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Histoire, société, politique, économie,religion et culture… L’ouvrage clé pourcomprendre l’actualité du NIGÉRIA.

ruit d’une uniformisation artificielle de lacolonisation britannique, état indépendantdepuis 1960, le Nigéria occupe une positiongéostratégique en Afrique. Pays le plus peuplé

du continent, riche en pétrole et gaz naturel mais àl’économie fragile, force militaire importante maistouché par le terrorisme, le Nigéria est en proie auxluttes intestines et à l'instabilité politique,notamment à cause de la secte fondamentalisteBoko Haram (littéralement « l’éducation occidentaleest un péché ») qui conteste la légitimité de l’Étatfédéral. Pays de contrastes, également au niveau de larépartition des ressources, le Nigéria pourraitpourtant devenir la première économie ducontinent africain et un interlocuteur internationalimportant s’il arrive à relever un défi : aménager sonterritoire afin de garantir le bien-être de l’ensembledes populations.

Amzat Boukari-Yabara est docteurdu Centre d’études africaines de l’EHESS. Il travaille sur l’histoire du panafricanisme et des mouvements révolutionnaires.

Sous la direction duspécialiste en islamologieMathieu Guidère, la collection fait découvrirau lecteur le monde arabe et musulman évoluant aux portes de l’Europe : 57 pays musulmans, dont 22 pays arabes, touchés à des degrés divers depuis les soulèvements populairesde 2011 qui ont profondément modifié leur situationgéopolitique.

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Monde musulmanmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmMonde arabe /

ISBN : 978-2-8041-8145-1

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www.deboeck.com

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AMZAT BOUKARI-YABARA

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La collection propose des ouvrages de synthèse et d’actualité par pays. Son directeur, Mathieu Guidère, agrégé d’arabe et professeur des uni-versités en islamologie, est spécialiste de géopolitique et d’histoire immédiate du monde musulman. Il a écrit une vingtaine d’ouvrages sur la langue et la culture arabes, mais aussi sur l’islamisme radical et le terrorisme global.

Déjà parus :Boukari-Yabara A., NigériaEnnasri N., QatarNahavandi F., IranTaha Z., SyrieTamzini W., Tunisie

À paraître :AfghanistanÉgypteMaliPalestine

AmzAt BoukAri-YABArA

© De Boeck Supérieur s.a., 2013 1re édition Rue des Minimes 39, B-1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays.Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit. Imprimé en Belgique

Dépôt légal : Bibliothèque nationale, Paris : octobre 2013 ISSN 2295-2810 Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2013/0074/269 ISBN 978-2-8041-8145-1

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.deboeck.com

Introduction 5

Introduction

Située en Afrique de l’Ouest, la République fédérale du Nigéria est en partie le résultat de la colonisation britannique qui a réuni de manière arbitraire plus de 250 groupes ethniques différents dans un territoire artificiel, formant aujourd’hui le pays le plus peuplé d’Afrique. Chacun de ces groupes s’inscrit dans un cadre historique local, régional ou transnational remontant à la constitution d’empires, de royaumes et de cités- états indépendants auxquels la colonisation est venue mettre un terme. Plus de cinquante ans après avoir obtenu son indépendance (1960), et tout en ayant choisi de conserver en partie les formes de l’État colonial, le Nigéria apparaît comme l’un des pays les plus complexes à appréhender.

Si depuis quelques années, les affrontements interconfessionnels, les actes terroristes , les menaces d’implosion de l’État fédéral et les formes de crimina-lité dans le delta du Niger placent régulièrement le Nigéria à la une de l’ac-tualité internationale, ce géant fragile de l’Afrique est aussi confronté à de nombreuses difficultés économiques et sociales en raison de sa dépendance à la rente pétrolière, du souvenir encore récent des réflexes autoritaires et répressifs de l’appareil d’État, ainsi que des difficultés du régime à mener les réformes nécessaires pour entraver le mécontentement de l’opinion face à l’accroissement des inégalités économiques et sociales, à la persistance de la corruption et des pratiques néo- patrimoniales.

Paradoxalement, le Nigéria est l’une des rares puissances africaines dont la voix porte encore dans le monde. Le pays possède en effet de sérieux atouts : une riche histoire politique et intellectuelle, une diversité sociale et culturelle, une diplomatie politique et commerciale, une force d’intervention militaire, une position géostratégique incontournable avec un littoral ouvert sur l’Atlantique, une démographie qui en fait le premier marché continental,

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Nigéria6

et enfin, des gisements de pétrole, une ressource dont l’exploitation anarchique juxtaposée à l’image des go slows, les fameux embouteillages de Lagos , la plus grande ville d’Afrique sub- saharienne, résume bien souvent l’image explosive de ce pays. Mais qu’en est- il précisément de l’histoire politique, sociale, éco-nomique et culturelle du Nigéria, un pays qui, actuellement dirigé par le président Goodluck Jonathan , est appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans l’Afrique et le monde au xxie siècle ?

Cet ouvrage de synthèse s’attachera à présenter les éléments historiques et géographiques ainsi que les spécificités culturelles du Nigéria. La présentation des enjeux politiques et économiques du Nigéria, ainsi que des grands défis liés à l’éducation et au développement des ressources humaines et sociales de ce pays, constitue la structure de cet ouvrage. La conclusion reviendra sur les points prioritaires qui placent le Nigéria parmi les pays dont l’orientation future aura un impact sur les relations internationales en Afrique, dans le monde arabo- musulman et au- delà.


Histoire et géographie 7

c h a p i t r e 1 Histoire et géographie

1 HISTOIRE ANCIENNE

1.1 La civilisation NokL’histoire du Nigéria présente des ruptures et des continuités entre une période ancienne et précoloniale marquée par des migrations de popula-tions, une période moderne puis coloniale marquée par les débuts de la présence européenne, et enfin une période contemporaine et postcoloniale. Ces périodes chronologiques croisent également des histoires locales, régio-nales et transnationales qui s’inscrivent dans le temps long et l’histoire des peuples.

Ainsi, dans le sud- est du Nigéria actuel, des fouilles archéologiques menées dans les années 1940 ont révélé l’existence de foyers de peuplement ancien caractérisés par le travail du fer. La métallurgie serait arrivée au Nigéria aux alentours du ve siècle avant l’ère chrétienne, en provenance du nord de l’Afrique, à travers le Sahara ou depuis l’Éthiopie. Toutefois, des recoupements entre les terres cuites de Nok, les sculptures d’Ifé, les masques et les statues de bronze du Bénin, ont permis de déterminer l’existence et la succession de ces trois civilisations entre le premier millénaire avant l’ère chrétienne et la fin du premier millénaire de l’ère chrétienne. Des indices et des objets d’art retrouvés notamment en pays Ibo à Igbo- Ukwu ont permis d’émettre l’hypothèse que la civilisation Nok disposait déjà d’une maîtrise des tech-niques de production, et a ensuite influencé une grande partie de l’Afrique de l’Ouest.


Nigéria8

1.2 La naissance des États Haoussa, Yoruba et IboEntre le xe et le xve siècle, plusieurs États centralisés se formèrent dans les régions du Bornou, du Kanem, du Bénin, d’Ifé et d’Oyo . Ainsi, les Haoussa, un peuple qui serait venu soit des rives occidentales du lac Tchad, soit du sud du Sahara ou du massif de l’Aïr, formèrent dans le nord de l’actuel Nigéria des États centralisés autour des villes de Kano , Katsina, Zamfara, Zaria et Kebbi (Ben Yahmed, 2003). Lors de cette période, l’Islam s’est diffusé en s’appuyant sur le processus de centralisation du pouvoir et l’essor de l’alphabétisation en langue arabe. Installés au cœur d’un espace commercial en lien avec l’Afrique du Nord et les régions du Kanem et du Bornou (Tchad), les Haoussa ont noué des relations avec d’autres peuples plus au sud, dont les Yoruba.

Vers le xie siècle, les Yoruba se sont établis dans les environs d’Ifé, sur la zone méridionale du Nigéria actuel. Les Yoruba constituent un groupe linguistique et culturel unique dont les traditions ont ensuite été reprises par les Edo du Bénin . Le pays Yoruba fonctionnait sur le modèle de royaumes, de principau-tés et de cités- états réunis par des lignages ou des alliances complexes. Allant jusqu’aux fleuves Ogun et Niger au nord- est, le pays Yoruba, délimité à l’ouest par la vallée du fleuve Ouémé , recoupait partiellement le territoire des Nupe. Trois puissances principales occupèrent cet espace.

Situé à 300 kilomètres au nord du littoral atlantique, le royaume d’Oyo disposait d’une cavalerie qui lui a permis de dominer les cités voisines (Ifé, Ijesha, Ketou, Oshogbo, Sabé) ainsi que les royaumes d’Allada et du Dahomey entre la fin du xviie siècle et la fin du xviiie siècle. Le monarque d’Oyo ( Alafin) a mis en place des systèmes de tribut et de réciprocité avec les cités vassa-lisées, en gardant un équilibre entre le temporel et le spirituel, le politique et le militaire. Ainsi, la ville sacrée d’Ifé reconnaissait l’autorité militaire et politique d’Oyo, mais elle gardait la prééminence constitutionnelle et céré-moniale grâce à son contrôle du système de divination de l’ifa. Représentants de la noblesse incontournables dans la hiérarchie, les sept Oyomesi (ou basorun) contrôlaient l’armée et disposaient de l’appui de la société secrète des Ogboni, qui pouvait contraindre l’Alafin au suicide. Cependant, en 1774, l’Alafin Abiodun retira le contrôle du commerce côtier à la noblesse qui complota régulièrement contre lui.



Le commerce côtier (captifs, produits agricoles, tissus) était principalement réalisé depuis le territoire du royaume du Bénin, allant de la partie occidentale du delta du Niger jusqu’au lagon de Lagos . Le Bénin, à ne pas confondre avec l’actuelle République du Bénin, rayonnait sur une périphérie qui était reconnue sous le nom de Grand Bénin. La lecture du paysage géopolitique permettait de distinguer des régions stables et des marches, au niveau des provinces.

L ’ O B A D U B É N I N

À la tête du Bénin, l’Oba, qui remplissait en même temps les fonctions de juge et de

chef militaire, pouvait compter sur un certain nombre de vassaux ou d’alliés, dont l’Olu

du royaume de Warri. L’Oba, devait composer avec les tentatives d’usurpation venant

des « chefs de palais » et des « chefs de village » qui détenaient un pouvoir militaire

grandissant au cours du xviiie siècle. Grâce à l’existence d’un art royal du Bénin parti-

culièrement raffiné, l’Oba est l’une des figures les plus prestigieuses de l’histoire préco-

loniale du Nigéria.

2 HISTOIRE MODERNE

2.1 L’impact de la traite esclavagisteLa troisième puissance de la région, le Dahomey, correspond en partie au sud de l’actuelle République du Bénin. Le Dahomey résultait de la conquête des royaumes d’Allada et Ouidah par les rois d’Abomey. État militaire, le Dahomey mena la guerre contre Oyo et ses anciens suzerains Yoruba afin d’obtenir des captifs étrangers qui étaient ensuite échangés auprès des Européens contre des armes à feu. Après 1740, confrontés à la résistance du Dahomey, les Européens se sont tournés vers le royaume du Bénin et le delta du Niger pour obtenir des captifs, notamment à partir du port nigérian de Badagry, un haut lieu de la déportation de captifs vers les Amériques.


Nigéria10

Tandis que jusqu’à sa disparition en 1833 le royaume d’Oyo resta lié commer-cialement aux régions du Kanem et du Bornou grâce aux anciennes routes transsahariennes, le Bénin a progressivement perdu ses marches au profit de multiples cités- états qui étaient intégrées dans le commerce de traite, dont le centre de gravité se déplaça du pays Yoruba vers le delta oriental du Niger. Les sociétés formées dans le delta du Niger sont très intéressantes à étudier car elles sont considérées comme les résultats du commerce de traite puis de la pénétration coloniale qui constitua le modèle proto- colonial de l’État nigérian.

2.2 Les cités- états du delta du NigerLa région du Delta a cristallisé les luttes pour le commerce de traite et le pouvoir local. La présence européenne aiguisait les rivalités entre les classes dirigeantes de Bonny et de Calabar, et les commerçants faisant le cabotage entre les ports d’Aboh et d’Onitsha. Les activités de traite, la pêche, l’extrac-tion du sel, la production d’huile de palme, la fabrication de poteries et d’embarcations qui constituaient le principal moyen de transport, toutes ces activités étaient autant d’occasions de brassage culturel dans un espace habité majoritairement par les Ibo, ainsi que par des groupes Ijaws, Itsereki, Andoni, Efiks et Ibibio. Des groupes qui fuyaient les raids menés par les Oba du Bénin se sont réfugiés dans le delta du Niger . La migration des Itsereki vers le Sud, et leur rencontre avec les Nembe et les Ijaws est un exemple de la manière dont les stratégies de fuite de la traite ont conduit des peuples à se rencon-trer, à échanger et à former des nations plus larges. Les cités de Bonny et de Calabar furent aussi parmi les premières à produire des monarchies puissantes s’appuyant sur le développement de la traite.

Toutefois, non inscrites dans des lignées remontant à de grands empires ou de puissants États, les cités de la baie du Biafra étaient nées exactement dans la période où le commerce de traite se développa. L’absence de grande unité politique favorisa la spécialisation, la division du travail et l’isolement des communautés les unes des autres, permettant aux Européens de trouver dans un petit rayon géographique des chefs plus malléables. Dans ce contexte, au xviiie siècle, les rivalités entre Calabar, Bonny ou Okrika profitaient toutes aux Européens qui voyaient les puissances locales s’épuiser dans des luttes intestines (Falola et Matthew, 2008).



2.3 Le Nord unifié par l’IslamAlors que les sociétés côtières Yoruba et Ibo à majorité animistes, confron-tées au commerce de traite dans la région des « rivières à huile » (Delta du Niger), étaient soumises à un processus de fragmentation et d’évangéli-sation dans la seconde moitié du xixe siècle, les États Haoussa dans le Nord se renforcèrent dès le début du xixe siècle sous l’impulsion des guerres saintes. Menées au nom de l’Islam par des chefs guerriers comme Al- Kanemi, Ousman Dan Fodio ou Muhammad Bello, ces guerres saintes aboutirent à la forma-tion de califats, dont les plus importants régnèrent sur Borno et Sokoto de 1820 à 1880.

L E C A L I F A T

Le califat est un État politico- religieux dirigé par un calife qui se présente comme

successeur du prophète. Divisés localement en émirats, les califats du pays Haoussa

reposaient autant sur la prédication que sur la diplomatie, les alliances matrimoniales,

la guerre et la répression qui amenaient leur lot de captifs. Le pouvoir politique et

militaire, ajouté à une agriculture extensive et une économie solide, donnèrent aux

califats une puissance incontestable dans la région, jusqu’à leur conquête par les Bri-

tanniques. Le califat n’existe plus aujourd’hui, mais le titre de Sultan de Sokoto a été

maintenu pour désigner la première autorité politique et spirituelle de la communauté

musulmane du Nigéria.

3 HISTOIRE COLONIALE

3.1 La conquête coloniale du NigériaAu début du xixe siècle, à la suite de l’abolition de la traite, la Royal Navy a créé des patrouilles chargées d’arraisonner les négriers pratiquant la traite clandestine, puis de ramener et libérer leur cargaison de captifs dans la


Nigéria12

colonie anglaise de Freetown, en Sierra Leone. En réalité, les Britanniques c ontrôlaient l’ensemble du littoral atlantique de l’Afrique de l’Ouest, et en particulier le delta du Niger. La conquête du Nigéria s’effectua ainsi du littoral Sud vers le Nord, remodelant le paysage sociopolitique des pays Yoruba, Ibo et Haoussa.

La colonisation du Nigéria illustre parfaitement le triptyque commerce- civilisation- christianisme. Pour les Britanniques, il s’agissait de contrôler les matières premières nécessaires au développement industriel de la métropole, d’ouvrir de nouveaux débouchés commerciaux dans un contexte de concur-rence entre les impérialismes européens, et de mettre en place un projet civilisateur fondé sur des préjugés incluant des visions paternalistes à la fois racistes et philanthropes.

En 1851, les Britanniques profitèrent d’une crise de succession dans la famille royale de Lagos pour prendre position dans les affaires africaines. Dix ans plus tard, ils établissaient leur première colonie à Lagos. Depuis cette ville, les Britanniques, qui devaient faire face à la concurrence française, attaquè-rent les cités yorubas d’Ibadan , d’Ijebu et d’Abeokuta qui les empêchaient de développer le commerce dans l’hinterland. Le commerce des armes contribua à créer un rapport de force favorable aux Britanniques et à leurs alliés locaux.

En 1885, à la Conférence de Berlin, les Britanniques imposaient un protectorat sur les rivières à huile du delta du Niger. Un an plus tard, un traité de paix mettait fin aux guerres yorubas, et en 1887, le roi JaJa d’Opobo fut exilé aux Antilles. Alali, le roi de Bonny, fut renversé et remplacé par un souverain plus malléable, Dappa Pepple. Toutefois, après l’établissement du protectorat sur les territoires du sud- ouest (Lagos ), une révolte éclata contre la Compagnie Royale du Niger. Celle- ci, dirigée par Lord Frederic Lugard , avait été créée en 1886 pour administrer le protectorat et la colonie, et le protéger des convoi-tises françaises et allemandes.

En 1896, le royaume du Bénin fut soumis à la suite d’une expédition bri-tannique menée dans le but de venger le consul Philips, assassiné pour avoir refusé de respecter des coutumes locales. L’exil de l’Oba Ovonramwen à Calabar, ou la déportation de Nana, le gouverneur du Bénin montrent que les Britanniques faisaient face à une série de résistances locales. Enfin,



la conquête militaire du Bénin s’est accompagnée du pillage et de la des-truction de statues et de masques de bronze qui étaient autant de signes du pouvoir royal.

En 1903, après la chute du califat de Sokoto , un protectorat fut établi sur le Nord du pays par Lord Lugard, le premier gouverneur du Nigéria . En 1914, en parallèle à une série d’accords frontaliers avec la France fixant la frontière avec le Dahomey (Bénin), le protectorat du Nord fut rattaché aux protectorats de Lagos et du delta du Niger, donnant naissance à la colonie et au protectorat du Nigéria. S’ensuivit une série d’ajustements politiques et juridiques afin de créer un système représentatif de la diversité ethnique d’un territoire regroupant des populations historiquement et culturellement différentes. Les Peuls et les Haoussa du Nord, les Ibo de l’Est et les Yoruba de l’Ouest furent représentés par une succession d’organes et de conseils législatifs.

3.2 L’administration colonialeAinsi, le capitaine Lord Frédéric Lugard posait les bases de l’administration indirecte (indirect rule). Pour pallier notamment le manque de personnel administratif et de moyens financiers, le système de l’administration indirecte déléguait autant que faire se peut aux Africains une partie de la gestion des affaires courantes. Les Britanniques, qui devaient également tenir compte de la barrière linguistique, s’inspiraient alors de leurs précédentes expériences d’administration indirecte dans les Indes.

Au Nigéria, les protectorats de Lagos et du Sud élisaient des représentants au Conseil Législatif, dont les lois ne s’appliquaient pas sur le protectorat du Nord. En effet, au Nord, le gouverneur légiférait par l’intermédiaire des fonctionnaires de l’administration coloniale, dirigée par un lieutenant- gouverneur qui utilisait les chefs indigènes et traditionnels comme relais auprès de la population autochtone, afin de collecter l’impôt et de rendre la justice selon la loi i slamique.

Validé par la constitution Clifford de 1922, le système de représentativité des Africains fut développé par la constitution Richards de 1946, du nom du gouverneur Sir Arthur Richards. La Constitution dota le gouvernement du


Nigéria14

Nord musulman d’une représentation directe (House of Chiefs) au sein du gou-vernement central. Mélangeant l’autocratie tribale du Nord et la démocratie parlementaire du Sud, la Constitution Richards fit éclater les protectorats du Nord et du Sud pour créer les trois régions : Nord, Ouest et Est. Chacune était dotée d’une assemblée régionale comportant une minorité de membres africains élus parmi les autorités locales, et une majorité de Britanniques nommés, qui étaient ensuite chargés d’élire le Conseil législatif central, selon des clauses d’une extrême minutie.

Retenons le cas du Nord, où une subdivision était établie entre la chambre des Chefs regroupant les sultans et les émirs, et la chambre d’Assemblée, formée de fonctionnaires britanniques et de personnalités élues ou nommées par les autorités locales. Les dirigeants nationalistes comme Nnamdi Azikiwe s’opposaient d’autant plus à ce système qu’ils n’ont été à aucun moment consultés par les autorités britanniques dans le cadre de la rédaction de cette constitution. Contestée par le principal parti anticolonialiste de l’époque, le Conseil national du Nigéria et du Cameroun (NCNC), la Constitution Richards laissait le véritable pouvoir exécutif et législatif aux mains du gou-verneur et de quelques fonctionnaires britanniques qui désignaient comme intermédiaires les Africains les plus malléables.

La réforme institutionnelle se poursuivit de manière consensuelle avec les constitutions MacPherson (1951-52) et Lyttelton (1954) qui ont doté les assemblées régionales de compétences législatives et exécutives, et qui ont imposé le principe fédéraliste en travaillant les compromis entre les trois régions. À partir de 1954, les Nigérians bénéficiaient d’une plus grande liberté d’association politique. En 1957, les deux régions qui avaient été créées en 1939, le Nigéria Occidental et le Nigéria Oriental, obtenaient l’autonomie, trois ans avant l’indépendance totale du Nigéria (Falola et Matthew, 2008).

3.3 Les sources du nationalisme nigérianBien que négociée, la décolonisation du Nigéria résultait d’un ensemble de résistances locales et de luttes globales. Dès les années 1900 et l’effondrement des royaumes du Sud et des califats du Nord, un sentiment nationaliste et patriotique se développa. Dans les années 1920 et 1930, à l’instar de ce qui



se déroulait dans le reste de l’Afrique de l’Ouest anglophone, des figures locales comme Herbert Macauley du Nigerian National Democratic Party (NNDP) et Nnamdi Azikiwe , ainsi que des Nigérians étudiant en Angleterre regroupés au sein de la WASU (West African Students Union) prônaient la lutte contre le colonialisme.

En 1941, la Charte de l’Atlantique signée par le Premier ministre Britannique Churchill et le président des États- Unis Roosevelt souleva le principe du droit des peuples à disposer d’eux- mêmes. À la fin de la Guerre, Churchill perdit les élections contre les travaillistes qui avaient montré des signes d’ouverture vers les mouvements anticolonialistes. Organisé à l’automne 1945 à M anchester par le Ghanéen Nkrumah et l’Antillais Padmore, le Cinquième Congrès pana-fricain a permis à l’Afrique anglophone d’établir un agenda pour aller vers l’indépendance. Ainsi, les activistes nigérians ont joué un rôle dans les mou-vements de décolonisation de l’ensemble du continent.

Par ailleurs, les luttes syndicales (création de la People Union en 1908 et de la Nigerian Civil Servants Union en 1912), les luttes sociales (soulèvement Egba de 1918 contre les taxes coloniales, grèves dans les mines de charbon en 1925, émeutes et grève générale en 1949), le développement de la presse panafricaine (le West African Pilot de Azikiwe en 1937), les premières organisations politiques et militantes (l’Anti- Slavery and Aborigine Protection Society en 1912, le NCNC), les mouvements populaires de femmes et de jeunes (révolte des femmes d’Aba contre l’imposition fiscale en 1929, création du Nigerian Youth Movement en 1936), ou le maintien des structures traditionnelles, sont autant d’éléments qui ont contribué à l’émergence d’un nationalisme nigérian, consa-cré au moment de l’indépendance.

4 HISTOIRE CONTEMPORAINE

4.1 Le Nigéria indépendantLe 1er octobre 1960, le Nigéria accède à l’indépendance après 60 ans de domination coloniale qui ont creusé les divisions entre les différents groupes ethniques du pays. L’ossature coloniale du Nigéria laissait penser que le pays


Nigéria16

éclaterait au moment de son indépendance en fonction des équilibres démographiques et politico- religieux, à la manière des Indes Britanniques divisées entre l’Inde à majorité hindoue, le Pakistan à majorité musulmane, et le Bangladesh avec ses minorités chrétienne et bouddhiste.

Au Nord, les populations à majorité musulmane et d’origine haoussa étaient représentées au sein du Congrès des peuples du Nord (NPC) d’Ahmadu Bello (1910-66) par le Premier Ministre Sir Abubakar Tafawa Balewa (1912-66), qui eût l’honneur de proclamer l’indépendance. À l’Est, les populations chrétiennes et animistes à majorité ibo étaient représentées au sein du NCNC par le père de l’indépendance Nnamdi Azikiwe (1904-96). À l’Ouest, les populations à majorités chrétiennes et d’origine yoruba étaient regroupées derrière le parti politique du Groupe d’Action (AG) dirigé par Chief Obafemi Awolowo (1909-87).

L’équilibre entre les trois régions correspondait à la cohabitation de trois forces politiques et de trois grands groupes ethniques différents. Toutefois, à l’exception du NCNC pendant une courte période, aucun parti ne fut assez organisé pour être fortement implanté dans chacune des régions. En février 1961, un premier décalage apparaît lorsque la partie Nord du Came-roun britannique est rattachée à l’Est du Nigéria après un référendum. À partir de 1963, alors que le Nigéria est devenu une république, une quatrième région est créée dans le Centre- Ouest, ce qui modifie les équilibres régionaux. Le pouvoir politique est alors construit sur des coalitions très fragiles. Or, le seul pouvoir suffisamment solide dans les premières années d’indépendance était celui de l’armée (Falola et Matthew, 2008).

Le 15 janvier 1966, les forces armées se révoltent et renversent le gouver-nement, mettant fin à la Première République. Le général d’origine ibo Johnson Aguiyi- Ironsi prend le pouvoir. Pendant le coup d’État, alors que des dirigeants politiques originaires du Nord ou de l’Ouest sont assassinés (Talefa Balewa , Chief Akintola, Ahmadu Bello), des hommes politiques de l’Est et d’origine ibo sont épargnés. En représailles, les nordistes assassinent plusieurs milliers d’Ibo vivant dans le Nord. Le 29 juillet 1966, Ironsi est renversé et tué lors d’un contre coup d’État mené par le général Yakubu Gowon , un chrétien originaire du Nord.



Index 109

Index

A

Abacha 19, 49-50, 55, 89, 96

Abiodun 8

Abiola 18-19, 49, 86, 96

Abubakar 16, 20, 49-51

Abuja 18, 21-24, 29, 31, 40, 45, 48, 54,

56-59, 71-72, 78-80, 93, 104

Achebe 86, 88, 101

Awolowo 16, 39

Azikiwe 14-16, 39, 80

B

Babangida 18, 96

Bakassi 24, 55

Balewa 16

Bénin 7-10, 12-13, 21-22, 26-28, 34, 64, 68,

72, 77-78, 90-92

Biafra 10, 17, 22, 26, 32, 47, 54, 70, 89

Boko Haram 5, 20, 22, 33, 59, 62, 104-105

Bonny 10, 12

C

Calabar 10, 12, 33, 38, 56, 77, 80

D

Delta 10-11, 26, 28-29, 53-55, 70, 77, 80, 83,

92, 104

F

Fela 94-96, 101

G

Gowon 16-17

I

Ibadan 12, 21, 40, 77-78, 86, 91, 98, 101

Ifé 7-8, 28, 78, 89, 91, 93

Igbo-Ukwu 7, 89

Ironsi 16

J

Jonathan 6, 20, 24, 26, 36, 51-53, 59, 62

Jos 20, 89, 93

K

Kaduna 20, 23, 29, 40, 56, 70, 78, 89, 93

Kano 8, 20-21, 29, 70, 77-78, 80, 91-92

L

Lagos 6, 9, 12-13, 18, 21-23, 29, 31, 38-39,

45, 54, 56, 58, 64, 73, 78-80, 83, 91, 93,

97-98

Lugard 12-13


Nigéria110

M

Murtala Mohammed 17

O

Obasanjo 18-20, 29, 50-51, 53, 57, 62, 87,

95-96, 103

Okigbo 86, 89

Ouémé 8

Oyo 8-10, 26, 29, 69-70, 92

S

Saro-Wiwa 55, 86, 89, 98

Shagari 18

Shonekan 19

Sokoto 11, 13, 33, 69

Soyinka 86, 89, 101


Table des matières 111

Table des matières

Introduction ................................................................................................................................................................... 5

Chapitre 1 : Histoire et géographie ....................................................................................................... 7

1. Histoire ancienne ....................................................................................................................................... 7

1.1. La civilisation Nok ............................................................................................................................. 7

1.2. La naissance des États Haoussa, Yoruba et Ibo ............................................................ 8

2. Histoire moderne ....................................................................................................................................... 9

2.1. L’impact de la traite esclavagiste ............................................................................................ 9

2.2. Les cités- états du delta du Niger ........................................................................................... 10

2.3. Le Nord unifié par l’Islam ............................................................................................................ 11

3. Histoire coloniale ....................................................................................................................................... 11

3.1. La conquête coloniale du Nigéria .......................................................................................... 11

3.2. L’administration coloniale ............................................................................................................ 13

3.3. Les sources du nationalisme nigérian .................................................................................. 14

4. Histoire contemporaine ....................................................................................................................... 15

4.1. Le Nigéria indépendant ................................................................................................................. 15

4.2. La période des régimes militaires ........................................................................................... 17

4.3. L’armée rend le pouvoir aux civils ......................................................................................... 19

5. Situation géographique et géostratégique ............................................................................ 21

6. Relief, climat et géopolitique........................................................................................................... 22

Carte : La République fédérale du Nigéria......................................................................................... 25


Nigéria112

Résumé ....................................................................................................................................................................... 26

Pour aller plus loin ............................................................................................................................................. 26

Chapitre 2 : Peuples et société ................................................................................................................... 27

1. La population du Nigéria .................................................................................................................... 27

1.1. Les ethnies .............................................................................................................................................. 27

1.2. La démographie .................................................................................................................................. 28

1.3. La santé .................................................................................................................................................... 30

2. Religions et traditions ............................................................................................................................ 32

2.1. Une mosaïque religieuse ............................................................................................................... 32

2.2. Une terre de missions .................................................................................................................... 33

2.3. Les religions traditionnelles ......................................................................................................... 34

3. La société civile ........................................................................................................................................... 35

3.1. Une société civile marquée par les inégalités économiques ............................... 35

3.2. Société civile et politique ............................................................................................................. 36

4. Les télécommunications et les médias .................................................................................... 38

4.1. Un secteur en plein essor ............................................................................................................ 38

4.2. La presse .................................................................................................................................................. 39

4.3. L’audiovisuel ........................................................................................................................................... 39

5. Les rapports de genre ............................................................................................................................ 41

5.1. Un indicateur des inégalités socio- économiques......................................................... 41

5.2. Une politique pour le genre et le développement ................................................... 42

Carte : Le Nigéria, une mosaïque ethno- culturelle ................................................................................ 44

Résumé ....................................................................................................................................................................... 45


Chapitre 3 : Pouvoir et politique ............................................................................................................. 47

1. Une histoire des institutions ........................................................................................................... 47

1.1. Un régime de séparation des pouvoirs .............................................................................. 47

1.2. Système fédéral et modèle électoral .................................................................................... 48


Table des matières 113

1.3. Retour sur les circonstances de la transition à la démocratie ........................... 49

2. L’histoire politique immédiate ....................................................................................................... 51

2.1. Les élections de 2007 ...................................................................................................................... 51

2.2. La transition au décès du président Yar’Adua .............................................................. 51

3. Sécurité, défense et relations internationales ................................................................... 53

3.1. Les enjeux de sécurité intérieure ............................................................................................ 53

3.2. Le Nigéria, gendarme de l’Afrique ? ...................................................................................... 56

3.3. La recherche d’une plus grande influence internationale ..................................... 58

Carte : Les élections présidentielles de 2011 au Nigéria .................................................................. 61

Résumé ....................................................................................................................................................................... 62


Chapitre 4 : Économie et développement ...................................................................................... 63

1. Le Nigéria, une puissance économique africaine ............................................................ 63

1.1. Une économie à plusieurs échelles ....................................................................................... 63

1.2. Un secteur bancaire et financier international ............................................................. 65

1.3. Une puissance commerciale attractive et compétitive ........................................... 67

2. Forces et faiblesses de l’industrie nigériane ........................................................................ 69

2.1. Des ressources minières conséquentes ............................................................................... 69

2.2. Le pétrole et le gaz naturel ........................................................................................................ 69

2.3. Énergies et électricité ...................................................................................................................... 72

3. Le secteur agro- alimentaire .............................................................................................................. 74

3.1. L’agriculture ............................................................................................................................................ 74

3.2. L’élevage ................................................................................................................................................... 75

3.3. La pêche ................................................................................................................................................... 76

4. L’aménagement du territoire .......................................................................................................... 77

4.1. L’urbanisation ........................................................................................................................................ 77

4.2. Les transports ....................................................................................................................................... 79

Carte : Économie et équilibres géopolitiques au Nigéria ................................................................ 82


Nigéria114

Résumé ....................................................................................................................................................................... 83


Chapitre 5 : Éducation et culture ............................................................................................................ 85

1. Le système éducatif ................................................................................................................................. 85

1.1. L’éducation avant 1960 .................................................................................................................. 85

1.2. La naissance d’un système d’éducation nationale ...................................................... 86

2. Le patrimoine culturel .......................................................................................................................... 88

2.1. La littérature et le théâtre ........................................................................................................... 88

2.2. Les arts traditionnels ....................................................................................................................... 89

3. La politique culturelle ........................................................................................................................... 91

3.1. Enseignement et diffusion des arts ....................................................................................... 91

3.2. La préservation du patrimoine ................................................................................................. 92

4. Activités et productions culturelles ........................................................................................... 93

4.1. La musique ............................................................................................................................................. 93

4.2. Le cinéma ................................................................................................................................................ 96

4.3. Les sports................................................................................................................................................. 97

Carte : Le défi de l’éducation des femmes au Nigéria ...................................................................... 100

Résumé ....................................................................................................................................................................... 101


Conclusion ....................................................................................................................................................................... 103

Bibliographie et webographie .................................................................................................................... 107

Index ........................................................................................................................................................................................ 109


Histoire, société, politique, économie,religion et culture… L’ouvrage clé pourcomprendre l’actualité du NIGÉRIA.

ruit d’une uniformisation artificielle de lacolonisation britannique, état indépendantdepuis 1960, le Nigéria occupe une positiongéostratégique en Afrique. Pays le plus peuplé

du continent, riche en pétrole et gaz naturel mais àl’économie fragile, force militaire importante maistouché par le terrorisme, le Nigéria est en proie auxluttes intestines et à l'instabilité politique,notamment à cause de la secte fondamentalisteBoko Haram (littéralement « l’éducation occidentaleest un péché ») qui conteste la légitimité de l’Étatfédéral. Pays de contrastes, également au niveau de larépartition des ressources, le Nigéria pourraitpourtant devenir la première économie ducontinent africain et un interlocuteur internationalimportant s’il arrive à relever un défi : aménager sonterritoire afin de garantir le bien-être de l’ensembledes populations.

Amzat Boukari-Yabara est docteurdu Centre d’études africaines de l’EHESS. Il travaille sur l’histoire du panafricanisme et des mouvements révolutionnaires.

Sous la direction duspécialiste en islamologieMathieu Guidère, la collection fait découvrirau lecteur le monde arabe et musulman évoluant aux portes de l’Europe : 57 pays musulmans, dont 22 pays arabes, touchés à des degrés divers depuis les soulèvements populairesde 2011 qui ont profondément modifié leur situationgéopolitique.

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Monde musulmanmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmMonde arabe /

ISBN : 978-2-8041-8145-1

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