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    Un voyage au coeur de la ralitDaniel Fortier

    La physique quantique :un voyage au cur de la ralit

    Daniel Fortier

    Table des matires

    Page

    Introduction 2

    Premire partie. La science 5

    Chapitre 1 Ralit, thorie et donnes 5Chapitre 2 Ltat dun objet 8Chapitre 3 Le problme de la mesure en mcanique quantique 18Chapitre 4 Lvolution de ltat dun objet 23Chapitre 5 Complments la thorie quantique 26

    Deuxime partie. La philosophie 34

    Chapitre 6 Introduction la philosophie de la mcanique quantique 34Chapitre 7 Linterprtation statistique (ou interprtation densemble) 37Chapitre 8 Linterprtation de Copenhague et linterprtation existentielle 41Chapitre 9 Linterprtation paradoxaliste 57Chapitre 10 Linterprtation subjectiviste 59Chapitre 11 Le chat de Schrdinger 65Chapitre 12 Linterprtation de linfluence de la conscience 69Chapitre 13 Le paradoxe EPR 75Chapitre 14 Le thorme de Bell et les expriences dAspect 82Chapitre 15 Linterprtation des univers parallles 85Chapitre 16 La position instrumentaliste 92

    Conclusion 93

    Biographie 94

    Rfrences 95

    Copyright Daniel Fortier 2009. Tous droits rservs.

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    Introduction

    La mcanique quantique est la science la plus mystrieuse, la plus contre-intuitive. Elletraite dabord et avant tout du niveau le plus fondamental de la ralit, celui des particules(lectrons, atomes, photons), que lon peut dsigner mtaphoriquement commelchelle de linfiniment petit. La mcanique quantique a fait entrer dans la physique desconcepts radicalement nouveaux : dualit onde-corpuscule, superposition dtats,probabilits et hasard, effet de lobservateur, etc.

    La mcanique quantique est une thorie scientifique. Son formalisme mathmatique estglobalement cohrent ; laccord entre celui-ci et les rsultats de mesures, dobservationset dexpriences est solidement tabli. La thorie quantique est dailleurs, avec la thoriede la relativit restreinte, la thorie scientifique la plus solidement confirme par lesdonnes, toutes disciplines confondues (physique, chimie, biologie, psychologie etsciences sociales). Tous les rsultats de mesures, dobservations et dexpriencesaccumuls ce jour confirment les prdictions tires de la thorie quantique et, cela, avec

    un degr de prcision ingal en science. ce jour, aucune prdiction tire de la thoriequantique na t contredite. (Il en va de mme avec la thorie de la relativit restreinte.)

    Mais la signification du formalisme mathmatique de la mcanique quantique, laconception de la ralit quil implique, demeure une nigme. Dans la communaut desphysiciens, il y a consensus sur la science mais controverse sur son interprtationphilosophique.

    Certains physiciens, comme Einstein, pensent que la mcanique quantique nest pas unethorie physique fondamentale, quelle donne de la ralit une description incomplte. Cepoint de vue est incarn par linterprtation statistique, aussi nomme interprtation

    densemble. Adopter le point de vue contraire nous mne des conceptions contre -intuitives de lchelle quantique de la ralit, radicalement diffrentes de notreconception de lchelle classique, celle que nous percevons directement par nos sens dansnotre quotidien. Lchelle classique est unique; lchelle quantique serait multiple.

    Linterprtation de Copenhague nous prsente une chelle quantique intrinsquementincertaine (indfinie, floue), acausale et alatoire, o ce sont les actes dobservation,effectus par lentremise dinstruments dans des dispositifs exprimentaux, qui donnentralit aux phnomnes et dterminent quelles sont les grandeurs dynamiques (position,vitesse, spin) quils acquirent et sous quel aspect (onde ou corpuscule) ils semanifestent. Les grandeurs dynamiques sont dfinies au hasard : une seule possibilit

    quantique devient, au hasard, une ralit classique. Il existe des paires de propritscomplmentaires qui ne peuvent pas devenir relles simultanment au cours dun mmeacte dobservation : ce sont les grandeurs dynamiques position et vitesse et les aspectsonde et corpuscule.

    Linterprtation des univers parallles nous prsente une chelle quantique de la ralitparfaitement dfinie, causale et dterministe, indpendante dtre observe ou non, mais

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    constituant un Multivers o toutes les possibilits quantiques sont relles et engendrentune multiplicit foisonnante de ralits classiques parallles.

    De telles interprtations philosophiques, fort loignes du sens commun, sont bel et bienrationnelles car conformes la mcanique quantique, la science ! Mais linterprtation

    philosophique de la mcanique quantique est aussi un sujet favori pour ceux quiprofessent des conceptions irrationnelles de la ralit, quils soient gourous du Nouvel-ge, philosophes ou mme physiciens et journalistes scientifiques. La mcaniquequantique est alors invoque comme fondement, justification ou preuve scientifique detelles conceptions. Il existe trois interprtations irrationnelles principales, toutes desdtournements de linterprtation de Copenhague. Selon linterprtation que nousqualifierons de paradoxaliste, un phnomne quantique serait la synthse de propritscontradictoires. Selon une premire variante de linterprtation subjectiviste, lesphnomnes quantiques ne seraient, en dernire analyse, rien dautre que lamatrialisation des choix de lexprimentateur, qui a conu lexprience, la met enmarche et prend conscience des rsultats indiqus par les instruments. Selon une

    deuxime variante de linterprtation subjectiviste et selon linterprtation de linfluencede la conscience, qui vont plus loin encore, la ralit matrielle, que ce soit uniquement lchelle quantique ou globalement, ne se suffirait pas elle-mme : ce serait uniquementles actes de perception effectus par des tres dots de conscience qui donneraient ralitaux phnomnes matriels et dtermineraient les proprits quils acquirent. Il existeraitun lien profond et ncessaire entre la conscience et la ralit. Selon les deux variantessubjectivistes et linterprtation de linfluence de la conscience, la mcanique quantiquemarquerait le retour de lhumain au centre de lUnivers, non pas au centre astronomiquecette fois-ci, mais philosophique.

    Pour comprendre le sujet fascinant et complexe quest la mcanique quantique, il estimpratif de distinguer la science et la philosophie. Ce texte se divise en deux parties. Lapremire constitue une prsentation vulgarise de la thorie quantique ; plusieursquestions fondamentales y seront poses mais demeureront sans rponse scientifique. Laseconde partie est un expos des principales interprtations philosophiques, lessenses (!) et les extravagantes, qui proposent diffrentes rponses philosophiques auxquestions fondamentales laisses en suspens par la science, ainsi que des dbats qui lesopposent.

    Ce texte ne requiert aucune connaissance pralable en physique, en mathmatiques ni enphilosophie. Il fait suite une srie de deux confrences que lauteur a donnes devant lesSceptiques du Qubec, le 13 fvrier 2007 et le 13 septembre 2007.

    Un compte-rendu de la confrence du 13 fvrier 2007 est disponible ladresse suivante :

    http://www.sceptiques.qc.ca/assets/docs/Charest_Fortier.pdf

    Vous trouverez un extrait vido de la premire confrence ladresse suivante :

    http://www.youtube.com/watch?v=fowEH-EZFlI

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    Vous trouverez, filme en entier, la seconde confrence aux adresses suivantes :

    http://video.google.com/videoplay?docid=9154514598059225663(divise en trois parties) ;

    http://www.youtube.com/profile?gl=IE&hl=en-GB&user=Sceptiques&view=videos(divise en douze parties).

    Merci Louis Dub pour avoir prpar un premier compte-rendu de la confrence du 13septembre 2007 et pour avoir effectu une rvision linguistique du prsent texte.

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    Premire partieLa science

    Chapitre 1Ralit, thorie et donnes

    Il est impratif de faire la distinction entre ce que la ralit est et fait et ce que leshumains connaissent de la ralit . La science met en relation trois choses : (1) la ralit,(2) la thorie et (3) les donnes, soit les rsultats de mesures, dobservations etdexpriences.

    1.1 La ralit

    Les lments de la ralit tudis par la physique sont les objets, leurs proprits et leurvolution dans le temps. ce jour, la physique est divise en deux grandes branches.Dune part, il y a la physique classique, qui traite des corps et des systmes classiques.On peut dfinir les corps, de manire approximative, comme tant les objetsmacroscopiques, cest--dire composs dun trs grand nombre de particules, tels lesgrains de poussire, les voitures, les oiseaux, les plantes, les amas de galaxies, etc. Unsystme classique est un ensemble de corps en interaction, par exemple le systmesolaire. Dautre part, il y a la physique quantique, qui traite des particules et des systmesquantiques. Les particules sont des objets microscopiques, tels les lectrons, les quarks,les protons, les neutrons, les noyaux atomiques, les atomes, les molcules, les photons

    (particules de lumire), etc. Un systme quantique est un ensemble de particules eninteraction (les atomes et les molcules sont aussi des systmes quantiques), avec laparticipation possible de corps (par exemple un instrument de mesure).

    Dans ce texte, nous considrons quatre catgories de proprits. (1) Les grandeursconstantes, qui sont invariables en tout temps et en toutes circonstances. Dans le cas desparticules quantiques, ce sont notamment leur masse et leur charge lectrique. (2) Lesgrandeurs dynamiques externes, qui peuvent varier dans le temps et selon lescirconstances et qui se rapportent la situation dun objet dans lespace-temps. Il existedeux grandeurs dynamiques externes fondamentales, la position et la vitesse, qui,ensemble, spcifient la situation dun objet dans lespace-temps. Limmobilit est

    considre en physique comme un type particulier de mouvement. (Notons quen ralit,les deux grandeurs dynamiques externes fondamentales sont la position et limpulsion. des fins de vulgarisation, nous remplaons limpulsion par la vitesse dans ce texte.)Toutes les autres grandeurs dynamiques externes, comme lnergie et le momentcintique (cette dernire grandeur dynamique est associe aux mouvements de rotation etde rvolution), dpendent des deux grandeurs dynamiques externes fondamentales. (3) Lagrandeur dynamique interne de spin, exclusive aux particules quantiques, qui peut varierdans le temps et selon les circonstances et qui est une proprit interne aux particules, ne

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    se rapportant pas leur situation dans lespace-temps. (4) Laspect sous lequel un objet semanifeste dans lespace-temps, celui dune onde ou dun corps.

    1.2 La thorie

    Une thorie est un modle, une reprsentation mentale, dune partie de la ralit. Unethorie vise dcrire un ensemble de faits interdpendants, les expliquer par des causeset les prdire. Une thorie physique scrit en langage mathmatique.

    Les grandeurs constantes (comme la masse et la charge lectrique) sont reprsentes de lamme manire en physique classique et quantique : par des valeurs numriques uniqueset invariables (par exemple : 4 kg pour la masse).

    Par contre, les grandeurs dynamiques sont reprsentes de manires trs diffrentes enphysique classique et quantique. La physique classique les reprsente par des valeursnumriques uniques qui peuvent changer dans le temps et selon les circonstances. De son

    ct, la physique quantique reprsente chaque grandeur dynamique, interne commeexterne, par deux ensembles de valeurs numriques interdpendants, un ensemble de valeurs propres (elles sont lquivalent quantique de la valeur numrique uniqueclassique) et un ensemble damplitudes (elles permettent de calculer des probabilits). chaque valeur propre individuelle est associe une amplitude spcifique. Lesensembles de valeurs propres et damplitudes peuvent changer dans le temps et selon lescirconstances. Ainsi, alors quen physique classique, une grandeur dynamique estreprsente, chaque instant qui passe, par une valeur numrique certaine, en physiquequantique, une grandeur dynamique est en quelque sorte reprsente, chaque instant quipasse, par un ensemble de valeurs numriques possibles et par les probabilits de chacunedtre celle qui correspond la ralit.

    Si une voiture tait un objet quantique, nous dirions que 10 secondes aprs sondpart, sa position pourrait prendre nimporte quelle valeur entre 70 et 130 m lest du point de dpart et sa vitesse nimporte quelle valeur entre 66 et 74 km/hvers lest. Pour la position, la valeur 100 m pourrait avoir une probabilit de60 % ; les valeurs 70 et 130 m de 0,1 % chacune ; les valeurs intermdiaires desprobabilits intermdiaires. Dans le cas de la vitesse, la valeur 70 km/h pourraitavoir une probabilit de 40 % ; les valeurs 66 et 74 km/h de 10 % chacune ; lesvaleurs intermdiaires des probabilits intermdiaires.

    En physique classique, les grandeurs dynamiques ne reprsentent pas les corps dans leurglobalit, mais seulement des points matriels (des objets de grosseur nulle), leurs centresde masse. En physique quantique, par analogie avec la physique classique, les grandeursdynamiques sont implicitement mises en correspondance avec des points matriels. Ilpeut sagir des centres de masse des particules, si celles-ci sont conues comme desobjets tendus dans lespace, ou des particules dans leur globalit, si elles sontconsidres tre rellement des objets ponctuels. La nature vritable des particules ntantpas encore lucide, on rencontre ces deux points de vue en physique quantique.

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    Toutes les particules, de matire et de lumire, obissent au principe de la dualit onde-corpuscule : une mme particule peut se manifester dans lespace-temps tantt souslaspect dune onde et tantt sous celui dun corpuscule, selon les conditionsenvironnementales. Alors quil est frquent demployer les termes particule et corpuscule comme synonymes, dans ce texte, des fins de clart, nous emploierons le

    terme particule uniquement pour dsigner les plus petits objets de la ralit et le terme corpuscule uniquement pour dsigner laspect de petit corps , de petite billesolide , sous lequel une particule peut se manifester dans lespace-temps.

    1.3 Les donnes

    Les mesures, observations et expriences sont au cur de la dmarche scientifique : ellesconstituent, pour les humains, la source de donnes sur le rel. Ces donnes sont obtenuespar lentremise de dispositifs exprimentaux et dinstruments porteurs de margesdincertitude (ou marges derreur) ; plus lquipement employ est prcis et plus lesmarges dincertitude sont petites.

    Par exemple, en mcanique quantique, un instrument conu pour mesurer laposition dune particule peut tre un cran sur lequel on projette celle-ci ; lcranest conu pour quune tache apparaisse sur le lieu de limpact. Le lieu dapparitionde la tache donne ainsi la position de la particule au moment de son interactionavec lcran. La grosseur de la tache correspond la marge dincertitude delinstrument: le point exact de limpact peut se situer nimporte o lintrieur dela tache. Plus linstrument est prcis, plus la tache dimpact est petite et plus laconnaissance de la position de la particule au moment de limpact est prcise.

    On peut aussi employer un instrument muni dune aiguille mobile sur un cadran,par exemple pour mesurer la vitesse dune particule. Un tel instrument est conupour que son interaction avec une particule produise un changement delorientation de laiguille sur le cadran. Lorientation finale de laigui lle sur lecadran (la valeur numrique finale quelle indique) donne ici la vitesse de laparticule au moment de son interaction avec linstrument. Dans ce cas, la margedincertitude de linstrument est spcifie par son fabricant et indique avec quelleprcision lorientation finale de laiguille sur le cadran reprsente la vitesse de laparticule au moment de la mesure.

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    Chapitre 2Ltat dun objet

    2.1 Ondes de de Broglie et paquets d'ondes

    (A) Les ondes de de Broglie

    En 1924, Louis de Broglie fait lhypothse dassocier chaque particule de matire uneonde devant reprsenter son mouvement : la direction de propagation de londecorrespond la direction du mouvement de la particule et la longueur donde linversede la vitesse de la particule. Dans ce texte, nous dsignerons une telle onde parlexpression onde de de Broglie .

    LA

    A

    Une onde simple, comme celle qui est illustre ici, est un cycle constitu dune crte etdun creux qui se rpte linfini, toujours pareil lui-mme. Une onde possde deuxcaractristiques principales : sa longueur donde L, dans la direction horizontale, qui

    donne la longueur dun cycle, soit la longueur dune crte et dun creux, et son amplitudeA, dans la direction verticale, qui donne la hauteur des crtes et la profondeur des creux,identiques. Notons que lamplitude ne dsigne pas la hauteur ou la profondeureffectivement atteinte un instant donn par une partie de londe en train dosciller, maisla hauteur maximale et la profondeur maximale que cette partie atteint. Dans le cas duneonde simple, lamplitude est uniforme: elle est la mme partout. La longueur donde etlamplitude sont deux paramtres indpendants lun de lautre :pour une longueur dondedonne, une ondepeut avoir nimporte quelle amplitude, et rciproquement.

    Une quation nomme la relation de de Broglie nonce que la longueur donde estinversement proportionnelle la vitesse de la particule matrielle laquelle londe est

    associe. Limmobilit dune particule, soit une vitesse nulle, est reprsente par unelongueur donde infinie. La vitesse limite pour une particule matrielle, soit la vitesse dela lumire dans le vide (300 000 km/s ou 1 milliard km/h), est reprsente par unelongueur donde nulle.

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    (B) Spectre de de Broglie et paquet dondes

    Lhypothse de de Broglie pose un problme. Si une particule est reprsente par uneonde simple, sa position devrait tre celle de cette onde simple. Or, une onde simplestend sur une longueur infinie ! Est-ce dire quune particule remplit tout lUnivers ?

    Bien entendu, un tel modle ne serait pas dsirable. Heureusement, il est possible, grce,non pas une, mais plusieurs ondes simples, de construire un objet mathmatiquelocalis dans lespace. Un tel objet mathmatique sera adquat pour reprsenter lasituation dune particule dans lespace-temps, soit la fois sa position (reprsente par laposition de lobjet mathmatique) et sa vitesse (reprsente par linverse de la longueurdonde de lobjet mathmatique).

    Si lon superpose (additionne) plusieurs ondes simples de diffrentes longueurs dondeset amplitudes, on obtient une onde rsultante unique dont lamplitude est nulle partoutsauf en une rgion localise, que lon nomme paquet dondes . Nous avons construitun paquet en superposant des ondes.

    onde 1 (Lmax , vmin)

    onde 2 (Lint , vint)

    onde 3 (Lmin , vmax)

    superpositiondondes de

    de Broglie :

    onde rsultante :

    paquet dondes

    +

    +

    Sur cette figure, nous avons additionn trois ondes de de Broglie : londe 1 a la plusgrande longueur donde (Lmax) et correspond la plus petite vitesse (vmin) ; londe 2 a unelongueur donde intermdiaire (Lint) et correspond une vitesse intermdiaire (vint) ;londe 3 a la plus courte longueur donde (Lmin) et correspond la plus grande vitesse(vmax). Notons que, sur cette figure, les diffrences entre les trois longueurs donde sont

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    petites. Notons aussi que londe 2 a une amplitude deux fois plus grande que lesamplitudes des ondes 1 et 3, qui sont gales. Sur la figure, nous avons dispos ces troisondes de de Broglie les unes au-dessus des autres afin de bien les distinguer. En ralit,elles se superposent (sadditionnent) : elles se chevauchent, perdent leur individualit etfusionnent en une onde rsultante unique.

    Lorsque des ondes se superposent, deux phnomnes se produisent. Dune part,lorsquune crte dune onde et un creux dune autre onde se rencontrent, ils tendent sannuler: ce phnomne se nomme interfrence destructive. Dautre part, lorsque deuxcrtes ou deux creux de deux ondes diffrentes se rencontrent, ils se renforcent : cephnomne se nomme interfrence constructive. Dans londe rsultante unique illustreici, il y a interfrence destructive partout sauf en une rgion localise o il y ainterfrence constructive et que lon nomme paquet dondes.

    Avec le concept de paquet dondes, la physique quantique peut reprsenter les particulesmatrielles par un objet mathmatique qui, la fois, possde des proprits ondulatoires

    et occupe une rgion dlimite de lespace. Dans ce texte, nous nommerons spectre dede Broglie lensemble des ondes de de Broglie que lon associe simultanment unemme particule matrielle afin de construire le paquet dondes. Cinq remarquesimportantes simposent ici.

    Premire remarque. Notre figure illustre une situation simplifie, une seule dimensiondespace. Seul laxe horizontal de la figure reprsente une dimension de lespace, ladirection avant-arrire du mouvement de la particule. Laxe vertical de la figure nereprsente pas la direction haut-bas ou droite-gauche de lespace, mais sertseulement illustrer les amplitudes des ondes. Le mouvement rel de la particule estreprsent par le mouvement du paquet dondes le long de son axe horizontal, soit verslavant, soit vers larrire, ainsi que par les dformations et changements de grosseur quilpeut subir en se dplaant. Bien entendu, la description thorique vritable duneparticule doit se faire dans les trois dimensions de lespace. On obtient une telledescription en combinant mathmatiquement trois descriptions une dimension.

    Deuxime remarque.Le paquet dondes est lobjet thorique qui incarne lensemble desvaleurs propres et damplitudes attribues la grandeur dynamique position. Dans notreexemple simplifi, une dimension despace, lensemble des valeurs propres de positionest reprsent par lensemble des points despace que couvre le paquet dondes et quisont disposs le long de laxe horizontal de la figure. Les amplitudes, associes auxdiffrentes valeurs propres de position et qui permettent de calculer des probabilits,correspondent littralement aux amplitudes distribues dans le paquet dondes et qui sontillustres selon laxe vertical de la figure. Lamplitude correspond toujours la hauteurmaximale et la profondeur maximale que peut atteindre une partie dune onde en traindosciller et non la hauteur ou la profondeur effectivement atteinte un instant donn.

    Le spectre de de Broglie est lobjet thorique qui incarne lensemble des valeurs propreset damplitudes attribues la grandeur dynamique vitesse. Dans notre exemple simplifi,lensemble des valeurs propres de vitesse (ici au nombre de trois) est reprsent par

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    lensemble des longueurs donde prsentes dans le spectre de de Broglie (en vertu de larelation de de Broglie), qui sont illustres selon laxe horizontal de la figure. Le signe,positif ou ngatif, dune valeur propre de vitesse donne la direction de propagation, verslavant ou vers larrire, de londe de de Broglie correspondante. Les amplitudes,associes aux diffrentes valeurs propres de vitesse, correspondent littralement aux

    amplitudes des diffrentes ondes de de Broglie, qui sont illustres selon laxe vertical dela figure.

    Troisime remarque.Dans la thorie quantique, nous nadditionnons pas, en ralit, unnombre limit dondes de de Broglie pour construire le paquet dondes, comme nousvenons de le faire ici, mais un nombre infini. Un vritable spectre de de Broglie contienttoutes les ondes de de Broglie possibles, ayant toutes les longueurs donde possibles, denulle infinie (reprsentant toutes les vitesses possibles, de limmobilit jusqu lavitesse de la lumire dans le vide), et se propageant dans toutes les directions possibles delespace (dans une situation une dimension: vers lavant et vers larrire). Lesamplitudes varient dune onde de de Broglie lautre. Le paquet dondes alors obtenu na

    pas une grosseur bien dtermine, comme dans notre exemple simplifi, mais est lui-mme infini : il couvre tous les points despace de lUnivers ! Les amplitudes varientdun point despace lautre. (Londe rsultante obtenue par laddition des trois ondes dede Broglie de notre exemple simplifi ne contient pas, en toute rigueur, un paquetdondes unique dont la grosseur est bien dtermine,comme nous lavons illustr ci-haut,mais une rptition cyclique infinie de ce paquet d'ondes.)

    Quatrime remarque. Dans un vrai spectre de de Broglie (infini), la quasi-totalit desondes ont des amplitudes extrmement petites, ngligeables. Seul un certain continuumdondes ont des amplitudes significatives. Nommons ce continuum partie effective duspectre de de Broglie : cest cette partie effective que les trois ondes de notre exemplesimplifi symbolisent. De mme, dans le cas dun vrai paquet dondes (infini), lesamplitudes sont ngligeables presque partout, sauf lintrieur dune certaine rgion quenous nommerons le volume effectif du paquet dondes. Cest ce volume effectif quele paquet dondes de notre exemple simplifi symbolise.

    Cinquime remarque. En mcanique quantique, pour toute grandeur dynamique, laprobabilit attribue une valeur propre individuelle se calcule en prenant le carr delamplitude qui lui est associe. Dans notre spectre de de Broglie simplifi, reprsentan tla grandeur dynamique vitesse, les ondes 1 et 3 ont la mme amplitude : les valeurspropres vmin et vmax ont la mme probabilit. Londe 2 a une amplitude deux fois plusgrande : la valeur propre vint a une probabilit quatre fois plus grande. La mme rgle decalcul sapplique la grandeur dynamique position : la probabilit attribue une valeurpropre individuelle de position se calcule en prenant le carr de lamplitude qui lui estassocie dans le paquet dondes.

    Si la voiture donne en exemple au chapitre 1, dont le mouvement seffectue selonune seule dimension de lespace, la direction avant-arrire, tait un objetquantique, les trois ondes de notre spectre de de Broglie simplifi reprsenteraientrespectivement les valeurs propres de vitesse de 66 km/h vers lest (onde 1 ;

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    probabilit de 10 %), 70 km/h vers lest (onde 2 ; probabilit de 40 %) et 74 km/hvers lest (onde 3 ; probabilit de 10 %). Les ondes de de Broglie intermdiaires,non illustres dans notre figure, reprsenteraient les valeurs propres de vitesseintermdiaires et compteraient pour la balance des probabilits, dont le total esttoujours gal 100 %.

    Notre paquet dondes simplifi stendrait alors de la position 70 m (probabilitde 0,1 %) jusqu la position 130 m (probabilit de 0,1 %) lest du point dedpart, avec une position centrale de 100 m (probabilit de 60 %). Les positionsintermdiaires compteraient pour la balance des probabilits. (Le lecteur ne doitpas tenir compte des valeurs numriques indiques sur la figure car elles ne serapportent pas lexemple de la voiture.)

    (C) La transformation de Fourier

    Le paquet dondes est londe unique qui rsulte de la superposition de lensemble des

    ondes du spectre de de Broglie. Le spectre de de Broglie implique le paquet dondes quilengendre ; linverse, le paquet dondes implique le spectre de de Broglie qui laengendr. En mcanique quantique, les ensembles de valeurs propres et damplitudes desdeux grandeurs dynamiques fondamentales, la position et la vitesse, sont interdpendants,coupls. Ainsi, pour dcrire la situation dune particule dans lespace-temps, spcifie parles deux grandeurs dynamiques fondamentales, la thorie quantique a recours seulementau paquet dondes ou au spectre de de Broglie, pas aux deux simultanment.

    Lquation qui sert calculer les amplitudes associes aux valeurs propres de position senomme la fonction donde . Dans ce texte, nous nommerons fonction de vitesse et fonction de spin les quations qui donnent les amplitudes associes aux valeurspropres, respectivement, de vitesse et de spin. La fonction donde est lquation quidcrit, en langage mathmatique, lobjet quest le paquet dondes et la fonction de vitesselquation qui dcrit lobjet quest le spectre de de Broglie.

    La fonction donde et la fonction de vitesse sont chacune porteuse de la mmeinformation, au sujet la fois de la position et de la vitesse de la particule, dcrite de deuxmanires diffrentes. La connaissance de lune de ces deux fonctions impliqueautomatiquement la connaissance de lautre. Ces deux fonctions se calculent lune partirde lautre par une opration mathmatique nomme la transformation de Fourier.

    (D) La relation de Heisenberg

    La transformation de Fourier possde une certaine proprit mathmatique : lorsque deuxfonctions sont relies lune lautre par cette opration, les largeurs des objetsmathmatiques quelles dcrivent sont interdpendantes. En mcanique quantique, leslargeurs effectives du paquet dondes et du spectre de de Broglie sont ainsi couples :cette proprit de la transformation de Fourier se nomme alors la relation de Heisenberg.

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    Dans notre exemple simplifi, une dimension despace, la longueur effective du paquetdondes est x = xmaxxmin (le symbole est la lettre grecque delta majuscule), o xmaxest la valeur propre de position correspondant au point despace situ lavant du volumeeffectif du paquet dondes et xminau point despace situ larrire. La largeur effectivedu spectre de de Broglie est v = vmaxvmin.

    Si nous reprenons lexemple de la voiture traite comme un objet quantique, nousobtenons x = 130 70 = 60 m et v = 74 66 = 8 km/h.

    onde 1 (Lmax , vmin)

    onde 2 (Lint , vint)

    onde 3 (Lmin , vmax)

    superpositiondondes de

    de Broglie :

    onde rsultante :

    paquet dondes

    ++

    xmaxxmin

    x =xmax xmin

    v =vmax vminLargeur de la

    partie effectivedu spectre de

    de Broglie

    Longueur duvolume effectif

    du paquetdondes

    Pour une dimension donne de lespace (comme la direction avant-arrire du mouvementdune particule), la relation de Heisenberg nonce que le produit des largeurs effectivesdu paquet dondes et du spectre de de Broglie doit en tout temps tre gal ou suprieur une valeur minimale :

    valeur minimale

    La relation de Heisenberg signifie que les largeurs effectives du paquet dondes (x) etdu spectre de de Broglie (v) peuvent tre simultanment arbitrairement grandes mais

    non simultanment arbitrairement petites. Lorsque la valeur minimale fixe par la relationde Heisenberg est atteinte, faire diminuer lune de ces deux largeurs effectives impliqueautomatiquement laugmentation de lautre. Dans ce cas, plus la partie effective duspectre de de Broglie est troite et plus la partie effective du paquet dondes est longue(comme dans la figure de gauche suivante) ; linverse, plus la partie effective du paquetdondes est courte et plus la partie effective du spectre de de Broglie est large (commedans la figure de droite suivante : londe 1 y est plus longue et londe 3 plus courte quedans la figure de gauche ; nous avons augment la distance verticale entre les ondes afin

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    dillustrer symboliquement laugmentation de la largeur effective du spectre de deBroglie).

    Petit v :spectre de de

    Broglie troit

    Grand x :paquet

    dondes long

    Petit x :paquet

    dondes court

    Grand v :spectre dede Broglie

    large

    2.2 La description thorique de ltat dun corps

    Le terme tat dsigne la situation dun objet dans la ralit. Ltat dun corpscorrespond sa situation dans lespace-temps et est spcifi par les deux grandeursdynamiques externes fondamentales, la position et la vitesse. Rappelons quen physiqueclassique, les grandeurs dynamiques ne reprsentent pas un corps dans sa globalit, maisseulement un point matriel (un objet de grosseur nulle), son centre de masse.

    Dans une situation simplifie une dimension, o un objet se dplace uniquement selonla direction avant-arrire, la description thorique de ltat dun corps, pour chaqueinstant qui passe, consiste en la combinaison de deux valeurs numriques, cellesattribues sa position et sa vitesse cet instant (la valeur numrique de vitesse porte

    un signe, positif ou ngatif, qui indique la direction du mouvement).2.3 La description thorique de ltat dune particule

    Ltat dune particule est la combinaison de sa situation dans lespace-temps et de saproprit interne de spin. Il est spcifi par trois grandeurs dynamiques, la position, lavitesse et le spin. Rappelons quen physique quantique, par analogie avec la physique

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    classique, les grandeurs dynamiques sont implicitement mises en correspondance avec unpoint matriel.

    Dans une situation simplifie une dimension, o un objet se dplace uniquement selonla direction avant-arrire, la description thorique de ltat dune particule, pour chaque

    instant qui passe, consiste en la combinaison de deux choses : (1) du paquet dondes (delensemble continu et infini des valeurs propres de position et de leurs amplitudes) ou, demanire quivalente, du spectre de de Broglie (de lensemble continu et infini des valeurspropres de vitesse et de leurs amplitudes ; chaque valeur propre de vitesse porte un signe,positif ou ngatif, qui indique la direction du mouvement), pour la situation de laparticule dans lespace-temps cet instant ; (2) de lensemble discontinu et fini desvaleurs propres de spin et de leurs amplitudes cet instant.

    Les deux grandeurs dynamiques fondamentales sont dites continues : la thorie leuroctroie des continuums de valeurs propres. La grandeur dynamique de spin est dite discrte : la thorie lui octroie un ensemble de seulement quelques valeurs propres

    discontinues. Dans le cas dun lectron, dun proton et dun neutron, il nexiste que deuxvaleurs propres de spin, h/4et h/4, o h est la constante de Planck, une constantephysique fondamentale en mcanique quantique, et = 3,1416

    Revenons lexemple de la voiture du chapitre 1. Si on la traite comme un objetquantique, son tat, linstant 10 secondes aprs son dpart, est spcifi par lacombinaison : (1) soit de toutes les positions possibles entre 70 et 130 m lest dupoint de dpart, avec leurs amplitudes, ou, de manire quivalente, de toutes lesvitesses possibles entre 66 et 74 km/h vers lest, avec leurs amplitudes(linformation sur la position contenant implicitement linformation sur la vitesseet rciproquement) ; (2) des spins h/4 et h/4 et de leurs amplitudes (nous

    avons ici attribu notre voiture quantique les mmes valeurs propres de spinsqu un lectron, un proton et un neutron ; en ralit, un corps ne possde pas deproprit interne de spin).

    Pour le dire autrement, la description thorique de ltat dune particule, pour chaqueinstant qui passe, consiste en la combinaison de deux choses : (1) de la fonction dondeou, de manire quivalente, de la fonction de vitesse, pour sa situation dans lespace-temps cet instant ; (2) de la fonction de spin cet instant.

    Il existe une approche mathmatique alternative quivalente pour dcrire ltatdune particule: la place des fonctions donde, de vitesse et de spin de

    Schrdinger, on peut recourir aux vecteurs dtat de Dirac.2.4 Superposition dtats ou tat superpos

    Ltat dun corps est en tout temps unique : chaque instant qui passe, son centre demasse se situe en un point unique de lespace et suit un mouvement unique, en vitesse eten direction.

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    Par contre, ltat dune particule, daprs sa description quantique, serait en tout tempsmultiple. chaque instant qui passe, une particule, assimile un objet ponctuel,occuperait simultanment une multiplicit continue de points despace, suivraitsimultanment une multiplicit continue de mouvements, cest--dire quelle sedplacerait simultanment selon une multiplicit continue de vitesses et dans une

    multiplicit continue de directions, et possderait simultanment une multiplicitdiscontinue de spins. Ltat dune particule est qualifi de superposition dtats ou dtat superpos .

    Les tats uniques des corps sont qualifis dtats classiques et les tats multiples(superposs) des particules dtats quantiques .

    2.5 tats propres des grandeurs dynamiques

    Il existe certaines situations dans lesquelles la thorie quantique peut, linstar de lathorie classique, confrer une valeur numrique unique une grandeur dynamique, par

    exemple immdiatement aprs sa mesure. Dans ce cas, toutes les amplitudes de lagrandeur dynamique concerne tombent zro, sauf une seule (qui donnera uneprobabilit de 100 %). La valeur numrique unique attribue la grandeur dynamique estla valeur propre associe cette amplitude non nulle. Ltat superpos de la particule(assimile un objet ponctuel) est alors qualifi dtat propre de la grandeur dynamiqueen question (il correspond une valeur propre unique de celle-ci) : il est unique seloncette grandeur dynamique mais demeure multiple selon les autres grandeurs dynamiques(qui sont toujours reprsentes par des ensembles de valeurs propres et damplitudes).

    Un tat propre de position consiste en un point despace unique quoccupe la particule(assimile un objet ponctuel), accompagn dune multiplicit continue de vitesses etdune multiplicit discontinue de spins. Un tat propre de vitesse consiste en unmouvement unique (en vitesse et en direction) que suit la particule, accompagn dunemultiplicit continue de positions et dune multiplicit discontinue de spins. Un tatpropre de spin consiste en un spin unique que possde la particule, accompagn dunemultiplicit continue de positions et dune multiplicit continue de vitesses.

    Il existe des situations dans lesquelles la thorie quantique peut attribuer des valeursnumriques uniques plusieurs grandeurs dynamiques simultanment, par exempleimmdiatement aprs la mesure simultane de celles-ci. Ltat superpos de la particule(assimile un objet ponctuel) est alors qualifi dtat propre commun ces grandeursdynamiques : il est unique selon celles-ci mais demeure multiple selon les autresgrandeurs dynamiques.

    Ici se prsente une caractristique bien particulire de la mcanique quantique : en vertude la relation de Heisenberg, la thorie quantique interdit lexistence dtats proprescommuns aux deux grandeurs dynamiques fondamentales, la position et la vitesse, quiensemble spcifient la situation dune particule dans lespace-temps. En effet, selon larelation de Heisenberg, le produit x v doit tre en tout temps gal ou suprieur unevaleur minimale. La relation de Heisenberg interdit que des valeurs numriques uniques

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    soient octroyes simultanment aux deux grandeurs dynamiques fondamentales (si teltait le cas, on aurait x = 0 et v = 0). Ainsi, selon la thorie quantique, une particule(assimile un objet ponctuel) ne peut pas, simultanment, occuper un point despaceunique et suivre un mouvement unique (en vitesse et en direction).

    Par extension, la thorie quantique interdit lexistence dtats propres communs laposition, la vitesse et au spin. Ltat dune particule demeure intrinsquement multipleen tout temps selon au moins lune des trois grandeurs dynamiques qui le spcifient (plusprcisment, selon au moins la position ou la vitesse).

    Un tat propre est considr comme un tat classique selon la ou les grandeursdynamiques concernes.

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    Chapitre 3Le problme de la mesureen mcanique quantique

    En physique classique, chaque grandeur dynamique se fait octroyer une valeur numriqueunique pour chaque instant qui passe. La mesure dune grandeur dynamique un instantdonn donne toujours, avec certitude, la valeur numrique unique prdite par la thoriepour cet instant, lintrieur de la marge dincertitude de linstrument. Si lon rinitialiseune exprience et rpte la mme mesure dans les mmes conditions, on obtient chaquefois le mme rsultat, lintrieur de la marge dincertitude de linstrument. La thorieclassique fait des prdictions de nature dterministe.

    En physique quantique, la situation est radicalement diffrente. Dune part, la thorieattribue habituellement chaque grandeur dynamique un ensemble de valeurs propres et

    damplitudes pour chaque instant qui passe. Dautre part, la mesure dune grandeurdynamique un instant donn donne toujours une valeur numrique unique et celle-ci esttoujours gale lune des valeurs propres prdites par la thorie pour cet instant, lintrieur de la marge dincertitude de linstrument. Mais, si lon rinitialise uneexprience et rpte la mme mesure dans les mmes conditions, on obtient chaque foisun rsultat diffrent, au hasard ! La thorie quantique fera des prdictions de naturealatoire.

    En mcanique quantique, nous faisons ainsi face au problme de la mesure : commentexpliquer que, dune part, la thorie quantique attribue une particule non observe untat multiple (superpos) mais que, dautre part, toute observation montre une particuledans un tat unique (plus prcisment, dans un tat propre commun aux grandeursdynamiques mesures), obtenu au hasard et lintrieur des marges dincertitude desinstruments ? Pour le dire autrement : comment un tat quantique (multiple) est-iltransform, au hasard par lacte dobservation, en un tat classique (unique) selon lesgrandeurs dynamiques mesures ? Comment un rsultat unique merge-t-il au hasarddune multiplicit de possibilits, lintrieur de la marge dincertitude de linstrument ?

    En 2009, la thorie quantique compte trois lments de solution au problme de lamesure : (1) la rgle de probabilits (1926), (2) le postulat de rduction (1932) et (3) lathorie de la dcohrence (formule initialement en 1952 ; en dveloppement depuis1981 et toujours objet de recherche). Les deux premiers lments de solution se limitent dcrire leffet de lacte dobservation sur ltat dune particule, sans lexpliquer. Lathorie de la dcohrence, dans son tat actuel, apporte une explication partielle. Nousprsentons dans ce chapitre les deux premiers lments de solution ; la thorie de ladcohrence sera prsente la section 5.3.

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    3.1 Premier lment de solution : la rgle de probabilit

    En 1926, Max Born dcouvre que, dans une srie dun trs grand nombre de mesuresidentiques, les proportions dans lesquelles les diffrentes valeurs propres prdites par lathorie son obtenues comme rsultat de mesure, lintrieur de la marge dincertitude de

    linstrument, sont gales au carr des amplitudes associes. Les valeurs propres dont lesamplitudes sont deux fois plus grandes sont obtenues quatre fois plus souvent et ainsi desuite. Born nonce la rgle de probabilit : pour une mesure individuelle, la probabilitdobtenir comme rsultat une valeur propre donne est gale au carr de son amplitude.Les amplitudes de la thorie quantique sont nommes amplitudes de probabilit .

    Les probabilits calcules pour les valeurs propres de position sont nommes probabilits de prsence . Le paquet dondes lui-mme est qualifi donde deprobabilit , de nuage de probabilit ou encore de fluide de probabilit .

    3.2 Deuxime lment de solution : le postulat de rduction

    Les rsultats de mesures, dobservations et dexpriences, indiqus par les instruments,constituent de linformation sur la ralit. Ainsi, immdiatement aprs un acte de mesure,ltat dune particule doit correspondre aux rsultats obtenus : la particule doit alors setrouver dans un tat propre commun aux grandeurs dynamiques mesures (il est uniqueselon les grandeurs dynamiques mesures et multiple selon celles qui nont pas tmesures). Cet tat est diffrent de celui que la thorie attribuait la particuleimmdiatement avant la mesure, qui tait multiple selon toutes les grandeurs dynamiques.

    En 1932, John von Neumann postule que lacte de la mesure perturbe la particule etmodifie son tat : cet acte provoque la rduction de ltat de la particule selon lesgrandeurs dynamiques mesures. Ltat rduit final est un fragment de ltat superposinitial, prlev au hasard par lensemble des instruments qui ont agi simultanment sur laparticule. Le postulat de rduction est purement descriptif : von Neumann ne proposeaucun mcanisme qui explique cette rduction. La description thorique de ltat duneparticule doit tre modifie la suite dun acte de mesure : elle doit incorporerlinformation acquise. Lorsque la grandeur dynamique position est mesure, on parle dela rduction du paquet dondes ou encore de leffondrement de la fonction donde .

    Lorsquune grandeur dynamique discrte, comme le spin, est mesure, toutes sesamplitudes deviennent nulles sauf une seule (qui donne alors une probabilit de 100%),celle qui est associe la valeur propre gale au rsulta t de la mesure, lintrieur de lamarge dincertitude de linstrument. Un tat rduit selon une grandeur dynamiquediscrte est un tat propre de celle-ci. Il sagit dun tat classique (unique) selon celle-ci.

    Lorsquune grandeur dynamique continue, comme la position ou la vitesse, est mesure,toutes ses amplitudes deviennent nulles sauf celles (qui donnent alors une probabilittotale de 100%) qui sont associes au sous-continuum des valeurs propres comprises lintrieur de la marge dincertitude de linstrument (cette description sapplique chacune des dimensions de lespace). Le centre de ce sous-continuum de valeurs propres

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    est occup par la valeur numrique affiche par linstrument ; la largeur de ce sous-continuum correspond la marge dincertitude de linstrument. Lexistence dune margedincertitude inhrente tout instrument a pour consquence quun tat rduit selon unegrandeur dynamique continue nest pas, en toute rigueur, un tat propre de celle-ci, maisun sous-continuum dtats propres de celle-ci dont ltendue correspond la marge

    dincertitude de linstrument. Il sagit dun tat approximativement classique(approximativement unique) selon cette grandeur dynamique. Plus linstrument employest prcis et plus ce sous-continuum dtats propres est troit: plus ltat rduit serapproche dtre classique (unique) selon cette grandeur dynamique.

    3.3 Le double rle de la relation de Heisenberg dans le problme de la mesure

    Dune part, applique au problme de la mesure, la relation de Heisenberg (x v valeur minimale) interdit la rduction simultane des ensembles de valeurs propres etdamplitudes de la position et de la vitesse au-del de la valeur minimale quelle spcifie.En pratique, cette valeur minimale est toujours atteinte lors dun acte de mesure ( moins

    de travailler avec des instruments peu prcis, dont le produit des marges dincertitude soitsuprieur cette valeur minimale, ce qui nest pas dsirable). En pratique, la relation deHeisenberg interdit la mesure simultane de la position et de la vitesse.

    Dautre part, la relation de Heisenberg implique que, lorsque la valeur minimale quellespcifie est atteinte, la mesure de lune des deux grandeurs dynamiques fondamentales,en plus de provoquer la rduction de lensemble de valeurs propres et damplitudes decelle-ci, entrane automatiquement llargissementde lensemble de valeurs propres etdamplitudes de lautre grandeur dynamique fondamentale, et ce, dautant plus quelinstrument utilis est prcis. La relation de Heisenberg implique ainsi que lacte de lamesure modifie bel et bien ltat de la particule. Mais attention ! Ce que la relation de

    Heisenberg implique, cest que la mesure de lune des deux grandeurs dynamiquesfondamentales modifie lautre : la mesure de lune invalide linformation qui aurait tacquise sur lautre par une mesure antrieure. La relation de Heisenberg ne dit cependantpas si la grandeur dynamique qui est elle-mme mesure est modifie ou non par lacte dela mesure. Elle ne dit pas si la rduction postule par von Neumann correspond ou non quelque chose de rel.

    Reprenons lexemple de la voiture quantique. Supposons que le policer effectuetrois mesures conscutives : (1) celle de la vitesse de la voiture ; (2) celle de saposition ; (3) de nouveau celle de sa vitesse. On suppose que les intervalles detemps qui sparent ces trois mesures sont si courts que lvolution de ltat de lavoiture (de sa position et de sa vitesse) entre ces mesures peut tre nglige.

    Initialement, lensemble de valeurs propres de la position de la voiture stend de70 130 m lest du point de dpart et celui de sa vitesse de 66 74 km/h verslest. Le policier mesure dabord la vitesse avec un radar, dont la margedincertitude est de 0,1 km/h. Le rsultat de la mesure sera nimporte quellevaleur comprise entre 66 et 74 km/h vers lest, obtenue au hasard et lintrieurde la marge dincertitude de linstrument. Supposons que le rsultat de la mesure

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    est 71,7 0,1 km/h vers lest. Immdiatement aprs la mesure, lensemble devaleurs propres attribu la grandeur dynamique vitesse est rduit au sous-continuum stendant de 71,6 71,8 km/h vers lest ; le centre de ce sous-continuum est occup par le rsultat de la mesure, 71,7 km/h vers lest. Toutes lesamplitudes de vitesse sont tombes zro sauf celles associes aux valeurs

    propres faisant partie de ce sous-continuum.

    Immdiatement aprs la mesure, ltat de la voiture quantique estapproximativement un tat propre de vitesse, correspondant la valeur propre71,7 km/h vers lest ; en toute rigueur, il est le sous-continuum dtats propres devitesse correspondant au sous-continuum de valeurs propres stendant de 71,6 71,8 km/h vers lest. La relation de Heisenberg implique que lensemble devaleurs propres de la position slargisse en consquence ; immdiatement aprsla mesure, celui-ci contiendra, disons, toutes les valeurs propres entre 40 et 240 m lest du point de dpart (on aura not que la valeur numrique situe au ce ntre delensemble de valeurs propres de la position a aussi t modifie par la mesure de

    la vitesse). Dans cet exemple, le produit

    x

    v est initialement gal 60 m 8km/h = 480 m km/h ; immdiatement aprs la mesure de la vitesse, il est gal 200 m 0,2 km/h = 40 m km/h. Dans cet exemple fictif, la valeur 40 m km/hest la valeur minimale fixe par la relation de Heisenberg.

    Immdiatement aprs avoir mesur la vitesse de la voiture, le policier mesure saposition avec un instrument dont la marge dincertitude est 1 m. Cette secondemesure provoquera la rduction de lensemble de valeurs propres de la position,qui stend immdiatement avant cette mesure de 40 240 m lest du point dedpart, au sous-continuum qui stend, disons, de 61 63 m lest du point dedpart (le rsultat de la mesure tant 62 1 m lest du point de dpart). Cette

    mesure entrane automatiquement, en vertu de la relation de Heisenberg,llargissement de lensemble de valeurs propres de la vitesse, qui stend raimmdiatement aprs cette seconde mesure, disons, de 55 75 km/h vers lest.Immdiatement aprs la seconde mesure, le produit x v est toujours gal lavaleur minimale fixe par la relation de Heisenberg : 2 m 20 km/h = 40 m km/h.

    Enfin, immdiatement aprs avoir mesur la position de la voiture, le policiermesure nouveau sa vitesse avec le mme radar. Le rsultat de cette nouvellemesure donnera nimporte quelle valeur entre 55 et 75 km/h vers lest, au hasard, lintrieur de la marge dincertitude de linstrument ; disons 59,2 0,1 km/h

    vers lest. Le rsultat obtenu diffre de celui de la premire mesure. La mesure dela position (la deuxime mesure) a invalid linformation acquise sur la vitesse parune mesure antrieure (la premire mesure) : cette information (71,7 0,1 km/hvers lest dans notre exemple) ne correspond plus la ralit.

    La relation de Heisenberg joue donc un double rle dans le problme de la mesure : elleimplique (a) limpossibilit de mesurer simultanment les deux grandeurs dynamiquesfondamentales et (b) le fait que la mesure de lune modifie lautre ( moins demployer

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    des instruments peu prcis dans les deux cas). La relation de Heisenberg fait ainsi desdeux grandeurs dynamiques fondamentales des entits incompatibles .

    Par ailleurs, aucune relation de type Heisenberg ne relie le spin la position ni lavitesse : lensemble de valeurs propres et damplitudes du spin peut tre rduit

    simultanment celui de la position ou de la vitesse, sans restriction. Le spin est compatible avec chacune des deux grandeurs dynamiques fondamentales : il peut tremesur simultanment lune ou lautre. Lorsque deux grandeurs dynamiques sontcompatibles, la mesure de lune ne modifie pas lautre: elle ninvalide pas linformationqui aurait t acquise sur lautre par une mesure antrieure, mais la complte.

    3.4 Leffet de lobservateur en mcanique quantique

    On emploie parfois lexpression effet de lobservateur en mcanique quantique pourdsigner, ensemble, (1) la rduction alatoire de ltat superpos dune particule selon lesgrandeurs dynamiques qui sont mesures simultanment et (2) le double rle jou par la

    relation de Heisenberg dans le problme de la mesure, soit (a) limpossibilit de mesurersimultanment les deux grandeurs dynamiques fondamentales et (b) le fait que la mesurede lune modifie lautre ( moins, dans les deux cas, demployer des instruments peuprcis).

    Notons quen physique, le terme observation ne dsigne pas automatiquement uneperception ralise dans la conscience dun exprimentateur, un phnomnepsychologique : il dsigne dabord et avant tout une interaction entre un objet et uninstrument, un phnomne physique. De mme, le terme observateur ne dsigne pasautomatiquement lexprimentateur, dot dune conscience: il dsigne dabord et avanttout linstrument, un objet inanim.

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    Chapitre 4Lvolution de ltat dun objet

    4.1 Un seul type d'volution en physique classique

    En physique classique, il ny a pas de problme de la mesure. Ltat (spcifi par laposition et la vitesse) dun corps suit en tout temps un seul et mme type dvolution,indpendamment que le corps soit observ ou non. Cette volution, dite unitaire ,prsente quatre caractristiques principales. (1) Elle est continue. (2) Elle seffectue surdes intervalles de temps (elle nest pas instantane). (3) Elle est dterministe. (4) Elle estrversible dans les situations simples mais irrversible dans les situations complexes.

    Le mouvement du centre de masse dun corps est une trajectoire, cest--dire une ligne,droite ou courbe, trace dans lespace en fonction du temps par la succession des pointsdespace uniques occups par ce centre de masse.

    En physique classique, lvolution unitaire dun corps est rgie par la deuxime loi deNewton, selon laquelle la force totale agissant sur un corps est gale au produit de samasse et de son acclration (Ftot = ma). Cette loi implique la premire loi de Newton ouloi de linertie : lorsque la force totale agissant sur un corps est nulle, celui-ci se dplaceen ligne droite et vitesse constante (il nacclre pas).

    4.2 Deux types d'volution en physique quantique

    Avec le problme de la mesure et sa solution (la rgle de probabilit et le postulat derduction), la thorie quantique se trouve octroyer lacte dobservation un statut

    spcial. En physique quantique, ltat (spcifipar la position, la vitesse et le spin) duneparticule suivra lun ou lautre de deux types dvolutionpossibles, selon que la particuleest observe ou non, selon quelle subit leffet de lobservateur ou non.

    (A) Particule non observe

    Tant quune particule nest pas observe, le problme de la mesure ne se pose pas. Ltatsuperpos (selon toutes les grandeurs dynamiques) dune particule non observe suit unevolution unitaire analogue celle de ltat unique dun corps et prsente les mmesquatre caractristiques principales. (1) Elle est continue. (2) Elle seffectue sur desintervalles de temps (elle nest pas instantane). (3) Elle est dterministe. (4) Elle est

    rversible dans les situations simples mais irrversible dans les situations complexes.

    Le mouvement dune particule, assimile un objet ponctuel, nest pas une trajectoiremais une propagation ondulatoire.

    On peut comparer la propagation ondulatoire dune particule londe circulaireque lon produit la surface dunlac lorsque lon y jette un caillou. Dans cetteanalogie, la particule, assimile un objet ponctuel, occuperait simultanment

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    tous les points despace couverts par londe (cette onde tant reprsente, dans lathorie, par le paquet dondes), et cela, chaque instant qui passe. Prcisons quecette analogie illustre une situation quantique simplifie deux dimensionsdespace, celles dans lesquelles stend la surface du lac. La direction haut-bas dans cette analogie ne reprsente pas une troisime dimension despace, mais sert

    seulement illustrer les amplitudes distribues dans le paquet dondes deuxdimensions.

    En physique quantique, lvolution unitaire dune particule non observe est rgie parlquation de Schrdinger (la rgle de probabilit de Born ne sapplique pas : il ny a pasde hasard). Cette quation implique la loi de linertie, transpose aux particules : lorsquela force totale qui agit sur une particule est nulle (on dit alors que la particule est libre), lepaquet dondes qui la reprsente se dplace en ligne droite et vitesse constante. De plus,dans ce cas, lquation de Schrdinger implique que le paquet dondes stale en sepropageant, linstar de toute onde qui stale naturellement en se propageant. Le rythmedtalement dun paquet dondes libre correspond la largeur effective v du spectre de

    de Broglie : plus

    v est grand et plus le paquet dondes stale rapidement en sepropageant. Indiquons enfin que pour un paquet dondes libre, la largeur effective v duspectre de de Broglie demeure constante dans le temps, tout comme la vitesse et ladirection du mouvement.

    (B) Particule observe

    Lorsquune particule est observe, nous sommes confronts au problme de la mesure.Ltat dune particule observe suit une volution dcrite par la solution au problme dela mesure et nomme rduction non unitaire . Cette volution prsente quatrecaractristiques principales. (1) Elle est discontinue. (2) Elle seffectue instantanment.

    (3) Elle est alatoire. (4) Elle est toujours irrversible.

    En physique quantique, la rduction non unitaire dune particule observe est rgie par largle de probabilit de Born (lquation de Schrdinger ne sapplique pas).

    Ltat rduit dans lequel se trouve une particule (assimile un objet ponctuel)immdiatement aprs un acte dobservation constitue le point de dpart dune nouvellevolution unitaire. Ltat rduit de la particule voluera spontanment vers un nouvel tatsuperpos, diffrent de celui dans lequel la particule se trouvait immdiatement avantquelle soit observe.

    4.3 Le hasard en mcanique quantiqueAvec le problme de la mesure en mcanique quantique et sa solution (la rduction nonunitaire), le hasard, absent de la thorie classique, a fait son entre dans la physique.Prcisons que la seule place que la thorie quantique accorde au hasard se situe danslacte dobservation. La signification du hasard en mcanique quantique nest toujourspas lucide : sagit-il seulement dune limite ce que les humains connaissent de laralit , dun hasard fictif traduisant un tat dignorance partielle ou totale de

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    lexprimentateur devant un phnomne dterministe, ou dun hasard rel, inhrent ce que la ralit est et fait ?

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    Chapitre 5Complments la thorie quantique

    5.1 Lintrication

    Un paquet dondes est lui-mme une onde, soit londe unique qui rsulte de lasuperposition des ondes de de Broglie. linstar de toutes les ondes, les paquets dondespeuvent eux aussi se superposer(sadditionner) : des paquets dondes qui se chevauchentperdent leur individualit et fusionnent en un unique paquet dondes rsultant. La figuresuivante en donne un exemple simplifi et une dimension despace. Si les deuxpremiers paquets dondes se chevauchent, ils perdent leur individualit, fusionnent etdonnent le troisime paquet dondes.

    Or, en mcanique quantique, un paquet dondes reprsente la situation dune particuledans lespace-temps (sa position et sa vitesse). Il existe des situations o les paquetsdondes reprsentant deux particules se superposent, avec la consquence que par la suite,ces deux particules sont reprsentes conjointement et de manire indissociable par unseul et unique paquet dondes rsultant ! Cet lment de la thorie est nomm intrication .

    5.2 Cohrences, superposition dtats et mlange statistique dtats

    (A) Les cohrences

    Les tats propres dune grandeur dynamique donne (position, vitesse, spin) qui sontprsents dans le mme tat superpos coexistent et sont interdpendants : on dit quilsinterfrent les uns avec les autres. Ces effets dinterfrence sont reprsents, dans lathorie, par des termes mathmatiques nomms cohrences . Dans un tat superpos,on calcule une cohrence pour chaque paire dtats propres de chaque grandeurdynamique, donc entre chaque tat propre dune grandeur dynamique donne et chacundes autres tats propres de la mme grandeur dynamique. On calcule ainsi une cohrence

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    entre chaque paire de points despace couverts par le paquet dondes, entre chaque pairede mouvements (en vitesse et en direction) reprsents dans le spectre de de Broglie,entre chaque paire de spins.

    Une cohrence entre deux tats propres dune grandeur dynamique donne se calcule

    partir des amplitudes que la thorie leur octroie. Tout comme les amplitudes, lescohrences peuvent changer dans le temps et selon les circonstances.

    (B) Superposition dtats et mlange statistique dtats

    La notion de cohrence en mcanique quantique nous mne tablir une distinction entredeux concepts, celui de superposition dtats (ou d tat superpos ) et celui de mlange statistique dtats. Ces deux concepts dsignent des tats composs dunemultiplicit dtats propres (selon toutes les grandeurs dynamiques) ; ils se distinguentpar les cohrences. Dans une superposition dtats, les cohrences sont non-nulles entreles tats propres de toutes les grandeurs dynamiques, alors que dans un mlange

    statistique dtats, il existe des cohrences nulles (ou du moins qui tendent vers zro)entre les tats propres dune ou de plusieurs grandeurs dynamiques.

    Cette distinction suggre ceci. Dune part, comme nous lavons dj dit, dans unesuperposition dtats, les tats propres coexistent et sont interdpendants, ils interfrentles uns avec les autres. Une superposition dtats seraiteffectivement un lment de laralit : tous les tats propres qui y sont prsents seraientsimultanment rels. Dautrepart, dans un mlange statistique dtats, les tats propres dau moins une grandeurdynamique (position, vitesse, spin) ninterfrent pas (puisque les cohrences entre euxsont nulles) : ils sont indpendants les uns des autres, ils ne coexistent pas. Lorsque lon aaffaire un mlange statistique dtats, un seul des tats propres dune telle grandeurdynamiqueseraitrel, mais la thorieseraitincapable de dire lequel.

    La diffrence entre une superposition dtats et un mlange statistiquedtats est quivalente la diffrence entre les conjonctions ET et OU .Faisons une analogie. Entre linstant o un d est lanc et linstant o ilsimmobilise sur une table, il virevolte. La virevolte dun d classique estdcrite par lalternance continuelle de la face unique qui est prsente au joueur ;la virevolte dun d quantique devrait tre dcrite par la prsentationsimultane des six faces au joueur, chaque instant. Un d quantique qui virevoltese trouverait ainsi dans la superposition dtats suivante :

    | 1 ET | 2 ET | 3 ET | 4 ET | 5 ET | 6.

    Le symbole mathmatique | se nomme un ket et sert dsigner un tat quantique.La reprsentation de ltat dun objet quantique donne en termes de kets se nomme un vecteur dtat . Dans le cas des grandeurs dynamiques position et vitesse, lareprsentation donne par un vecteur dtat est quivalente celle donne par unefonction donde (qui est lquation dun paquet dondes) ou celle donne par unefonction de vitesse (qui est lquation dun spectre de de Broglie).

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    Nous avons considr ici la grandeur dynamique face prsente au joueur dud. Lorsquun d quantique virevolte, les tats propres de cette grandeurdynamique interfrent les uns avec les autres. Ils coexistent et sontinterdpendants.

    Une fois immobilis sur la table, le d quantique ( linstar du d classique)prsente une face unique au joueur. Si le joueur nobserve pas le rsultat obtenu, ildcrira ltat du d quantique immobilis par le mlange statistique dtats :

    | 1 OU | 2 OU | 3 OU | 4 OU | 5 OU | 6.

    Les effets dinterfrence entre les tats propres ont t graduellement dtruitspendant que le d simmobilisait sur la table. Lorsque le d est immobilis, lestats propres sont devenus indpendants les uns des autres ; ils ne coexistent plus.

    Cet exemple constitue une analogie de la mesure dune grandeur dynamiquediscrte, comme le spin, la table jouant le rle de linstrument.

    5.3 La thorie de la dcohrence

    Le terme dcohrence dsigne la destruction des cohrences, dans un tat superpos,entre les tats propres dune ou de plusieurs grandeurs dynamiques. Ce phnomne seproduit notamment lorsquune grandeur dynamique est mesure, comme dans lanalogiedu d quantique de la section prcdente. De manire gnrale, un acte de mesuretransforme la superposition dtats dune particule en un mlange statistique dtatsrduits selon les grandeurs dynamiques mesures. Un seul des tats rduits du mlange

    statistique est enregistr par le dispositif exprimental, au hasard, et devient le rsultat dela mesure. Ltat de la particule observe demeure superpos selon les grandeurs dynamiques non mesures.

    La thorie de la dcohrence constitue le troisime lment de solution au problme de lamesure. Alors que les deux premiers lments de solution, la rgle de probabilit et lepostulat de rduction, se limitaient dcrire la transition dtat superpos tat rduit(selon les grandeurs dynamiques mesures), la thorie de la dcohrence va plus loin etapporte une explication ( ce jour partielle) cette transition. La thorie de ladcohrence propose une cause : ce sont les interactions entre, dune part, le systmeconstitu de la particule observe et du dispositif exprimental et, dautre part, sonenvironnement qui dtruisent les cohrences entre les tats propres des grandeursdynamiques qui sont en train dtre mesures, donc qui causent la rduction de ltat de laparticule observe selon ces grandeurs dynamiques. Lenvironnement dsigne lesparticules qui bombardent continuellement le dispositif exprimental : molcules dair,photons (particules de lumire) provenant de diverses sources lumineuses, photons durayonnement de fond cosmologique, rayons cosmiques (particules de matire provenantde lespace, notamment du Soleil), etc. Selon la thorie de la dcohrence,lenvironnement participe de manire inhrente au processus de la mesure. Si les deux

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    premiers lments de solution au problme de la mesure ne vont pas au-del de ladescription, cest quils ne tiennent pas compte de lenvironnement, comme si la particuleobserve et le dispositif exprimental taient isols. Dans lanalogie du d quantique de lasection prcdente, la participation des particules de lenvironnement est requise pour quele d simmobilise sur la table.

    La thorie de la dcohrence a t formule initialement par David Bohm en 1952. Celui-ci considrait que la description quantique de ltat dune particule est incomplte etvisait remdier ce problme en proposant une thorie variables caches non-locales . La thorie de la dcohrence fut reprise par Hugh Everett III en 1957 etconstitue lun des fondements de sa thorie de la fonction donde universelle. Ce nestqu partir des travaux de H. Dieter Zeh, en 1970, et de Wojciech Hubert Zurek, en 1981,que la thorie de la dcohrence prend vritablement son essor. En 2009, elle a beaucoupprogress, mais demeure inacheve et est toujours objet de recherche.

    (A) Une physique quantique universelle

    La thorie de la dcohrence se fonde sur lhypothse de luniversalit de la physiquequantique. Tout lment de la ralit, particule quantique, corps classique, systmequantique et classique et jusqu lUnivers lui-mme, serait fondamentalement un objetquantique. La thorie quantique serait la thorie gnrale de la ralit ; la thorieclassique en serait un cas particulier, ou limite.

    (B) Deux questions laisses sans rponse

    La thorie de la dcohrence, dans son tat actuel, laisse sans rponse deux questionsfondamentales. (1) Pourquoi est-ce tel tat rduit du mlange statistique qui est enregistrpar le dispositif exprimental plutt que tel autre ? (2) Quadvient-il des autres tatsrduits du mlange statistique, ceux qui ne sont pas enregistrs par le dispositifexprimental ?

    (C) Interactions naturelles entre un objet quantique et son environnement

    Le domaine dapplication de la thorie de la dcohrence dpasse le seul problme de lamesure et englobe les interactions naturelles entre tout objet quantique et sonenvironnement. Il couvre, par exemple, lvolution dun proton dans le gaz de particulesau cur du Soleil. De manire gnrale, toute interaction entre une particule et au moinsune autre particule peut provoquer, de manire spontane, la dcohrence (rduction)selon certaines grandeurs dynamiques, et cela, pour toutes les particules impliques.

    Selon la thorie de la dcohrence, les actes dobservation et les interactions naturellesentre un objet quantique et son environnement constituent une seule et mme catgorie dephnomnes. Avec la thorie de la dcohrence, la thorie quantique fait perdre lactedobservation le statut spcial quelle lui avait accord sur la base du problme de lamesure et des deux premiers lments de sa solution (la rgle de probabilit et le postulatde rduction). Leffet de lobservateur en mcanique quantique devient un cas

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    particulier dun phnomne gnral, leffet de lenvironnement . La thorie de ladcohrence joue un rle unificateur lintrieur de la thorie quantique.

    (D) La superslection induite par lenvironnement

    Le fait que la cause de la dcohrence (de la rduction) soit linteraction entre un objetquantique, quil sagisse dune particule, dun corps, dun systme naturel ou dun sous-systme intriqu particule dispositif exprimental , et son environnement soulveune question fondamentale : comment les grandeurs dynamiques qui subissent ladcohrence sont-elles slectionnes ?

    Selon la thorie de la dcohrence, cest la dynamique mme de linteraction entre unobjet quantique et son environnement qui opre cette slection, de manire spontane. Ceprocessus, nomm superslection induite par lenvironnement, nest, ce jour, quepartiellement lucid. Dans le cas dun acte dobservation, la nature et le fonctionnementdes instruments employs jouent videmment le rle dterminant dans ce processus de

    slection, chaque instrument tant conu pour mesurer une grandeur dynamiquespcifique. La superslection induite par lenvironnement et la dcohrence (la rduction)selon les grandeurs dynamiques slectionnes se droulent simultanment et constituentun processus global.

    Dans la nature, aucun objet ne peut demeurer indfiniment isol de son environnement.La superslection induite par lenvironnement et la dcohrence selon les grandeursdynamiques slectionnes constituent un processus normal qui survient continuellementdans lvolution de tout objet.

    Leffet de lenvironnement, dans le cas gnral, et leffet de lobservateur, un casparticulier, ne sont rien dautre que la superslection induite par lenvironnement et ladcohrence selon les grandeurs dynamiques slectionnes.

    (E) Un seul type dvolution en mcanique quantique

    Avec les deux premiers lments de solution au problme de la mesure (la rgle deprobabilit et le postulat de rduction), la thorie quantique prdisait quune particule suitlun ou lautre de deux types dvolution, selon quelle est observe ou non :lorsquune particule nest pas en train dtre observe, elle suit une volution unitaire,dterministe et rgie par lquation de Schrdinger ; lorsquelle est en train dtreobserve, une rduction non unitaire, alatoire et rgie par la rgle de probabilit de Born.

    Selon la thorie de la dcohrence, troisime lment de solution au problme de lamesure, les actes dobservations sont des phnomnes de mme nature que lesinteractions naturelles (non observes !) entre un objet quantique et son environnement.La rduction non unitaire devient un cas particulier dvolution unitaire. Le rleunificateur jou par la thorie de la dcohrence lintrieur de la thorie quantiqueimplique que ltat dun objet quantique, linstar de ltat dun objet classique, suit en

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    tout temps un seul et mme type dvolution, unitaire, indpendamment que lobjetquantique soit observ ou non.

    La superslection induite par lenvironnement et la dcohrence selon les grandeursdynamiques slectionnes prsentent ainsi les quatre caractristiques principales de toute

    volution unitaire. (1) Le processus global quelles constituent est continu. (2) Ceprocessus global seffectue sur des intervalles de temps (il nest pas instantan), que lathorie de la dcohrence permet de calculer. Le temps de dcohrence varie selon lesgrandeurs dynamiques et les circonstances. Il dpend aussi de la masse de lobjetquantique : il est dautant plus court que lobjet quantique est massif (il est toutes finspratiques instantan dans le cas dun objet macroscopique). (3) Ce processus global estdterministe. (4) Ce processus global est toujours irrversible.

    (F) Dcohrence et hasard

    La thorie de la dcohrence, dans son tat actuel, est incapable de prdire lequel des

    tats rduits dun mlange statistique est rel. Ainsi, bien que la transition dun tatsuperpos un mlange statistique dtats rduits (selon les grandeurs dynamiquesslectionnes) constitue un processus dterministe, lissue de ce processus, cest --direlequel des tats rduits est rel, est alatoire. Avec la thorie de la dcohrence, on doittoujours recourir la rgle de probabilit de Born pour prdire lissue dune rduction,que celle-ci soit naturelle ou artificielle.

    La thorie de la dcohrence apporte ainsi deux modifications la place accorde auhasard par la thorie quantique. Dune part, cette place est rtrcie lissue du processusde la rduction, au choix , dans un mlange statistique, de ltat rduit qui est rel.Avant la thorie de la dcohrence, la place accorde au hasard couvrait le processus dela rduction dans sa totalit. Dautre part, cette place est tendue aux interactionsnaturelles entre les objets quantiques et leur environnement. Avant la thorie de ladcohrence, elle tait limite aux actes dobservation.

    La thorie de la dcohrence nlucide pas la signification du hasard en mcaniquequantique : est-il inhrent ce que la ralit est et fait ou sagit-il dune limite ceque les humains connaissent de la ralit ?

    5.4 La transition quantique-classique

    Il existe une seule ralit et cela appelle une unit de la physique. Il doit exister un lienthorique qui fait le pont entre les deux grandes branches de cette science que sont lesphysiques classique (qui inclut les thories de la relativit restreinte et gnrale, en tantquextension) et quantique.

    Adoptons le point de vue sur lequel se fonde la thorie de la dcohrence, soit lide quela physique quantique est universelle et la physique classique en est un cas particulier oulimite. Selon ce point de vue, tout objet pouvant tre dcrit par la thorie classique, unethorie restreinte, doit automatiquement pouvoir tre dcrit par la thorie quantique, une

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    thorie gnrale qui englobe et dpasse la prcdente. Les deux descriptions doivent trequivalentes. Ce doit tre le cas des corps : tout objet classique doit appartenir lacatgorie gnrale des objets quantiques. Par contre, un objet pouvant tre dcrit par lathorie quantique ne pourra pas automatiquement tre dcrit par la thorie classique. Cesera le cas de particules : il existera des objets quantiques qui nentreront pas dans la

    catgorie restreinte des objets classiques.Il existe des lments de la thorie quantique qui rendent effectivement quivalentes lesdescriptions quantique et classique de ltat dun objet dans le cas du centre de massedun corps, mais non dans le cas dune particule. Ils rendent possible la transition de ladescription quantique de ltat dun objet la description classique. Ce sont notamment leprincipe de correspondance, un ensemble de rgles mathmatiques qui relient lesformalismes mathmatiques quantique et classique, et la thorie de la dcohrence. En2009, la transition quantique-classique nest que partiellement lucide ; elle est toujoursobjet de recherche.

    (A) Les chelles de la ralittant donn que la physique est divise en deux grandes branches, la physique classiqueet quantique, on divise la ralit en deux chelles correspondantes. Bien entendu, cesdeux chelles constituent ensemble une ralit unique et globalement cohrente. Tel quilen a t discut dans la section 1.1, il est commode et mme habituel de dfinirlchelle classique de la ralit comme celle des objets macroscopiques, les corps et lessystmes classiques, et lchelle quantique comme celle des objets microscopiques, lesparticules et les systmes quantiques. Mais il faut garder lesprit que ces dfinitions nesont quapproximatives.

    En 2009, il nexiste toujours pas de dfinitions rigoureuses des chelles quantique etclassique de la ralit. On peut cependant sinspirer de lide sur laquelle se fonde lathorie de la dcohrence, lide selon laquelle la physique quantique est universelle et laphysique classique en est un cas particulier ou limite, et identifier lchelle quantique dela ralit avec la ralit elle-mme, dans sa totalit, et considrer lchelle classiquecomme un sous-domaine de la prcdente. On peut faire une analogie avec un iceberg :liceberg, dans sa totalit, reprsente lchelle quantique de la ralit et sa partie mergelchelle classique. La surface de leau reprsente la transition quantique-classique.

    (B) De la physique classique la physique quantique

    Contrairement ce que certains philosophes et sociologues des sciences affirment ousous-entendent, il ny a pas de rupture, de conflit ou de contradiction entre la physiqueclassique et quantique. Ces deux physiques ne sont pas incommensurables, cest--diredpourvues de commune mesure, impossibles comparer lune avec lautre, comme leprtend entre autres le philosophe des sciences Thomas Kuhn. Elles sont, au contraire,lies lune lautre par le principe de correspondance et la thorie de la dcohrence,qui permettent la transition quantique-classique (il est vrai que le rapport entre lesphysiques quantique et classique nest pas encore compltement lucid en 2009), et

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    constituent, ensemble (et en principe), une seule et unique science globalement cohrente,la physique.

    La physique quantique ne constitue pas une rfutation de la physique classique, maisplutt une gnralisation : elle englobe cette dernire comme un cas particulier ou limite,

    et la dpasse. Dailleurs, la physique classique, depuis Newton, a amplement t prouve,par plus de trois sicles de mesures, dobservations et dexpriences ! La mcaniquenewtonienne a notamment permis de faire se poser des humains sur la Lune et de lesramener vivants sur Terre. Comment une nouvelle thorie qui contredirait la thorieclassique lchelle classique de la ralit pourrait-elle tre compatible avec toutes cesdonnes ?

    Ce que larrive de la physique quantique a remis en question, ce nest pas la physiqueclassique en elle-mme, mais son domaine de validit. Elle est venue indiquer les limites,floues, de ce dernier. Avant la dcouverte de la physique quantique, on croyait laphysique classique universelle. Maintenant, on sait que son domaine de validit est limit,

    de manire approximative, aux objets macroscopiques. De la physique classique laphysique quantique, il ny a pas rupture ni incommensurabilit : il y a continuit etprogrs. La physique tant une science encore inacheve, il faut sattendre ce que desdcouvertes futures fassent subir la physique quantique un sort similaire celui quellea fait subir la physique classique.

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    Deuxime partieLa philosophie

    Chapitre 6Introduction la philosophiede la mcanique quantique

    6.1 Trois questions centrales

    (1) La question du problme de la ralit. Quels sont les lments de la ralit ? Quest -cequi existe ? Les lments de la ralit ne peuvent pas tre dtermins par des

    considrations philosophiques a priori, par la seule rflexion, mais doivent tre trouvspar un appel aux rsultats de mesures, dobservations et dexpriences, telles une tachequi apparat sur un cran, une valeur numrique indique par une aiguille sur un cadran,etc.

    (2) La question du rapport entre la thorie et la ralit. Quelle signification doit-on donneraux lments de la thorie ? Quelles sont les correspondances entre les lments de lathorie et ceux de la ralit ?

    (3) La question du caractre complet ou incomplet de la description quantique de ltatdune particule. Est-ce que tous les lments de la ralit sont reprsents par un lmentcorrespondant de la thorie ?

    6.2 Sept principes classiques

    Notre conception de lchelle classique de la ralit repose sur sept principes issus denotre intuition, elle-mme fonde sur lobservation de la ralit notre chelle, parlentremise de nos sens et dinstruments. La physique classique, confirme pour lchelleclassique de la ralit par plus de trois sicles de mesures, dobservations etdexpriences, est fonde sur ces sept principes.

    (1) Le principe dobjectivit: la ralit matrielle est indpendante de lesprit, quilsagisse de lesprit humain ou dun suppos espritdordre suprieur telle une divinit. Leprincipe dobjectivit est le principe premier de la science. Sa premire mise enapplication dans lhistoire, par Thals de Milet vers 600 av. J.-C., marque la naissance dela science.

    (2) Le principe du ralisme : tout objet existe, possde ses proprits et volue dans letemps par lui-mme, indpendamment quil soit observ ou non (que ce soit par un tredot de conscience ou par un instrument inanim), que ses proprits soient connues ou

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    non par un tre dot de conscience et indpendamment de la volont de tels tres. Leprincipe du ralisme est accompagn des deux principes suivants.

    (3) Le principe de lespace-temps: tout objet est toujours prsent dans lespace-temps.La situation dun objet dans lespace-temps est spcifie par les deux grandeurs

    dynamiques fondamentales, la position et la vitesse (limmobilit tant considre enphysique comme un cas particulier de mouvement).

    (4) Le principe du tiers exclu exprimental : la totalit des objets qui composentlchelle classique de la ralit se sparent en deux types dentits, les corps et leschamps. Un objet classique peut se manifester dans lespace-temps sous laspect uniqueet constant soit dun corps (solide, liquide ou gazeux), soit ou dun champ (qui peut sepropager sous la forme dune onde). En physique classique, il existe deux sortes dechamp : le champ lectromagntique et le champ gravitationnel. La lumire nest riendautre quune onde lectromagntique se propageant lintrieur de lespace-temps.Selon la thorie de la relativit gnrale, il existerait aussi des ondes gravitationnelles et

    celles-ci seraient des oscillations de lespace-temps lui-mme. Il nexiste pas un troisimetype dentit : le tiers est exclu.

    La dcouverte, au dbut du 20e sicle, du principe quantique de la dualit onde-corpuscule lchelle des particules a constitu la rfutation du principe classique dutiers exclu exprimental cette chelle (cela nimplique pas sa remise en question lchelle classique). La dcouverte de la dualit onde-corpuscule marque la naissance dela physique quantique. La question de lapplicabilit du principe du tiers excluexprimental lchelle quantique nest donc pas discute par les interprtationsphilosophiques. Notons quune dfinition rigoureuse et faisant consensus du principe dela dualit onde-corpuscule nexiste pas encore.

    (5) Le principe de causalit: tout vnement est leffet dune cause. Le principe decausalit est accompagn des deux principes suivants.

    (6) Le principe du dterminisme : une mme cause produit le mme effet, partout ettoujours. Nous appliquons implicitement ce principe dans chaque geste que nous posons.

    (7) Le principe de localit: leffet ne peut pas prcder la cause. Dune part, une causene peut produire un effet instantan que localement, au lieu mme o elle survient.Dautre part, une cause peut produire un effet en un lieu distant, mais seulement aprs uncertain dlai, le temps pris par un signal physique pour se propager du lieu de la cause aulieu de leffet localement, de point en point dans lespace, une vitesse toujoursinfrieure ou gale celle de la lumire dans le vide.

    Par exemple, une bombe explosant ici peut faire clater instantanment la fentrecontre laquelle elle est dpose. Cette bombe peut aussi faire clater une fentresitue l-bas (disons 20 mtres de distance), mais seulement aprs un certaindlai, le temps que prenne le souffle de lexplosion pour se propager dici l-bas une vitesse infrieure celle de la lumire dans le vide.

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    Rappelons que de la physique classique la physique quantique, il ny a pas rupture niincommensurabilit : il y a continuit et progrs. La physique quantique ne rfute pas laphysique classique : elle la gnralise, elle lenglobe et la dpasse. La description desphnomnes classiques donne par la thorie quantique est quivalente celle donne par

    la thorie classique en vertu de la transition quantique-classique (voir la section 5.4).Ainsi, applique lchelle classique de la ralit, la physique quantique implique elle-mme ces sept principes. Mais les implique-t-elle aussi lchelle quantique ?

    6.3 La controverse Bohr-Einstein

    Le point de dpart et le cur des dbats philosophiques sur la signification de lamcanique quantique se situent dans la srie dchanges qui ont eu lieu entre lesphysiciens Niels Bohr et Albert Einstein