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2012 Bodmer Rois Hellenistiques

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  • LES MOTSET LES

    . MONNAIESDe la Crece ancienne

    a Byzance

    +MER

  • LES MOTS ET LES MONNAIESde la Grece ancienne Cl Byzance24.11.2012 - 17.03.2013

    Exposition organisee par la FondationMartin Bodmer en collaboration avecle Musee Benaki, Athenes

    COMITE D'HONNEUR

    Pour la CreceAimilia YEROULANOU, Presidente duConseil d'administration, Musee Benakiloannis FIKJORls, President, WelfareFoundation for Social & Cultural AffairsHelene MOLOKOTOS, Vice-presidente,Relations publiques, Association desDames Grecques de CenevePro]. Dusan SIDIANSKJ,Professeur honorairede l'Universite de Ceneve, President duComite suisse pour le retour des marbresdu Parthenon

    Pour la SuisseLaurence GROS, Presidente de laFondation Martin BodmerProf Andre HURST, Ancien Recteur,Professeur honoraire de l'Universite deCeneveProf Pierre DucREY, Ancien Recteur,Professeur honoraire de l'Universite deLausanne, Directeur de la Fondation HardtMario BOTTA, Architecte

    COMITE SCIE 'TIFIQUE DE L'EXPOSITIONCharles MELA, Professeur honoraire del'Universite de Ceneve, President duCentre europeen de la culture, Directeurde la Fondation Martin BodmerAngelos DELIvoRRIAS, Professeur honorairede l'Universite d'Athenes, Directeur duMusee BenakiVasiliki PENNA, Professeur assistante,Universite du Peloponnese, Conseillernumismatique de la Fondation KIKPESylviane MESSERLI, Docteur de l'Universitede Ceneve, Fondation Martin Bodmer

    CONCEPTVasiliki PENNA

    COM~IISSAIRE DE L'EXPOSITlONVasiliki PENNA en collaboration avecSylviane MESSERLI

    COMMISSAIRE ARTISTIQUE DE L'EXPOSITlONElisabeth MACHERET, Conseil artistique,Responsable de la scenographie du Muscede la Fondation Martin Bodmer

    PREPARATIONDE L'EXPOSITlONJean-Michel LANDECY, Architecte,collaborateur pour la scenographieFlorence DARBRE, Conservatrice-restauratrice, FMB

    Patrizia RONCADI, Responsable de lagestion du Musee, FMBStasha BIBIC, Collaboratrice scientifique,FMBClaire DUBOIS, Secretaire de direction, FMBStephanie CHASSOT, Responsable de laCommunication, FMBYal1I1is STOYAS, Numismate, Chercheur,Collection numismatique KIKPEEvangelia GEORCIOU, Numismate,Collaborateur scientifique, Collectionnumismatique KIKPEElectra GEORCOULA, Archeologue,Departernent des expositions etpublications, Musee Benaki

    Catalogue edite par Vasiliki PENNA,Editeur en chef, avec la contribution deCecile MORRISSON et publie parMER Paper Kunsthalle, Gent

    EQUIPE EDITORIALEYannis STOYASEvangelia GEORCIOUNicolas DUCIMETIERE

    ESSAISProf Charles MELAProf Angelos DELIVORRIASPro]. ass. Vasiliki PENNASylviane MESSERLIProf Andre HURSTUte WARTENBERC KACAN, Directriceexecutive, American umismatic SocietyYannis STOYAS, Chercheur, Collectionnumismatique KIKPEAndrew MEADOWS, Directeur adjoint,American Numismatic SocietyPro]. Fran~ois DE CALLATAY, Chef dudeparternent des cabinets museologiquesde la Bibliotheque royale de Belgique,Professeur it l'Universite libre de Bruxelles,Directeur d'etudes a I'Ecole pratique deshautes etudes, ParisCharikleia PAPACEORCIADOU-BANIS,Directeur des recherches, FondationNationale de la Recherche Scientifique,AthenesProf loli KALAVREZOU,Dumbarton OaksProfesseur d'histoire de l'art byzantin,Universite HarvardCecile MORRISSON, Directeur desrecherches ernerite, Centre National de laRecherche Scientifique, Paris, Conseillernumismatique de Dumbarton Oaks

    NOTICESProf ass. Vasiliki PENNAYannis STOYAS

    icolas DUCIMETIERE, Directeur adjoint,responsable de la Bibliotheque de laFondation Martin Bodmer

    TRADUCTIONadia COUTSINAS (anglais-francais)

    PHOTOCRAPHES DE L'EXPOSITlONLaziz HAMANIKostas MANOLIS (Essai x, figs 1, 7)Leonidas PAPADOPOULOS(exhibit cat. 46)

    CONCEPTION CRAPHIQUEStudio Luc Derycke, Luc DERYCKE,Jeroen WILLE

    ASSISTANCE CONCEPTION CRAPHIQUEJan RUTTEN, El/en DEBUCQUOY

    IMPRIME PARPrinter Trento, Italy

    Droits reserves. Aucune partie de ce livrene peut etre reirnprirnee, reproduite ouutilisee par des moyens electroniques,rnecaniques, ou d'autres moyens, connusa l'heure actuelle ou inventes par la suite,incluant la photocopie et I'enregistrement,ni dans aucun stysterne de stockaged'information ou d'extraction de donnees,sans la permission sous forme ecrite desediteurs et du directeur de publication.

    ISBN: 978-94-9069-384-8012012/785211 33

    MER Paper KunsthalleMolenaarsstraat 29B-9000 GentBelgiumt +32 (09) 329 31 22f +32 (09) 329 31 [email protected]

    FONDATION MARTIN BODM[R

    BIBLlOTH~QUE ET MUS~E

    BENAKI ~ MUSEUM

  • CATALOGUE D'OBJETSi -l

    PLA CHES

    5 Charles Mela8 Angelos Delivorrias10 Manos Dimitrakopoulos

    13 ProcemiumMonnaies et mots : Perception et metaphoreVasiliki Penna

    21 Les mots et les monnaiesSylviane Messerli

    39

    53

    v

    VI

    VII

    VIII

    IX

    X

    II Ecrire et monnayet : egalite, legalite?Andre Hurst

    III Eclats du passe: les emissions monetaires des hommes illustresVasiliki Penna

    IV La perception des mythes antiques: recits et representationsUte Wartenberg Kagan

    Reflets de la terre et du cosmos sur les monnaies antiques et medievalesYannis Stoyas

    Le monnayage et l'ecriture de l'histoire grecque antiqueAndrew Meadows

    Les fabuleuses richesses des rois hellemstiques : monnayages etWeltmachtpolitikFrancois de Callatay

    Ecrire et monnayer l'hisioire du monde remainCharikleia Papageorgiadou-Banis

    Images du sacre a ByzanceIoli Kalavrezou

    Kharakter : l'histoire de Byzance et ses voisins par le texte et l'imageCecile Morrisson

  • VIILES FABULEUSES RICHESSESDES ROIS HELLENISTIQUES

    MONNAYAGES ETWELTMACHTPOLITIK

    Francois de Callatay

    Que l'argent soit le nerf de la guerre, c'est ce que dit nettement Plutarque dans saVie de Cleomene .

    Cependant le premier qui a dit que I'atgent est le ner] des affaires parait l'avoir dit surtout ensongeani aux affaire~ de la guerre ... De meme que les athletes bien entraines ierrassent et batteniau bout du compte leurs adversaires meme souples et admits, ainsi Antigone, pourvu d'immensesressources pour la guerre, epuisa et vainquit Cleomene, qui avait peine Cl [oumir une maigre soldeCl ses tnercenaires et leur nourriiure aux ciioyens',

    L'histoire des monnayages royaux hellenistiques deroge peu souvent a cet adage. En par-ticulier, les deux figures majeures, celle qui l'ouvre, Alexandre le Grand de Macedoine,et celle qui la ferme, Mithridate VI Eupator du Pont, l'illustrent de facon privilegiee-.Quand Alexandre s'elanca a l'assaut de l'Empire perse au printemps 334 ay. I.-c.,

    les caisses de I'Etat macedonien etaient vides. En quelques annees, il va de-thesauriserles richesses immenses accumulees depuis des siecles par les grands rois des rois ache-menides'. Deja la prise du camp de Darius apres la victoire d'Issos en novembre 333ay. I.-C. avait permis aux Macedoniens de s'approprier des richesses etonnantes". Maisle comble s'etait produit avec le sac de Persepolis ainsi que le decrit Quinte-Curce:

  • fig. 1: voir cat. n? 32

    Francois de Callatay

    Soil par prise d'assaut, soit par reddition, il avait conquis bien des villes remplies de tresors royaux ;mais les richesses de cette ville-ci eclipserent tout le passe. C'esi la que les Barbares avaient eniassetous les tresors de la Perse eniiere : accumulation d'or et d' argent, quantites d' etoffes et amas demobilier non pour l'usage, mais pour un luxe ostentatoire ... Ifs dechiraieni le vestiaire royal, chacuntirant de son cote; ils cassaient a la hache des vases travailles avec art; rien n'etait a l'abri, rienn'etait emporte intact; on brisait les membres des statues, et chacun tirait celui qu'il avait attache ...L'argent qui, dit-on [ut. pris, monte a une telle somme qu'on a peine a y croire. Cependant, a moinsde douter de tout le reste, on admettra que le tresor de cette ville [ut de cent vingt mille talents. Letransport l'obligea - car il avait decide d'emporter le tresor pour les besoins de la guerre - a [auevenir de Suse et de Babylone un contingent de betes de somme et de chameauxi.

    Cent vingt mille talents representent en effet une masse jamais vue [usque-la dans lemonde grec ou mediterraneen : quelque 3 100 tonnes d' argent, c' est-a-dire a peu prestout ce que les gisements du Laurion ont livre en plus de deux siecles d'exploitation(estimes quant a eux a pres de 3 500 tonnes), ou encore 720 millions de drachmes,soit de quoi payer une drachme par jour a 100000 hommes durant 20 ans.

    Car c'est bien a payer les soldats que le metal precieux fut d'abord converti enmonnaies, ainsi qu'il nous est rapporte dans le cas de Philippe, son pere, lorsque cedernier mit la main sur les mines de Crenides:

    Apres cela, il se rendit dans la cite de Crenides et ayant accru grandement sa population, il enchangea le nom, lui donnan: son propre nom: Philippi; et alors, se toumant vers les mines d'or surson territoire qui etaieni petites et insignifiantes, il augmenia tellement leuts productions par sesameliorations qu'il [ut. en mesure d'en obienir un revenu de pillS de mille talents. If en tira bient6tune fortune et comme11(;:aa constammeni elever le toyaume de Macedoine en le placani dans uneposition de superiorite grace aces richesses abondantes; une fois qu'il eut frappe le monnayage d'orqui est appele philippique d'apres lui, il rassembla une impressionnante force de mercenairesau moyen de quoi il parvint a faire en sorte que de nombreux Grecs devinrent traftres a leut pays".

    fig. 1

    Double statere d'or, Alexandre III le Grand (336-323 av, J.-c.),Aigeai(?), 336-323 av. J.-C.

    F'ondation lartin Bodmer, Cologny

    Alexandre qui avait inaugure un nouveau monnayage d'argent a son nom au lende-main de la victoire d'Issos, put frapper des quantites immenses de son vivant merneavant que les Diadoques, ses successeurs, ne prolongent et amplifient ces frappesd'. alexandres qui, via les arrnees, devinrent rapidement la monnaie internationale".

  • Les fabuleuses richesses des rois hellenistiques 93

    Alexandre n'avait pas la vanite de son pere qui choisit de representer ses victoiresolympiques sur ses monnaies d'or". Les alexandres d'argent presentent au droit latete d'Heracles imberbe revetu de la peau du lion de ernee, comme 1'avait fait laplupart des rois qui l'avaient precede sur le trone macedonien. Merne s'il parait clairqu'Alexandre a repris fin 333 ay. J.-C. un type ancien sans chercher a etre assimile aHeracles, il est naturel qu'on y vit des I'Antiquite deja son portrait ainsi que 1'illustrenttant les tetradrachmes d'Agathocles de Bactriane vers 185-180 ay. J.-C. que les bronzesdu Koinon des Macedoniens au me siecle apr. J.-C.9.

    fig. 2

    Tetradrachme d'argent, Philippe II de Macedoine(360/59-336 ay. ).-c.), Pella, 342/t-337/6 ay. j.-c.

    Fondation Martin Bodmer, Cologny

    Tetradrachrne d'argent, Alexandre III le Grand(336-323 ay. ).-C.), Tarse, ea. 327-323 ay. ).-C.

    Triton XIV (04-01.2011), lot 7'

    Monnaie de bronze, koinon rnacedonien, representant Alexandrecomme Heracles, Beroia (?), IlIe siecle ap. j.-C.

    Rauch, Auktion 88 ('7.5.2011), lot "3

    Au revers, en revanche, Alexandre a innove en adaptant le type du dieu Baal figu-rant sur le monnayage satrapal de Tarse : Zeus assis sur son trone tenant un aigle sursa main tendue devant lui. Alexandre avait reserve le soin d'etre portraiture aux plusgrands artistes de son temps: Lysippe en sculpture, Apelle en peinture et Pyrgotelesen glyptique1o. Plutarque nous a laisse la description physique suivante d'Alexandre:Lysippe fut le seul qui rendit parfaitement 1'attitude de son cou qu'il penchait unpeu sur l'epaule gauche, et la douceur qui paraissait dans ses yeux 11.Le portrait monetaire d'Alexandre le plus fameux et le plus proche sans doute aussi

    du modele lysippeen est celui qui figure au droit des monnaies de Lysimaque. Lediademe qui ceint la chevelure du roi est ome d'une come de belier qui est une clairereference a la divination dont il avait fait l'objet lors de son passage par le sanctuairede Zeus-Ammon a Siwa.

    fig. 2: voir cat. n? 31

    fig. 5: voir cat. n" 33

  • fig. 6: voir cat. n'' 34

    94 Francois de Callatay

    Tetradrachme cl'argent, Lysimaque (306-281 ay. I.-C.),Lampsaque, 297/6-28211 ay. I.-C.F'onclation Martin Bodrner, Cologny

    Le premier a avoir place l'image d'Alexandre sur les monnaies fut Ptolernee qui, nequelques annees avant Alexandre, lui survecut d'un derni-siecle (367-283 ay. J.-C.) ala tete de 1'Egypte. Au droit des tetradrachrnes qu'il fit frapper a partir de 318 ay. J.-C.,on voit la tete d'Alexandre revetue de la peau d' elephant comme triomphateur del'Inde et ceinte d'un diaderne auquel se trouve accroche une come de belier. Commenous en informe Diodore, Ptolernee aussi utilisa les metaux precieux dont il reussita s'emparer pour engager des mercenaires: En Asie, parmi ceux qui se diviserentles satrapies, Ptolernee s'empara de 1'Egypte sans rencontrer la moindre difficulte etcornrnenca par traiter aimablement les Egyptiens. Y ayant trouve huit mille talents,il comrnenca par reunir des mercenaires et a former une arrnee 12.Altemativement,lorsque vous possedez une arrnee mais n' avez plus les moyens de la payer, c' est encorea la guerre qu'il vous faut songer, ainsi qu'il est dit de Pyrrhus: Ayant ramene en Epirehuit mille fantassins et cinq cents cavaliers, mais n'ayant pas d'argent, il cherchaitune guerre pour nourrir son arrnee. Des Gaulois s'etant joints a lui, il se jeta sur laMacedoine, ou regnait Antigone, fils de Dernetrios, pour piller et faire du butin 13.Et Plutarque ajoute: Les Gaulois, gens d'une insatiable cupidite, entreprirent defouiller les tombes des rois qui avaient ete ensevelis la (a AigeaiNergina), en pillerentles tresors et commirent le sacrilege d' en disperser les ossements 14. Les trouvaillesspectaculaires faites en novembre 1977 a Vergina par Manolis Andronikos indiquentque les Gaulois n'ont pas tout ernporte. Dans la Cite de Dieu, Saint Augustin a biencampe la violence de l' epoque :

    Sans la justice, en effet, les royaumes sont-ils autre chose que de grandes troupes de brigands?Et qu'est-ce qu'une troupe de brigands, sinon un petit royaume? .. C'est une spirituelle et justereponse que fit Cl Alexandre le Grand ce pirate tombe en son pouvoir. A quoi penses-tu, lui dit leroi, d'infester la mer ? - A quoi penses-tu d'infester la terre ? repond le pirate avec une auda-cieuse libette. Mai parce que je n'ai qu'un frele navire, on m'apbelle corsaire, et parce que tu asune grande flotte, on te nom me conquerant. 15

  • Les fabuleuses richesses des rois hellenistiques 95

    fig. 6

    Tetradrachme d'argent, Ptolernee le

  • Francois de Callatay

    metaux precieux, de palpiter d'orgueil devant tant de tresors amonceles. Quant au soin du pays,quant aux affaires, il ne savait meme pas ce qui se passait autour de lui.Les Cappadociens l'ont vite renversc: il est alle dechoir en Syrie, au sein de la [aineantise et duplaisir dans le palais de Demetrius.Mais des pensees d'un genre tout different vinrent un jour interrompre sa profonde inaction. Ils'esi souvenu que par sa mere, descendante d'Antiochus, et par Stratonice, cette princesse destemps anciens, lui aussi appartenait au sang royal de Syrie, qu'il etait presque uti Seleucide. Ils'est degage quelque temps de la debauche et de l'ivresse, et gauchement, l'esprit encore confus,il a noue certaines intrigues, il a concu certains plans, il a esquisse certains actes, et il a echouedeplorablement, aneanii.

    Sa fm doit eire ecrite quelque part, mais le recii s'en est perdu. L'histoire l'a peui-eire ignoiee, ou,comme de juste, n'a pas daigne tenir compte de ce fait sans importance.Celui qui laissa sur ce tetradraclime la grace de sa {rafche ieunesse, la lumiere de sa poetique beaute,l'ideal souvenir d'un [eune homme d'lonie, c'est Oropheme, fils d'Ariarathe.

    Les fortunes changent de mains de [aeon violente et il [aut, comme Eumene de Cardie, ruser:Eumene, ayant compris qu'ils se meprisaient les uns les auttes, mais que, lui, ils le craignaient etn'attendaieni qu'une occasion pour le tuer, fit semblani d'avoir besoin d'argeni et emorunta ungrand nombre de talents Cl ceux qui le haissaieni le plus, aiin de leur dormer conhance et de lesamener Cl le menager en les faisant trembler pour leurs creances. Illui arriva ainsi d' avoir la richessed'autrui pour garde du corps, et alors que les autres donnent de l'argent pour prix de leur securite,d'etre le seul Cl garantir la sienne en en recevani'".

    Les stratagernes decrits par le pseudo-Aristote dans le deuxierne livre de I'Economiquesont d'abord des expedients de chefs de guerre destines a apaiser la soldatesque quireclarne son duo De fortes sommes accompagnent les arrnees" ou ceux charges derecruter des mercenaires".D'une facon generale, les rois hellenistiques passent pour avoir ete fabuleusement

    riches aux yeux des Grecs continentaux-'. Les pompes, ou grandes processions, dePtolernee II Philadelphe (ca. 279-278 ay. J.-C.)23 et d'Antiochos IVa Daphne (166ou 165 ay. J.-C.)24 sont passees a la posterite". Diodore nous dit d'ailleurs qu'en cetteoccasion Antiochos IV depassa tous ses predecesseurs". On se souviendra aussi deI'emulation entre Ptolernees et Seleucides au moment de relever Rhodes apres letremblement de terre de 226 ay. J.-CY. Vers le merne moment, Plutarque fait selamenter le roi de Sparte, Agis, en ces termes: [amais je ne pourrai m' egaler pourl'argent aux autres rois, car les serviteurs de ces rois et les esclaves des intendants dePtolernee et de Seleucos en possedent plus que n' en eurent ensemble tous les rois deSparte 28. On notera que le me me Agis possedait toutefois la fortune considerable de600 talents d'argent monnaye-". Les pieces de Plaute et de Terence offrent plusieursexemples de la richesse proverbiale de l'Orient, un topos de la Nouvelle Comedie.Ainsi, par exernple, le pere de Pamphila ne ferait pas une mauvaise action pour

  • Les fabuleuses richesses des rois hellenistiques 97

    toutes les montagnes de Perse, que I'on dit en or ),30,tandis que dans les Adelphes deTerence, Dernea qualifie son frere Micion de Babylonien 31.Stratophanes apparaitdans le Truculentus de Plaute comme le prototype de ce miles gloriosus, de ce capitainevantard et pleutre, fanfaron done, revenu au pays enrichi par les conquetes et tourneen ridicule pour pretendre conquerir les cceurs par l'or arnasse".

    Aux yeux des Romains, merne les rois de Macedoine etaient etonnamment riches. Lorsdu triomphe de Paul-Emile, en novembre 167 ay. J.-C., apres la victoire de Pydna, Tite-Live s'etonne ainsi des richesses amassees en trente ans par Persee alors que les Romains fig. 8avaient pris soin de depouiller son pere Philippe apres la victoire de Cynocephale :

    Valerius Antias dit que l'or et I'argent faisant partie du buiin eta le en triomphe formaient unesomme de cent vingt millions de sesterces (nb: 5 000 taJents d'argent). Mais a en iuger par lenombre des chars et la masse d'or et d'argent dont il fait lui-meme l'enumeration, cette somme ada etre beaucoup plus considerable. On assure que Persee avait deoene une somme aussi forte,soit pour les preoaratij de la guerre, soit pendant sa fuite dans Tile de Samothrace. Ce qu'il y eutde plus etonnant, c'est qu'il ait pu, pendant les trente annees qui suivirent la guerre de Philippecentre les Romains, tirer tant d'argent soit de I'exploitation des mines, soit des autres revenus deI'Etat. Aussi avait-il commence la guerre contre les Romains avec d'immenses ressources, tandisque son pere n'avaii eu a sa disposition que de faibles sommesB

    fig. 8

    Tetradrachrne d'argent, Persee de Macedoine (179-168 av. j.-C.).Hess-Divo, Auktian 320 (26.10.2010), lot 121

    A chaque fois qu'ils I'emporterent par les armes, les Romains exigerent des rois oudes etats hellenistiques vaincus une grosse contribution d'argent: 12000 talents endouze ans au traite d'Aparnee en 188 ay. J.-C. apres la victoire sur Antiochos IIP4,2200 talents payables en vingt ans par les Carthaginois" et 500 talents par les Etoliensen 189 ay. J.-C.36. Il est certain que les amendes et les butins exhibes a Rome dans lestriomphes, et dont Tite-Live no us fournit opportunernent le detail, representent uneponction importante de metaux precieux pris au monde hellenistique. Il est mainscertain - et peu visible - que la masse monetaire en circulation s'en soit trouvee forte-ment contractee. Des le debut du lIe siecle en realite, les Romains etaient les maitresde la Mediterranee. Constantin Cavafis a une fois encore admirablement decrit lacornplexite des identites culturelles d'alors dans son poeme Philhellene , lequelevoque au surplus l'art du graveur de coins monetaires :

  • Francois de Callatay

    Philhellene'!

    Prends soin que la gravure soit executee avec art. Uexpression serieuse et digne, le diademe plutOtetroit - ceux des Parihes, si larges, ne me plaisent guere. L'inscription, comme d'habitude, en grec.Pas exageree, pas pompeuse, de peur que le Proconsul qui sans cesse nous epie et nous denonce aRome ne prenne mal la chose ... Mais bien entendu, qu'elle soit flatteuse. Sur le revers, quelque sujettres choisi : peui-etre un bel ephebe lancani le disque. Surtoui (au nom du ciel, fais bien attention,Sithaspe), n'oublie pas qu'apres les mots BASILEUS et SOTER doit figurer en caracieres elegant:PHILHELLENE. Et ne fais pas de mauvaises plaisanteries: Oil sont-ils, ces Hellenes? Et lalangue grecque, qu'a-t-elle a faire ici, dans le Zagros, au-dela de Phaattes? Puisque tant de roisplus barbares que nous prennent ce titre, nous le prendrons aussi. Et puis, n'oublie pas que parfoisnous viennent de Syrie des sophistes, des poetaillons, et auires cerveaux creux. le crois donc quenous ne tnanquons pas de culture grecque.

    La situation est inventee et la monnaie dont il est question n' est pas a retrouver maisle contexte est plausible, et le qualificatif de Philhellene fut largement utilise chez

    fig. 9 les Parthes, mais aussi en Arrnenie et en Characene".

    On fait d'habitude disparaitre le monde hellenistique avec la victoire d'Octave surAntoine et Cleopatre aActium en 3l ay. J.-c. La figure d'Alexandre le Grand - heroi-see, divinisee - va connaitre, au Moyen Age et a la Renaissance, une immense fortunecritique qui doit beaucoup aux multiples versions du Roman d'Alexandre. C' est alorsque va se mettre en place une iconographie inconnue du vivant du conquerant: lecouple Alexandre/Bucephale que les hommes de la Renaissance reconnaissaient dansles monnaies anepigraphes de Corinthe, au prix d'une double confusion, prenantAthena pour Alexandre et Pegase pour Bucephale".

    Tetradrachrne d'argent, Orodes I (90-80 ay. J.-C.)se proc1amant Philhellene, Seleucie-du-Tigre.Rorna Numismatics, Auction 3 (31.3.2012), lot 357

    fig. 10Cette confusion qui ne se comprend qu'a travers le succes du Roman d'Alexandre,

    va engendrer une serie de fantaisies metalliques au XVIe siecle, dont celle reproduiteici. Passionnernent epris d'antiquite, les curieux et les antiquaires de la Renaissancen' ont ainsi pas seulement cherche a ecrire l'histoire a partir des medailles, dont Hubert

  • Les fabuleuses richesses des rois hellenistiques 99

    Goltzius le premier clamait la superiorite sur les textes posthumes et partisans; ils ontaussi quelquefois fabriques des medailles a partir des textes.

    fig. 10

    Medaillon de la Renaissance representant Alexandreau droit et Bucephale au revers.

    Oxford, Ashmolean Museum, Forgeries Collection, Christ Church.

    Notes

    I. Plutarque, Vie de Cleomene, 27.1 et 27-4 - sur I'argent nerf de la guerre, voir aussi Ciceron, Philippiques,5.3; Tacite, Histaires, 2.84-1; Quinte-Curce, Histaire d'Alexandre le Grand, 4.6 ou Diogene Laerce, Vies etsentences des philasaphes illustres, 4-7-48.

    2. Sur le rapport entre la monnaie grecque et la guerre, voir entre autres Kraay 1984 et Callatay 2000.3. Callatay 1989.4. Arrien, Anabase, 2.11.4 et Quinte-Curce, Histaires, 3.11.20.5. Quinte-Curce, Histaires, 5.2-3, 5 et 9. Dix-mille paires de mules et cinq mi11e chameaux selon Plutarque

    (Vie d'Alexandre, 37.2.).6. Diodore, Bibliotheque histotique, 16.8.6-7 - sur le monnayage de Philippe, voir Le Rider 1977.7. Price 1991 et Le Rider 2003.8. Plutarque, (Vie d'Alexandre, 4).9. Dahmen 207; voir aussi Constantin Porphyrogenete, De Themaiibus, 2.2 [22].10. Pline, Histaires naturelles, 7.38 et 37.4; Ciceron, Ad [amiliares, 5.12.11. Plutarque, Vie d'Alexandre, 4-12. Diodore, Bibliotheque historique, 18.14.1.13. Plutarque, Vie de Pyrrhus, 26.2.14. Op. cit., 26.6.15. Saint Augustin, Cite de Dieu, 4+16. Polybe, Histaires, 32.11.1.17. Voir a ce sujet Polybe, Histaires, 33.6.1-9.18. C. Cavafis, Poemes, trad. M. Yourcenar et C. Dimaras, Paris 1978, pp. 121-122.19. Plutarque, Vie d'Eumene, 13.6.20. Voir Diodore, Biblioiheque histortque, 20.108.3.21. Op. cit., 19.57.5 et 61.522. Callatay 2004; Le Rider et Callatay 2006, pp. 169-208.23. Athenee, Deipnoeophistes, 5.196-23.24. Polybe, Histaires, 3.25-26; Athenee, Deipnasophistes, 5.194C-195f.25. Callatay 2006.26. Diodore, Bibliotheque histarique, 31.16.2.27. Polybe, Histaires, 5.89 - sur les monnayages seleucides, voir Houghton et Lorber 2002; Houghton et al.

    2008.

  • 100 Francois de Callatay

    28. Plutarque, Vie d'Agis, 7.2.29. Op. cit., 9.5.30. Plaute, Stichus, 1.1.24-5.31. Thence, Adelphes, 57.915.32. Sur l'or monetaire rarnene en Macedoine, voir Touratsoglou 1998 et 2010.33. Tile-Live, 45.40.1-3.34. Polybe, Histoires, 21.42.19 et Tite Live, 38.38.13.35. Polybe, Histoires, 1.62-63.36. Op. cit., 21.32.8-

  • Le Rider 1977:

    Le Rider 2003 :Le Rider et Callatay 2006:

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    Touratsoglou 1998:

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