2009 - SS German

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  • Le systme de sant allemand : impasse ou rvolution ? E l l e n I i i E R G U T

  • CARNET DE SANT DE LA FRANCE 2 0 0 9

    PLAN DU CHAPITRE

    1. Fondement des caractristiques du systme allemand 137

    2. Le systme de sant la fin des annes 1980 137

    | 3. Aprs l'unification, 1989-2009 142

    4. La loi portant rforme de ia structure du systme de sant de 1993 (Gesundheitsstrukturgesetz) 143

    5. Gel des cotisations et ticket modrateur en 1996 et 1997 145

    | 6. La coalition vert-rouge 2000-2003 146 i I I 7. Le paiement des hpitaux 146

    8. La loi de modernisation des soins mdicaux de 2004 147

    9. La loi 2007 sur le renforcement de la concurrence de l'assurance maladie 148

    10. Conclusions : les leons du systme allemand 151

    11. Rfrences 153

  • 4 Le systme de sant allemand : impasse ou rvolution ?

    IE SYSTME de sant allemand est connu la fois pour sa grande stabilit et pour les nombreux blocages de son systme politique et administratif, causes vraisem-&3H! blables de cette stabilit. La structure

    lgislative de son systme a t conue en 1883 et, aprs quelques dcennies conflictuelles entre groupes politiques et groupes d'intrts, des orga-nisations d'auto-administration du systme par des associations corporatistes ont t mises en place et conserves jusqu'au dbut des annes 1990. Malgr ce sicle de stabilit, depuis 1989 les gouvernements allemands ont introduit plusieurs rformes afin de changer radicalement les institutions existantes. Plutt que de rorganiser directement le systme de sant, ces rformes visent provoquer le chan-gement de structure, en modifiant les incitations et les contraintes des acteurs du systme. Que ces rformes se rvlent tre aussi rvolutionnaires qu'espres, cela reste voir. Mais dans tous les cas, les projets de rforme depuis les annes 1980 marquent une rupture totale avec les politiques du pass. Afin d'tayer cette interprtation des change-ments contemporains du systme de sant allemand, cet article prsentera, brivement et de manire schmatique, la description des caractristiques de base du systme, et les tentatives de rformes de l'aprs-guerre. Puis nous nous intresserons au dbat sur la rforme et les rsultats politiques des annes 1990 et 2000. Enfin, nous terminerons par une rflexion des leons que l'on peut tirer du cas allemand. Nanmoins, une mise en garde doit tre faite : cet article se concentre exclusivement sur la lgislation de la sant de l'Allemagne de l'Ouest. C'est--dire que l'impact de l'unification allemande ne sera considr que du point de vue du systme, et plus spcifiquement de sa lgislation. Nous n'avons pas choisi ici d'entreprendre une valuation des rsultats sanitaires de l'Allemagne, en choisissant une perspective plus globale.

    1. FONDEMENT DES CARACTRISTIQUES DU SYSTME ALLEMAND

    Le systme d'assurance maladie allemand a t trs affect par des circonstances historiques, propres la situation sociale, conomique et poli-tique allemande du dbut des annes 1880. Quatre caractristiques du modle allemand se dtachent plus spcifiquement :

    l'assurance maladie obligatoire dpend de l'ap-partenance professionnelle ;

    l'assurance maladie est auto-administre par des institutions corporatistes ;

    les mdecins sont directement pays par les caisses d'assurance maladie ;

    le secteur ambulatoire et le modle ambulatoire de la mdecine y ont une importance toute particulire.

    Toutes ces caractristiques ne sont pas sp-cifiques l'Allemagne, mais l'Allemagne se dis-tingue par leur surprenante rsistance, travers des dizaines d'annes de bouleversements politiques, conomiques et sociaux - depuis son passage la dmocratie avec la rpublique de Weimar, puis le retour l'autoritarisme du National-socialisme, jusqu'au rtablissement de la dmocratie avec la cration de la Rpublique fdrale en 1949 et enfin l'extension de cette dmocratie l'Allemagne de l'Est aprs l'Unification de 19891 -

    2. LE SYSTME DE SANT LA FIN DES ANNES 1980

    Jusqu' la fin des annes 1980, le systme de sant allemand tait encore essentiellement fond sur un modle de mdecine corporatiste. La cou-

    1. Selon les sources suivantes utilises dans cet article : Alber 1992 ; Akenstet ter et Busse 2005 ; Busse et Riesberg 2004 Giaimo 2001 ; j o c h e m 2008 ; Moran 1999 ; Rosewitz et Webber 1990 ; Stone 1980 ; Wrtz et Busse 2005).

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    verture de l'assurance maladie dpendait du statut professionnel des affilis. Il tait demand aux ouvriers d'tre assurs auprs de fonds d'assurance spcifiques que la rfrence soit une corporation, une usine ou un territoire. Les employs gagnant plus qu'un plafond taient automatiquement assurs, mais pouvaient toutefois choisir parmi un plus grand ventail d'assurances. Ainsi, ceux qui touchaient plus que le plafond (4 300 DM par mois en 1987 -3 863 en 2004) pouvaient volontairement adh-rer un rgime d'assurance maladie obligatoire ou prendre une assurance prive (environ 7 % le firent). Les fonctionnaires et autres professions jouissaient de leurs propres rgimes d'assurance maladie, quant aux travailleurs indpendants ils n'taient pas contraints une assurance, quelle qu'elle soit. Toutefois, en 1993, moins de 0,5 % de la population n'tait pas assure. Le passage d'une caisse une autre n'tait pas autoris, car un grand nombre des membres taient contraints de par la loi d'adhrer une caisse d'assurance maladie particulire, et certaines clauses interdisaient de r-adhrer une caisse d'assurance aprs rsiliation. Qui plus est, les primes des assurances prives, dont le capital dpendait plus des cotisations que des fonds propres, taient calcules selon l'ge de la personne la date d'adhsion.

    Les rgimes obligatoires taient considrs comme des organisations de droit public et taient rgis par des conseils reprsentatifs des employeurs et des employs (reprsents par un ratio de 1/1 en accord avec la division 50/50 de la contribution l'assurance maladie). Ces rgimes obligatoires taient organiss sur une base locale ou provinciale, mais taient aussi membres d'associations nationales (telles que le Bundesver-bancl der allgemeinen OrLrankenkassen - Union fdrale des caisses locales de maladie , pour les caisses territoriales). De mme, tous les mdecins souhaitant traiter des patients assurs du secteur public, taient obligs de faire partie d'une Asso-ciation rgionale d'assurance maladie de mdecins (Kassenrzticbe Vereinigung) ces caisses taient elles-mmes membres d 'une association nationale (.Kassenrtzliche Bundesvereinigung). Les hpitaux

    taient reprsents par des associations hospita-lires, ainsi que des gouvernements des provinces et des organisations locales, car les hpitaux publics taient dirigs par les villes ou par les gouver-nements des provinces {Lnder). En le compa-rant aux mdecins et aux rgimes obligatoires, le secteur hospitalier tait moins organis sur des bases corporatistes. Nanmoins, dans le secteur hospitalier, comme dans le secteur ambulatoire, des organisations corporatistes taient en charge de nombreuses missions publiques. Les rgimes obligatoires pouvaient dterminer leurs propres taux de cotisation, ils ngociaient et rmunraient la fois les mdecins et les hpitaux,

    La rmunration des mdecins tait ngocie et paye sur une base collective. Les rgimes d'as-surance maladie et les associations des caisses de mdecins arrtaient la nomenclature des honoraires l 'chelon national afin de dterminer la valeur relative de tout traitement, chaque acte tait mesur en points. Chaque trimestre, les rgimes d'assu-rance maladie des provinces et les associations de mdecins ngociaient galement le montant de la rmunration collective verse. Il est important de noter, qu'il n'y avait qu 'une seule Association d'assurance des mdecins par Lnder, en revanche il existait de nombreux rgimes diffrents d'assurs l'assurance maladie, ce qui tait un avantage pour les mdecins. La rmunration collective tait alors rpartie auprs de chaque association de mdecins, qui la distribuait enfin chacun des mdecins, selon le nombre de points accumul par celui-ci durant le trimestre. Les hpitaux taient pays la journe selon des taux ngocis entre les rgimes d'assurance maladie et les fdrations hospitalires. Dans ce cas, les rgimes d'assurance maladie ne couvraient que les dpenses courantes, alors que les investissements et les dficits taient pays par les provinces {Lnder). Au sein des hpitaux, seuls les mdecins-chefs avaient le droit d'avoir un secteur priv. Le march des assurances compl-mentaires servait surtout couvrir les supplments pour chambres particulires prives ou semi-prives ainsi que les honoraires du mdecin chef. Vers 1987, 34,9 % des 3 071 hpitaux allemands taient

  • 4 Le systme de sant allemand : impasse ou rvolution ?

    publics ; 34 % taient des hpitaux privs but non lucratif (principalement religieux) ; 31,1 % privs but lucratif. En termes de nombre de lits, 50,4 % des 673 224 lits en 1987 taient publics. 35 % privs but non lucratif, et 14,6 % privs but lucratif (Alber 1992 : p. 78-9).

    Ainsi, des organisations corporatistes - qu'elles reprsentent des membres affilis de faon choisie ou impose - taient responsables de nombreuses dcisions politiques, comme de leur mise en uvre. Les rgimes obligatoires avaient la libert de dter-miner leurs propres taux de cotisation ; les rmu-nrations entre les assureurs et les prestataires de soins taient dtermines par ngociation ; seuls les paramtres principaux du systme taient grs par la loi.

    Au cours de la priode de l'aprs-guerre, de nombreuses propositions, qui auraient pu faire converger le systme allemand vers celui des autres pays de l'Europe de l'Ouest, ont t tudies, mais rejetes, immdiatement aprs la seconde guerre mondiale, divers projets de caisse unique, de couverture d'assurance maladie universelle ou, l'instar du Royaume-Uni, d 'un systme national de sant, furent repousss par la coalition entre l'Administration d'occupation amricaine et le parti dmocrate-chrtien majoritaire. Cependant, l'adh-sion l'assurance sant a t progressivement tendue de nouveaux groupes de population et, pour les rgimes obligatoires, l'extension s'est aussi faite par croissance du plafond. Pourtant, contrairement la France, les caisses d'assurance maladie ont conserv leur statut public, et le systme d'avant-guerre n'a pas t remplac par un systme universel de couverture des travailleurs salaris. Le pourcentage de la population assur l'assu-rance maladie obligatoire a augment, cependant, de 10,3 % en 1885 51,3 % en 1925, 83,1 % en 1961, 89,9 % en 1975 et 88,1 % en 1987. Au cours de la mme priode, le nombre des rgimes a substantiellement baiss de 21 342 en 1913 1992 en 1950, et 1 182 en 1987 (Alber 1992 : p. 26).

    la diffrence de beaucoup d'autres pays europens, l'aprs-guerre n'a pas t marqu par des relations particulirement hostiles entre les

    associations de mdecins et les rgimes d'assurance maladie. Depuis son origine, le systme allemand tait fond sur le rglement du tiers-payant, et si des conflits entre les mdecins et les rgimes d'assurance maladie eurent lieu entre 1910 et 1930, ils ont abouti un accord institutionnel entre les deux parties. Le Berliner Abkommen ( l'accord de Berlin ) de 1931 mit un terme l'importante grve des mdecins. Il retira le droit aux rgimes d'assurance maladie de signer des conventions individuelles avec les mdecins et de dcider les cabinets mdicaux qui seraient conventionns. En revanche, l'accord permit que le nombre des mde-cins conventionns soit dfini selon la population de la province, et que ce ne soit plus les caisses d'assurance maladie, mais les caisses de mdecins, qui dcident de conventionner les confrres. En '1931, aprs les conflits donc, un dcret a dfini le systme qui allait permettre aux associations assurance maladie de mdecins de recevoir une somme globale des caisses d'assurs et, ensuite, de la rpartir chacun des membres. De plus, le monopole d'exercice en cabinet leur fut accord ainsi que l'absence d'une concurrence par les hpitaux. Enfin, les rgimes d'assurance maladie s'engagrent ne pas crer leurs propres centres de soins (polycliniques) avec des mdecins salaris (Alber 1992).

    Le systme du rglement collectif du tiers-payant cra un frein systmique aux augmentations d'ho-noraires des mdecins. Les mdecins facturaient donc leurs honoraires leur Association mdi-cale d'assurance sur la base d'une nomenclature ngocie l'chelon national. Puis, les associations mdicales d'assurance traitaient avec les diffrents rgimes d'assurance maladie le paiement global de chaque trimestre. Ce paiement tait alors rparti entre les mdecins selon leur nombre de points, c'est--dire la somme des valeurs relatives des actes raliss par chacun d'entre eux. Il y eut par consquent, un plafond automatique du cot des actes. Si les mdecins assuraient plus d'actes dans une priode donne (et donc plus de points) la valeur absolue de chaque point baissait, moins que des ngociations n'aient permis d'augmenter la

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    somme globale rpartir1. Pendant les annes 1950 et i960, les mdecins ont facilement obtenu une augmentation de leur rmunration. Mais au dbut des annes 1980, leur rmunration globale a t rduite anne aprs anne. Les conventions collec-tives, au sens franais du terme, taient uniquement en vigueur pour les assurances prives et pour les fonctionnaires, dont les patients taient rembourss sur prsentation de facture (tiers garant), selon les taux fixs par la convention (Gebhrenordnung rz). Simultanment cependant, nous pouvons noter, que les paiements taient ngocis spa-rment entre les associations de mdecins et les diffrents rgimes d'assurance maladie, permettant ainsi aux organismes prestataires de faire jouer la concurrence entre les organismes payeurs. Les mdecins hospitaliers taient salaris, l'exception, comme nous l'avons vu, des mdecins-chefs (prsi-dents de CME) qui pouvaient avoir des malades privs. Grce de multiples ngociations avec l'Association d'assurance des mdecins - qui reprsentait les mdecins libraux - de nombreuses contraintes ont t introduites dans le systme pour obliger les mdecins hospitaliers renvoyer les patients leur mdecin traitant. Les assurs ne pouvaient pas se rendre directement l'hpital (ou chez un spcialiste) sans passer par un mdecin libral, exerant en cabinet. Par ailleurs, les patients, une fois sortis de l'hpital, devaient retourner chez leur mdecin pour obtenir tout document, comme un arrt maladie. Ils ne pouvaient revenir consulter un mdecin hospitalier que s'ils taient de nouveau envoys par leur mdecin traitant. Ce monopole des praticiens de mdecine ambulatoire, exerant en cabinet, a donn de l 'importance ce type de mdecine et permis d'accrotre l'usage de technolo-gie mdicale en ville.

    Le systme d'assurance maladie allemand a galement rendu possible un contrle approfondi de l'activit des mdecins et du comportement des patients. Les prescriptions, les autres traitements et les arrts maladie des mdecins conventionns taient contrls par les caisses d'assurance mala-

    die ; si un mdecin s'cartait statistiquement de la pratique moyenne, les rgimes d'assurance maladie pouvaient attirer l'attention de la caisse d'assurance mdicale locale qui devait alors l'analyser. La faute professionnelle flagrante tait du ressort de la juridiction de la Chambre des Mdecins locale (ou rtzekammer) reprsente au niveau national par la Chambre des Mdecins fdrale (Bun-descirtzekammer), De mme, si la frquence des arrts maladie des patients dviait, les caisses d'assu-rance maladie pouvaient faire intervenir leur propre personnel mdical (Vertrauenrlzl ichen Dienst : Service des mdecins-conseil ) pour examiner le patient,

    Malgr ces dispositifs de contrle des prix et des volumes (principalement sur la mdecine de ville et les arrts de travail), le cot des soins continuait d'augmenter en Allemagne, il doit tre soulign que le dbat sur la croissance des cots a un impact immdiat sur la question de l 'augmentation des cotisations. En effet, le systme allemand ne rece-vant aucune contribution financire de l'tat, ses ressources dpendent donc directement des salaires bruts et de l'emploi. De surcrot, que les hausses des cotisations sociales soient dues la croissance des dpenses de sant ou la baisse de l'emploi ou des salaires, cette hausse a toujours t trs visible et politiquement controverse, mme si c'tait les caisses maladie qui augmentaient les cotisations et pas le Gouvernement. Dans les annes i960 et 1970, la proposition des libraux de faire crotre le ticket modrateur n'aboutit pas du fait de l'alliance, dans ce domaine, des sociaux-dmocrates (SPD) et des dmocrates-chrtiens (CDLJ). la place, des mthodes corporatistes devaient matriser ces cots, elles prirent la forme de l'Action concerte de l'assurance maladie (Konzertierte Aktion Un Gesundheittvesen) qui fut introduite en 1977. Cet organisme tait compos de reprsentants du Gou-vernement, des caisses d'assurance maladie, des mdecins, des hpitaux, ainsi que d'conomistes. Il devait tablir les bornes conomiques cadrant les nombreuses ngociations entre les prestataires

    1. C'est le systme des lettres-cls flouantes.

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    de soins et les rgimes d'assurance maladie. De plus, les recommandations de cet organisme allaient servir de rfrence plusieurs propositions lgisla-tives. Ce type de rgulation a souvent t considr comme tant dans l'ombre de l'tat . parce qu'il jouait de la menace d'une rgulation directe de l'tat, au cas o les ngociations entre les acteurs sociaux n'aboutiraient pas.

    Les comparaisons internationales permettent de dire que les mthodes corporatistes allemandes de matrise des cots ont plutt russi. Les cots de sant, qui croissaient au taux annuel de 17 % entre 1970 et 1975, ont t rduits 7 % entre 1975 et 1980 ; toutefois aprs 1980, les rsultats ont chang (Abel-Smith 1984). L'Action concerte avait un impact immdiat sur le paiement collec-tif des caisses d'assurance maladie aux praticiens exerant en cabinet. En effet, elle restreignait le taux de croissance cie dpenses de mdecine de ville au taux de croissance de la rmunration des salaris. Au dbut donc, les rformes destines accrotre le ticket modrateur, plafonner les dpenses de biologie et les dpenses hospitalires ont pris du retard par rapport aux contrles des cots du secteur ambulatoire. La loi de 1977 a intro-duit un ticket modrateur pour les mdicaments, les soins dentaires et l'optique. En 1981, cette loi fut modifie, le ticket modrateur augmenta et le ministre du Travail eut le pouvoir de publier la liste de mdicaments pour traitements mineurs qui ne seraient pas couverts par les rgimes d'assurance maladie obligatoire. (Ceci aurait pu se produire en application de la loi de 1977, mais la liste n'avait jamais t tablie).

    Les gouvernements des provinces empchrent avec succs toute tentative d'inclure les hpitaux dans cette action concerte. Auparavant, la loi de financement des hpitaux de 1972 avait spar les dpenses de fonctionnement des dpenses en capital des hpitaux, demandant que l'argent des caisses d'assurance maladie ne finance que les cots de fonctionnement, tandis que les investissements taient financs la fois par les provinces (Lnder) et le Gouvernement fdral. Ce systme de double financement tait destin amliorer le patrimoine

    hospitalier allemand et mieux quilibrer la rpar-tition des lits et des quipements. cette fin, les provinces devaient btir un plan. La consquence de cette loi fut une croissance rapide des dpenses hospitalires. La loi de 1982 pour le contrle des cots hospitaliers stipula que chaque province cre un comit conjoint des caisses d'assurance maladie et des hpitaux afin de surveiller les activits cono-miques de ceux-ci et de faire des recommandations sur l'efficacit de leur gestion en gnral et de leurs dpenses de personnel en particulier, De plus, des recommandations portant sur les dpenses globales du secteur hospitalier devaient tre incluses dans l'Action concerte . Cependant, comme le prix de journe devait couvrir les dpenses de fonctionnement, on ne savait pas trs bien comment ces dpenses devaient tre contrles. Les hpitaux russirent d 'une part viter que l'on fasse un lien entre les dpenses hospitalires et l'indice des salaires et d'autre part que l'on dfinisse des indices nationaux cle lits ou d'quipements lourds. En 1984, les gouvernements des provinces regagnrent leur complte responsabilit pour le financement du capital des hpitaux. En 1985, un systme de financement prospectif fut mis en place pour les hpitaux avec un prix de journe calcul partir d'un coefficient prvisionnel d'occupation des lits.

    Si l'Action concerte tait considre comme le point culminant du modle corporatiste, l'Acte de matrise des cots de 1989 en montra les limites. Passe en 1987, la rforme avait pour objectifs :

    d'augmenter le ticket modrateur des patients pour les assistants mdicaux et les mdicaments ;

    de renforcer le pouvoir de ngociation des caisses d'assurance maladie l'gard des hpi-taux en les impliquant dans la planification hospitalire et, en leur donnant le droit de rsilier les contrats avec les hpitaux qui dpensaient exagrment ;

    d'tendre le rle de l'Association des mdecins contrleurs pour suivre les mdecins avec plus d'attention ;

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    i de rallonger la formation mdicale afin de | rsoudre le problme du trop grand nombre de [ mdecins.

    i Selon Rosewitz et Weber (1990) les groupes d'in-j trts habituels de la politique de sant allemande j ont russi repousser l'application de beaucoup j des aspects les plus controverss de la loi, emp-| chant ainsi une relle rforme structurelle . Des | contrles de cots encore plus approfondis devaient | tre introduits pour l'industrie pharmaceutique et | l'hpital - les deux secteurs qui avaient jusque-l | largement chapp au contrle effectif des cots | - et certains contrles des mdecins devraient tre | renforcs. Les patients devaient payer une part crois-| sant de leurs soins, notamment pour la biologie ! et pour la partie htelire des sjours hospitaliers, j mais en retour, le financement du long sjour devait | tre pris en charge par les caisses. Comme cela | fut dfini la fin 1988, le projet de loi comprenait j un ticket modrateur accru pour les patients, le i financement du long sjour, un systme de prix fixe

    pour les produits pharmaceutiques, mais peu de changements dans le domaine des cots hospitaliers, le contrle des mdecins, ou la rforme des caisses d'assurance maladie. Le Bundesrat (le Conseil fdral ), qui reprsente les gouvernements des provinces, annula les dispositions prises pour les tarifs hospitaliers qui auraient pu tre utilises pour orienter les patients vers des hpitaux moins coteux. Le Conseil rendit plus difficile la rsiliation des contrats par les caisses d'assurance maladie, et raffirma que le cot la journe devait couvrir les frais rels de fonctionnement. Aprs avoir tudi une contribution de l'industrie pharmaceutique aux caisses d'assurance maladie hauteur de 1,7 million de DM, et un ticket modrateur de 15 % poul-ies mdicaments, la loi se limita autoriser les caisses d'assurance maladie fixer un prix unique pour des groupes de mdicaments comparables, L'opposition des mdecins entrana l 'abandon des projets qui devaient permettre aux hpitaux de diagnostiquer et de traiter les patients avant et aprs l'hospitalisation, ce qui aurait amlior un bon suivi des soins et aurait rduit la duplication des tests qui se produit aujourd'hui. Toutefois, ceci aurait aussi

    remis en cause le monopole des praticiens dans le domaine ambulatoire. En outre tout ce qui devait permettre de contrler les prescriptions ou le suivi conomique des mdecins fut galement oubli. Enfin, la rforme des rgimes d'assurance maladie, comme, par exemple, la possibilit laisse aux cols bleus d'tre affilis au rgime de leur choix, ou le systme de prquation entre rgimes furent aussi abandonns. Toutefois les cols bleus, gagnant plus que le plafond, purent choisir leur caisse ou sortir du rgime d'assurance maladie obligatoire.

    3. APRS L'UNIFICATION, 1989-2009

    Si, depuis 1989 les dbats sur la rforme touchent les mmes sujets qu'auparavant, les ins-truments conus pour atteindre ces objectifs ont considrablement chang, au point qu'ils marquent une rupture de ce qui tait, jusque-l, l 'essence du systme allemand. Bien entendu, nous pourrions rsumer ces changements une srie d'attaques des principes corporatistes fondamentaux et des institu-tions du systme pour favoriser les mcanismes de march et le rle de l'tat. Cependant, le systme n'a pas t radicalement restructur ou remani. la place, des mcanismes ont t conus pour modifier les incitations des patients, des assureurs et pour ainsi favoriser un changement structurel.

    L'effet immdiat de l'unification a t d'tendre l'Est les institutions d'assurance sociales et d'as-surance prive de l'Allemagne de l'Ouest. De nou-velles associations rgionales d'assurance de mde-cins furent cres l'Est, et la responsabilit des hpitaux fut aussi donne aux gouvernements des provinces, selon les lignes ouest-allemandes. 1.1 fut cependant accord un dlai de grce de 5 ans aux dispensaires de soins ambulatoires est-allemands. Mais, comme ces dispensaires ne recevaient que des paiements forfaitaires (capitation), par opposi-

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    lion au paiement l'acte des mdecins de ville, ds mai 1992, 91 % des mdecins est-allemands avaient choisi un mode d'exercice individuel et librai (Altenstetter et Busse 2005 : p. 126 ; Busse et Riesberg 2004 : p. 25 ; Jochem 2008 : p. 191).

    L'unification imposa une charge financire norme l'assurance maladie allemande du fait de l'entre trs importante de nouveaux assurs venant d 'une rgion conomiquement trs faible. Les diffrences entre les rgions posaient dj un problme au systme d'assurance maladie de l'Alle-magne de l'ouest. Du fait de la dsindustrialisation, certaines caisses avaient de nombreux ouvriers gs donc au risque-sant lev, de surcrot le taux de chmage tait plus important, les caisses concernes devaient donc accrotre le taux de cotisation de leurs membres. Ce qui crait un cercle vicieux et accroissait encore le nombre de chmeurs en rendant le cot du travail ouvrier plus coteux, prcisment dans ces secteurs.

    Pour revenir, la runification, comme les impts fdraux n'avaient pas suffisamment aug-ment, les cots considrables de l'unification furent dplacs vers les rgimes sociaux, avec une moyenne de taux de cotisation passant de 12,6 % en 1987, 13,4 % en 1997 et 14,3 % en 1992. Les dpenses de sant, qui avaient baiss entre 1985 et 1990 de 9,3 % 8,7 % du PIB, augmentaient alors 9,4 % en 1991, 9,9 % en 1992 et 10 % en 1993. En termes de dpenses par tte, la hausse passe de 743 DM 1 650 DM entre 1985 et 1990, puis 2 018 DM en 1991 et 2433 DM en 1992 (Giaimo 2001 : p. 337). La hausse de l'impt total sur l'assurance maladie fut particulirement inqui-tante : alors qu'elle n'a cr que de 32,4 % 35,6 % entre 1980 et 1990, elle fit un bond 39,3 % en 1995 et 41 % en 1996 (Giaimo 2001 : p. 352 ; voir aussi Moran 1999). Cette incroyable croissance des cots conduisit des rformes qui changrent le systme de gouvernance de l'assurance maladie allemande.

    4. LA LOI PORTANT RFORME DE LA STRUCTURE DU SYSTME DE SANT DE 1993 fGESUND-HEITSSTRUKTURGESETZ)

    La loi portant rforme de la structure du systme de sant de 1993 (vote en 1992) est importante de par les changements du systme politique qu'elle induit et de par ses rsultats. En contraste avec le pass o la lgislation s'appuyait sur les rsultats des ngociations corporatistes, et laissait une part d'incertitude aux alas des coalitions interpartis ainsi qu'aux blocages du Bundesrai Conseil fdral ) et des tribunaux, cette fois, le ministre de la Sant a jou un rle cl en cherchant un soutien structur sa rforme l'intrieur des deux grands partis du Gouvernement et de l'opposition (le CDU/CSU et le SPD) (Altenstetter et Busse 2005 : p. 128 ; Jochem 2008 : p. 194).

    La rforme de 1993 gela les taux de cotisation des caisses d'assurance maladie et autorisa le minis-tre de la Sant dfinir des budgets rgionaux 3 ans pour toutes les composantes du systme de sant. Il instaura un gel des prix des mdicaments, il tablit une liste positive de mdicaments ayant le droit d'tre prescrits (abolie en 1995), et il augmenta le ticket modrateur sur les mdicaments. La rforme, qui autorisait une limitation accrue du nombre des mdecins de ville, cra une inspection alatoire des demandes de remboursement des mdecins, et obligea les associations mdicales assumer une responsabilit financire du dpasse-ment du cot des prescriptions mdicales. Comme le plafond de la rmunration globale des mdecins d'une province devenait intangible (et non plus sujet a ngociations), les dpenses de soins baissrent de manire significative. Bien entendu, les associations de mdecins essayrent de crer des budgets par praticien afin de plafonner, non pas le montant global rgional, mais les points facturs par patient. Ceci fut plus tard dclar comme tant anticons-titutionnel (Wrz et Busse 2005). La loi abolit aussi le principe de couverture totale des cots

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    hospitaliers et introduisit un systme de paiement partiel, pour un nombre limit de pathologie, bas sur la nature des actes et le systme du paiement la pathologie. Ce point est dvelopp ci-aprs. Plus radicalement, la rforme a mis fin aux adhsions obligatoires certains rgimes d'assurance maladie et donn tous, au dbut de 1997, le choix de

    I leur assureur. Avec la libralisation de l'adhsion, j la loi introduisit un systme financier d'ajustement

    du risque fond sur la distribution par ge et sexe des membres du rgime, comme sur le nombre de personnes recevant une aide pour handicap, mais sans prendre en compte d'autres facteurs.

    Avant l'introduction de cette rforme, les taux de cotisations entres les caisses variaient de 8 16,8 % du salaire brut. Aprs la rforme, la variation des taux de cotisation entre les 5 plus importants groupes de caisses d'assurance maladie tait tombe de 2,19 % en 1993 1,19 % en l'an 2000. Depuis, il y a eu une tendance pour les caisses d'assurance maladie d'entreprise de proposer une couverture un taux plus bas, car leurs adhrents travaillant dans l'entreprise, sont donc en meilleure sant. De fait, entre octobre 1996 et janvier 2004, les caisses d'entreprise gagnrent 5,1 millions de membres, doublant presque ainsi leurs adhsions (Wrz et Busse 2005).

    Donc la rforme de 1993 fut un vrai succs, Contrairement aux tentatives des rformes ant-rieures, le Gouvernement - surtout le ministre de la Sant - a pu faire passer les ngociations pr-parlementaires et les dbats l'Assemble. Cette fois, des plafonds prdfinis des dpenses de sant furent introduits et appliqus tous les secteurs, y compris les hpitaux et les mdicaments, et pas seulement le secteur ambulatoire. De plus, la libralisation du march de l'assurance a permis aux cols bleus de choisir parmi les diffrentes caisses d'assurance maladie. Ce qui avait t pro-pos auparavant, mais n'avait pas pu aboutir, tait maintenant la loi. Finalement, la loi autorisa aussi les spcialistes hospitaliers s'inscrire auprs des caisses des rgimes obligatoires, plaant ainsi une entaille dans le monopole des soins ambulatoires des mdecins de ville.

    Faire voter une loi est une chose, mais cette loi a-t-elle vraiment atteint son but ? Pour les articles de la loi qui avaient un objectif prcis - savoir le plafonnement des dpenses - la loi a ralis ses objectifs. Cependant, ces plafonds ne furent que temporaires : ils taient limits 3 ans. Implicite-ment, le gouvernement utilisait ces plafonds comme lment d'une stratgie carotte et bton avec les prestataires de soins et les acteurs corporatistes impliqus dans l'administration des soins. Si les ngociations aboutissaient une limitation budg-taire, le Gouvernement favorisait le modle corpo-ratiste, sinon, il menaait de rinstaurer le contrle tatique (voir discussion dans Giairno 2002). Comme nous le verrons, les autres objectifs n 'ont t que partiellement atteints car les dix annes suivantes furent faites d'hsitations pour introduire de relles contraintes budgtaires.

    Toutefois, le second objectif, qui fut atteint, fut celui qui permit d'internaliser les externalits causes par les mdecins en tant qu! ordonnateurs de dpenses (comme disent les Franais), Ainsi, le dpassement budgtaire des prescriptions deve-nait la charge des associations des caisses de mdecins. De plus, avec une contrainte absolue sur les dpenses ambulatoires, le systme de paiement collectif fonctionnait extrmement bien comme frein des actes et des prescriptions. En effet, toute hausse des volumes conduisait une baisse des tarifs, si bien que les associations mdicales ont commenc suivre de prs leurs membres et exercer un autocontrle corporatiste. Nanmoins, comme les associations mdicales (et plus tard les associations hospitalires) le plaidrent, on ne voyait pas trs bien ce que le contrle des dpenses de soins avait voir avec l'objectif de l'amlioration de la sant de la population (dbat ternel portant sur la diffrence entre politique de sant et politique mdicale ). De plus, comme cela a t dmontr plusieurs reprises, quand les contraintes budgtaires appa-raissent, les prestataires essaient de faire voluer leurs activits en offrant des prestations qui leur per-mettent de sortir de ces contraintes budgtaires. En Allemagne, les mdecins commencrent proposer de plus en plus d'avantages particuliers leurs

  • 4 Le systme de sant allemand : impasse ou rvolution ?

    patients (Wrtz et Busse 2005 : p. 139), essayant ainsi d'augmenter leurs revenus pour compenser les nouveaux contrles des dpenses des rgimes d'assurance maladie.

    Finalement, la loi ne comportait pas seulement des objectifs avous (que ces objectifs soient ou non lis l'amlioration de la sant de la Nation), elle avait aussi des pseudo objectifs . Les dci-deurs politiques faisaient l 'hypothse simple que davantage de concurrence baisserait les cots, et accrotrait l'efficacit du secteur de la sant ; mais la contribution de la concurrence la baisse des cots ou l'efficacit du systme de soins est loin d'tre claire. La loi permet le libre choix des assurs, et un nombre surprenant d'assurs a profit de cette opportunit. Or. comme le taux de cotisation tait la premire motivation pour changer de caisse, nous pourrions conclure que la loi a vraiment pouss le march la baisse. La loi semble avoir aussi rduit le rle des assurances prives qui accroissaient les cots de sant en offrant aux prestataires de meilleurs remboursements afin de conserver leur position d'assureur suprieur . Toutefois, simultanment, le taux de couverture par les assurances prives s'est accru ce qui tend faire crotre les cots. Donc, la concurrence ne fait pas obligatoirement baisser les cots.

    5. GEL DES COTISATIONS ET TICKET MODRATEUR EN 1996 ET 1997

    Le parti libral (FDP) fut traumatis d'avoir t manuvr durant la rforme de la sant de 1993, et utilisa alors sa position de membre de la coalition, pour insister sur plus de rformes utilisant des mcanismes de march, et plus de partage des cots de la part des assurs. Au milieu des annes 1990, trois lois poursuivirent les efforts de matrise des cots. La loi de 1996, portant sur l'allgement des cotisations d'assurance maladie, rduisit le taux de cotisation d'assurance maladie obligatoire de 0,4 % au 1er janvier 1997, et diminua galement l'tendue du panier de soins pour la rducation fonctionnelle

    et l'ducation pour la sant. Elle accrut par ailleurs j le ticket modrateur pour les mdicaments et les j soins de suite. La sortie du panier de soins de la j chirurgie dentaire pour ceux ns aprs 1978 fut un j de ses lments particulirement frappants. !

    Les premire et seconde lois de 1997, portant j sur la restructuration des soins mdicaux, dont j l'application commena respectivement au premier j janvier et au premier juillet 1998, rompirent avec j l'accent mis sur la croissance des tickets modra- I teurs, pour s'intresser la hausse des ressources j en autorisant davantage de financement priv. Elle ! associa l'accroissement des ressources celle des j tickets modrateurs (autrement dit, si le taux de | cotisation des employeurs augmentait, l'assur (ou j l 'employ) tait directement affect par la hausse | des cots). Ceci permit aux caisses d'assurance j maladie d'offrir leurs adhrents un bonus en cas j de non-utilisation de soins mdicaux, et de choisir j la mthode de remboursement des frais. Elle annula j les budgets plafonns pour les soins ambulatoires j et les plafonds de dpenses de mdicaments, tout ! en augmentant de nombreux tickets modrateurs pour les malades hospitaliss, les mdicaments, les aides domicile, les transports sanitaires et les soins dentaires (pour ceux qui taient encore couverts). Elle permit galement aux patients de ngocier les prix pour la chirurgie ou les soins dentaires et d'obtenir en change un forfait unique de la caisse d'assurance maladie,

    Ainsi, ces rformes modifirent les structures traditionnelles du systme allemand et, notamment, la couverture uniforme, la parit de financement entre employeurs et salaris, le panier de soins couvrant les bnfices en nature, le financement dpendant uniquement du salaire et non pas de la frquentation du systme de soins (Busse et Riesberg 2004 ; Giaimo 2001). Elles conduisirent aussi l'limination des plafonds de dpenses introduits par la rforme de 1993 et raffirmrent l'intrt des Libraux pour les marchs libres et pour la responsabilit individuelle des cots de sant, il n'est pas surprenant que les sociaux-dmocrates en firent un argument de campagne pour les lections de 1998. Quand ils arrivrent au pouvoir, grce

  • CARNET DE SANT DE LA FRANCE 2 0 0 9

    une coalition avec les verts, ils liminrent la plupart des points controverss (tels que le lien entre les hausses de cotisations et les tickets modrateurs, l'limination des plafonds de dpenses, et beaucoup de systmes de ticket modrateur, y compris la taxe annuelle de 10 paye par les assurs pour financer les hpitaux) en faisant voter la loi de 1998 pour accrotre la solidarit de l'assurance maladie .

    6. LA COALITION VERT-ROUGE 2000-2003

    Nanmoins, aprs avoir tenu ses promesses lec-torales. le gouvernement de la coalition vert-rouge (SPD-verts) passa plusieurs lois destines contrler les cots et organiser les soins mdicaux. La rforme des statuts de l'assurance maladie de 2000 s'effora d'introduire les mthodes d'valuation technologique et de limiter le taux de couverture des traitements dont l'efficacit n'avait pas t prouve. La loi tenta galement d'encourager la coopration entre les hpitaux et les mdecins libraux, ainsi que celle entre les gnralistes et spcialistes -s'loignant ainsi du strict systme d'adressage qui avait t une caractristique du monopole des mdecins de ville sur les soins ambulatoires. De plus, la loi fit les premiers pas pour transformer le systme de paiement des hpitaux en un systme de paiement la pathologie.

    En 1999 et 2001 le systme d'quit financire fut rform pour prendre en compte la morbidit et s'adresser aux ingalits considrables entre l'Est et l'Ouest. La mesure de 1999 dcida d'appliquer les mcanismes de compensation du risque de l'Allemagne de l'Ouest l'Allemagne de l'Est, partir de 2001 ce qui impliqua un norme transfert financier de l'Ouest vers l'Est. En mme temps, la base financire pour le recouvrement des cotisations l'assurance maladie de l'Est fut tendue en ajustant les bornes des cotisations celles qu'elles taient l'Ouest. La mesure de 2002 rvisa les mcanismes de compensation inter-rgimes pour tenir compte

    des maladies chroniques : une cagnotte pour le haut risque compensa hauteur de 60 % les rgimes pour les patients qui cotaient plus de 20 450 par an. Un systme de gestion des risques (accrdit depuis 2005 par l'Office fdral de l 'assurance sociale pour le cancer du sein, le diabte et les maladies coronariennes) a t mis en place pour aligner le traitement de ces malades chroniques avec les guides de bonne pratique base sur des preuves (Busse et Riesberg 2004 : p. 196 ; Wrz et Busse 2005 : p. 138).

    7. LE PAIEMENT DES HPITAUX

    La mthode de rmunration des hpitaux a ga-lement t rforme cette poque. Jusqu'en 1985, les hpitaux taient pays la journe selon des tarifs qui taient dtermins par les ministres com-ptents du Gouvernement fdral et qui devaient couvrir, nous l'avons vu, la totalit de leurs frais de fonctionnement. Il n'est pas tonnant de constater alors qu'en Allemagne, la dure de sjours tait grande par rapport aux standards internationaux. Aprs 1985, un systme de paiement prospectif fut ngoci entre les hpitaux et les caisses d'assurance maladie ; le paiement se faisait en partie la journe mais se basait aussi partiellement sur un systme de paiement la pathologie et, le cas chant, sur l 'importance des actes chirurgicaux. Comme les dficits pouvaient tre couverts l'occasion des ngociations ultrieures, cette mthode n'a pas vritablement contraint la croissance des dpenses. la suite de la loi de 1993 sur la rforme de la sant, comme nous l'avons vu plus haut, des budgets furent tablis pour chaque hpital. Au cours de la priode 1993-1995, leur taux de croissance tait limit au taux de croissance des cotisations aux caisses d'assurance maladie. Aprs 1995, les budgets hospitaliers furent de nouveau ngocis, sans cette contrainte. partir de 1999 ils furent globalement plafonns.

    En 1993, un systme de paiement double tage fut donc introduit, il comprenait un paiement la journe hpital-spcifique pour couvrir les

  • 4 Le systme de sant allemand : impasse ou rvolution ?

    cots non mdicaux et un paiement dpartement-spcifique pour les cots mdicaux (personnel soignant, laboratoires et interventions chirurgicales). En 1996, un systme de paiement la pathologie et l'intervention chirurgicale fut mis en place, mais il concernait moins d'un quart de l'activit hospitalire. Comme les projets d'extension progressive de ce systme ne se matrialisaient pas, le Gouvernement contraignit la Fdration hospitalire allemande, les associations de caisses d'assurance maladie et les assureurs privs d'introduire un systme universel de groupe homogne de malade (GHM). Bass sur le systme australien, les GHM (DRG) allemands ont t progressivement introduits depuis 2005. Ce systme est modifi chaque anne. Il est gnra-lis en 2009, niais l'on ne sait pas encore si les ressources provenant des GHM seront plafonnes, diminuant ainsi automatiquement la valeur relative de chaque GHM, comme ce fut auparavant le cas avec les honoraires mdicaux (voir discussion dans Altenstetter et Busse 2005 : p. 127-8 ; voir discussion dans Wrz et Busse 2005 : p. 142).

    8. LA LOI DE MODERNISATION DES SOINS MDICAUX DE 2004

    Dans le cadre de l'Agenda 2010 du Chancelier Schroecler, de rformer l'tat providence, en 2003, la coalition de rouge-vert trouva un compromis avec les partis d'opposition (CDU-CSU) qui disposaient d'un pouvoir de vto grce leur majorit la seconde chambre du Parlement, ou Bundesrat. L'objectif recherch tait encore de contrler les cots, et de faire porter les charges de l'assurance maladie sur les assurs et sur l'tat.

    La rforme comprenait un nouveau systme d'as-surance obligatoire pour les soins dentaires, pay exclusivement par les assurs, ainsi qu'un transfert de charge ces mmes assurs. Ceci a accru la participation financire des assurs 54 %. De plus, l'tat a accept de compenser les baisses des cots de la politique familiale, et d'asseoir les cotisations d'assurance maladie sur toutes les pensions annexes.

    La loi a galement accru et rorganis le systme i de ticket modrateur. Enfin, la loi a permis un ; changement significatif de la structure des tarifs i des mdicaments. Avant, les grossistes pouvaient j accrotre le prix industriel d 'une valeur constante, j et il en tait de mme des pharmaciens. Il n'y avait j donc pas de concurrence entre les pharmacies et, ! mme si la marge variait de manire inversement | proportionnelle au prix du mdicament, il demeurait j plus profitable au pharmacien de vendre des mdi- ! caments onreux. La loi de modernisation divisa par | deux la marge des grossistes et arrta la marge des dtaillants 3 %, plus un montant fixe par bote. On esprait que ce changement rduirait l'incitation vendre les mdicaments onreux, mme si la rforme incite accrotre le volume des ventes de botes moins cher. De plus, la rglementation des j mdicaments sans ordonnance fut limine pour j favoriser la concurrence par les prix dans ce secteur j (Wrz et Busse : p, 140). j

    Malgr l'utilisation, une fois encore, d 'une stra- j tgie de grande coalition pour trouver un terrain j d'entente entre le Gouvernement et l'Opposition, la rforme de 2004 n'a pas apport de changements majeurs. En effet, pendant les annes 1990, la rforme du systme de la sant s'est faite au coup par coup, et a t caractrise par la dbrouille plu-tt que par la mise en place de nouveaux concepts. En ralit, l'introduction timide de l'tat et des mcanismes de march dans le systme corporatiste a cr de nouveaux problmes dans une tentative de rsoudre les prcdents. La libert de choix donne aux assurs a accru le nombre de personnes ayant une couverture complmentaire totale ou partielle, ainsi que le nombre des personnes non assures. Les GHM ont t introduits sans plafonnement budgtaire et seulement pour une partie des recettes. Les hpitaux ont souffert de problmes de recette. La croissance de la mdecine non rembourse a accru les cots et les ingalits du systme.

    l'vidence, l'unification a t un dfi consid-rable tant pour l'conomie allemande que pour les caisses d'assurance maladie, sur lesquelles pesaient dj des cots non-assurantiels de l'unification. Mais l 'opportunit d'exprimenter de nouvelles formes

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    de soins a t compltement rate par le transfert immdiat du systme de sant ouest-allemand l'Allemagne de l'est.

    9. LA LOI 2007 SUR LE RENFORCEMENT DE LA CONCURRENCE DE L'ASSURANCE MALADIE1

    Aprs la rupture de la coalition rouge-vert, consquence des conflits portant 1' Agenda 2010 du Chancelier Schroeder qui voulait rduire les avan-tages sociaux et accrotre la flexibilit du march du travail, les sociaux-dmocrates (SPD), comme les dmocrates-chrtiens (CDU) firent de la rforme de l'assurance maladie un point majeur de leur campagne lectorale de 2005. Cette fois, le centre d'intrt se dtourna rsolument de la matrise des cots et se concentra sur les ressources du systme de sant. Les dmocrates-chrtiens (CDU) proposrent une assurance maladie prix fixe, selon le concept suisse, sous le slogan d'un taux forfaitaire ou la capitation , c'est--dire, une contribution l'identique paye par chaque membre. Les sociaux-dmocrates (SPD), de leur ct, propo-srent une assurance citoyenne permettant l'adh-sion de tous une assurance maladie allemande universelle. Les deux propositions auraient permis, leur faon, de rsoudre la question lancinante du financement de l'assurance maladie obligatoire, mais elles avaient des consquences bien diffrentes sur la redistribution, le rle des assureurs privs et les outils de contrles des cots. Le modle d'assurance suisse est rgressif, et aurait limin les importantes subventions donnes aux familles et aux pouses selon la tradition allemande des ayants droit familiaux, mme si les partisans assurrent les critiques que des subventions et autres avantages seraient offerts aux familles bas revenus pour com-penser ce changement de cap. Il est important de

    noter ici que la branche Bavaroise des dmocrates-chrtiens, membre d 'un parti indpendant appel les dmocrates Sociaux-chrtiens (CSU), hsita valider cet abandon de l'tat providence corpora-tiste. De surcrot, non seulement la rforme des chrtiens-dmocrates n'aurait pas t une menace pour les assureurs privs, mais, au contraire, ils auraient pu gagner d'importantes parts de mar-ch. La rforme sociale-dmocrate, d'un autre ct, impliquait une importante redistribution de revenus alors que les revenus fonciers auraient une nouvelle assiette d'un impt pour l 'assurance maladie, et auraient relgu les compagnies d'assurance prive au rle d'assurance complmentaire. En termes de contrle des cots, la rforme sociale-dmocrate aurait conduit un plus grand regroupement des compagnies d'assurance et donc une meilleure efficacit des contrles de cots, car les prestataires de soins auraient eu plus de mal jouer les assurances les unes contre les autres. La rforme des dmocrates-chrtiens, en revanche, s'appuyait surtout sur le slogan d'une concurrence accrue pour obtenir des cots moins levs.

    Quand les lections ne permirent pas de dtermi-ner un gagnant vident, les chrtiens-dmocrates et les sociaux-dmocrates formrent un gouvernement de grande coalition , dont une tche fut de conti-nuer la modernisation du systme de sant publique et, dans la sant, de savoir comment rassembler ces conceptions si diffrentes en un programme commun. Le rsultat fut une synthse entre la croissance du monopsone et de la redistribution du programme socio-dmocrate avec la croissance de la concurrence et de l'efficacit des dmocrates-chrtiens. La pierre angulaire de la nouvelle loi est un fonds commun de la sant (Gesundheits-fonds) pour l'assurance maladie obligatoire. Depuis avril 2007, il a t demand toutes les compagnies d'assurance prive et tous les rgimes obligatoires de fournir un programme d'assurance maladie de base un prix et selon des modalits de couverture prdfinies, et d'y accepter tous les candidats. De plus, depuis le 1er janvier 2009, tous les rsidents

    1. Gesetz zur Strkung des Wettbewerbs in der Gesetzlichen Krankenversicherung.

  • 4 Le systme de sant allemand : impasse ou rvolution ?

    i d'Allemagne doivent s'assurer personnellement, en principe en s'inscrivant auprs de la dernire caisse d'assurance laquelle ils avaient adhr. S'ils n'taient pas assurs, leur statut professionnel doit dterminer la caisse laquelle ils devront s'inscrire. Pour ceux qui reviennent une assurance prive, il n'y aura pas d'examen mdical, ni d'autres clauses prrequises. En effet, depuis 2007, les personnes non-assures taient montes 200 000.

    partir de janvier 2009, les cotisations d'assu-rance maladie sont payes un fonds commun, la contribution de l'tat est accrue. Le taux initial a t fix 15,5 %. Il est ingalement divis entre employeurs et salaris, parce qu'au dbut de 2005, les bnfices des arrts maladie et des frais dentaires ont t retirs d'un financement commun. Le fonds commun sant fournit galement une contribution de l'tat trs largement augmente, ce qui constitue une rupture avec les principes allemands d'assu-rance sociale. En 2006, le Gouvernement fdral subventionne pour la premire fois le budget des caisses d'assurance maladie avec les recettes de l'impt sur le tabac. Ceci est une rponse aux rcla-mations des caisses, qui taient contraintes de payer pour les avantages non assuranciels, c'est--dire des dpenses de sant publique et d'assistance sociale, comme l'aide mnagre des jeunes mamans. Cette subvention se monte 4,2 milliards . En 2007 et 2008 ce fonds reut un montant bien moins important (2,2 milliards ) . Les caisses ont calcul qu'elles payaient 5 milliards par an pour des avantages qui ne faisaient en fait pas partie de l'assurance maladie : avantages pour les femmes enceintes et jeunes mamans, aide mnagre et indemnits pour enfants malades. La contribution de l'tat doit crotre partir des 4,2 milliards de 2009, pour atteindre un maximum de 14 milliards en 2014, avec donc une augmentation annuelle de 1,5 milliard . Il devrait couvrir alors environ 10 % du budget de l'assurance maladie de 2006. Comme l'indique en 2007 l'association nationale des caisses d'assurance maladie territoriales : jusqu'ici ce n'est qu'une dclaration d'intention . Nanmoins, grce la contribution de la seconde enveloppe gouver-nementale, la cotisation financire des assurs a

    baiss de 15,5 % 14,9 % (7 % pour les employeurs j et 7,9 % pour les employs dont le salaire mensuel j ne dpasse pas 3 675 ) . j

    Les ressources du fonds commun doivent tre j alloues chaque caisse d'assurance maladie sur une base forfaitaire par assur. Le montant varie selon le degr de risque des patients cle faon ce que les fonds concourent aussi pour les patients au risque plus lev. Cette Morbidittsonentirter j Risikostrukturausgleicb ( Prquation du risque j bas sur la morbidit ) est base sur l'ge, le sexe et j l'tat de sant de l'assur. Alors que la compensation j du risque bas sur le sexe et l'ge existe depuis la j rforme de 1993, l'effort de compensation du risque j bas sur la maladie est nouveau, Quatre-vingts j maladies ont t ce jour identifies, celles dont la j moyenne des cots est suprieure de 50 %, au cot forfaitaire moyen de tous les assurs. Le fonds commun de sant doit couvrir 95 % des cots de financement des rgimes maladie. Mais le taux national de cotisation l'assurance maladie ne peut tre augment que si le niveau de couverture financire du Fonds Sant descend en dessous de 95 % pendant deux annes conscutives.

    En attendant, les caisses qui peuvent fournir la couverture pour moins que la cotisation forfaitaire peuvent, soit rembourser les assurs au prorata de leur cotisation, soit leur donner des avantages supplmentaires. Les caisses qui dpassent leur budget, doivent faire payer leurs membres une cotisation supplmentaire limite selon le salaire de l'assur. La limite est de 1 % du salaire servant de base la cotisation. Le salaire maximum pour la cotisation d'assurance maladie tait de 3 562,50 en 2007, donc 35,63 de prlvement par mois, mais des hausses de plus de 8 par mois sont autorises sans considration du revenu de l'assur. Si toutefois, des cotisations supplmentaires leur sont prleves, les assurs peuvent quitter leur caisse sans tenir compte de la date de fin de contrat.

    On a donc donn aux caisses d'assurance mala-dies une plus grande incitation entrer en concur-rence et aussi plus de liberts. Elles peuvent offrir aux assurs des contrats plus varis, y compris ceux qui permettent de mieux rembourser des presta-

  • ammiFxamimt''.- -. t

    CARNET DE SANT DE LA FRANCE 2 0 0 9

    taires (ce qui n'tait auparavant possible que pour les assureurs privs) et elles peuvent galement proposer un bonus leur assur quand ils n'ont pas recours aux soins mdicaux (mais dans la limite maximum de 600 par an). Les caisses d'assurance maladie peuvent maintenant ngocier des contrats privs avec des prestataires de soins, et peuvent couvrir diffrents types de soins novateurs. Ceci est particulirement utile dans le secteur des maladies chroniques et des soins palliatifs, o de nombreux avantages ont t donns pour de nouvelles formes de soins (intgrant par exemple les soins infirmiers ambulatoires). Elles demandent galement aux assu-

    | rs les plus jeunes et aux groupes haut risque de participer des examens de dpistage, sous peine de payer un ticket modrateur plus lev. Les malades chroniques qui ne participent pas ces examens, perdent leur droit la rduction de 50 % de leur ticket modrateur. Les assurs les plus jeunes qui n'ont pas particip aux campagnes de dpistage du cancer du sein, du cancer de l'intestin ou celui du col de l'utrus perdent leur tour leur droit de plafonner leur ticket modrateur 1 % de leur revenu brut annuel. De plus, on demande aux malades chroniques de participer des protocoles de prise en charge. Il n'est pas surprenant de souligner que ces propositions ont t trs controverses, et on ne sait, notamment, pas si les futurs malades atteints d'un cancer seront vraiment financirement sanctionns pour ne pas avoir particip des dpistages quand ils avaient 20 ans.

    On s'attend galement ce que la rforme de 2007 ait d'importantes rpercussions sur la struc-ture administrative de l'assurance maladie. Comme nous l'avons vu dans les chapitres prcdents, les caisses ont maintenant la libert de fusionner avec tous types de caisses. Auparavant les fusions ne pouvaient se faire qu'entre caisses de la mme catgorie. Il existait 8 groupes spcifiques. Depuis le 1er juillet 2008 toutes les caisses d'Allemagne appartiennent la mme Association nationale (GKV-Spitzenverband) qui est seule responsable de toutes les ngociations de tarifs et de nomenclatures pour les soins ambulatoires, les prix des mdica-

    ments et des quipements mdicaux. Elle remplace donc toutes les associations nationales des diffrents types de caisses d'assurance maladie.

    La rforme a introduit un nouveau systme de tarifs pour les honoraires des mdecins de ville, ce qui cre en ce moment un conflit intra-professionnel considrable. Une seule hirarchie d'honoraires, calculs en euros, pour tous les types de caisses, remplace l'ancien systme de points et de paiement collectif plafonn. Des conflits ont surgi car le nouveau systme met en uvre une capitation trimestrielle par patient et spcialit, associe des honoraires spcifiques pour certains types d'actes. Pour des spcialistes, comme les radiologues qui pouvaient facturer un nombre important de points, ces forfaits entranent une grande perte de reve-nus. Ceci accrot la tendance des spcialistes offrir leurs patients des actes supplmentaires, non couverts par l'assurance maladie obligatoire. Nanmoins, la rforme augmente les ressources du systme de sant, et le budget global disponible pour les honoraires. Il dpendra l'avenir non pas du dveloppement des salaires et des prix, mais de l'tat de sant des assurs. Par consquent, les caisses attendent d'importantes augmentations de cots partir de 2009- L'effet immdiat de la rforme a donc aussi t une transformation de la valeur relative des revenus des mdecins libraux : les spcialistes des rgions les plus riches d'Allemagne ont connu une baisse de leur revenu relatif. Simulta-nment, la rforme offre aux caisses la capacit de faire des conomies grce des contrats avec des prestataires rfrencs, y compris ceux passs avec des socits de gestion.

    Comme nous l'avons dj vu, la rforme de 2007 demande aux compagnies d'assurance prive ( par-tir du 1er janvier 2009) d'offrir la mme couverture que les rgimes obligatoires. Le taux de cotisation dpend de l'ge et du sexe de l'assur, et pas de son tat de sant. Aucun candidat ne peut tre rejet. Depuis le 1er juillet 2007, les assurances prives ont l'obligation d'offrir un contrat standard modifi ainsi (une mesure transitoire avant le passage au programme standard) pour toutes les personnes qui n'taient pas assures et dont la profession

  • 4 Le systme de sant allemand : impasse ou rvolution ?

    les affiliait systmatiquement au secteur priv (les indpendants) ou celles qui taient auparavant assures par le priv, mais n'taient plus couvertes. Les personnes dont le revenu dpasse le plafond dans les secteurs o existe un rgime obligatoire peuvent choisir le programme de base d'un assureur priv durant les six premiers mois de 2009.

    La rforme de la Sant de 2007 est le produit radical d'un compromis radical qui complte le processus dmarr en 1993, processus de rupture avec des lments fondamentaux du systme de sant allemand. 11 n'est pas surprenant qu'aucun parti politique ou groupe d'intrt du secteur de la sant ne soit satisfait de cette rforme. Certes, la partie la plus politiquement conteste de cette rforme - et notamment le cur mme que consti-tue le fonds commun sant - a t repousse jusqu' cette anne. Mais, 2009 est une anne de super lection en Allemagne, avec des lections fdrales qui doivent se tenir en septembre, quatre lections de Lcnder qui doivent avoir lieu dans l'anne, les lections europennes et l'lection du prsident fdral. Les partis ont dj pris posi-tion en se rfrant la proposition de certains membres du CSU qui appellent l'limination de ce fonds commun sant . Le Parti Dmocrate-chrtien souhaite promouvoir les compagnies d'assurance prive et renforcer la sparation entre la couverture de base et la couverture complmentaire. Le SPD dsire intgrer des assureurs privs dans le fonds commun sant , et menace la promesse des clients des assureurs d'offrir de meilleurs services. Donc, mme si l'argent a commenc entrer et sortir des caisses, et si les mcanismes de remboursement des mdecins ont t radicalement modifis, l'avenir de cette rforme est encore loin d'tre vident.

    10. CONCLUSIONS : LES LEONS DU SYSTME ALLEMAND

    Si l'on avait essay de tirer les leons du cas allemand en 1985, elles auraient t claires. L'Alle-magne tait alors considre comme un exemple

    des bienfaits obtenus grce une organisation cor-poratiste de la mdecine. Des associations non gou-vernementales avaient la responsabilit du systme de soins, et taient assez efficaces pour fournir une couverture quasi universelle un prix raisonnable, Certes, la matrise des cots demeurait une question permanente, mais l'volution des prix mdicaux tait, en Allemagne, moins leve, que dans d'autres pays. Malgr l'absence de mcanismes de contrle des volumes et d'autres mcanismes de rationne-ment - avec les mdecins libraux comme seule barrire l'entre - et ainsi une forte utilisation des soins de ville et de relativement longues dure de sjour l'hpital, le systme corporatiste limitait l'accs aux soins et la croissance des dpenses de sant. De surcrot, ce systme rduisait les conflits entre les groupes de mdecins, entre les caisses d'assurance maladie et la profession mdicale, et mme entre employeurs et salaris pour ce qui touche la prise en charge des soins mdicaux.

    Comme nous l'avons vu, au cours de ces vingt dernires annes, des rformes ont eu lieu, elles ont menac les principes de base et l'organisation de ce systme corporatiste. Ces rformes ont mis mal la structure de l'assurance professionnelle obligatoire, l ' indpendance de la gestion des organismes cor-poratistes, le systme de rmunration collectif et direct des mdecins par les compagnies d'assurance, et le monopole des mdecins de ville sur le secteur ambulatoire. Au lieu d'une ngociation globale cherchant fournir, en moyenne, des soins et des rmunrations convenables, les hommes politiques allemands ont essay de faire merger de nouveaux prestataires et d'organiser la concurrence entre les assureurs. Les malades ont obtenu la possibilit de passer d'une caisse d'assurance maladie l'autre et d'un rgime obligatoire une assurance prive. L'in-troduction rcente du fonds commun sant a pour objectif de favoriser encore plus cette concurrence entre les diffrentes caisses, comme l'introduction des GHM favorise la concurrence entre hpitaux. Le nouveau systme d'honoraires ouvre son tour la comptition entre mdecins, en introduisant une capitation partielle et en permettant aux mdecins hospitaliers de raliser des consultations externes.

  • CARNET DE SANT DE LA FRANCE 2 0 0 9

    Tableau 4.1. Tendances du systme de sant allemand

    1885 1925 1960

    Empi re g e r m a n i q u e A l l e m a g n e d e

    N o m b r e d e ca isses d 'assurance maladie publ iques Personnes assures par populat ion (%) - publ ic - pr iv

    Cot isat ions (en % du salaire)

    Dpenses d 'assurance maladie (en % du PIB)

    Total d p e n s e s de sant (en % du PIB)

    18776

    10,3

    2

    0,2

    7777

    51,3

    6

    1,7

    2028

    83,1

    8,4

    3,2

    - 1885-2006

    1987 2003 2006

    l 'Ouest A l l e m a g n e

    1182 319 3 9 2

    88,1

    12,6

    6 , 2

    8,8

    88 9.7

    14,3

    6.8

    10,8

    89.5 10,3 13,9

    6,4

    10.6

    D p e n s e s du s y s t m e de sant (Mi l l ion Euros) - pour les pat ients hospi ta l iss - pour les pat ients ambula to i res

    83812 113 879

    90080 118 552

    N o m b r e d 'hpi taux - publ ic - pr iv (non lucratif) - pr iv (lucratif) Total

    N o m b r e de lits - publ ic - pr iv (non-lucrat i f ) - pr iv (lucratif) Total

    796 856 545

    2 197

    265 520 187 271 46994

    499 785

    677 790 620

    2 087

    229 971 167 739 70459

    468 169

    Sources : Health Care Systems in Transition ; OCDE Health Data 2008 ; Statistisches Bundesamt : Gesundheits-

    berichterstattung des Bundes, available on www.gbe-bund.de.

    L'introduction de plus de concurrence a t fonde sur l 'hypothse qu'elle rduirait les dpenses et amliorerait l'efficacit. Cela n'a pas t le cas. Au contraire, cela a conduit plus d'interventions gouvernementales et de nouveaux conflits. Du fait de la plus grande mobilit des assurs, des fosss se creusent entre les diffrents types de couverture. Avec un plus grand choix d 'assurance prive, le march des services particuliers s'est accru et ceci a conduit la hausse des prix. Les efforts qui ont suivi pour plafonner les dpenses mdicales, ont leur tour incit les mdecins

    offrir une nouvelle gamme de services non couverts par l 'assurance maladie obligatoire. De plus, la croissance de la part des revenus provenant des patients privs pour compenser la perte de ceux provenant du systme public, tant en ville qu' l'hpital, conduit la cration d 'une mdecine plusieurs vitesses : d 'un ct ceux qui restent affilis un rgime obligatoire et de l'autre ceux qui sont couverts par une assurance prive. La rcente rforme des honoraires mdicaux a fait disparatre le systme de rmunrat ion collective et ainsi la raison d'tre de leurs Associations d'assurance, deux

  • 4 Le systme de sant allemand : impasse ou rvolution ?

    institutions efficaces de contrle des dpenses du rgime corporatiste. Il n'est donc pas prouv que la concurrence implique une baisse des prix ou une augmentation de l'efficacit. Elle a cependant accru l'ingalit des traitements mdicaux et celle de la charge financire .supporte par les assurs. Les avocats de la concurrence rtorquent que si elle n'est pas efficace c'est qu'elle a t trop contrainte, comme par l'impossibilit, jusqu' une date rcente, de signer des contrats avec des rseaux de soins prfrentiels. De mme, le systme des GHM ne s'est gnralis qu'en 2009, et les plafonnements des bud-gets hospitaliers n'ont disparu qu'en fvrier 2009. Simultanment, cependant, alors que les dpenses de sant ne cessent de crotre, les hpitaux se plaignent de leur sous-dotation et mme le ministre de la Sant vient de reconnatre que les mdecins hospitaliers sont sous-pays, et a renonc au lien ancien entre les dpenses de soins et l'accroissement des salaires.

    Si les mesures destines favoriser la concur-rence demeurent, et si plus en plus de contraintes sont leves, on peut s'attendre une plus grande concentration des caisses et une plus grande diversification du march de la sant. Autrement dit, les fusions entre caisses pourraient conduire un monopsone. Ceci, en thorie devrait permettre un meilleur contrle des cots - cependant nous avons vu que ce n'tait pas le cas dans le vieux systme corporatiste. Simultanment, une plus grande libert dans l'offre des contrats devrait diversifier les moda-lits de couverture allant ainsi d'une couverture de base , une couverture de luxe . Par ailleurs, les regroupements et les spcialisations des hpitaux devraient aboutir une rationalisation de l'offre. Elle a dj commenc dans ce secteur. La concurrence entre les mdecins, les possibilits importantes de collaboration entre le secteur ambulatoire et le secteur hospitalier devraient aboutir crer de nouveaux types de soins, et aussi se caractriser par les mmes tendances de concentration et de diversification.

    En quelques mots, avec une dcentralisation extrme du systme de sant, des financeurs et des producteurs de soins publics et privs, les politiciens

    allemands esprent que le march fera ce qu'ils n'ont pas t capables de faire : ramnager plus rationnellement le systme. On pourrait effective-ment plaider pour plus de hirarchie dans le systme afin que les patients soient pris en charge au bon niveau, et esprer une meilleure diffusion du savoir mdical. Toutefois, sans une mesure approprie du produit des soins mdicaux, concurrence et efficacit resteront des slogans vides de sens. De plus, personne ne peut dire jusqu'o le contexte politique allemand permettra de laisser aller la concurrence, la concentration et la diversification du systme de soins,

    En se basant sur l'exprience passe, on ne peut qu'esprer une progression ngocie dans les efforts de matrise des cots, plutt que de tout attendre d'une rforme organisationnelle de grande envergure.

    11. RFRENCES

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  • Action et politique des soins mdicaux aux tats-Unis Promesse et dangers de la rforme

    Theodore R . MARMOR