2) Ossios Loukas

Le monastère d’Ossios Loukas (Saint Luc) élevé sur le mont Hélikon, a été fondé par un ermite, Loukas le Styriote, mort ici en 953. Endommagé par des tremblements de terre aux XVIème et XVIIème siècles, il a été restauré dans les années 60 et est encore occupé par quelques moines orthodoxes. Ce lieu est surtout remarquable par ses mosaïques byzantines. L’enceinte du monastère est un pentagone (cinq côtés). Au centre, se trouvent deux églises, bâties avec les restes d’un temple de Déméter entourées de cellules de moines. A l’origine, en 946, saint Luc le Styriote s’était construit une loge et un jardinet sur l’emplacement actuel du monastère, pour y vivre en ermite. Saint Luc avait eu le don de guérison et de prophétie, et c’est pourquoi, après sa mort, sa tombe fit l'objet de nombreux

pèlerinages. Aujourd’hui son reliquaire est dans l’église Saint-Luc, Ossios Loukas, mais ses reliques ont été transférées au Vatican.

A l’extérieur, au nord et à l’ouest, on peut remarquer l’emplacement des anciennes cellules des moines qui ont disparu. Une seule est restée, surmontée de l’horloge que l’on voit à l’entrée. A droite, on entre dans le réfectoire pour payer.

Le réfectoire. Constitué de deux étages, il forme aujourd’hui un petit musée où sont

exposés des fragments architecturaux du site. L’étage du bas est fermé ; il servait d’entrepôt aux moines tandis qu’ils prenaient leurs repas dans l’actuel musée.

L’église de Saint Luc Les murs extérieurs du katholicon furent construits à l'aide de pierres disparates. Le plan de l'édifice repose sur un carré central, de 9 mètres de côté. Le carré est entouré sur les côtés nord, sud et ouest, de trois galeries aux travées voûtées d'arêtes. À l'étage, se trouve une galerie (dite aussi gynécée, puisque les femmes y prenaient place), formant tribune qui court sur trois côtés de l'édifice, au nord, à l'ouest et au sud. L'église est précédée d'un vestibule rectangulaire, le narthex sur tout le côté occidental. Au début du Christianisme, les personnes, non encore baptisées, et les catéchumènes, attendaient dans le narthex, n'ayant pas encore le droit de pénétrer dans la nef pour assister à la messe. L'intérieur de l'église d'Ossios Loukas, narthex, nef et abside, conserve l'essentiel de sa décoration du XIe siècle. Elle est répartie en deux zones : la zone inférieure parée de plaques de marbres précieux, agencées pour mettre en valeur la couleur et les veinures du matériau ; la zone supérieure, (séparée de la première par une corniche de marbre sculptée, en saillie, qui forme limite entre les deux parties) dont la décoration se compose de mosaïques du XIe siècle, exécutées par des artistes venus de la capitale de l'Empire byzantin. On peut y admirer un des cycles les mieux conservés et les plus complets de l'iconographie (représentations de l’histoire sainte) et de l'hagiographie (histoire des saints) byzantines en Grèce. Elles sont toutes à fond or.

Mosaïques du narthex :

Le programme iconographique du narthex est fondé sur la représentation de scènes évangéliques. A) Figure du Christ, dans la lunette au-dessus de la porte d'entrée principale dans la nef. Il tient le livre ouvert, dans sa main gauche, sur lequel est inscrite la célèbre phrase : "Je suis la lumière du monde". De cet endroit, on peut voir la mosaïque de la Mère de Dieu sur le trône présentant l'Enfant Sauveur du monde.

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A’ et A’’) Figures de saint Pierre et de saint Paul, de chaque côté du Christ. À Byzance, Saint Pierre est toujours représenté avec une chevelure et une barbe blanches, bien fournies, alors que Saint Paul présente une calvitie marquée et sa barbe noire est taillée en pointe. Les deux piliers du Christianisme se reconnaissent ainsi, dans une iconographie bien stéréotypée.

C) La Résurrection :

Scène très célèbre, située dans la lunette à droite du Christ. A Byzance, la représentation de la Résurrection du Christ, le jour de Pâques, est différente de celle que l'on a dans l'art occidental. Ici, il s'agit du samedi saint, le jour où le Christ descend aux Limbes (séjour où attendent les personnes mortes avant sa venue sur la terre). Le Christ est au centre et vient de franchir les portes de l'Hadès qui sont détruites ; on voit nettement les verrous, la serrure, les clés, les battants, épars sur le sol noir. Le Christ tire énergiquement du tombeau Adam et Ève, cette dernière vêtue de rouge, couleur du deuil à Byzance et implorant le pardon, tendant les mains couvertes de son manteau. Le Christ tient la croix de Jérusalem, croix du Jugement Dernier. À gauche, deux empereurs de Byzance assistent à la scène. B) La Crucifixion :

Scène représentée dans la lunette à gauche du Christ, symétrique de la scène de la Résurrection, ces deux scènes résumant l'histoire de la Rédemption des hommes.

Le Christ au centre sur la croix, les pieds cloués sur la petite planchette est flanqué de sa mère à gauche et de Saint Jean l'Évangéliste à droite. La croix est plantée sur le Golgotha, symbolisé par un tertre au centre duquel apparaît un crâne aux lignes très abstraites (deux points noirs pour les yeux, un triangle pour le nez, deux lignes parallèles pour les lèvres...) ; il s'agit du crâne d'Adam. E) Lavement des pieds. Mosaïque représentant le Christ en train de laver les pieds de ses disciples, le Jeudi Saint.

F) L'Incrédulité de Saint Thomas (au fond à droite) : Après la Résurrection, le Christ apparaît à l'ensemble des disciples, et présente ses stigmates à Saint Thomas, incrédule à propos de la résurrection du Maître.

G) Saint Constantin et sainte Hélène : Situé au dessus de la dernière fenêtre à droite de l'entrée, le panneau représente l'empereur Constantin, canonisé dans l'Orthodoxie, le souverain qui légalisa le Christianisme dans l'empire romain, et sa mère Sainte Hélène, dont le songe permit de retrouver la Vraie Croix, sur le Golgotha, à Jérusalem. Mosaïques de la nef :

Mosaïques occupant les quatre trompes soutenant le tambour de la coupole, dont les sujets suivent le déroulement chronologique de la vie de Jésus. H) L'Annonciation : La Vierge, vêtue d'un manteau bleu, et l'Ange Gabriel, les deux figures se détachant sur un fond d'or ; aucun décor naturel, aucune représentation architecturale d'intérieur ; nous sommes devant une scène totalement symbolique, sans aucune référence au monde extérieur.

I) La Nativité :

Scène étonnante de la naissance du Christ. La Mère de Dieu est présentée devant une montagne, qui prend l'aspect de grotte dans l'ouverture de laquelle elle se détache ; devant elle, le berceau où est allongé l'Enfant Divin, gardé par le bœuf et l'âne, légèrement en retrait dans la grotte. À droite, deux servantes baignent l'Enfant, l'une d'elles verse de l'eau dans le bain ; à gauche de Marie, se tient Saint-Joseph. Derrière les rochers qui surplombent la grotte, des anges à gauche adressent des prières d'adoration, tandis que sur la droite un ange révèle l'événement sacré à des bergers regroupés sur l'extrême droite de l'espace. Symétrique de l'annonce aux Bergers, à droite du panneau, les trois Rois Mages recevant la nouvelle de l'Ange situé au-dessus d'eux, qui leur indique la grotte. Un des trois Rois Mages, debout, présente l'offrande, tandis que les deux autres sont agenouillés. Dans l'Orthodoxie, la fête de l'Épiphanie, le 6 janvier, est la fête la plus importante de la période de Noël.

J) La Purification au Temple :

La fête de la Présentation de Jésus au Temple (tout enfant premier né, mâle, est consacré au Seigneur, selon les prescriptions de l'Exode). L'Enfant Jésus est présenté par Marie, derrière laquelle se tient Joseph ayant dans les mains deux colombes qu'il doit offrir au Temple. K) Le Baptême de Jésus :

La quatrième trompe d'angle est ornée de l'épisode du Baptême du Christ dans le Jourdain par saint Jean Baptiste. Tout en haut, le ciel représenté comme un demi-cercle bleu, bordé d'une auréole blanche, duquel sort la main de Dieu le Père, l'index dirigé vers le bas ; dans le rayon lumineux qui émane du ciel, apparaît une colombe, qui tient dans son bec un rameau. Il s'agit de la colombe du Saint Esprit, qui descend sur Jésus, au moment du Baptême. Au centre de la scène, le Christ plongé dans les eaux du Jourdain. Dans ses eaux, à droite, un petit personnage barbu, regarde le Christ ; il s'agit du Génie du fleuve, motif repris de l'Antiquité païenne. Sur la berge du fleuve, légèrement en surplomb, Saint Jean Baptiste baptise le Christ. L) Le saint Patron de l'église, saint Luc :

Saint Luc est représenté les bras écartés, les mains ouvertes, la paume tournée vers le haut. Il est vêtu de l'habit monastique à capuchon.

M-N) La Mère de Dieu, la Théotokos : Très belle représentation de la Mère de Dieu, Vierge de tendresse tenant l'Enfant Jésus dans ses bras. Mosaïques de l'abside :

L'abside tripartite est également décorée dans ses parties supérieures, de mosaïques. B) Théotokos Hodigithria

Ornant la voûte de l'abside centrale, sur un fond or, la Mère de Dieu est assise sur un trône sans dossier ; ses pieds reposent sur un tabouret, également somptueusement décoré. Vêtue d'un manteau bleu, sur les épaules et le voile duquel sont brodées en or des étoiles, symbole de sa virginité, elle présente, sur ses genoux, l'Enfant Divin aux fidèles qui viennent prier dans l'église. O) La Pentecôte : Toujours sur l'abside centrale est représentée la scène évangélique de la Pentecôte. Au centre, de la colombe de l'Esprit Saint sur un trône, descendent des rayons lumineux qui se terminent en langues de feu qui coiffent les apôtres. La Pentecôte est la descente de

l'Esprit Saint sur la Vierge et les Apôtres ; il leur permettra de parler et de comprendre toutes les langues du monde et d'ainsi diffuser le message évangélique sur toute la terre, dans toutes les tribus et chez tous les peuples de l'univers. P) Daniel dans la fosse aux lions : Jeté par ses ennemis dans la fosse aux lions, le prophète Daniel "est retiré de la fosse, et on ne trouva sur lui aucune blessure, parce qu'il avait eu confiance en son Dieu".

Q) Les Trois Hébreux dans la fournaise :

Mosaïque étonnante de symbolisme iconique : les trois jeunes Hébreux, refusant de sacrifier aux idoles, sont jetés dans une fournaise et y restent indemnes. Ils sont représentés dans le brasier, en position d'oraison, manifestant leur toute confiance en Dieu qui les sauve. La coupole est décorée de la figure du Christ Pantocrator, maître de l'univers ; le tambour, des Archanges Michel, Gabriel, Uriel et Raphaël.

Du katholicon d'Ossios Loukas, par un passage aménagé dans le mur nord de l'édifice, on peut aller directement dans la première église construite au Xe siècle, église dédiée à la Vierge.

Eglise de la Panaghia :

Cette église, aujourd'hui consacrée à la Vierge ou selon l'appellation orthodoxe à la Panaghia, était à l'origine l'unique église du monastère et elle était dédiée à Sainte Barbe. Elle fut commencée en 946 et achevée en 955, seulement deux ans après la mort du saint. Un long bandeau, très décoratif, d'inscriptions en caractères pseudo-coufiques court tout au long de la partie supérieure du mur des absides. Ce genre de décor, tiré de la calligraphie arabe, est très fréquent dans l'art byzantin de cette époque ; la forme des lettres reprend le tracé angulaire des lettres arabes. Cependant, les Byzantins en utilisent, sans valeur signifiante, le dessin, pour sa pure valeur décorative ; d'où l'appellation de décor pseudo-coufique. L'intérieur est à plan cruciforme ; la coupole, à l'intérieur, est soutenue par quatre colonnes à chapiteaux à feuillage, variantes très belles du chapiteau corinthien antique. Ici, la décoration a disparu au cours du temps, comme dans toute l'église. Il faudra cependant admirer l'iconostase (porte-icônes) de marbre blanc.

La crypte : Crypte large ayant la forme d'une croix avec quatre supports. Là était le tombeau de saint Luc et y furent enterrés d'illustres personnages habitant dans la région. Cette crypte est donc une chapelle funéraire où l'on vient vénérer le saint local.

La crypte est constituée d'une nef principale par laquelle on pénètre et d'un sanctuaire, situé perpendiculairement à la nef ; dans le sanctuaire, se trouve l'autel. La crypte est répartie en 14 compartiments. Le tombeau du saint est moderne ; il est situé au fond de la nef principale, vers le nord, en face de l'entrée. Plus remarquables sont les fresques dont les parois de la crypte et les voûtes sont couvertes. La date de leur exécution remonte à la construction du bâtiment, au XIe siècle.

- la Cène : sur le mur du sanctuaire, près de l'autel. Les apôtres sont assis autour d'une table semi-circulaire. - l'Incrédulité de Saint Thomas, est d’un style assez différent de la mosaïque de l'église. -·La Descente de croix : au-dessus du tombeau, peut-être impérial, se trouve la plus belle représentation picturale de la crypte. La scène est représentée sur un fond bleu foncé sur lequel se détache la croix. Nicodème vient d'enlever les clous des mains du Crucifié et se penche pour retirer des pieds de Jésus les clous. Marie est dans le coin gauche, a la même position que dans la fresque de la Crucifixion. Elle touche doucement la main droite de son fils.

Vie monastique : Les moines suivaient une règle austère et consacraient beaucoup de leur temps à la méditation et à la prière, mais ils devaient aussi effectuer tous les travaux manuels nécessaires à leur subsistance. Notamment, dès l’origine, le monastère a possédé de vastes espaces agricoles qu’il s’agissait de mettre en valeur, et, parmi les produits de la terre, l’olive tenait une place essentielle. Dans l’enceinte du monastère, on peut donc voir toutes sortes de bâtiments annexes destinés aux travaux spécialisés, boulangerie, atelier de couture, tonnellerie, fabrique d’huile d’olive, avec ses pressoirs en pierre et ses jarres de terre cuite. L’huile est en effet essentielle pour bien des usages. Tout d’abord la nourriture des moines, des pèlerins, des voyageurs. Par ailleurs, elle constituait l’unique moyen d’éclairage, sans compter les innombrables petites lampes du culte. Et puis, en onction, on lui connaît des vertus curatrices que la science moderne ne nie pas. Enfin, dans les résidus de la presse, les noyaux d’olives étaient récupérés comme combustible dans les cuisines et dans les quelques pièces chauffées.