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21 la lettre Didier Jeunesse - 8, rue d’Assas - 75006 Paris - Tél : 01 49 54 48 30 [email protected] - Contact : Stéphanie Bourgeois de juillet 2011 Si les vertus de la lecture à voix haute de l’album ne sont plus à prouver, la manière de la pratiquer reste encore controversée. S’appuyer sur les images pour capter l’attention des enfants, n’écouter que la voix du lecteur pour être bien concentré… chacun a sa façon de faire et ses convictions. Bibliothécaires et enseignants sont de plus en plus nombreux à utiliser le kamishibaï. Daniel Sanzey, metteur en scène, et d’autres professionnels du livre nous donnent leur point de vue. Edito édito POUR OU CONTRE LE KAMISHIBAÏ ? Le point de vue de Daniel Sanzey* Magali Le Huche, Les deniers de Compère Lapin. * Comédien, metteur en scène et animateur de la compagnie « Le Théâtre du Fauteuil », Daniel Sanzey crée de nombreux spectacles à partir d’albums et de romans de la littérature jeunesse. Pour n’en citer que quelques uns : La souris qui cherchait un mari, Les livres en connaissent un rayon, Babayaga, Titi nounours et la Sousoupe au pilipili, Bou et les Trois Zours, Les Deniers de Compère Lapin et L’Ogre Babborco… Parallèlement à ces activités, il organise des stages de lecture à voix haute auprès de bibliothécaires et de professionnels divers. Pour le contacter : 03 29 75 06 72. Le kamishibaï : une réponse à la lecture de l’album ? On sait que la lecture à haute voix de l’album pose le problème de la relation entre le texte et l’image. Comment faut-il lire l’album ? Lire une page puis s’arrêter et montrer l’image… se contorsionner en lisant tout en montrant l’image… montrer l’image, puis lire le texte correspondant. En tant que formateur, je me bats avec les lecteurs qui utilisent de tels procédés. Alors la solution, le kamishibaï ? Certainement pas ! Je ne peux pas imaginer les textes des éditions Didier Jeunesse, des contes, travaillés avec précision, écrits avec soin, lus cachés derrière un livre en forme de petit théâtre, avec des images qui défilent, sans voir le lecteur, sans voir le détail de l’image. Quand j’assiste à une lecture devant de jeunes élèves, je me régale en les regardant vibrer aux expressions du lecteur : le rire des petits quand celui-ci imite la grenouille à grande bouche, le plaisir qu’ils pren- nent à le regarder proférer les injures du lapin au loup dans l’album Faim de loup. Comment peut-on se passer de toutes ces émotions sur le visage du lecteur ? Qui n’a pas expérimenté dans une lecture à des tout-petits, le regard du lecteur faisant croire à l’arrivée d’un personnage de l’histoire, en regardant le fond de la classe et tous les enfants qui se retournent ? Quel plaisir ! On ne peut comparer le travail du marionnettiste caché derrière son castelet à celui qui manipule à vue sa marion- nette. Il en va de même pour le kamishibaï et l’album. Le kamishibaï, pour moi, n’est pas un album avec ce rapport précieux entre le texte et l’image où souvent la typographie du texte participe au rythme de la page. Didier Jeunesse fait un travail remarquable pour la lecture à haute voix. La typographie mise en place dans les albums souligne les mots importants et joue avec le sens des mots (comme le mot « fondre » dans Les Deux Maisons). Elle donne au lec- teur le début d’une vraie partition pour l’aider à mener sa lecture. Alors, comment lire l’album ? Dans la collection « À Petits Petons » chez Didier Jeunesse par exemple, le texte existe seul. On peut lire l’histoire sans aucune référence à l’illustration. Le lecteur se doit de travailler son texte : jouer avec les silences, décider où se met l’accent tonique dans la phrase, trouver la musicalité des mots, se rapprocher de cette belle phrase d’Elsa Triolet : « Le texte, écrit, couché au son de la voix se lève et marche. » Quand ce travail de lecture est fait, quel régal de découvrir comment Andrée Prigent a rêvé les images de L’Ogre Babborco, quelle technique elle a utilisée ; quel plaisir de découvrir le travail de Cécile Hudrisier pour dessiner La Grosse Faim de P’tit Bonhomme, tous les détails, les clins d’oeil qu’elle met dans ses images ; quelle mer- veille de découvrir le boulot effectué par Samuel Ribeyron dans les personnages en volume de l’album Les Deux Maisons. Le lecteur se doit d’être aussi celui qui aide l’en- fant à approfondir la lecture de l’image. Je m’amuse avec les classes que je rencontre et aussi avec les lecteurs que je forme à lire différemment. Commencer la lecture de l’album par l’image, prendre le temps avec le groupe d’enfants d’essayer de comprendre ce qu’elles nous racontent. Quand ce travail est fini, mettre les images explorées dans un coin de sa tête et écouter le texte. Le lecteur est tout à sa lecture, il fait un vrai boulot de lecture à haute voix, avec un texte maîtrisé. Ecrire une partition de sa lecture (silences, intonations) lui donne la possibilité de conduire son histoire et de ne pas s’y perdre. La lecture à haute voix de l’album Claude Duneton dans le numéro de la revue Autrement L’enfant lecteur nous dit : « Une autre lecture est la lecture qui porte attention à la langue. Moi, je suis un lecteur lent ; je lis toutes les phrases, je lis musicalement. » Ce livre est comme une partition musicale. En une demi-heure, on peut parcourir des yeux la partition d’une symphonie qui s’exécute en trois heures. Mais comment en percevoir la musicalité ? La musique c’est la substance charnelle, vivante de la langue. En lisant vite, on élimine la musique, les sonorités qui, elles aussi, ont un sens. » Je suis un amoureux de la lecture à haute voix et je ne peux me résoudre à ne pas voir le lecteur LIRE… Je ne peux non plus me satisfaire d’une vision de loin et rapide des magnifiques images proposées par les illustrateurs. Vous l’aurez compris, le kamishibaï, ce n’est pas ma tasse de thé ! Kamishibaï, késako ? Le kamishibaï, genre narratif japonais, remonte au 12 e siècle et signifie littéralement « jeu théatral en papier ». Il est alors utilisé par les moines bouddhistes pour raconter des histoires moralisantes aux gens illettrés. Le principe du kamishibaï consiste à faire défiler des images devant les spectateurs dans une sorte de petit théâtre, le « butaï » en bois, en même temps qu’on raconte l’histoire à voix haute. Ce n’est qu’en 1923 qu’apparaît au Japon le premier kamishibaï pour enfants intitulé « La chauve- souris d’or ». Il se répand ensuite dans le monde en s’adaptant aux différentes cultures des pays d’accueil. La tendance en France est de placer le kamishibaï comme un genre d’albums qui règle la difficulté que représente la lecture à haute voix des albums traditionnels. Il est prisé par les bibliothécaires, les enseignants et tous les professionnels qui pratiquent la lecture en groupe. Callicéphale éditions est le premier éditeur français de kamishibaï avec 32 histoires pour théâtre d’images publiées à ce jour.

21 la lettre - La malle aux trésors des comptines et des ...des lectures dans différents lieux, une crèche, une bibliothèque, une école maternelle ; parfois des endroits insolites

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la lettreDidier Jeunesse - 8, rue d’Assas - 75006 Paris - Tél : 01 49 54 48 30 p r o m o @ e d i t i o n s - d i d i e r. f r - C o n t a c t : S t é p h a n i e B o u r g e o i s de

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Si les vertus de la lecture à voix haute de l’album ne sont plus à prouver, la manière de la pratiquer reste encore controversée. S’appuyer

sur les images pour capter l’attention des enfants, n’écouter que la voix du lecteur pour être bien concentré… chacun a sa façon de faire

et ses convictions. Bibliothécaires et enseignants sont de plus en plus nombreux à utiliser le kamishibaï. Daniel Sanzey, metteur en

scène, et d’autres professionnels du livre nous donnent leur point de vue. Editoédito

POUR OU CONTRE LE KAMISHIBAÏ ?Le point de vue de Daniel Sanzey*

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* Comédien, metteur en scène et animateur de la compagnie « Le Théâtre du Fauteuil », Daniel Sanzey crée de nombreux spectacles à partir d’albums et de romans de la littérature jeunesse.Pour n’en citer que quelques uns : La souris qui cherchait un mari, Les livres en connaissent un rayon,Babayaga, Titi nounours et la Sousoupe au pilipili, Bou et les Trois Zours, Les Deniers de Compère Lapinet L’Ogre Babborco… Parallèlement à ces activités, il organise des stages de lecture à voix haute auprès de bibliothécaires et de professionnels divers. Pour le contacter : 03 29 75 06 72.

Le kamishibaï : une réponse à la lecture de l’album ?On sait que la lecture à haute voix de l’album pose le problème de la relation entre le texte et l’image.Comment faut-il lire l’album ? Lire une page puis s’arrêteret montrer l’image… se contorsionner en lisant tout enmontrant l’image… montrer l’image, puis lire le texte correspondant. En tant que formateur, je me bats avec leslecteurs qui utilisent de tels procédés. Alors la solution, lekamishibaï ? Certainement pas !

Je ne peux pas imaginer les textes des éditions DidierJeunesse, des contes, travaillés avec précision, écrits avecsoin, lus cachés derrière un livre en forme de petit théâtre,avec des images qui défilent, sans voir le lecteur, sans voirle détail de l’image. Quand j’assiste à une lecture devant dejeunes élèves, je me régale en les regardant vibrer auxexpressions du lecteur : le rire des petits quand celui-ciimite la grenouille à grande bouche, le plaisir qu’ils pren-nent à le regarder proférer les injures du lapin au loup dansl’album Faim de loup. Comment peut-on se passer detoutes ces émotions sur le visage du lecteur ? Qui n’a pasexpérimenté dans une lecture à des tout-petits, le regarddu lecteur faisant croire à l’arrivée d’un personnage del’histoire, en regardant le fond de la classe et tous lesenfants qui se retournent ? Quel plaisir !On ne peut comparer le travail du marionnettiste cachéderrière son castelet à celui qui manipule à vue sa marion-nette. Il en va de même pour le kamishibaï et l’album. Lekamishibaï, pour moi, n’est pas un album avec ce rapportprécieux entre le texte et l’image où souvent la typographiedu texte participe au rythme de la page. Didier Jeunessefait un travail remarquable pour la lecture à haute voix. Latypographie mise en place dans les albums souligne lesmots importants et joue avec le sens des mots (comme lemot « fondre » dans Les Deux Maisons). Elle donne au lec-teur le début d’une vraie partition pour l’aider à mener salecture.

Alors, comment lire l’album ?Dans la collection « À Petits Petons » chez Didier Jeunessepar exemple, le texte existe seul. On peut lire l’histoire sansaucune référence à l’illustration. Le lecteur se doit de travailler son texte : jouer avec les silences, décider où semet l’accent tonique dans la phrase, trouver la musicalité

des mots, se rapprocher de cette belle phrase d’Elsa Triolet : « Le texte, écrit, couché au son de la voix se lèveet marche. » Quand ce travail de lecture est fait, quel régalde découvrir comment Andrée Prigent a rêvé les images deL’Ogre Babborco, quelle technique elle a utilisée ; quelplaisir de découvrir le travail de Cécile Hudrisier pourdessiner La Grosse Faim de P’tit Bonhomme, tous les détails,les clins d’oeil qu’elle met dans ses images ; quelle mer-veille de découvrir le boulot effectué par Samuel Ribeyrondans les personnages en volume de l’album Les DeuxMaisons. Le lecteur se doit d’être aussi celui qui aide l’en-fant à approfondir la lecture de l’image.

Je m’amuse avec les classes que je rencontre et aussi avec leslecteurs que je forme à lire différemment. Commencer lalecture de l’album par l’image, prendre le temps avec legroupe d’enfants d’essayer de comprendre ce qu’elles nousracontent. Quand ce travail est fini, mettre les imagesexplorées dans un coin de sa tête et écouter le texte. Le lecteur est tout à sa lecture, il fait un vrai boulot de lecture à haute voix, avec un texte maîtrisé. Ecrire une partition de sa lecture (silences, intonations) lui donne lapossibilité de conduire son histoire et de ne pas s’y perdre.

La lecture à haute voix de l’albumClaude Duneton dans le numéro de la revue AutrementL’enfant lecteur nous dit : « Une autre lecture est la lecturequi porte attention à la langue. Moi, je suis un lecteur lent ; je lis toutes les phrases, je lis musicalement. » Ce livreest comme une partition musicale. En une demi-heure, on peut parcourir des yeux la partition d’une symphoniequi s’exécute en trois heures. Mais comment en percevoirla musicalité ? La musique c’est la substance charnelle,vivante de la langue. En lisant vite, on élimine la musique,les sonorités qui, elles aussi, ont un sens. »

Je suis un amoureux de la lecture à haute voix et je ne peuxme résoudre à ne pas voir le lecteur LIRE… Je ne peuxnon plus me satisfaire d’une vision de loin et rapide desmagnifiques images proposées par les illustrateurs. Vous l’aurez compris, le kamishibaï, ce n’est pas ma tassede thé !

KKaammiisshhiibbaaïï,, kkééssaakkoo ??

Le kamishibaï, genre narratif

japonais, remonte au 12e siècle

et signifie littéralement « jeu

théatral en papier ». Il est alors

utilisé par les moines

bouddhistes pour raconter

des histoires moralisantes

aux gens illettrés.

Le principe du kamishibaï

consiste à faire défiler des images

devant les spectateurs dans une

sorte de petit théâtre, le « butaï »

en bois, en même temps qu’on

raconte l’histoire à voix haute.

Ce n’est qu’en 1923 qu’apparaît

au Japon le premier kamishibaï

pour enfants intitulé « La chauve-

souris d’or ». Il se répand ensuite

dans le monde en s’adaptant

aux différentes cultures des pays

d’accueil.

La tendance en France est de

placer le kamishibaï comme un

genre d’albums qui règle

la difficulté que représente la

lecture à haute voix des albums

traditionnels. Il est prisé par les

bibliothécaires, les enseignants et

tous les professionnels qui

pratiquent la lecture en groupe.

Callicéphale éditions est le

premier éditeur français de

kamishibaï avec 32 histoires pour

théâtre d’images publiées à ce

jour.

Page 2: 21 la lettre - La malle aux trésors des comptines et des ...des lectures dans différents lieux, une crèche, une bibliothèque, une école maternelle ; parfois des endroits insolites

Le kamishibaï, une passion !Un outil léger, facilement transportable, permettantdes lectures dans différents lieux, une crèche, unebibliothèque, une école maternelle ; parfois des endroitsinsolites : un parc, une fête d’anniversaire, une salled’attente de P.M.I., un gymnase.Chaque fois un instant magique, chaque fois des émer-veillements mais surtout un large public étonné etenchanté par les images qui défilent, les enfants d’abordet surtout, mais aussi les parents, les professionnels de lapetite enfance, les professionnels du livre, chacun lecommente, l’adopte, mais singulièrement le réclameencore et encore.Une manière de raconter à un public nombreux, car leformat est souvent plus grand qu’un livre.Une façon de ramener un groupe d’enfants un peu agités à un instant de quiétude et de douceur.La magie opérée quand on surprend le regard et le sou-rire d’un bébé entre deux images.Mais surtout pour faire la promotion des livres, parceque le kamishibaï n’a aucunement la prétention de rem-placer le livre d’images, juste d’en faire la publicité engrand format….

Sonia Chadefautéducatrice de jeunes enfants à Gennevilliers (93)

Outre, bien sûr, l’intérêt de conter aux enfants (magiedes sons, des mots…), le kamishibaï aborde le rapportau texte et à l’image de manière différente et complé-mentaire à la lecture à voix haute.

Faire défiler les images donne de la vie à l’image et àl’histoire et suscite la surprise et l’intérêt du public.Le kamishibaï permet une lecture collective et inter-active puisque la participation des enfants est souventencouragée et leur expression orale stimulée.Difficile de décrire la magie qui s’installe à la lectured’un kamishibaï. L’attention et les étincelles des yeux dupublic en disent long à ce sujet.Nul doute que le kamishibaï est un faire-valoir du livredont il est adapté, puisque les enfants sont très souventdemandeurs du livre de l’histoire racontée.Etonnant, l’intérêt qu’il suscite à l’heure des écrans detoutes sortes…

Isabelle Chadefautbibliothécaire à Tours (37)

www.didierjeunesse.com

UUNNEE AALLTTEERRNNAATTIIVVEEAAUU KKAAMMIISSHHIIBBAAÏÏ ::

NNOOSS MMEEIILLLLEEUURRSS AALLBBUUMMSS AAUU FFOORRMMAATT GGééAANNTT !!

Depuis 2008, Didier Jeunesse réédite ses albums-phares en grand format tout-carton. Un format qui fait la part belle auxillustrations et qui invite à la lecture à plusieurs. Déjà 3 titres disponibles : La Grenouille àgrande bouche, Le Machin, Le Petit Bonhomme des bois. A paraître en 2012 : La Moufle.

Pensez à demander la brochure « La lecture à voix haute » [email protected] y trouverez des sélections thématiques enrichies de comptineset de jeux de doigts, des articles de référence, une fiche pratique, destémoignages de professionnels, des associations pratiquant la lectureà voix haute…

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