40
Mickaël Clévenot Centre d’économie Economie Paris Nord (CEPN), UMR 7115, Université Paris 13, MSH Paris Nord David Douyère Laboratoire des sciences de l’information et de la communication (LabSic), Université Paris 13, MSH Paris Nord Pour une critique de l’économie de la connaissance comme vecteur du développement Interaction entre les institutions, la connaissance et les IDE dans le développement Résumé : L’économie de la connaissance est aujourd’hui envisagée comme voie de sortie du sous-développement pour les pays qui ne sont pas encore entrés dans un processus d’émergence. Il apparaît toutefois que de nombreuses conditions doivent être réunies pour atteindre cet objectif. Elles sont relatives notamment au degré de développement institutionnel, à la qualité de l’environnement technique et éducatif, alors même qu’elles dépendent largement du niveau de développement économique. Par conséquent, souhaiter voir émerger une économie fondée sur la connaissance dans les PVD revient à faire abstraction des conditions matérielles de la production de celle-ci. Le concept d’économie de la connaissance apparaît en effet très incertain, qui semble procéder d’une réduction du travail et de la production à la seule dimension cognitive, oubliant, là encore, sa dimension matérielle. Apparue comme relais et prolongement de la notion de société de l’information, cette approche s’inscrit historiquement dans le souci d’un « dépassement » des idéologies marqué par l’extension du capitalisme des pays développés et se réduit à un déterminisme technologique oubliant l’importance de l’Histoire. 1

24JDATM Eco Conn Senegal Clevenot Douyere Lastone

  • Upload
    fouad

  • View
    212

  • Download
    0

Embed Size (px)

DESCRIPTION

connaissances

Citation preview

Lconomie de la connaissance comme vecteur du dveloppement en Afrique subsaharienne

Mickal Clvenot

Centre dconomie Economie Paris Nord (Cepn), umr 7115, Universit Paris 13, msh Paris Nord

David Douyre

Laboratoire des sciences de linformation et de la communication (LabSic), Universit Paris 13, msh Paris Nord

Pour une critique de lconomie de la connaissance comme vecteur du dveloppementInteraction entre les institutions, la connaissance et les IDE dans le dveloppementRsum: Lconomie de la connaissance est aujourdhui envisage comme voie de sortie du sous-dveloppement pour les pays qui ne sont pas encore entrs dans un processus dmergence. Il apparat toutefois que de nombreuses conditions doivent tre runies pour atteindre cet objectif. Elles sont relatives notamment au degr de dveloppement institutionnel, la qualit de lenvironnement technique et ducatif, alors mme quelles dpendent largement du niveau de dveloppement conomique. Par consquent, souhaiter voir merger une conomie fonde sur la connaissance dans les PVD revient faire abstraction des conditions matrielles de la production de celle-ci. Le concept dconomie de la connaissance apparat en effet trs incertain, qui semble procder dune rduction du travail et de la production la seule dimension cognitive, oubliant, l encore, sa dimension matrielle. Apparue comme relais et prolongement de la notion de socit de linformation, cette approche sinscrit historiquement dans le souci dun dpassement des idologies marqu par lextension du capitalisme des pays dvelopps et se rduit un dterminisme technologique oubliant limportance de lHistoire.Mots cls: dveloppement, conomie de la connaissance, institutions, TIC, rapports Nord-Sud.Keywords: development, knowledge economy, institutions, ICT, North South relationshipsJEL: O14, O3, C21La monte de la croissance africaine depuis les annes 2000 sest accompagne rcemment dune augmentation des IDE et dun accroissement sensible du taux dquipement en TIC, particulirement en tlphones portables (Rapport PNUD [2007]). La conjonction de ces lments a particip la formation dune croyance selon laquelle lAfrique, limage de lAsie du Sud Est, pourrait merger grce aux TIC. Cest dans ces conditions que lconomie de la connaissance semble tre devenue la nouvelle pierre philosophale de lconomie du dveloppement pour les institutions internationales. Le PNUD a ainsi publi plusieurs rapports centrs sur les apports de lconomie de la connaissance pour le dveloppement. De son ct, la Banque mondiale publie des indicateurs de connaissance (KEI, Knowledge Economy Index). Ce serait en effet grce la diffusion des TIC que les pays de la priphrie (Perroux [1949], Braudel [1985]) pourraient parvenir sortir du sous-dveloppement.

Ce nouveau thme arrive aprs celui de la bonne gouvernance port par les thoriciens de la nouvelle conomie institutionnelle (D. North [1990], O. Williamson [1993]), qui remplace celui des grands quilibres vhiculs par les auteurs libraux (Mac Kinnon [1973], Shaw[1973]), qui sest lui-mme substitu aux stratgies de dveloppement autocentres dfendues par les auteurs structuralistes durant les annes soixante (F. Perroux [1949], O. A. Hirschman [1958], R. Prebisch [1950] G. Myrdal [1957]). Ces principes gnraux, qui devaient permettre aux pays priphriques doprer un rattrapage et une convergence vers les pays les plus dvelopps, sont pour la plupart loin davoir produit les effets escompts. Leur succession montre leur faiblesse. Aussi le thme de lconomie de la connaissance comme vecteur du dveloppement conomique doit-il tre considr avec mfiance. Lanalyse de ce contexte historique renforce les suspicions que lon peut forger sur cette ide: il apparat que lconomie de la connaissance peut constituer un bon alibi pour les institutions internationales, les gouvernements et les agents conomiques, quant la situation de sous-dveloppement de nombreux pays en ce quelle invoque une cause externe: la connaissance. Ainsi, nous nous efforcerons dans ce travail de souligner les liens entre la connaissance et les conditions matrielles de sa production car cest finalement une conception particulire des connaissances qui permet denvisager que la diffusion des connaissances permettrait par elle-mme le dveloppement. La question mme de la circulation de la connaissance et non de linformation pose problme. Enfin, la question relative la mobilisation de ces connaissances dans le cadre de productions matrielles et intellectuelles ne se produit pas dans un cadre dmatrialis, sans rapport sociaux, ni structuration de lactivit conomique. En effet, pour pouvoir tirer profit des TIC, il faut une base conomique matrielle et intellectuelle suffisante. Ainsi, lconomie de la connaissance comme vecteur du dveloppement met en abime les conditions matrielles et institutionnelles de la diffusion, de la production et de la mobilisation de ces connaissances. Ceci conduit une situation paradoxale, o les conditions matrielles du dveloppement sont vacues au profit de lanalyse de lconomie de la connaissance, des conditions idelles qui sont dans la ralit le rsultat dun processus cumulatif ayant pour condition ncessaire le dpassement dun seuil de dveloppement conomique. Or ce seuil dans de nombreux pays subsaharien nest pas atteint (X. Gurgand [2004]). Dans un premier temps nous reviendrons sur lconomie de la connaissance et sur le capitalisme cognitif vu la fois travers les sciences de linformation et de la communication et les sciences conomiques. Dans un second temps, pour revenir aux sources du modle qui, implicitement, selon ses partisans, pourrait orienter lAfrique, nous questionnerons lide dun modle asiatique fond sur lconomie de la connaissance afin de souligner les facteurs de production traditionnels qui sont lorigine dun dcollage qui dbute la fin des annes 1960, c'est--dire bien avant que la question de lconomie de la connaissance ne soit place au cur des dbats sur lmergence. Enfin, une fois tabli un cadre de rflexion dgag des apories de lconomie de la connaissance, nous tenterons dapprhender limpact des IDE et de la monte du taux dquipement en TIC en Afrique. On soulignera quune part importante des IDE participe au maintien ou mme au renforcement de la division ricardienne du travail, qui tend reproduire la spcialisation de lAfrique sur des produits de base faible valeur ajoute, contribuant ainsi maintenir une spcialisation appauvrissante (Hugon [2002]). Cette situation, si elle est temporairement voile par la monte des termes des changes, risque dans un second temps, dj prsent, daccrotre plus fortement les ingalits entre les pays producteurs de ces matires premires et le reste des pays africains, ce qui peut gnrer de linstabilit sociale et politique, dfavorable au dveloppement conomique. Les meutes de la faim apparues, en avril 2008, dans lensemble des pays de la priphrieindiquent les limites dun dveloppement extraverti fond sur lexploitation du secteur primaire. Pour confirmer cette ide, on tudiera dans un troisime point la nature des IDE destination de lAfrique.1. Economie de la connaissance, Tic et dveloppement1. 1. Lconomie de la connaissance, facteur dterminant du dveloppement?La rduction de la fracture numrique Nord-Sud est en tte des agendas internationaux. Les institutions internationales du dveloppement en attendent en effet, limage des pays dAsie du Sud Est, la diffusion dun processus dmergence qui stendrait lensemble des pays priphriques. En effet, une tude ralise par la CNUCED sur lutilisation des TIC conclut que lutilisation des TIC pour les PVD pourrait avoir des rpercussions sur la productivit de mme niveau que celle mesure dans les PED. Ainsi, la CNUCED prcise-t-elle que, thoriquement, lintroduction des TIC doit amliorer la productivit des entreprises, sous rserve toutefois que celles-ci procdent aux modifications organisationnelles adquates. Les gains sont lis une meilleure ractivit de lentreprise lvolution de son environnement: gestion des fournisseurs, des clients, largissement de la gamme de produits, personnalisation des services offerts et, globalement, meilleure prise en compte des spcificits de la demande et optimisation de la production.

Lvaluation de limpact des TIC sur la productivit par la CNUCED a t ralise en Thalande. Ce cas permet de constater une diffrence de productivitsignificative pour les entreprises qui recourent linformatique et dans des proportions qui sont proches de celles observes dans les pays dvelopps. La diffusion des TIC permet de rduire les cots transactionnels et engendre une meilleure adquation de loffre et de la demande; elle permet ainsi de stimuler la croissance de nouveaux marchs. Des externalits et des effets de dbordement sont galement invoqus pour expliquer limportance des TIC compars. Mais ces effets induits sont particulirement difficiles valuer (CNUCED, p.25). Dans le cadre de lconomie du dveloppement, les TIC doivent permettre lmergence de nouvelles opportunits conomiques en facilitant une diversification de la production et des biens exports, en contribuant une remonte de la chane de la valeur. Une amlioration du systme bancaire pourrait tre autorise par ladoption des TIC, qui pourraient amliorer linformation sur la clientle et permettraient une sortie dune partie du secteur financier de linformalit, gnratrice de cots de transactions. Cette rduction des cots autoriserait galement laccroissement des montants dvolus linvestissement. Un dernier lment consiste en la production de connaissances collectives et dusage de la connaissance collective grce aux logiciels libres. Cet lment de gratuit constitue un lment favorable aux rattrapages des pays pauvres. A linverse se pose la question des droits de proprits sur les logiciels propritaires et la ncessit dadopter un rgime drogatoire pour les pays pauvres. Mais laccord sur les TRIPS peut laisser envisager une telle situation. Nanmoins, toutes ces amliorations potentielles ne vont pas sans poser de nouveaux problmes: les nouveaux services gnrs peuvent tre lorigine de nouvelles difficults comme la production de confiance dans le cadre de transactions informatises ainsi que leur scurisation. Par ailleurs, les cots mmes dcroissants de ces dispositifs peuvent constituer une entrave leur diffusion, cest pourquoi la CNUCED prvoit de tenir compte de cette question dans la mise en uvre de sa politique de dveloppement.

Enfin, les biens TIC sont souvent dpendants de services et de produits complmentaires pour fonctionner correctement, il sagit de lexistence deffets de rseau. Comme le souligne la CNUCED, les progrs raliss par les TIC semblent beaucoup dpendre du contexte industriel et commercial. Le recours la vente distance par Internet suppose la prsence de nombreuses conditions pralables qui risquent dtre absentes dans de nombreux pays en dveloppement et particulirement pour les pays dAfrique Sub-saharienne. Ainsi le rapport souligne limportance de facteurs complmentaires et de facteurs politiques dans la ralisation de gains de productivit tirs des usages des TIC. La matrise des TIC ncessite des comptences, des connaissances et des formations adaptes sans lesquelles les TIC ne peuvent manifester leurs bienfaits: Plusieurs questions institutionnelles doivent tre prises en compte comme ltablissement dun rgime de proprit intellectuelle favorable aux innovations et une politique de concurrence, le renforcement du systme ducatif ainsi que du systme de recherche, la cration de structures publiques de connaissances, le dveloppement dinfrastructure dinformation et de communication, la cration dun environnement produisant de la confiance dans lusage des TIC et un bon fonctionnement des marchs financiers. (Cnuced).Lconomie de la connaissance est une conomie dans laquelle la part des emplois intensifs en connaissance sest considrablement accrue. Le poids conomique des secteurs lis linformatique, la communication et le traitement de linformation jouent un rle dterminant. Parmi ceux-ci, on trouve particulirement les services aux entreprises qui participent la conception de nouveaux services ou de nouveaux produits et leurs commercialisations, c'est--dire la construction des nouveaux marchs pour ces nouveaux biens (marketing, design, tarification). Ce secteur joue un rle stratgique pour les entreprises qui sont places dans un contexte mondial de concurrence monopolistique dans lequel linnovation dtermine la position sur un march dune entreprise et a fortiori le niveau de performance conomique dune nation dans la mondialisation.

Lconomie de la connaissance repose cependant sur une ambivalence consubstantielle, qui rside dans le fait que les connaissances ne sont pas des objets marchands par nature. Les connaissances possdent les proprits habituelles des biens de lconomie numrique savoir des cots de production levs et des cots de reproduction faible. Cest cette ambigit qui permet aux institutions internationales de faire miroiter aux pays de la priphrie qui ne sont pas encore engags dans un processus dmergence desprer y entrer rapidement grce la diffusion des informations vhicules par les TIC. Ainsi, lconomie de la connaissance, considre sous langle tronqu dune diffusion des technologies de linformation, est souvent prsente comme une clef possible de dveloppement rapide pour les PVD. Ces pays pourraient sauter ltape de lindustrialisation pour entrer directement dans lre postindustrielle. Cest pourquoi le bon niveau de taux dquipement en tlphone portable en Afrique est peru par la CNUCED comme une preuve de la possibilit de la diffusion de la socit de la connaissance.Les inconvnients de lconomie de la connaissance rsident dans lobsolescence acclre des biens TIC, ce qui accrot les cots dopportunit et tend renforcer les droits de proprit, et interdit ainsi la possibilit aux pays suiveurs de faire de la recherche sur les mmes sujets saufs des tarifs exorbitants (VIH). Le cot dopportunit du passage vers une organisation de la production autours des TIC est lev conomiquement, socialement et politiquement. Lusage de ressources rares pour lintroduction des TIC dans les PVD risque de limiter les ressources financires et en capital humain utiles ladoption ou au maintien des autres formes de capital. Enfin, on peut noter que les progrs dans les TIC entranent une obsolescence rapide des diagnostics en termes de politique industrielle.

Le saint-simonisme qui imprgne le discours des institutions internationales autour des possibilits de rattrapage partir de lconomie de la connaissance semble sous-estimer les facteurs sous-jacents ncessaires pour tirer avantages des TIC. Malgr les prcisions et les conditions qui apparaissent dans le rapport de la CNUCED, lide gnrale dfendue est quil existe dimportant gains de productivit raliser en introduisant des TIC dans les pays pauvres. Or au-del des questions techniques et financires qui semblent uniquement proccuper la CNUCED, des problmes de pouvoir et de trajectoires se posent. Aussi, si des progrs microconomiques peuvent tre tirs des TIC, ces derniers doivent saccompagner de politiques conomiques complmentaires sans quoi les TIC, au lieu damliorer le dveloppement, pourraient contribuer renforcer les ingalits et linstabilit politique ou tout simplement se heurter des blocages politiques.

Ces limitations sur ladoption de lconomie de la connaissance tant tablies, il convient de sinterroger sur les fondements thoriques de lconomie de la connaissance. Il faut en effet noter par ailleurs que la division internationale actuelle du travail ne remet pas en cause la position de lAfrique comme producteur de matire premire, et ce malgr lmergence des pays dAsie du Sud Est, dont lessor aurait mme tendance loigner lAfrique de cet objectif.

1.2. Les consquences conomiques ambigus de la diffusion des TICpour les PVD

Les TIC tendent rduire les dimensions temporelles et spatiales de lconomie. Les capitaux peuvent se dplacer rapidement dun pays un autre, les informations, les biens et les services numriques sont facilement transfrables sur les rseaux numriques. La multiplicit des moyens de diffusions permet la fois daccrotre les externalits positives, les opportunits de croissance et de dveloppement mais simultanment elle renforce la mise en concurrence des systmes sociaux nationaux dinnovation et de production.

Les firmes multinationales, de plus en plus nomades, mettent les territoires en concurrence sur la base de leur aptitude offrir un ensemble complexe de ressources favorisant le dveloppement de leur capacit dinnovation. Ces nouvelles exigences contribuent aux processus de polarisation gographique des activits au profit des territoires les plus riches en ressources cognitives. (Delapierre et alii p.6 [2000]) Ainsi, linnovation industrielle exigerait alors certaines innovations organisationnelles et institutionnelles complmentaires, que les PVD ont du mal assurer. Un aspect important de lconomie de la connaissance est que ces diverses dimensions sont complmentaires : il est ncessaire que les agents disposent de comptences particulires pour pouvoir bnficier des avances de la connaissance, et afin dtre en mesure dutiliser linformation qui est stocke et circule de faon de plus en plus efficace. Les connaissances se diffusent alors dautant plus rapidement que les progrs dans le TIC sont rapides et que les individus sont duqus et comptents. Ceci repose sur les efforts en R&D, en ducation et formation qui dpendant eux-mmes du niveau de dveloppement initial des pays. Lexception de lAsie du Sud Est ne tient pas tant la question technologique en elle-mme (car le processus de dcollage a t amorc en amont de la rvolution numrique) mais aux relations avec le Japon et Taiwan qui par leurs IDE et leur relation de long terme et de proximit ont autoris un processus dapprentissage et de remonte de la chane de la valeur.

Lintgration dun pays lconomie de la connaissance doit donc sapprcier au regard de sa situation gographique car lconomique numrique ne substitue pas lconomie relle lorsquil sagit de produire et dexporter des biens matriels. En dautres termes, les pays doivent possder des infrastructures pour rsister la concurrence. Cest pour cette raison que lconomie de la connaissance, malgr lampleur quelle a pris, ne peut smanciper de toute matrialit, matrialit qui renvoie aux conditions macroconomiques et institutionnelles plus ou moins favorables lmergence de lconomie de la connaissance.

Les technologies sont fondamentales pour le dveloppement car elles sont lun des facteurs majeurs de la croissance de long terme. Le problme est que laccs ces technologies ncessite une accumulation de connaissances pralable considrable. Cette accumulation ncessite elle-mme la mobilisation de capitaux importants sur de longues dures. La prsence sur le territoire national de capitaux importants (humains, financiers) est souvent le rsultat antrieur dune matrise technologique importante. Ainsi, les pays qui sont les plus mme de bnficier et de produire des technologies sont les pays qui sont galement les plus avancs dans le dveloppement conomique. Dans ce cadre, les pays en retard technologique doivent observer une baisse tendancielle des termes des changes vis--vis des pays qui disposent dune avance technologique puisque les changes sont raliss entre des biens faible valeur ajoute contre des biens intgrants de la R&D et des technologies innovantes forte valeur ajoute (A. Emmanuel [1969]). Ainsi le facteur technologique, au lieu de rduire les carts entre les niveaux de dveloppement des pays, devrait conduire un accroissement des ingalits de dveloppement.

Sil est indniable quun aspect de connaissance a jou un rle important dans lmergence des pays dAsie du Sud Est, dautres facteurs ont galement particip au dcollage qui prend naissance plusieurs dcennies auparavant. Si la connaissance constitue un facteur dterminant, lAfrique sera-t-elle en mesure de sen saisir? LAfrique connat une croissance soutenue depuis le dbut du XXIe sicle, largement fonde sur la remonte du prix des matires premires, elle-mme gnre par lampleur de la croissance mondiale. Ce mouvement est simultan une rduction du prix des TIC dont la productivit a t considrablement accrue. Cette inversion des termes des changes apparat comme une opportunit pour sauter dans le train de la modernit. Mais les difficults demeurent, relatives la fois la spcialisation appauvrissante des pays africains, des phnomnes de corruption induits par le syndrome hollandais, et la dstabilisation de ltat produite par les politiques dajustement structurel.Le rapport de la CNUCED recle des ambigits entre le traitement thorique des conditions de lmergence dun dveloppement fond sur lconomie de la connaissance et sa pratique concrte. Dans la prsentation thorique, se trouve dcrite avec minutie la ncessit de possder une cadre institutionnel de bonne qualit, de disposer dun niveau de capital humain suffisant et dautres conditions matrielles; puis... on passe des exemples de russite dans un pays en voie de dveloppement qui devraient tre gnralisables peu de frais vers dautres pays en oubliant tout des conditions pralables la russite du projet, lui-mme circonscrit une activit restreinte et qui est loin lui seul de pouvoir fonder une dynamique de dveloppement! Ainsi, les exemples microconomiques concrets sont-ils gonfls pour devenir des stratgies macroconomiques en faisant fi des difficults lies la transposition de bonnes pratiques, conservant ainsi lide dune comparabilit des bonnes pratiques ainsi que de leur transposition, conforte par un dterminisme technologique fort.

Linvocation de lconomie de la connaissance comme facteur favorable au dveloppement des pays de la priphrie sappuie sur un corpus thorique qui pour connaitre actuellement les faveurs de la mode, nen repose pas moins sur des fondements fragiles car, dune part, il sappuie sur une lecture partielle de lactivit conomique, dont il survalorise une partie indment appele cognitive et mconnat la dimension production matrielle persistante, et car, dautre part, il repose sur une notion relativement inconsistante (et insaisissable) concrtement, celle de connaissance, qui gnralise outrance finie par perdre toute consistance thorique. Il est possible par ailleurs que la notion dconomie de la connaissance soit parfois (mais pas par ses concepteurs) lautre nom donn une conomie du numrique et de lintroduction des TIC dans lconomie, reconversion suscite aprs le flop de la nouvelle conomie des annes 2000. Pour mieux comprendre les enjeux de sa valorisation au prs des PVD, il importe den faire la gnalogie.1.3. Le glissement conceptuel de lconomie de la connaissanceCette valorisation du rle de la connaissance dans lconomie et la socit, qui fait parler de socit de la connaissance constitue la postrit de la notion de socit de linformation, pourtant considrablement critique (Mattelart [2000, 2001]). Sattaquant cette notion, le sociologue britannique Frank Webster (2002, p. 11 et 22) rappelait quil ny a pas plus de socit de linformation quil ny a de socit de la voiture, sous prtexte que celle-ci est quantitativement importante, de socit de leau (water society) ou de socit de la pomme de terre (potatoe society), quand bien mme ces objets joueraient un rle considrable dans la socit. Linformation y joue un rle, mais nest pas tout. Ou tout devient information (ou connaissance). Et cest prcisment lopration mise en place avec lapproche cognitive de lconomie. Or toute action mettant en uvre une pense humaine nest pas une action de connaissance, mais une action mene par lhomme.

La notion dconomie de la connaissance apparat historiquement surtout comme la rsultante dune analyse conomique ralise en termes d information , partir notamment de Machlup (1962, 1980-1984), Porat (1977) et Reich (1991). De ce point de vue, elle nous apparat comme lidologisation et la gnralisation dune analyse conomique centre sur la notion dinformation comme valeur ajoute relle de la production (Webster [2002]), partir de la croissance dune conomie de services. Une dfinition trs large de linformation qui vide celle-ci de toute substance et toute identification un contenu prcis (Roszak [1986]), une gnralisation de celle-ci tout type dactivit, un primat (voire une dconnexion) de celle-ci sur laction matrielle qui la ralise, et une classification abusive des mtiers informationnels permet ces thoriciens de montrer la part croissante du travail informationnel dans la socit. Webster (2002) a trs bien montr que lusage de la statistique, la classification trs large et flottante comme profession intellectuelle , permet cette construction thorique.

Aprs avoir connu une certaine perte de vitesse, cette notion connat un renouvellement depuis le milieu des annes 1990 (Mattelart [2000] ; Mige [2004]). Paradigme dominant , idologie de lgitimation privilgie des dtenteurs du pouvoir conomique et politique (Garnham [2000], p.55), linvocation de la socit de la connaissance accompagne dsormais les rapports officiels (on peut citer notamment Laffite [1997] ; Commission europenne [1997] ; et plus rcemment Bouchet, [2004] ; Curien, Muet [2004]), les discours politiques, mais aussi les programmes de dveloppement conomiques nationaux.

La recherche critique mene sur la socit de linformation sest intresse montrer la gense de ces notions de socit de linformation , de socit de la connaissance et de socit du savoir . Des auteurs comme Theodore Roszak (1986), Krishan Kumar (1995), Frank Webster (1995, 2002), Armand Mattelart (2000, 2001), Nicolas Garnham (2000, 2003), Bernard Mige (2000, 2004), notamment, ont montr la composante idologique de ces expressions qui masquent une survalorisation de la technique comme vecteur dinnovation et comme cratrice de lien social, soit une forme de dterminisme technologique. Krishan Kumar (1978) explicitait dj lambigut de lexpression de socit post-industrielle (Bell [1973]; Touraine [1969]) qui est lune des racines historiques du concept de socit de linformation et la situait parmi les nombreuses autres propositions de qualificatif qui virent alors le jour dans le cadre de la futurologie des annes 1960 (Kumar [1978], p. 193).

Certains auteurs ont par ailleurs rappel les contradictions (Pailliart [2002]) ou ambigut de cette socit de la connaissance ou du savoir, qui sintresse si peu aux mditations culturelles et cognitives, valorise si peu les modalits pratiques de lappropriation du savoir et les aides quon peut lui apporter, lacquisition et lintelligibilit des connaissances, la pntration galitaire de la culture (Labasse [2002]).

Enfin, lhistoire de la notion de socit de linformation et de la connaissance mene notamment par A. Mattelart (2000) montre comment cette notion est venue se constituer comme horizon de dpassement du capitalisme et lie au mouvement de lafin des idologies destin couronner leffondrement du communisme, cette notion dinformation ou de connaissance tant donne comme neutre. La socit de linformation apparat de ce point de vue comme le fallacieux horizon neutre dune socit capitaliste qui se dgage de la manifestation de sa dynamique relle, et met en avant un lment de son infrastructure, les techniques de communication, dont lacceptabilit est plus grande que le profit ou la possession, fut-ce fragmente et mouvante, du capital, pour proposer un fictif dpassement du communisme. Lintrt est dport vers la technique, et nvoque ni son but, ni les capitaux qui la soutiennent. Lexpression a donc, secrtement, une dimension politique, lie explicitement lexpansion amricaine dans le monde dans la seconde moiti du XXe sicle. Pour certains auteurs, parmi lesquels Herbert Schiller (1979, 1981), la socit de linformation nest finalement que lautre nom dune domination capitaliste amricaine mondiale.

Le lien de ce que le sociologue amricain et aptre de La Socit en Rseaux (trad. fr. 1998-1999) Manuel Castells prfre appeler l informationnalisme avec le capitalisme, que pointe la critique de N.Garnham (2000), est marqu par lauteur, mais il estime toutefois, et avec lui son prfacier (Touraine [1998]), que la socit informationnelle est une socit sans idologie, ni capitaliste ni technique. Il reconnat cependant le lien profond entre socit informationnelle et capitalisme lorsquil parle dans la conclusion de sa trilogie ( Comprendre ce monde ) de capitalisme informationnel , pour voir dans la socit informationnelle les relations de production [] du capitalisme [] sous une forme nouvelle (Castells [1999] ; p. 403-4) et reconnatre que [] lconomie informationnelle mondialise est capitaliste, et plus capitaliste peut-tre quaucune autre avant elle. (p. 405, nous soulignons). Les techniques de linformation numrise ont en effet, selon lauteur, profondment rajeuni et assoupli (p. 399-400) le capitalisme en acclrant la circulation de linformation. Il reste tonnant quil nassocie pas plus pleinement TIC et capitalisme... Bernard Mige (2004) sinterroge ce sujet sur le fait que M. Castells ne voit pas apparatre une socit no-industrielle, plutt quune socit nouvelle fonde sur linformation. Pour le chercheur en sciences de la communication, en effet, les [] changements technologiques ou informationnels [] contribuent conforter le mode de production dominant (Mige [2004] ; p. 59) plus quils ne rforment la socit. Les dnominations de socit de la connaissance ou du savoir quoi permettrait daccder lconomie de la connaissance relvent donc dune mme idologie (Qui ne dit pas son nom, Mattelart, 2001) ou dun mythe (Fortin [2001]; Gadrey [2000]) que lon peut qualifier de techno-scientifique.

Le programme de la socit de la connaissance et du savoir inscrit donc les connaissances dans un champ de circulation li la productivit : le travail rsiderait dans les connaissances et savoir-faire que possdent les entreprises et leurs salaris. La socit de la connaissance est de facto une socit de la communication : les outils de diffusion et de communication y jouent le rle dlments qui aident la circulation, produisent lchange, activent les flux. Les techniques numriques de diffusion de donnes (TIC) jouent, selon la plupart des auteurs qui sinscrivent dans cette perspective, un rle central, car ils produisent une augmentation et une acclration des changes, et augmentent leur visibilit. La socit de la connaissance apparat donc comme une socit de circulation et de diffusion de la connaissance, pour une part, et une socit dans laquelle la connaissance est juge essentielle. videmment, lexpression contient une part de prophtisme sous-jacent dans lexpression mme, si on sattarde la comprendre mal : progrs techniques (notamment de communication) et scientifiques auraient donn la connaissance la socit, qui la raliserait ainsi dans lpoque. Le lien est donc quasi organique entre les dispositifs techniques matriels et la connaissance, ceux-ci annonant et diffusant celle-l. Le progrs nest plus seulement technique, il est progrs de la communication et de la diffusion du savoir. Un certain messianisme informationnel et cognitif se fait jour : la socit de la connaissance prpare, selon ses acteurs, des jours meilleurs pour lhumanit ; ici, la socit la connaissance dissout, dans la postrit de Saint-Simon, la Rvolution dans la technique. Cest donc une Rvolution (technologique) qui est propose lAfrique, mais une rvolution vide, et, bien entendu, une nouvelle rvolution du capitalisme.

Pourtant, selon la CNUCED, lconomie de la connaissance doit simposer: les conomies africaines devraient tirer profit de la baisse des prix des TIC pour squiper et bnficier des bienfaits de lconomie de la connaissance (Rapport PNUD [2007-2008]). Mais pour que limpact positif des TIC puisse se traduire dans les chiffres de la productivit et soutenir une croissance durable, il est ncessaire de mettre en uvre des transformations complmentaires. Ces complmentarits peuvent tre approches par la qualit institutionnelle dun pays, par son niveau de capital humain ou encore par un environnement favorable la diffusion et la production des TIC. Ce sont ces lments que lon va tenter dapprhender dans le travail empirique de la troisime section de cette recherche.

Lconomie de la connaissance constitue une thmatique de choix pour les institutions internationales puisquelle permet dvacuer les problmes Nord Sud vers des problmatiques microconomiques dusage des technologies de linformation. Cest ainsi que le dernier rapport de la CNUCED dcrit de nombreuses expriences dans lesquelles les TIC permettent damliorer la productivit des activits et douvrir des perspectives de dveloppement. Cette vision optimiste de limpact des TIC nous semble luder de nombreuses questions et conditions qui paraissent essentielles au dveloppement pris comme linstallation dune croissance de long terme accompagne de transformations sociales et politiques substantielles comme la rduction des ingalits qui constitue un des objectifs du Millnium.

Par ailleurs, cette perspective se heurte de plein fouet la perception de lconomie de la connaissance comme gnratrice non pas dgalit mais dun surcrot dingalit induit par un accs ingal la connaissance, qui tend se renforcer et non pas se rduire. En mme temps quelle offre de nouvelles possibilits de diffusion, simultanment, une socit de plus en plus fonde sur la connaissance permet daccrotre les ingalits. Toutefois, ces processus ne sont pas inhrents aux connaissances elles-mmes mais au contexte institutionnel dans lequel elles sinscrivent. La question pertinente pour la relation entre connaissance et dveloppement est donc relative aux contextes institutionnels et politiques. Lessor dune conomie fonde sur la connaissance ne devrait donc pas fondamentalement rebattre les cartes en faveur de plus dopportunit pour les pays en difficults. Ds lors, pourquoi les institutions internationales placent-elles un tel espoir dans les TIC, particulirement pour les pays les moins avancs? Sagit-il ici de sauter une tape dans le processus de dveloppement conomique, afin de passer de la phase ant-industrielle la phase post-industrielle sans devoir passer par la phase dindustrialisation, alors mme que celle-ci est incontournable?2. Le nouveau rgime de croissance de lAfrique Aprs avoir subi prs de vingt annes de dpression, lAfrique a sembl connatre un nouvel lan conomique depuis le dbut des annes 1990. Cette inversion de tendance semble devoir se confirmer pour les annes venir (voir tableau 1). Les lments invoqus pour expliquer cet essor sont lamlioration des conditions climatiques qui ont permis de meilleures rcoltes, laugmentation du prix des matires premires agricoles et non-agricoles. La croissance de lAfrique devrait se maintenir autours de 6 % en moyenne pour les prochaines annes suivant les prvisions de la Banque Mondiale. Mais celles-ci ont t revues la baisse en raison de la longue traine de la crise des subprimes. Tableau 1. Evolution de la croissance et du commerce mondial par rgion200520062007f2008f2009f

Situation mondiale Volume du commerce mondial 7,810,19,27,69,2

Monde Croissance relle du PIB3,43,93,63,33,6

Pays revenu lev2,62,92,62,22,6

Pays en dveloppement6,87,57,47,17,0

Asie de l'Est et Pacifique9,19,710,09,79,6

Chine10,411,111,310,810,5

Europe and Asie Centrale6,16,96,76,15,7

Amrique latine et Carabes4,65,65,14,54,3

Moyen-Orient et Afrique du Nord4,35,04,95,45,3

Asie du Sud8,78,88,47,98,1

Afrique subsaharienne5,85,76,16,45,8

Sources Banque Mondiale

LAfrique est tire par la croissance de lconomie mondiale. Les niveaux atteints par celle-ci sont si levs que la mise lcart du continent africain ne semble plus possible. La mondialisation des changes dont lAfrique avait t partiellement exclue aprs la crise de la dette et lapplication des Politiques dAjustements Structurels apparat comme une priode rvolue. Pour autant, le continent doit encore passer par de nombreuses tapes avant de pouvoir envisager une sortie globale du sous-dveloppement. Ces tapes font lobjet de controverses: lune des questions structurant ce dbat concerne le rle des technologies de linformation et de la communication (TIC) et la possibilit pour les pays qui nont pas connu de relle phase dindustrialisation de passer directement ltape suivant de lconomie de la connaissance. Cette question est cruciale pour lorientation des politiques publiques sur le continent, dautant que si elle profite de la croissance mondiale, la part des exportations africaines en proportion des exportations mondiales reste extrmement faible, nindiquant pas de transformations structurelles du continent mais simplement lexpression dune croissance extensive pousse par la dynamique mondiale sans moteurs internes. Graphique 1. Part des exportations des pays en dveloppement dans les exportations mondiales.

Sources CNUCEDLe graphique ci-dessous montre lvolution du PIB par tte des pays asiatiques et africains calcule sur la base des pays faisant partie du groupe revenu faible et moyen-faible selon les critres de la Banque Mondiale. Dans cette moyenne, on ne retient pas les pays les plus avancs des deux zones comme lAfrique du Sud ou Tawan.Graphique 2. Evolution du dveloppement conomiques des pays revenu faible et moyen-faible en Afrique et en Asie du Sud Est.

Sources: Banque Mondiale Calcul des auteurs

Lvolution du dveloppement relatif des deux rgions mesur par le PIB par tte montre que lAfrique disposait dune avance sur lAsie du Sud Est dans les annes 1960. La rupture intervient dans le sillage de la crise fordienne que rencontre la majorit des pays dvelopps la fin des annes 1960. La demande adresse lAfrique diminue. La crise ptrolire va produire de multiples effets parmi lesquels la ncessit de recycler les ptrodollars. Situation qui va conduire finalement la crise de la dette de nombreux pays de la priphrie et se traduire par la stagnation de lAfrique jusquau dbut des annes 1990. A partir de cette priode, on assiste un assouplissement du paiement de la detteet la croissance mondiale, sous limpulsion des Etats-Unis, redmarre fortement.LAsie du Sud Est part de plus bas mais semble peu concerne par la crise des annes 1970. Peu insre dans lconomie mondiale, elle est toutefois bien insre dans lconomie rgionale, sous la domination du Japon. Le Japon traverse la crise fordienne sans encombre. Ces pays reoivent des IDE importants en provenance du Japon partir desquels ils vont remonter la filire de la valeur et construire un appareil productif qui permettra dans les annes 1990 de produire les composants informatiques qui constituent lchelle mondiale un march trs dynamique. Par ailleurs trois autres lments semblent caractriser le dcollage de cette rgion: un niveau de capital humain important, une transition dmographique prcoce, ainsi que des ingalits peu marques; les indicateurs de Gini sont relativement faibles compars des pays de mme niveau de dveloppement. La cohsion sociale semble donc plus forte. A cet gard, le poids du colonialisme semble avoir moins pes dans cette rgion du globe que dans les pays africains dans lesquels lconomie tait entirement ddie aux besoins de la mtropole.

Enfin la prsence dtats dveloppementalistes qui ont favoris llvation de laccs lducation primaire, mis laccent sur lapprentissage technique plutt que sur les connaissances thoriques et gnraux, semble avoir eu un impact positif. Enfin, la politique industrielle de ces pays, fonde sur la copie et le reengineering, lamlioration partir de la comprhension des processus de fabrications des concurrents, a constitu des piliers de lmergence de ces pays.

Ainsi, lun des aspects pouvant expliquer la divergence dans les trajectoires africaines et asiatiques rside dans la zone dans laquelle ces pays sont insrs. Les pays africains dpendaient dans les annes 1970 beaucoup de la conjoncture occidentale alors que les petites conomies dAsie du Sud Est taient surtout dpendantes du Japon qui a travers la crise fordienne sans difficults. Par ailleurs, les IDE destination des pays dAsie du Sud Est, relevant du secteur secondaire, navaient pas le mme objectif que ceux destins lAfrique, relevant du secteur primaire. Dans le cadre de la doctrine du consensus de Washington, les IDE sont en effet pars de toutes les qualits. Ils peuvent se substituer une pargne intrieure dfaillante et permettent dimportants transferts technologiques. Or ces lments potentiels des IDE ne sont obtenus que sous certaines conditions, qui sont peu prsentes en Afrique actuellement.3. Limpact contradictoire des IDE sur le dveloppement en AfriqueLes IDE constituent une composante importante de linvestissement dans les pays en dveloppement. Cette source de financement est prfre par les institutions internationales pour plusieurs raisons: elle ne dgrade pas la balance des paiements, ces sources externes permettent de pallier partiellement la carence de lpargne interne longue ncessaire linvestissement productif. De plus, ces IDE sont parfois oprs sur des anciens monopoles publics dont la privatisation est cense amliorer le fonctionnement et la productivit tout en rduisant la corruption. Les IDE sont importants car ils constituent un moyen rapide de transfert de connaissances.

3.1. Nature des IDE destination des PVDLes investissements directs doivent tre distingus en fonction de leur nature et du cadre institutionnel dans lequel ils sinscrivent. Il existe deux motivations essentielles aux IDE: la premire consiste se rapprocher de la demande finale, la seconde vise rduire les cots de production en produisant l ou les cots de production sont les plus faibles en raison de labondance des matires premires ou dune main duvre bon march.

Des IDE largement ddis aux activits primaires, extraction ou agriculture, auront peu deffet dentranement sur le reste de lconomie. Au contraire, ils pourraient-tre la source dun accroissement de la corruption ainsi que dun dveloppement du syndrome hollandais peu propice au dveloppement. Par contre, plus les IDE montent dans la chane de la valeur et plus ils sont propices aux pays daccueil. Cependant, comme une majorit dIDE en Afrique sont raliss sur les activits extractives, les retombes pour lensemble de la population sont minces. Par ailleurs, les montants des IDE destination de lAfrique, bien quayant augment ces dernires annes, restent trs faibles dans la part des IDE mondiaux. Enfin ces IDE sont concentrs sur un petit nombre de pays. Lattraction des IDE pour les PVD est difficile car elle ncessite des infrastructures, de la stabilit politique, ainsi quune main duvre qualifie et surtout un large march. Ainsi, les IDE raliss en Afrique portent majoritairement sur le secteur des activits extractives et la recherche de la faiblesse des cots. Les IDE ont cr sensiblement en Afrique. Mais comme dans la plupart des pays, on observe un mouvement mondial daugmentation des IDE, 1500 milliards de dollars en 2007. On peut nanmoins remarquer que lAfrique en est mois exclue que durant les dcennies prcdentes. Ainsi daprs la CNUCED, le continent aurait t rcipiendaire de 36 milliards de dollars soit 2,5 %. Graphique 3. Proportion des IDE entrants par zone gographique dans les PVD

Source CNUCED, calculs des auteurs.

On observe une trs lgre augmentation de la part relative des IDE destination des pays en voie de dveloppement sur la priode 1970-2006. Bien que rduite cette proportion est elle-mme inscrite dans un mouvement haussier en niveau. Par contre, la rpartion des IDE entre les zones en dveloppement a volu de manire significative. Alors que les trois zones ont des niveaux quasiment quivalents durant les annes 1970 plus ou moins 10 %, la part de la zone asiatique a double, celle de lAmrique latine est reste globalement stable tandis que la part de la zone africaine a t nettement rduite. Ces volutions sont identifies par llasticit au temps des quations de tendance linaire, llasticit globale pour les PVD nest pas significativement diffrente de zro avec 0,001, celle des pays asiatique est de 0,003, des pays dAmrique latine est nulle (-0,000), et celle de lAfrique est ngative (-0,001). Toutefois, depuis 2001, un frmissement apparat en faveur de lAfrique qui sinscrit dans un mouvement dIDE favorable aux pays de la priphrie. Cependant, il ne sagit pas de lAfrique dans son ensemble mais essentiellement des pays disposant de ressources ptrolires et mtallifres.

Graphique 4. Concentration des des stock dIDE entrant sur quelques pays en Afrique

Sources CNUCED

Les IDE sont concentrs sur moins dune dizaine de pays: en premier lieu lAfrique du Sud, suivie par le Nigeria, lEgypte, la Tunisie, le Maroc, lAfrique centrale et lAngola.

Laugmentation de la part des IDE destination de lAsie du Sud Est a particip lemergence de la zone. Les facteurs qui ont attir les IDE en Asie semblent diffrents de ceux qui attirent les IDE en Afrique. Les IDE destination des pays asiatiques se font principalement sur des activits industrielles, tandis que ceux destination de lAfrique se concentrent dans les activits extractives. Les effets en termes de retombes technologiques et plus directement de revenus sont nettement rduites de ce dernier compar au premier. Les IDE pris dans un sens gnrique ne peuvent eux seuls tre considrs comme porteurs de dveloppement. Les causes qui les motivent sont extrmement importantes pour valuer limpact positif sur le dveloppement. Il existe des IDE dont lobjectif consiste contourner les droits de douanes dun pays pour se rapprocher dun march, des IDE qui visent rduire leurs cots de production en stablissant l o les cots de production sont les plus faibles... Enfin, un dernier type dIDE concerne ceux dont lobjectif est de sassurer des sources dapprovisionnement en matire premire ou en nergie. Limportance des IDE dans les processus de transferts technologiques parat donc entrer dans lexplication de labsence de dcollage de lAfrique en lien avec lessor des TIC. La cause de labsence dIDE destination de lAfrique reste quant elle dfinir. Dans la section suivante nous procdons par consquent lestimation conomtrique des dterminants des IDE partir de la base profils institutionnels (Minefi [2006]) pour les indicateurs institutionnels, coupls des indicateurs macroconomiques et de connaissance produits par la Banque Mondiale (2007).

3.2. Dterminants des IDELobjectif de cette section consiste tablir un modle gnral dattraction des IDE afin dune part de vrifier si en dehors de variables de contrle macroconomiques telles que le niveau du PIB, des variables institutionnelles ou de connaissance peuvent tre retenues, et dautre part vrifier si le modle sapplique correctement sur le sous-groupe des pays africains. On va tenter de tester si les dterminants des IDE en Afrique sont les mmes quailleurs ou si, comme on peut le supposer, ils possdent des caractristiques diffrentes fondes sur la nature de ces IDE.

Pour tenir compte de la qualit des institutions, nous allons utiliser la base profils institutionnels qui est compose dune centaine de variables agrges reprsentant 85 pays travers le monde sur lensemble des continents. Afin de concentrer linformation contenue dans la base, nous allons procder une agrgation de variables partir de leur fonction en suivant la dmarche dcrite par les auteurs de la base (N. Meisel et J. Ould Aoudia [2007]). Neuf variables agrges sont retenues: institutions politiques (A1), scurit et ordre public (A2), fonctionnement de ladministration (A3), libert de fonctionnement des marchs (A4), coordination des acteurs et anticipations (A5), scurit des transactions et des contrats (A6), rgulation des marchs et gouvernance dentreprise (A7), ouverture sur lextrieur (A8), cohsion et mobilit sociales (A9). Ltude de la matrice des corrlations des variables indique de fortes corrlations entre les variables. Pour cette raison, nous allons produire une analyse en composantes principales qui nous permettra ensuite de raliser un indicateur institutionnel synthtique partir du score de lACP. Tableau 2. Matrice de corrlation des variables institutionnelles agrgesA1A2A3A4A5A6A7A8

A233%

A358%49%

A445%19%47%

A550%41%86%34%

A667%42%85%42%84%

A768%39%84%44%83%98%

A833%5%49%51%45%45%47%

A942%54%66%30%53%63%61%16%

Sources Profils institutionnels Minefi. Calculs des auteursLa corrlation entre les variables institutionnelles semble logique. Les institutions dun pays sont largement dpendantes les unes des autres en raison de phnomnes de complmentarit institutionnelle. Le problme relve de questions techniques. Ces liaisons produisent des biais dans lanalyse conomtrique en raison de phnomne de multicolinarit. Cest pourquoi il nest pas possible de produire des rgressions partir des variables directes. Au-del des aspects techniques, la question thorique de la complmentarit des institutions soulve un problme relatif aux questions de dveloppement. La complmentarit est lexpression dune forme de cohrence institutionnelle, or cette cohrence gnre de linertie institutionnelle. Comment amliorer une institution sans les modifier toutes afin de produire une nouvelle cohrence densemble? Le principe de ltat comme monopole focal de gouvernance constitue une piste pour comprendre la possibilit dvolution des institutions et dmergence conomique, comme on le verra par la suite. Tableau 3. Analyse des composantes principales

VariablesAxis_1Axis_2

-Corr.% (Tot. %)Corr.% (Tot. %)

A10,728153 % (53 %)-0,07821 % (54 %)

A20,537329 % (29 %)0,584534 % (63 %)

A30,928286 % (86 %)0,040 % (86 %)

A40,565932 % (32 %)-0,484924 % (56 %)

A50,870276 % (76 %)0,03120 % (76 %)

A60,94289 % (89 %)0,02510 % (89 %)

A70,937988 % (88 %)-0,01120 % (88 %)

A80,54630 % (30 %)-0,665144 % (74 %)

A90,714651 % (51 %)0,424118 % (69 %)

Var. Expl.5,333659 % (59 %)1,208413 % (73 %)

Sources Profils institutionnels Minefi. Calculs des auteurs

Compte tenu de la faible corrlation des variables, nous nallons retenir que le premier axe. Dans le premier axe, seules les variables dpassant un seuil de 66 % de corrlation avec laxe seront retenues pour calculer le score qui servira de variable synthtique de la qualit des institutions. Laxe 1 est caractris par des institutions qui permettent un bon droulement de lactivit conomie. Cette dernire devant sexercer dans un cadre institutionnel cohrent o le rle de ltat comme garant de leur fonctionnement est essentiel. J. Ould Aoudia (2007) emploie lexpression monopole focal de gouvernance pour expliquer lmergence de la Chine, de la Core du Sud ou encore de la France dans les annes 1960 partir dun tat qui a t en mesure dorganiser le passage dune socit o les rapports dchanges sont des rapports de proximit personnels une socit complexe dans laquelle les changes sont dpersonnaliss, raliss sur la base de rgles formelles qui pour tre efficaces doivent tre respectes. Ce respect sobtient travers la formation de la confiance des agents qui dcoule elle-mme de lquit de la rpartition des gains entre les agents conomiques. Lamlioration du fonctionnement de lconomie doit profiter au plus grand nombre, sans quoi le mcontentement des perdants peut tre instrumentalis par un groupe politique visant des intrts particuliers contraires au dveloppement dun processus cumulatif vertueux. Si les illustrations historiques de ces principes ne manquent pas, cette thorie pose problme car elle vacue le problme du dveloppement conomique sur une problmatique qui relve des sciences politiques. Prcisment, quelle condition un tat se trouve en mesure dtablir des rgles qui sapprochent de lidal hglien de ltat arbitre, alors que ltat est constitu par un bloc politique dominant aux intrts spcifiques? Un lment de rponse peut tre tabli en relation avec les conditions conomiques, politiques, sociales et culturelles dans lesquels un pays se trouve imbriqu (Systme sociaux nationaux dinnovation et de production, B. Amable [2000]). Dans ce cas, comme on la indiqu prcdemment, les pays africains dont les structures sociales et politiques sont largement hrites de lre coloniale partent avec un handicap dans la capacit raliser lEtat comme monopole focal de gouvernance. Graphique 5. Projection des pays sur les deux premires composantes principales

Sources profils institutionnels MINEFI. Calculs des auteursComme lindique le graphique, les pays africains, en dehors de lAfrique du Sud, se trouvent tous sur la gauche du plan, cest--dire avec une abscisse ngative. Celle-ci indique la faiblesse de la qualit des institutions du pays. On retrouve les pays les plus dvelopps lextrme Est du plan (Irlande, Sude) et les moins dvelopps lextrme Ouest (Tchad, Ymen). Ce graphique semble indiquer une relation entre le dveloppement conomique et le dveloppement institutionnel. Le second axe, plus faible, et les signes des variables ne vont pas tous dans le mme sens, ce qui produit comme effet que les Etats-Unis se trouvent quasiment au mme niveau que le Pakistan ou lOuganda. Il parat discutable dinterprter de manire gnrale ce second axe que lon ne retient pas dans la dfinition de lindicateur synthtique des institutions. 3.3. Vrification empirique des dterminants des IDE

Les IDE napportent pas ncessairement que des bienfaits, ils peuvent conduire exploiter les richesses naturelles dun pays sans produire de retombes positives sur le reste de la population. Les IDE peuvent dstabiliser le systme productif interne (M. Camara [2003]). Les IDE ne sont pas tous greenfield, ils peuvent galement peuvent tre constitus par des prises de participations qui ne gnrent pas ncessairement de gains de productivit. En effet, les prises de participations ne saccompagnent pas systmatiquement de la mise en uvre de nouveaux investissements ou dune modification importante de lorganisation de la production (18 milliards sur 36 relves de prise de participation et pas dinvestissement). La qualit de la gouvernance et des institutions nest pas ncessairement un frein aux IDE quand ceux-ci visent des matires premires et autres actifs stratgiques. En revanche, les IDE supposent la garantie des droits de proprit sans forcment importer la dmocratie. Les IDE peuvent accrotre linvestissement et le PIB mais pas ncessairement le dveloppement. Les IDE peuvent tre lorigine dune dsarticulation du systme productif qui les reoit comme la dcrit de longue date C. Furtado (1966). Les IDE, en se concentrant sur certains secteurs, produisent une sparation entre le secteur moderne tourn vers les exportations et le reste de lconomie qui reste mal dveloppe et dont le dveloppement est contrari par le secteur dominant, tourn vers lextrieur. Ces situations sont trs fortement prsentes en Afrique subsaharienne et les troubles davril 2008 lis la monte des prix des denres alimentaires en sont la preuve. Le dveloppement exclusivement fond sur lextraversion du secteur primaire (extraction et agriculture) place les pays dans une grande dpendance aux volutions de lconomie mondiale. Ces conomies sont caractrises par une grande volatilit macroconomique, gnre par des politiques procycliques elles-mmes induites par les contraintes de lextraversion et de limpratif tabli par les Institutions de Bretton-Wood de rembourser la dette. Ainsi, les conomies africaines sont caractrises par une forte instabilit conomique, politique, institutionnelle et naturelle qui bloque le processus de dveloppement. Graphique 6. Relation entre les IDE entrants et le PIB par tte

Sources Banque Mondiale et CNUCED. Calculs des auteursLa relation positive attendue entre le stock dIDE et le niveau du PIB par tte fait rfrence une des fonctions traditionnelles des IDE de se rapprocher de la demande finale. On peut se rendre compte que, pour un pays tel que le Nigria, cette relation est peu probante; il en va de mme pour lInde, la Chine. Dans ces cas prcis, les IDE rpondent des logiques diffrentes. Dans le cas du Nigria, ils visent capter une ressource stratgique (ptrole, minerais). Dans le cas de lInde et de la Chine, cette localisation pour objet la rduction des cots de la main duvre. A loppos on trouve le Gabon, la Malaisie ou encore la Norvge et le Japon. Pour le Gabon et la Norvge, qui sont producteurs de ptrole, on peut supposer que lpargne interne suffit amplement aux besoins de financement de laccumulation. Pour le Japon et la Malaisie, cette situation semble devoir sexpliquer par une forme dostracisme lgard des investisseurs trangers. Globalement, la relation sur lensemble des pays entre le logarithme du stock des IDE entrants et le logarithme du PIB par tte semble peu probante (lasticit=0,19 et R=0,4) elle seule pour comprendre les logiques qui guident le choix de localisation des IDE. Ceci tient la fois la diversit des pays et labsence de prise en compte dautres motivations des IDE comme la qualit du cadre institutionnel, ou lenvironnement technologique.Graphique 7. Relation le stock dIDE entrant et de degr de connaissance

Sources Banque Mondiale et CNUCED. Calculs des auteursGraphique 8. Relation entre le Pib par tte et lindicateur de connaissance

Sources Banque Mondiale et CNUCED. Calculs des auteursNous tentons dexpliquer les stocks dIDE par le niveau PIB ou du PIB par tte ainsi que les variables institutionnelles et de connaissance. Cette dernire est emprunte la Banque mondiale. Tableau 4. Relation entre le stock dIDE entrant, lenvironnement macroconomique, institutionnel et du de degr de connaissance

Log(IDE)1Log(IDE)2Log(IDE)3Log(IDE)4Log(IDE)5Log(IDE)6Log(IDE)7Log(IDE)8

Log(PIBT)0,001

(0,00)1,91***

(5,24)0,022,05***

(7,21)---

Log(PIB)----0,98***

(5,22)1,072***

(5,64)1,61***(7,88)1,79***(8,96)

Indicateur des institutions-0,68

(-3,02)0,13

(0,57)---0,47**(-2,43)-0,48***(2,75)-

Indicateur de la connaissance0,82***

(6,35)-0,62***(5,3)-0,57***

(6,28)0,41***--

Constante5,83

(5,6)3,44***

(2,81)6,79***(6,45)3,01***

(3,14)-3,26*

(-1,8)-3,57*

(1,91)-7,35***(-3,37)-9,34***(-4,36)

R0,610,400,560,400,720,690,550,50

Sources Banque Mondiale et CNUCED. Calculs des auteurs.Le modle thorique devrait la fois tenir compte du PIB par tte ou en niveau, ainsi que des variables de qualits des institutions et de connaissances. Mais il existe galement un problme de colinarit entre les variables, comme le montre la matrice des corrlations ci-dessous. Le PIB par tte est corrl la qualit des institutions (61%), ainsi quau niveau de connaissances (84%). Le PIB en niveau est corrl au niveau de connaissance (58 %) et enfin les connaissances et les institutions ont une liaison forte de 74 %. Dans ces conditions de multicolinarit, il est trs difficile dobtenir une relation conomtrique fiable, ce qui explique les signes aberrants obtenus ci-dessus. Nanmoins, il apparat clairement que les institutions, le niveau du PIB plus que celui du PIB par tte et le niveau de connaissance participe lattractivit des IDE. Or comme ces variables sont fortement corrles, les IDE se trouvent logiquement attirs des pays les plus riches et les plus dvelopps vers les pays les plus riches et les plus dvelopps en tendant renforcer la marginalisation des pays de la priphrie. Les seuls lments venant lencontre de ces concentrations des IDE sont relatifs aux cots du travail et la datation en capital humain lorigine de la nouvelle division internationale du travail qui tient compte de lmergence des pays dAsie du Sud Est ainsi qu ceux de lAmrique du Sud. Tableau 5. Matrice de corrlation entre les variables de dtermination des IDEIDEPib par ttePib en niveauIndicateur institutionnel

Pib par tte0,63 %

Pib en niveau0,73 %0,74 %

Indicateur institutionnel0,41 %0,61 %0,32 %

Indicateur de connaissance0,75 %0,84 %0,58 %0,74 %

Sources Banque Mondiale et CNUCED. Calculs des auteurs.Les IDE ont galement pour objectif daller chercher la connaissance l o elle se trouve, en rachetant des entreprises existantes dans un environnement technique, industriel, o de recherche favorable. Ce type dIDE a un impact important sur la question de la diffusion des connaissances car il peut dans certaines circonstances participer la concentration des connaissances ou au contraire favoriser un mouvement de diffusion. KEI = - 4,33 + 0,149*Log(PIBT) + 0,87*SCORE +0,43*log(IDE) R=0,86

(-5,82) (6,01) (6,29) (6,35)

Lindicateur de connaissance tablie par la Banque Mondiale est bien expliqu par le PIB par tte (1,49; (6,01), la qualit des institutions (0,87; 6,29) et dans une moindre mesure par les IDE entrants (0,43; 6,35). Le sens de la causalit ne peut tre test par les donnes puisquon ne dispose que dune anne. Mais on peut nanmoins mettre lide que le niveau de connaissance est nettement li au niveau du dveloppement conomique ainsi qu la qualit des institutions. Si lon privilgie ce sens de la causalit, des politiques qui viseraient accrotre la qualit de lenvironnement en termes de connaissance risqueraient de conduire une impasse. Les individus pour lesquels on aurait financ des tudes longues auraient des difficults pour trouver des activits qui soient en rapport avec leur niveau de qualification. Ce processus de dqualification est prsent dans de nombreux pays de la priphrie. Cette situation pourrait inciter les qualifis sexpatrier. LInde a cet gard semble constituer une exception, mais, en raison de sa taille, de la langue anglaise et de ladquation de ses formations la demande mondiale, un processus cumulatif semble pouvoir se mettre en uvre qui parat toutefois difficilement exportable dans de petit pays africains en raison de labsence dune taille critique ncessaire la sortie de la trappe pauvret. Pour tenter une premire vrification empirique de cette assertion on produit une rgression entre le Pib par tte et lindicateur de connaissance en fonction du degr de dveloppement conomique. On divise notre chantillon en trois groupes: faible dveloppement, dveloppement intermdiaire et dveloppement lev. On tente ainsi de vrifier que la relation entre connaissances est dautant plus significative et leve que les pays se trouve la frontire technologique. Ce qui correspond lintuition des modles de croissance endogne. La connaissance produit des rendements croissants.

Les rsultats obtenus indiquent tous une relation positive entre lindicateur de connaissance et le niveau de dveloppement conomique mais la relation comme attendue est dautant forte que les pays ont un niveau de dveloppement conomique important. Ainsi llasticit entre la connaissance et lindicateur de dveloppement est quasiment unitaire pour les pays les plus dvelopps (0,95), contre (0,25) pour les pays intermdiaires et seulement (0,15) pour les pays les moins dvelopps. Le degr dexplication de la relation est galement en liaison avec le niveau de dveloppement: 0.44, 0.20 et 0.13.Liaison entre le niveau de dveloppement conomique et la connaissance

Pays dveloppsPays intermdiairesPays moins dvelopps

Constante2,29***

(4,92)2,84***2,44***

(32,27)

Log(KEI)0,95***

(4,31)0,29**0,15*

(1,96)

R0,440,200,13

Calculs des auteurs. ***,**,*: significatif moins de 1 %, 5% et 10% Par consquent, linvestissement dans les TIC est nettement plus profitable pour les pays les plus dvelopps que pour les autres pays, si bien que les TIC risquent de produire plus de divergence que de convergence. Finalement les cots dopportunit pour les pays les moins dvelopps investir dans les TIC ne semblent pas en rapport avec le niveau de rentabilit escompt. Dautres investissements qui touchent aux infrastructures de base comme laccs leau potable et lassainissement paraissent plus urgents que des investissements pour laccs lInternet au dbit (Rapport du PNUD [2006]).

ConclusionLconomie de la connaissance, envisage comme la mobilisation massive de connaissances et dinstruments de communication pour assurer une production idelle et matrielle, ncessite un cadre conomique, institutionnel et un environnement intellectuel et technologique important. Ainsi pour bnficier des TIC, il est ncessaire davoir ralis une accumulation de capital physique et humain pralable. Ce seuil de dveloppement ne parat pas avoir t atteint pour les pays subsahariens. Par consquent, au lieu dtre un facteur de convergence, lconomie de la connaissance risque daccrotre le foss Nord Sud.

Comme nous nous sommes efforcs de le montrer, la vision du dveloppement induite par lconomie de la connaissance survalorise les aspects cognitifs aux dpends des aspects institutionnels, politiques et conomiques. Lmergence des Dragons et des Tigres asiatiques na pas t construite uniquement sur des aspects cognitifs. Les pays mergents dAsie du Sud Est ont rencontr un ensemble de facteurs favorables qui ont permis leur dcollage. Ces facteurs ne sont pas tous, ni exclusivement, lis des facteurs propres lconomie de la connaissance comme le capital humain ou les comptences techniques. Des facteurs sociaux, politiques et historiques ont particip aux processus dmergence, si bien quil semble difficile de reproduire le schma ailleurs... Aussi les espoirs placs par les institutions internationales dans la transposition des expriences du Sud Est asiatique vers dautres rgions du monde et en particulier lAfrique nous paraissent largement infonds. Au contraire, les carts dans les dotations initiales de facteurs technologiques et de connaissances dans une conomie avec rendements croissants devraient conduire des processus divergents qui se situent loppos des processus de diffusion et de convergence stipuls par la CNUCED ou la Banque Mondiale.

Laccroissement de la croissance et plus rcemment des IDE destination de lAfrique a permis de nourrir lide que les pays du continent noir pourraient devenir les prochains pays mergents grce la diffusion des bienfaits de lconomie de la connaissance gnrs par les IDE et les phnomnes de transferts technologiques. Toutefois, les IDE raliss sur ce continent sont largement orients vers le secteur de lextraction minire, ptrolire, mtallifre. Ce type dinvestissements produit peu deffet dentranement sur le reste de lconomie et aurait au contraire tendance renforcer le syndrome hollandais, accompagn dun surcrot de corruption. Ainsi lespoir suscit par laccroissement des IDE destination de lAfrique doit-il tre relativis. Ces IDE ne sont gures porteurs de transfert technologique. Au contraire, ils pourraient participer au renforcement dune spcialisation appauvrissante de lAfrique. Le processus dmergence asiatique, loin de profiter au dveloppement de lAfrique, pourrait au contraire conduire un enclavement plus grand encore.

Rfrences bibliographiquesAmable, B. (2001), Les systemes dinnovation, P. Mustar, H. Penan (dir.), Encyclopdie de linnovation, Paris, Economica, http://www.jourdan.ens.fr/~amable/LES%20SYSTEMES%20D'INNOVATION.pdf Ayoko Dosseh, S. (2008): La contribution des IDE la croissance et au dveloppement du continent africain est-elle fonde? http://www.ananzie.net/Les-IDE-investissements-directs-a

Azas, C., Corsani, A., Dieuaide, P. (dir.) (2001), Vers un capitalisme cognitif, entre mutations du travail et territoires, Paris, LHarmattan.

Banque Mondiale (2007), Knwolege for developpement,

http://info.worldbank.org/etools/kam2/KAM_page5.asp

Bell, D. (1973), The Coming of Post-Industrial Society, A Venture of Social Forecasting, New-York (usa), Basic Books.

Bouchet, H. (2004), LActe productif dans la socit des savoirs et de limmatriel, rapport prsent au nom de la section des activits productives de la recherche et de la technologie, Conseil conomique et social, mandature 1999-2004, 2004.

Braudel, F. (1985), La Dynamique du Capitalisme, Paris, Arthaud.

Camara, M., (2003) Des liens entre IDE et Ingalits internes dans les PEC: une revue de litterature. Working paper CEPNn2003-3. http://www.univ-paris13.fr/CEPN/wp2003_01.pdf Castells, M. (1999), Fin de millnaire, Lre de linformation, tome iii, trad. Jean-Pierre Bardos, Paris, Fayard, 1999.

Castells, M. (1999), Le Pouvoir de lidentit, Lre de linformation, tome ii, trad. Paul Chemla, Paris, Fayard.

Castells, M. (1998), La Socit en rseaux, Lre de linformation, tome i, trad. Philippe Delamare, Paris, Fayard.

Cnuced (2007-2008) Science and technology for development: the new paradigm of ICT, http://www.unctad.org/en/docs/sdteecb20071_en.pdf Commission europenne (1997), Construire la socit europenne de linformation pour tous, rapport final du groupe dexperts de haut niveau, Emploi & affaires sociales, Publications officielles des communauts europennes.

Curien, N., Muet, P.-A. (2004), La Socit de linformation, rapport au Conseil danalyse conomique, Paris, La Documentation franaise.Delapierre, M., Moati, P., Mouhoud, M. El (2000), Connaissance et Mondialisation, Paris, Economica.Emmanuel, A. (1969), Lchange ingal, Essais sur les antagonismes dans les rapports conomiques internationaux, Maspero, Paris.

Foray, D., David, P.A. (2002), Une introduction lconomie et la socit du savoir, Revue internationale des sciences sociales (RISS), n171, mars 2002, La Socit du savoir, Paris, Unesco, p.13-28.Foray, D. (2000), Lconomie de la connaissance, Paris, La Dcouverte.

Fortin, P. (2002), Gouvernance et socit de linformation: introduction lanalyse critique des nouvelles modalits de prise de dcision dans le domaine de laction publique, thse de doctorat en sciences de linformation et de la communication, dir. Rmy Rieffel, universit Paris 2, 2002, 323 p.

Furtado, C. (1966), Dveloppement et sous-dveloppement, Paris, Maisonneuve et Larose, 2002. Gadrey, J. (2000), Nouvelle conomie, nouveau mythe ?, Paris, Flammarion.

Garnham, Nicolas (2003), The Information Society : Myth or Reality ? , Mige, B., Tremblay, G. (dir.), 2001 Bogues, Globalisme et pluralisme, vol. I, Tic et Socit, Laval (Qubec), Les Presses de luniversit Laval, p. 53-61.

Gurgand, X. (2004) Quel est limpact des politiques ducatives ? Les apports de la recherche, Commission du dbat national sur laventure de lcole, avril.

Hirschman, O.A. (1958), The Strategy of Economic Development, Yale University Press.Hugon, P. (2005), La scolarisation et lducation : facteurs de croissance ou catalyseurs du dveloppement ? in Mondes en Dveloppement , vol.33-2005/4-n132

Hugon, P. (2002), Nouveaux dfis conomiques et financiers en Afrique subsaharienne, Revue internationale et stratgique, 2002/2 - n 46, p.107-118.

Kumar, K. (1995), From Post-Industrial to Post-Modern Society: New Theories of the Contemporary World, Oxford, Blackwell.

Kumar, K. (1978), Prophety and Progress: The Sociology of Industrial and Post-Industrial Society, London, Allen Lane.

Krugman, P. (1997), What ever happened to the Asian Miracle ?, Fortune, 18.08, 1997, http://web.mit.edu/krugman/www/perspire.htm.Labasse, B. (2002), Une Dynamique de linsignifiance, les mdias, les citoyens et la chose publique dans la socit de linformation , Villeurbanne, Presses de lEnssib, Collection Rfrence .Laffite, P., (dir.) (1997), La France et la socit de linformation, rapport n213 (335) de loffice parlementaire dvaluation des choix scientifiques et techniques, Paris, Rpublique franaise, Snat.

Machlup, F. (1984), Lconomie de la connaissance, Rseaux, n58, Linformation scientifique et technique, Paris, Cnet, mars-avril 1993.

Machlup, F. (1980-1984), Knowledge: Its Creation, Distribution, and Economic Significance, vol. i, Knowledgeand KnowledgeProduction (1980); vol. ii, The Branches of Learning (1982); vol. iii, The Economics of Information and Human Capital, Princeton (usa), Princeton University Press, 1984.

Machlup, F. (1962), The Production and Distribution of Knowledge in the United States, Princeton (usa), Princeton University Press.

McKinnon, R.I. (1973) Money and Capital in Economic Development Washington D.C., The Brookings Institution.

Mattelart, A. (2001), Histoire de la socit de linformation, Paris, La Dcouverte, Repres .

Mattelart, A. (2000), La communication et la promesse de rdemption, Quaderni, n40, hiver 1999-2000, p.69-78.

Meisel, N., Ould Aoudia, J. (2007) La Bonne Gouvernance est-elle une Bonne Stratgie de Dveloppement ? http://www.cepii.fr/institutions/11_2007.pdf, Cahiers de la DGTPE, n2007/11 nov. 2007.Mige, B. (2004), LInformation-communication, objet de connaissance, Bruxelles, de Boeck-Ina.

Moulier Boutang, Y. (2008), Le capitalisme cognitif, la nouvelle grande transformation, Paris, ditions Amsterdam.Myrdal, G. (1957), Economic Theory and Under-Developed Regions, London, Duckworth repris dans Rich Lands and Poor: The Road to World prosperity, New York, Harper, 1958; trad. fr. Thorie conomique et pays sous-dvelopps, Prsence africaine, 1959.

North, D.C. (1990), Institutions, institutional change and economic performance, Cambridge University Press, 1990.

Pailliart, I. (2002), La socit de linformation : une socit de contradictions ? , Revue europenne des sciences sociales, Cahiers Vilfredo Pareto, Genve, Droz, XL/123, 2002, La Socit de lInformation, tat des lieux, p.55-64.

Perroux, F. (1949). L'effet de domination et les relations conomiques, conomie applique, XL (2), p.271-290.Porat, Marc (1977), The Information Economy: Definition and Measurement, Washington dc, ministre du Commerce, bureau des tlcommunications, publication 77-12 (1).

Reich, R. (1991), The Work of Nations: Preparing Ourselves for 21st Century Capitalism, New York, Vintage.Roszak, T. (1986), The Cult of Information: The Folklore of Computers and the True Art of Thinking, Cambridge, Lutterworth.

Schiller, H. I. (1981), Who Knows: Information in the Age of the Fortune 500, Norwood (usa), Ablex.

Schiller, H. I. (1979), La communication suit le capital, sans nom de traducteur, Unesco, Commission internationale dtude des problmes de la communication, 47, s.l. [Paris], Unesco, s.d. [1979?], 14 p. ronotypes.Shaw, E. (1973). Financial Deepening in Economic Development, New York, Oxford University Press.

Touraine, A. (1998), Prface, in Castells, Manuel, La Socit en rseaux, Lre de linformation, tome i, trad. Philippe Delamare, Paris, Fayard.

Touraine, A. (1969), La Socit postindustrielle: naissance dune socit, Paris, Le Seuil.

Watkins, K (2006) Sous la direction de, Au-del de la pnurie : pouvoir, pauvret et crise mondiale de l'eau Rapport du PNUD http://hdr.undp.org/en/reports/global/hdr2006/ Webster, F. (2002), Theories of the Information Society (1995), London, New York, Routledge, 2e dition.

Williamson, J. (1993), Democracy and the 'Washington Consensus, World Development, 21(8), p.1329-1336.20