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Cours et exercices corrigés SCIENCES SUP ÉLECTRODYNAMIQUE APPLIQUÉE Bases et principes physiques de l’électrotechnique Préface de Dominique van den Bossche Bertrand Nogarède Licence 3 e année • Master • Écoles d’ingénieurs

2100073141 Electrodynamique appliquée

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SCIENCES SUPCours et exercices corrigsSCIENCES SUPLECTRODYNAMIQUEAPPLIQUEBases et principes physiquesde llectrotechniquePrface de Dominique van den BosscheBertrand Nogarde MATHMATIQUESPHYSIQUECHIMIESCIENCES DE LINGNIEURINFORMATIQUESCIENCES DE LA VIESCIENCES DE LA TERREB. NOGARDEISBN 2 10 007314 1 www.dunod.comLECTRODYNAMIQUE APPLIQUEScience des interactions entre les formes lectriques, magntiques etmcaniques de lnergie, llectrodynamique tient une place centraledans les progrs qui jalonnent le dveloppement de lre technologique.Quil sagisse de transformer le mouvement en lectricit (gnrateurs,capteurs) ou, rciproquement, de produire une action mcanique partirde llectricit (moteurs, actionneurs), les lois de llectrodynamiqueconstituent le fondement incontournable de tout processus de conversionlectromagntique de lnergie. Le prsent ouvrage offre un panoramaactualis des diffrents phnomnes et concepts utiliss dans le domaine,en vue de rpondre des applications de plus en plus varies : du train grande vitesse aux commandes de vol lectriques, en passant parlassistance cardiovasculaire.En guise dintroduction, une synthse historique permet de situer lesprincipales tapes de llectrodynamique, depuis lAntiquit jusqu sesdveloppements les plus rcents. Des exercices et problmes dapplicationpermettent au lecteur de sapproprier, sur des cas concrets, lensembledes concepts et mthodologies introduits dans le cours.Cet ouvrage sadresse principalement aux lves des coles dingnieursainsi quaux tudiants de master. Compte tenu du caractre relativementpluridisciplinaire de lexpos prsent, il constitue paralllement un outilparfaitement appropri pour les ingnieurs dsireux de complter oudapprofondir leurs connaissances face un champ dinnovationtechnologique en plein essor.COURSLicence 3eanne Master coles dingnieurs Bertrand Nogarde Prface de Dominique van den BosscheLECTRODYNAMIQUE APPLIQUE Bases et principes physiques de llectrotechnique 1 2 3 4 5 6 7 81ercycle 2ecycle 3ecycleLICENCE MASTER DOCTORATBERTRAND NOGARDEest professeur desuniversits lInstitutNational Polytechniquede Toulouse (INPT-ENSEEIHT). LECTRODYNAMIQUEAPPLIQUE Fondements et principes physiquesde llectrotechnique pI-IVNogaredePage IJeudi, 28. avril 200511:41 11 pI-IVNogaredePage IIJeudi, 28. avril 200511:41 11 LECTRODYNAMIQUEAPPLIQUE Fondements et principes physiquesde llectrotechnique Cours et exercices corrigs Bertrand Nogarde Professeur des universits lInstitut National Polytechniquede Toulouse (INPT-ENSEEIHT) Prface de Dominique van den Bossche Head of Flight Control Actuation & Hydraulics Department, Airbus pI-IVNogaredePage IIIVendredi, 13. mai 20052:29 14 Photographie de couverture : Prototype de moteur induit sans encoches INPT/ENSEEIHT/Dominique Harribey Dunod, Paris, 2005ISBN2 10 007314 1 pI-IVNogaredePage IVJeudi, 28. avril 200511:41 11Nogarede2005/5/215:18pageV#1iiiiiiiiTable des matiresPRFACE IXAVANT-PROPOS XILISTE DES NOTATIONS UTILISES XVCHAPITRE 1 COMPRENDRE ET MATRISER LES EFFETS DYNAMIQUES DE LLECTRICIT1.1 Au carrefour de la mcanique et de llectricit 11.1.1 Fondements thoriques de llectrodynamique 31.1.2 Des quations du champ aux modles globaux 41.1.3 Comprendre pour innover 61.2 Aux origines 61.2.1 Le temps des premires observations 71.2.2 Des efuves au photon virtuel 111.2.3 Lavnement des premires machines lectromcaniques 161.3 Enjeux modernes de llectrodynamique 221.3.1 Un vecteur nergtique incontournable 221.3.2 La monte en puissance des rseaux lectriques embarqus 241.3.3 Les nouveaux ds de llectrodynamique applique 27CHAPITRE 2 LOIS FONDAMENTALES DE LLECTRODYNAMIQUE2.1 Le champ lectromagntique 322.1.1 Lespace-temps et ses invariants 322.1.2 Tenseur du champ lectromagntique 342.1.3 Champ et potentiels 352.2 lectromagntisme et milieux matriels 372.2.1 Polarisation lectrique et magntique de la matire 372.2.2 Tenseurs du champ dans les milieux polariss 392.2.3 Dformation des milieux continus 402.3 quations gnrales des systmes lectromcaniques 442.3.1 Principe de moindre action 442.3.2 quations de Lagrange 462.3.3 Cas de llastodynamique 482.3.4 quations du champ lectromagntique 502.3.5 Lois constitutives des milieux 55Nogarede2005/5/215:18pageVI #2iiiiiiiiVI Table des matires2.4 nergies et forces 582.4.1 nergie et impulsion dun systme mcanique 582.4.2 Tenseur nergie-impulsion du champ lectromagntique 592.4.3 Composantes du tenseur nergie-impulsion symtrique 612.4.4 quation de conservation en prsence de sources 632.4.5 quation bilan de lnergie 642.4.6 Bilan dimpulsion - Forces dans le champ lectromagntique 65CHAPITRE 3 LE POINT DE VUE THERMODYNAMIQUE3.1 Postulats de la thermodynamique 683.2 Paramtres dtat dun systme lectromcanique 703.2.1 Paramtres lectromcaniques globaux 703.2.2 Classication en termes de variables gnralises 713.2.3 Travail et chaleur en rgime quasi-statique 733.3 Principes de conservation et dvolution 763.3.1 Les deux premiers principes de la thermodynamique 763.3.2 Cas dun systme simple : linjecteur lectromagntique de carburant 773.4 Systmes lectromcaniques lquilibre 803.4.1 Notion de potentiel thermodynamique 803.4.2 Fonctions dtat associes 833.4.3 Expressions des forces en rgime quasi-statique 853.4.4 Exemple dapplication 863.5 Introduction la dynamique des systmes lectromcaniques 89EXERCICES ET PROBLMES 95CHAPITRE 4 INTERACTION LECTROMCANIQUE4.1 Classication des principaux effets 1004.1.1 Approche phnomnologique 1004.1.2 Principales classes de processus dinteraction 1014.2 Sources lectromagntiques en interaction statique 1044.2.1 Diple permanent plong dans un champ constant 1044.2.2 Cas du diple polarisable 1054.2.3 Torseur des actions dipolaires lmentaires 1074.2.4 Effets lectrostatiques 1114.2.5 Couplage magntique de sources produites ou induites 1144.3 Effets lectrodynamiques 1174.3.1 lectrodynamique et relativit 1174.3.2 Transformation des grandeurs lectromagntiques 1184.3.3 Lapproximation galilenne 1204.3.4 Loi de linduction lectromagntique 1214.3.5 Effets lectromcaniques de linduction 1234.3.6 Sur les vertus dune conception relativiste de linduction 124Nogarede2005/5/215:18pageVII #3iiiiiiiiTable des matires VII4.4 Couplages lectro-magnto-lastiques 1304.4.1 Considrations thermodynamiques 1304.4.2 Pizolectricit 1314.4.3 lectrostriction 1324.4.4 Magntostriction, pizomagntisme 1334.4.5 Polymres lectroactifs 1344.5 Autres formes dinteraction 1354.5.1 Effets magntohydrodynamiques 1354.5.2 Fluides lectro- ou magnto-rhologiques 1374.5.3 Alliages mmoire de forme 1384.6 Bilan comparatif en terme de densit dnergie 139EXERCICES ET PROBLMES 141CHAPITRE 5 CONVERTISSEURS EFFETS LECTROMAGNTIQUES5.1 Couplage de sources magntiques travers un entrefer 1445.1.1 Principales topologies 1445.1.2 Couplage tangentiel htropolaire 1475.2 Champ glissant, champ tournant 1495.2.1 Gnration dune onde progressive de courant 1495.2.2 Armatures polyphases 1505.2.3 Architectures et formes donde 1535.3 Structures oprationnelles 1555.3.1 Classication des principaux concepts 1555.3.2 Machines aimantation permanente 1575.3.3 Machines double alimentation 1585.3.4 Machines aimantation induite 1605.3.5 Machines induction 1625.4 Organes de commutation 163CHAPITRE 6 LMENTS DUNE THORIE DES CONVERTISSEURS LECTROMAGNTIQUES PARTIR DES QUATIONS DU CHAMP6.1 Calcul analytique du champ lectromagntique 1686.1.1 Gomtrie considre et hypothses de travail 1686.1.2 Formulation en terme de potentiel vecteur 1706.1.3 Conditions de passage aux interfaces 1726.2 Champ produit par un systme daimants ou de courants dans une cavit cylindrique 1736.2.1 Aimant uniformment polaris 1736.2.2 Distribution sinusodale de courants superciels 1766.2.3 Cas dune cavit quipe dun noyau central 1776.2.4 Bobine simple alimente par un courant alternatif 1796.2.5 Systme de bobines symtriques parcourues par des courants polyphassquilibrs 180Nogarede2005/5/215:18pageVIII #4iiiiiiiiVIII Table des matires6.3 Application la modlisation des machines tournantes 1826.3.1 Machine synchrone aimants permanents 1826.3.2 Machines double alimentation 1856.3.3 Machine aimantation induite 1876.3.4 Machine induction 189EXERCICES ET PROBLMES 192CHAPITRE 7 PIZOACTIONNEURS ET PIZOMOTEURS7.1 Cramiques pizolectriques 1967.1.1 Gnralits 1967.1.2 Proprits pizolectriques des cramiques PZT 1977.1.3 Modes de couplage lmentaires 1987.2 Conversion dnergie par couplage lectrolastique 1997.2.1 Cycle de conversion lmentaire 1997.2.2 Efcacit et rendement de conversion 2007.2.3 Transducteurs pizolectriques 2037.3 Couplage lectromcanique en rgime rsonnant 2047.3.1 Principes gnraux 2047.3.2 Cas dun transducteur couplage transversal 2067.3.3 quations de fonctionnement en rgime harmonique 2087.3.4 Schma lectrique quivalent 2107.4 Entranement par mouvement vibratoire 2117.4.1 Composition de dformations 2117.4.2 Dformation glissante 2137.5 Diffrents concepts de pizomoteurs 2157.5.1 Actionneur rotatif pinces 2157.5.2 Moteur annulaire ondes progressives 2167.5.3 Actionneurs plusieurs degrs de libert 218EXERCICES ET PROBLMES 220ANNEXE NOTIONS LMENTAIRES SUR LES TENSEURS 223BIBLIOGRAPHIE 251INDEX 257Nogarede2005/5/215:18pageIX#5iiiiiiiiPrfaceUne approche globale de llectrodynamique lusage des lves ingnieurs : voiciun ouvrage qui arrive point nomm pour lindustrie aronautique.On observe en effet depuis plusieurs dcennies un grand nombre dvolutions quiillustrent une tendance de fond, semble-t-il irrversible, vers llectrication pro-gressive des systmes des avions. Ainsi, dans le domaine des commandes de vol,aprs lintroduction de la commande lectrique des actionneurs hydrauliques, ana-logique sur Concorde puis numrique avec lAirbus A320, on assiste maintenant la mise en uvre dactionneurs de gouvernes puissance lectrique, en remplace-ment dune partie des servocommandes hydrauliques, sur les programmes A380 etA400M : il est prsent vritablement question dlectrodynamique. Cette tendancenest pas limite lunivers toulousain cher lauteur. On peut par exemple citer leF35, le dernier-n des avions de combat amricains, actuellement en cours de d-veloppement, qui est lui entirement quip dactionneurs de gouvernes puissancelectrique ou le Boeing 787, dont loption plus lectrique sapplique dautres sys-tmes : le conditionnement dair ou la gnration dune partie de lnergie hydrau-lique partir de la puissance lectrique.Les motivations de lindustrie dans cette dmarche sont diverses. Il sagit en g-nral de tirer le meilleur prot des avances technologiques ds quelles montrentun niveau de maturit raisonnable. Ainsi les progrs rcents dans le domaine desmachines lectriques et de llectronique de puissance indispensable pour les piloteront-ils permis de raliser des gains signicatifs dans diffrents domaines suivant lesmotivations des uns ou des autres, et en fonction de la problmatique propre leursprojets. Certains rechercheront plus de souplesse en termes darchitecture systmepour atteindre les objectifs de scurit, dautres un gain de masse, dautres encore unmeilleur rendement nergtique ou une meilleure maintenabilit.Nogarede2005/5/215:18pageX#6iiiiiiiiX PrfaceAu-del de cette phase dlectrication des systmes conventionnels des avionsqui va stendre encore, on observe un foisonnement de concepts arodynamiquesoriginaux qui met en vidence de nouveaux besoins en termes dactionneurs. Il sagitsoit de la multiplication des surfaces mobiles, ou ladjonction de surfaces de petitetaille et de bande passante leve, soit au contraire de llimination de surfaces decommande discrtes au prot de structures dformables. Les technologies lectrody-namiques mergentes dans le domaine des matriaux lectroactifs laissent entrevoirdes solutions mettant en uvre des phnomnes physiques non encore exploits grande chelle dans le domaine des actionneurs.Dans ce contexte o lon voit dune part la diversit des besoins et dautre part celledes technologies de conversion lectromcaniques disponibles, existantes et toujoursperfectibles, ou prochainement industrialises, il est extrmement utile de mettre ladisposition des ingnieurs cet ouvrage, comme un outil qui non seulement regroupelensemble des notions fondamentales ces concepts, mais aussi les prsente sousune forme homogne et unie, dmystiant les technologies les plus avances, fa-vorisant ainsi, pour un problme donn, le choix du dispositif le plus appropri loptimisation de la solution.Dominique van den BosscheHead of Flight Control Actuation & Hydraulics DepartmentAirbusNogarede2005/5/215:18pageXI #7iiiiiiiiAvant-proposQuelle est la nature intime des forces sexerant distance entre deux corps aiman-ts, ou encore, quelle est lorigine profonde des contraintes internes qui dforment lamatire polarise ? Questions fondamentales qui interpellent le physicien aux connsde son entendement de lunivers. Questions auxquelles lingnieur rpond pourtantsans tarder en situant les consquences de ces phnomnes au cur mme des rvo-lutions technologiques du monde moderne. Ds lors, linteraction lectromcaniqueoccupe une place centrale dans notre quotidien. Quil sagisse de transformer le mou-vement en lectricit ou rciproquement de produire une action mcanique partirdune source lectrique, les processus de conversion lectromcanique de lnergieconstituent lvidence un vecteur de dveloppement dsormais incontournable. Dela traction ferroviaire grande vitesse aux microsystmes, les fonctionnalits mul-tiples du tout lectrique se dclinent selon une grande varit de principes et destructures. En outre, lmergence de matriaux nouveaux, dous de proprits et defonctionnalits indites, constitue une puissante motivation pour envisager les futursds qui se prolent dans des secteurs aussi varis que laronautique ou la mdecine.En tant que science des interactions entre les formes lectrique, magntique etmcanique de lnergie, llectrodynamique constitue un point de vue tout indiqupour aborder ltude de ces processus avec la gnralit et la rigueur qui simposent.Face la diversit croissante des phnomnes, concepts et structures potentiellementutilisables, il est en effet essentiel de disposer dune thorie cohrente et gnriquetraitant de lensemble des procds et technologies concerns. Tel est prcismentle propos du prsent ouvrage. cette n, plutt que de dtailler la constitution ou lefonctionnnement de telle ou telle structure de convertisseur oprationnel, il sagit plusgnralement de recencer et caractriser les phnomnes physiques qui concourent la conversion dnergie recherche, avant den envisager la mise en oeuvre concrte.Ainsi, en complment des exposs portant traditionnellement sur la question des ma-chines lectriques tournantes, la dmarche propose tend rassembler en un mmeNogarede2005/5/215:18pageXII #8iiiiiiiiXII Avant-proposschma de pense les procds issus de linteraction distance de sources lectroma-gntiques et les concepts plus avancs dus aux proprits lectro-magnto-lastiquesde la matire, solide ou liquide.Louvrage se dcompose en sept chapitres traitant successivement des fondementsdellectrodynamiqueapplique, desphnomnesphysiquesenprsenceet desstructures de conversion lmentaires qui en dcoulent.Le premier chapitre situe les enjeux de llectrodynamique en rappelant brive-ment sesfondementshistoriqueset thoriques. Cette analyseprliminairepermetde justierlaportedune telleapprochepour ltudedesconvertisseursdner-gie classiquement utiliss, ainsi que pour le dveloppement de solutions innovantes.Quelques pistes de dveloppements particulirement prometteuses sont ainsi dga-ges.Les quations gnrales de llectrodynamique font lobjet du deuxime chapitre.Le concept de champ lectromagntique, introduit dans le contexte de lespace-temps quatre dimensions, constitue le point de dpart de la thorie propose. La prise encompte des milieux matriels est aborde selon le double point de vue de llectro-dynamique et de la mcanique des milieux continus. An dexpliciter les liens fon-damentaux qui unissent ces deux volets majeurs de llectromcanique, les quationscorrespondantes sont prsentes comme la consquence dun seul et mme principephysique, le principe de moindre action.En complment des lois macroscopiques locales, il convient paralllement de d-crire les conditions globales du transfert dnergie opr entre des sources lectriqueset mcaniques, sans ncessairement en expliciter les causes microscopiques. Tel estlobjet de lapproche thermodynamique expose au troisime chapitre. Les analogiesqui sexercent entre les paramtres lectromagntiques, mcaniques et thermiquesau sein des systmes macroscopiques sont tout dabord tablies. Les deux premiersprincipes de la thermodynamique et leurs consquences sont alors dclins dans lecontexteparticulierdestransformationslectro-magnto-mcaniques. Ltudedessystmes lquilibre quasi-statique permet dtablir une formulation gnrale vi-sant au calcul systmatique des forces. Une introduction la dynamique des systmeslectromcaniques complte ce point de vue.Sur la base des considrations prcdentes, le quatrime chapitre propose un tourdhorizondesphnomnesdinteractionsusceptiblesdtreutilissdanslesma-chines, actionneurs et systmes lectromcaniques. Les procds fonds sur linter-action lectromagntique sont tout dabord caractriss. Face la question centraleet non moins dlicate de linduction lectromagntique, la conception relativiste deslois de llectromagntisme, telle que formule au deuxime chapitre, se rvle dunegrande utilit. Les processus dinteraction bass sur le couplage des proprits las-tiques et lectromagntiques de la matire sont ensuite dcrits. La comparaison desdivers effets en terme dnergie spcique permet enn de prciser leurs champsdapplication privilgis.Nogarede2005/5/215:18pageXIII #9iiiiiiiiAvant-propos XIIILe cas important en pratique des convertisseurs effets lectromagntiques estabord au cinquime chapitre. Les conditions de transmission des forces engendres laide darmatures aimantes ou bobines, spares par un entrefer, sont systma-tiquement analyses. Les concepts fondamentaux introduits au quatrime chapitreservent logiquement de base la classication des principales structures opration-nelles de machines et dactionneurs effets lectromagntiques.Sagissant de la modlisation des structures prcdemment dcrites, le chapitre sixexpose les fondements dune thorie gnrale visant dcrire le fonctionnement desconvertisseurs lectromagntiques partir dun modle physique dduit des propri-ts du champ. Ce modle repose sur un traitement analytique des quations macrosco-piques locales, dans le cadre dune approximation bidimensionnelle. Les grandeurscaractristiques du fonctionnement du convertisseur sont avantageusement exprimesen fonction de ses caractristiques physiques. Ds lors, tirant parti des quivalencesentre courants et aimantations, la thorie propose englobe en une mme formulationles principaux concepts de convertisseurs tournants effets lectromagntiques.Enn, le septime et dernier chapitre envisage les nouvelles possibilits offertesen matire de convertisseurs base de matriaux lectroactifs. Le cas des action-neurs effet pizolectrique est plus particulirement considr. Le couplage lec-tromcaniquecaractrisant lescramiquesferrolectriquesdetypePZTest toutdabord dcrit. Les modalits pratiques de la conversion dnergie ralise, en modequasi-statique et rsonnant, font lobjet dune analyse spcique. Sagissant de lamodlisation des convertisseurs rsonnants, une thorie lmentaire en est donne ensappuyant sur la formulation lagrangienne introduite aux chapitres deux et trois.Le potentiel dinnovationque reprsente cette technologie mergente est alorsconcrtement illustr au travers de quelques exemples de ralisation.Nogarede2005/5/215:18pageXIV#10iiiiiiiiNogarede2005/5/215:18pageXV#11iiiiiiiiListe des notations utilisesxlquadrivecteur vnement (composantes contravariantes)t tempsc vitesse de la lumireds intervalle lmentaire entre deux vnements inniment voisinsglmtenseur fondamentalLlmcoefcients de la transformation de Lorentz spcialeelvecteurs de base (forme covariante)emvecteurs de la base duale.lquadrivecteur courantr densit volumique de charges libresj densit de courants volumiques libres/lquadrivecteur potentielF potentiel scalaire du champ lectromagntiqueA potentiel vecteur du champ lectromagntiqueTlmtenseur champ lectromagntiqueE champ lectriqueB champ magntique(x, y, z) systme de coordonnes rectilignes orthonorm{lmcoefcients de la matrice de changement de baseloprateur de drivation (par rapport une coordonne covariante)Grslsymboles de Christoffel de premire espceNogarede2005/5/215:18pageXVI #12iiiiiiiiXVI Liste des notations utilisesGrmlsymboles de Christoffel de deuxime espce

ur

systme de coordonnes curvilignes(r, u, z) systme de coordonnes cylindriquesldrive covariantegrad oprateur gradientdi v divergence vectorielleDiv divergence tensorielleRot tenseur rotationnelrot vecteur rotationnelD oprateur laplacien (dun champ de scalaire ou de vecteur) oprateur dalembertienP polarisation lectriqueJ polarisation magntiqueM aimantationrpdensit volumique de charge de polarisationjmdensit de courant ctif daimantationspdensit surfacique de charge de polarisationkmdensit linique de courant superciel daimantationn normale unitaire (sortante)D dplacement lectriqueH excitation magntiquelmtenseur des moments(lmtenseur des excitationse0permittivit du videm0permabilit du videu vecteur dplacementSi ktenseur de dformationTi ktenseur des contraintesdv lment de volume (dans lespace trois dimensions)dsklment de surface (dans lespace trois dimensions)Fiforce volumiqueSl vecteur dformation (notation condense)Tl vecteur contrainte (notation condense)qlcoordonnes gnralises qlvitesses gnralisesS intgrale dactionNogarede2005/5/215:18pageXVII #13iiiiiiiiListe des notations utilises XVIIL fonction de Lagrangem masseccnergie cintiquecpnergie potentielledq variation de trajectoireplimpulsions gnralisesrm0masse volumique (du milieu non-dform)(V) volume(V) surface enveloppe associe au volume (V)Faiforces de volume donnesTaitensions de surface imposesL densit lagrangienne du champ lectromagntique(V) hypervolume (de lespace quatre dimensions)dv lment dhypervolume (dans lespace quatre dimensions)dsllment dhypersurface (dans lespace quatre dimensions)dlmsymbole de Kroneckerelmrssymbole dantisymtrieTlmtenseur adjoint du champ lectromagntiquerTdensit volumique de charges totalesjTdensit de courant totallL, mLconstantes de Lamci klmtenseur de rigiditsi klmtenseur de souplesseei ktenseur de permittivit lectriquee permittivit scalairexei ktenseur de susceptibilit lectriquexesusceptibilit lectrique scalairemi ktenseur de permabilit magntiquem permabilit scalairexmi ktenseur de susceptibilit magntiquexmsusceptibilit magntique scalairerei ktenseur de rsistivit lectriquerersistivit lectriquesei ktenseur de conductivit lectriqueseconductivit lectriquelsprofondeur de pntrationNogarede2005/5/215:18pageXVIII #14iiiiiiiiXVIII Liste des notations utilisesQ tempratureQctemprature critique dun supraconducteurHc1,2intensits de champ critique dun supraconducteurv vitesseflforces gnralisesp quantit de mouvementQlmtenseur nergie-impulsion du champ lectromagntiqueQlm(S)tenseur nergie-impulsion symtriqueP vecteur de PoyntingT(M)i ktenseur des contraintes de MaxwellUemdensit dnergie du champ lectromagntiquedf force lmentairee force lectromotricew ux magntiqueqcquantit de chargei intensit du courantvMNdiffrence de potentiel aux bornes du diple MNrMNrsistance ohmique du diple MNCdcapacitance du condensateurvatension applique par le gnrateurdW travail lmentaireduidplacement lmentairedakrotation lmentaires entropie volumiqueS entropie totaledQ quantit de chaleur lmentairefalforce gnralise applique au niveau du limedegr de libertCt hcapacit caloriqueU nergie interneF nergie libreH enthalpie gnraliseG enthalpie libre gnraliseFmagnergie libre dorigine magntostatiqueGmagenthalpie libre magntostatiquel inductance propre dune bobine simplegamoment du couple extrieur appliquNogarede2005/5/215:18pageXIX#15iiiiiiiiListe des notations utilises XIXV (q) nergie potentielle gnraliseT (q, p) nergie cintique gnraliseT(q, q) conergie cintique gnraliseR ( q) fonction de dissipationrlcoefcients de dissipationVe (q) potentiel associ aux forces extrieures conservativesVa (q, t ) potentiel associ aux forces donnes (non conservatives)TR ( q, t ) terme de conergie rendant compte de la puissance dissipefRlforces de dissipationfelforces conservatives dorigine extrieurej coefcient de frottement visqueuxk constante de raideurdlmcoefcients dinuence inversellmcoefcients dinductancehpeconstante pizolectriquehpmconstante pizomagntiqueJ moment dinertielgmconstante gyromagntiqueJppolarisation magntique permanenteG(i nt )magenthalpie dinteraction magntostatiqueHextchamp dexcitation dorigine extrieurempmoment du diple magntique permanentPppolarisation lectrique permanenteppmoment du diple lectrique permanentEextchamp lectrique dorigine extrieureG(i nt )elecenthalpie dinteraction lectrostatiqueJxipolarisation magntique induitemximoment magntique du diple polarisablegkmoment du coupleE0intensit du champ lectriqueB0intensit du champ magntiquefelecforce spcique dorigine lectriquefmagforce spcique dorigine magntique({) rfrentiel du laboratoire

{

rfrentiel mobile ou rfrentiel de repos du corps en mouvementdlilment de longueurNogarede2005/5/215:18pageXX#16iiiiiiiiXX Liste des notations utilisesHextvchamp extrieur alternatifmvmoment magntique alternatif quivalent aux courants induitsV vitesse de rotation(r, u, z) systme de coordonnes cylindriquesEi klm ou sElm (notation condense) constantes isothermes de souplesse champ lec-trique constantdj i k ou di l(notation condense) constantes de couplage lectrolastique (constantesde charge)eTi jconstantes isothermes de permittivit lectrique contrainte imposelplongueur donde magntique (double du pas polaire)k (x, t ) densit linique de courant supercielc (x) fonction de distribution des conducteurs (densit linique)C amplitude de la fonction de distribution des conducteursI amplitude des courants alternatifsv pulsationbSphase lorigine des courants statoriquesbRphase lorigine des courants rotoriquesb angle de calageaSangle que fait laxe de symtrie du champ statorique (OyS) avec laxepolaire de rfrence (OxS)aRangle que fait laxe de symtrie du champ rotorique (OyR) avec laxepolaire de rfrence (OxS)vwvitesse de phasem nombre de phasesp nombre de paires de plesxRS ou aRS position de larmature mobile (R) par rapport au stator (S)imintensit du courant instantan dans lenroulement relatif la phase mvSpulsation des courants statoriquesvRpulsation des courants rotoriquesxecoefcient dentrefer relatiflcinductance cycliquelpinductance proprea rayon dalsageh hauteur (suivant Oz)KScharge linique statoriqueKRcharge linique rotoriqueNogarede2005/5/215:18pageXXI #17iiiiiiiiListe des notations utilises XXIxdsusceptibilit magntique le long de laxe direct

OxRd

xqsusceptibilit magntique le long de laxe en quadrature

OxRq

jeconductivit supercielleHdcomposante du champ dexcitation le long de laxe directHqcomposante du champ dexcitation le long de laxe en quadratureJxdcomposante de la polarisation magntique le long de laxe directJxqcomposante de la polarisation magntique le long de laxe en quadratureki lcoefcients de couplage lectromcaniquetan d tangente de langle de pertesS vitesse de dformation relativelvlongueur donde de la vibrationMvmasse vibrantekEconstante de raideur champ lectrique constantCScapacit de llment encastrh rapport de transformation lectromcaniqueUxamplitude du dplacement selon (Ox)Uyamplitude du dplacement selon (Oy)vevitesse dentranement thoriquewxdplacement dun point du plan neutre selon (Ox)wydplacement dun point du plan neutre selon (Oy)Wyamplitude du dplacement selon (Oy) au niveau du plan neutre(O, x, y, z) systme de coordonnes rectilignes orthonormNogarede2005/5/215:18pageXXII #18iiiiiiiiNogarede2005/5/215:18page1#19iiiiiiiiChapitre 1Comprendre et matriserles effets dynamiques de llectricitDans lacception la plus gnrale du terme, llectrodynamique correspond la partiede la physique qui traite des interactions entre les charges lectriques en mouvement.Parmi les nombreuses consquences de ces interactions, la transformation lectrom-canique de lnergie constitue sans nul doute un des thmes majeurs de llectrody-namique applique. An de bien cerner les enjeux de cette discipline tant du point devue scientique que technique, ce premier chapitre propose tout dabord un tour dho-rizon de ses fondements thoriques et historiques. Cette analyse permet notammentde justier lintrt dune telle approche pour ltude des convertisseurs dnergie,sagissant non seulement des solutions classiquement utilises mais galement de lamise au point dobjets innovants. Lanalyse prospective conduite au terme du chapitresitue ainsi llectrodynamique au cur des rvolutions technologiques en cours, dansdes secteurs aussi varis que lnergie, les transports ou encore la mdecine.1.1 AU CARREFOUR DE LA MCANIQUE ET DE LLECTRICITEnglobant les concepts de llectrostatique (dont le propos se limite ltude desactions subies par des corps lectriquement chargs au repos) et de la magntosta-tique (cas particulier o les courants demeurent constants), llectrodynamique ta-blit le lien fondamental qui unit lectricit et magntisme dans le contexte gnralNogarede2005/5/215:18page2#20iiiiiiii2 1 Comprendre et matriser les effets dynamiques de llectricitde charges lectriques en mouvement. Elle constitue en cela une avance majeurede la n du XIXesicle, lorigine de nombreuses dcouvertes et inventions. Cesprogrs concernent naturellement la matrise des phnomnes dinteraction lectro-mcanique qui sexercent entre des sources lectromagntiques (circuits lectriques,conducteurs chargs, corps lectriquement ou magntiquement polariss) en mou-vement relatif. La thorie dynamique du champ lectromagntique que rsument demanire si concise les quations de Maxwell constitue par ailleurs loccasion duni-er loptique et llectromagntisme au sein dune seule et mme thorie ondulatoire.Et voil que des considrations sur linvariance galilenne des lois de llectromagn-tisme suscitent mme la remise en cause de la mcanique de Newton ; Einstein publieen 1905 sa clbre thorie sous le titre originel Zur Elektrodynamik bewegter Krper(Sur llectrodynamique des corps en mouvement) [1].Ds lors, conformment au schma de la gure 1.1, llectrodynamique est paressence la thorie de rfrence qui permettra daborder de manire sre et rigoureuseltude des objets physiques au sein desquels se mlent les concepts les plus avancsde la mcanique, de llectricit et du magntisme. Cette science, dont la nature estaussi exprimentale que thorique, constitue par consquent un fondement prcieuxpour ltude des convertisseurs lectromcaniques dnergie. Le point de vue quelleoffre est en outre dautant plus pertinent quil se justie diffrents niveaux.lectrodynamiquelectricitMagntismeMcaniqueFigure 1.1 Une science rsolument interdisciplinaireNogarede2005/5/215:18page3#21iiiiiiii1.1 Au carrefour de la mcanique et de llectricit 31.1.1 Fondements thoriques de llectrodynamiqueEn tant que science fondamentale tout dabord, llectrodynamique classique (llec-trodynamique quantique sort du cadre de notre expos) offre lavantage dune pr-sentation cohrente et gnrique des phnomnes lectromagntiques [2]. Le champlectromagntique tient une place centrale dans linterprtation des effets de cou-plage intervenant au sein des systmes lectromcaniques. Bien que les contextesrduits de llectrostatique ou de la magntostatique simposent souvent pour ltudedetelssystmes(leshypothsessimplicatricesdestatsstationnairesouquasi-stationnaires sappliquent gnralement, au moins en premire approximation), onne soulignera jamais assez lunit profonde des phnomnes lectriques et magn-tiques. Ce lien sexprime sans ambigut ds lors que les lois de llectrodynamiquesont explicites dans le contexte de la relativit restreinte. Cest prcisment le pointde vue que nous adopterons dans la premire partie de louvrage. Certes, llectroma-gntisme peut tre abord dans un cadre plus classique, conformment aux exposs prrelativistes traditionnellement proposs sur le sujet. Cette approche reste par-faitement cohrente vis vis de nombreux problmes pratiques. Toutefois, certainssujets dimportance, ayant trait notamment aux effets du mouvement, demeurent loc-casion de questionnements et dambiguts. En particulier, les processus dinteractionlectromcanique fonds sur linduction lectromagntique ne peuvent tre vrita-blement compris et analyss sans en considrer les fondements relativistes (cf. le caspineux des machines induction homopolaire illustr la section 4.3.6 !).Complment indispensable de llectrodynamique, le point de vue thermodyna-mique permet paralllement dtablir les liens phnomnologiques qui existent entreles grandeurs lectromagntiques, mcaniques et thermiques [3][4]. Ce point de vuesimpose ds lors que lon cherche dcrire les conditions de transfert et de transfor-mation de lnergie sans pour autant en rechercher les causes profondes. La thoriequi en rsulte permet, dune part, dintroduire logiquement les divers processus etconcepts de conversion utilisables et, dautre part, den dgager les proprits intrin-sques.Enn, le propos de llectrodynamique ne se limite pas simplement au cas usueldune interaction entre solides indformables. Une autre raison majeure justiant lerecours systmatique cette science tient ce que llectrodynamique des milieuxcontinus tablit prcisment les lois macroscopiques locales du couplage lectrom-canique intervenant au sein mme de la matire dformable, solide ou uide [5][7].Certes, llectrodynamique et la mcanique des milieux continus sont aujourdhuiconsidres comme deux disciplines indpendantes. Elles procdent pourtant lori-gine dun mme lan scientique. Cest ainsi que des noms aussi prestigieux queCauchy, Faraday, Green, Maxwell ou Voigt sont jamais attachs au dveloppementcommun de ces deux disciplines. En outre, la distinction commode que lon peut en-visager, lchelle macroscopique, entre les contraintes dorigine lectromagntiqueet les forces mcaniques est de fait relativement articielle. Ces notions possdenten effet une origine microscopique commune, i.e. linteraction lectromagntique.Nogarede2005/5/215:18page4#22iiiiiiii4 1 Comprendre et matriser les effets dynamiques de llectricitDe ce point de vue, une voie certainement trs satisfaisante rsiderait dans un traite-ment relativiste global de la mcanique et de llectrodynamique des milieux continus[6]. Sagissant cependant des applications pratiques qui orientent plus particulire-ment notre propos, la vitesse de dplacement des objets macroscopiques considrsreste faible devant la vitesse de la lumire. En outre, les phnomnes de couplageslectro- ou magnto-lastiques les plus couramment exploits (pizolectricit, pi-zomagntisme) jouissent dun comportement linaire. Aussi, les approximations dela mcanique classique se rvlent dans ces conditions pleinement justies.1.1.2 Des quations du champ aux modles globauxAu-del de la comprhension des phnomnes dinteraction et de leur caractrisa-tion intrinsque, il sagit ensuite den considrer et den quantier les consquences lchelle des objets oprationnels assurant une fonction lectromcanique donne(moteur, gnrateur, actionneur, transducteur, etc.). Les concepts de llectrodyna-mique, et en particulier la notion de champ, offrent l encore un socle mthodologiqueappropri pour entreprendre rationnellement ltape de modlisation. Celle-ci a pourbut de caractriser et prdterminer le comportement fonctionnel du systme, tant lchelle locale (modles constantes rparties), que globale (modles constanteslocalises). cette n, deux voies trs distinctes se dgagent.La premire consiste rsoudre les quations macroscopiques locales rgissant ladistribution spatio-temporelle du champ lectromagntique au sein dun domaine deux ou trois dimensions. Dans le cadre dune approche plus complte, ces quationspourront tre ventuellement couples aux lois qui gouvernent le comportement m-canique ou thermique du systme tudi. Il est alors possible daccder avec un mini-mum dhypothses simplicatrices aux grandeurs locales (champ lectromagntique,polarisation des milieux, contraintes mcaniques, etc.) ou globales (ux, diffrencede potentiel, rsultante des forces, etc.) qui caractrisent le fonctionnement du dispo-sitif sous les contraintes imposes par son environnement. Nanmoins, le problmemathmatique quil sagit de traiter est par principe relativement lourd. Aussi, unersolution par voie numrique des quations initiales simpose dans la plupart descas. Cette rsolution est fonde sur des techniques de discrtisation appropries (par diffrences ou lments nis ). Le traitement du problme est de ce fait as-sujetti la dnition pralable dun maillage, valable pour une conguration et unegomtrie donnes. Ainsi, la simulation numrique est particuliment bien adapte ltude dtaille dun dispositif dont les caractristiques sont connues a priori. Cet ou-til est aujourdhui trs largement utilis pour valider le fonctionnement dun concepten cours de dnition ou en prdterminer les performances globales. En revanche,lorsque lon cherche englober au sein dune mme reprsentation mathmatiquediffrentes variantes dun mme objet, le caractre gnrique de ce type de mthodedemeure par essence relativement limit.Nogarede2005/5/215:18page5#23iiiiiiii1.1 Au carrefour de la mcanique et de llectricit 5Fonde sur un ensemble beaucoup plus dense dhypothses simplicatrices, uneautre voie repose sur une caractrisation rsolument globale du comportement lec-tromagntique de lobjet tudi. Ainsi, sur la base dune idalisation de ses propri-ts physiques et gomtriques (uniformit prsuppose des champs, dcompositionen lments simples , etc.), la formulation intgrale des lois de llectrodyna-mique (thorme de Gauss, loi de Faraday, etc.) ou de la mcanique (thormes g-nraux, etc.) permet dtablir des reprsentations au premier ordre formulesen termes des variables lectromcaniques globales. Les thories analytiques classi-quement proposes en lectrotechnique pour ltude des convertisseurs lectromca-niques reposent sur la mise en oeuvre de tels modles. Donnant lieu une littratureaujourdhui abondante, ltude des machines lectriques partir de la thorie descircuits conduit ainsi des reprsentations relativement synthtiques (schmas lec-triques quivalents, diagrammes vectoriels, etc.). Les simplications qui en rsultentse justient pleinement lorsquil sagit, par exemple, daborder les tapes de dni-tion des stratgies dalimentation et de contrle/commande des machines lectriques[8]. Lintrt de ces thories est galement incontestable pour dcrire le comporte-ment dobjets lectromagntiques usuels (bobines, transformateurs, machines tour-nantes, etc.) fonctionnant dans des conditions standard (rgime permanent, compor-tement linaire, etc.). En revanche, la porte oprationnelle de ces modles atteinttrs rapidement ses limites ds lors que lon cherche rendre compte daspects plusavancs (effet de peau dans les conducteurs en rgime de champ variable, prise encompte des non-linarits, etc.), ou bien que lon sintresse des objets innovants.Par ailleurs, leur caractre comportemental est peu propice un paramtrage du mo-dle en fonction des caractristiques physiques de lobjet tudi. Leur porte en ma-tire de conception ou de dimensionnement nen est que plus limite. Enn, si lathorie des circuits constitue un outil prcieux au plan pdagogique, un usage abusifde ce type de reprsentations peut terme occulter la ralit physique quelle cherche dcrire. Le risque est alors denfermer les raisonnements dans un schma de penselabor autour de quelques cas dcole, rduisant dautant la capacit de ltudiant confronter ses connaissances de nouveaux problmes sortant du cadre initial.En vue de promouvoir lmergence dun point de vue intermdiaire, lapprocheprconise dans le prsent ouvrage est fonde sur un traitement analytique des qua-tions du champ qui gouvernent le fonctionnement des convertisseurs lectromca-niques. Conformment au schma directeur prcdemment nonc (cf. 1.1.1), cetraitement repose sur la prise en compte conjointe des lois macroscopiques localesde llectrodynamique et de la mcanique classique. An dunier la formulation duproblme, le recours un principe nergtique simpose. Aussi, les quations fon-damentalesdes systmeslectrodynamiquesseront systmatiquementdduites duprincipe de moindre action. Moyennant des hypothses de travail raisonnables ,la mthodologie propose permettra ainsi dtablir sur la base dune mme tho-rie les modles physiques des principaux concepts de convertisseurs. Ces modlesserviront dune part justier les reprsentations comportementales classiquementmanipules. Dautre part, faisant explicitement rfrence aux paramtres physiquesNogarede2005/5/215:18page6#24iiiiiiii6 1 Comprendre et matriser les effets dynamiques de llectricitde la structure (gomtrie, proprits des milieux constitutifs, etc.), ils fourniront unebase solide pour aborder la problmatique de conception des machines et actionneurslectromcaniques modernes.1.1.3 Comprendre pour innoverLadiversicationdes applications dellectromcanique(dumicrosystmeauxtrains sustentation magntique) suscite un certain nombre de ruptures technolo-giques ouvrant aujourdhui la voie des concepts relativement varis (actionneursrpartis, matriaux lectroactifs etc.). Lintgration fonctionnelle qui caractrise cesconcepts, demmequelarecherchedesolutionsoptimisesauniveausystme,poussent le concepteur remettre progressivement en question le triptyque moteur-transmission-charge la base des entranements classiques. Au-del des solutionsprennes disponibles sur tagre (machines tournantes courant continu , synchrone ou asynchrone , etc.), il sagit peu peu de raisonner lchellede fonctions lectromcaniques globalement optimises, grce une combinaisonjudicieuse de cellules de conversion lmentaires.Ds lors, la conception dobjets innovants repose davantage sur la connaissance etla matrise des phnomnes physiques potentiellement exploitables, que sur lapplica-tion de thories standards labores autour de structures prexistantes. Cette tendancejustie donc pleinement le recours systmatique llectrodynamique en tant quescience de rfrence. Les fondements de llectromcanique, si magistralement intro-duits par ses pres fondateurs, se retrouvent ainsi propulss au coeur de linnovation.Aussi, les progrs scientiques et technologiques majeurs que lon doit cette dis-pline constituent une puissante motivation pour en retracer brivement les prmices.1.2 AUX ORIGINESSi les gyptiens peuvent tre considrs comme les pionniers de la mcanique ap-plique, eu gard aux dmonstrations aussi monumentales quastucieuses que nouslivre leur art de btisseurs, cest aux Grecs de lantiquit que lon attribue gnra-lement la mise jour des premiers effets dattraction lectrique(1)et magntique(2).Pourtant, malgr la prcocit de ces dcouvertes, deux millnaires devront encorescouler avant que lhistoire de llectrodynamique ne subisse lacclration dci-sive (au cours du XIXesicle notamment) qui ouvre la voie aux progrs scientiqueset technologiques que lon sait. Lhistoire de ces dveloppements sans prcdent estretrace, avec la rigueur historique et pistmologique qui convient, dans de nom-breux ouvrages et publications de rfrences [9][10][11][12]. Aussi, notre propos se(1)Llectricit trouve son thymologie dans le mot grec lektron qui dsigne lambre jaune. Rsultant de lafossilisation dune rsine de conifre de lre tertiaire, cette substance possde la proprit de slectriser parfrottement.(2)Cest galement au VIesicle avant Jsus-Christ que leffet attractif des pierres de Magnsie sur le fer estnot par les Grecs.Nogarede2005/5/215:18page7#25iiiiiiii1.2 Aux origines 7contentera-t-il den dgager les faits les plus marquants. Au-del de lexpos chro-nologique traditionnel, lanalyse propose tentera de mettre en perspective les troisgrandes tapes qui jalonnent le dveloppement de la plupart des domaines de connais-sance en physique applique, savoir lobservation du phnomne, sa conceptualisa-tion au travers dune thorie connue ou originale, et enn sa matrise technologique,donnant lhomme de nouveaux moyens pour agir sur son environnement.1.2.1 Le temps des premires observationsLorigineminemment exprimentaledelasciencedesinteractionslectrodyna-miquestient aufait quelanatureoffrelhomme, depuislanuit destemps, lespectacledunensembledephnomneslaportedesescapacitspremiresdobservation (foudre, aurores borales, attraction mutuelle spontane de certainessubstances, etc.). Aussi nest-il pas tonnant que les phnomnes dattraction prc-demment mentionns soient relats ds les origines de la civilisation. Cest Thalsde Milet (625-548 av. J.-C.) que lon attribue gnralement les premires expriencessur le pouvoir attracteur de lambre frott. Toutefois, conformment aux ides avan-cesunsicleplustardparHracliteet Parmnide, laraisonest seuledignedeconance, tandis que les sens sont souvent dcevants et trompeurs. Cette opinionlargement dveloppe par Platon (428-347 av. J.-C.) oriente la recherche scientiquevers la dcouverte des lois abstraites qui soutendent les donnes empiriques. Aussi,mme si Aristote (384-322 av. J.-C.) rhabilite lobservation et lexprimentation,linclination du monde grec antique pour la qute dune vrit immuable confreaux premires dcouvertes une dimension essentiellement conceptuelle (cf. 1.2.2).La forme dintelligence qui correspond cette qute thorique doit tre rsolumentdistingue de lintelligence de la ruse (la mtis), associe au sens et au savoirpratiques [13]. Ainsi, bien que les inventions mcaniques dArchimde permirent detenir en chec larme romaine durant le sige de Syracuse (212 av. J.-C.), lhistoriengrecPlutarquerapportequelesavantneleuraccordequepeudevaleurcompa-res ses travaux en mathmatiques. Cette prminence de la pense abstraite surladmarchedinvestigationscientiquetellequenouslaconcevonsaujourdhuiprvaudra jusqu la Renaissance.Mdecin la cour de la reine Elisabeth I, langlais William Gilbert (1544-1603)adopte une posture rsolument nouvelle qui place lexprience au cur de la d-marche scientique. Dnonant les superstitions les plus obscures et autres formesde pense occulte affrentes la magie de laimant(1), ses travaux lamnent notam-(1) Parmi les croyances les plus insolites qui entourent le mystre de laimant en cette n de XVIesicle, ilen est que Gilbert rapporte en ces termes [15] : ... (On dit) que laimant est une imposture diabolique ou que,plac sous la tte dune femme endormie, il la tire du lit si elle est adultre... : ou quil a, le jour, un certainpouvoir pour attirer le fer, mais que ce pouvoir faiblit la nuit... : ou que le sang dune chvre libre un aimantdu venin dun diamant, de sorte que la puissance perdue est retrouve quand laimant est tremp dans le sangen raison de lantipathie entre le sang et le diamant... Nogarede2005/5/215:18page8#26iiiiiiii8 1 Comprendre et matriser les effets dynamiques de llectricitment distinguer les corps lectriques (le terme nat sous sa plume) des corpsmagntiques [14]. Il explore mthodiquement les abords de laimant laide duneaiguille aimante et tudie ainsi le magntisme de la terre. Si ces investigations leconduisent pressentir la notion de champ(1), ces discussions sur le processus dedsaimantation du fer haute temprature nen sont pas moins troublantes : plus de300 ans avant la thorie des domaines de Weiss, il interprte le phnomne commeune modication interne de la forme du matriau !Les observations relatives llectricit sintensient au cours des deux siclessuivants. Grce aux expriences menes au milieu du XVIIepar Otto von Guericke(1602-1686), bourgmestre de Magdebourg, il est dsormais possible dobtenir lesefuves lectriques (et les tincelles qui manifestent leur existence) laide de ma-chines lectromcaniques de plus en plus efcaces. Il est alors possible dtudierplus systmatiquement la nature et les proprits de llectricit. La distinction entreconducteurs et isolants est ainsi effective ds 1729, grce aux travaux de StephenGray (1666-1736) qui exprimente le transport de la vertu lectrique au moyen dedivers matriaux. Il parvient mme la communiquer sans contact, par inuence .Quelques annes plus tard, les travaux de Charles de Cisternay Du Fay (1698-1739)conduisent distinguer llectricit positive (dite vitreuse ) de llectricit nga-tive (dite rsineuse ), grce aux forces non seulement attractives mais galementrpulsives quengendre leur combinaison. En 1788, Charles-Augustin de Coulomb(1736-1806) publie la loi suivant laquelle la force rpulsive sexerant entre deuxpetites sphres charges dune lectricit de mme nature varie en raison inverse ducarr de la distance sparant leur centre. Il appliquera galement cette loi pour ca-ractriser lattraction ou la rpulsion des masses magntiques . Si cent ans aprsla publication desPrincipia de Newton, une telle loi semblait naturelle(2), il fautcependant souligner que la validit de sa dmonstration tient au dveloppement demoyens mtrologiques particulirement ables. Cest en effet lissue dtudes pous-ses sur le frottement et la torsion que Charles-Augustin de Coulomb sera en mesurede construire la balance de torsion avec laquelle il tablira avec rigueur et prcisionla loi qui porte son nom.Linvention de la pile lectrique par Alessandro Volta (1745-1827) constitue sansnul doute la clef du dveloppement rapide de llectrodynamique au cours du XIXesicle. Prsent le 9 novembre 1800 loccasion dune dmonstration organise (1)William Gilbert reconnat lexistence dune force dorigine lectrique (due lmanation defuves ),mais rfute la notion de force magntique. Il prfre parler de forme ou dme pour apprhenderles causes du magntisme. Nanmoins, par le biais des actions mcaniques subies par le corps dpreuveque constitue son aiguille aimante, il dnit implicitement et dtermine localement ce que nous appelonsaujourdhui le champ magntique.(2) Ds 1744, Joseph Priestley (1733-1804) avait suggr une loi en raison inverse du carr de la distance.Celle-ci fut galement vrie en 1772 par Henry Cavendish (1731-1810) loccasion de sa clbre exp-rience sur les sphres concentriques. Toutefois, lide dune action distance sexerant travers le videmituncertaintempstreacceptedessavantsfranais, enfermspourcertainsdansuncartsianismedogmatique.Nogarede2005/5/215:18page9#27iiiiiiii1.2 Aux origines 9lAcadmie des Sciences devant Napolon Bonaparte, cet instrument constitue, pourles chimistes, un moyen prcieux pour la recherche de nouveaux lments (lectro-lyse). Il permet en outre dexplorer le monde nouveau que reprsentent les courantslectriques continus. Hans Christian rsted (1777-1851) construira prcisment unexemplaire de la pile de Volta pour mener, ds 1807, ses tudes exprimentales surllectricit. Nomm professeur luniversit de Copenhague en 1806, au terme dunparcours relativement singulier (reu pharmacien en 1797, puis docteur en philoso-phie en 1799), rsted observe durant lhiver 1819 la dviation dune aiguille aiman-te place au voisinage dun l de platine connect une pile (tandis quil dmontrait ses lves lchauffement dun conducteur sous laction dun courant lectrique).Il remarque que laiguille tend se placer perpendiculairement la direction du cou-rant lorsque la pile est mise en action(1), comme lillustre la gure 1.2. Conscient dela porte de ses observations quant la relation quelles tablissent entre lectricitet magntisme(2), il publie en juillet 1820 un mmoire de quatre pages sur le sujet.Rdig initialement en latin, dans un style quelque peu droutant pour ses premierslecteurs (de laveu mme de Faraday !), le mmoire et la dcouverte majeure quilrelate sont rapidement ports la connaissance des socits savantes europennes.NSiFigure 1.2 Lexprience drsted(1)La notion de courant, de mme que les notions de tension ou de circuit lectrique, sont encore inconnuesen 1820. Avant que ces termes ne soient introduits par Ampre quelques annes plus tard, on parle, pour lecourant, de conit lectrique.(2) Au milieu du XVIIIesicle, labb Jean-Antoine Nollet (1700-1770), ancien assistant de Du Fay, ainsique lamricain Benjamin Franklin (1706-1790), qui le premier assimile llectricit un uide, avaient notles effets magntisant ou dmagntisant de la foudre sur des aiguilles aimantes. Ces faits taient dailleursconnus des navigateurs dont les compas taient parfois affects par les clairs orageux.Nogarede2005/5/215:18page10#28iiiiiiii10 1 Comprendre et matriser les effets dynamiques de llectricitLexprience est reproduite lAcadmie des Sciences par Franois Arago(1786-1853), le 11 septembre 1820, aprs lecture de la note drsted. Une semaineplus tard, Andr-Marie Ampre (1775-1836), alors professeur danalyse lEcolePolytechnique et membre de lAcadmie depuis 1814, en donne une interprtation,ajoutant de nouveaux faits aux observations de son prdcesseur danois [16]. Dansun lan prodigieux, Andr-Marie Ampre, Jean-Baptiste Biot (1774-1862) et FlixSavart (1791-1841), sous le regard impartial de leur ain, Pierre Simon de Laplace(1749-1827), laborent en quelques mois les principaux rsultats de la science quenous appellons aujourdhui magntostatique [17]. De laction exerce sur le courantlectrique par un autre courant, le globe terrestre ou un aimant : tel est lintitul dupremier des deux mmoires dans lesquels Ampre consigne les principes fondateursde llectrodynamique. Ces dcouvertes prennent leur aspect dnitif dans lim-mortel ouvrage(ainsi lequalieraHenri Poincar)queconstituesonmmoirede1827: Surlathoriemathmatiquedesphnomneslectrodynamiquesuni-quement dduite de lexprience. Nul doute dsormais qulectricit et magntismeconstituent les deux facettes dun seul et mme phnomne. Preuve en est dnitive-ment donne lorsque Michael Faraday (1791-1867) met en vidence le phnomnedinduction lectromagntique [25]. Physicien exprimentateur de gnie(1), il montreainsi en 1831 les effets complmentaires de ceux prcdemment tudis par erstedet Ampre. laide dun systme de deux bobines enroules sur un anneau de fer,il observe lapparition dun courant transitoire dans lune des bobines lorque lautre,relie une pile, en est alternativement connecte ou dconnecte. Ces courants in-duits apparassent galement dans un solnode lorsque lon y fait pntrer un barreauaimante [26]. Signalons que le phnomne dinduction lectromagntique est ob-serv au mme moment par Joseph Henry (1797-1878), alors professeur Princeton.Cest dailleurs ce dernier que lon doit la dcouverte de lauto-induction, en 1834.Si les recherches prcdemment dcrites tablissent un lien direct entre mcaniqueet lectricit lchelle de corps solides en interaction lectromagntique, le XIXesicle voit galement la mise jour des principaux phnomnes de couplage lec-tromcaniques locaux , associs la dformation dun corps lectriquement oumagntiquement polaris. Considr comme le pre de la christallographie, labbRen Just Hay (1743-1822) observe ainsi, en 1817, que llectricit peut rsulterde la pression exerce sur certains cristaux naturels tel que le spath dIslande [18].Antoine Csar Becquerel(2)(1788-1878) montra quelques annes plus tard que ce(1)En 46 annes de recherche, Michael Faraday relate plus de 16 000 travaux exprimentaux dans son jour-nal, sans quaucune formule mathmatique ny gure ! Outre ses travaux sur linduction communiqus le 24novembre 1831 la Socit Royale de Londres dans une note insre dans les Philisophical Transactions,Faraday signalera en 1838 le phnomne dlectroluminescence, dcouvrira en 1845 le diamagntisme et dis-tinguera le para- du ferro-magntisme. Ses dernires recherches concerneront laction dun champ magntiquesur la lumire polarise.(2) Grand-pre de Antoine Henri Becquerel qui dcouvrira plus tard la radio-activit, Antoine Csar Bec-querel consacra une part importante de son activit llectricit et llectrochimie (il tudia notamment lediamagntisme). Il collabora avec Ampre et Biot et correspondit galement avec Faraday.Nogarede2005/5/215:18page11#29iiiiiiii1.2 Aux origines 11phnomne concernait de manire plus gnrale les cristaux anisotropes. Ce nestpourtant quen 1880 quune tude systmatique de ce phnomne sera entreprise parle physicien franais Pierre Curie (1859-1906) et son frre Jacques (1855-1941), alorsprparateur au laboratoire de minralogie de la Sorbonne. En 1881, lexistence duneffet inverse (i.e. la dformation dun corps sous laction dun champ lectrique)est suggre par Gabriel Lippmann (1845-1921) partir de considrations thermo-dynamiques [19]. Les frres Curie le vrient la mme anne et montrent que lesconstantes pizolectriques du quartz sont identiques pour les deux effets direct etinverse [20]. Cest donc bien le mme phnomne, dnomm pizolectricit (1), quise manifeste selon deux effets rciproques.Les relations entre dformation et aimantation dans les corps ferromagntiquesferont galement lobjet dtudes pousses ds le dbut du XIXesicle [21]. Cestainsi quen 1842, James Prescott Joule (1818-1889) dcouvre lamagntostrictiondu fer. Un an aprs avoir formul les lois qui portent son nom sur le dgagementde chaleur produit par le passage dun courant lectrique dans un conducteur(2), ilobserve lallongement dun barreau de fer (de mme quune striction transversale)lorsque ce dernier est soumis un champ magntique longitudinal. Leffet rciproqueou effet Villari (en mmoire de celui qui tudiera le phnomne en dtail en 1865), estobserv par Joule lui-mme ds 1847. Dautres effets de couplage magntolastiqueseront galement mis en vidence par la suite (effet Wiedemann ou effet Matteucciassocis la torsion de lchantillon).1.2.2 Des efuves au photon virtuelNotre conception du monde, et plus particulirement celui que nous percevons au tra-vers des phnomnes lectrodynamiques ou mcaniques, est fonde sur un ensemblede concepts tels que champ, force, nergie ou corpuscule associ une fraction l-mentaire de masse ou dnergie. Outre leur porte scientique pour tenter dex-pliquer les lois de la nature, ces concepts abstraits anticipent aussi trs souventlinnovation technologique (comment oser la propulsion la voile solaire sansconcevoir au pralable la nature corpusculaire de la lumire ?).Face la description des interactions entre corps matriels, la notion de champjoue un rle majeur en physique, et cela ds ses origines. Si les thories correspon-dantes sont diverses, elles reposent sur lide que les actions mutuelles subies par lescorps rsultent des proprits de lespace dans lequel ils se trouvent. Ainsi, pour Aris-tote (384-322 av. J.-C.), chaque chose possde une place naturelle dans le mondehirachiquement ordonn quil conoit, si bien que lespace induit un mouvementnaturel visant ramener lobjet cette place (seul un mouvement violent peut(1)Le prxe grec pizo signie presser ou serrer . Le terme pizolectricit sera introduit en1881 par le physicien allemand Wilhelm Gottlieb Hankel (1814-1899).(2)Le physicien anglais dcouvre galement en 1840 le phnomne de saturation magntique.Nogarede2005/5/215:18page12#30iiiiiiii12 1 Comprendre et matriser les effets dynamiques de llectricitchasser lobjet de sa position dquilibre). Certes, contrairement lapproche scienti-que moderne, ces ides ne sauraient tre dcouples de la pense mtaphysique quiles sous-tend. Cependant, le rle fondamental quAristote cone lespace nest passans rappeler le point de vue quadoptera plus tard la relativit gnrale. Cette d-marche de comprhension globale des phnomnes rsulte dune longue tradition laquelle les philosophes de lcole ionienne (dont Thals) ont largement contribu, travers la qute dune matire fondamentale expliquant la nature du monde (et dela vie). Dveloppant la thse selon laquelle cette matire correspond en fait quatre lments , Empdocle introduit ds le Vesicle le concept de force (attractiveou rpulsive) en tant que cause du mouvement. Pour ce dernier, lessence des forceslectriques et magntiques tient prcisment la fraction inme de substance quelibrent les corps en interaction et aux actions de contact qui en rsultent. On retrou-vera cette notion defuve chez Gilbert deux mille ans plus tard. Soulignons que lavision dAristote est incompatible avec lhypothse dun espace vide tel que lespacede la gomtrie euclidienne, qualitativement non-diffrenci et non hirarchis. Pourlui, la gomtrie est indissociable de la matire. Aussi, la notion daction distancereprsente-t-elle un artice inconcevable dans la physique aristotlicienne(1).Conformment ce point de vue, Descartes (1596-1650) labore la premire tho-riegnraledesmilieuxcontinus. Il postulequetouteslesactionsphysiquesr-sultent de chocs ou de pressions exercs entre des corpuscules incompressibles quiemplissent lespace. Si cette thorie nest pas proprement parler une thorie deschamps, en ce sens que les proprits de lespace ne sauraient tre distingues decelles de la matire quil abrite, elle constitue le point de dpart des travaux deLeonhard Euler (1707-1783) et de Daniel Bernoulli (1700-1782) qui tabliront, unsicle plus tard la thorie mathmatique des milieux dformables, uides ou solideslastiques.Cest alors que Newton introduit sa thorie de la gravitation, saffranchissant alorsde tout espace intermdiaire ou ther prsuppos visant supporter linteractionqui sexerce entre les masses. Telle que sa thorie est prsente en 1687, la gravitationest une interaction distance, stablissant de manire instantane, et susceptible desexercer entre des corps ventuellement placs dans le vide. Cette thorie apparatds lors comme lantithse dune thorie des champs. Un espace caractris par desproprits physiques ne peut tre vide stricto sensu. En outre, si linteraction entredeux objets loigns sexplique par la modication des proprits locales du champqui leur est associ, le temps dtablissement de ces proprits est ncessairementnon nul, ce qui exclut lide dune action distance instantane. Pourtant, bien quelongtemps rfut par lesprit cartsien, ce concept constituera la clef du dveloppe-ment rapide que vont subir conjointement llectricit et le magntisme. Ainsi, les(1) De mme, cette notion tait incompatible avec le point de vue atomique dvelopp paralllement la thse dEmpdocle, conformment aux ides de Leucippe, Dmocrite et Epicure. Ce point de vue seranalement repouss par Platon, puis Aristote, au prot de la thorie des lments . Aristote rajoutera uncinquime lment, lther.Nogarede2005/5/215:18page13#31iiiiiiii1.2 Aux origines 13travaux de Cavendish et de Coulomb permettent dtendre ces deux domaines laconception newtonienne des forces centrales, attractives ou rpulsives. Grce la no-tion de masse magntique , qui joue le rle de la charge lectrique en magntisme,les lois quantitatives exprimant les forces lectriques et magntiques se formulentde manire analogue pour llectricit et le magntisme(1). Balayant dnitivementles efuves de Gilbert, la loi en raison inverse du carr de la distance semblergir lunivers. Certes, dun point de vue cartsien, la nature des forces sexerant distance nen est pas pour autant explique , mais il est dsormais possible dendterminer quantitativement les effets, sur la base dune formulation commune lamcanique, llectricit et au magntisme.Les processus dinteraction distance sexprimant selon une loi unique, il paratlgitime de chercher intgrer les phnomnes physiques correspondants au seindun schma de comprhension unie. Ainsi, aprs les premiers liens tablis parrsted entre lectricit et magntisme, Ampre montre lquivalence entre un bar-reau aimant et un solnode parcouru par un courant. Ds 1821, il met lhypothseque les molcules des corps sont le sige de courants particulaires que laiman-tation peut orienter. Prcurseur de la thorie lectronique de la matire, il suggreainsi les liens intimes qui unissent lectricit et magntisme au coeur mme de lamatire. En revanche, si lexpression de la force magntique donne initialement parBiot et Savart varie bien en raison inverse du carr de la distance, la loi tablie parAmpre pour la force lmentaire(2)montre que les actions dorigine magntiquesexercent dans un plan perpendiculaire celui qui contient la ligne de courant et lechamp magntique. Ainsi exprimes, les forces magntiques se distinguent sensible-ment des forces centrales gravitationnelles, comme le laissaient dailleurs apparatreles premires observations drsted. Le schma newtonien universel nest donc plustotalement satisfaisant.Rsolument abordes en termes dlectro-magntisme, les investigations de Mi-chael Faraday apportent peu peu la rponse attendue. Cest avec ce physicien au-todidacte que nat vritablement le concept de champ. Sil nen conoit pas la for-mulation mathmatique, il en dnit la nature physique profonde. Pour lui, linter-action lectromagntique diffre fondamentalement de la gravitation. Contrairement llectricit et au magntisme, il semble tout dabord impossible dopposer auxforces de gravitation un bouclier qui annihilerait leur effet. Dautre part, aucunepreuve nest faite que les actions gravitationnelles ncessitent un certain temps depropagation pour stablir distance. Ainsi, Faraday est-il partisan de lide selon(1)Coulomb dveloppe sa thorie dans la srie des sept mmoires quil publit entre 1785 et 1791.(2) Elle fut baptise force de Laplace , en hommage celui qui suivit attentivement les travaux de Biotet dAmpre en y apportant ses critiques. Si ses recherches se rapportent surtout la mcanique cleste et aucalcul des probabilits, Pierre-Simon de Laplace favorisera le brassage des ides et leffervescence scientiquequi caractrisent le dbut du XIXesicle. Entre 1805 et 1813, il runit ainsi dans sa proprit dArcueil dejeunes savants parmi lesquels Claude Berthollet, Jean Antoine Chaptal, Jean-Baptiste Biot, Franois Arago,Denis Poisson, Louis Joseph Gay-Lussac.Nogarede2005/5/215:18page14#32iiiiiiii14 1 Comprendre et matriser les effets dynamiques de llectricitlaquelle la matire est non seulement constitue datomes ponctuels mais ga-lement de forces prsentes dans lespace. Cest dans ce contexte quil considre leslignes de force des champs lectriques et magntiques comme une modication tout fait concrte de lespace vide situ entre les corps en interaction. Les actionsmcaniques globales rsultent de la sommation des efforts locaux que constituent lescontraintes lectromagntiques dnies par les lignes de force : des contraintes detension sexercent le long de ces lignes tandis que des efforts de pression se dve-loppent selon des directions normales.Cherchant initialement tablir une reprsentation mathmatique des lignes deforce introduites par Faraday son matre, James Clerk Maxwell (1831-1879) labo-rera nalement la thorie du champ qui fait aujourdhui rfrence. Le physicien cos-sais introduit en 1862 le concept de courant de dplacement apparaissant dans lesdilectriques soumis un champ lectrique variable. De mme que la variation dunchamp magntique provoque lapparition dun champ lectrique (phnomne din-duction), Maxwell doit admettre, symtriquement, quun champ magntique est crpar la variation dun champ lectrique [22]. Condensant les lois prcdemment ta-blies avec ces nouvelles donnes, les quations aux drives partielles qui clbrentson nom fondent llectromagntisme moderne, au travers dun modle aussi concisque gnral. Auteur de la thorie lectronique de la matire, cest le physicien ner-landais Hendrik Antoon Lorentz (1853-1928) qui parachvera la thorie de Maxwellen y introduisant la discontinut des charges lectriques [23]. Ayant pour secondmatre Lord Kelvin, alors Sir William Thomson (1824-1907), il nest pas tonnantque lnergie du champ ait trs tt revtu pour Maxwell une importance capitale.Lnergie est localisable dans lespace, sans quelle ne soit ncessairement associe la matire. Preuve en est faite quelques annes plus tard lorsque lexistence desondes lectromagntiques prvues par la thorie de Maxwell sera exprimentalementvrie. Ces ondes ont mme nature et mme vitesse de propagation que celles dela lumire ; lnergie est bien prsente dans le champ entre la source et le rcepteurentre le moment de lmission et celui de la rception. Certes un ther est-il encorencessaire pour supporter la propagation des ondes lectromagntiques la n duXIXe. Llectromagntisme sen trouve singularis vis--vis des autres domaines dela physique. Toutefois, bien avant lavnement de la thorie de la relativit, sa natureest certainement dj trs diffrente de celle de la matire newtonienne.Rfutant dnitivement lide dun milieu servant de rfrence pour les dplace-ments de matire et dnergie, la relativit dEinstein, dont la premire pierre est po-se en 1905 avec la relativit restreinte, vise traiter sur un mme plan lensemble leslois de la nature [1]. Les phnomnes physiques, quils soient de nature mcanique,lectromagntique ou autres, se droulent de manire identique dans tout rfren-tiel galilen, et le seul talon absolu est la vitesse de propagation dun rayonnementlectromagntique, indpendamment du mouvement de sa source. Dans lespace qua-drimensionnel labor par Hermann Minkowski (1864-1909), temps et espace sontdsormais indissociables [24]. Soulignons que la relativit confre la thorie desNogarede2005/5/215:18page15#33iiiiiiii1.2 Aux origines 15champs toute sa substance. Il est entendu dsormais que toute relation de cause effet ne peut stablir avec une vitesse suprieure la vitesse de la lumire. Matireet nergie tant quivalentes, les concepts de la mcanique et de llectricit nensont que plus proches. En outre, avec la relativit gnrale (1915), la courbure mmede lespace est dtermine par les potentiels gravitationnels, de sorte quespace etchamp semblent ne plus faire quun. Notons cependant que les tentatives de go-mtrisation du champ au sens de llectrodynamique nont pu trouver ce jour dejustication thorique satisfaisante.Trs diffrent est le point de vue adopt par la thorie des quanta (1926) qui xeun rapport constant entre lnergie dune particule et la frquence de londe qui luiest intimement associe. Le rayonnement lectromagntique est alors reprsent parlmission de particules quanties, les photons. Lorsquelle change dtat nerg-tique, une particule charge met ou absorbe des photons. De mme, lannihilationdune particule charge (par exemple un lectron) par une particule de charge oppose(dans ce cas, un positron) saccompagne dune mission photonique. Le processus estrversible si bien quil devient possible de crer des paires de particules partir dephotons. Le champ lectromagntique, au sens de Maxwell, peut donc tre interprtcomme la manifestation des particules cres partir de lnergie quil renferme.Quant linteraction entre particules charges immobiles, elle procde, selon cettevision, dun change virtuel de particules du champ : un photon est brivement mispar une charge avant dtre rabsorb par cette mme charge ou par une autre. Peut-tre faut-il voir l une justication moderne des efuves si chres aux pionniersantiques de llectrodynamique ?Rappelons enn que la comprhension actuelle des forces de lunivers repose surla mise en jeu de quatre interactions fondamentales(1)dont les principales propritssont rsumes dans le tableau 1.1.Tableau 1.1 Les quatre interactions fondamentalesINTERACTION GRAVITATIONNELLE LECTROMAGNETIQUE FORTE FAIBLEquasiment tous cohsion radioactivitdomaine concern pesanteur les phnomnes des noyaux btade la vie courante atomiquesparticule messagre graviton G photon g gluons g bosons W+, W, Z0masse du messager 0 0 2 1028Kg 2, 2 1025Kgforme du potentiel 1r1rer/r0rer/r0rporte 1015m 1018mintensit relative 10361021 107(1) Conformment la dmarche entreprise ds lAntiquit, lintgration de ces quatre types dinteractionsau sein dun schma thorique commun reprsente un d scientique majeur pour la recherche fondamentale(thorie de la Grande Unication ou thorie du Tout incluant la gravitation).Nogarede2005/5/215:18page16#34iiiiiiii16 1 Comprendre et matriser les effets dynamiques de llectricitParmi ces quatre types de forces, linteraction lectromagntique joue un rle ma-jeur dans la plupart des phnomnes de notre quotidien (depuis la lumire et lesondes lectromagntiques jusqu la cohsion de la matire, lchelle des atomes,des molcules, des couteaux et des fourchettes...). Donnant lieu des forces dinten-sit relativement leve, cette interaction intervient tout naturellement au coeur desprocessus de transformation de lnergie. Elle constitue lessence mme des procdspermettant de convertir lnergie dune forme mcanique une forme lectromagn-tique (et rciproquement). Aussi, les progrs scientiques accomplis dans le domainede llectrodynamique sont indissociables de laventure technologique qui conduit la mise au point des premires machines lectromcaniques oprationnelles.1.2.3 Lavnement des premires machines lectromcaniquesCest certainement avec les expriences dOtto von Guericke que dbute vritable-ment lhistoire des convertisseurs lectromcaniques dnergie, et plus particulire-ment celle des gnrateurs lectrostatiques. Ainsi, la boule de soufre quil frotte desa main pour en extraire les charges cde bientt la place un globe de verre lectris laide dune toffe de laine. Tel est le principe du gnrateur prsent en 1706 parFrancis Hauksbee (1666-1713). La conguration discode simposera ds 1766 avecla machine de lopticien anglais Jesse Ramsden (1735-1800). Un disque de verre, en-tran en rotation laide dune manivelle, est ici press entre quatre coussins de cuirremplis de crin. Les charges positives cres sur le disque provoquent par inuencellectrisation de deux conducteurs horizontaux. Trs populaire la n du XVIIIesicle, cette structure constitue lanctre de la clbre machine de Wimshurt (1880)constitue de deux disques de verres tournants en sens inverse et munis de secteursmtalliques pour collecter les charges.Lide de crer le mouvement partir de llectricit prend corps immdiatementaprs les premiers travaux drsted et dAmpre. Conformment aux thories avan-ces par ce dernier, le magntisme de la matire serait associ lexistence de bouclesde courants internes(1). Cette thse laisse penser des savants tels que William HydeWollaston (1766-1828) et Sir Humphrey Davy (1778-1829) quil doit tre possible, sila vision dAmpre est correcte, den dmontrer les effets rotationnels . Dans leurlaboratoire de la Royal Institution de Londres, ils cherchent alors mettre en videncelexistence dun couple dynamique sexerant sur un courant mis en prsence duncorps aimant, mais chouent dans leurs tentatives. Pourtant, au cours des derniersmois de lanne 1821, lancien assistant de Davy, qui nest autre que Michael Fara-day, dmontrera avec succs leffet des rotations lectromagntiques. Ouvrant ainsila voie aux premiers principes de moteurs lectriques, il montre, laide dun l sus-pendu au dessus dun cylindre aimant dont lextrmit libre plonge dans une cuve demercure, que la circulation dun courant engendre la rotation continue du l autour(1)Ayant chou dans la mise en vidence de courants volumiques, Augustin Fresnel (1788-1827) suggre Ampre lexistence de courants molculaires .Nogarede2005/5/215:18page17#35iiiiiiii1.2 Aux origines 17de laimant, comme lillustre la gure 1.3. Ses exprimentations portent rciproque-ment sur la rotation dun aimant autour dun courant. Dautres savants travaillerontsur la question des rotations lectromagntiques, tel Peter Barlow (1776-1862) quiconstruit en 1822 la clbre roue qui porte son nom : places entre les ples dunaimant en fer cheval, une roue de cuivre en forme dtoile est parcourue par uncourant radial tabli entre laxe de rotation et les pointes de ltoile via un contact mercure ; le courant axial et le champ radial donnent naissance un effort tangentielqui entrane la roue en rotation et entretient le phnomne. Le mme rsultat est ob-tenu en 1823 laide dune roue discodale par lingnieur anglais William Sturgeon(1783-1850). Ce dernier inventera llectroaimant deux ans plus tard.NSBdfiFigure 1.3 Le dmonstrateur rotatif de FaradayTributaires de lnergie dune pile, et de performances lectromcaniques encoremodestes, ces dispositifs sont encore peu crdibles en tant que moteurs dentrane-ment. Cest la dcouverte de linduction qui marquera vritablement le dbut de les-sor des machines effets lectromagntiques. Ainsi, renversant les principes utilissdans ses tudes sur les rotations lectromagntiques, Faraday invente en 1831 le pre-mier gnrateur magnto-lectrique. Fond sur une interaction de nature homopolaire(le conducteur balaye un champ de polarit invariable), le principe de ce gnrateur courant continu est originellement test laide dun disque de cuivre de 300 mmde diamtre et de 5 mm dpaisseur environ, dont un segment est engag entre lesples dun aimant permanent plusieurs lames [26]. Le courant induit est collect aumoyen de deux lames conductrices frottant lune sur laxe de rotation du disque etlautre sur sa priphrie. partir de cette invention majeure, de nombreuses structuresNogarede2005/5/215:18page18#36iiiiiiii18 1 Comprendre et matriser les effets dynamiques de llectricitde machines fondes sur le principe de linduction seront imagines. En France, ds1832, Antoine-Hippolyte Pixii (1808-1835) invente, sur les indications dAmpre, ungnrateur magnto-lectrique destin remplacer les batteries de piles. Inaugurantle concept de machine htropolaire, ce gnrateur repose sur la cration de cou-rants alternatifs induits au sein dune paire de bobines tournant en regard des plesdun aimant en fer cheval constituant linducteur. An dobtenir le courant continurecherch, Pixii, linstigation dAmpre, quipe sa machine dun jeu de contactstournants segments an de redresser les courants alternatifs. Ainsi apparat le prin-cipe de la commutation lectromcanique.Au cours des trois dcennies qui font suite la dcouverte de Faraday, le mondedes convertisseurs mcano-lectriques suscite une activit inventive trs intense. Descongurations de machines trs varies, tournantes pour la plupart, seront imagineset mises au point travers lEurope et les tats-Unis. Sil serait ici draisonnable denentreprendre lanalyse exhaustive, il faut nanmoins avoir conscience de la diversitdes solutions technologiques considres avant que ne simposent les structures entrefer radial ou axial que nous connaissons aujourdhui [27]. Ainsi par exemple, lamachine schmatise sur la gure 1.4, due lamricain Charles Grafton Page (1812-1868), drive directement des concepts couramment pratiqus dans le domaine dumoteur vapeur : le piston double effet laisse la place un noyau plongeur doublesolnode, tandis que le commutateur lectromcanique, command par excentriquedans certaines versions, assure la fonction de distributeur.Figure 1.4 Moteur pistons lectromagntiques de C. G. Page (1846)Il faut galement noter que, outre limpulsion dcisive que la science naissantedes machines lectromcaniques doit aux savants, physiciens ou chimistes, de nom-breusesavancestechnologiquesrsultent delinventivitdhabilesappareilleursspcialiss jusqualors dans la fabrication dinstruments scientiques. Tel est le casNogarede2005/5/215:18page19#37iiiiiiii1.2 Aux origines 19de E.M. Clarke Londres ou encore du franais Paul-Gustave Froment (1815-1865)qui, paralllement la ralisation dinstruments scientiques dont le fameux pendulede Foucault, dveloppera de nombreuses structures dlectromoteurs. Mentionnonsgalement lamricain Daniel Davis, Jr. (1813-1887) dont lactivit fut troitementassocie celle de scientiques clbres tels que Joseph Henri et qui mit au point,notamment pour le compte de Charles Grafton Page, de nombreux prototypes de ma-chines lectromagntiques.Sagissant des ruptures technologiques qui jalonnent le dveloppement pr-industriel des machines lectromcaniques, on retiendra parmi les plus marquanteslarmature en anneau introduite en 1864 par le physicien italien Antonio Pacinotti(1841-1912). Cherchantrduirelesuctuationsdintensitdescourantsinduitsdlivrspar lesgnratriceshtropolaires, Pacinotti proposedutiliser unlec-troaimant en forme de tore muni de dents entre lesquelles sont insres les bobineslmentaires. Ces bobines sont relies les unes aux autres en srie pour former un cir-cuit ferm. Les points de connexion de cet lectro-aimant transversal , tel quil lenomme, aboutissent autant de touches mtalliques isoles qui constituent llmenttournant du commutateur, ou collecteur. Signalons quune forme trs proche de cetteinvention(1)sera retrouve tout fait originalement par Znobe-Thophile Gramme(1826-1901) quelques annes plus tard. Dbutant sa carrire en qualit dbniste la socit lAlliance (2), Gramme perfectionnera la machine courant continu aupoint de fonder sa propre socit en 1871 pour commercialiser une version particu-lirement aboutie de gnrateurs courants continus destins aux laboratoires et lindustrie.Un autre progrs important, suggr pour la premire fois par Jacob Brett en 1848,consiste tirer prot du courant dvelopp par le bobinage dinduit pour renforcer lemagntisme des aimants permanents inducteurs, grce une bobine enroule autourde ces derniers. Le principe de lauto-excitation est largement dvelopp par ErnstWerner von Siemens (1816-1892) pour donner lieu la machine dynamo-lectrique(3)quil dcrit en 1867 devant lAcadmie de Berlin. Lemploi de linducteur bobin segnralise rapidement. Il faudra attendre les annes 1970 avant que les progrs ac-complis dans le domaine des aimants base de terres rares ne redonnent un nouveausoufe aux machines et actionneurs excits par aimants permanents. Sagissant dubobinage dinduit, Werner von Siemens jouera galement un rle dterminant dansle perfectionnement des architectures utilises. Il cre tout dabord le bobinage en(1)Lanneau de Gramme est dpourvu de dents et entirement recouvert de l conducteur.(2) Spcialise dans la construction dappareils lectriques, la socit lAlliance dveloppera une machinemagnto-lectrique qui, partir de 1863, rendra de grands services pour lclairage des phares. Ce gnrateurdrive de la machine construite en 1849 par Florise Nollet, petit neveu de labb Nollet.(3)Par opposition aux machines magnto-lectriques dont le champ dexcitation rsulte de laction dunaimant permanent, les machines dynamo-lectriques produisent elles-mmes le magntisme ncessaire leur excitation.Nogarede2005/5/215:18page20#38iiiiiiii20 1 Comprendre et matriser les effets dynamiques de llectricitnavette enroulement longitudinal. On doit galement un de ses proches collabo-rateurs, Friedrich von Hefner-Alteneck (1845-1904), la structure darmature en tam-bour actuellement employe dans la plupart des rotors de machines courant continu.Quant la machine multipolaire, munie dun induit en anneau ou en tambour, elle faitson apparition partir des annes 1870.Ainsi, la gnratrice de Siemens, celle de Gramme ou encore celle que ThomasAlva Edison (1847-1931) commercialisera quelques annes plus tard aux tats-Unis,contribuent peu peu instaurer la machine lectrique en tant quinstrument in-contournable du progrs industriel. Ce dveloppement sacclre sensiblement aveclexploitation de la rversibilit des machines dynamo-lectriques. Lre de la trans-mission de la puissance lectrique est ne. On aime rappeler que la rversibilitde la machine courant continu fut mise en vidence accidentellement par Hyppo-lyte Fontaine (1833-1917) et Znobe Gramme, laide dun montage associant deuxmachines similaires, lune tant alimente par lautre. Ce montage fut ainsi prsentcomme une innovation majeure lors de lExposition de Vienne en 1873. Pourtant, lefait que le fonctionnement de la dynamo est simplement linverse de celui du moteursemble connu de longue date. Daniel Davis y fait notamment rfrence, et de ma-nire tout fait explicite, dans son manuel de magntisme publi Boston dansles annes 1840 [27].La dernire grande tape du dveloppement des convertisseurs lectromcaniques la n du XIXesicle correspond sans nul doute lentre en scne des machines courants alternatifs. Les rexions menes en matire de transport de lnergie lec-trique, dues notamment Lucien Gaulard (1850-1888) au dbut des annes 1880,laissent penser que les courants alternatifs, exploits sous de hautes tensions, sontprfrables aux courants continus pour transporter llectricit sur de longues dis-tances et la distribuer ses utilisateurs potentiels. Face au dveloppement de telsrseaux dnergie, la possibilit dadapter les niveaux de tensions laide du trans-formateur que Gaulard met au point avec son collgue anglais John Gibbs constituesans nul doute un srieux avantage des courants alternatifs par rapport aux solutions courants continus. Par ailleurs, le gnrateur magnto-lectrique polyphas courantalternatif, ou alternateur, constitue une machine relativement robuste dj disponible cette poque. Gramme en construira plusieurs variantes, diphases ou triphases,ds 1878. La gure 1.5 prsente un modle monophas commercialis par Siemens.En revanche, contrairement la machine courant continu, le gnrateur courantalternatif ne saurait constituer un moteur convenable dans la mesure o il ne peutdmarrer par lui-mme. Une rponse au problme est cependant suggre par lam-ricain Walter Bailey qui dmontre en 1879 la possibilit dentretenir la rotation dundisque de cuivre plong dans un champ tournant. Il exploite ainsi les effets lectro-dynamiques observs par Arago ds 1824 laide dun aimant se dplaant devant unconducteur massif. En 1883, le yougoslave Nikola Tesla (1856-1943), alors employde la Continental Edison en France, revendique la construction dun premier dmons-trateur de moteurinduction. Il migre aux tats-Unis en 1884 o ses premiersNogarede2005/5/215:18page21#39iiiiiiii1.2 Aux origines 21succs portent sur lamlioration de la machine dEdison, alors farouche partisan ducourant continu. Il revient nanmoins bien vite ses ides premires et, apportant sonconcours lindustriel Georges Westinghouse (1846-1914), il contribue de maniredcisive au dveloppement des systmes de production, de transmission et de distri-bution de lnergie lectrique au moyen de courants alternatifs. Cest nanmoins litalien Galileo Ferraris (1847-1897) que lon attribue gnralement la constructiondu premier prototype de moteur induction polyphas. Parmi les diffrentes struc-tures quil dveloppe partir de 1885, la plus simple est constitue dun systmede deux bobines daxes perpendiculaires au centre desquelles tourne un cylindre decuivre. Divers ingnieurs participeront activement au perfectionnement de ce type demachine, dont Michael von Dolivo-Dobrowolski (1862-1919) qui introduira notam-ment le concept de rotor cage dcureuil en 1889. Alliant simplicit, robustesse etperformance, la machine induction simposera peu peu comme le vecteur privil-gi de la force motrice dans les rseaux triphass courants alternatifs.Figure 1.5 Modle dalternateur monophas Siemens (1889) bobines axiales et double entrefer ( INPT/ENSEEIHT/D. Harribey)Concluons ces notes historiques en mentionnant les retombes de llectrodyna-mique dans un secteur dvelopp paralllement celui des machines, celui des trans-ducteurs. Cest nouveau Werner von Siemens qui dcrit le premier appareil magn-tolectrique capable de transformer un signal lectrique en mouvement. Anctre dumoteur de haut-parleur lectrodynamique , le dispositif quil brevte en 1874 estconstitu dune bobine, soumise au champ dun aimant, et mobile dans une direc-tion axiale. Siemens nexploite pas pour autant son appareil en tant que transducteurlectroacoustique. Lide de transmettre la parole laide de signaux lectriques avaitpourtant t avance ds 1865 par Alexander Graham Bell (1847-1922). Cest chosefaite en 1876 lorsque les mots inoubliables de linventeur du tlphone -Watson,come here ; I want you - rsonnent lcouteur de son assistant mdus.Nogarede2005/5/215:18page22#40iiiiiiii22 1 Comprendre et matriser les effets dynamiques de llectricitCitons dans un autre domaine les travaux de Paul Langevin (1872-1946) avec quinatra la premire application de la pizolectricit. Matre de la physique thoriqueen France, mais aussi exprimentateur de talent, Langevin cre la technique de pro-duction et de rception des ultrasons en exploitant les proprits pizolectriques duquartz. Durant la premire guerre mondiale, ces travaux apporteront une rponse pro-metteuse au problme de la dtection des sous-marins ennemis. Les succs obtenusen 1916 marqueront ainsi le dbut du dveloppement du SONAR (SOund NAvigationand Ranging), quipement dont les perfectionnements ultrieurs seront largement in-uencs par les travaux de Langevin.Pourtant fonds sur un socle scientique commun, les transducteurs et les ma-chines lectromcaniques font trs tt rfrence deux domaines techniques biendistincts. Les annes 1980 marqueront le retour dune certaine synergie entre cesdeux domaines, au travers notamment du dveloppement des pizomoteurs. Ainsi, laube du XXIesicle, la question mergente des matriaux lectroactifs confre llectrodynamique une dimension nouvelle, ouvrant la voie un vaste champ din-vestigation tant au plan scientique que technologique.1.3 ENJEUX MODERNES DE LLECTRODYNAMIQUE1.3.1 Un vecteur nergtique incontournableInstrument dcisif des progrs techniques et conomiques accomplis au cours du XXesicle, llectricit reprsente en 2000 prs de 20 % de lnergie totale consommedans le monde [28]. Comme lillustre la gure 1.6, le dveloppement de cette sourcednergie seffectue de manire relativement rapide durant la deuxime moiti duXXesicle : entre 1950 et 1980, la consommation mondiale dlectricit double en-viron tous les 10 ans. Certes, au-del des donnes globales, il convient de soulignerla rpartition trs ingale de la consommation nergtique entre pays riches et payspauvres : les pays de lOCDE et de lex-URSS, soit environ 1,4 milliards dhabitants,consomment eux seuls les deux tiers des ressources disponibles.Que llectricit soit dite primaire (lectricit dorigine nuclaire, gothermique,hydraulique ou olienne) ou secondaire (lorsquelle est issue de la combustion desnergies fossiles ou de la biomasse), cette forme dnergie simpose dautant plusdanslconomiemodernequellejouitdavantagesincontournablestelsquesou-plesse dutilisation, disponibilit, respect des contraintes environnementales, etc. Cesavantages tiennent notamment la rversibilit et lefcacit nergtique de la plu-part des processus de conversion fonds sur lutilisation de llectricit. Ainsi, titredexemple, lefcacit nergtique(1)associe au transport par Train Grande Vitesse(1)Dans le cas des moyens de transport, lefcacit nergtique peut tre value en dterminant la quantitdnergie primaire ncessaire pour transporter des marchandises ou des passagers sur une distance donne. la n des annes 1990, cette efcacit est estime, dans le cas du transport arien civil, environ 80 grammequivalent ptrole par voyageur transport et par kilomtre parcouru, alors quil suft de 10 gep.voy1.km1