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14 juillet 2007 Islamabad, capitale pakistanaise sous tension Bonjour à tous, voir à la télé le défilé du 14 juillet avec son cortège d'uniformes, des garde-à-vous impeccables devant le nouveau président français, regarder toutes les troupes de l'armée française qui, dans une gestuelle extrêmement codifiée, descendent cette avenue qu'on dit la plus belle du monde, avec comme fond sonore l'écho grésillant du haut parleur voisin qui appelle les fidèles à la prière, bref tout cela était d'une cocasserie dont je me suis amusée durant tout le "chant" du muezzin ! Dehors la chaleur accablante me donne rapidement la sensation de suffoquer ; les rues d'Islamabad sont brulantes le jour et inondées le soir. Le Pakistan souffre depuis quelques semaines de l'inclémence d'une saison très perturbée. Au Sud-ouest du pays, plus de 6000 villages du Baloutchistan, ont été ravagés par les récentes inondations alors que cette terre est parmi les plus arides et les plus sèches du monde. Islamabad, la capitale du pays, a vu, avant hier soir, des vents d'une violence inouie, avec des rafales à plus de 148km/h et qui l'ont soudainement plongée dans un nuage de poussière opaque. Le lendemain matin, ça et là des tôles gisaient et des centaines de branches barraient encore trottoirs et ruelles, et plusieurs voitures écrasées sous le poids d'un arbre, témoignaient de l'intensité de cette "mini" tempête. Plus au Nord, sur la route du Karakorum Highway (KKH) plusieurs glissements de terrain ont bloqué le passage. Après 6 jours de fermeture, la KKH est rouverte et je devrais l'emprunter lundi ou mardi pour me rendre dans le Nord du pays. A ces difficultés météorologiques s'ajoutent d'importantes tensions au sein de la population pakistanaise qui fragilisent encore un peu plus la stabilité du régime de Mousharraf, le chef d'Etat. Bien sûr ces tensions ne sont pas récentes, elles existent même depuis la création du Pakistan, en 1947. Au sein de cette nation hétérogène, les différentes communautés ethniques, dont le seul dénominateur commun est la foi en l'islam, n’ont jamais réussi à cimenter une véritable et totale cohésion. Le "11 septembre" est passé par là ! Et après lui, son cortège de contestations de la part de la population à l'égard des choix politiques de Mousharraf (alignement derrière les Etats-Unis, guerre active contre les extrémistes et les terroristes...) Désormais ce dernier doit faire face à une contestation d'une ampleur sans précédent qui était déjà monté d'un cran après le bombardement pakistano-etatsuniens d'une madrasa (école coranique) dans la région de Bajaur, au Sud de Peshawar (ville frontière avec l'Afghanistan) il y a moins d'un an, faisant près de 90 morts, parmi lesquels de nombreux enfants. Les partis islamistes et fondamentalistes, rassemblés autour du puissant parti MMA, règnent en maître depuis déjà plusieurs années dans les territoires tribaux, mais aussi en Baloutchistan (plus grande province du pays) et sur une partie des territoires des "Northern Areas"... Cette islamisation gagne peu à peu du terrain au Pakistan et l'on parle aujourd'hui de "talibanisation" qui n'épargne plus Islamabad. Après les récents événements sanglants dans la mosquée rouge, tout le pays est en alerte et le régime gouvernemental intensifie sa sécurité et accroit ses forces de sécurité un peu partout. Mais malgré cela, malgré l'appel quotidien du parti du MMA à la protestation, à une activité vangeresse, les habitants d'Islamabad semblent peu soucieux. Le soir, lorsque le thermomètre n'affiche plus que 26 degré, les trottoirs s'animent, les tables de restaurants se remplissent, dans une gaieté gourmande, et les femmes, dans une démarche indolente et toujours très

2007 - Voyage au Pakistan et en Chine - Traversée du Tibet à vélo

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Ce voyage, mon premier à vélo, a été l’une de ces rencontres majeures avec vous-même qui vous chamboulent de manière impérissable ! Au retour de ce périple, je n’étais plus la même ! L’isolement total des lieux traversés, la solitude et le silence qui vont de pair, m’ont forcé à une sorte de retranchement à l’intérieur de moi-même. … 3000 kilomètres de poussière, de sable, de tôle ondulée et quelques rares portions d’asphalte, 30 cols qui vous font côtoyer les plus hautes altitudes puisque tous dépassent les 4000 mètres et, pour certains, les 5000 mètres ! Peu de ravitaillement, etc… … Mais… des paysages à couper le souffle, une nature profonde et sauvage, de vibrantes émotions devant les antilopes et gazelles tibétaines, l’enchantement au sommet de chaque col où le vent balaye vos pensées autant qu’il frappe ces milliers de drapeaux votifs et colorés…

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14 juillet 2007

Islamabad, capitale pakistanaise sous tension Bonjour à tous, voir à la télé le défilé du 14 juillet avec son cortège d'uniformes, des garde-à-vous impeccables devant le nouveau président français, regarder toutes les troupes de l'armée française qui, dans une gestuelle extrêmement codifiée, descendent cette avenue qu'on dit la plus belle du monde, avec comme fond sonore l'écho grésillant du haut parleur voisin qui appelle les fidèles à la prière, bref tout cela était d'une cocasserie dont je me suis amusée durant tout le "chant" du muezzin ! Dehors la chaleur accablante me donne rapidement la sensation de suffoquer ; les rues d'Islamabad sont brulantes le jour et inondées le soir. Le Pakistan souffre depuis quelques semaines de l'inclémence d'une saison très perturbée. Au Sud-ouest du pays, plus de 6000 villages du Baloutchistan, ont été ravagés par les récentes inondations alors que cette terre est parmi les plus arides et les plus sèches du monde. Islamabad, la capitale du pays, a vu, avant hier soir, des vents d'une violence inouie, avec des rafales à plus de 148km/h et qui l'ont soudainement plongée dans un nuage de poussière opaque. Le lendemain matin, ça et là des tôles gisaient et des centaines de branches barraient encore trottoirs et ruelles, et plusieurs voitures écrasées sous le poids d'un arbre, témoignaient de l'intensité de cette "mini" tempête. Plus au Nord, sur la route du Karakorum Highway (KKH) plusieurs glissements de terrain ont bloqué le passage. Après 6 jours de fermeture, la KKH est rouverte et je devrais l'emprunter lundi ou mardi pour me rendre dans le Nord du pays. A ces difficultés météorologiques s'ajoutent d'importantes tensions au sein de la population pakistanaise qui fragilisent encore un peu plus la stabilité du régime de Mousharraf, le chef d'Etat. Bien sûr ces tensions ne sont pas récentes, elles existent même depuis la création du Pakistan, en 1947. Au sein de cette nation hétérogène, les différentes communautés ethniques, dont le seul dénominateur commun est la foi en l'islam, n’ont jamais réussi à cimenter une véritable et totale cohésion. Le "11 septembre" est passé par là ! Et après lui, son cortège de contestations de la part de la population à l'égard des choix politiques de Mousharraf (alignement derrière les Etats-Unis, guerre active contre les extrémistes et les terroristes...) Désormais ce dernier doit faire face à une contestation d'une ampleur sans précédent qui était déjà monté d'un cran après le bombardement pakistano-etatsuniens d'une madrasa (école coranique) dans la région de Bajaur, au Sud de Peshawar (ville frontière avec l'Afghanistan) il y a moins d'un an, faisant près de 90 morts, parmi lesquels de nombreux enfants. Les partis islamistes et fondamentalistes, rassemblés autour du puissant parti MMA, règnent en maître depuis déjà plusieurs années dans les territoires tribaux, mais aussi en Baloutchistan (plus grande province du pays) et sur une partie des territoires des "Northern Areas"... Cette islamisation gagne peu à peu du terrain au Pakistan et l'on parle aujourd'hui de "talibanisation" qui n'épargne plus Islamabad. Après les récents événements sanglants dans la mosquée rouge, tout le pays est en alerte et le régime gouvernemental intensifie sa sécurité et accroit ses forces de sécurité un peu partout. Mais malgré cela, malgré l'appel quotidien du parti du MMA à la protestation, à une activité vangeresse, les habitants d'Islamabad semblent peu soucieux. Le soir, lorsque le thermomètre n'affiche plus que 26 degré, les trottoirs s'animent, les tables de restaurants se remplissent, dans une gaieté gourmande, et les femmes, dans une démarche indolente et toujours très

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apprêtées dans de chatoyants salwar kamiz, continuent d'arborer de magnifiques chevelures. Chaque mèche de cheveux flottant librement au vent est un "pied-de-nez" aux volontés islamistes galopantes qui les menacent de mort si elles ne portent pas la burqa. Depuis quelques jours, je suis installée dans un quartier moderne d'Islamabad et passe de longues heures oiseuses à attendre un véhicule qui m'emmènera au cœur du Karakorum (2ème plus haute chaine montagneuse au monde, après l'Himalaya)... En effet pour me rendre à Karimabad, gros village perché dans la haute et belle vallée de la Hunza, je veux éviter les transports publics car je suis très chargée ! Ce projet qui a, peu à peu, germé en moi depuis cette 1ère visite, l’an passé, sur une toute petite portion de cette même piste, aidé par la rencontre d'autres voyageurs cyclistes, comme Sébastien FOURURE dont je vous recommande le site internet : www.sebfourure.tk, site que je n’ai volontairement visité que quelques minutes pour ne rien enlever au caractère incertain et "aventurier" du voyage, bref ce projet à vélo ne se serait pas fait cette année sans l'aide précieuse et inégalable d'Hervé, mon oncle, qui a passé de longues et patientes journées à chercher LES bonnes pièces pour monter ce VTT qui selon certains spécialistes en la matière (Christian et Patricia, de retour au pays après plusieurs milliers de kms à pédaler à travers le monde) apparait comme... excellent ! C'est également Hervé qui m'a "formée" à la mécanique du vélo (aie!aie!aie!) durant tout un après-midi ensoleillé...et c'est Manu (Dct Vertical) qui m'a conseillé pour tout l'aspect médical (je ne me gratte pas encore Manu !!!) Il aura fallu également d'autres longues heures à tracasser le personnel toujours affable des "Vieux Campeur" de Sallanches et de Lyon. Un grand merci pour l'aide généreuse de Fréderic et d'Isabelle, pour la patience et la bienveillance de Thierry, Alex, Franck... Enfin, j’emporte avec moi, le soutien chaleureux et indispensable de toute ma famille (pauvre petite maman, que de soucis cette fille...) et de tous les potes qui ne manqueront pas de m'encourager, je le sais, pendant tout ce périple un peu fou... Et en dernier lieu, j’ai une pensée très particulière pour celui qui est reste enthousiaste jusqu'à la dernière minute avant mon départ alors que nous réalisions tous les deux combien nous nous aimons et combien cet éloignement de longue durée (retour prévu le 25 novembre) allait être difficile pour cette relation naissante... Je vous dis à très bientôt et, à tous, portez-vous bien. Grosses bises et bon été et bon automne. KARINE N.B: il m'aura fallu 2 heures pour tout taper, c'est pourquoi je ne tarderai pas à passer le relai à maman !!!!

Pour ceux que je n'ai pas pu contacter avant mon départ (et qui voudront bien m'en excuser), je veux leur dire que cette année, je souhaite à nouveau "reconnaître" quelques itinéraires de trekking au Pakistan, après quoi, je passerai une nouvelle fois la frontière sino-pakistanaise, à hauteur du col du Khunjerab, pour me rendre à Kashgar, puis Kargilik qui sera mon point de départ pour un long périple à vélo qui -inch'allah- devrait me conduire jusqu'à Lhassa au Tibet, par une piste longue entre 2500kms et 3000kms et "offrant" (ça ne sera sans doute pas toujours considéré comme un cadeau!!!) plus d'une trentaine de cols, à plus de 4000 et 5000 mètres !!.........

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19 juillet 2007

La Karakorum Highway, une route incroyable !

Bonjour à tous, Voici 2 jours que j'ai quitté Islamabad et ses quartiers ombragés et superbement fleuris, ses rues parfaitement perpendiculaires qui aèrent la ville, unique en son genre dans tout le Pakistan. J'y ai laisse Ishaq, devenu au fil des ans et de nos rencontres, un ami, rempli de sollicitude à mon égard. Il souffre malheureusement d'un problème à la jambe, depuis quelques semaines, problème dont il ignore la cause mais qui l'empêche de se déplacer normalement. C'est donc en jeep que j'ai quitté Islamabad et emprunter la route nommée "Karakoram Highway" (KKH). Cette route relie sur plusieurs centaines de kilomètres les villes d'Islamabad et de Kashgar, en Chine. Relativement récente (moins de 30 ans), elle laisse derrière les plaines échauffées du Punjab, puis s'élève peu à peu à travers les collines et les montagnes déboisées du Kohistan pour rejoindre et suivre les gorges profondes du fleuve Indus jusqu'à un peu avant Gilgit. Là, se faufilant toujours à travers les massifs du Karakoram, elle s'élève encore, à l'ombre de géants enneigés : Nanga Parbat (8126 mètres), Mt Haramosh (7397m), Rakaposhi (7788m), Diran (7257), Hunza Peak (7785m), Shispare (7611m), etc... Avec Gulchiel, le chauffeur, nous avons mis pas moins de 20h pour rejoindre la petite ville de Karimabad ! 20 heures interminables, erreintantes pour le dos, usantes pour les nerfs, brulantes sous un soleil de plomb... La KKH est une véritable prouesse si l'on considère les régions rocailleuses et terriblement accidentées qu'elle traverse. Son goudron, en revanche, n’a guère résisté à la rigueur des hivers, aux innombrables chutes de pierres, éboulements de terrain et autres affaissements. Ainsi, sur de nombreuses portions, la route devient une piste étroite et sablonneuse, caillouteuse, menaçante et dangereusement exposée aux chutes d'énormes blocs de pierre instables. Dans le Kohistan, à quelques heures d'Islamabad, la route traverse plusieurs gros bourgs qui continuent de se reconstruire, après le terrible tremblement de terre d'octobre 2005 qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts dans cette région et celle, voisine, de l'Azad Cachemire.

Délaissant un paysage tourmenté, rétrécie au milieu de pics vertigineux et de pentes abruptes, la KKH retrouve un relief plus doux et ouvert au niveau du col du Khunjerab (à plus de 4800m) qui marque la frontière entre le Pakistan et la Chine. A partir de là, sur un asphalte aussi lisse que rectiligne, la route vous emmène dans un décor enivrant et silencieux. Encore étourdi par les spectaculaires sommets pakistanais aux altitudes vertigineuses et aux allures divines, l’on est à présent ébahi par l'immensité des lieux, la douceur des formes arrondies des montagnes du Pamir, parsemées ça et là , de milliers de yaks, chameaux, chèvres et moutons, ceux-là mêmes qui seront vendus sur les marchés très animés et pittoresques de Kashgar ...

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La vie y a repris ses droits, la nature aussi. Les nombreux campements qui ont abrité les populations déplacées et refugiées, ont largement disparu, comparé à l'an passé. Il reste néanmoins quelques centres médicaux d'urgence et de plus en plus rares ONG œuvrant à la reconstruction des écoles. Beaucoup de tentes qui avaient été largement distribuées aux populations affectées, ont aussi disparu, mais il en reste un nombre surprenant et elles servent désormais comme entrepôts et "granges"... Dans les villages du Kohistan, les regards que je croise, sont peu chaleureux pour l'occidentale que je suis ! Sans euphemisme, je dirai plutôt qu'ils sont du genre belliqueux !! Il faut dire que cette région avec celles des territoires tribaux Waziristan, Bajaur (toutes situées à la frontière afghane) fournit ce qu'il y a de plus fondamental, extrémiste en matière de mollah !.. Ces derniers, usant d'un prosélytisme fervent et acharné, réveillent les pires haines et emportent dans leur absurdité sans fin, dans leur atrocite, des populations enhardies par leur discours délétère. Mais la vue sur le Nanga Parbat -"the Killer mountain" comme ils la nomment ici - et ses neiges éternelles balayées par des vents puissants, la vue de ce géant, peu avant le bourg de Chilas, accapare mes pensées autrement. Le paysage est superbe et la route jusqu'à Gilgit est en bien meilleur état. La nuit est tombée peu avant Gilgit et un ciel étoilé à veillé sur nous...sur Gulchiel surtout qui gardait cet air impavide et opiniâtre à la tâche : m'emmener jusqu'à bon port. Nous avons traversé la ville de Gilgit et ses nombreux barrages militaires où il faut s'arrêter à chaque fois afin de remplir de lourds registres qui me font perdre patience à cette heure avancée de la nuit ! Gilgit est une ville stratégiquement située à la croisée des chemins qui vont en direction de tous les points cardinaux : à l'Est, une route effroyablement sinueuse mène au Baltistan, séparé de l'Inde par une ligne de cessez-le-feu imposée en 1949 et qui devrait s'ouvrir prochainement aux populations locales. A l'Ouest, une autre route en piètre état serpente sur les flancs des massifs de l'Hindu Raj et, passe le magnifique col du Shandur, sur ceux de l'Hindu Kush, tout proche alors de l’Afghanistan. Au Nord, la KKH continue jusqu'en Chine et, au Sud, les plaines chaudes et humides du Punjab... Gilgit est poussiéreuse, constamment agitée par les rixes et tensions entre communautés chiites et sunnites qui débordent dans d'innombrables règlements de compte sanglants. Il y a 3 ans, les tensions étaient telles, les communautés ne comptant plus leurs morts (une quinzaine en à peine 10 jours), que les autorités locales décidèrent d'instaurer un couvre-feu qui devait durer prés de 3 semaines et pendant une partie desquelles je me suis trouvée forcée de ne pas quitter la guesthouse et attendre la réouverture de la ville !! Malgré cela, Gilgit est une petite ville que j'aime bien. J'y ai fait des rencontres chaleureuses, riches d'échanges et de conversations passionnantes (avec les sunnites notamment). J'aime flâner dans se bazars animés où l'on trouve presque tout, où l'on croise de multiples visages aux traits si différents. Ici, le négoce est roi et les étales des magasins croulent sous les articles "made in China" ! Chaque année, ici, se déroule un festival de polo (sport hautement considéré dans les territoires du Nord) assez spectaculaire et qui enflamme toute la ville. Avec Gulchiel, nous avons passé notre chemin et c'est à 2h du matin, qu’épuisés, nous sommes arrivés à Karimabad. Je retrouvais "ma" petite chambre, la même depuis 3 ans, logée dans l'unique famille chiite du village habité (à 99% donc) d'ismaéliens, autre branche, plus modérée de l'Islam. A très bientôt pour la suite... j'ai le poignet droit en feu et il se fait très tard ! Portez-vous bien et je vous envoie mes plus grosses bises. KARINE

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20 juillet 2007

Asalam alaikoum à vous tous... demain les montagnes ! enfin !

Bonjour à vous tous, Dans le jardin de la guesthouse, le cerisier donne ses dernières cerises et les abricots se teintent doucement de cette couleur parfaite qui donne envie de les manger. Sur les toits plats des maisons, sur les murets de pierre, ils sèchent au soleil et une légère odeur d'alcool fruitée s'exhale un peu partout dans Karimabad. L'abricotier, le pommier mais aussi le peuplier sont les arbres roi de toutes ces oasis fertiles que comptent les hautes vallées du Karakorum. Elles paraissent bien fragiles au milieu de cette minéralité outrancière. Entre chacune, ce ne sont que des déserts de pierre, des montagnes de roches, des glaciers suspendus et d'autres qui s'invitent jusqu'à la route KKH. Mais, à force d'opiniâtreté, de pugnacité, l’homme des hautes vallées pakistanaises s'est installé au milieu de ces montagnes de cailloux et de glace. Il est allé chercher, parfois jusqu’à très loin, l’eau nourricière. Il l'a canalisée, par des ouvrages qui forcent mon admiration. Et sur ces terres rarement plates, il a épierré, épierré encore pour faire de ces mêmes terres, ses terres arables qui l'ont vu s'installer là, depuis si longtemps, à l'ombre des fruitiers qui s'enflamment dans de vives et chatoyantes couleurs automnales dès la fin septembre. Depuis 3 jours que je suis à Karimabad, le soleil n'a pas cessé de chauffer les jardins et les maisons ; il n'y a d'ailleurs que très peu d'air et cette chaleur estivale alanguit tout ce petit monde, ici... Il est temps pour moi de repartir pour aller retrouver les alpages, les cols et les moraines de glacier, et côtoyer de plus hautes altitudes. Je pars demain rejoindre la vallée de Chapurson afin de commencer un trek qui longe les frontières afghanes (Corridor de Wakhan). Avec un local pakistanais, nous traverserons 3 cols dont un à plus de 5000 mètres et serons en complète autonomie pendant 9 jours. Je me réjouis déjà de pouvoir enfin dormir à la "belle" ou sous la tente, ca dépendra des étoiles...! En attendant de vous redonner de mes nouvelles et de recevoir les vôtres, je vous envoie de grosses bises. A tous, portez-vous bien et à bientôt. KARINE

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02 Août 2007

Nouvelles de la "trekkeuse"… par sa maman Bonjour à tous, Karine est revenue de son trek puisqu'elle m'a contactée mardi matin par téléphone mais, depuis, elle n'arrive pas à se connecter sur Internet et m'a donc demandé de vous envoyer ce petit message. Elle doit refaire une tentative de connexion dans la journée pour lire les mails que certains lui ont envoyés et tenter de vous transmettre un courriel avec plus de détails que je ne vais le faire. Son trek a été difficile mais elle est enchantée ; c'est, d'après elle, ce qu'elle a vu de plus beau. Par contre, les conditions météo étaient au froid et même à la neige ; elle a beaucoup apprécié la tente qu'elle a achetée avant de partir (merci donc au Vieux Campeur pour les conseils... je sais donc que ma fille est à l'abri du froid !!! et c'est rassurant pour la maman que je suis...) et son équipement. Ce qui n'était pas le cas pour son guide et les deux porteurs qui l'accompagnaient. Par contre, elle a dû faire un secours... l'un des porteurs est tombé dans une crevasse 3 mètres plus bas et cela n'a pas été facile. Des blessures importantes à la main en particulier (il aurait fallu recoudre...) ce qui a décidé Karine à le renvoyer immédiatement pour se faire soigner. Elle n’a donc continué qu'avec le guide et le chargement était lourd à porter. Elle aurait perdu de 2 à 3 kg !!! Mais elle est enchantée et j'espère qu'elle pourra vous écrire elle-même toutes ses impressions et surtout dans un style bien meilleur que le mien... J'ai pu discuter téléphoniquement hier matin et ce matin mais les communications ne sont pas toujours faciles ; je pense la rappeler demain matin en espérant qu'il n'y aura pas de coupure comme c'est souvent le cas. Elle pense gagner Kashgar vers le 7 août et commencer à pédaler vers le 10 août. Après, les nouvelles se feront très rares !!! ... Je transmets à vous tous, de sa part, plein de bonnes choses et j’ajoute mes grosses bises à tous ceux de la liste que je connais personnellement. A bientôt peut être si Karine ne peut arriver à se connecter. Sa Maman Evelyne

Depuis, elle reste à Karimabad au milieu de tous ses amis Pakistanais, à se reposer, lire, laver son linge, se balader et discuter avec des gens de rencontre dont la Canadienne, Tesha, qui doit emprunter la même route qu'elle en Chine, des Français d'Ardèche, à qui elle a confié des pellicules photos, des livres, son MP3 dont elle a malencontreusement effacé les enregistrements !!!, le tout pour s'alléger un maximum avant de commencer son périple en vélo.

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04 Août 2007

Les Wakhis du Nord Pakistan Bonjour à tout le monde, Je sors à l'instant de table et comme à chaque fin de repas que je mange depuis 4 jours que je suis rentrée à Karimabad, je suis complètement repue ! J'ai l'abdomen étriqué sous la peau du ventre bien tendue, merci petit... non Jésus n'y est pour rien, c’est Shequill, le cuisinier de la guesthouse qui me prépare quantité de plats délicieux. Et je me "bâfre" de gargantuesques assiettes de frites, curry de légumes, riz, dhall (lentilles), salades à la menthe et autres grasses pommes de terre suintant l'huile chaude et parfumée de "chat masala". Tout ce qui me passe sous les yeux et de comestible (excepté la viande bien sûr) j'en fais mon affaire, je me gave telle une oie que l'on gave méchamment avant Noël et qui finira dans l'assiette de la St Sylvestre... C'est la course aux kilos ! 3 se sont fait la malle pendant mon trek, les bougres, je vais les rattraper et au passage, si je peux en récupérer quelques autres de plus, ca sera tout bénef' pour la suite ! En guise de dessert sucré et, à la place du carré de chocolat noir que je savoure d'ordinaire en France, ce qu'il y a encore de mieux ici c'est le "KitKat" ! Mais attention, le KitKat pakistanais est halal et l'emballage stipule : "the contents are free from products of haram animals..." Allez, va pour le KitKat halal, je m'en fais deux ! Merci Nestlé ! Merci les Suisses ! Vous êtes décidément partout. Et ici au Pakistan, vous avez aussi le monopole des ventes en matière d'eau potable en bouteille en plastique. Ah! Cette chère bouteille de plastique transparent, elle est partout, dans les supermarchés des villes jusqu'aux plus petites échoppes de campagne et même en montagne ! Ici, dans la vallée de la Hunza, son emballage vide ne pose encore pas trop de problème, car pour tout bon musulman ismaélien qui se respecte, on fabrique et boit la fameuse " Hunza water" ! Mais cette eau la n'a pas tout a fait la couleur angélique de l'eau d'un ruisseau, elle n'a ni sa fraicheur, ni son gout pur et vous l'aurez sans doute compris, la "Hunza water" n'est pas à faire passer entre toutes les mains, surtout pas celles des enfants et des gorges délicates ! Cet alcool tord-boyaux est conserve dans les bouteilles de plastique et cette année, le litre et demi se vend jusqu'à 500 roupies (l'équivalent de 6 euros), un prix relativement élevé du a une demande plus importante que l'offre étant donné que depuis le début juillet dernier, et pour un an, les Ismaéliens célèbrent la cinquantième année de règne de leur 49eme Imam, le prince Agah Khan. Alors, partout dans les villages, on célèbre ce "Golden Julbilee" et la "Hunza water" coule plus abondamment que d'habitude ! C'est par mon ami Ishaq Ali que j'ai pu rencontrer Nigaban Shah qui m'a accompagné durant tout le trek. Nigaban habite la région du Gojal, au nord de la vallée de la Hunza et cumule, sur 6 mois de l'année, deux métiers : il s'occupe des taxes douanières des produits venant de Chine et arrivant à Sost, dernière bourgade pakistanaise avant la frontière et il guide en montagne des groupes ou des journalistes intéressés par le corridor de Wakhan, en Afghanistan. Partis ensemble depuis le village de Karimabad, nous avons emprunté la Karakoram Highway jusqu'à la bifurcation pour la vallée de Chapurson, avant-dernière vallée habitée avant le col du Khunjerab qui marque la frontière sino-pakistanaise. La toute dernière vallée habitée, c’est celle de Misgar, village niché au dessus de gorges profondes et abruptes et qui fut pendant longtemps l'un des seuls passages possibles entre les territoires de Chine et ceux des Indes britanniques, puis du Pakistan. La construction de la KKH s'est achevée seulement en 1978 ; les cols du Mintika et du Kilik, au fin fond de la vallée de Misgar, ont donc été largement empruntés, et jusqu'à récemment,

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par de nombreux voyageurs et caravanes, ils font partie de l'Histoire, celle de la Route de la soie, ils ont vu Ella Maillart en 1935 et son compagnon de route, Peter Flemming... La vallée de Chapurson, quant à elle, s'étire le long d'un chapelet de 9 petits villages que traverse une piste caillouteuse qui s'est construite à la va-vite, en 1983, en pleine guerre afghano-soviétique. Le gouvernement pakistanais, craignant alors les velléités d'extension de l'armée soviétique, décida l'installation de camps militaires et en facilita leur accès par cette nouvelle piste. La vallée de Chapurson abrite une population d'environ 3000 Wakhis (prononcez "ouaris") qui font pousser des pommes de terre, du blé et du trèfle qui nourrit leur bétail : chèvres, moutons, vaches et yaks. Le wakhi appartient au groupe de langues persanes et c'est assez amusant de les entendre dire "techekour" pour "merci", exactement le même mot utilisé en Turquie. Nigaban est lui-même Wakhi et c'est dans sa maison que nous avons dormi, la veille de notre départ de trek. Sa maison est faite en terre mélangée à de la paille, le plafond relativement bas, sans fenêtre. L'unique ouverture se situe au centre du toit et doit pouvoir laisser sortir le conduit du foyer, mais le seul foyer en fonction se situe dans une autre plus petite pièce attenante : la cuisine ou les familles passent la plupart de leurs journées et de leurs soirées et qui, l’hiver, constitue le seul lieu de vie. Nigaban est fier de me montrer les différents prix scolaires de ses enfants. Dans les écoles Agha Khan, leader religieux des Ismaéliens, on récompense les bons élèves et les meilleurs d'entre eux peuvent prétendre aux meilleures écoles du pays, à Karachi, dans le sud, dans les écoles de cette même communauté. Ces écoles sont payantes mais offrent un bien meilleur niveau d'enseignement que les écoles publiques qui ont si peu de moyen financier, à peine de quoi payer une misère des professeurs qui préfèrent bien souvent cumuler un autre travail et qui explique leur absentéisme dans les classes ! Autour d'un "chai", nous avons décidé, Nigaban et moi, de louer les services de 2 porteurs au moins pour nous aider à passer le 1er col, le Chilinji, à 5160metres d'altitude, après quoi ils nous quitteront... C'est donc à 4 que notre petite caravane s'est mis en branle le lendemain matin pour les montagnes de l'Hindu Kush... Ce "voyage" reste pour moi l'un des plus beaux, les paysages sont à couper le souffle et toutes ces montagnes sont habitées pendant la belle saison par diverses populations, sunnites et ismaeliennes, qui enmontagnent avec leurs bêtes... Mais les conditions dans lesquelles nous avons fait ce trek n'étaient pas idéales. Ce trek qui se fait d'ordinaire en 10 à 12 jours, nous l'avons fait en à peine 7 jours ! C’est vous dire les longues journées de marche que l'on a pu faire ! Avant le col du Chilinji, nous avons eu 2 jours de pluie continue, et avons trouvé du coup 30 à 40cm de neige fraiche qui recouvrait traîtreusement les crevasses... et l'accident est arrivé... mais je vous raconterai tout cela au prochain courriel car mes yeux fatiguent devant écran lumineux. Pour diverses raisons, j’ai donc décidé de m'en aller plus tôt du Pakistan pour commencer aussi plus tôt mon voyage en vélo... Je vous dis donc à tous à très bientôt. Portez vous bien et avant de vous laisser pour de bon, je voudrais remercier tous ceux qui m'ont écrit pendant mon trek et que j'ai eu beaucoup de plaisir à lire. Merci pour vos chaleureux messages, pour vos encouragements

Les Wakhis constituent un groupe ethnique très intéressant. Ils sont originaires de la région du Wakhan, dans l'actuel Afghanistan, mais on les retrouve dans toute l'Asie centrale, et particulièrement, au Tadjikistan, dans le Xinjiang chinois, mais aussi en Iran... Ce sont des musulmans ismaéliens parlant le Wakhi, une langue qui ne ressemble pas aux autres idiomes d'Asie centrale parlés notamment par les Ouigours du Xinjiang, les Kirghizes ou encore le Kazakhs.

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Je vous envoie de grosses bises KARINE P.S dans le désordre, je voudrais remercier particulièrement : - Ma petite mère : j'adore lire toutes les nouvelles de la maison, comment va ta nouvelle coupe de cheveux ? ! - Cédric : passe de bonnes vacances frangin, éclate-toi bien - Riccardo...que ta voix est douce au téléphone......... - Patrick : merci mon tonton pour ce long mail auquel tu auras très vite une réponse. L'année prochaine, let’s go here! - Marie : je pense très fort à toi et profite bien de la chaleur parisienne que tu aimes tant... - Sandra : merci cousinette pour ton long message, ramène moi de beaux récits d'Afrique et fais attention à toi - David : un très grand merci pour ces news qui m'ont beaucoup amusé, non je n'étais pas cachotière le we de famille ! Embrasse Sandra - Marie-Claude et jojo : promis je le ferai ce diaporama dès mon retour. Bisous à toute la famille - Malika : prends toi un grand bol d'air en Sicile et fais quelques brasses pour moi. - Sylvie : que tes messages sont bons et plein d'énergie très bientôt - Bene... ma très chère Bene : bon emménagement et bisous a vous 3 - Didine : merci pour toutes tes pensées et bisous à tes hommes - Manu : merci pour l'ange gardien, je l'ai pris et le garde bien au chaud prés de moi...toujours pas malade et je ne me gratte pas !!! - Karine : je t'embrasse fort, bon courage à Emma... - Pascal : merci pour ce message très chaleureux, bon été et pense à manger quelques rochers Suchard pour moi, je pense bien à toi - Ludivine : bravo ma belle pour ce poste, mais dis donc où loges-tu ? - Sandrine, Hugo et Lilo...bonjour les Houchards, continuez de me donner des nouvelles - Sandrine : d’énormes bisous à ma caissière préférée....et oui tout arrive un jour..!!! - Fanny : bon courage au boulot avant ton grand départ ! - Fred : merci et profite toi aussi du voyage au Pérou et de celle qui je l'espère pourra bientôt te rejoindre. - Claire et Bertrand : câlinez bien mon gros Maxou et courage pour les travaux - Greg : gros bisous à tous les 2 et attention à toi en montagne - Nicole et Jean-Louis: vous m'avez fait rêver alors à mon tour !! J’espère à très bientôt en France ou au détour d'un coin du monde... - Franck Lafontaine : bravo pour ce périple à Madagascar, l'année prochaine, le Tibet?? - Philippe : J'adore tes messages, laisse les délirer encore plus tout cela est très bon ! Bonne saison d'été -Sylvie et Michel: je vous envoie plein d'Asalam alaikoum, vous qui étiez la il y a si peu de temps... - Et enfin je tiens à remercier particulièrement Elise et Matt pour ce petit sac laissé a la guesthouse et qui m'a fait un effet ...pas possible ! De l'huile d’olive, quel bonheur, et le cacao, trop fort. Merci. Bon retour a tous les deux, je vous embrasse et vous dit, pour sur, à très bientôt à Chamonix !

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11 Août 2007

Aux frontières du corridor afghan de Wakhan ''Yarchemossez'', ca c'est la version ouighoure de Bonjour... à tous ! Quelques désagréables incidents ont précédé mon arrivée dans la ville de Kashgar, en Chine. Mais je me sens tellement à mon aise dans cette ville ouighoure qui semble encore vouloir résister à une totale submersion dans le modernisme et l'agitation chinoise, que j'ai bien vite chassé de mon esprit cet épisode de cette dernière nuit au Pakistan, quand, malade à crever, je vomissais des heures durant ce ''poison'' de viande qu'on avait mélangé, bien malgré moi (et mon estomac végétarien) dans mes légumes ! Chassé aussi cet épisode des 5 heures d'attente, un peu avant les 1ers lacets qui s'élèvent en direction du col du Khunjerab, parce que le bus, dans un boucan invraisemblable, avait cassé sa courroie ! Et c'était juste après une très mauvaise chute dans une rivière qu'une partie des passagers avait du traverser à pied pour alléger le bus qui n'y parvenait pas... Dans ma chute, je me suis ouvert le genou et aujourd'hui la plaie, assez profonde, prend son temps pour se refermer ! Mais pour l'heure, laissez moi vous replonger dans les montagnes pakistanaises et me remémorer avec vous ces splendides paysages. Nigaban, avec qui j'ai partage le trek, a été d'une complaisance exemplaire. Je l'ai vu endurer, tout comme pour moi, ces longues heures de marche - jusqu'à 10 heures pour certains jours - rendues difficiles par le portage de nos sacs à dos et si peu récompensées par nos maigres et insipides repas du soir et pour ainsi dire l'unique repas de la journée ! Les 3 premiers jours pendant lesquels nous étions accompagnés par 2 porteurs n'ont guère été plus faciles. D’abord parce que le ciel nous était peu favorable ; une pluie fine, puis plus abondante au fur et à mesure de notre élévation, n'a cessé de nous refroidir. Notre élévation, justement... elle a été très rapide ; c'est au matin du 3ème jour de marche que nous atteignions le col du Chilinji à 5160m, après plusieurs dizaines de kilomètres depuis le village d'Ispenji (3300m). Enfin l'inclémence du ciel des quelques jours qui avaient précédé notre arrivée sur le glacier du Chilinji, avaient fini par déposer prés de 40cm de neige fraiche... suffisant pour recouvrir les crevasses... C'est ce même matin du 3ème jour, sous un soleil clair et déjà réchauffé par les rayons du soleil, que Nasa, l’un des 2 porteurs, est tombé dans une crevasse. Pourtant placé devant moi, je ne l'ai pas vu tombé. A ce moment la, j'expliquais à Rasa, notre second porteur, de ne pas me suivre de si prés mais qu'il était essentiel de laisser la corde se tendre entre nous. Je lui répétais cela, comme un écho à toutes ces fois où je l'avais entendu dire par Christian !... Je n'avais pas vu les malheureux anneaux de corde que tenait Nasa dans sa main. Aussi était-il tombé de plusieurs mètres et nous étions seulement à 100 mètres sous le col. Nigaban me pressait alors d'aller voir au bord de la crevasse, ce a quoi je lui répondais qu'il fallait avant tout nous assurer de notre propre sécurité. Rasa s'était quant à lui, prostré dans un mutisme inutile, dont il a bien fallu qu'il s'en extirpe afin de m'aider à tirer la corde au bout de laquelle Nasa semblait aussi lourd qu'un tronc d'arbre gorgé d'eau. Ramené jusqu'à nous, après un effort qui m'a paru être le plus difficile que j'ai eu à fournir de toute ma vie, je constatais ses blessures aux 2 mains : de profondes coupures qui auraient nécessité de nombreux points de suture. Je réservais des soins plus attentifs pour le col ; en attendant, péniblement et encore transie d'effroie, notre petite caravane s'est hissée jusqu'au col du Chilinji. Là haut, tandis que mes compagnons d'infortune discutaient l'accident et se révélaient leur angoisse, je m'efforçais d'oublier mes bras épuisés et mes jambes vacillantes, cherchant davantage à me refugier dans des pensées roboratives...

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C'est la vue alentour qui m'a réconforté et me réconciliait avec toute cette neige qui nous entourait. Rarement depuis un col, la vue fut aussi belle. Face à nous et dressés jusque dans des sphères divines, des pics enneigés, d’immenses parois de glace, des glaciers suspendus comme retenant leur souffle pour ne pas tomber et d'autres qui , au contraire, partaient loin au fond des vallées lointaines... à perte de vue, tout autour, ce n'était que sommets incroyablement hauts, majestueux et si fièrement dessinés dans le bleu éthéré du ciel. Un léger souffle finissait par emporter loin de moi le peu de tension qui m'était restée. Etourdie par tant de beauté et toute l'énergie qui en émanait, mon cœur exalté et l'esprit reposé semblaient s'accorder dans la plus parfaite harmonie, avec toute cette nature puissante, la seule à mes yeux, qui puisse avoir un caractère sacre. Je pensais alors à l'exactitude de ces mots que j'avais écrit sur la couverture de mon ''carnet de bord'' et qui sont signés, Jean-Jacques Rousseau : ''il semble qu'en s'élevant au dessus des hommes, on y laisse tous les sentiments bas et terrestres, et qu'à mesure qu'on approche des régions éthérées, l'âme contracte quelque chose de leur inaltérable pureté. On y est grave sans mélancolie, paisible sans indolence, content d'être et de penser ; tous les désirs trop vifs s'émoussent, ils perdent cette pointe aigue qui les rend douloureux, ils ne laissent au fond du cœur qu'une émotion légère et douce ; et c'est ainsi qu'un heureux climat fait servir à la félicité de l'homme les passions qui font ailleurs son tourment.'' La descente nous a parut interminable et chacun s'était retranché silencieusement dans ses pensées. Il m'a fallu faire la trace dans 30cm de neige fraiche mais croûtée en surface, sur des pentes relativement raides ; mes 3 compagnons étaient restés pétris de crainte et Nasa, les mains bandées, n'avançait plus très vite. Le soir, au camp, prés d'un filet d'eau transparente, nous avons dormi sous les étoiles que chacun, sans doute, a bien du remercier de nous trouver la, finalement sains et saufs... Le col du Chilinji semble marquer la fin de la longue vallée de Chapurson et nous avons croisé que peu d'animaux dans ces alpages verdis par une herbe grasse et joliment fleurie. En fait les Wakhis de la vallée de Chapurson emmontagnent leurs bêtes dans les montagnes douces et arrondies du Pamir, dans le corridor de Wakhan, en Afghanistan. Il leur suffit pour cela, de traverser un col, le col d'Irshad, pour se trouver en terre afghane. La, leurs quelques centaines de yaks, mais aussi les chèvres et moutons paissent pendant la belle saison avant de revenir dans les villages, entre la fin septembre et la mi-octobre. Ils commercent également avec les Wakhis d'Afghanistan, sous forme de troc. Des yaks s'échangent contre des denrées totalement introuvables dans le corridor de Wakhan, comme le sel, le sucre, le blé, le riz, des vêtements, des chaussures... Cette idée de troc me plait beaucoup, savoir les billets de banque encore inutiles en 2007 a quelque chose d'épatant, d’amusant et... rassurant ! Passé le col du Chilinji, et jusqu'au col de Karambar les alpages sont habités presqu'exclusivement par une population sunnite. On y parle plus le ''wakhi'', mais le ''chitrali'', ou encore le ''china'', d'autres dialectes parmi la quarantaine de dialectes que peut compter le Pakistan ! Alors pour se faire comprendre et échanger avec ces montagnards plus réservés, mais très curieux, Nigaban parle l'ourdou, langue officielle à travers tout le pays. Les sunnites emmontagnent en famille et chacune d'entre elle possède un chien aux airs inquiétants de gros molosse mais qui, tout bien regardé, ressemblent davantage à de mièvres chiens efflanqués que de poisseux poils hirsutes cachent à peine une silhouette famélique. Ces chiens ont pour tache de repousser les loups qui seraient tenté d'approcher de trop prés les troupeaux. Mais les loups doivent sûrement préférer les marmottes qui, abondamment, vivent aussi dans ces mêmes alpages. De belles nuits étoilées nous ont permis, à Nigaban et moi, de dormir en dehors de la tente et de sentir l'air frais nous caresser doucement les joues. Quant aux jours, j'étais toujours plus ébahie par de superbes paysages. Toutes les vallées perpendiculaires à celle que nous remontions, offraient le spectacle saisissant d'importants glaciers qui filaient depuis les sommets élevés jusqu'à tout prés de nos pas. Souvent, sur les chemins, nous rencontrions d'autres marcheurs, des locaux qui se rendaient à l'alpage ou en revenaient. C'était toujours

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des moments agréables, plein de sourires et pendant lesquels nous pouvions entendre le récit de mêmes mésaventures survenues sur ce ''maudit'' glacier du Chilinji ! C'est le col du Karambar qui marque la frontière entre les territoires du Nord et ceux du Nord-est dans le ''district'' de Chitral. C'est aussi la que commence - ou finit, c’est selon! - la magnifique vallée de Boroghil. A cette altitude, juste derrière le col, elle est immensément large et parsemée, ca et la, et par centaines, de gros yaks paisibles qui paissent sous le regard attentif de quelques habitants wakhis de la vallée de Boroghil. Ceux la, malgré ce cheptel, sont d'une grande pauvreté ; sans doute les Wakhis les plus pauvres de tout le Pakistan. Ils ont en revanche, conservé les us et coutumes de leurs ancêtres. Les femmes portent encore de nombreux bijoux d'argent et de pierres précieuses, des amulettes tout autour du cou, et de longues robes épaisses et colorées qui ressemblent à celles portées par les nomades Kuchis d'Afghanistan ou ceux du Balouchistan. Aucun légume ne pousse dans les villages les plus hauts, de bons yaourts agrémentent cette pauvre nourriture. Ils ont l'habitude de fumer l'opium, facile à trouver dans cette région si proche de l'Afghanistan, 1er producteur d'opiacée au monde. Partout où nous passions dans les villages nous étions accueillis pour boire un thé salé ou gouter de crémeux yaourts, assis sur des tapis élimes, à l'intérieur de leur maison sombre et noircie par la fumée. Notre retour jusqu'à Karimabad, dans la vallée de la Hunza, fut long (2 jours de route) et périlleux et nous emportions, à jamais, Nigaban et moi, les souvenirs impérissables de tous ces moments partagés dans ce petit coin du monde, tellement reculé, si loin de tout et pourtant si prés de l'essentiel... A très bientôt pour la suite. Portez-vous bien et je vous embrasse tous très fort. KARINE

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13 Août 2007

Dernier courriel avant le Tibet !...

Bonjour à tous, Les sacoches contenant la nourriture sont déjà fermées, deux bouteilles de combustible pour mon réchaud sont pleines et le compteur kilométrique est remis à zéro !... Je suis presque prête ! Demain, je vais rejoindre une petite ville, Kargilik, appelé aussi Yecheng, qui sera mon point de départ pour cette traversée jusqu'au Tibet de l'Ouest, depuis la province du Xinjiang. J'espère arriver à Lhassa vers la fin du mois d'octobre, à vrai dire il me faudra y être, obligatoirement, car mon visa chinois sera alors presqu'au terme de sa validité. De Lhassa, je rejoindrai ensuite le Népal, par la route et c'est depuis Kathmandu que je prendrai un vol retour pour la France, en novembre... Kashgar m'a paru encore plus agréable que l'an passé, à l'exception près des températures qui frôlent régulièrement les 36 degrés à l'ombre ! Connaissant quasi tous les quartiers et recoins intéressants, je m'y ballade à mon aise et profite de ce qu'une ville peut offrir de confortable, de pratique et d'agréable... bien sur ma principale préoccupation reste de ... bien manger ! Et pour cela, Kashgar est parfaite ! Pour les voyageurs qui arrivent du Pakistan, comme Tescha et moi – ou encore Jean (sur les routes depuis 10 mois, à pied, en bus..), Véronique et Eric un couple franco-suisse avec lequel je passe beaucoup de temps - la ville de Kashgar fait pleinement écho au mot "vacances" ! L'atmosphère y est paisible, les supermarchés débordent d'un tas de choses en plastique, des marchés s'exhalent les odeurs de fruits incroyables et de légumes abondants, les terrasses des restaurants ne désemplissent pas, les maisons de thé remplissent à volonté de petits bols en porcelaine d'où fume le breuvage sentant la rose et le jasmin, les femmes sont belles dans des robes légères et colorées, les couples fricotent, main dans la main , il fait chaud, il fait beau ! Kashgar est la ville chinoise située le plus à l'Ouest de tout le pays et son nom évoque immanquablement l'histoire des oasis perdues sur la Route de la Soie, entre déserts et montagnes. C'est la 2ème plus grande ville de la province autonome du Xinjiang, appelé autrefois Kashgarie et Turkestan. Aujourd'hui cette province est la plus vaste de Chine et sa situation géographique est d'une grande importance stratégique, partageant ses frontières internationales avec pas moins de 8 nations : Mongolie, Russie, Kazakhstan, Kirghistan, Tadjikistan, Afghanistan, Pakistan et l'Inde ! Malgré des déserts hostiles, comme celui du Taklamakan (2ème plus grand désert au monde), le Xinjiang fournit quantité de fruits, légumes, coton et autres diverses cultures... Les

J'y ai aussi retrouvé Tescha, une danoise, partie seule depuis la Turquie avec son vélo qu'elle a appelé "Nelson". Je l'avais rencontré à Islamabad avant qu'elle n'emprunte la Karakoram Highway. Tescha va prendre le même itinéraire que moi, mais étant donné que son visa chinois est d'un mois plus court que le mien et ses mollets déjà bien affûtés âpres tous ces kilomètres parcourus, elle devrait rapidement me retrouver et me dépasser ! En attendant, nous avons étudié ensemble les cartes, les points de ravitaillement, les cols, les distances, etc...

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agriculteurs ouighours ont ingénieusement conçu un procédé d’irrigation. En altitude, ils ont creusé des puits, appelés "karez", qui collectent l'eau provenant de la fonte des neiges et, aidée par de longs canaux souterrains, toujours alimentes grâce a la pesanteur, l'eau arrive jusqu'aux exploitations. Les Ouighours constituent à peine la communauté majoritaire du Xinjiang. Ce sont des musulmans, des sunnites de rite hanafite, parlant le "ouighour" qui fait partie des langues turques et ressemblent aux autres idiomes d'Asie centrale, à l’exception du tadjik qui appartient au groupe des langues persanes. L'autre communauté, qui d'ici peu sera sans doute majoritaire, est constituée des chinois Han. Ils viennent du centre et de l'Est de la Chine et leur établissement dans ces territoires reculés est encouragé par le gouvernement de Beijing, sous forme de primes ou d'autres offres alléchantes. Ainsi parviendront-ils, comme dans la province du Tibet, à "noyer", étouffer par leur nombre, l'existence des autres communautés ethniques, comme celles minoritaires, des Tadjiks, les nomades Kazakhs, les Kirghizes, les Ouzbeks... Il existe une réelle hostilité, quoique difficilement perceptible, entre les Ouighours et les Chinois Han. Ces derniers sont considérés par les 1ers comme des envahisseurs. Ces 10 dernières années, l'hostilité des peuples turcophones envers les Han s'est intensifié à travers des activités séparatistes, parfois violentes mais toujours très sévèrement réprimées par le gouvernement de Beijing qui surveille de très prés la moindre agitation nationaliste ouighour, la moindre velléité d'indépendantisme. La aussi, le 11 septembre a eu ses effets ! Beijing n'hésite plus à voir dans ces activités séparatistes, la main du "terrorisme", et voila, le mot est lâché ! Toujours le même, et qui légitime nombre de gouvernements à sévir sans appel... J'aurai bien sur des tonnes de choses à vous dire encore, concernant cette région, sa population, et sur la ville de Kashgar, ses marchés animés et cocasses, mais il me reste aussi à m'occuper d'importants préparatifs avant mon départ de demain matin. Aussi, vais-je vous souhaiter à tous, une très bonne fin d'été et vous donne rendez-vous dans a peu prés 25 jours. Je devrais alors être arrivée à Ali, 1ère grande ville tibétaine d'où j'espère pouvoir donner de mes nouvelles. En attendant, portez-vous tous très bien et je vous embrasse. KARINE

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24 Août 2007

Karine est sur son vélo… par sa maman

Bonjour à tous, A 5 heures ce matin, j'ai eu la surprise de recevoir un texto me donnant des nouvelles de Karine par l'intermédiaire d'une personne qu'elle a croisée. Je vous livre tel quel le message : Hi ! We've met your daughter. Message from Karine : "I cycle with Tescha and everything is OK. We entry Aksay Chin on 24 August". Karine looks well and happy. Regards En regardant dans le road book de Séb Fourrure, je la situe à environ 530 kms de son point de départ, donc à mi chemin entre le début de son voyage et Ali, la ville d'où elle devrait téléphoner et donner ainsi plus de nouvelles. Je ne manquerai pas de vous en donner à mon tour. Bonne fin de vacances à tous ceux qui sont encore en congé, bonne reprise aux travailleurs. Bises de la Maman de Karine

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05 Septembre 2007

Bonjour à tous.... 1065 kms de poussière et d'oxygène... jusqu'à Ali Bonjour à vous tous, Ali, appelé aussi shiquanhe en chinois et Senge Khabab en tibétain, avait quelque chose du mirage lorsqu'elle m'est apparue au détour d'un virage depuis cette piste venant du Nord Ouest ! Trois semaines se sont écoulées depuis mon départ de Yecheng dans la province du Xinjiang, 3 semaines à parcourir les 1065 kms jusqu'à Ali. Il m'est difficile de trouver les mots pour vous expliquer ce que ce parcours peut représenter pour moi. Il s'agit d'un véritable Voyage où la notion de temps parait suspendue. Les jours de la semaine ont disparu, et tout autre date encore plus. Mes journées se sont accordées à celles du soleil, au rythme lent d'une progression difficile jusqu'aux terres les plus hautes du monde. C'est un Voyage au cœur de l'isolement, au plus profond d'une nature la plus nue, puissante, hostile par son aridité et son élévation. Jamais un endroit ne m’est paru aussi loin du monde, en marge de notre civilisation. Avant de partir, j'avais lu que les régions de l'Aksay Chin et du Ngari, nom donné à l'Ouest tibétain, étaient parmi les plus reculées et inaccessibles du monde. C'est bien ce que je ressens et ce sentiment quelque peu indicible, a quelque chose de bouleversant. Il m'a fallu 2 jours pour quitter le désert du Taklamakan et me familiariser avec mon guidon rendu difficilement maitrisable par le poids des sacoches. Au 3ème jour, dans la montée pour le 1er col, Tescha m'a rejoint et, depuis, avons pédalé ensemble. Nous avons traversé les terres désolées, arides et inhabitées du Sud Xinjiang. Ce sont des paysages relativement austères, des montagnes sèches, pierreuses parmi lesquelles, seules, quelques rares communautés de Kirghizes se sont sédentarisées avec leurs troupeaux de chameaux. Puis, non sans peine, nous avons rejoint les terres officiellement interdites et fermées aux étrangers de l'Aksay Chin. Cette petite région est administrée par la Chine mais reste revendiquée par l'Inde, et les dernières guerres territoriales entre ces 2 pays ne sont pas si lointaines (1962 si mes souvenirs sont exacts) ce qui explique la présence de nombreuses bases militaires installées au milieu de nul part. Notre entrée officielle au Tibet a été marquée par le passage d'un des plus hauts cols (parmi les 12 traverses jusqu'à Ali) à prés de 5350m ! Les paysages de l'Aksay Chin et du Changtang (Ouest Tibet) sont merveilleux. Les vallées sont immensément larges au milieu de montagnes arrondies, verdies par de hauts pâturages. Des lacs d'altitude scintillent comme de véritables turquoises, saphirs ou émeraude...

En plein désert, entourée de montagnes arides, nichée au fond d'un vallon à presque 4400 mètres d'altitude, la ville a surgi avec ses immeubles carrés, quelques tours aux allures de gratte-ciel, d'immenses panneaux publicitaires de la "China Telecom", de hautes antennes de téléphone, de radio, de télévision... Ali n’a sans doute été qu'un petit emplacement tibétain jusqu'à l'arrivée des Chinois Han qui en ont fait une véritable ville...pour notre plus grand bonheur - dois-je avouer - à Tescha et à moi-même !

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Parfois nous avons dormi dans des maisons (ruines) abandonnées, sales et décrépies, qui ont servi de "base" temporaire aux ouvriers travailleurs de la piste. D'autres fois, nous dormions dans ces dortoirs, à 1 euro le matelas, qu'offrent ces sortes de stations-haltes pour les chauffeurs routiers qui s'aventurent sur cette terrible piste entre Tibet et Xinjiang. Notre 1ère nuit au Tibet a été parfumée par les bâtonnets d'encens que Tsering, notre hôte, faisait bruler dans sa minuscule pièce où nous avons dormi tous les 3. Jusqu'a Ali, à l'exception de Dormar et Rutok, il n'y a guère de villages tibétains. En fait, les hauts plateaux du Changtang sont parsemés, ca et la, de quelques maisons extrêmement spartiates, autour desquelles des enclos de pierre servent à garder les yaks, les chèvres et les moutons, pendant les longs mois d'hiver. L'été, ces maisons sont vides, les Tibétains enmontagnent avec leurs bêtes dans des alpages et vivent sous tente. Les rencontres avec un loup (à 20 mètres à peine de nous!), avec des gazelles tibétaines, des antilopes et des Kiangs (ânes sauvages et endémiques à cette région), mais aussi avec de nombreux vautours himalayens, ont été, pour moi, autant de moments magiques et fascinants qui me font tant aimer cette nature sauvage et mystérieuse. Mais, toute cette description, quelque peu dithyrambique, de ces paysages himalayens ne doit pas vous cacher l'autre réalité.... Dois-je vous décrire l'état physique de mon corps ?! Mes genoux, tout d'abord, se sont tordus de douleur dès le 3ème jour. J’ai gobé mon tube homéopathique d'arnica en 5 jours. S'en est suivi l'apparition de ...hum! Je sens que cela va particulièrement faire sourire Sylvain et Nicolas... l’apparition d’une escarre à la fesse droite et depuis quelques jours, la gauche n'est pas en reste ! Bien sur, je vous imagine bien rire, mais je peux vous dire que les douleurs m'ont arraché bien des larmes. Alors (merci Hervé) je ne cesse de tartiner mon cul de cette fabuleuse crème achetée juste avant de partir de France et j'alterne avec un peu de Biafine... La gorge ensuite ! Je suis restée aphone une journée complète tellement elle était irritée et endolorie à force de respirer aussi profondément, à cette altitude et avec cette poussière inhalée à chaque fois qu'un camion me doublait... Beaucoup moins drôle et franchement peu rassurant, c'est une dent que j'ai cassé 10 jours auparavant ; elle est fendue en 2 et m'oblige à mâcher que d'un côté ! Enfin, le dos qui n'a pas l'habitude d'être courbé de la sorte, se plaint régulièrement !.... Il faut vous dire que cette piste - car il s'agit bien d'une piste et non d'une route - dépasse tout ce que vous pouvez vous imaginer en matière de pistes les plus impraticables. Pierres à volonté, sables enlisant, rivières glaciales à traverser, tout y est, mais surtout et ce que je déteste le plus et qui rend toute progression quasi impossible, se sont des mini bosses les unes après les autres, comme des vaguelettes de terre qui donnent l'impression qu'à chaque fois je vais y casser mon vélo. Ce sont ces mêmes vaguelettes qui expliquent des 7km/heure seulement dans des descentes pourtant raides, après des cols, notamment ! C'est tout simplement déprimant, furieusement rageant et de très nombreuses et longues étapes nous ont paru "impédalables". Alors, pour ne rien vous cacher, je ne sais pas trop si sans la compagnie de Tescha, je n'aurai pas abandonné. Jamais, je n'ai eu à souffrir autant qu'en pédalant sur cette effroyable piste qui est réputée pour être parmi, sinon, la plus difficile au monde ! Bien des fois, je me suis

Le lac du Pongong Tso, particulièrement, à cheval sur les territoires de l'Inde et de la Chine, est un lieu magique, fascinant, emprunt d'une sérénité immuable. Ce fut l'un de nos plus beaux campements. Nos petites tentes, à Tescha et à moi, paraissent si minuscules au milieu de cette immensité himalayenne.

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demandé si, au moment d'avoir décide ce périple à vélo, j'étais prise d'une soudaine folie, d'une réelle stupidité ou de tout autre inexplicable sentiment ! Aujourd'hui, devant les rayons de chocolats et autres appétissantes madeleines, dans les supermarchés d'Ali, avec Tescha, nous rions de bon cœur de tout et de rien, mais surtout, je ne cesse de lui rappeler combien j'ai trouvé merveilleux ces terres du Changan et combien nous avons été chanceuses d'avoir pu croiser autant d'animaux sauvages, et des gens qui nous été si hospitaliers. Demain, nous repartons en direction du Mont Kailash, la montagne la plus sacrée pour les bouddhistes et les Hindoux. 1475 kms environ, me séparent encore de Lhassa...ca se fera doucement...mais surement ...! Je vous souhaite une bonne rentrée des classes pour certains, une très bonne continuation pour tous, portez-vous bien et je vous donne rendez-vous dans 750kms lorsque je serai à Saga, dans a peu prés 16 a 18 jours si tout va bien. KARINE N.B : étant donné mon manque de temps, je voudrais rapidement remercier ceux qui m'envoient de très chaleureux et sympathiques messages. Merci Audrey pour ton long et très gentil courriel, merci à ma très chère Bene, à la famille Peinado-Cabaret (moi aussi je vous aime), à Fred (bonnes vacances dans le Beaufortin ), à Karine, Sylvie et Michel, Alice ( bon courage ma petite et un très grand merci pour tes nombreuses news, continue à bien aller et embrasse ton homme, Christian ( tu as raison , a vélo cette piste que tu connais, ce n'est pas de la tarte, bonne expé, si tu repars et attention a toi, Claudette et Michel ( un grand merci pour l'envoie du colis et à très bientôt)... J'en oublie d'autres sans doute, qu'ils me pardonnent.

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10 Septembre 2007

Toute prête du Mont Kailash… par sa maman

Bonjour à tous, Un petit mail rapide pour vous faire un coucou très inattendu !!! de la part de Karine. En effet, j'ai eu la surprise hier après-midi de l'avoir au téléphone alors que son prochain coup de fil n'était prévu qu'après le 20 septembre !!! Le message a été bref car les communications en Chine coûtent cher et elle craint de manquer de liquide car elle n'a pas pu en obtenir à Kashgar comme elle le souhaitait. Rendez-vous donc après cette date où Karine vous donnera de plus amples détails comme elle le fait depuis le début de son voyage, si toutefois elle peut se connecter sur Internet. En attendant, bonne continuation à tous et de gros bisous de ma part à tous ceux que je connais personnellement. Sa Maman. Evelyne

Elle est arrivée à Dartche très fatiguée à tel point que, lors de la traversée de la quatrième rivière de la journée, elle s'est écroulée dans l'eau.... Toutes ses affaires ont bien entendu été mouillées mais, apparemment, dans la journée il fait très beau et tout sera sec rapidement. Pendant ces deux jours prochains, elle envisage de faire la Kora (je l'écris comme je l'ai entendu ...) avec Tescha toujours, autour du Mont Kailash. Puis elle repartira pour Saga où elle pense arriver vers le 20/21 septembre prochain.

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18 Septembre 2007

Grande incertitude pour la suite du voyage… par sa maman

Bonjour à tous, Elle a donc pris la décision de quitter Tescha et de faire du stop jusqu'à Saga. Là, elle a retrouvé un bon matelas, une bonne bouffe, une bonne douche chaude.... qui lui ont fait le plus grand bien !!! Mais hier, après avoir contacté mon frère Hervé (son fabricant de vélo et son coach...) car elle avait un souci de vélo pour lequel elle souhaitait son avis, elle a dû abandonner complètement son périple : 2 rayons sont cassés à l'arrière et ont voilé sa roue, ce qui explique son problème de freinage. Impossible de se faire dépanner ; même le marchand de motos du village n'a rien pu faire alors que Karine avait des rayons de rechange. De plus, elle devait emprunter une piste qui, pour le moment, n'est pas accessible aux véhicules. Elle ne pouvait donc pas se permettre de poursuivre au risque de tomber en rade complètement sur cette piste. C'est le cœur gros qu'elle renonce d'autant qu'il ne lui restait que 750 kms environ qu'elle souhaitait parcourir à son rythme, en prenant le temps de visiter différents monastères et de rencontrer les tibétains. Et puis, n'ayant pu faire du change dans un distributeur automatique comme elle l'avait pensé, ses réserves financières s'amenuisent doucement ; elle a donc décidé hier soir de quitter Saga avec un tibétain qui doit l'emmener dans son véhicule par une route allant vers le sud jusqu'à la frontière népalaise. Après, elle ne savait pas comment elle allait regagner Lhassa !!! Apparemment, elle n'a pas trouvé d'autre solution pour poursuivre sa route. A présent, j'attends d'autres nouvelles avec impatience car je ne sais plus où elle est et ce qu'elle envisage de faire. Très vite au téléphone hier, elle me disait qu'elle voulait trouver à se dépanner pour repartir ensuite. Mais que va-t-elle pouvoir faire réellement ? J'espère rapidement avoir Karine au téléphone pour savoir ce qu'elle va faire et j'espère surtout qu'elle aura retrouvé un meilleur moral que celui d'hier. Je ne manquerai pas de vous refaire un petit mail si Karine ne peut le faire elle-même d'ici mon départ en Inde la semaine prochaine. Plein de bonnes choses à tous et des bises à vous partager de la part de Karine. Evelyne

En regardant la carte du Tibet pour situer Saga et la route qu'elle doit emprunter vers le sud, il me semble qu'elle devrait arriver au Népal pas très loin de Katmandou. Va t'elle aller jusque là pour laisser son vélo (elle doit reprendre l'avion du retour à Katmandou) et poursuivre son voyage jusqu'à fin octobre en prenant les transports locaux ??? Mais peut elle sortir et entrer à nouveau au Tibet avec son visa pour pouvoir regagner Lhassa ???

Karine avait l'intention de vous écrire un long mail pour vous raconter la suite de son périple. Après Darchen et le tour du Mont Kailash qui a été fabuleux mais très fatiguant, Karine a repris le vélo mais, très vite, a dû abandonner car son dos la faisait trop souffrir et que des problèmes de frein sur la roue arrière l'empêchait d'avancer.

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20 Septembre 2007

Son vélo repart !.. par sa maman Bonjour à tous, C'est par Ricardo hier soir que j'ai eu des nouvelles de Karine et, apparemment, tout est reparti... Son périple en vélo et... son moral !!! Elle devrait m'appeler vers le 22 septembre prochain à son arrivée à Shigatsé et je suppose qu'elle prendra un moment pour vous écrire elle-même pour poursuivre son récit de voyage qui est d'une autre qualité que mes propres mails !!!! Bonne journée à tous. Evelyne

Après avoir pris la route avec un Tibétain, un moine, avec qui elle a passé de très bons moments, elle s'est arrêtée pour la nuit à la frontière népalaise. Là, deux canadiens de rencontre lui ont réparé les rayons cassés et... la voilà retournée à Lhatsé sur la route qu'elle devait emprunter. Elle poursuit donc son voyage jusqu'à Shigatsé d'abord puis Lhassa. Son problème de frein n'est pas résolu ; elle va les démonter lorsqu'elle sera en montée ou sur du plat pour les réinstaller dans les descentes ....

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25 Septembre 2007

Tashi Delek à tous... Shigatse, 2ème plus grande ville du Tibet

Bonjour à vous tous, Avant toute chose, je tiens à remercier tous ceux qui se sont inquiétés pour mes fesses ! Et à ceux-là, je vais les rassurer : elles vont beaucoup mieux !! Merci encore pour les propositions de massage (Hum !?) et autres conseils de crème !... C'est étonnant comme ces escarres mal placés ont fait largement l'unanimité dans vos attentions, alors que ma dent fendue me parait autrement plus inquiétante ! (Hum ! Hum !) Un grand merci aussi a tous ceux qui m'envoient des messages qui me font chaud au cœur. Je ne prends malheureusement pas le temps de vous répondre individuellement, sachez pourtant que chacun de vos courriels me touche sincèrement. Une nouvelle fois, j'ai beaucoup de choses à vous raconter, aussi ai-je décidé de vous envoyer 2 textes, le 1er aujourd'hui et sans doute dans quelques jours pour le 2ème. En quittant la ville d'Ali le 06 septembre dernier, avec Tescha nous avons l'agréable surprise de trouver, pendant 2 jours complets, un goudron parfaitement lisse et fraichement posé ! En revanche, nous avons fait la déplaisante rencontre d'un nouveau "compagnon" : le vent, tout à fait détestable comme compagnon de route ! Du coup, nous n’allions guère plus vite sur cette route qui malgré tout nous paraissait être un véritable bonheur, après toutes ces pierres, le sable, les bosses, etc.... La présence, toute récente, de cet asphalte (et qui progresse encore entre la ville d'Ali et le village de Darchen) s'explique par le projet -déjà mis en branle- d'installation d'un aéroport national à Ali. D'ici à 3 ans, les touristes -chinois et étrangers- pourront aisément venir découvrir les paysages du lac Manasarovar et du Mont Kailash notamment. Il n'est pas non plus difficile d'imaginer que l'amélioration des routes dans l'Ouest tibétain, et prochainement dans l'Aksay Chin, a pour but de faciliter l'accès aux diverses et multiples ressources que peuvent compter ces terres reculées : gaz, énergie géothermale, minerais, pétrole... L'Ouest tibétain regorge de richesses qui seront, j'en suis sure, rapidement exploitées et c'est pour cela, sans parler de sa position géostratégique des plus importantes, que le Tibet ne sera jamais un pays indépendant. Comment la Chine, qui par ailleurs si peu sensible à toute contestation ou protestation internationale, en plein essor démographique et économique, se couperait de ces substantiels trésors ? De plus, alors que l'approvisionnement et l'accès à l'eau deviennent un problème grandissant et crucial dans le monde, voire un enjeu international, le Tibet, quant à lui, approvisionne en eau plus de 48% de la population mondiale (85% de la population asiatique) par ses fleuves et rivières qui prennent leur source sur ses plateaux élevés : le Gange, le Brahmapoutre, l'Indus, la Karnali, Sutlej, Yangzi, le Mékong et j'en passe bien d'autres. Tous ces grands fleuves ont fait et font l'objet de nombreux projets hydroélectriques par le gouvernement chinois qui par ailleurs s'est peu soucié, pendant longtemps, de l'impact écologique et environnemental. Mais aujourd'hui il semblerait que ces considérations évoluent dans le bon sens. Il faut dire que la protection de l'environnement et la notion d'Ecologie ne sont guère le souci majeur pour le commun des mortels chinois ! Partout le long de la piste, dans les villages, les poubelles s'accumulent. Il n'y a qu'à Ali et à Saga que j'ai pu voir une pseudo-activité de tri des déchets. Même les Tibétains qui pourtant ont une relation étroite avec la nature, développant un concept d'équilibre entre elle et l'être humain, participent à cette pollution et souillent le moindre ruisseau autour de leurs villages et leurs villages eux-mêmes. A qui la

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faute ? Au gouvernement qui ne met rien en place pour incinérer et trier ? A la population irresponsable et si peu soucieuse ? Passé Ali et au plus nous progressions en direction de Saga (...et de Lhassa..), nous traversions davantage de villages. Et tous ces villages sont largement et majoritairement tibétains. L'ambiance y est paisible. Les gens se saluent par de souriants "Tashi Delek". Les femmes vont et viennent de la rivière jusqu'à chez elles, transportant sur leur dos de lourdes jerricanes d'eau, pendant que les hommes se regroupent, ca et la par petit nombre, et assis par terre à l'ombre d'un muret, s'emportent dans de véhémentes parties de cartes ! D'autres jouent au billard placé sur le trottoir. Les femmes portent de longues robes de couleur unie et souvent assez sombre, égayée par un chemisier et une sorte de tablier rayé et très coloré noué autour de la taille. Leurs longs cheveux noirs sont tressés en 2 nattes parfois prolongés par des fils de laine rouges, verts, ou noirs. Les hommes aussi portent une longue tresse qui est ramenée au dessus de leur tête et tenue par de très fins et rouge vif fils de laine. Ils sont vêtus d'une sorte de manteau, appelé "chuba" coupé jusqu'au 3/4, bordé d'une bande de tissu imitation léopard (les plus anciennes "chuba" sont cousues de véritables poils), avec 2 très longues manches qui parfois trainent jusqu'au sol. Souvent, ils n'enfilent qu'une seule manche, l'autre est alors nouée autour de la taille depuis laquelle pendent de longs poignards. Ils ont des allures de cowboy avec leurs beaux chapeaux de cuir et leurs boucles d'oreille en turquoise sont superbes. Mais les plus beaux bijoux et vêtements que j'ai pu voir, c'est à Darchen et autour du Mont Kalaish. Il nous a fallu encore d'autres cols pour arriver jusqu'au village de Darchen, et surtout, cette journée terrible... Le goudron nous avait quitté le matin pour laisser place à une piste sablonneuse, à nouveau bosselée et tellement poussiéreuse ; et il avait fallu traverser pas moins de 4 rivières dont la dernière, large, glaciale et profonde qui nous a mis en grande difficulté. Le courant était tel qu'il a fini par emporter mon vélo que je poussais péniblement. Total : les sacoches avant trempées et le moral, une nouvelle fois, mis à rude épreuve ! Le village de Darchen a connu ces 2 dernières années un agrandissement considérable et de nouvelles constructions, de style architectural tibétain, continuent de pousser autour des ruelles poussiéreuses et encombrées par des dizaines de chiens. Tout autour les pentes et les collines se sont pavoisées de drapeaux de prière et les pèlerins, vetus de leurs plus beaux habits, errent tranquillement, en partance ou tout juste revenus de la "kora" (circumbulation) autour du... Mont Kalaish. Lieu de résidence des dieux, terre bénie par Bouddha lui-même qui y a laissé ses empreintes, le Mont Kalaish est la montagne la plus sacrée de toute l'Asie et 4 des plus grands fleuves du subcontinent indien prennent leur source ici : la Karnali qui se jette et nourrit le Gange, l'Indus, la Sutlej et le Brahmapoutre. Pour les Hindous, le Mont Kalaish est le domaine de Shiva, le destructeur et le transformateur. C’est pourquoi, cette montagne haute de 6714 mètres est aussi sacrée pour les

Les enfants, les cheveux hirsutes et la morve au nez, courent partout, surtout après nous (!), et jouent avec tout ce que le parterre des rues peut leur offrir. Les plus petits (et jusqu'à peu prés 3 ans) ont le pantalon fendu au niveau des fesses et ont appris, très tôt a s'accroupir dès que les "besoins" se font sentir ! Pas besoin des parents, pas besoin de couches ! Je trouve cela très pratique et toujours très amusant à voir même si parfois l'endroit où ils font ce qu'ils ont à faire n'est pas toujours des plus appropriés ! (Hum!)

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bouddhistes que pour les hindous qui viennent nombreux pour accomplir ce pèlerinage, leur "parikrama". Ainsi, avec Tescha, nous sommes parties pendant 2 jours faire "notre kora" (traduction tibétaine de circumbulation) autour du Kalaish qui nous aura peut-être débarrassés d'une partie de nos péchés ! Nous avons dormi au monastère de Dira-Puk à 5000m, devant la face nord majestueuse et époustouflante ! Le lendemain matin, dans une atmosphère encore transie de froid, très tôt, des dizaines de petites caravanes de pèlerins s'ébranlent en direction du col. Certaines résonnent au son des cloches que portent de gros yaks qui accompagnent les familles ferventes. De nombreux pèlerins indiens montent à cheval mais paraissent malgré tout très affectés par l'altitude, et les chevaux, rétifs dans les parties les plus raides, sont sans cesse motivés par les sifflements aigus de leurs maitres tibétains qui semblent vouloir transmettre par leur rire, leur sincère alacrité. Les prières, sous forme de chants, sont murmurées tout le long du sentier, beaucoup psalmodient le "mantra" (sorte de récitation litanique de syllabes aidant a l'éveil et a la protection de l'esprit) :"Om mane padme houm"... L'arrivée au col du Drolma-la est un moment unique. Des milliers de drapeaux de prière résonnent, frappés par le vent qui emmène au loin les mantras inscrits sur ces petits bouts de tissu coloré qui s'étiolent peu à peu. Quelques pèlerins bouddhistes arrivent en criant " so so so so so..." autre mantra spécifique aux passages des cols qui invoque la puissance et le bonheur. Et ce matin la, 2 moines, assis en tailleur et entourés de volutes de fumée d'encens, priaient. En arrivant au col, tout le monde s'assoit, s'échange biscuits, raisins secs et autres sucreries. J'ai vraiment eu le sentiment d'un immense partage tout la haut, à presque 5600m d'altitude : partage de sourires et de regards bienveillants, partage d'une véritable allégresse, d'une joie sincère d'être ici et ensemble, partage de cette même difficulté à respirer... Il y avait véritablement quelque chose de très fort et de magique, une énergie puissante et bienfaisante. Tous les visages s'auréolaient d'une expression de joie et de paix intérieure comme si l'âme contractait alors le caractère sacré de ce lieu unique. J'ai pleuré. Je me suis sentie si fortement étreinte par toute cette énergie enveloppante. J'y ai eu l'impression de déposer toutes mes douleurs physiques et morales de ces dernières semaines ; toutes les tensions se lénifiaient... La descente, bien que très belle, fut longue, épuisante pour le dos et les jambes, et sur la fin, interminable ! Et le lendemain, toutes courbaturées, nous avons repris nos vélos en direction du lac de Manasarovar, autre lieu sacré pour les bouddhistes et les hindous et le lac le plus vénéré de tout le Tibet. Suivant les heures de la journée, l'eau se teinte de couleurs absolument splendides et reflète l'un des plus sommets du coin : le Grula Mandata (7728m). Malheureusement, 3 jours plus tard, j'ai du quitter Tescha pour faire du stop et prendre un camion. Une intense douleur dans le dos m'empêchait de pédaler. Bien sur ce rythme quelque peu infernal, depuis début juillet, imposé à mon corps, m'a malmené et épuisé. J'ai déjà perdu plus de 7kgs et le fait d'être constamment en altitude ne m'aide guère à recouvrer l'énergie. J'ai donc fait un "break" qui s'est vu prolonger par des soucis mécaniques (rayons cassés, frein arrière qui ne fonctionnait plus). Mais ce "break" m'aura permis de rencontrer des gens formidables et notamment 4 Suissesses de Verbier, absolument "d'enfer" et pleines d'énergie

Le tour complet du Mont Kalaish fait 52kms avec la traversée unique du col de Drolma-la autour de 5600m. Quelques monastères, reconstruits après les ravages de la Révolution Culturelle, accueillent les pèlerins. Cette circumbulation, à caractère religieux et spirituel pour nombre de marcheurs, autour des différentes faces du Mont Kalaish, toutes impressionnantes par leur verticalité ou leur glacier, permet aussi de se "laver" de ses péchés

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(un grand merci pour leur aide et leur gentillesse) et Phuntsok un ancien moine tibétain qui m'a largement éclairé sur des sujets sensible et les effets de la Révolution Culturelle... Je vous raconterai tout cela dans mon prochain courriel, peut-être depuis la petite ville de Nangartse, prés du lac Yamdrok-tso... Et oui, après réparation de Drokpa (c’est le nom que j'ai donne a mon vélo) à Lhatse, je suis repartie de cette même petite ville, le cœur léger, confiante et contente de rouler seule à un rythme tranquille. Mon compteur kilométrique affiche déjà ici, à Shigatse, 1605 kms ! Avec les détours que je souhaite faire, il m'en reste seulement autour de 400 ! Une bagatelle quoi !!! Je vous embrasse tous très fort. Portez-vous bien et a très bientôt. KARINE N.B: une pensée spéciale pour ma petite maman qui s'envole demain pour l’Inde, avec 2 copines et leurs sacs a dos, bon voyage a toi ; une autre pour toi papa qui souffre de cette hanche en attendant ton opération , une particulière pour toi Herve, prépare le champ, je devrais arriver a Lhassa autour du 08 octobre et ne te fais plus de soucis pour la mécanique du vélo, il a été révisé par une équipe semi-pro d'hollandais ! Enfin, un grand merci a : Sylvain et Sandrine, la photo est géniale et tes tresses te vont à ravir Sandrine Fred, j'aurai au moins les jambes entrainées pour t'accompagner en rando cet hiver Lilo, embrasse tous les Houchards pour moi et je te fais d'énormes bisous à partager en famille Jean, profite bien de la petite famille (s'est elle déjà agrandie?) avant ton départ en Géorgie du Sud Sandra, merci pour ton long message et profite encore de tes vacances avant le grand saut dans le boulot de prof Chloe, de très gros bisous et un encouragement spécial pour toi avant le grand saut dans la maternité ! Claudette et Michel, préparez vos photos, je viens vous voir en novembre, avec un grand plaisir Andrée et Christian, de grosses a tous les deux Christelle, ton message m'a fait beaucoup rire, embrasse tout le monde à l'office et bon automne Alex, j’espère que les vacances en Corse étaient bonnes, c'est sans doute l'un des plus beaux endroits du monde, sans blague Marie-Claude and Co', n'est ce pas que c'est beau la Corse, je vous embrasse très fort, courage à ma petite Marjorie Fanny, est-ce que ton sac pour le grand voyage est prêt ? Bisous ma belle Sylvie, écris moi encore et toujours, tes messages sont merveilleux, je les adore et envoie moi du chaud ! Nicole, j'espère vous revoir tous les 2 pour se raconter toutes nos aventures, bisous Elodie, bon début dans ces nouvelles études, oui, moi je vais pour sur venir te voir, avant l'hiver, peut-être Patrick, merci pour tous ces news, moi aussi il me tarde de te parler plus en détails de tout ce que je vis ici. A très bientôt Ma chère Marie, je t'espère en pleine forme et croise les doigts pour un bel automne à Paris, je t'embrasse très fort Pascal, j'aurai aimé conduire pour ne pas trop perdre... peut-être devras-tu me redonner une petite heure de leçon!!! Gros bisous Juju, mais tu as eu un petit message perso déjà ! Énormes bisous à vous 2 Olivier, quelle bonne nouvelle que ton départ pour mai, avant on en reparle a Cham Et mes plus tendres et amoureux bisous pour toi Riccardo.

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16 Septembre 2007

Enfin Lhassa !!! par sa maman

Bonjour à tous, Me voici de retour de voyage et, avant de poursuivre sur les dossiers accumulés sur mon bureau pendant mes congés, je viens juste vous donner quelques nouvelles de Karine. Elle est arrivée à Lhassa le 7 octobre après-midi après avoir rencontré, une nouvelle fois, quelques soucis de vélo : un rayon cassé et une crevaison au milieu de nulle part sans possibilité de réparer car sa pompe était cassée. Heureusement, des Tibétains ont pu la dépanner et elle est arrivée au terme de son voyage après quelques 2200 kms au compteur ; des étapes de 100 kms en fin de parcours sur une route asphaltée ....et le passage de cols magnifiques avec, pour l'un deux, un glacier qui venait effleurer la route. Elle s'est une fois encore régalée. Son retour est prévu avec un départ de Katmandou le 29 octobre pour arriver sur Paris le 30 octobre. Quelques jours sur Lyon pour me permettre de la "gaver" un peu de gratin dauphinois et de crêpes au Nutella (c'est ce qu'elle souhaite ....) et elle sera aux Houches vers le 5 novembre. Je souhaite à tous une bonne continuation et j'embrasse tous ceux que je connais personnellement. Sa Maman, Evelyne

Depuis, elle est à Lhassa pour visiter différents monastères et surtout se retaper un peu car, mis à part les kilos qu'elle a perdus, elle n'a plus aucune sensation dans une main dû certainement à une sorte de tendinite. Elle consultera un médecin à son retour et j'espère qu'il n'y aura rien de grave. Par contre, elle a une overdose d'Internet.... ce qui explique qu'elle ne s'est pas connectée pour vous envoyer de ses nouvelles et qui me fait, aujourd'hui, vous envoyer ce petit mail de sa part. Elle pense bien à vous tous et vous envoie de gros bisous.

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19 Octobre 2007

Arrivée à Katmandou… par sa maman Bonjour à tous, Un petit mot pour vous dire que Karine est arrivée aujourd'hui à Katmandou. La communication était difficile et je n'ai pas su grand chose .... Quelques difficultés pour traverser la frontière où, lors du changement de véhicule, son vélo ne pouvait plus être embarqué !!! Tout s'est résolu mais apparemment le dérailleur de son vélo a été cassé dans le transport ce qui ne lui permettra pas de l'utiliser durant les 10 jours où elle doit rester à Katmandou avant de prendre son vol. Elle devrait me recontacter pour me donner plus de nouvelles .... mais le principal est de la savoir bien arrivée. Bon week-end à chacun d'entre vous. Bises. Sa Maman