalis, le réconcilia avec l'Eglise,. l'admit à la communion et le dispensa des peines canoniques, alors fort longues et rigoureuses.

Décrets pontificaux.En ces temps de persécution intense et rarement apaisée, les chrétiens vivaient le plus souvent

dans une extrême pauvreté. Dans les églises, on se servait de calices en bois ou en étain. Par respect pour le Saint Sacrifice, Zéphyrin, proscrivant la matière inférieure, ordonna qu'à l'avenir les vases sacrés fussent au moins de verreAux Catacombes, l'on célébrait la messe à la lueur des lampes ou des flambeaux de cire. Ainsii la transparence du verre permettaitelle d'apercevoir les moindres parcelles des espèces eucharistiques. Afin de mettre à l'honneur ce décret, saint Irénée rapporte que le vin, versé dans le calice du Pape Zéphyrin, prenait, à un moment donné, la couleur du sang. Trop fragiles, les vases sacrés en verre furent écartés par saint Urbain I'r.

Zéphyrin, attentif aux hommages dus au Créateur en même temps que soucieux de la sanctification des âmes et de l'intégrité de la liturgie, détermina des dates fixes pour les ordinations, avec obligation de les faire en présence des clercs et des fidèles assemblés, et il imposa la communion pascale à tout chrétien à partir de l'âge de la puberté.

Plein d'un charitable amour pour les pécheurs, il adoucit la sévé,cité introduite dans l'Eglise à l'égard des adultères, ce qui le fit convaincre par les montanistes de

condescendance coupable. Epris de justice et adversaire éloquent des calomnies dont les hérétiques accablaient les évêques, il décida qu'aucun de ceux-ci, s'il était cité en jugement devant son patriarche ou son métropolitain ne pouvait être condamné sans l'autorité du Saint-Siège, complétant, de la sorte, le décret de saint Victor sur le même sujet..

Un pontificat glorieux.C'est de la souffrance, de la souffrance accueillie sereinement et aimée, que naissent et

s'épanouissent, lion seulement pour l'éternité, mais encore pour l'histoire du monde terrestre, des fleurs qui ne se fanent pas. L'époque où régna Zéphyrin fut troublée et sanglante, et pourtant, par Zéphyrin, l'on est au centre d'une auréole de grandeur, de beauté morale, intellectuelle, et de gloire.

A Rome, lorsque, en 202 ou vers la fin de 203, Septime-Sévère revient après dix ans d'absence, il y a pour l'Eglise des jours et des heures d'un triomphe manifeste, et qui comptent. Ce n'est point, certes, du fait de cet empereur sans scrupules, qui commence à se désintéresser des questions religieuses, laissant à ses magistrats le soin d'exécuter ses lois à leur bon plaisir, pour satisfaire à son unique ambition de se montrer prodigue et de se lancer dans de fastueux travaux d'embellissement. C'est du fait d'un autre monarque, chrétien celui-là, Abgar IX, roi d'Edesse, venant, accompagné d'une suite magnifique, rendre hommage à l'empereur. Son royaume d'Osroène compte un certain nombre d' Eglises constituées qui ont pris part, sous le pontificat précédent, aux débats soulevés par la question de la Pâque. Dans son pays, Abgar faisait une guerre pressante aux coutumes païennes, et ce n'est point sans une vive émotion que les chrétiens de Rome saluaient, regardaient un souverain qui protégeait aux confins de l'empire leur religion si odieusement bafouée et persécutée dans -Rome et ailleurs. Cette joie du commencement de son pontificat devait se changer plus tard en douleur pour Zéphyrin, lorsque Caracalla, par une réaction païenne, détruisit le royaume de l'Orsoène, arrêta Abbar X, successeur de celui qui était venu à Rome, et emmena le prince et ses enfants comma otages.

Les rayons surnaturels de cette auréole dont le Pape est le centre et l'animateur projettent partout leur clarté. A Lyon, le grand évêque saint Irénée achève son grand ouvrage Contre les hérésies. Clément d'Alexandrie améliore l'organisation du Didascalée et écrit sa Trilogie. Origène est dans tout son éclat, sème des idées nouvelles, dont l'autorité ne sera, dans l'avenir, éclipsée que par celle de saint Augustin. Et l'on doit rendre un certain témoignage à Ilippolyte lui-même, ce prêtre qui, on le sait, fut une croix polir le Pape, mais qui, avec bonheur, combattit les sectes des théodotiens, des aloges et des marcionites - négateurs de la divinité ou de l'existence de Jésus-Christ ou de

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l'authenticité de sa doctrine, - qui208 26 A0LTeut un rôle aussi efficace que riche de lumière dans la controverse sur la Trinité, et commenta

l'Ecriture Sainte avec plus de précision encore qu'Origène.Mort de Septime-Sévère. - Caracalla. - Fin de la persécution.Vers ai a, la persécution se ralentit, puis s'éteignit peu à peu, après l'immolation en Gaule de

Félix, de Fortuna et d'Achillée, apôtres de Valence ; du prêtre Ferjeux, apôtre de Besançon. Jusqu'à la fin de 2119, l'Eglise jouira de trente-sept années (le paix relative.

Sévère, qui guerroyait en Angleterre, ne revint pas de sa campagne. Ayant, pendant trois ans, poursuivi et organisé ses conquêtes, il mourut à Eboracum (York), le 4 février 211, à l'fige de 65 ans. Il succombait sous le fardeau de la tristesse ; il sentait l'horrible vide et l'inutilité d'une existence toute matérielle. L'on soupçonna son fils, Bassinons , d'avoir précipité sa fin. Un tel soupçon n'est vraisemblablement qu'une médisance. A peine de retour à Rome, Bassianus inaugura son pouvoir, qu'il partageait avec son frère Géta, en tuant ce dernier de ses propres mains dans les bras de sa mère, Julia Domna, le a7 février 212. On le surnomma Caracalla, à cause du vêtement gaulois de ce nom, sorte de tunique à capuchon, qu'il se plaisait à porter et dont il affublait ses soldats.

Mort de saint Zéphyrin.Le saint Pape, dont la naissance au ciel est mentionnée le 20 décembre, n'allait plus tarder à

recueillir la panne du martyre. Il est à croire que ce fut en l'année 217, bien que Baronius prolonge son règne jusqu'en aa1 et qu'Eusèbe le fasse terminer en 220, et la date du 26 juillet est la plus vraisemblable.

Dès l'aube de son pontificat, Zéphyrin fut un martyr. Il a reflété les beautés de la passion du Maître. Sa générosité ne connut pas de bornes: Recevant de multiples offrandes, il dépensa sans compter pour les pauvres et pour l'embellissement des Catacombes, qu'administrait son diacre Calixte. Le Liber Pontificalis nous apprend qu'on lui trancha la tête, et qu'il repose dans la Catacombe de Calixte, sur la voie Appienne.

DoanNigua ROLAND-GOSSELIN.Sources consultées. - PAUL ALLAnn, Histoire des persécutions pendant le première moitié da

me siècle (Paris, vgso)- - E. LACOSTS, Les Papes a travers les ripes (Bonne Presse, Paris). - GABTASO Mono,,, Hizionario di erudizione Sta'icoEcclesiastica (Venise, 1841). - (V. S. B. P., n' 445.)

................................... PAROLES DES SAINTSLes anges gardiens.Tout petits que nous sommes, que craignons-nous sous de si grands protecteurs P On ne peut ni

les surmonter par la force ni les tromper par finesse et par surprise. Ils sont fidèles, ils sont sages, ils sont puissants : quel sujet aurions-nous de trembler P

Saint BERNARD.BIENHEUREUX GUÉRINCistercien, Abbé d'Aulps, puis . évêque de Sion (t 1150). I éte le 27 aoi t.D ANs la Lorraine, lieu de sa naissance, ainsi que dans la Savoie, où il vécut, et le Valais, où il

termina sa carrière-, on donne habituellement à Guérin - en latin Garinus ou Guarinus - le titre de a Saint », bien qu'il n'ait pas été canonisé ; ailleurs on l'appelle en général et plus justement a Bienheureux », son culte ayant été autorisé par les évèques, ce qui suffisait dans les temps reculés, avant que l'autorité pontificale se fût réservé le droit exclusif de se prononcer en pareille matière.

Entrée du bienheureux Guérin chez les fils de saint Benoît.Guérin naquit - on ignore la date précise - dans la seconde moitié du xie siècle en Lorraine, dans

un bourg nommé Pont-à-Mousson, à cause d'un pont jeté sur la Moselle et du château de Mousson dressé jadis sur une collinee qui domine le passage.

Grâce aux soins de sa vertueuse mère, Guérin eut une enfancepieuse. Aussi lorsque vint l'âge de choisir sa vocation, le jeune homme n'hésita point. Il alla se joindre aux pieux compagnons de saint

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Robert de Champagne qui, depuis l'année 1075, renouvelaient dans la forêt de Molesme, alors du diocèse de Langres, aujourd'hui du diocèse de Dijon, les rudes austérités de saint Benoît.

Il fit, sous un tel maître, des progrès si rapides que, peu d'années après sa venue, on le choisit, avec deux ou trois autres religieux, pour aller fonder une colonie en Savoie.

Cet essaim franchit le Jura, traversa le lac Léman, puis remontant le cours de la Dranse, il pénétra en Chablais, dans une vallée

21o27 AOUTA[C5IICURLUx uviaix nr, SION,211solitaire du diocèse de Genève, aujourd'hui du diocèse d'Annecy - connue sous le nom de vallée

d'Aulps, ou vallée des Alpes, qui lui venait de ses riches a alpages a ou pâturages. Les religieux s'arrêtèrent en un lieu pittoresque, sur les bords (l'un ruisseau qui, dévalant du col de l'Ecuelle, va, trois cents mètres plus bas, mêler ses eaux à celles de la Dranse.

Le futur monastère de Saint-Jean d'Aulps débuta, tel que l'abbaye de Blolesme, par.r des abris on tentes provisoires avec des branches d'arbres. De la même façon fut élevé un sanctuaire pour la célébration du divin Sacrifice ; un lopin de terre fut défriché et transformé en jardin. Peu après cependant, avec des matériaux plus solides, ils construisirent une maison commune pour les exercices spirituels ainsi que pour les repas.

La nourriture de ces religieux était aussi pauvre que leur habitation. Ne mangeant jamais de viande, ne goûtant même ni poissons, ni veufs, ni lait, ni fromage, sinon rarement et quand on leur en donnait par charité, il n'avaient pour aliments que les fruits de quelques arbres, des racines et des légumes cuits dans l'eau sans assaisonnement, et pour boisson que l'eau du ruisselet. Ils jeûnaient du reste deux fois la semaine en été, et tous les jours, le dimanche excepté, du iQ septembre à Pâques.

Cependant, ils menaient une vie très active. Levés à 2 heures du matin, ils consacraient le reste de la nuit à chanter les louanges de Dieu et à célébrer les saints mystères. Le jour était consacré .à la lecture à la prière, et surtout aux travaux manuels, au défrichement des forêts.

Une vie aussi édifiante leur concilia promptement la sympathie des nobles du voisinage, en même temps que s'accroissait leur nombre. Vers cette époque, Humbert 11, comte de Savoie, déclara céder au monastère, exempts de toute servitude, non seulement le terrain sur lequel la eella avait été bâtie, mais encore toute la vallée adjacente sur la largeur d'une lieue.

Le bienheureux Guérin à la tête du monastère d'Aulps.Vers l'an rue, Guérin fut placé à la tête du monastère d'Aulps.Sous son habile direction, sa communauté connut une grande prospérité matérielle. L'évêque de

Genève, Guy de Faucigny, lui abandonna l'église de Saint-Cergues avec toutes ses dépendances (11r3), et, quelques années plus tard, un seigneur lui offrit une vaste terre appelée la Combe parce qu'elle se trouvait dans une vallée ; mais craignant que la richesse n'amenât le relâchement, Guérin crut devoir refuser cette offre généreuse.

L'Abbé s'appliqua surtout à réchauffer dans l'âme de ses religieux l'amour de la régularité et l'esprit de sacrifice. Il donnait du reste de l'un .et de lautre de merveilleux exemples. Quoique le premier par le rang, il ne cessait de se montrer le plus humble, choisissant volontiers ce qu'il y avait de plus grossier, de plus pénible à la nature. Non content de mater son corps par le travail,

les veilles et le jeûne, il portait sur la chair nue un cilice aux pointes aiguës, dont Calixte II lui

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avait fait, dit-on, présent, alors que ce Pape était métropolitain de la Viennoise.Aux vertus du vrai moine, Guérin joignait celles qui font le parfait supérieur : la vigilance, la

sagesse, la prudence, enfin une sévérité mêlée de douceur.Cependant il s'en fallait de beaucoup que les conditions nécessaires à la régularité de vie

monastique fussent remplies. Ainsi les religieux, réunis pour les repas et les offices divins, se retiraient le soir, par groupes de trois ou quatre, dans des habitations séparées, ce qui leur donnait mainte occasion d'entrer en relations avec les habitants de la vallée ; il y avait là une cause de dissi-pation et un danger. Pour couper court à ces abus, Guérin résolut de rassembler sous le même toit tous ses moines, et, sans se laisser effrayer par les difficultés, il entreprit ces vastes constructions, dont les ruines couvrent encore le sol au midi de l'église.

Relations avec saint Bernard.Songeant ensuite aux' moyens d'assurer après sa mort l'avenir de l'abbaye, il la fit affranchir enn

ri2o par Calixte II de l'abbaye de Molesme où le relâchement s'était introduit. Plus tard, vers 1136, il obtint son affiliation à la Congrégation, déjà célèbre alors, de Cîteaux, que présidait l'illustre Bernard de Clervaux.

Saint l3ernard, qui connaissait par la renommée la sainteté de Guérin, accueillit sa demande avec la plus grande joie, le confirma dans sa charge d'Abbé, et lui envoya quelques religieux pour rétablir une parfaite discipline et former ses moines aux pratiques de l'Ordre sous lequel ils se rangeaient. Ils échangèrent toutefois ]'habit brun qu'ils avaient porté jusqu'alors, pour, endosser l'habit blanc adopté par les Cisterciens.

Lorsque les bâtiments élevés par Guérin furent en état de recevoir les religieux dispersés, l'Abbé les réunit.. Dès ce moment, les saintes observances furent remises en honneur ; les relations avec le dehors se firent plus rares ; et les femmes, qui avaient eu jusque-là libre accès dans l'église, s'en virent fermer l'entrée.

Saint Bernard, informé de ces réformes,, adressa à Guérin la lettre suivanteAu révérend Père et vénéré Guérin, Abbé de Sainte-ivlarie-des-Alpes et aux Frères du même

monastère, le Fr. Bernard, serviteur (le votre sainteté. Du bien au mieux toujours IJe vois maintenant se vérifier cri vous, ô père, cette pilote que je me souviens d'avoir lue dans les

divines licritures: a Lorsque l'homme touche au but, il ne fait encore que commencer, a (iïccli. xxni, 6.)

Votre âge vous donnait droit au repos, et vos longs services à la récompense ; cependant tel qu'un soldat nouvellement engagé sous les drapeaux du Christ, vous entreprenez une nouvelle campagne, vous provoquez l'ennemi au combat, et montrant dans un corps chargé d'années toute la vigueur de la jeunesse, vous contraignez l'antique ennemi du salut à rentrer malgré lui en lice avec vous. En effet, il vous voib

i21227 AOUTBI.:NIIEUREUX GU1tRIN DE SION213renoncer maintenant à la coutume que vous avez vous-même suivie, aux usages traditionnels de

vos prédécesseurs, et, touché de la gràee d'en haut, renoncer aux églises et aux bénéfices que vous possédiez. Vous détruisez ces synagogues de Satan, je veux dire ces cellules particulières sises hors du couvent, dans lesquelles des religieux vivaient trois ou quatre ensemble sans ordre et sans règle ; vous interdisez aux femmes l'accès de votre église, et vous veillez avec plus de zèle que jamais à faire fleurir la piété et la régularité. pendant que vous agissez ainsi, que peut faire (Satan) le premier et le plus grand « pécheur », si ce n'est « voir et s'irriter, grincer des dents et sécher d'envie » P

L'Abbé de Clairvaux exhorte ensuite longuement les religieux à avancer, sans se lasser jamais, dans la route de la perfection, à l'exemple de Guérin, leur chef : « Mes enfants, suivez votre Père, soyez ses imitateurs, comme il l'est lui-même de Jésus-Christ. n

Cette lettre toucha vivement Guérin ainsi que tous ses Frères ; elle augmenta le zèle des uns, elle

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inspira aux autres des sentiments dignes de leur profession, et les fit tous courir à grands pas dans la voie du Seigneur. Deux ans plus tard, en ri38, quand saint Bernard visitera l'abbaye, il pourra voir que ni ses conseils ni les exemples de Guérin n'ont été perdus : la régularité et la ferveur y apparaissent comme des fleurs de paradis.

L'œuvre de Guérin paraissait doue achevée, et le bon vieillard pouvait, semble-t-il, prier le Seigneur de le laisser aller en paix. Mais Dieu avait sur lui d'autres vues et voulait l'élever sur un plus noble théâtre, afin qu'il prit faire participer un plus grand nombre d'âmes aux trésors de sagesse et de piété qu'il cachait en lui.

Le. bienheureux Guérin, évêque de Sion.L'évêque de Sion, Boson, étant mort (1138), le clergé et le peuple de cette Eglise portèrent leurs

vues sur Guérin, dont ils connaissaient les oeuvres merveilleuses. Celui-ci opposa d'abord un refus formel, objectant le poids des ans, l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de visiter des populations éparses sur les flancs des montagnes, son amour de la solitude, et par-dessus tout son incapacité et son indignité. Mais le Pape Innocent Il consulté ordonne à l'élu de ne plus s'opposer au Saint-Esprit, qui se déclarait si manifestement en cette rencontre. Alors le moine obéissant prend le chemin de Sion, où le clergé et le peuple le reçoivent avec allégresse.

On devine facilement quelle douleur dut éprouver Guérin le jour où il se sépara de son abbaye et de ses frères bien-aimés.

C'est avec de semblables sentiments que Guérin s'éloigna de sa chère vallée d'Aulps, où depuis près de quarante ans il vivait dans la compagnie de ses frères religieux. La douleur de ceux-ci n'était guère moins vive ; et pour chercher consolation dans leur peine, ils écrivirent à l'illustre Abbé de Clairvaux qui se trouvait alors en Italie.

Bernard, après avoir fait l'éloge de Guérin, leur trace, dans sa réponse, la conduite qu'ils devront tenir pour l'élection d'un nouvel Abbé,

Dieu a permis que Guérin, votre bon Père et le mien vous fût enlevé pour être placé dans un poste plus considérable ; il ne nous reste qu'à faire ce que le prophète rapporte du soleil et de la lune : « L'un s'est

/IJ/II'/%J/I/Î//À]d". a'/.LL/t/./IIJI I'JLe bienheureux Guérin regagnant son évêché est averti par un accident

qu'il doit retourner dans le monastère d'où il sort pour y mourir.

élevé et l'autre est restée à sa place, n ([tabac., III, 1i.) Le soleil, c'est ce Père dont la communauté d'Aulps recevait tant d'éclat, comme la lune reçoit le sien du soleil.

Le nouvel évêque inaugura son ministère en décidant la noble famille valaisienne d'Allinges à restituer à l'abbaye de Saint-Maurice

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214 .27 AOUTBIGNB¢UIIH,Ux GUI BTN DE SION 255les terres de Salvan et d'Auctonel]e qu'elle avait usurpées ; et il rendit à la même abbaye l'église

d'Aigle que l'empereur Henri IV lui avait jadis enlevée pour la donner aux évêques de Sion. Mais il revendiqua et se fit restituer par Amédée III, comte de Savoie, les villages de Louèche et de Maters.

Ces succès obtenus par Guérin auprès des grands de ce monde présageaient assez ceux que par son zèle infatigable il allait obtenir auprès du clergé et du peuple.

Il serait bien intéressant de suivre le prélat dans ses oeuvres et dans sa vie intime ; mais les documents sont, hélas I muets. Les vieilles annales de Cîteaux se contentent de dire qu'il fut un « pasteur très vigilant n, qu'il « ne diminua en rien ses austérités habituelles, malgré le fardeau toujours plus lourd de ses années et les travaux toujours plus considérables de sa charge n ; qu'il « mit toute son activité au service de la réforme ecclésiastique de son clergé et des moeurs corrompues du peuple, et qu'enfin ses bonnes oeuvres, son langage et ses enseignements furent constamment pour chacun une pressante invitation à suivre les sentiers qui mènent au salut éternel n.

II fut, suivant le mot de saint Bernard, un « vrai soleil n pour ses diocésains. Les ténèbres de l'ignorance, si répandues à cette époque, les erreurs, les superstitions ne tinrent point devant la simplicité et la lucidité de ses prédications ; et de son coeur embrasé s'échappaient des flammes qui, en éclairant les âmes, les purifiaient et les sanctifiaient.

Derniers jours du Bienheureux.Le pieux évêque de Sion aimait à se distraire quelques jours de ses sollicitudes épiscopales dans

une visite annuelle à son ancienne solitude des Alpes. Là, confondu parmi les moines dont il suivait le genre de vie, il se reposait (le ses fatigues et prenait de nouvelles forces pour de nouvaux combats.

Sa visite répandait la joie dans toute la vallée. Les montagnards ne pouvaient se lasser de le voir et de l'entendre ; ils lui amenaient leurs enfants et leurs malades pour qu'il les bénît. Les moines, tout heureux de' posséder quelques instants leur Père bien-aimé, s'édifiaient de ses exemples et buvaient avidement les paroles qui tombaient de ses lèvres.

Quant à lui, il éprouvait un bonheur non moins grand à seretrouver dans sa chère cellule, au milieu de ses frères, à méditer sur les vérités éternelles qu'il

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brûlait d'aller contempler dans leur source. C'est dans un de ces voyages que Dieu exauça les désirs de son fidèle serviteur, en l'appelant à lui pour le récompenser de ses travaux.

Guérin gouvernait depuis douze ans l'Eglise du Valais, et ce court espace de temps avait suffi à son zèle pour y rétablir la discipline et lui rendre, avec la piété des anciens jours, l'éclat des vertus mâles dont elle avait, pendant plusieurs siècles, offert l'exemple au monde.

Sa tâche était achevée et la mesure de ses mérites était comble ; Guérin pouvait mourir en paix.Voici comment la légende raconte ses derniers momentsAprès quelques jours de retraite, Guérin, sur le point de retourner à Sion se trouva indisposé.

Cependant son zèle s'élevant au-dessus de ses infirmités, il ne laissa pas de partir. Mais lorsqu'il fut à la montée (lu Bas-Thé, qui est environ à une demi-lieue de l'abbaye, il ne put passer outre ; Dieu, voulant qu'il finit ses jours dans son ancien couvent, permit, par une merveille extraordinaire, que la mule sur laquelle il était monté s'abattit et laissât sur le roc l'empreinte de l'un de ses genoux, pendant que les cloches de l'abbaye sonnaient d'elles-mêmes. Ce double prodige fit connaître au saint vieillard que la volonté de Dieu s'opposait à son retour dans sa ville épiscopale. Il revintt donc à l'abbaye, s'étendit sur sa courbe, reçut les sacrements et termina peu après sa course par une heureuse mort.

Cette mort arriva le 27 août de l'an rrbo, ainsi qu'en témoignont les nécrologes de Sion et celui du monastère d'Abondance. C'est donc à tort que plusieurs fixent sa mort au 6 janvier.

Guérin était alors octogénaire et il avait passé cinquante années dans sa cellule de moine.Le lendemain, les religieux d'Aulps l'ensevelirent dans leur église, au milieu d'un concours

immense ; et c'est à cette date, que, depuis des siècles, on célèbre sa fête dans les diocèses de Sion et de Genève, de Lausanne et de Besançon ; cependant la fête de saint Guérin est au 6 janvier et nu 6 février dans le martyrologe cis. terrien.

Culte et reliques du bienheureux Guérin.Le concours des fidèles au tombeau du Bienheureux devint en peu de temps considérable, et

l'abbaye dut construire, pour héberger les pèlerins, une maison qui subsis'e encore.Quelques années après la mort du bienheureux Guérin, les religieux retirèrent la dépouille

mortelle de leur Abbé vénéré, pour la placer au milieu du transept de l'église, dans un sarcophage de marbre, supporté par quatre colonnes, et ils dressèrent devant le tombeau un autel dédié au Bienheureux.

Ces précieux restes demeurèrent là six siècles, exposés 'à plus d'un danger. Un jour, entre autres, en l'année s68q, une troupe d'hérétiques vaudois qui cherchaient à se rendre de Suisse en Italie par les montagnes de la Savoie, arrivés ù Saint-Jean d'Aulps, saccage l'abbaye, détruisant les images et les autels, foulant aux pieds les reliques ou les jetant dans le feu. Ils essayent même d'ouvrir le tombeau du bienheureux Guérin à coups de marteau ; mais, dit la légende, Dieu sema l'épouvante parmi les impies. Un profanateur ayant reçu un souffict d'une main invisible, et la cloche de l'abbaye ayant d'elle-même sonné sept coups, les Vaudois, saisis d'une terreur panique, quittèrent précipitamment ces lieux.

Pendant la Révolution, deux frères, nommés Favre, cachèrent la châsse du Bienheureux dans une muraille de leur habitation ; elle y demeura jusqu'au 28 août r8o4, jour où :elle fut solennel-

2I627 AOUTlement transférée dans l'église paroissiale qui s'élevait sur la gauche de la Dranse, au village de

La Moussière. Cinquante ans plus tard, on mit le corps dans une belle châsse neuve qui fut, en x886, transportée dans l'église neuve bâtie à Plan d'Avent, sur la droite de la rivière.

En i6o6, saint François de Sales, évêque de Genève, procédant à la visite de la paroisse, voulut offrir le Saint Sacrifice sur l'autel dédié au Bienheureux ; il pria longtemps devant son tombeau, puis, adressant aux assistants un discours enflammé, il leur rappela les vertus du bienheureux Guérin et loua leur confiance à son intercession. Dans sort Traité de l'amour de Dieu, le même prélat nous parle du « glorieux saint Guérin, Abbé d'Aulps, dont la vie et les miracles ont tant rendu de bonne odeur en ce diocèse n.

Il existe de nombreuses chapelles ainsi que des oratoires élevés en l'honneur du bienheureux

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Guérin dans les diocèses d'Annecy, de Tarentaise, de Genève et de Sion. On en trouve également dans

les Vosges.La « clé de saint Guérin n.Une des particularités du culte local du bienheureux Guérin, c'est que les populations l'invoquent

non seulement pour elles-mêmes, nais encore pour leur bétail.Au jour de sa fête cri voyait, on voit encore arriver de tous côtés des chevaux, des bêtes à cornes

ou à laine, saines ou malades, amenées par leur propriétaire. Un prêtre touchait ces animaux avec une relique qu'il tenait à la main en disant : « Que la clé de saint Guérin te touche et que Dieu te guérisse n ou te bénisse a.

On appelle e clé de saint Guérin a un étui d'argent en forme de clé où sont renfermés les deux crochets ou fermoirs qui liaient l'une à l'autre les extrémités du cilice trouvé sur le Bienheureux le jour de sa mort.

Bien des fois, en temps d'épizootie, cette clé fut portée dans les montagnes du Valais et jusque dans le canton de Fribourg. Au mois d'août 16211, on vit même les populations protestantes du district d'Aigle (Vaud) députer quelques notables à l'abbaye d'Aulps pour la demander, et, dit le chroniqueur Berodi, « l'attouchement de cette clé arrêta le fléau ; à son contact, les animaux près d'expirer furent rappelés à la vie n.

Plus récemment, en x868, les habitants de la vallée d'Aulps obtinrent par l'intercession du saint évêque de Sion la cessation subite du terrible charbon qui décimait leurs troupeaux.

Chaque printemps, ils amènent leur bétail devant l'église pour le faire bénir par l'attouchement de la clé. Chaque année, au 28 août, les pèlerins continuent d'affluer nombreux ; en 1877 notamment, on en compta 3o ooo.

A. L.

Sources consultées. -.dcia Sanctorum, t. ler de janvier (Paris et Rome, e863). -. Abbé E. Vecnsnnnq Vie de saint Bernard, Abbé de Clairvaux, t. II (Paris, 19xo). - (V. S. B. P., n' 1192.)

SAINT JULIEN DE BRIOUDEOfficier et martyr (t vers 304).

Fête le 28 août.Les païens massacrèrent et immolèrent les chrétiens durant trois cents ans, comme eussent fait

des loups se ruant sur des agneaux. Mais le sang des martyrs avait été une semence féconde de nouveaux chrétiens, et, au début du ive siècle, ceux-ci remplissaient, comme le savant Tertullien le disait soixante ans plus tôt, la cour, l'armée, les villes de tout l'empire. Parmi les plus illustres martyrs des Gaules brillent saint Julien et saint Ferréol, célébrés par le grand poète, saint Venante-Fortunat, de Poitiers. Du premier seulement, il sera question surtout ici, quoique son amitié pour le second, son aîné et conseiller, les aient rendus inséparables dans le même amour de Dieu et dans l'admiration et le cuite que leur mort et leur souvenir laissèrent au coeur des hommes.

Dixième et dernière persécution générale.Le démon, jaloux des progrès croissants du christianisme, suscila une dixième et plus terrible

persécution, dont la sanglante mémoire est restée attachée aux noms de Dioclétien et Maximien, alors empereurs, et qui portèrent des édits d'une cruauté inexorable, pour détruire la religion chrétienne.

L'empire romain se couvrit d'échafauds et de bûchers pour anéantir les adorateurs du vrai Dieu et les disciples de la Vérité.

Sainte Agnès et saint Sébastien souffrirent, à Rome, pour l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Saint Vincent souffrit en Espagne, sainte Lucie en Sicile. Fn Gaule, saint Maurice et toute la légion thébéenne préférèrent se laisser égorger plutôt que de renier la foi et de poursuivre leurs frères, selon les ordres iniques des empereurs.

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21828 AOUTSAINT JULIEN DE BBIOUDE 2IqA cette glorieuse moisson de sublimes héros de Jésus-Christ allait s'ajouter, dans les premières

années du iv' siècle, la vibrante autant qua radieuse personnalité de Julien de Brioude. Revêtu du grade important de tribun militaire, il vivait alors à Vienne, l'antique capitale des Allobroges, devenue chef-lieu d'une province romaine, où il commandait à une partie des troupes cantonnées dans la Deuxième Lyonnaise. Issu d'une des premières familles de Vienne et ayant de bonne heure embrassé la carrière des armes, il était déjà un objet de respect et d'admiration tant pour ses brillantes qualités d'esprit que pour l'heureusee affabilité de son naturel et pour ses solides vertus. C'était, dirait-on aujourd'hui, un officier de qui l'avancement était certain et s'imposait. C'était, avant toutes choses, un très grand chrétien dont le souci dominant était l'espérance de donner son sang pour Dieu. Était-il un converti? Ses père et mère appartenaient-ils au, paganisme? nul ne peut l'affirmer de façon certaine. L'un de ses meilleurs biographes, l'abbé S.-M. Mosnier, penche vers cette conjecture qui n'est, à ses yeux, qu'une simple hypothèse ; mais„ ajoute-t-il,, a elle est rendue vraisemblable par ce fait que Julien, menacé par les bourreaux, craignait les pleurs et les sollicitations de ses parents, ce qui semble prouver que ceux-ci n'étaient pas chrétiens. a

Le satellite d'un persécuteur.Vers l'an 3o4, on apprit que l'empereur envoyait dans la Deuxième Lyonnaise un des plus féroces

auxiliaires de ses' sinistres desseins contre la religion chrétienne. Ce digne ministre- de Dioclétien avait nom Crispinus. Les. auteurs ne précisent pas de- quelle dignité il était honoré, mais ils laissent entendre qu'il avait dans ses mains les pouvoirs les plus étendus. Lesuns l'appellent consul, homo consularis-; d'autres, gouverneur, praeses. Ce qui demeure une certitude, c'est qu'il étaitt tout-puissant d'ans la province dont Vienne était le chef-lieu. Son autorité semble s'être même étendue au delà des limites de la Deuxième Lyonnaise, jusque dans l'Auvergne, qui dépendait de la Première Aquitaine. Aussi bien, d'aucuns ont-ils pensé qu'il était investi de la charge' de préfet ou de celle de vicaire des Gaules, dignités nouvelles que Dioclétien avait récemment instituées.

Chacun devine sans peine qu'à son approche Julien n'en continua pas moins ses attaques publiques et coutumières contre les fausses divinitéss dee l'Empire.

Son zèle bien connu- pour la religion proscrite par les édits, et la haute position qu'il occupait dans l'armée, le- signalaient aux recherches des persécuteurs. Sa famille et ses amis l'enga~ërent vivement à- se tenir éloigné de la ville, jusqu'à ce que la tempête tôt un peu- calmée. Ferréol joignit ses instances aux lors : il rappelait_ la parole de l'Evangile : s Si vous êtes persécutés dans une ville, réfugiez-vous dans une autre n, et l'exemple même de JésusChrist qui, plusieurs fois durant sa vie, avant l'heure fixée pour sa Passion, se déroba par la fuite aux poursuites de ses ennemis.

Julien, d'abord, s'indigna de tels conseils pet de talles propositions. Il regardait la fuite comme le plus lâche des gestes, comme indigne d'un soldat et d'un chrétien. Mais Dieu, dans sa prévenante miséricorde, lui révéla que la couronne du martyre serait son apanage, et que, tout en paraissant fuir, i-1 irait infailliblement au-devant du combat. D'ailleurs, il comprit qu'il aurait plus de mérite à tomber obscurément dans quelque bourgade ignorée plutôt que dans une ville où chacun 1e connaissait et où certains sentiments très humains de vaine gloire risquaient d'offusquer l'éclat de son triomphe. Il quitta donc en secret sa ville natale, traversa la Lyonnaise et se dirigea vers l'Auvergne.

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Il arriva dans la partie méridionale de cette province, près du bourg de rivas, Ilrioude, qui était alors nu ardent foyer de paganisme. Non seulement la plupart de ses habitants étaient encore idolâtres, mais on y venait de loin adorer les statues de Mars et de Mercure, dressées sur de hautes colonnes, dans un temple bâti sur les bords de l'Allier.

Julien sentit son âme accablée de tristesse à la vue de l'aveuglement de ces malheureux adeptes de l'erreur. Il résolut de s'employer de tout son pouvoir à les gagner à Dieu. La persécution ne lui en offrit ni le répit ni le temps : c'était son sang, et non ses

rouvres, qui devait régénérer cette contrée.Martyre de saint Julien.

Le nouveau gouverneur de Vienne n'avait point tardé à être informé de la disparition du jeune officier qui lui avait été signalé comme l'un plus des fervents partisans de la religion proscrite ; on lui avait dénoncé les railleries et les moqueries dont il usait, en toute occasion, contre la religion officielle, et le zèle avec quoi il adjurait et pressait ses compagnons de déserter les temples des dieux. Crispinus décida donc de faire un exemple et de frapper un coup qui devrait, pensait-il, imposer à tous le respect des édits des empereurs et jeter l'effroi parmi les chrétiens. Il dépêcha des cavaliers à sa poursuite, en leur prescrivant de tuer le fugitif en quelque lieu qu'ils le renconirâssent et de lui rapporter sa tête en témoignage de l'accomplissement de leur mission.

De faux frères trahirent-ils le secret de l'amitié pour acquérir les richesses promises aux délateurs, ou bien de fanatiques païens avaient-ils dénoncé l'arrivée parmi eux de l'officier chrétien? Nous ne pouvons le savoir aujourd'hui.

Mais, instruits de la présence de Julien à Brioude, les émissaires se présentèrent à la demeure qui lui servait d'asile, sommant la pauvre femme qui l'avait accueilli de leur livrer leur victime.

Le généreux soldat du Christ ne permit pas à son hôtesse de le cacher et de lui ravir ainsi la palme du martyre. Il sortit aussitôt et parut devant ceux qui le cherchaient.

- Voici, leur dit-il, celui que vous poursuivez. Frappez-moi de vos glaives pour me donner une mort que je désire. Accomplissez

UN SAINT POUR €BAQU. JOUR nu alois, 2' SÉRIE (A)CT) 8220 28 AOUTSAINT JULIEN DE BBIOUDE221les ordres que vous avez reçus, et satisfaites ma juste impatience de répandre mon sang pour mon

Dieu.Surpris et confondus de la générosité et du calme que montrait l'officier, les émissaires hésitaient

à le frapper.Mais Julien, uniquement et saintement désireux de la couronne du ciel, reprit avec plus de

hardiesse et de plus vives instances :- La vie de ce inonde m'est à charge, car mon âme a vivement désiré le Seigneur et soupiré après

le jour de sa venue. Me voici devant vous ; voici ma tête ; vous voyez votre victime ; un seul coup de glaive vous assurera la récompense promise à vos services et me mettra moi-même au comble de la félicité.

AA ces mots, le martyr s'agenouille et recommande à Dieu, par une fervente prière, l'heure de ce suprême combat. Il tend ensuite son cou au glaive, à l'exemple de tant de saints martyrs qui l'avaient précédé dans l'immolation. Un bourreau s'avance, et tirant son glaive, l'abat de toutes ses forces sur la victime. La tête roule sanglante sur le sol, et l'âme du martyr s'envole victorieuse vers les demeures éternelles.

Les soldats saisissent la tête inanimée et la plongent dans une fontaine, qui se rougit de sang. Cette fontaine, encore subsistante, a été la source de nombreux miracles dus à l'intercession du martyr.

Après avoir lavé leur sanglant trophée, les soldats le portèrent au proconsul Crispinus, comme un irrécusable témoin de l'exécution de ses ordres cruels.

Le corps de Julien avait été abandonné sur le sol, au lieu même de l'exécution. Deux vieillards

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païens qui gardaient leurs troupeaux sur les sommets voisins, touchés de compassion pour cette infortune, recueillirent les restes mutilés de l'officier romain mort pour le Christ et lui donnèrent une sépulture honorable.

Dieu, qui a promis de récompenser la moindre action accomplie par amour pour lui, rendit la vigueur du jeune âge aux vieillards. Frappés de ce prodige et touchés par une grâce, due sans doute aux prières de Julien, les deux bergers, nommés Ilpidius et Arcons, reconnurent le ridicule du culte des idoles, adorèrent le vrai Dieu, et, après avoir reçu le baptême des chrétiens, se consacrèrent à la garde du tombeau du saint martyr.

Prodiges advenus sur le tombeau et par l'intercession du martyr.Ce tombeau fut glorifié par le Seigneur, qui y opéra des prodiges nombreux par l'intercession de

saint Julien.Ainsi, une dame espagnole, riche et de haute naissance, dont le mari avait été conduit à Trèves

sous le poids d'une accusation capitale, se rendait dans cette ville, où résidait alors un des empereurs. Comme elle passait près du tombeau, à Brioude, elle se sentit inspirée de recommander la cause de son mari au glorieux martyr.

En arrivant à Trèves, elle trouva son mari remis en liberté et déchargé de toute accusation. Les deux heureux époux allèrent

remercier leur saint protecteur et, pour témoigner leur reconnaissance, ils firent élever un sanctuaire sur son tombeau.

Cependant, malgré les éclatants miracles qui s'opéraient journellement au milieu d'eux, les habitants de Brioude n'avaient pas

Des bergers païens donnent au corps de saint Julien une sépulture honorable.

encore ouvert les yeux à la lumière. Il fallut toute une suite de faits surnaturels pour les tirer de leur aveuglement.

Or, un jour où ces païens étaient assemblés dans le temple de Mars et de Mercure, deux jeunes gens se prirent de querelle, et l'un d'eux, que la colère égarait, tira son épée pour faire à l'adversaire un mauvais parti. Epouvanté, l'autre, recourant à la fuite, se

22228 AOUTSAINT JULIEN DE BRIOUDE 223réfugia dans l'oratoire du martyr, dont il referma la porte sur soi. Son ennemi se précipita sur ses

pas, et., ne pouvant ouvrir la porte, résolut de la briser. Il n'y eut pas plutôt touché que ses mains se crispèrent et s'y attachèrent sis fortement, qu'il lui fut totalement impossible de les retirer. Dans le même instant, ses jambes se raidirent,, son corps gémit sous le poids de torturantes douleurs.

A ce spectacle, on le devine, les païens accoururent. Les parents du jeune homme, certains qu'il importait d'attribuer au ciel un si extraordinaire châtiment, promirent au héros du Christ de riches

présents s'il rendait la santé à leur fils.- Ce ne sont point des richesses matérielles que désire Julien, répondit le prêtre qui veillait sur

l'oratoire, niais le don de vos âmes. Convertissez-vous, adorez le Christ, renoncez à vos fausses divinités qui ne peuvent vous protéger ni vous défendre, et je vous promets que cet enfant reviendra à la santé.

En dépit de ce qu'ils croyaient être leur amour de leur fils, tes parents ne se sentirent point le courage de faire une telle promesse, et, avec les autres, comme les autres, ils s'éloignèrent.

Alors, plein de tristesse devant tant d'opiniâtre folie, le prêtre entra dans l'humble sanctuaire. Durant de longues heures il y pria, il y pleura, se plaignant de ce que cette ville, destinée à servir d'asile aux précieuses reliques de Julien, demeurât encore la possession et la proie de Satan.

Le lendemain, se poursuivirent les fêtes au temple des faux dieux, tandis que le prêtre du

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Seigneur redoublait de supplications au pied de l'autel du martyr sublime.. Au troisième jour, malgré la clémence et la calme sérénité de la nature, il s'éleva, d'un coup, une effroyable tempête. Les arbres furent déracinés, les maisons ébranlées. Brioude devint la cible de l'ouragan, mais surtout son trop fameux temple, dont les murailles et les assises tremblèrent. Pris de panique, les païens coururent auprès des reliques de Julien, comprirent que cette calamité si inattendue n'était que l'équitable punition de leur endurcissement, et promirent tous, enfin, d'adorer le vrai Dieu, si la tempête épargnait leurs personnes et leurs biens. Aussitôt une grande quiétude se fit.

Edification d'une basilique.Fidèles à leur bonne résolution, les habitants de Brioude demandèrent tous le baptême et,

joignant l'exemple au précepte, ils commencèrent à démolir le temple des idoles, arrachèrent de leur socle les statues de Mars et (le Mercure, les rompirent et s'en furent en jeter les débris dans un lac situé près de la ville.

En très peu de temps, l'oratoire primitif devint trop étroit pour abriter les chrétiens qui s'y pressaient nombreux de plus en plus, Aussi bien, les fidèles de Brioude élevèrent-ils à la gloire de leur patron Une basilique qui, par l'harmonieuse ampleur de ses proportions et le rehaussement décoratif, serait un témoignage magnifique et durable de leur repentir et de leur piété désormais indéfectible.

Maints auteurs ne sont pas d'accord quand à la date de la fondation de cette basilique. Plusieurs n'hésitent pas à la reculer jusqu'au commencement du vie siècle. Et cela, parce que saint Grégoire de Tours parle de l'érection de ladite basilique, après avoir narré l'incursion des Burgondes, qui eut lieu dans les premières années du vie siècle-. Mais ils oublient que ce narrateur ne suit pas toujours l'ordre chonologique. Telle est la raison pour laquelle, comme le fait l'abbé S.-M. Mosnier, on doit la. placer au plus tard vers le milieu du v'. Grégoire de Tours en personne nous atteste,, en effet, qu'au cours de l'année 456 elle servit de tombeau à l'un des enfants les plus célèbres de l'Auvergne, l'empereur Avitus. Par une foule de traits, épars dans ses oeuvres, il est possible de décrire l'antique sanctuaire et d'évoquer l'admirable renommée de son pèlerinage.

La basilique était aussi vaste qu'élevée. Un large portiquee donnait accès dans une nef ceinte de colonnes de marbre et éclairée par de grandes baies garnies de vitrages. A l'extrémité de la nef, au milieu d'un demi-cercle formant l'abside, s'élevait le tombeau de Julien, dont la pierre, recouverte de dorures et de mosaïques, servait de table d'autel. Au-dessus, pareillement dorée, incrustéee de pierres précieuses, une grande croix était suspendue. D'innombrables flambeaux de cire y brûlaient le jour et la nuit. Découpé en roseset cri feuillages, un grillage de fer protégeait le tombeauDes étoffes de haut prix tapissaient les murs de l'abside, et, aux jours de fêtes solennelles, colonnes et murailles se dérobaient aux yeux sous leurs voiles aux rutilantes couleurs.

Le culte. - Les reliques.Déjà, il est aisé de se rendre compte de la popularité du culte que, dès sa mort glorieuse,

suscitèrent le souvenir et l'amour de Julien de Brioude. Vers l'an de grâce (i3I, saint Germain d'Auxerre, faisant un pèlerinage en ces lieux illustres, s'enquit auprès des fidèles du jour et de l'année où leur saint patron avait cueilli la palme des martyrs. Devant leur ignorance, il demanda à Dieu de l'éclairer. Après avoir fait oraison, Germain se leva et dit que c'était le cinq d'avant les calendes de septembre, c'est-à-dire le 28 août,, que Julien avait versé son sang pour le Christ, et qu'il fallait donc célébrer sa fête ce jour-là. Aussi bien, les diocèses de Clermont, du Puy, le Saint-Flour, de Tulle, de Limoges, de Lyon et plusieurs autres ont-ils fixé la solennité au 28 août.

Avant la Révolution, l'admirable martyr était honoré dans presque tous les diocèses de France. Dès le vie siècle, n'avait-on point bâti en son honneur une église dans le diocèse de Limoges, deux dans celui de Tours, une à Reims, une en Saintonge, une à Paris? Du moins a-t-on cru longtemps que la dernière qui subsiste encore aujourd'hui sous le nom de Saint-Julien-le-Pauvre fut édifiée en l'honneur du martyr de Brioude alors que, selon d'autres, elle le fut en l'honneur de saint Julien l'Hospitalier. Enfin, plus de trente chefs-lieux de communes portent le nom du héros immortel.

224 28 AouTIl n'est pas exagéré d'affirmer que ce nom évoque toute l'histoire de France, les bons et les

mauvais jours. Le commencement du vie siècle voit s'abattre sur le sanctuaire les calamités de

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l'invasion des Burgondes (505) et des soldats austrasiens conduits, en 523, par Thierry IPe. Puis, l'orage passé, les pèlerinages se succèdent sans interruptionn jusqu'au vine siècle, époque où, vers 730, les Sarrasins dévastent l'Auvergne ; non contents de piller, comme leurs devanciers les Burgondes, les trésors de l'église de Brioude, ils s'attaquent aux murs mêmes de la basilique dont, alors, il ne reste pas pierre sur pierre, et qui no sera reconstruite que plus tard, grâce aux libéralités de Bérenger, nommé comte de Brioude par Louis le Débonnaire.

Dans les premières années du ixe siècle, Guillaume, duc d'Aquitaine, l'un des plus vaillants lieutenants de Charlemagne, venu par dévotion à Brioude, y rend le dernier soupir. A la fin du même siècle, en 8g3, s'en revenant de Compostelle, le Pape Formose fait un détour et s'impose un surcroît de fatigues pour vénérer les reliques de saint Julien. Cent ans plus tard, c'est en personne que le Pape Calixte Il vient accorder au Chapitre de nombreux et très importants privilèges. En 1138, cri note à Brioude la présence du nouveau roi Louis VII ; en 1254, celle de saint Louis, de retour de sa première Croisade ; en 1394, celle de Charles VI, venu en grande pompe, pour remercier le saint martyr d'un miracle dont il avait été favorisé pendant son enfance.

Les reliques de saint Julien, nous le savons, avaient été, an vie siècle, conservées sous l'autel de la basilique. Mais, à cette époque, sa dépouille mortelle n'était plus en entier. Sa tête, transportée à Vienne par les bourreaux, était demeurée dans le tombeau de saint Ferréol, où elle avait été visitée et reconnue, dans Ia deuxième moitié du ve siècle, par l'évêque saint Mamert. Sur la requête des fidèles de Brioude, l'Eglise de Vienne se dessaisit en leur faveur d'une partie du chef de saint Julien et d'un bras de saint Ferréol. Une fête fut instituée en l'honneur de cette translation, qui, selon le bréviaire de Brioude, eut lieu au début du vine siècle.

En 1122, l'abbaye de Moissac s'enrichit d'une partie de la tête du martyr dont l'église de Brioude jamais ne consentit à se séparer complètement. Au xviie siècle, le corps de Julien, à l'exception de la tête et de quelques ossements, était conservé dans une châsse en bois doré, placé au-dessus du maître-autel de la basilique. Lorsque survint la Révolution, cette châsse fut transportée, pendant la nuit, chez les religieuses de l'hospice de Brioude.

En 186o, M. Redon, curé de cette ville, obtint que la plus grande partie de ces reliques fussent rendues à l'antique église collégiale, devenue l'église paroissiale de Brioude.

DOMINIQUE ROLAND-GOSSHLIN.Sources consultées. - Acta Sanctorum, t. VI d'août (Paris et Rome, 1868). - Abbé S..M. Mosaisa,

Les Saints d'Auvergne, t. Il (Paris). - Mgr Psm. Guénns, Les Petits Bollandistes, t. X (Paris, 1897). - (V. S. B. P., n' 55,.)

SAINT MERRI ou MEDÉRIC Prêtre et abbé (} 700).Fête le 29 août.LE désir d'une perfection toujours plus haute incita souvent les Saints à s'éloigner de leur lieu

d'origine pour trouver ailleurs les satisfactions spirituelles auxquelles ils aspiraient. C'est grâce à ces pieuses émigrations que plusieurs contrées, mêmes éloignées les unes des autres, se rencontrent pour glorifier les mêmes personnages célestes qui les ont fait bénéficier du spectacle de leurs vertus et rivaliser dans le culte d'honneur et de vénération que l'Eglise a le secret de perpétuer dans le cours des siècles. Tel fut le sort de saint Mlerci, appelé encore Médéric, dont Paris et Autun célèbrent à l'envi la mémoire glorieuse.

Premières années de saint Merri.Merri (en latin Medericus) vit, en effet, le jour à Autun vers le milieu du vite siècle. Il naissait à

une époque assez troublée, où les Francs avaient conservé, malgré leur baptême, quelque chose de leur rudesse originaire et de ce caractère barbare qui ne devait disparaître que sous l'influence prolongée de l'Eglise et de ses évêques.

Bien que chrétiens, ses parents, qui étaient de noble race et des plus riches seigneurs de la Bourgogne, ne virent pas sans tristesse leur fils se détourner des biens terrestres et manifester, dès l'âge le plus tendre, la plus complète indifférence pour le brillant avenir qui lui était préparé. En effet, vers l'âge de 13 ans, l'enfant parla de se consacrer à Dieu dans le monastère voisin de Saint-

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Martin, construit par la reine Brunehaut.Cette princesse, en effet, malgré ses crimes enregistrés par l'his-

/' Iil 1 ijil%I(Î \`~1`~J~Kx1uI\I\I~~ ,226 29 AOUTSAINT MERRI aa7Loire, se fit gloire de fonder des instituts religieux et des églises, et c'est elle qui fonda, avec le

concours de l'évêque Syagrius, 'le monastère de Saint-Martin sur l'emplacement de l'église que le saint évêque de Tours avait élevée en l'honneur des saints apôtres Pierre et Paul, à l'endroit ouù il avait détruit un des derniers temples

d'idoles.Les parents de Merci, après s'être opposés tout d'abord aux desseins de l'enfant, et voyant que

celui-ci persistait dans la voie à laquelle il se croyait appelé, craignirent d'aller à l'encontre de la volonté de Dieu ; ils consentirent donc à favoriser sa vocation et poussèrent le désir scrupuleux d'obéir à cette volonté divine jusqu'à le conduire eux-mêmes à l'abbaye de Saint-Martin et de le pré-senter à l'autel du Seigneur qui allait devenir son unique partage. Il est à remarquer que l'Eglise autorisait alors l'admission dans les monastères de ces a oblats », pour l'entrée desquels elle se

montra plus sévère dans la suite.

Initiation de saint Merri à la vie religieuse.Lorsque Merri entra à l'abbaye de Saint-Martin, il y trouva, obéissant à la règle de saint Benoît,

cinquante-quatre religieux dont la ferveur ne put qu'encourager ses propres efforts de perfection. Il ne fut pas longtemps sans égaler et, bientôt après, sans dépasser sur ce chemin ses frères en religion. Chez lui aucune ostentation dans l'exercice des vertus monacales, mais un souci constant de suivre de plus près le divin modèle dont il était venu chercher les exemples dans la solitude du cloître.

Malgré son humilité et le soin qu'il prenait de demeurer dans l'ombre, toutes ses mortifications ne pouvaient échapper aux regards : par exemple les jeûnes rigoureux auxquels il s'astreignait en ne se nourrissant deux fois par semaine que d'un peu de pain d'orge trempé dans l'eau ; d'autre part, un

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dur cilice porté sous ses habits matait sa chair innocente ; sa charité, sa patience, tout l'ensemble des vertus chrétiennes et religieuses faisait l'objet de ses ardentes recherches.

Abbé de 'Saint-Martin.Elevé à la dignité sacerdotale, Merri allait assumer une charge que son humilité lui fit tout

d'abord refuser énergiquement, mais que l'obéissance et la menace des peines canoniques l'obligèrent d'accepter.

Les moines de Saint-Martin ayant perdu leur Abbé, les suffrages de tous les religieux se portèrent sur Merri, et l'évêque d'Autun s'unit à eux, usant même de son autorité pour lui imposer un fardeau que son humilité lui faisait juger au-dessus de ses forces. Placé en face de toutes ces volontés auxquelles il eût voulu résister, le pauvre religieux dut reconnaître que cette unanimité dans le choix qui était fait de lui manifestait, à n'en point douter, la volonté de Dieu. Il se soumit donc, et les heureux fruits de son

ministère abbatial prouvèrent surabondamment qu'il' avait été l'élu de Dieu, avant même que les hommes se fussent prononcés en son nom.

C'est, `en effet, une chose digne de remarque et que l'on rencontre souvent dans la vie des Saints : le plus humble d'entre eux, celui qui se considère comme le dernier de tous, une fois placé à la tête de ses frères, se trouve tout à coup à la haulcur (le sa mission et étonne le monde par les qualités maîtresses de son commandement.

Le nouvel Abbé de Saint-Martin est un des exemples de cette conduite providentielle. Il se faisait un devoir de joindre la fermeté, à la douceur, sachant discerner ce qui n'était que faiblesse humaine de la malice qui se glisse parfois dans les communautés les plus ferventes. A la faiblesse il prêtait son appui, à la malice il opposait une ferme sévérité que le repentir seul parvenait à fléchir.

Il n'est donc pas étonnant de voir que sous un maître ayant: à ce point le sens de la mesure, les religieux se pressaient autour de lui pour profiter du charme de sa conversation, réclamer ses avis et s'édifier de ses exemples.

Ses victoires sur les démons.Le démon qui, par la permission de Dieu, trouva le moyen de pénétrer au paradis terrestre pour

tenter Adam et Eve innocents jouit du même pouvoir lorsque Dieu lui permet de tenter les Saints. Un des moines de l'abbaye de Saint-Martin éprouvait de violents assauts que livrait: à sa chasteté l'esprit impur. Il s'ouvrit de sa terrible épreuve au saint Abbé. Celui-ci, se dépouillant de son habit,, en couvrit aussitôt le religieux. Mais alors, le démon qui le possédait se mit à crier et Pourquoi; Merri, me chasses-tu du refuge que j'occupe depuis si longtemps P - Tais-toi, lui: répliqua le ser-viteur de Dieu, et sors de cet homme. » Le démon, vaincu, s'enfuit et ne revint plus.

Une tentation de nature différente fut également surmontée par la même intercession. Un de ses religieux était si complètement soirs la puissance de l'esprit des ténèbres; qu'assistant chaque jour à la messe il quittait régulièrement l'église au moment de la Consécration, Malgré les avis et remontrances du supérieur, le moine ne parvenait pas à se corriger, Merri recourut alors à la prière, puis, obéissant à une inspiration céleste, il bénit un pain qu'il donna au possédé. Le malade fut aussitôt guéri et il se fit désormais remarquer par une assiduité exemplaire à la messe quotidienne.

La celle de Saint-Merri.Tant de faveurs spirituelles obtenues par l'intercession da saint personnage; auxquelles s'ajouta

bientôt le don des miracles, entourèrent l'Abbé de Saint-Martin d'une auréole si éclatante qu'il lui devint impossible de garder plus longtemps la tranquillité que réclame la vie monastique.

228 2.9 AOUTSAINT MERRI22pUsant du droit qu'avaient alors les religieux de changer de maison, quand il leur semblait

nécessaire ou utile de le faire, Merri jeta les yeux sur une forêt située à deux milles d'Autun, où il espérait trouver le calme et le silence dont il était privé depuis quelques années et dont son âme restait saintement avide.

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Il n'y a pas à douter, toutefois, que cette existence si différente de celle qu'il avait rêvée n'eût été voulue de Dieu, puisque Dieu lui-même en consacrait la légitimité en multipliant les miracles sous les pas de son fidèle serviteur. En effet, les visiteurs accouraient de tous côtés à l'abbaye de Saint-Martin pour obtenir les uns la guérison de leurs maladies ou de leurs infirmités corporelles, les autres le soulagement dans leurs misères morales ou spirituelles, et tous s'en retournaient comblés des bienfaits que le pieux Abbé ne cessait de répandre autour de lui.

Mais n'y avait-il pas là un danger pour sa vie religieuse et n'était-il pas à craindre que l'orgueil ne finît par pénétrer dans une existence où les œuvres extérieures tenaient une si large place P Merri crut qu'il était de son devoir d'éviter cet écueil, et c'est là ce qui le détermina à quitter l'abbaye et à renoncer à sa charge pour suivre son attrait et aller s'ensevelir dans cette solitude qu'il allait sanctifier et où s'éleva plus tard un oratoire dans le lieu qui devait s'appeler La Cellee ou cellule de Saint-Merri.

Menace d'excommunication.Saint Merri reprend sa charge abbatiale.

Mais ce qui donnait satisfaction à l'humilité de l'Abbé et à son désir de vie cachée privait ses moines d'une direction nécessaire et livrait à l'abandon une communauté tout entière.

Désolés du départ de leur Père, les religieux se livrèrent aux recherches les plus actives pour découvrir le lieu de sa retraite. Ils furent assez heureux pour réussir, mais c'est en vain qu'ils le sollicitèrent de revenir parmi eux. Il fallut que l'évêque d'Autun intervînt personnellement et menaçât d'excommunication le fugitif pour le décider à reprendre ses fonctions.

Dieu se plut d'ailleurs à bénir son obéissance non seulement en lui conservant ce don des miracles qui avait attiré tant de foules autour de lui, mais en augmentant cette puissance surnaturelle qui le faisait comparer par son historien aux saints apôtres Pierre et Paul, dont tous les pas étaient pour ainsi dire marqués par des prodiges.

Ce retour à l'abbae ne fut pour lui que de courte durée. Assailli par des sollicitations' de plus en plus importunes, il dut se résoudre à la fuite afin d'y échapper et de terminer ses jours dans une paix qu'il espérait avoir enfin conquise.

Nouveau genre de vie. - Saint Merri part en pèlerinage.L'Abbé avait pour disciple de prédilection saint Frou ou Frodulphe. Merri l'avait reçu aux fonts

du baptême et, après avoir réussi à lui.L'évêque d'Autun oblige saint 7Herri sous menace d'excommunication

de quitter sa solitude.faire partager sa vie monacale, le faisait bénéficier de sa direction spirituelle.Ce fut sur les conseils de celui-ci, à qui son maître avait communiqué son dessein de s'écarter

définitivement du monde, que Merci résolut de se rendre à Paris pour vénérer le tombeau de saint Germain, son illustre compatriote. Saint Germain, évêque de Paris, avait été, en effet, Abbé de Saint-Symphorien à Autun, et de plus la tradition le disait élevé à Avallon, qui dépendait alors du diocèse d'Autun.

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230-9 AOOUTSAINT MERRI231Comment s'accomplit ce départ P Merri se donna-t-il un succes seur dans la personne d'un de ses

frères, ou bien laissa-t-il à la Providence, dont il pensait accomplir les desseins, le soin de régler cette question P Son historien est resté muet sur ce point. Merri quitta l'abbaye, accompagné de quelques moines, parmi lesquels Frou, qui ne voulut point se séparer de son père en Dieu.

Les pieux pèlerins ne devaient pas de si tôt atteindre le but de leur voyage, car, comme ils arrivaient à une demi-lieue environ du monastère de Champeaux, fondé par sainte Face et situé non loin de Melun, l'Abbé tomba gravement malade ; force fut de s'arrêter et d'attendre qu'il plût à Dieu de lui rendre un peu de 'force pour continuer sa route. L'endroit où les voyageurs suspendirent leur marche s'est appelé Saint-Aléry ; autrefois, la collégiale de Champeaux était le seigneur de ce lieu et y exerçait la justice ; Saint-Méry fut érigé en paroisse en 1157.

Ce temps d'arrêt ne fut d'ailleurs point perdu. Les Saints trouvent toujours le moyen de répandre autour d'eux sans le chercher le parfum de leurs vertus et de servir les desseins de la Providence dont ils sont, partout et toujours, les dociles instruments.

La fièvre qui minait son corps laissait intactes les facultés de son âme et fortifiait en lui ses vertus, entre autres la patience et un complet abandon à la volonté divine, source d'édification pour tous ceux qui l'approchaient.

Lorsque ses accès de fièvre furent un peu calmés ill reprit le chemin de Paris et il arriva à Melun où Dieu lui ménagea l'occasion de satisfaire sa piété, d'exercer son zèle et de réparer une flagrante injustice.

I1 y avait à Melun une chapelle dédiée à l'apôtre saint Pierre Merri en fit un but de pèlerinage, en même temps qu'il intervenait auprès du gouverneur de la ville pour obtenir l'élargissement de pauvres gens condamnés injustement à la prison. Devant le refus du gouverneur, le serviteur de Dieu s'adressa au divin Maître, et les chaînes des prisonniers tombèrent et les portes de la prison s'ouvrirent devant eux.

Une autre intervention fut plus heureuse : c'est celle qui se produisi.t en faveur d'un brigand, coupable d'avoir rompu un petit sur la Seine et emprisonné pour ce méfait. Sur la demande de

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Merri, le brigand fut relâché, sauvé à la fois dans son âme et dans son corps par la charité du saint religieux. Cet acte de charité, Merri l'accomplit à Charenton, en se rendant à Paris où il espérait pouvoir enfin arriver.

Pour assurer sa marche, il avait fait dresser un petit chariot à l'aide duquel il voyageait à petites journées. Sa renommée l'avait depuis longtemps devancé parmi les populations qu'il rencontrait. L'éclat de ses miracles lui avait créé une notoriété dont le bon aloi se manifestait par des dons de toutes sortes qu'il acceptait d'ailleurs, afin de les répandre ensuit, sur les misères physiques et morales qu'il était heureux de soulager.

Au nombre des miracles que Dieu accomplissait par son fidèle serviteur, il faut compter ses victoires sur les démons qui trouvaient en lui un adversaire redouté. Confiant dans l'autorité que Dieu lui avait donnée sur les âmes, il sollicitait volontiers une ouverture de conscience qui lui permît de porter le secours et le remède nécessaires. C'est ainsi qu'avec une seule parole il chasse du corps d'une possédée le démon impur qui la tourmentait. Parfois la méchanceté s'attaquait à lui et cherchait à lui nuire. De mauvais plaisants ne s'avisèrent-ils pas un jour de faire attacher ensemble à son modeste chariot une vache et un taureau furieux P Merri ne protesta pas, et subitement le taureau devint doux comme un mouton. Ce lut dans ce singulier équipage que le pieux pèlerin arriva aux portes de Paris. Il s'arrêta dans un petit bois où s'élevait un oratoire dédié à saint Pierre, auprès duquel il fixa son séjour, le prince des apôtres ayant toujours été de sa part L'objet d'une spéciale dévotion.

Saint Merri à Paris.Cette fois, l'ancien Abbé de Saint-Martin était arrivé au terme de sa course terrestre, et il allait

pouvoir donner satisfaction à son désir de solitude qu'il considérait comme sa vraie vocation. Sa piété lui avait suggéré de venir à Paris pour vénérer les reliques de saint Germain et aussi celles de sainte Geneviève : il put tout à loisir se livrer aux saints exercices de cette dévotion que l'Eglise a toujours encouragée et qui se rattache de la manière la plus étroite au dogme de la résurrection de la chair, dont elle fait profession dans son Credo traditionnel.

Il revint ensuite demeurer, comme nous l'avons dit, à l'ombre de l'oratoire de Saint-Pierre. Parmi ses disciples, Frou demeura l'un des plus fidèles ; ce Saint est encore aujourd'hui honoré d'un culte local en l'église Saint-Merry (ou Merri), à Paris.

C'est au milieu de ses frères que Merri passa les dernières années de sa vie, en proie à des maladies qui achevèrent d'éprouver sa vertu et d'augmenter le trésor de ses mérites. Une fièvre persistante fit de lui pendant. trois ans une victime expiatrice. Grâce à la prière et à une héroïque patience il triompha des faiblesses de la nature. Sujet d'édification pour tous ceux qui l'approchaient, il récompensait par ses souffrances saintement supportées l'hospitalité qui lui avait été donnée et il préparait ainsi les honneurs que Paris devait lui rendre dans le cours des siècles.

Mort de saint Merri.Cependant, les forces du saint Abbé décroissaient de jour en jour. Paris le possédait depuis deux

ans et neuf mois quand il reçut du ciel la révélation de sa mort prochaine. Merri refusa de demander à Dieu sa guérison, car il lui semblait entendre une voix céleste résonner au fond de son coeur et lui dire : a Venez, mon bien-aimé, posséder le royaume que je vous ai préparé... »

232 29 AOUTLorsque le jour suprême fut arrivé, ill rassembla ses disciples et leur prédit l'heure de sa mort.C'est en leur présence que son âme, après un dernier acte d'amour et d'adoration, s'envola au ciel.

On était au 29 août de l'an 700.Culte et reliques de saint Merri.L'oratoire de Saint-Pierre, auprès duquel (Merri vécut ses dernières années, est devenu l'église

paroissiale actuelle de Saint-Merri de Paris, autrefois collégiale en même temps que paroissiale. Les reliques du Saint y furent déposées, aussitôt après sa mort, par ses disciples et conservées avec un soin religieux jusqu'à la Révolution de 7;93, où elles furent profanées dans l'église même qui les avait conservées depuis près de onze siècles.

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Durant ce long intervalle, plusieurs parties du saint corps en avaient été détachées et distribuées en différents lieux. Mais le siège de la dévotion à saint Merri était resté dans l'église où il avait reçu la sépulture.

Bien plus, en vertu d'un mouvement religieux que l'on remarque bien souvent dans l'histoire de l'Eglise au sujet du culte des Saints, le vocable primitif de Saint-Pierre finit par disparaître ou par être éclipsé pour ne plus être connu que sous celui de Saint-Merri. C'est au txe siècle que se fit officiellement cette substitution. Le prêtre Théodebert, chargé de cette église, résolut d'y relever le culte de saint Merri. Avec le concours de l'évêque de Paris,, le célèbre Gozlin, l'oratoire fut restauré, les reliques y furent placées avec honneur au milieu d'un immense concours de peuple, au cours d'une céré. monie que l'évêque eut le regret de ne pouvoir présider. Le Cha. pitre de la cathédrale et le clergé de la ville se firent un devoir de se rendre à l'église.

Le docte et célèbre Mabillon nous parle au xvii' siècle des restes du saint moine. A cette époque, une châsse splendide, couverte de lames d'argent et de vermeil, renfermait une grande partie des reliques de saint Merri ; les os maxillaires étaient déposés dans un écrin précieux.

La Collégiale de Linas, près de Montlhéry, au diocèse actuel de Versailles, possédait aussi une partie des restes sacrés de l'Abbé ; enfin l'église de Champeaux, où le Saint s'était longtemps arrêté, vénérait une partie du crâne, deux côtes et un os considérable.

Lorsque les révolutionnaires de g3 jetèrent au feu les reliques de saint Merri, comme ils l'avaient fait. pour celles de sainte Geneviève, de saint Frou et de saint Léger, quelques ossements purent être sauvés et ils sont conservés dans l'église Saint-Merri qui, rebâtie au xvie siècle, est devenue l'une des églises paroissiales les plus importantes de la grande cité.

Chanoine L.-F. LAno,sE.Soarcesconsultées.-MgrPAULCuénen,LesPetilsB0uandisles(Paris,1S97).-Gooes- '. CAno, Vie

des Seuils et des Pères du désert. - (MAURICE Pwnnnn-l'Esuar h isfoire générale illustrée des départements, Seine-et-Marne (Orléans, 1911). -, (V. S. B. P., n' sas.)

SAINT GAUDENSMartyr en Comminges au Ve siècle.Fëte le 30 août.L A gracieuse cité de Saint-Gaudens, sise en face des Pyrénées, sur un plateau dominant la vallée

de la Garonne, n'était à l'origine qu'une modeste bourgade habitée par des bergers descendants des Onobrisates dont parle Pline l'Ancien. L'apôtre du Midi, saint Saturnin, évêque de Toulouse et plus tard martyr, vint prêcher le Christ à ce peuple simple et un peu rude. Des conversions s'opérèrent et la tradition garda le souvenir d'un chétif oratoire dédié au Prince dos apôtres par le missionnaire sur le plateau ; de là serait venue, paraît-il, la dénomination de MasSaint-Pierre, donnée à la petite cité antérieurement à la dénomination actuelle.

Persécution arienne dans le Comminges.Depuis l'apostolat de saint Saturnin jusqu'à l'époque des invasions barbares, l'histoire reste

silencieuse. Néanmoins, à en juger par les rigueurs qu'exercèrent les Visigoths ariens, on ne peut douter que le christinianisme n'eût fait de rapides progrès dans ce pays.

Les premiers rois visigoths de Toulouse, pressés d'établir solidement leur puissance, ne recoururent pas à la persécution pour propager l'arianisme, dont les progrès étaient, du reste, paralysés par la sollicitude pastorale des évêques catholiques. Lorsque, en 466, Eurie ou Evaric, frère et meurtrier de Théodoric, prit possession du trône, la situation des catholiques changea brusquement. Les vainqueurs les avaient oubliés ou tolérés jusque-là ; Euric, prince organisateur - on l'a appelé « le Clovis des Visigoths » - mais cruel, se fit un devoir de les poursuivre, au point que saint Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont et écrivain célèbre (t 48g),

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-e23430 AOUTSAINT GAUPENSP,35l'appelle e le chef d'une secte plutôt que celui d'un grand peuple n.Après avoir chassé de ses Etats les derniers Romains, Euric- sévit avec une extrême rigueur

contre les catholiques, sans distinction d'âge, de sexe ou de condition. Les écrivains de cette époque nouss ont transmis le lamentable récit des malheurs qui fondirent sur les populations du Comminges, du Béarn et de la Novempopulanie églises renversées, évêques chassés ou mis à mort, prêtres et moines emprisonnés ou massacrés, culte aboli, etc. Sidoine Apollinaire pouvait écrire :

Personne n'a plus soin (le ces diocèses ni de leurs paroisses ; leurs églises sont dans un si déplorable état que les toits sont tombés à terre et que, n'ayant plus de portes, les haies, les ronces et les épines y sont nées d'elles-mêmes et en ferment l'entrée. Des troupeaux non seulement font une étable de leurss vestibules, mais pénètrent jusqu'au sanctuaire et vont brouter l'herbe qui croit autour des autels.

Le roi Euric envoie un de ses officiers au Mas-Saint-Pierre.Pour cette couvre de sang et de ruines, Euric avait délégué en Comminges un de ses officiers que

l'on voit appelé Malet ; c'était un homme brutal et sanguinaire. Les prêtres et les fidèles furent proscrits ou mis à mort ; Sidoine Apollinaire affirme même, sans nommer son nom, que l'évêque de Lugdunurn Convenarum ou saint Bertrand de Comminges fut martyrisé.

àtalet vint s'établir au Mas-Saint-Pierre avec une troupe de gens de guerre transformés pour l'heure en bourreaux. Les habitants de la petite cité et de la contrée se souvinrent de Saturnin, l'évêque martyr, leur père dans la foi. A son exemple, beaucoup d'entre eux préférèrent la mort à la prévarication. Les anges du ciel ont seuls recueilli les noms de ces héros, mais si leur mémoire a été oubliée, la certitude de leurs combats et de leurs victoires demeure, tandis que leur gloire semble s'être concentrée autour d'un seul nom,- celui d'un enfant, le pâtre Gaudens. Encore les documents précis font-ils trop souvent défaut à son sujet. Il nous faut suppléer en citant des traditions locales et en reconstituant en quelque sorte le cadre dans lequel vécut ce saint enfant.

Enfance de saint Gaudens.Sur le bord septentrional du plateau où se dressaient less humbles.s murs du Mas-Saint-Pierre

existait, au temps du prince visigoth Euric, un petit groupe d'habitations, le hameau des Nérous. De là, une landee mal famée au moyen âge étendait au loin sonn monotone tapiss d'ajoncs et de bruyères. Elle avait donné son nom au hameau ; on l'appelait u la lande des Noirs n ou a la lande du Boue n, c'est-à-dire du démon.

Une chaumièree de ce hameau abritait, en ce temps lointain, une pauvre veuve et son fils, Quiterie et Gaudens. La paysanne, comme la femme forte de l'Ecriture, avait généreusement accepté les lourdes épreuves de la pauvreté ett d'un veuvage prématuré. Adorant

la croix de son. Dieu, elle consacrait à son enfant ses sollicitudes, son affection, son labeur. Mère profondément chrétienne, Quiterie ambitionnaa uniquement pour son filss les gloires et' les joies de la sainteté.. A son école,. Gaudens s'attachaa indissolublement au Christ.

Dès que Gaudens putt marcher,. Quiterie le conduisit à l'église da Mas- et, peu après,, l'accompagnaa pour la première fois à la Table sainte-. La. mort de Gaudens prouvera éloquemment tout à .'heure quelle force et quelle générosité cet enfant avait puisées éans cette union intime avec le divin. Maître. Nourris du pain- des farts,. selon l'usage de l'ancienne Eglise, à l'âge où le mal n'avait pas encore défloré leur innocence,, less chrétiens de ce temps croissalent dans la plénitude de la foi et des vertus chrétiennes, aptes à .ous les sacrifices, capables d'affronter sans faiblir les orages des passions et les persécutions les plus terribles.

En contemplation dans la, lande.

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Les siècles ont emporté laa vieille église où communièrent la mère et L'enfant ; de leur pauvre chaumière il ne reste pas trace ; la lande elle-même s'est transformée ; les révolutions ont anéanti les vieux parchemins où se lisaient à, travers les naïves enluminures les actes et les paroles du jeune martyr ; mais le souvenir de son combat ett de sa glorieuse victoiree survit à. toutes les ruines, et notre foi supplée pour le reste aux lacunes de l'histoire.

Elle nous fait entrevoir la mère et l'enfant,, serrés l'un près de l'autre au bord dee cette lande où s'éparpillait tous les matins leur petit troupeau. Devant laa merveilleusee chaîne des Pyrénées, pro-filant sur l'azur leurs sommets blancs de neige, Quiterie et. Gaudens s'élevaient sans effort aux entretiens sublimes. Les vérités et les vertus (le l'Evangile coulaient doucement de l'âmee de la mère dans l'âme du. fils. Les yeux fixés sur l'immensité bleue du ciel, ces deux déshérités de la terre parlaient du. paradis, où Dieu réserve à ses élus un. bonheur sans mélange, d'où les angoisses,, les deuils, les larmes,, les gémissements sont bannis, et pour atteindre auu seuil de cette gloire, aucun sacrifice,, aucune épreuve,. ne paraissait insurmontable au fils de. Quiterie.

La venue de Malet au Mas-Saint-Pierre confirma les bruits sinistres répandus dans toute la contrée. Les agents de ce persécuteur se: livrèrent aussitôt aux plus odieuses brutalités sur les Onobrisates„ fidèles à la foi de leur baptême. Parmi les catholiquess fervents, Quiterie et Gaudens se signalaient particulièrement à leur haine. Gaudenss gardait, comme de coutume,, ses brebis sur la bordure du plateau, quand il fut aperçu par les soldats de Malet. Ils se ruèrent sur lui: l'adjurant de nier la divinité du Christ. ;. sur son refus formel, ils le traînèrent enchaîné devant leur chef. L'enfant confessa hardiment sa foi, se déclarant prêt à lut sacrifier sa vie.

Une mère admirable.Etonné de trouver pareille énergie chez un enfant, Malet résolutt d'en avoir promptement raison..

Il imagina de faire intervenir23630 AOUTSAINT GAUDENS237Quiterie, espérant bien que, pour sauver son fils unique, la mère le pousserait à l'apostasie.Lorsque Gaudens, escorté sans doute de quelques soldats, revint vers la chaumière, Quiterie

comprit tout ; l'enfant n'eut pas besoin de raconter l'affreuse aventure. Sa mère s'élança, et, serrant une dernière fois sur son cceur ce fils bien-aimé, elle lui montra le ciel. Baignant de larmes le front du petit Gaudens, cette admirable femme lui redit l'héroïque langage de la mère des Macchabées. u Mon fils, ayez pitié de moi qui vous ai porté dans mon sein, qui vous ai allaité et élevé jusqu'à l'âge où vous êtes. Regarda le ciel et la terre, mon fils ; Dieu les a créés de rien et la v~e des hommes est son ouvrage ; ne craignez pas ces bourreaux crues, afin que nous nous retrouvions dans l'éternelle gloire. a

Martyre de saint Gaudens.- Qu'attendez-vous de moi P s'écria l'enfant aux nouvelles sollicitations de son impitoyable juge ;

mieux vaut obéir à Dieu qu'aux hommes. J'abandonnerai volontiers la vie pour rendre témoignage à la foi de mes pères, conjurant le Seigneur de vous pardonner vos crimes et le suppliant de vous amener à confesser aussi sa divinité.

Transporté de fureur, le lieutenant d'Euric ordonna de trancher la tête du martyr.Quiterie avait sans nul doute suivi tous les détails de ce dernier interrogatoire, son coeur de mère

avait déjà grandement souffert. Elle avait assisté au combat, elle voulut être témoin de la victoire. Des soldats amènent le petit pâtre non loin du lieu où ils l'avaient saisi ; les brebis et les agneaux paissaient encore paisiblement à la même place. La main dans la main de sa courageuse mère, Gaudens marchait à la mort. Parvenus à l'endroit où l'enfant devait souffrir pour le Christ, Quiterie donna à son fils le baiser d'adieu.

- Mon fils, mon fils bien-aimé, dut-elle s'écrier alors, souvenezvous du Christ béni ! Courage, nous ne devons pas craindre la mort, lorsqu'elle conduitt à la vie. Levez votre cceur en haut, regardez celui qui règne dans les cieux ! Non, votre vie n'est pas perdue, vous l'échangez contre une vie meilleure. Mon fils, souvenez-vous de votre mère, quand vous reposerez sur le sein de Dieu qui

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nous réunira bientôt dans son amour IPour toute réponse, Gaudens jeta un regard à Quiterie, et, le nom de Jésus sur les lèvres, il

s'agenouilla et tendit la tête au bourreau. Celui-ci l'abattit d'un seul coup sur le gazon, qui s'em-pourpra de sang. L'Agneau divin venait de recueillir dans la gloire éternelle l'âme candide du petit pâtre des Nérous.

Episodes miraculeux qui suivent la mort de saint Gaudens.Reprenant un fait consigné dans les actes de plusieurs autres martyrs, la légende rapporte que

Gaudens, décapité, se releva, prit sa tête et, sous les yeux des bourreaux épouvantés, prit la dires lion du Mas-Saint-Pierre. Vers la moitié de sa route, l'enfant S'arrêta

J\J \J,\J'%J\L\ANA"gÀ7J-t'ï\AINI:dLti'Y L61 ' iN~9 J\I\'\J\J•I~J\I\/\I\J1/\J~ kJ\Quiterie conduit en l'encourageant son fils Gaudens au lieu de son martyre. 1un instant et déposa sa tête sur une pierre, puis, poursuivi par des soldats, reprit sa course. A

l'endroit même où il se serait reposé fut élevée une colonne qui a disparu lors de la Révolution.Les portes de l'église s'ouvrirent d'elles-mêmes pour accueillir le jeune martyr, et se refermèrent

aussitôt derrière lui. La légende du moyen âge contait encore une série de prodiges accomplis autour de la précieuse dépouille de Gaudens, notamment celui-ci : l'un des soldats partis à la recherche du petit martyr aurait vu son cheval se dresser contre la porte de l'église, où l'animal aurait laissé ses fers. De ces faits qu'il est impossible de contrôler, le bréviaire commingeois du xvu' siècle n'en a voulu retenir aucun.

t.6p0

II S

A238 30 AOUTSAINT GAUmENa 23qLes fidèles du Mas ensevelirent furtivement le corps du Saint, avec l'espoir de l'honorer d'un

culte public et solennel quand des jours meilleurs se lèveraient pour le catholicisme.171

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Par la suite, une chapelle fut élevée an lieu de son martyre ; on l'appelait la chapelle de La Garnie ; démolie en 1784, elle fut rebâtie au milieu du xix° siècle et bénite le g avril 1855.

Protection de saint Gaudens contre les Vascons et les Arabes.Le successeur d'Euric tomba sous le fer vengeur de Clovis, et la paix fut rendue à l'Eglise de

Comminges. Les habitants du Mas, sur les ruines de leur vieux sanctuaire, élevèrent un oratoire pour abriter la tombe de leur martyr. Voici quelques marques de protection extraordinaire que les habitants durent à leur patron.

Des brigands du Béarn et de la Vasconie affamés de rapine et jaloux de la paix dont jouissaient leurs voisins, résolurent de pénétrer sur leurs terres pour y mettre tout au pillage. S'étant donc attroupés, ils firent une brusque irruption dans le diocèse de Comminges et dépouillèrent le pays de tout ce qu'ils purent emporter. Les plaintes arrachées aux malheureuses victimes de ces déprédations parvinrent jusqu'aux habitants des campagnes qui avoisinaient la ville du saint martyr Gaudens. Et comme ils n'étaient pas en état de se défendre contre une si grande multitude d'agresseurs, ils se réfugièrent à la hâte avec tous leurs biens sur le territoire du glorieux martyr, ne doutant pas qu'il ne les sauvât par sa protection.

Cependant, les brigands avançaient rapidement vers le lieu qui leur servait de refuge. Mais, tout à coup, l'ayant aperçu de loin, ils s'arrêtèrent stupéfaits, et, saisis de terreur au récit des prodiges étonnants qui signalent chaque jour la puissance du saint martyr, ils reculent épouvantés et se retirent en désordre.

Les reliques de saint Gaudens étant devenues le palladium de la cité, celle-ci, en témoignage de reconnaissance, prit le nom de son céleste protecteur..

Gaudens allait sauver ses compatriotes d'un nouveau péril. Après la victoire de Charles Martel, à Poitiers, les Arabes, vaincus, commencèrent un mouvement de retraite, qui devait se consommer à la fin du xv' siècle par la chute de Grenade, en Espagne. Les provinces méridionales de da France ne furent pas entièrement délivrées de ces barbares, et le Comminges, comme les autres régions pyrénéennes, eut beaucoup à souffrir de leurs incursions.

Les Arabes se portèrent sur Le Mas à une date indéterminée ; ils s'emparèrent de la ville, qu'ils couvrirent de ruines. Pour fuir une mort certaine, les habitants, confiants en la puissance de leur martyr, s'étaient réfugiés dans l'église, où ils s'étaient fortifiés à la hâte. Les assaillants tentèrent d'y pénétrer en incendiant la porte, mais saint Gaudens rendit inutiles tous leurs efforts.

Basilique de Saint-Gaudens.A la fin du xi, siècle, le siège de Lugdttnurn Convenaruni (Comminges), rétabli en 788, était

occupé par un pieux pontife que sesvertus avaient fait élever à la dignité épiscopale. Bernard prit à coeur le culte de saint •Camions,

et il résolut d'élever à sa mémoire un monument splendide. Par ses libéralités, l'édifice sortit de terre et grandit promptement. Il a traversé les siècles sans rien perdre de sa beauté. Avec ses trois nefs terminées par d'élégantes absides, avec ses voûtes hardies, ses colonnes sveltes, ses chapiteaux aux fines sculptures, la vieille basilique romane, dans son austère robe de pierre, fait encore l'admiration des artistes. A côté de l'église, Bernard disposa un cloltre pour l'habitation des Chanoines réguliers de Saint-Augustin.

Les reliques du martyr.Dépositaire des reliques du jeune martyr, l'église de Saint-Gaudens fut l'objet d'une vénération

toute particulière, témoin la translation qui eut lieu en 1315, le 3o août, en la fête du martyr. Le siège épiscopal étant vacant, par suite du décès de Mgr de Salignac, la translation du corps fut célébrée par les Chanoines, sous la présidence de Bertrand de Labartlle, archidiacre de Saint-Gaudens. En 1443, Déranger, chanoine d'Urgel, vicaire général du cardinal do Foix, Pierre l'Ancien, lequel fut légat pontifical en Avignon et aussi, de 1422 à 1454, administrateur de Saint-Bertrand de'Comminges, sépara des autres reliques une portion du chef et quelques ossements, et les déposa dans une précieuse châsse d'argent.

Enfin, Gailhard de l'Hospital, évêque de Comminges (1502-1513), reconnut juridiquement, en 1506, les dépouilles sacrées du martyr, renfermées dans une châsse d'airain ornée de peintures encaustiques. Voici comment il les décrit : a Deux dents placées dans leur alvéole, une partie de la

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mâchoire, un fragment du crâne et l'os supérieur du bras. »Ces ossements, à cause de la terreur qu'inspirait le commandant des hérétiques, le trop célèbre

Gabriel de Montgomery, qui ravageait les églises, furent transférés dans l'église du bourg de Mon-davezan, dépendant. -du Chapitre de Saint-Gaudens. Ces précautions ne furent pas inutiles, car Montgomery fondit sur la ville et livra aux flammes en 156g ce que la collégiale gardait encore des reliques du martyr. Mais, par une protection marquée de la Providence, une portion de ces vénérables dépouilles fut arrachée au feu et déposée dans un coffret de bois. Plus tard, le 3o août x664, Gilbert do Choiseul, évêque de Comminges (I644-1671), assisté de l'évêque de Saint-Papoul, Mgr Jean de Montpézat de Carbon, replaça solennellement ces reliques dans une châsse d'argent. La cérémonie eut lieu avec beaucoup d'éclat ; elle fut suivie d'une procession solennelle à travers la ville et couronnée par le panégyrique du Saint.

Etat actuel des reliques.La châsse d'argent, don de Gilbert de Choiseul, devait tenter les convoitises révolutionnaires.

Pendant le sac de la collégiale, les impies osèrent porter une main sacrilège sur tous les vases sacrés et les reliquaires ; la châsse de saint Gaudens ne fut pas

240 30 AOUTépargnée. Des chrétiens courageux dérobèrent cependant les reliques aux profanateurs et les

rendirent dès le rétablissement du culte. Les fidèles se réjouirent grandement de la conservation d'un pareil trésor. Il repose aujourd'hui encore sous les voûtes de l'antique église, dans un buste de bois doré, dont les traits frustes rappellent peut-être ceux de quelque reliquaire analogue disparu pendant la Révolution.

La part des reliques que les chanoines de Saint-Gaudens avaient portée dans leur église de Mondavezan s'est conservée également. En 1793, lors du pillage de ce sanctuaire, les révolutionnaires du lieu les oublièrent dans un coin de la sacristie, et c'est là, qu'elles furent retrouvées plus tard, enfermées dans un coffret de bois.

Mgr d'Astros, archevêque de Toulouse, les visita et les reconnut en 1832. Une chapelle érigée dans l'église de Mondavezan, sous le vocable de saint Gaudens, les abrite encore. Une parcelle de ces reliques a été distraite en faveur de la basilique Saint-Sernin de Toulouse.

Sur l'emplacement présumé du martyre, au quartier des Nérous, s'élevait en 1789 un modeste oratoire, qui fut relevé de ses ruines en 1855 par celui qu'on appellera plus tard a le Saint de Toulouse u, l'abbé Léon Clergue, le futur P. Marie-Antoine, alors vicaire de Saint-Gaudens. Mgr Alexandre Compans (t 1926), qui fut vicaire général de Bordeaux et un bienfaiteur insigne des vallées commingeoises, l'a remplacé par une gracieuse chapelle, véritable bijou d'art roman.

Le culte du petit pâtre des Nérous reste encore populaire dans sa cité, et c'est en foule que ses compatriotes se rendent à se chapelle et se pressent autour de ses reliques, le 3o août et aussi durant le mois de mai, au jour anniversaire de la translation de ses restes.

Abbé F. SOL.

Sources consultées. - Missel et Bréviaire de Cornmiages. - AIIAssE, Saint Gaudens, martyr (1855). - A. MARPAST, Histoire du Comminges (1889). ....................................

PAROLES DES SAINTSDans le cloitre.On y est tout à Dieu, on s'y applique à la continence, à la discipline. aux saines lectures. On y

garde un perpétuel silence, et, loin du bruit des affaires séculières, une tranquillité de tous les instants favorise la méditation de choses du ciel. Il n'est qu'un allégement aux austérités et à la rigueur de la discipline, la suavité de la psalmodie et du chant des hymnes. Le souvenir des erreurs passées règle le sérieux de la vie nou. velle... La diversité des occupations saintes prévient le dégoût et la paresse spirituelle.

Saint Banannn.(Lettre 78, à Suger, abbé de Saint-Denis, 1127.)~O lit INe 00

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1SAINT RAYMOND NONATReligieux de la Merci et cardinal (1204-1240).

Fête le 3z aottt.s A5NT Raymond Nonat fut un religieux de l'Ordre de NotreDame de la Merci. Cet Ordre, fondé

au début du xiii' siècle par saint Pierre Nolasque, à Barcelone, avait pour but la rédemption des captifs. Il y a, parmi les religieux de cette Congrégation, de nombreux et grands Saints ; en particulier saint Raymond Nouait est auréolé d'une gloire éclatante. Les grâces et les miracles obtenus par son intercession sont innombrables, et, de ce fait, son culte est très populaire par delà les Pyrénées et dans certaines régions du midi de la France.

Enfance et éducation.La petite bourgade de Portell est située en Espagne, dans la province de Catalogne, et dépend du

diocèse d'Urgel. C'est dans ce village que naquit Raymond, probablement en 124 ; d'autres auteurs disent en 1188 ou en décembre 1200.

Deux versions ont été données touchant son origine et son éducation première. Sans vouloir nous prononcer, nous allons les rapporter l'une et l'autre.

D'après certains hagiographes, Raymond serait le fils d'un berger, ce qui expliquerait ses occupations pastorales. Il aurait fait la connaissance des comtes de Cardona, après une apparition de la Sainte Vierge, retracée plus loin, et serait devenu par la suite le confesseur de la noble famille.

La seconde version, qui est la plus répandue, le dit de sang royal, descendant de la famille de Fox ou Folchs, dont les chefs - étaient gouverneurs de Cardona, et de la famille de Sarroy. .

Sa naissance, d'après ce second récit, se serait produite dans des conditions dramatiques ; sa mère venait de mourir, lorsqu'on courut avertir son, père qui était au loin et qui ne put venir qu'un

242 31 AOUTSAINT RAYMOND NONAT n43jour plus tard. Sur l'insistance de celui-ci les chirurgiens inter-vinrent. et l'enfant vit ainsi le jour

quasi miraculeusement. Pour ce motif, au petit être,. quii reçutt au baptême le nom de Raymond,, sera aussi donné le surnom de Non natus (non né), qui devint ¢. Nonnat e puis e Nonat e.

Au foyer paternel, encore tout petit, l'enfant joignait les mains lorsqu'on prononçait les noms de Jésus et de Marie. Sous les yeux du comte Raymond, sonn père, il apprit les rudiments des connais-sances humaines, puis fit avec beaucoup de succès ses humanités, sa philosophie et sa théologie.

Saint Raymond berger. - Sa piété envers la Sainte Vierge.Nous retrouvons Raymond Nonat berger, ce qui a fait dire que le comte l'avait écarté des études

pour lesquelles son fils était très doué, parce qu'il voulait étouffer en lui un goût trop vif pour l'état ecclésiastique.

Près du champ où Raymond menait paître ses brebis se trouvait une petite chapelle, un ancien ermitage sans doute, dédiée à saint Nicolas, évêque de Myre. Dans ce sanctuaire, on vénérait une magnifique statue de la Mère de Dieu.

Fréquemment, le jeune pâtre venait aux pieds de la Vierge, et pendant qu'il priait, son ange gardien surveillait le troupeau. Le père du jeune homme, passant un jourr en cet endroit,, s'aperçut, enn effet, que les brebis étaient gardées non point par son fils, mais par un adolescent d'une céleste beauté.

Un autre jour, tandis que Raymond était. ainsii en oraison, il vit la Vierge luii sourire et elle lui dit : « Ne crains rien, ô Raymond, car je t'adopte pour monn fils ; c'est pourquoi tuu peux, de toutt ton coeur, m'appeler ta mère. Et,. à l'avenir, sois sûr de mon patronage et de ma protection. » L'enfant suivit ce conseil ; il plaça toute sa confiance en sa Mère du ciel et se voua entièrement à elle.

Tous les jours devant la statue, il multipliait les Ave et récitait ce que nous appellerions aujourd'hui son rosaire.

Tentation. - Vii religieuse.La Sainte Vierge ne tarda pas à lui manifester sa protection.En effet, Satan, sous l'aspect d'un berger, se présenta un jour devant l'adolescent : a Frère, lui dit-

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il, l'emploi que tu occupes ici est indigne de toi. » Mais Raymond lui répondit qu'il n'accepterait de conseils que de la Très Sainte Vierge Marie. A peine avait-il prononcé ce nom que le diable disparut avec fracas en laissant un nuage de fumée.

Lorsque le jeune pâtre comprit qu'il avaitt été l'objet d'une tentation, il voulut remercier sa divine Mère d'avoir inspiré sa réponse et il se dirigea vers- la petite chapelle. Au cours de cette filiale effusion, il vit à: nouveau la Vierge luii sourire. Mû par le désir de lui prouver sa reconnaissancee et sonn affection, il lui consacra sa pureté.

L'histoire' dit même que la. Mère de. Dieu apparut à son jeuneserviteur, entourée de toute une troupe céleste. Elle lui prit les mains et dicta elle-même les

paroles du voeu de chasteté.Raymond reçut alors de la Vierge Marie le conseil de partir pour Barcelone et d'entrer dans

l'Ordre de la Merci. Il obtint de son père l'autorisation demandée et s'en alla.IL reçut l'habit blanc des mains de saint, Pierre Nolasque qui était le fondateur et le Maître

général de l'Ordre. Le noviciat s'accomplit sous la discipline du bienheureux Sérapion Scot qui devait verser son sang pour la foi. Le maître conserva toujours un profond attachement pour son ancien novice et lui prédit les souffrances qu'il endurerait en Afrique pour le nom du Christ.

En izaz, Raymond prononça ses voeux entre les mains de saint Pierre Nolasque ou peut-être devant le prieur de Barcelone, et reçut en même temps le sacerdoce. Outre les trois voeux ordinaires, l'Ordre de la Merci en exigeait un autre celui de se consacrer entièrement au rachat des captifs et d'engager pour cela au besoin sa personne et sa vie.

Raymond Nonat commença son ministère à Barcelone où il donna des sermons fructueux. Il était prompt, dit son biographe, à deviner et à corriger des défauts de ses pénitents. Il prêchait d'exemple par la sainteté de sa vie. Il domptait son corps par des flagellations répétées. Une misérable litière de paille étendue à même le sol lui permettait de prendre quelque repos ; repos bien court, d'ailleurs, car le fervent religieux prolongeait ses oraisons bien avant dans la nuit.

Saint Raymond rachète les captifs.Raymond ne devait pas rester longtemps à Barcelone. Il participa à deux expéditions en

compagnie de saint Pierre Nolasque; puis il en dirigea une autre à Valence, en 1226, d'où il ramena cent quarante captifs ; une quatrième en Algérie, durant l'année izag lui permit de délivrer cent cinquante prisonniers. Il fut envoyé à Rome en sa3o par saint Pierre Nolasque comme procureur général de l'Ordre, avec mission d'obtenir du Pape Grégoire IX la confirmation de son Institut.

De là, Raymond partit pour Tunis afin de se consacrer aux obligations de sa profession. Il délivra, dans cette expédition, deux cent vingt-huit captifs. Mais des difficultés d'argent s'élevèrent et Raymond Nonat s'offrit en échange des prisonniers.

En captivité, il s'employait à convertir son entourage, et c'est en vain qu'on le maltraitait pour l'en empêcher. Au moyen d'un cadenas de fer, on lui perça et on lui ferma les lèvres, mais il parlait sans aucune gêne, ce qui plongeait les barbares dans la surprise et l'admiration.

Il parvint ainsi à convertir dix israélites et deux nobles Sarrasins. Le chef de la tribu, irrité, le fit flageller et on le jeta, chargé de chaînes, dans un obscur cachot. Il y demeura huit mois, toujours avec le cadenas aux lèvres, et ne se nourrissant que de pain et d'eau. Souvent, il était ravi en extase et restait alors jusqu'à

24431 AOUTSAINT RAYMOND NONAT245trois jours sans manger. Il arrivait aussi que, devant les geôliers, chaines et cadenas tombaient

miraculeusement. Ces faits admirables augmentaient encore le prestige du captif qui opéra de nombreuses conversions.

Pendant ce temps, quelques Mercédaires s'étaient embarqués e vinrent négocier la rançon (le leur frère en religion. Celui-ci repri donc le chemin de l'Espagne.

Missions à Rome et à Paris. - Le cardinalat.Quelque temps après, Nonat fut envoyé à Borne, toujours en qualité de procureur général, pour

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ranger l'Ordre de la Merci sous la règle de saint Augustin. Le religieux était tenu en grande estime par le Pape Grégoire IX et il aurait même prêché devant la Curie pontificale. Il reçut du Pape la mission de se rendre en France comme prédicateur apostolique afin de promouvoir une expédition en Terre Sainte (1235).

A Paris, il rencontra saint Louis qu'il rallia sans peine à ses vues ; mais l'opinion publique n'était pas assez préparée, l'idée était trop neuve, et divers obstacles surgirent qui empêchèrent une croisade immédiate. Raymond Nonat revint donc en Catalogne.

C'est vers cette époque, ou, plus exactement, en décembre 123g, que Grégoire IX le nomma cardinal-diacre, et avec la diaconie de Saint-Eustache en juin 1240. On prépara au nouveau prince de l'Eglise une réception grandiose à son retour à Barcelone. Les comtes de Cardona lui avaient fait préparer des appartements dans un de leurs palais ; mais il se hâta de rentrer dans son monastère. Délaissant toute gloire, même légitime et méritée, il reprit avec joie la vie régulière et continua à vivre comme le dernier des moines.

Apparition du Christ et de sa Mère.Un jour, Raymond Nonat se rendait à Barcelone. Il faisait froid et le vent rabattait une pluie

glacée. En chemin, le cardinal rencontra un pauvre vénérable, tout cassé et blanchi par les ans, qui n'avait rien pour se protéger la tête contre les rafales. Emu de compassion, il lui donna sa coiffure.

Tandis qu'il revenait de Barcelone et qu'il repassait, absorbé dans sa prière, à l'endroit même où il avait exercé la charité, le Serviteur de Dieu fut ravi en extase.

Il vit, dans un riant bosquet, la Reine des cieux ; et tout autour d'elle, un chœur de vierges cueillait de magnifiques fleurs dont elles tressèrent une couronne. Elles la présentèrent à la Mère de Dieu en disant : « Il est digne de cette couronne, celui qui donne sa coiffure à un pauvre. a La Vierge Marie offrit la couronne à son protégé, mais celui-ci répondit avec une sainte audace qu'il préférait Jésus pour récompense. Le Christ apparut alors, portant le bonnet de Raymond et il lui présenta un diadème de fleurs et un diadème d'épines.

Le religieux choisit ce dernier et Jésus en ceignit son front.

Pendant que saint Jtaymond 7Vonat priait, son ange gardiensurveillait son troupeau.A partir de ce moment, Nonat souffrit d'une violente douleur de tête qui ne le quitta plus.

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La sainteté de Raymond se manifeste par des prodiges.Le cardinal vit un jour arriver dans son couvent un homme dont l'épouse avait été calomniée par

ses serviteurs ; dans un mouvement de colère le mari avait violemment frappé sa femme. Mais un doute s'était ensuite élevé dans son esprit : n'avait-il pas été injuste envers sa femme P Nonat le rassura : « Les blessures

246 31 AaUTque fil lui as faites n'existent pas plus que les crimes dont on l'a chargée ; seuls, les accusateurs

auront leur châtiment. n Rentré chezz lui, en effet, cet homme aperçut son épouse en parfaite santé,. tandis que les serviteurs, qui avaient été les témoins et souvent les bénéficiaires des bonnes oeuvres de cette femme, portaient la trace de nombreux coups.

La peste vint à éclater dans le voisinage de Barcelone. Les hommes et les bêtes que l'on amenait au monastère se trouvaient guéris dès que Raymond traçait sur eux le signe de la croix.. C'est en reconnaissance de ces prodiges que de nos jours, en la fête du Saint, on amène devant le sanctuaire où est conservé son corps, do nombreux troupeaux ; chaque année, on y voit rassemblées plus de quatre mille têtes de bétail.

Un matin, tandis que le religieux s'apprêtait à célébrer le saint sacrifice, il se vit abordé par une femme en pleurs. Celle-ci le supplia de ressusciter son petit enfant qui s'était étouffé tandis qu'elle préparait le repas de son mari, obligé de partir de bon matin pour les champs. Si ce dernier apprenait l'accident, on pouvait tout craindre de sa colère. Après une courte prière, l'enfant fut rendu vivant à sa mère.

Communion miraculeuse de saint Raymond. - Sa mort.Grégoire IX, qui appréciait la haute valeur du cardinal, l'appela à Rome pour le garder près de

lui. Nonat se mit donc en route, mais son voyage fut interrompu bien vite : la maladie le saisit à Cardons, et il déclina rapidement.

C'est alors qu'arrivèrent dans la ville et se dirigèrent vers la maison où le religieux était mourant, trois Frères de la Merci que personne ne connaissait. Ils étaient vêtus d'habits d'une blancheur éblouissante. L'un d'eux était particulièrement remarquable de dignité et (le majesté. C'est celui qui portait la sainte Eucharistie. Il communia le malade et disparut aussitôt avec ses deux compagnons sans laisser de traces.

Quelques instants après, Raymond s'endormit dans le Seigneur.C'était en l'année r24o, le 26 août, dernier dimanche de ce mois, dans la maison des comtes de

Cardona.

De,; circonstances providentielles accompagnent sa sépulture.Comme il fallait s'y attendre, on se disputa la dépouille mortelle du religieux. Cardona voulait

garder celui qui était mort dans ses murs ; l'Ordre de la Merci le réclamait comme son bien ; et la bourgade de Portell, lieu de naissance de l'éminent Mercédaire, fit aussi valoir ses droits.

La Providence eut tôt fait de régler le différend. Un homme âgé proposa, pendant le débat, de charger la dépouille sur une mule aveugle et de laisser celle-ci se diriger à son gré.

Ce conseil, à première vue assez étrange, fut accepté. On attacha sur le dos de la bête le corps du religieux-cardinal et on la con

gédia, rênes flottantes. L'animal fléchit les genoux devant la maison où le défunt avait rendu le dernier soupir et se mit en route, suivi d'unn grand nombre de personnes. Il prit d'abord la direction de Portell,, mais,, arrivé dans ce village, il changea de chemin.

Chaque fois que le cortège traversait une ville, les cloches se mettaient à sonner toutes seules. Des personnes se joignaient à la foule pour accompagner le convoi, la plupart portant un cierge funèbre allumé. Or, malgré qu'il soufflât un vent violent et que la pluie tombât en abondance, pas une flamme ne s'éteignit.

La mule, suivie de douze mille personnes, parvint au sanctuaire dédié à saint Nicolas, évêque de Myre, qui était distant de Cardona d'environ une journée de marche. Elle s'agenouilla et se mit à braire. On détacha le vénérable fardeau et l'on remarqua alors un fait surprenant. Après la mort du

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saint religieux, on avait trouvé sa main droite si énergiquement fermée que personne n'avait pu l'ouvrir. Et voici que la main s'ouvrait maintenant toute seule ; un billet s'en échappa, écrit de la main de Nenat et dans lequel il manifestait son désir d'être enseveli en cet endroit.

Chacun admira les desseins de la Providence et comment le sanetuaire qui avait vu s'éveiller la vocation religieuse du cardinal devenait aussi son tombeau.

Quelques années après-, la chapelle devint la propriété de l'Ordre de la Merci. Un couvent y fut bâti, appelé plus tard a de saint Raymond de Portell ». Sous ce même vocable, une belle église, commencée en 1674, a remplacé l'a chapelle primitive. Au fond du sanctuaire, un petit. temple abrite l'autel privilégié depuis 1822, le reliquaire, et une image de Notre-Dame de la Merci. La châsse renferme le chef du Saint, plusieurs sachets contenant des ossements et le cadenas de son supplice.

Culte de saint Raymond Nonat.Le peuple n'attendit point la reconnaissance officielle par l'Eglise de la sainteté de Raymond

Nonat.. Sans parler de tous ceux qu'il avait édifiés ou guéris, il fut, dès sa mort, invoqué par saint Pierre Nolasque lui-même. Il aurait même apparu à ce dernier en 1255, la veille de Noël, pour lui annoncer que l'année suivante, à pareil jour, il entrerait dans la vie éternelle. Raymond ne tarda pas à être vénéré comme aucun autre Saint. On pouvait voir chaque année, en Espagne, le dernier dimanche d'août,, une foule de plus de douze mille personnes accourir vers son sanctuaire, et y amener de nombreux troupeaux. On lui chantait des cantiques populaires, très anciens, dont les auteurs sont inconnus. Ceux qui habitaient trop loin pour se rendre à la chapelle de Saint-Nicolas se réunissaient dans le plus, proche monastère de la Merci pour accomplir les mêmes cérémonies.

Le pseudo-Pape Benoît XIII (Pierre de Luna) l'aurait canonisé au. Concile de Constance avec l'approbation des Pères rassemblés, et les Papes légitimes qui suivirent n'auraient point rapporté ce.

SAINT RAYMOND NONAT24724831 AOUTdécret. D'autre disent même, avec encore moins de preuves, qu'il aurait été canonisé par Grégoire

IX.Cependant, en 1612, le culte du saint cardinal n'était pas encore officiellement reconnu, En cette

année, au Chapitre général, Philippe de Guimeran, Maître général, recommanda de l'invoquer. Sa cause fut introduite.

Urbain VIII, le 5 novembre 1625, accorda la récitation de son Office aux déchaussés de l'Ordre de la Merci ; le 9 mai 1626, il étendit cette autorisation à tous les religieux de l'Ordre.

Alexandre VII, le 20 octobre 1655, accorda au clergé de la diaconie de Saint-Eustache, dont ce cardinal avait été titulaire, de célébrer sa fête et de réciter son Office.

Or, à cette époque, une peste avait éclaté à Toulouse et faisait de nombreuses victimes. D'innombrables guérisons furent opérées par l'intercession du Saint auquel on adressa des prières publiques. Les malades se trouvaient soulagés en buvant de l'eau qu'avait touchée une relique de saint Raymond Nonat. Une lettre écrite le

3 octobre r655 par Hyacinthe Carrai, Mercédaire de Marseille, au Maître général, Michel d'Alcantara, premier procureur à Rome, relate la guérison obtenue ainsi par plus de vingt mille pestiférés.

Le Pape Alexandre VII, ayant appris ce grand miracle, donnaa une nouvelle approbation au culte du Saint. Le 14 novembre 1655. sa statue devait être solennellement inaugurée dans le sanctuaire ; le Souverain Pontife accorda, aux conditions habituelles, une indulgence plénière à tous ceux qui visiteraient l'église Saint-Eustache, dans la cité papale, depuis les premières Vêpres du 13 novembre jusqu'au coucher du soleil, le jour suivant. Le 7 août 1657, le même Pape inscrivit saint Raymond Nonat au Martyrologe romain avec son titre de cardinal.

Clément IX, le 13 août 166.9, éleva l'Office au rite semi-double ad libitum pour toute l'Eglise, ce qui n'était point la canonisation, puisque l'Office restait libre et non imposé. Enfin, le 1o mars 1681, Innocent XI étendit cet Office à toute l'église sous le rite double,, procédant ainsi à la canonisation

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par équipollence.

Saint Raymond Nonat protecteur des mères.A cause des circonstances dans lesquelles il vit probablement le jour, saint Raymond Nonat fut

souvent invoqué dans les cas de naissances difficiles ; on pourrait dire que c'est en faveur des mères qu'il accomplit ses miracles les plus éclatants. Des cas désespérés sont ainsi résolus : des fièvres puerpérales disparaissent en quelques instants, un enfant mort-né se met à crier cinq ou six heures après être venu au monde.

E. L.Sources consultées. - ici. Sanctorum, t. VI d'août (Paris et Rome, 786,), - Mgr PAUL GUAmn,

Les Petits Bollandistes, t. X (Paris, 1897).-Eounnoo-M. VILARRASA, La teyeeda de ora, t. lit (Earrolonc, 1898). - !:e,iamen pùblico en hono,' de...

Ntra Senora del Colt de les Sabines de Cernera, t. Il (Lérida, 1937). - E. CllAmIAvome, Annuaire pontifical catholique de f929 (Paris, lionne Presse).

Table générale alphabétique des deux Sériesde la collection « Un Saint pour chaque jour du mois »

ASS. Abdon et Soulier, 3o juillet (I). S. Abercins, 22 octobre (I).S. Abraham d'Auvergne, 15 juin (1). S. Abraham Kidunaia, 16 mars (I). S. Acace de Byzance, 8

mai (1).S, Achart de Jumièges, 15 sept. (I1). S. Achille,, rz mai (I). S. Adalbert de Prague, 23 avril (II).

Ste Adélaïde, r6 décembre (11).S. Adrien, 8 septembre (I). L B. Adrien leortescuc, 1o juillet (II).Ste Airs d'Augsbourg, 5 août (I). I Ste Agathe, 5 février (1). Ste Agnès de Montepulciano,

ao avril (1). Sue Agnès de Rome, a1 janvier (I). S. Aignan d'Orléans, 17 novembre (II). S. Aimé (voir S. Amé). S. Alban ou Alban, 22 juin (Il). B. Alban Roë, 21 janvier (II). S. Albert le Grand, 15 novembre (I). S. Albert de Louvain, ai novembre(!). Sic Aldegonde, 3o janvier (I). SS. Alexandre ler, Evence et Théo

eJule, 3 mai (1).S. Alexandre l'Acémèic, 23 février (Il). S. Alexandre de Bergame, a6 août (I). S. Alexandre

Sauli, 11 octobre (1). S. Alexis, 17 juillet (I).S. Alexis Palconieri, 17 février (I).B. Alfred le Grand, roi, 28 oct. (Il). S. Alphonse de Liguori, 2 août (1). S. Alphonse Rodrigue,.,

3i octobre (I). S. Alype, 18 août (1). S. Amable de Riom, n juin (11). S. Amand de Maëstricht, 6 février (11). S. Amans de Rodez, 4 novembre (Il). S. Ambroi=e, S décembre (1).

B. Ambroise Sansedoni, de Sienne,so mars (11).B. Amédée, 1o août (il).S. Amé ou Aimé, 13 septembre (II). S. Ammon, 4 octobre (II).S. Anastase le Perse, z2 janvier (11). Si, .Anastasie, 25 décembre (I). S. Anatole, 3 juillet (I).S. André, apôtre, 3o novembre (I). S. André Avellino, ro novembre (1). B. André Robots, 23 mai

(11). B. André Caccioli, de Stalle, 3 juin (II). S. André Corsini, 4 février (I). S. André de Crisis, 17 octobre (Il).

S. André le Scot, sa août (11).B. Ange d'Acri, 3o octobre (I).B. Ange de Forci, 19 décembre (II). Ras Angèle de Foligno, 4 janvier (I). Ste Angèle Mérici, 3r

mai (I).S. Angilbert (voir S. Engelbert, Abbé). Bac Anna-Maria Taïgi, g juin (I). Ste Anne, a6 juillet (I).

S. Anschaire, 3 février (I). S. Anselme de Badagio, r8 mars (II). S. Anselme de Cantorbéry, 2r avril(I). S. Anthelme de Chignin, 26 juin (II). S. Anthime, 27 septembre (I). S. Antoine, ermite, 17 janvier (1). B. Antoine Nayrot, 26 avril (11). S. Antoine de Padoue, 13 juin (I). S. Antoine-Marie Zaccaria, 5 juillet (J). S. Apollinaire de Ravenne, 23 juillet (I). S. Apollinaire de Valence 5 cet. (II).

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Ste Apoiline, g février (I). S. Apollonius, 18 avril (II). Ste Appie, 22 novembre (11). S. Arthaud, 7 octobre (I1). S. Ailier, 8 juillet (II). S. Athanase d'Alexandrie, a mai (I). S Allie... l'Athonite, 5 juillet (I1). Sic Al]mnaaie, r4 août (l1). S. Attale de Robbia, 1o mars (I), Ste Attale de Strasbourg, 3 déc. (11). S. Aubin d'Angers, rer mars (I). S. Augustin, 28 août (1). S. Aupre on Avec, 5 décembre (11). Ste Auatreberte, ro février (II). S. Austremoine, le, novembre (11). S. Auxence, 14 février (,). S. Aventin de Larboust, 13 juin (I1). S. Avit de Vienne, 5 février (II).

S. Babylas, z4 janvier (II).S. Bandry de Soissons, let août (11). S. Barachisius. 99 mars (1). 51e Barbe, 4 décembre (1). S.

Barnabé, u juin (I). S. Baroulas, 18 novembre (11). S. Barthélemy, 24 août (I). S. Basile d'Ancyre, 2a mars (1). S. Basile le Grand, 14 juin (I). Sic Basilisse, g janvier (I). S. Basle, a6 novembre (II). Ste Bathilde, 3o janvier (II) S. Baudile de Ntmes, su mai (I1).

256TABLE G1SNeRALES. Thomas de Villeneuve, 22 sept. (I). S. Thyrse, a8 janvier (I).S. Tillon ou Théau de Solignac, 7 janvier (II).S. Timothée, a4 janvier (I).S. Tugdual ou Tugal, 30 novembre (Il). S. Turibe Mogrovéjo, 23 mars (11).S. Vincent, diacre, sa janvier (I). S. Vincent d'Agen, g juin (11).13. Vincent d'Agnila, 6 septembre (I). S. Vincent de Collioure, ig avril (1). S. Vincent Ferrier, 5

avril (I). S. Vincent de Paul, rg juillet (I). Ste Viviane (voir Ste Bibiane).TABLE DES MATIÈRES DE CE VOLUMES. Ulrich d'Augsbourg, 4 juillet (1). B. Urbain V, rg décembre (I).S. Urcisin de Luxeuil ou Ureanne,so décembre (II).S. Ursin de Bourges, g novembre (I).VS. Vaast, 6 février (I).S. Valentin (le Rome, r4 février (II). S. Valens, r"r juin (lI). S. Valéry, Or avril (II).S. Venance-Fortunat de Poitiers, r4 déeembre (If).S. Venceslas (le Bohème, 28 sept. (II). Bac Véronique de Binasco, r3 janvier (1).Ste Véronique Giuliani, g juillet (I). S. Victor de Marseille, ar juillet (11). S. Victor de Plancy, 26

février (II). S. Victorien d'Asana, ra janvier (11). S. Vict'ice de Rouen, 7 août (I1). Bse Villana de Bottt, 28 février (II)..

wS. Walbert, a mai (II).Ste Walburge, a5 février (1).Ste Waltrude ou Waudru, g avril (I). S. Wandrille de Fontenelle, 22 juill.(Il), S. Wilfrid d'York,

ra octobre (I). S. Wiener, 6 novembre (1).S. WiUOn de Rouen (voir S. Léon deBayonne).S. Wulfran, 2o mars (I).S. W'louer, ao juillet (Il).S. Yrieix, 25 août (11).S. Yves de Chartres (voir S. Ives). B. Yves Mahyeuc, ao septembre (II).S. Zacharie, prophète, 5 novembre (I). S. Zéphyrin, Pape, a6 août (11). Ste Zite, 97 avril (I). S.

Zosime, Pape, a6 décembre (II).SAINTSAchard, 158.Aile ou Agile, 153. Ambroise, 10.'160'. Andoche d'Autun, 34. André le Scot, 169. Aredius ou

Yrieix, 193. Arnoul de Metz, 187. Augustin, 40', 88', 160'. Bandry de Soissons, 1. Bénigne, 34.

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liernard, 16', 56', 160', 192', 208', 240'. Béthairc de Chartres, 187. Bonaventure, 96'.Cession d'Autun, 33. Gésaire, 19. Comgall, 26. Creuse, 31. Gyprien, 96'. Didier, 62. Donat, 169.

Eloi, 187.Entende, 128.Euple de Catane, 89. Evode, 56. Félix d'Autun, 34. Ferréol, 200. Gaudens, 233.Germain d'Auxerre, 59. Grégoire le Grand, 40', 8S'. Grégoire VII, 19. Grégoire de Nysse, 152'.

Isidore de Séville 16'. Jean Berchams, 97.Jean Ghrysostome, 16', 48', 88', 160',168'.Jean Eudes, 145, Jean-Marie Vianney, 65. Julien de Brioude, 217. Laudulfe ou Lau d'Evreux, 86.

Léon I" le Grand, 16', 160'. Louis de Gonzague, 120. Luan ou Lugid, 25.Magne de Trani, 19.Manchen (le Clonfert, 31. Martial de Limoges, 161. Martin de Tours, 52. Maxime, 96'. Merri ou

Médéric, 225. Moins, 25.Nient ou Nizier, 194. Ouen de Rouen, 185, 156. Patrice, 25.Philibert ou Philbert, 153. Pierre d'Anagni, 17. Pierre Chrysologue, 88'. Polycarpe, 34. Privat,

161.Raymond Nonat, 241. Rhétice d'Autun, 34. Robert de Champagne, 209. Sébastien, 19.Serenus ou Sérène de Marseille, 9. Sévère de Vienne, 57. Sidoine Apollinaire, 2'13. Simplicien

de Milan, 121. Stanislas I(ostira, 113. Sulpice de Bourges, 187. Taurin d'Evreux, 81. Thyrse d'Autun, 34. Venante-Fortunat, 193. Victriee de Rouen, 49. Wandrille, 154.

Yrieix, 193. Zéphyrin, 201.SAINTHSAgathe de Catane, 89. Agnès, 198.Athanasie de Timia, 105. Austreberte, 156. Brigitte de Fiesole, 174. Claire de Montefalco, 129.

Hélène, 137.Lucie de Syracuse, 89. Pélagie (le Limoges, 193, 195. Philomène, 72.Les pages en chiffres gras indiquent les biographies complètes; les pages suivies d'un astérisque

(') les citations des écrits; les autres pages de simples notes.Radegonde, 198.Secondine,19. Thérèse d'Avila, 24'.Thérèse de l'Enfant-Jésus, 1014BIENHEUREUX Amédée, 73.Guérin d'Auips, 209.Jacques Bianconi, de Bev Octavien de Quingoy, 91. Urbain 11, 19. Victor III, 19.BIENIIEURE Jeanne d'Orvieto, 982.

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