27580679 Le Pole Cash Sidi Ahmed Tijani

  • Upload
    benyeah

  • View
    169

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

La Tijania: Voie Spirituelle et SocialeI-Introduction Le Soufisme, mouvement idal et transcendant, dans ses comportements dsintresss et purs, a t fauss par de pseudo- soufis qui ont notamment dvi des traditions salafies. Certes, le Soufisme mohammadien est le compendium des traditions authentiques sublimes, qui tendent crer, dans le comportement d'un vrai croyant, un quilibre humainement rationnel. C'est dans l'ambiance luminescente et irradiante des compagnons du Prophte, que les curs ont t revivifis ; cela a dur trois sicles. Passs les stades d'illumination spontane, les croyants qui recherchaient la transcendance et l'approche d'Allah, s'armaient de litanies dont le pluralisme se cristallisera, ds le IVme sicle de l'hgire, en " wirds " et " wadhifas ". Certaines excentricits apocryphes commencrent travestir la pense soufie salafie ; ce qui amena certains cheikhs, parmi lesquels le clbre Al Jond, proclamer que le vrai soufisme a pour fondement la double source de la Charia : le Coran et la Sounna. Les matres de la gnose sentirent une vive rpugnance pour les dviances qui risquaient de sombrer dans l'hrsie. D'autres cheikhs, attachs au salafisme, se proclamrent, alors, mohammadiens, sans nulle attache avec les congrgations qui commenaient se multiplier, dans un certain dsarroi et une fcheuse confusion. On peut se demander, alors, quel est le rle des confrries religieuses ? Le grand leader arabe, l'Emir Chakb Arsaln s'est pos, dans son ouvrage (Le Monde Musulman contemporain) cette question que tout un chacun se pose, d'une manire ou d'une autre. Il essaya d'y rpondre objectivement, en analysant le rle catalyseur des Confrries Tijanies, qdirites et Sanoussies, en Afrique, aprs avoir test sur le terrain, l'apport bnfique de ces groupements soufis. Se rfrant l'uvre de G. Bonnet Maury, (l'Islamisme et le Christianisme en Afrique), l'mir affirme : "l'Afrique aurait t entirement islamise, sans ce coup port par la France l'influence de la Confrrie Tijanie ; le fait est comparable l'lan d'islamisation de l'Europe, arrt Poitiers, par Charles Martel. "(1) L'minent rudit Mohammed Jabir, Cheikh de l'Universit Al Azhar au Caire, souligne dans son commentaire de l'ouvrage de Ghazali " el Mounqidh mina Ad-dall ", (d.Beirout, p.p.52) que " sans la Tariqa Tijania, en Afrique du Nord, le colonialisme franais aurait dchiquet les dogmes de l'Islam dans ces pays ; de mme que les Ordres Idrissi Tripoli et Khatmia au Soudan ; la protection de ces confrries par les gouvernements islamiques s'avre comme sauvegarde du credo de la masse musulmane menace par les intrigues du colonialisme et les missions chrtiennes ". L'adepte Tijani africain reoit, certes, de son moqaddem, un chapelet, symbole d'une double lutte, contre, d'une part, les mauvais penchants de l'me corrompue et, d'autre part, contre l'occupation de l'Afrique par la France et ses acolytes. Ces deux leit-motiv faisaient de l'initi un combattant en qute d'une saine et sereine libert,

qui lui permet de mener un train de vie idal sur le double plan spirituel et somatopsychique. " Le culte des saints ", notion chrtienne introduite par certains orientalistes occidentaux, est une fausse appellation, car le vrai Saint ,quel que soit le degr qu'il puisse atteindre, dans la voie hirarchique, demeure le serviteur d'Allah. Le Coran a dfini les limites d'accs Dieu, consistant exclusivement L'adorer Seul, viter toute mdiation comportant un signe divin de prminence. La condition sine qua non de toute mdiation lgitime, est la conviction que le mdiateur n'est qu'un serviteur d'Allah, ayant un grade initiatique suprieur. " Je suis prs de Mon serviteur proclame notre Seigneur dans le Coran - , il doit s'aligner Mes commandements, pour tre agr , " O vous qui avez cru ! Craignez pieusement Dieu, recherchez tout moyen qui vous donne accs Lui " (Sourate 5, verset 35). Ce moyen rside, notamment, dans la pit et la puret, mais, d'aprs maints hadiths, Dieu permet certains de Ses Elus, d'intercder pour leurs tribus ou leurs proches ; mais, cette intercession ne doit nullement aboutir un quelconque " culte des saints " qui en sont investis. Ils demeurent serviteurs d'Allah, comme le reste des Croyants. Les adeptes d'une confrrie risquent de sombrer dans un culte mcrant , s'ils voient, dans leurs matres et initiateurs, autre chose que de simples serviteurs lus par leur Seigneur. Le Cheikh Sidi Ahmed Tijani exige de son adepte, de ne voir en lui qu'un guide et servile orientateur. Il taxe de mcrance tous ceux qui viennent se prosterner devant son tombeau o y immolent , en sacrifice, des ovins ou bovins , acte considr comme un des " manasiks ", actes cultuels affairant au Hajj (Plerinage). Le Saint ne peut jamais tre dispens des prescriptions coraniques, s'il atteint un certain stade de transcendance sublime ; les Prophtes et Messagers de Dieu, euxmmes, n'ont pu que transcender dans l'approche vassale d'Allah, dans leur ascension vers la Prsence divine. Quand bien mme l'intellect de l'lu en arrive reflter, comme un miroir transparent, les Lumires du Divin, il doit continuer se soumettre aux obligations religieuses : Sidna Mohammed, Sceau des Prophtes, a donn , en l'occurrence, le meilleur exemple de vassalit Dieu. L'observance des prescriptions positives de la loi divine, la pratique des actes cultuels, faciliteront au croyant accompli, la mise en relation avec le Corps du Ciel, la captation de l'influx des sphres clestes et l'intensification de la sympathie qui relie le microcosme au macrocosme. C'est l le secret de cette sublime accession, toujours de plus en plus transcendante , vers le Forum de la Prsence, ascension qui actue les mondes, travers l'impact cosmique des Noms divins , dont s'inspirent tous les Elus. 1)L'Islam dans l'Afrique occidentale par A. Le Chtelier (p.p.189) AN MAADI An Maadi (1) est l'oasis choisie par le quatrime grand pre du Cheikh Tijani, Mokhtar, originaire des Tribus de Abda qui avait migr, moins d'un sicle auparavant, fuyant le ravisseur portugais. Cet minent Chrif, n'avait fait que se dplacer, en fait, d'une rgion marocaine, une autre, car An Maadi, chef-lieu de la

tribu Tijanie, faisait partie du Sahara Oriental, dpendant , alors, du Maroc Sidi el Mokhtar s'intgra, alors, par alliance, au sein du groupement tribal des Tijanis. Sidi Ahmed est n An Maadi, en l'an 1150 de l'hgire. Maints pomes furent composs, pour commmorer cette naissance.Son pre, Sidi Mhammed Ben el Mokhtar Ben Ahmed Ben Mhammed Ben Salem , tait d'une vaste rudition. Sa mre est la fille de Mohammed Ben Sanoussi. Les deux furent atteints de la peste et moururent le mme jour, en 1166 h ; les membres de cette noble famille furent , pour la plupart, d'minents polyvalents, notamment dans les sciences islamiques. Son neveu maternel Abdellah el Maadwy , rput par ses connaissances gnrales, principalement dans les sciences mathmatiques, fut, comme les autres, un grand soufi. Le jeune Ahmed, eut l'heur de vivre, toute la fleur de son ge, dans l'ambiance saharienne de ce groupe harmonieux, lev dans le cadre d'un pur sounnisme. Ds son premier " septain ", il apprit tout le Coran par cur, les recueils didactiques, pour devenir, ds la fin de sa deuxime dcennie, un grand Alem, juriste et homme de lettres ; les gens affluaient, de toutes parts, pour le consulter et profiter de sa double culture, la fois exotrique et esotrique. Il se maria, du vivant de ses parents, avant d'atteindre la seizime anne de sa vie fructueuse. Mais, explorateur dynamique, en qute des grands rudits de l'poque, il ne put garder sa premire pouse, de crainte de la dlaisser seule, lors de ses longues prgrinationsIl pousa ,alors, deux de ses servantes, qu'il avait auparavant affranchies, donnant, ainsi, le meilleur exemple du respect des hautes aspirations et des judicieuses attentes de l'tre humain, sur le plan minemment sounnite, des droits de l'homme et de la femme (2 ). Une de ses servantes Mabrouka lui donna un premier fils : Mohammed el Kbir et l'autre Mobraka, le deuxime garon Mohammed el Habib, deux minents khalifs dont la haute ducation eut pour assise l'attachement de leur vnr pre la Charia et aux principes prennes de la Sounna. Il les maria, tous deux, dans la ferme observance des traditions authentiques o dots et dotations, taient rduites au strict minimum. Ainsi, peine g de seize ans, le jeune Tijani avait accd au rang de mufti, non seulement sur le plan de la Charia, en tant que jurisconsulte, mais dans le forum plnier des sciences et arts islamiques o il excellait. Les cours qu'il donnait dans les mosques, les controverses qu'il animait avec l'lite intellectuelle de ses contemporains, prominents dans leur spcialit, lui assurent une large suprmatie, sur le plan exotrique. Son critre foncier, qui le distinguait et le marquait, dans la fleur de son adolescence, fut son attachement indlbile un sounnisme authentique, dans son conceptualisme serein et son ponctualisme souverain. Les chapitres labors, en l'occurrence, dans Jawhir el Many ( Perles des Ides) en font foi. L, ses analyses pertinentes sont d'une grande ouverture, freine exclusivement, par une observance stricte, mais bien mesure des concepts et prceptes d'un Islam universel. Le dogme authentique de la Sounna, s'avre, alors, dans les composantes de ces analyses, bien document. C'est grce cette primaut exotrique pondre, que l'esotrisme Tijani s'avre si authentique, dans

son lan somato-spirituel o la matire, chez l'tre humain, n'est que l'lment complmentaire de sa spiritualit . Un ventail assez large des grands matres soufis de Sidi Ahmed se dployait dans les diverses rgions du Royaume. Il ne manqua gure, m par ses hautes aspirations vers le sublime , d'entreprendre une prgrination qui l'amena Wazzan o il eut l'heureuse occurrence de rencontrer, en premier, "le grand ple " Sidi Tab Ben Mohammed Ben Sidi Abdellah ech-Charif, chef vnr de la ligne idrisside maghrbine ; ce ne fut qu'une simple relation de bndiction avec ce premier Cheikh ( dcd en l'an 1181 h ), car Sidi Ahmed se refusa, dans cette tape de son processus spirituel, une quelconque responsabilit non didactique ; il n'eut pas encore le loisir de se consacrer une tierce orientation ducative, se contentant de s'assurer une perfectibilit adquate, par une srie de liaisons-tests. Le ple Sidi Tab avait atteint un rang parfait, dans l'chelle des valeurs spirituelles ; Notre jeune Cheikh, Sidi Ahmed en profita pleinement, car il s'agit d'une srie de gnrations o quatre ples, parmi les Chrifs, se reliaient, dans cette hirarchie si optimale. Sidi Tab avait succd son frre Moulay Thami (dcd en 1127h), digne disciple de son pre Sidi Mohammed ( dcd en 1120 h ) qui hrita de leur anctre, le grand Ghawt Moulay Abdellah ( dcd en l'an 1089 h ). Celui-ci fonda la cit de Wazzan, ayant pour matre , un des grands ples de la montagne toute proche de Sarsar, Si Ahmed Ben Ali Es-Sarsary, un des piliers de la confrrie Tabba'iya Jazouliya, source des grands ordres mystiques du Royaume. A l'poque, le ple Sidi Ahmed Sqally vivait Fs. Mais le Cheikh Tijani n'a pas eu l'occasion de le voir de prs, vitant, parfois, tout contact, avec des cheikhs de cette envergure, car -fait remarquer l'auteur de la Boghia (p.p.157)- " La Providence divine a voulu qu'il n'et pour seul matre que le seul matre universel et le sublime des cratures, le Prophte Sidna Mohammed ". Nanmoins, le Cheikh Tijani, n'a rien pargn, la suite du couronnement de son processus hirarchique par la Grande Ouverture, pour rendre un vibrant hommage Moulay Idriss, minent 'Arif (Connaisseur), qui honore, par ses hauts privilges, la capitale idrisside. Dans son parcours, travers le Maroc, une nouvelle conjoncture se prsenta, dans le but d'entrer en contact avec le Grand Wali Sidi Mohammed Ben el Hassan el Wanjaly (dcd en l'an 1185h, de Beni Wanjal, du Jabal ez-Zabb), qui lui annona son prochain accs au rang lev du Grand Saint du Rif, Abou el Hassan Chadhily , suppos inhum Alexandrie (3), dont les hauts prceptes et concepts avaient fait cole, dans tout l'Orient musulman , ds le huitime sicle de l'hgire. Mais, cette fois encore, le Cheikh Tijani avait dclin l'offre qui lui tait faite, de s'insrer dans la chane confrrique wanjalie, ainsi que celle du clbre Sidi Abdellah Ma'n l'Andalou (dcd en 1188 h), matre d'un ordre caractris par le " lien " de l'Ichrq (flot de lumire extatique), sans wird spcifique : Ce fut Taza qu'il eut affaire un Grand Saint "malmity ", Sidi Ahmed et-Tawwch ( dcd en 1204h) qui lui conseilla d'observer le trio leit-motiv de l'ouverture : la " khalwa ", l'isolement du Monde et le " dhikr " ; il dclina cette nouvelle offre, quoique rduite par le clbre wali, en fin de compte, la seule observance d'un certain dhikr bien spcifi. Le Cheikh Tijani repoussa poliment la proposition, aspirant inopinment un don divin spontan sublime, sans effort, ni preuve. Dans ses rebuts ritrs, le

Cheikh semble tre le rceptacle d'une forte inspiration, manant d'en haut et conforte par l'esprance dont ses matres avaient anim le trfonds de son me. Sidi Ahmed poursuivit ses tests, comme s'il s'attendait de nouvelles promesses et de meilleures rvlations. Il s'engagea, alors, successivement, dans les ordres Qadiri, Nassiri, Siddiqi (voie de Sidi Ahmed el Habib de Sijalmassa), essayant d'intgrer, cette fois, des confrries, s'inspirant des manations et effluves des gnrations antrieures, les grands matres du " Barzakh ". Suite cette srie d'preuves qui lui firent apparatre certaines spcificits marquantes et fins messages dont il tait le destinataire, il s'empressa de retourner au Sahara, sur recommandation de son matre el-Wanjali , qui lui rvla que l'accomplissement de son " Fath " (Ouverture) ne se ralisera que prs de la Zaouiya du grand " qotb " (ple) de " Balad el Abied " au Sahara. L, il poursuivit ses prires , ses enseignements et ses sermons, durant un lustre, interrompus par des visites intermittentes " An Madi ". Pass ce dlai, il fit un saut " Madinat el Jidr) (Tlemcen) o il s'installa, s'ingniant, outre ses offices et cultes, enseigner le Hadith (tradition du Prophte) et le Tafsir (exgse du Coran). C'est dans cette cit souligne l'auteur de la Boghia - (p.p.161), que la Providence du Seigneur lui assura une parfaite disposition recueillir un flot d'ouvertures et de " successibilits " infinies, empreintes d'une extrapolation, sans pair, et d'une vive acclration centripte convergente. Un aimant irrsistible d'attraction manait de sa personne, miraculeusement illumine , exerant une intense sduction dans toute son ambiance. Maintes dlgations, affluaient de toutes parts, en qute de sa bndiction. Loin de s'en enorgueillir, il les esquivait poliment, ne se croyant gure en mesure de transcender au rang de Cheikh. Une dlicate retenue et une modeste pudeur, devaient motiver ces accs, non autoriss par son matre unique, le Prophte Sidna Mohammed - que Dieu le salue et le bnisse -. Le Cheikh Tijani, est, de plus en plus conscient, que tout engagement dans la direction des consciences, est fonction d'une permission formelle, manant d'Allah, par l'entremise d'un Message Mohammadien. Ainsi, dans ce stade de son processus, le Cheikh Tijani, se voit dans l'obligation de conforter ses ascensions, par le plerinage la Mekke et la visite sacre du Tombeau du Saint Prophte. Il quitta la cit de Tlemcen, en l'an 1186h . A Zwawa, en Algrie, il eut tout loisir de faire connaissance du Cheikh Mohammed Ben Abderrahman el Azhary (dcd en 1208h), auprs duquel, il s'insra dans l'ordre Khalwati, qui lui fut transmis par le Matre Hafnaoui ; lors de son passage en Tunisie, il y partagea son sjour, durant toute une anne, entre Tunis et Soussa, dispensant gnreusement ses enseignements dans les diverses branches des sciences islamiques, notamment, l'exgse coranique, la Sounna, prenant modle sur la vie sublime de l'Envoy d'Allah et sa conduite exemplaire. Ne pouvant contacter personnellement le grand Ple de la rgion, il se contenta d'une correspondance, par personne interpose Abdessamad Rahwy, disciple du Qotb et un des quatre personnages ayant libre accs auprs du Cheikh, les nuits du Vendredi et du Lundi. Le Qotb s'empressa de rendre hommage Sidi Ahmed , qu'il qualifia d'Aim d'Allah.

Entre temps , le Cheikh Tijani s'ingniait dispenser les disciplines soufies, travers les " Hikam ", ( Adages de Sagesse) d'Ibn Ata Allah d'Alexandrie, amplement comments par les Soufis dont le fameux Zarrouq qui leur rserve vingt sept " sharh " (commentaires). Le prince de Tunis, merveill par ses cours bnvoles, lui proposa un sjour prolong, dans la capitale, pour faire profiter, de sa haute culture, l'auditoire de la Zatouna, premire Universit africaine, difie un sicle avant la Qaraouyne de Fs (245h) et deux sicles avant celle d'Al Azhar du Caire (4me sicle). Le prince tunisien ordonna, alors, un octroi gnreux au Cheikh, lui rservant demeure et subvention. Le Cheikh, dont la " Himma ", rejeta tout don autre que celui de la Gnreuse Providence, s'empressa de s'esquiver, en quittant le pays, le lendemain, pour le Caire. L, l'minent Cheikh irakien Mahmoud el Kourdy, bien connu en Orient, par sa haute luminance, clatante et pntrante, s'attacha vivement la personne de Sidi Ahmed dont il prdit un futur florissant, dpassant de loin, toute prminence, dans le rang des " Qotb ".Il ne s'attarda pas longtemps, en Egypte, actu par une luminescente mouvance vers les Lieux Saints, se dlectant d'avance des approches mohammadiennes. Son arrive la Mekke eut lieu, juste aprs le mois de Ramadan de l'an 1187 de l're hgirienne . Dans cette cit sainte, la haute matrise hirarchique revenait au Grand Cheikh, l'Indien Ahmed Ben Abdellah, dont Sidi Ahmed n'a pu, encore une fois, recevoir la transcendante bndiction et les subtils enseignements, que par correspondance, sans contact effectif. Le mme phnomne de Tunis se rpta alors ; mais, cette fois, le Cheikh el Hindi, lui rvlant avec prcision la date de sa mort ( le vingt du Hijja de la mme anne), lui annona qu'il sera son successeur, auquel il transmit les pouvoirs spirituels. Sidi Ahmed refusa encore, avec tact et doigt, tout conditionnement cet accs, prfrant se rfrer, exclusivement, la grce divine , la libre aisance et l'acte introspectif qui rgira, ds lors, toute mouvance, dans l'actuation spirituelle du Futur Ordre Tijani. Dsormais, l'assise foncire de la Tariqa sera l'observance stricte de la Sounna, l'attachement indlbile la tradition prophtique, sans excentricit corporelle ou abus formels excessifs. La conscience doit agir par elle-mme, sans effusion extrieure. Le plerinage accompli, Sidi Ahmed, partit pour Mdine, attir par un sentiment nostalgique vers la spulture sacre du Sceau des Prophtes, intensment remu par les reflets d'une effluente luminescence mohammadienne. Il ressentit, de cette approche, une secrte manation et un effluve tel une dcharge alimente par un potentiel, puissamment ancr dans son tre intime. Un nouvel accs, effectif, l'amena vers le Qotb Es-Sammn, Ghawt minent merveill par l'mergence visionne d'un cachet distinctif, sans khalwa, qui dmarqua, dj, en lui la spcificit de certains contours intimes. Es-Sammn, disciple du Cheikh Mustapha el Besri es-Siddiqi, n'a pu retenir son vif enthousiasme, exalt par une inspiration divine qui secoua son me admirative. Ce contact, le dernier que Sidi Ahmed a pu raliser, dans son parcours explorateur, le ramena au Caire o son matre el Kourdy, lui rvla les secrets de l'Ordre Khalwaty dont il finit par accepter la mission didactique, devant l'insistance de son matre initiateur. La condition que le Cheikh Tijani ne cessait d'exiger, est la temporit de tout engagement, l'rigeant au rang de Cheikh, charg d'un leadership spirituel, sans

l'ultime permission, en l'occurrence, du Matre Suprme, Sidna Mohammed. Il semble que cette sublime autorisation , le Cheikh a fini, par l'avoir, lors de son sjour Mdine, ritre par El Kourdy au Caire. Son retour Tlemcen en 1188h, couronna , donc, tout un processus miraculeux de manifestations thophaniques. C'est l o il a pu rencontrer son premier disciple, Si Mohammed Ben Mohammed El Mechry de Tekret (rgion de Constantine), auquel il confia , avec l'ordre khalwati, certains des secrets introspectifs et des " dhikr " dont il fut minemment pourvus. Une subtile intimit le lia, dsormais, avec ce grand lu, mis sciemment par la Providence sur son chemin , jusqu' l'an 1224h (date de son dcs ). C'est un personnage d'une culture prominemment sounnite et esotrique, auteur de maints ouvrages sur la charia et le soufisme. Unique compagnon, il prsida , ds la premire heure, les cinq prires obligatoires du Cheikh, jusqu' l'an 1208h o le Cheikh assura lui-mme, son auto-prsidence, sur ordre spcifique mohammadien. Aprs un long sjour Tlemcen, il reprit, en 1191h, le chemin Fs, aspirant ardemment, un recueillement intime auprs de l'illustre Qotb Moulay Idriss Fs. Il rencontra, alors, Oujda, son deuxime disciple Sidi Ali Harazem, futur auteur de Jawahir el Many (Perles des Ides). Cet ouvrage, labor sur ordre du Cheikh, est devenu le compendium de la Tariqa et de la Haqiqa, dict, dans sa majeure partie, par le promoteur de la Tijania. Ce Thesaurus est le fruit d'une haute acculturation, rsultant d'une osmose interfrentielle o les lments d'un double flux s'interpntrent intimement. Le Cheikh rappela son nouveau khalif un songe prmonitoire que celui-ci avait entrevu, mais oubli, propos de ce compagnonage. Sidi Harazem s'en est souvenu et en fut, d'autant plus assur du caractre sacr de ce lien que lui rservent les desseins impntrables de la Providence. Un sentiment de flicit ineffable et de bonheur indicible, envahit tout le trfonds de son tre, conscient de la Prminence transcendantale du Cheikh Tijani ; car les contours imagins et conus en rve, s'esquissent, de plus en plus clairs, en fresques palpitantes, dans sa subconscience. C'est bien le Matre auquel il aspirait . En rentrant Fs, le Cheikh octroya son nouveau disciple qui l'accompagnait, les dhikrs discrets de la Khalwatiya, dans ses interfrences sublimement secrtes . Il retourna Tlemcen, en passage temporaire, car le Cheikh lui conseilla, de prgriner, ailleurs, vers les Lieux Saints " Attachez-vous fermement l'engagement convenu, avec amour, la grande ouverture surviendra inopinment " , lui prdit le Cheikh qui alla s'installer, lui aussi, dans cette cit qu'il quitta, bientt, en l'an 1196h, pour Chellala et Abou Samghon, deux ksours du Sahara Oriental, o il s'tait dj , longtemps, recueilli. Il demeura, tout un lustre Chellala, pour reprendre le Chemin d'Abou Samghon, en l'an 1199h, o il rsida, quelque temps, avec sa famille. Il ne manqua gure, lors de son sjour dans ce bourg bni, de se dplacer " Tout ", pour contacter le grand 'Arif (connaisseur) Mohammed Ben el Foudal qu'il avait dj rencontr auparavant. Le Cheikh avait crit, maintes reprises, cet minent personnage, sollicitant certains secrets et dons esotriques dont Allah le gratifia. Il ne lui rpondit gure, aspirant un contact effectif avec notre Cheikh dont il prvoit l'inestimable destine , au sein du forum des Elus d'Allah . Une bndiction mutuelle scella la rciprocit des deux ples.

De ces ksours sahariens, le Cheikh fit un saut Taza , en qute d'un grand ami, que le Seigneur lui destina, comme disciple compagnon, Sidi Mohammed Ben Larbi Damrwy. Il l'aimait particulirement, car le Prophte le lui avait recommand, et il ne manquait pas de lui rendre , constamment, visite, quand il deviendra son mdiateur, s'entremettant entre lui et le Messager d'Allah, que le Cheikh n'osait contacter par sublime retenue. Il s'est avr que cette rvrence pudique tait le propre de certains compagnons du Prophte, eux-mmes, qui n'osaient, nullement, l'approcher, ignorant effectivement, jusqu'aux empreintes les plus apparentes de sa personnalit. Cet tat de crainte dfrente et de politesse respectueuse est fonction du rang hirarchique de l'tre bien aim. Mais, dans tout ce processus, le Cheikh Tijani ne manquait pas de retourner son village natal qui regorgeait d'minents " alem " dont la vaste rudition attira l'attention du grand soufi, Abou Salem el 'Iychi, dans sa " Rihla " o il fit l'loge de la prminence de l'rudition polyvalente des Ulmas de An Madi . (1) An Maadi est un village difi au XImesicle de l're chrtienne par Maadi Ben Yacob, proximit d'une source d'eau. Des Pois J. : Le Djebel Amour ( Algria), 1956 (p79)Daumas, M.J.E., Le Sahara Algrien, 1845 (p35) (2) Sidi Ahmed ne cessa de s'approprier des " esclaves ", des deux sexes, pour les librer. Le nombre des affranchis atteignit un jour 25 personnes ; dans ce forum mnager, les " esclaves " menaient un train de vie chastement libral et hautement fraternel. Sidi Ahmed ordonnait, constamment , ses compagnons de ne gure dvier de ce concept idalement mohammadien. (3) Chadhily est dcd la Mekke, selon certains hagiographes ; pour d'autres, il le fut au Dsert de 'Adhb (Haute Egypte); c'est la version plausible (Nafh et-Tib, Meqqari T.1 p.p.587), (Chadhart ed-Dhahab T.5 p.p. 278) et (Tabaqt ech-Chaarni T.2 p.p.4)

LE CHEIKH ET LES TURCS D'ALGERIE Au dbut, Sidi Ahmed n'avait pas quitt An Madi, de bon gr. Il tait constamment pi et obsd, avec ses siens, par les Turcs. De retour de ses prgrinations, il faisait une escale , de temps en temps, An Madi. Mais, ds l'an 1171h /1757 ap.J., il fut contraint de s'en loigner, par les exactions rptes du Bey d'Oran Mohammed Ben Othmn. Il demeura, comme nous l'avons vu, cinq ans Bled el Abied (1), au Sahara Oriental. Il entreprit, alors, son priple, s'orientant vers les Lieux Saints, travers une longue randonne, au Maghreb et en Egypte, recherchant les grands Matres de la voie soufie orientale. An Madi faisait, alors, partie d'une province marocaine. Il est curieux de constater que le Sultan du Maroc Moulay Abdellah, fils de Moulay Ismal (vritable fondateur de la Dynastie alaouite) avait dpch, l'anne mme de la naissance du Cheikh Tijani, une expdition, sous la direction du Cad Jilali Ben Mohammed Saffar, contre les faiseurs de troubles, qui, sous l'impulsion des Beys Turcs, cherchaient, dj, promouvoir une srie d'incidents, tendant dtacher cette partie du Maghreb, de la Souverainet marocaine. La lutte continua, acharne, l'encontre des mercenaires

scessionnistes. Le Sultan Sidi Mohammed Ben Abdellah (dcd en l'an 1204h /1789 ap.J.), envoya un nouveau commando contre des troupes turques qui attaqurent, sous le commandement du Bey de Mescara, les provinces orientales du Royaume marocain dont Mhaya, Benou Hachem, Sud d'Oran, Chellala, Aflou, An Madi et Laghwt, territoires faisant partie du Maroc, depuis cent cinquante ans (2). A la mort du Souverain alaouite Mohammed III, le Cheikh Tijani, g de cinquante quatre ans, cherchait s'esquiver des zones troubles, pourchass, par les autorits turques. Pendant plus d'une dcennie ( 1774-1784), il ne cessa de faire la navette, entre Tlemcen (o il demeura huit ans jusqu' 1774h ) et Fs (1781h), pour revenir Abi Samghon et Chellala au Sahara, en 1784h. Le Maroc tait , alors, dans la plnitude d'un mouvement salafi, anim par le Sultan, qui sera poursuivi, en liaison avec le Cheikh Tijani, ds l'an 1789. Or, le grand soufi, Moulay Larbi Derqawi, qui mourut un an aprs le Sultan Moulay Slimn ( 1239h / 1823 ap.J.), avait, alors, cr, un ordre confrrique, trs connu par ses orientations qui ne plaisaient nullement au Souverain marocain ; celui-ci s'rigea en champion de la Sounna et lutta, contre les Mawsims, les hadra, les danses mystiques, les Sama' (musique extatique), assises foncires des Darqawas et qui constituaient , selon le Sultan, des excentricits blmables. La Tariqa Tijania, trs stricte, dgage de toute obdience chadhilite, se dclara, ds ses dbuts, d'empreinte mohammadienne, rebutant tout dbordement extatique, sans, pourtant, renier certains penchants humains , qui ne dvient , gure, du fondamentalisme bien conu de l'Islam. De l, naquit un tiraillement bien marqu entre les deux tendances. (1) o se trouve la Zaouiya du Cheikh Sidi Abdelkader, connu sous le nom de Sid ech-Cheikh es-Siddiqi ( la Boghia p.p.120) (2) le Capitaine Martin, dans son ouvrage ( Quatre sicles de l'histoire du Maroc et du Sahara) (p.p.101)Mercier : Histoire de l'Afrique Septentrionale FES, ULTIME DEMEURE DU CHEIKH TIJANI Aprs un priple, entre Abi Samghon, au Sahara Oriental et Tlemcen, le Cheikh Sidi Ahmed s'installa Fs, sa demeure prfre, en l'an 1213h / 1798 ap.J.. Son influence grandissante An Madi et au Sahara, inquitait le Gouvernement Turc qui alla jusqu' imposer un tribut annuel An Madi, en 1199 h / 1785 ap.J.. La capitale Idrisside tait, alors, le Centre d'panouissement de l'Afrique (1). Son rayonnement est tay par la grande Universit de la Qaraouyne, difie en l'an 245h / 859 ap.J., bien avant l'Universit de l'Azhar au Caire 359 h / 969 ap.J. ; Fs, tant le Centre africain optimal o s'accomplit la symbiose de la science de la Cit tunisienne de Qaraoun et de celle de Cordoue, capitale de l'Andalousie omeyyade, la suite de l'immigration Fs de centaines de familles des deux capitales de l'Occident musulman. C'est " la Baghdad du Maghreb. " "Pour la plupart des musulmans d'Afrique fait remarquer Gabriel Charmes (2) -, Fs est la premire ville sainte aprs la Mekke . Sa saintet provient de son origine idrisside et du rle qu'elle a jou dans l'histoire de l'Islam ". " Fs dit Delphyn est le " Dar el 'Ilm " (la maison de Sapience), l'asile et le rceptacle de sciences islamiques, car la Qaraouyne fut " la premire cole du Monde " o affluaient les Egyptiens, les Tripolitains, les Andalous et mme les Europens (3) ". Des tudiants de l'Afrique occidentale ne cessent d'migrer Fs, pour parfaire leurs connaissances canoniques. Campou fait

tat de ces " trangers de toutes nationalits et de toutes religions qui y accouraient de toutes parts. " Lon Godart dpeint aussi la Qaraouyne comme " Dar el 'Ilm " , la plus compltement organise, sous forme d'Universit ". C'est pourquoi Ali Bey el Abbassi (alias D. Badia y Leblich) considre Fs "comme l'Athnes de l'Afrique " qui " n'a rien envier - enchane Lvy Provenal aux autres mtropoles musulmanes ", parce que " c'est l o s'laborait ce que l'on a appel la civilisation arabe, qui partait du Maroc, pour briller, d'un clat dont les reflets commenaient clairer l'Europe ". Ce fut donc une ppinire d'o manaient des sommits intellectuelles comme Lon l'Africain, n Grenade. La femme musulmane y trouva son compte, car la clbre El 'Alia, fille du Cheikh Tab Ben Kirn, y donnait des cours de logique dialectique et formelle ; ce qui incita Moulieras s'exclamer, dans son ouvrage " Le Maroc Inconnu ", en l'an 1895 : " Une femme arabe , professeur de logique ! Qu'en pensent nos gographes et nos sociologues qui ont rpt , sur les tons les plus lugubres , que le Maroc est plong dans les tnbres d'une barbarie sans nom, dans l'ocan d'une ignorance incurable ? Une intelligence marocaine plane dans les rgions leves de la science ! " C'est l o le Cheikh vint terminer ses jours, dans la Zaouiya-mre qu'il difia Fs, Recueilli dans la villa (Dar el Mrya) que le Sultan Moulay Slimn mit sa disposition. En sus de son activit cultuelle, de ses cours dispenss la Qaraouyne et dans la Mosque dite " ed-Diwn ", sa vie intgre et sa grande rudition, merveillrent les Fassis et surtout le Souverain alaouite, qui s'rigea, alors, en dfenseur du Sounnisme. Il trouva, en la personne du Cheikh Tijani, le symbole qui personnifie par son comportement et ses prches, les concepts indlbiles de la Charia. Au sein de son nouvel Ordre confrrique, nulle trace d'lans excentriques tels les " Mawsim ", les " Hadra " et les " reqs " (danses extatiques), autant d'actes que Moulay Slimn stigmatise et fltrit dans une ptre qu'il labora , en l'occurrence. Cette attitude salafie commune mit l'un au diapason de l'autre. Un autre facteur, non moindre, rapprochait foncirement les deux personnages, savoir l'lan civique du Cheikh Tijani, en tant que citoyen marocain , issu de " An Madi ", un des centres religieux du Sahara oriental. Son choix de Fs, capitale de l'Empire, aurole par son dificateur, Idriss II, est trs significatif. La nouvelle Tariqa Tijania, ainsi dpouille de toute fissure hrtique, finit par avoir un grand impact, qui incita le Sultan lui-mme s'y intgrer. De hautes responsabilits, accoururent de toute l'Afrique, attires par l'clat du clbre rformateur dont l'avnement fut une rplique vivante au mouvement wahhabite naissant. Le Tunisien , Cheikh el Islam, Ibrahim Riyhi et ses collgues (en-Nifer et 'Achour), le Mauritanien Mohammed el Hfidh et tant d'autres, eurent l'heur de participer l'expansion de la confrrie en Afrique. Une liste (4) de plus de cinq cents rudits africains figuraient, parmi les premiers disciples du Cheikh. (1) Se rfrer mon ouvrage sous presse " Fs, Centre d'panouissement de l'Afrique ", dit par l'Association Fs-Sas.

(2) Se rfrer l'ouvrage de Delphyn " Fs, son Universit ",(d. 1889) et Godart, " Description et Histoire du Maroc ", Paris, 1860, 2 vol. (3) Gerbert d'Aurillac, devenu Pape, sous le nom de Sylvestre II, en l'an 999 ap.J., y avait fait - dit-on - ses tudes, comme le confirme J. Berque (4) Cits, avec leur minente biographie, par le grand traditionniste Mohammed el Hjouji de Demnt (dcd en l'an 1370h /1950 ap.J.) dans son ouvrage manuscrit " Feth el 'Allm " JIHAD ET EXPANSION DE LA TARIQA EN AFRIQUE Aprs la mort du Cheikh Tijani en l'an 1230h / 1814 ap.J. et du Sultan Moulay Slimn en 1238h / 1822 ap.J., le fils an du Cheikh , Sidi Mohammed el Kbir poursuivit la lutte contre les Turcs. A la suite de deux dcennies, passes Fs, en compagnie de leur pre et matre , le Cheikh Sidi Ahmed, les deux fils Sidi Mohammed el Kbir et son frre Sidi Mohammed el Habib, demeurs quelques mois Fs, sous la tutelle du Khalife, Si Ali de Tamacn , retournrent An Madi. L'Administrateur turc de l'Algrie, Mohammed Bey, de plus en plus arrogant, s'attaqua An Madi qu'il s'ingniait dtacher de l'Empire alaouite. Le combattant Sidi Mohammed el Kbir se dirigea vers Abi Samghon, cit conforte par les adeptes de l'ordre de son pre ; de l , il rejoignit " El Wars " " M'Ascar " ; il engagea , alors, contre l'envahisseur, une bataille acharne, qui lui fut fatale, ainsi que trois cents de ses compagnons. Sidi Mohammed el Habib tait en plerinage, aux Lieux Saints. En passant par la Tunisie, le Bey lui conseilla de prendre le chemin de An Madi, via le Sahara, pour viter le tyran turc qui l'attendait. Un autre administrateur turc, prfet d'Oran, avait dj mis la main et incarcr quelques quatre cents habitants de la rgion de l'Aghout. Le clbre combattant Abdelqader el Jaziry , en lutte contre les Franais, voulut, alors, faire de la citadelle de An Madi , un centre de ralliement de ses troupes. Ayant appris le geste librateur, anim par le clbre combattant Mouhiy ed-Dn Abdelkader, Mohammed el Habib demeura Abi Samghon , continuant fournir l'mir Abdelkader armes et subventions. L'mir Abdelkader , se posait l'poque comme reprsentant du Sultan Moulay Abderrahmn Ben Hicham qui succda Moulay Slimn . Le prche du Vendredi se faisait au nom du Souverain et Sidi Mohammed el Habib , en tant que citoyen marocain, le soutenait dans sa guerre sainte, contre les Franais. Il revint, alors, son village natal, " An Madi ", pour participer la guerre contre les Franais. Mais, le 28 Rabi'I de l'anne 1238h / 1822 ap.J. , l'Emir Abdelkader , profitant du Martyre du fils cadet du Cheikh Tijani assassin par les Franais, assigea An Madi, que dfendit avec ardeur et abngation le Chrif Tijani et toute la population. Les deux parties s'entendirent, alors, pour un recul de huit miles (1) (soit 12 kms et demi), en de de la petite forteresse. La famille Tijanie demeura, donc, comme elle l'tait auparavant , souveraine dans son fief ancestral. La France resta trangre cette convention , car ce qui lui importait , surtout , c'tait l'occupation de la capitale avec la rgion d'Oran. Les Franais reconnurent , l'Emir (conformment aux traits de 1834 et 1837) son autorit sur les deux tiers du pays . L, il renia toute obdience Moulay Abderrahmane, qui continua, pourtant, le soutenir dans sa guerre sainte. Mais, Sidi Mohammed el Habib, se sentant li par l'acte d'allgeance vis--vis "

d'Amir el Mouminn ", Sultan du Maroc et trahi par l'Emir Abdelkader, lui refusa toute aide. Une correspondance tenue dans les archives de An Madi , atteste ces faits (2). D'ailleurs, une autre Zaouiya de la rgion , la confrrie Khamlichia du Rif, qui le soutenait , dut interrompre , galement, toute subvention (3). Isol et obsd par ses remords, l'Emir Abdelkader reprit la lutte en 1839, grce au soutien effectif du Roi du Maroc ; mais, en 1843 , l'Emir Abdelkader, vaincu par le duc d'Aumale, se rfugia au Maroc. Le souverain fut dfait, lui aussi, un an plus tard (1844), dans la bataille d'Isly. L'Emir finit par se rendre en 1847 ; intern Amboise, jusqu'en 1852 , il se retira, en 1855, Damas o il dcda en 1883. Sur ces entrefaites, le Chrif Sidi Mohammed el Habib mourut en 1269h / 1852 ap.J.. Le fils de l'Emir Sidi Mohammed Ben Abdelkader lui rendit, un vibrant hommage, pour le comportement fraternel dont il fit preuve, l'gard de l'Emir, son pre, continuant dfier les envahisseurs franais. Sidi Mohammed el Habib laissa deux enfants : Ahmed Ammar et Mohammed el Bachir, que l'occupant franais ne cessa de provoquer, les refoulant, tous les deux, loin de l'Algrie, en France. Auparavant, Sidi Ahmed Ammar, l'ge de moins de seize ans , tait tenu , toute une anne, en rsidence force Alger. Il avait pris attache, en France, de la jeune Aurlie qu'il pousa (4) ; on l'autorisa, ensuite, revenir en Algrie o il fut mis l'cart de An Madi , avec un interdit formel de se dplacer en Algrie. Des historiens contemporains dpeignirent les vnements qui survinrent entre la France et les deux Chrifs (5) ; l'tau se serrait autour du jeune Tijani, car la France craignait une rbellion qui pourrait dboucher sur une rvolution gnralise. Une circulaire signe par le commandant franais de l'arrondissement Laghwt, en date du 27 aot 1889 , autorisait Sidi Ammr se rendre Abi Samghon. La France tait, alors, menace en Afrique occidentale o Omar el Fouty (n Podor en 1212h /1797 ap.J.), s'intgra la Tariqa Tijania, en 1249h / 1833 ap.J. par l'intermdiaire du Moqaddem fassi Sidi Mohammed el Ghali Boutaleb, qu'il frquenta aux Lieux Saints, durant trois ans. Son premier geste, suite cet engagement, fut le renforcement de son sultanat, sur les ngres ftichistes et animistes, dont une bonne partie finit par adopter l'Islam ; il s'attaqua, ensuite, l'occupant franais Faidherbe ( 1854-1865). La colonisation franaise dbuta au XVIImesicle, par la fondation de Saint-Louis., base de l'expansion de la France, en Afrique occidentale. La Tariqa se propagea, alors, au Niger, Mali et Sngal, grce Si Omar el Fouti, doublement investi, en tant que Mourid Tijani, par le Cheikh Mohammed el Ghli Boutaleb, et, avant lui, son premier matre Abdelkarim du Fouta. Successeur d'un disciple fassi direct du Cheikh Si Ahmed Tijani, bien en vue et un de ses minents khalifes, le Cheikh Omar el Fouti devint le Khalife de la Tariqa en Afrique Noire. Son livre " er-Rimah " (les lances), qualifi par Sidi Larbi Ben Sayah de compendium de

science, est un recueil d'enseignements exhaustifs sur le Soufisme Sounni, dont il prchait les concepts en Afrique Subsaharienne. Sa chane de transmission couvrait mme des mourids, au Nord de l'Afrique. J'eus personnellement, entre autres, l'heur d'avoir, dans mon propre " sanad ", le Cheikh Sad en-Nour, petit-fils de Sidi Omar, qui m'accorda la Ijaza, crite de la main de mon grand ami, le Khalife gnral, Si Abdelaziz Sy (dcd en 1997). J'ai eu le plaisir de m'associer, dans ce sanad, avec le Cheikh el Hadj Mlik Sy et le Cheikh Ibrahim Niass, promoteurs de l'Ordre Tijani, en Gambie, au Ghana, Nigeria et, bien loin, dans les rgions de l'Extrme-Sud. Deux petits fils du Cheikh Sidi Ahmed : Sidi Mohammed el Habib qui termina ses jours , en prche et lutte, Dakar ; sidi Ben 'Amer, qui put, dans ses prgrinations, travers le Continent, convertir l'Islam des millions d'animistes. J'ai eu l'honneur d'avoir t en contact permanent avec le premier qui me proposa de faire des confrences, en sa compagnie, dans les capitales d'Afrique. Quant Si Ben 'Amer, auquel je me liais par une fervente amiti, il quitta Rabat, en 1953, pour rejoindre Alger o il intgra le FLN ( Front de Libration Nationale), comme membre actif de ce mouvement. La France le soumit, alors, durant toute une dcennie , une dure rsidence surveille Alger. Grce cette ligne de grands matres Tijanis, une bonne partie de l'Afrique fut islamise. Leur pre, le Chrif Sidi Mahmoud, intercda entre les Tribus rifaines, dont les tiraillements risquaient de se transformer en guerre civile. Il demeura six mois dans le Rif et finit par rconcilier les frres ennemis. En Egypte, le grand Khalif Tijani, l'minent Alem Mohammed el Hafidh (dcd en 1978) , fondateur de la grande Zaouiya tijanie du Caire, joua le mme rle, dans la rconciliation de l'Egypte et du Soudan, propos du malentendu entre les deux pays (El Yawqit el Irfania, Idris el Iraqi (p118)). (1) Un mile, mesure arabe et anglaise, l'poque, quivalant 1609m . (2) Tohfat ez-ziyr ( p.p. 177 et 197) (3) le Cheikh de la Zaouiya rifaine en fit tat son Souverain (4) Se rfrer l'annexe, publie la fin de cet ouvrage sur le scnario de cette alliance. (5) Abderrahman Ben Tleb dans son ouvrage, Saf et-Tijania (p.p.19) , Revue " Al Wahda el Islmiya " (Unit islamique) et l'historien Ej-Jilali Sary, dans son ouvrage " Tawrat " (Rvolution 1881-1882). L'IHSAN ET L'EMANATION INTROSPECTIVE L'Ihsn est la troisime phase, dans le processus des piliers originels de l'Islam. " C'est - prcise le Hadith adorer Dieu comme si tu Le voyais, et si tu ne Le vois pas, Lui srement te voit " (Boukhari ). La Tariqa, c'est l'application de l'Ihsn, dans son contexte introspectif, o la conscience se reflte dans son propre miroir ; c'est le cur pur de l'initi sur lequel se projette la luminescence divine ; " Craignez dit le Prophte la vision intuitive du croyant, qui peroit par la Lumire d'Allah. " Les vertus spirituelles qui constituent le substrat de la Sounna, sont les moyens d'accs cette luminance. C'est grce la

concentration dans une sincre adoration, que le croyant accompli, devient l'image de Dieu, le Vivant et le Pourvoyeur. L'humilit, l'Ikhls (sincrit), la charit et l'altruisme sont l'assise foncire de toute initiation o le Cheikh soufi n'est qu'un guide orientateur, qui exhorte le Mourid imiter troitement la tradition du Prophte. L'exemple sublime de l'Envoy d'Allah demeure le critre unique de l'attrait thophanique irrsistible , qui doit immanquablement s'exercer, au sein du forum dpur d'un ordre confrrique, difi sur autorisation formelle mohammadienne. Le Beau et le Vrai sont les traits caractristiques du Bhaviorisme Tijani, qui assure l'adepte sincre un retour inopin sa dignit originelle. La libert individuelle de l'initi est dpourvue, alors, de toute matrise, autre que celle d'Allah. Les droits de l'homme se dgagent, ainsi, premptoirement, de tout impact esclavagiste o la vassalit est l'exclusif du Haut Seigneur. Le Cheikh rptait souvent, comme condition sine qua non de toute adhrence la Tariqa, la conviction que le Matre Initiatique n'est que l'esclave de la Prsence et que le Mourid ne doit, gure, avoir en vue un autre que l'Unique Pourvoyeur. Il doit liminer, dans son subconscient, tout tiers, autre qu'Allah ; le Cheikh n'est qu'un serviteur intermdiaire, en esclave lu. Un contact pralable du Cheikh Tijani avec d'minents rudits et matres Soufis, n'a pu que conforter, dans sa conscience , cette certitude de la dualit foncire de la Charia et de la Haqiqa (ralit spirituelle), o un quilibre somato-spirituel assure l'harmonie, dans toute son quation humaine. La science elle-mme, dans ses tests les plus modernisants, assure, depuis le Congrs tenu en 1966 Tokyo (1), cette complmentarit, entre le spirituel et le matriel. C'est pourquoi, le Cheikh Tijani, a fond sur cette double quintessence, tout conformisme adquat, o le cultuel ne saurait liminer le social. Ds sa premire enfance, avant d'accder sa troisime dcennie, le Cheikh se fixa un noble but : celui de parfaire ses connaissances exotriques et esotriques, avant de s'atteler, judicieusement, la propagation de la pense islamique et de l'expansion pacifique de son dogme. Cet attachement la Charia donna ses fruits ; ce fut Abou Samghon, en plein Sahara Oriental, o le Cheikh se recueillit, en 1196 h / 1782 ap.J., qu'il vit le Prophte, l'tat de veille, lui enjoignant de se librer de toutes les voies qu'il avait testes , auparavant, ayant, dsormais, pour matre unique, l'Envoy et le Serviteur d'Allah, Sidna Mohammed (Bndiction et salut sur lui). Le Messager d'Allah lui ordonna de demeurer non loin de la socit, vaquant normalement, de par le monde, sans s'en dpartir, ni s'en retirer, lui promettant, coup sr, l'approche d'Allah, dmunie de toute contrainte, gne, ou culte excessif. Confort par cette garantie prophtique, le Cheikh s'empressa de mettre en branle, son Nouvel Ordre, solennellement difi par son unique initiateur, la plus haute sommit, dans la double voie de la Charia et de la Haqiqa. Dans cet harmonieux contexte, le Cheikh Tijani volua, avec aisance, sans bigotisme, " actu " exclusivement par les concepts coraniques, d'une interfrence socio-conomique. De ce fait, l'adepte tijani ne sera qu'un simple, mais sincre croyant, ayant constamment en vue, les principes authentiques de la Sounna.

Le Messager d'Allah a bien dfini ce processus d'orientation qui symbolise et explique le geste de direction des consciences, chez les matres soufis, se rfrant, constamment, aux propos prophtiques. L'Envoy d'Allah prcisa , certes, dans un hadith rapport par Boukhari, Mouslim et les quatre Sonan : " Mon avnement - dit-il en tant que Messager d'Allah, dot de bonne orientation et de science, est telle une pluie bienfaisante, ayant arros une terre dont une partie fconde put absorber l'eau ; en faisant crotre abondamment, herbe et verdure. La partie strile retint l'eau et Allah en fit profiter les gens, en buvant, en abreuvant leurs animaux et arrosant leurs champs. Une troisime partie, plane et sablonneuse, ne retint gure l'eau et ne fit pousser aucune verdure . " Cette parabole nous donne , d'abord, l'image d'un bon croyant, bien conscient des normes de la Religion, qui en profite, en les enseignant aux autres , une deuxime qui, connaissant profondment cette science, en profite l'avantage des autres ; et, enfin, celle qui, rebutant les enseignements reus d'Allah, ne peut avoir aucun impact bnfique. C'est l le substrat et le critre de toute socialit agissante, dans le vrai soufisme mohammadien. (1) Voir notre ouvrage " l'Islam dans ses sources ", dit cinq fois, au Maroc et en Arabie Saoudite.

NECESSITE D'UN GUIDE DE CONSCIENCE L'initi, quel qu'il soit, est inspir par une insufflation luminescente, pour s'adapter l'Ethique transcendante, travers un effort soutenu d'ducation, de mortification et de purification. Cette disposition inne, chez tout un chacun, gt virtuellement, en puissance, tel un nucleus gnrateur de vitalit cratrice. C'est par une initiation approprie que le feu jaillit du briquet et le palmier dattier du noyau. L'me rceptacle du bien et du mal, est faonne par une acculturation moralisante ; cette prdisposition au changement caractriel, chez l'homme, est une preuve de perfectibilit de sa nature. Ce concept n'est gure infirm par l'exgse hermneutique aberrante du versant coranique qui dit : " Pas de changement dans la cration de Dieu ", ou par l'interprtation superficielle du Hadith, affirmant qu'" Allah a imprim une configuration dfinitive quatre lments primordiaux, dont la configuration matrielle et le caractre moral, chez l'homme. " L'homme est dot d'un pouvoir inhrent sa nature intrinsque , qui lui permet de se purifier et de se corrompre, la fois (Sourate du Chams (soleil), verset 8). D'o, la ncessit d'un ducateur et d'un guide de conscience, tel le Cheikh, par rapport au Mourid, c'est--dire le matre qui aide le disciple formaliser ses virtualits en puissance. Cette ducation est axe, dans la voie tijanie, en premier lieu, sur un conformisme adquat aux prceptes de la Charia : Simples actes cultuels accomplis dans l'aisance, en pleine confiance, dans la pure grce divine, sans mortification, ni effort soutenu dans l'ascse. La confrrie tijanie est ainsi dgage de tout engagement rmitique et isolement du Monde, tel l'Islam dans sa phase initiale o le catalyseur mohammadien luminescent assure un cheminement plnier, dans la voie, sans autre impulsion d'exigences conjoncturelles.

Le Prophte tait, alors, le seul matre et guide suprme de conscience. Pendant trois sicles, les rcits traditionnels du Messager d'Allah , taient toujours vivaces et efficients, dans les curs des compagnons de leurs suivants et des derniers successeurs (atba et-Tbi'yne) ; mais, passs ces trois gnrations, l'initi est propuls dans la masse confuse des traditions o l'apocryphe primait l'authentique. Le Cheikh Abdelkarim Ibn Hawazine dit " el Qochri ", ne manqua pas de dceler, dans Sa " Rissla " (ptre), le processus de cette mutation. Les comportements effectifs et affectifs, imbus d'empreintes prophtiques, ont, dsormais, un imprieux besoin, d'tre tays par des liturgies, plus ou moins authentiques ; d'o pluralisme de " Wirds " et " Wadhifas ", rcits dans un cadre confrrique, sous la conduite claire d'un matre, guide de conscience, qui soutient l'initi et le dpure de tous caprices, sautes d'humeur ou dpassements excessifs. Dans de tels cas, tout excs, non frein par le matre, se traduit par une excentricit hrtique, un dsquilibre psychique et des troubles somato-spirituels, fruits d'une mconnaissance de la charia. Le croyant pche, alors, par dfaut de documentation eso-exotrique. Un vrai matre soufi n'exige gure de son adepte autre chose qu'une stricte observance de la Loi d'Allah et de s'accommoder, selon ses possibilits la Sounna, sans cure de silence ou retraite rmitique ; le Mourid ne doit gure forcer inhumainement son penchant vers les loisirs, les agrments et les plaisirs lgitimes. Ainsi, le Cheikh Tijani, ne manqua pas d'exiger de son mourid (1) d'viter toute incartade impertinente, toute dviation dont l'aboutissement fatal est une autongligence et un laisser-aller capricieux incontrl. L, le redressement d'un tort et le traitement d'une psychose ncessitent une actuation mortifiante immdiate, suivie de retraite spirituelle limite et de cure dittique de concentration liturgique, pour dmatrialiser les actes volitifs. Le Cheikh ne fait qu'initier et orienter ; toute transmutation demeure l'uvre exclusive de l'Omnipotent. Mais, l'adepte doit, toujours, se souvenir, dans ses lans vers le sublime, qu'une relle luminescence, ne saurait jaillir que d'un cur dgag de vellits mondaines. Gare donc aux perles de cultures. Les vritables perles voluent dans les profondeurs. (1) En rponse une ptre manant d'un juriste de Zerhoun ( Cit prs de Mekns o est inhum Idriss I)

L'HOMME A L'IMAGE DE DIEU L'homme est cr l'image de Dieu ( Hadith) ; son uvre le sacralise ; c'est en contemplant Dieu, dans Sa grandeur, dans Sa surabondante richesse et dans la gnrosit de Son essence, qu'il ralise sa vritable nature. Autant l'Attribut divin est absolu, autant les attributs de l'homme sont entachs de relativit. En s'adaptant sa nature, dans sa ralit originelle, il devient lui-mme, conscient que la vritable sublimation, pour lui, est de rester lui-mme, sans vouloir se dpasser, ni se rabaisser. Toute l'Ethique soufie se rsume, ainsi, dans l'effort soutenu, en vue de la ralisation du vritable soi, dans sa puret initiale, antrieure la descente de l'me dans le corps, telle qu'elle a t dpeinte par Ibn Sna (Avicenne), dans son pome d'inspiration noplatonicienne " l'me est descendue d'en haut, telle une colombe ". De l, vient le rappel, ritr des Cheikhs soufis sounnites, la stricte observance des commandements de la Sounna. Leurs ouvrages sont incrusts de concepts et prceptes, dfinissant la nature et les dimensions de cette haute " politesse "

spirituelle. Leur conscience, initialement dpure, est " actue ", pntre foncirement, du souci constant de s'aligner rigoureusement sur les normes de la charia, tous les niveaux cultuels, comportementiels ou mme temporels. En s'abstenant, en cas de doute, et en agissant avec circonspection, tact et doigt, les adeptes se sentent intimement contrls par Allah, dans toutes les conjonctures et les instances. Mais, l, l'initi, tout en se fiant la dcision intangible de son Seigneur, Son impratif actif, ne se dfait nullement de ses initiatives agissantes. Ibn Messaoud rapporte que Dieu a, parmi Ses cratures, trois cents lus ; leurs curs sont l'image du cur d'Adam, une quarantaine l'image de celui de Mose, sept de celui d'Abraham, cinq de celui de l'Ange Gabriel. Chacun de ses lus est cr l'image d'un Prophte. Il est empreint du caractre et du comportement d'un messager ou aptre et son cur porte le cachet d'un Ange. Dans un autre hadith, quatre lus auront l'empreinte d'Abraham, sept celle de Mose, trois de Jesus et un de Mohammed. D'aprs El Boukhari, " le Trs-Haut dclare la guerre - dit le Prophte tous ceux qui prennent pour ennemis les saints (bien aims) d'Allah ; Mon serviteur ne saurait se rapprocher de Moi, mieux que par une uvre que J'aimerai le plus et qui consiste accomplir les obligations que Je lui ai imposes. Il ne cesse de se rapprocher de Moi, par les actes surrogatoires, jusqu' ce que Je l'aime ; Je deviens, alors, son ouie, avec lequel il entend, sa vue, avec laquelle il voit, sa main avec laquelle il combat et son pied avec lequel il marche ; Je lui accorde ce qu'il Me demande et Je le protge s'il Me sollicite ". Une autre variante ajoute : " Quand Mon serviteur se rapproche de Moi d'une palme, Je Me rapproche de lui d'une coude, quand il se rapproche de Moi d'une coude, Je Me rapproche de lui d'une envergure (1) ; quand il vient Moi, en marchant, Je viens lui en trottant " (Boukhari). (1) L'envergure est ici la distance entre les extrmits des deux mains dployes dans le sens de la largeur.

CONSTANCE ET EQUILIBRE DU " QOTB " Le Qotb (ple) a pour qualification essentielle la constance et l'quilibre sur le plan humain. Il est cach, mais dpourvu de tous penchants excentriques, qui le font dvier de son " maqm " (tape transcendante), comportant toutes les composantes d'une servilit sacre. Tout en tant le rceptacle et le creuset de tout ce qui est conceptuellement et comportementiellement sacro-saint, il demeure en plein forum humain ; rpondant tous les besoins attachs sa nature adamique. Mais, de par sa haute sagesse et son sublime got intuitif, hautement inspir, un quilibre adquat " axe " et " actue " tous ses rapports d'ordre humain. Il donne chaque chose, son d, dans sa double conjoncture esotrique et exotrique, rationnellement introspective. C'est cette occurrence " naturelle " qui marque ses allures dgages de toutes teintes extranormales. Il concilie sagement le matriel au spirituel, car l'un est le complment de l'autre. L'empitement de l'un sur l'autre risque de tout " dnaturaliser ". De l, tout acte est foncirement " causalis ", jug et apprci sa juste valeur.

Tout parat, alors, simple, mais non simpliste ; car la simplicit relle est une marque de gnie, tout en demeurant d'ordre humain. Sidi Larbi Ben Sayah, dans sa Boghia (p.p.188), analyse ses attributs caractriels dfinis par Ibn 'Arabi, en dveloppant certaines de leurs efficiences, dans la vie pratique du " Qotb ". Il ajoute d'autres spcificits qui font du ple, un saint, ventuellement dnu de toute richesse matrielle ; nanmoins, conscient de sa responsabilit vis--vis de soi-mme, il s'ingnie constamment, s'assurer une caution effective, pour la ralisation de ses besoins naturels, trs rduits, certes, mais humainement premptoires. La " Boghia ", synthtise cet " humanisme " en prcisant que le " qotb " est astreint viter tout exhibitionnisme ostentatoire ; ses comportements naturels sont dgags de tous prodiges qui peuvent survenir des saints, tels le ploiement de la terre, l'ubiquit volontaire, les cures d'isolement ermitiques.

L'UVRE DU CHEIKH Le Cheikh Tijani tait d'une grande rudition, notamment, dans les sciences et les arts islamiques. Il avait appris par cur, ds son bas ge, outre les Recueils didactiques dits " Moutoun ", les Grands Recueils du Hadith (Traditions du Prophte) dont Boukhari, Mouslim et les Sonan (Tirmidhy, Ibn Maja, Nassaiy, Abou Daoud). Les cours qu'il dispensait An Madi, Tlemcen, Tunis, Fs et ailleurs, sur l'exgse coranique et les commentaires du Hadith, lui valurent une grande renomme, taye par ses connaissances sur le Fiqh, el Ououl ( Sources de la Loi islamique). Ses recherches, en l'occurrence, publies dans " Jawhir el Many " et " " el Jmy " d'Ibn el Mechri ", avaient attir l'attention des clbres critiques de l'Islam, de par leur profondeur, leur originalit judicieuse. Son " Ifda " se dmarque par les Sages Adages qu'il n'a cess d'mettre, lors de ses prgrinations. Des dizaines d'ouvrages ont t labors, rendant hommage cette uvre colossale (1) comportant : - Eptres et mmoires sur le Sounnisme des Soufis dont certains manuscrits originels sont catalogus dans les grandes bibliothques du Maghreb (manuscrit de la Bibliothque Gnrale de Rabat N 2425) - Commentaire de la premire moiti du Recueil Juridique de Cheikh Khall sur le code malkite ( manuscrit de An Madi) - Exgse d'une cinquantaine de versets coraniques et commentaires de Hadiths (profonde analyse des notions spcifiques authentiques de l'Islam), (Bibliothque Gnrale, manuscrit D1699) - " Es-Salt el Ghabya " sur la Ralit mohammadienne " Al-Ifda el Ahmadia ", compendium d'adages, dicts par le Cheikh son disciple Sidi Tab Soufiani, classs alphabtiquement (2) Charh el Hamzia de l'Imam el Bosary (Recueilli par Sidi Ali Harazim ainsi que Jawhir el Mani (Perles d'Ides) (d. Imprimerie Sada, Caire 1347 h / 1928 ap.J.)

" Sermon collectif pour tous les musulmans " ( manuscrit de la bibliothque prive du doyen de la Qaraouyne, Jawd Sqalli ( dcd en 1392h / 1972 ap.J.) , publi in Revue " Tarq el Haqq " (voie de la vrit) du Cheikh Mohammed el Hafidh, fondateur de la grande Zaouiya tijanie du Caire ( Revue numros 10 et 11, 1965) - Recueil de dhikrs (Bibliothque Gnrale D 2106) D'autres ouvrages furent faussement attribus au Cheikh tels la rihla, le commentaire des Noms Divins, " Charh el Jarroumiya " (en grammaire), " el Kanz el madfon ", etc (3) (1) Voir notre ouvrage en arabe sur la vie et les uvres du Cheikh, dans la Grande Encyclopdie , labore sous le titre " la Pense soufie maghrbine, entre l'Andalousie et le Machreq " Le grand Erudit Tunisien Mohammed Mni'y, devenu Tijani, qualifie le Cheikh d'" Ocan de science ", sans pair, connaissant par cur, outre les Recueils de Sahih, les Sonan, les Compendiums du Fiqh (Kachf el Hijb, Skirej p.p.529). Le doyen de la Qaraouyne, Abderrahmn Chenqity, dit " Cheikh el Jama ", voit en lui, le " plus grand rudit du Monde islamique " (Boghia, p.p.266 ) (2) Publi dans Kachf el Hijb d'Ahmed Skirej. Une nouvelle dition Commente par le grand Alem Tijani gyptien Mohammed el Hfidh, promoteur de la Tariqa en Orient, dcd en 1978 ( Imprimerie el Khariya, au Caire ) (3) Jinyat el Mountassib (Skirej T.2, p.p. 62 et 84 ( 1350 h / 1931 ap.J.) / Raf 'enNiqb, Skirej, T.3 p.p.182)

LE SOUNNISME TIJANI A l'image du Messager d'Allah, Sidna Mohammed, le Cheikh Tijani, n'a cess d'orienter le comportement de ses adeptes, en vue d'une parfaite adaptabilit l'Ordre divin, synthtis dans la charia. Cette conformation la Sounna se cristallise affirme al Jond par la crativit et la concentration du cur de l'initi, de toute sa volont et son attachement Dieu et Dieu Seul. Le Coran dfinit ce raffinement subtil qui ne saurait souffrir ni dviation, ni fluctuation lusive, loignant le croyant du forum de la loi divine. Nulle transgression n'est permise. La conscience du Cheikh est pntre du souci constant de s'aligner rigoureusement sur les normes mohammadiennes, tous les niveaux cultuels et conceptuels, prfrant s'abstenir, en cas de doute et agir avec circonspection , tact et doigt, dans toutes les instances. Il ne relchait, aucunement, sa vive attention, ni celle de ses mourids et partisans, les tenant en hleine, dans un amour passionn du Prophte et de ses siens et croyants. Il ragissait contre tout cart de conduite ou de langage. Au sein mme de ses litanies, toutes d'obdience mohammadienne, il ne s'autorise gure un dbordement d'aise et d'espoir, non rfrn par une crainte pieuse quilibrante. Tout geste doit tre brid sous les rnes de la Sounna, avec une rsignation, sans fatalisme, la Volont de Dieu. L'action du croyant est de rigueur, parce que le Coran nous incite agir, notamment, selon les normes psycho-discursives, quelles que soient les infrences de l'acte accompli ou accomplir. Cela n'empche nullement l'initi de mnager certaines subtilits et susceptibilits impondrables.

L'action devient, parfois, une inertie, comme un franc parler qui frise le vice. Mesurer et peser le pour et le contre est un signe d'quilibre. Zarrouq, censeur des Soufis, cite le cas du Messager Abraham qui, jet dans le brasier par Nemroud, se vit intercept par l'Ange Gabriel qui lui demanda : " Abraham ! As-tu besoin de quelque chose ? " " Pas de toi, mais de Dieu ", lui rpondit-il. " Invoque-le donc ! ", lui insuffle l'Ange ; et Abraham de rpliquer, dans un lan de confiance infinie en Dieu : " la pleine conscience divine de mon tat me dispense de toute invocation ! ". Mais, le fait n'implique gure une quelconque passivit ; le retour Dieu ne se conoit qu'aprs puisement exhaustif, de toutes les motivations psychosomato-discursives. Quand il s'avre impossible , pour l'initi, de recourir des mobiles effectifs dterminants , il doit, alors, se rsigner l'actuation divine et se confier, par sincre invocation la Providence, profitant de ces embarras, pour en appeler, avec insistance, en serviteur impuissant, la Clmence d'Allah. La foi efficiente est celle qui demeure foncirement humaine, sans duplicit, ni dguisement. " Quand tu auras pris la dcision d'agir - dit le Coran fie- toi Dieu ". Donc, planifier, d'abord, et se fier Dieu, ensuite. Dans cette occurrence, la transconscience est faonne, dans ses coins et recoins les plus intimes, telles enseignes, qu'elle ne peut que se conformer humainement aux normes conceptuelles de l'Islam. Ce qu'il convient, certes, de noter, c'est que le croyant doit avoir, constamment en vue, la Volont Omnipotente de Dieu, dans toutes ses actions, quitte se rfrer au Dcret d'Allah, pour actuer sa propre vellit ou volont, au cas o l'objet des invocations serait d'une finalit inconnue, confuse ou douteuse. L, la pure connaissance " hirophanique " ne s'oppose gure au processus humain de causalisation. L'initi, tout en s'en remettant Dieu, ne se dfait, aucunement, de ses initiatives agissantes. La concentration de l'entymsis, c'est--dire de la pense et de l'intention, rside dans l'orientation vers l'ego et la batitude expectative des touches divines. Tout caprice de l'me ou lubie, est, ainsi, limin. L'impression de l'irrel risque toujours, dans une telle conjoncture, de susciter une vive raction du sens temporel ; nanmoins, il ne s'agit, l, que du ct spiritualit oppos au ct matire, dans l'quation humaine o le subconscient corrobore le rationnel (1). D'autre part, les devoirs et obligations, incombant aux compagnons et frres dans la vie initiatique, constituent le compendium de l'Ethique soufie. " Quiconque manque ses devoirs, en ngligeant les droits de ses frres, risque affirme le Cheikh Tijani l'preuve de faillir au respect d aux Droits d'Allah ". Le promoteur de la Tariqa a formul, maintes occasions, son souci d'laborer un Trait, sur la manire raffine de vivre et d'agir, chez l'initi, marquant, ainsi, le caractre premptoire de cette politesse comportementielle, vritable catalyseur qui enclenche les lans les plus vifs de la conscience. Les hommes de la foi quelle que soit leur confession sont confrres. Il faut savoir chrir, dans l'amour de Dieu. L'auteur des " 'Awrif " rapporte que le Khalife Omar a dit : " Si un homme jene toute sa journe, prie Dieu tout le long de la nuit, accomplit ses aumnes canoniques et se sacrifie dans les guerres saintes, sans chrir ou dtester, pour l'amour de Dieu, ses actes ne lui profitent gure : N'est-ce pas l le summum de la socialit ? (1) Se rfrer mon ouvrage " le Rationnel du Sacr "

DHIKRS DE LA TARIQA Les dhikrs de la Tariqa , comportent essentiellement, deux " Wirds " quotidiens et une " Wadhifa ", rcite par groupe, sauf drogation majeure. Ils sont ou extraits du Coran ou recommands par un hadith authentique. Les trois litanies de base sont : 1) l'imploration du pardon d'Allah (Istighfr) 2) la bndiction du Prophte (alt) , de prfrence la " Fatihi " 3) la halala , rcitation de la profession de foi ( La ilha Illa Allah). Le Wird ne comportait au dbut, en l'an 1196h, que les deux premiers rcits liturgiques, considrs comme mobiles de purification. Ils ne furent suivis, du troisime que quatre ans, plus tard, en 1200h, car le Mourid ne devait en user qu'aprs dpurement effectif et affectif, permettant un accs appropri une profession de foi, vritable engagement sacr. Pour la " Wadhifa ", les trois litanies se terminent par une quatrime dite " Jawharat el kaml " (perle de perfection), dicte au Cheikh, par le Prophte, l'tat de veille. Cette Jawhara ne doit tre rcite qu'en tat d'ablution ; sinon, elle est remplace par vingt fois " la fatihi ". On peut se demander, pourquoi le Cheikh exige l'ablution, alors que le Messager d'Allah rcitait le Coran mme, sans ablution. En vrit, il ne s'agit en l'occurrence, que d'un simple engagement (nadhr), ordonn par le Coran, au cas d'un dhikr surrogatoire, alors que la lecture du Coran constitue, pour le " moumin ", une obligation et un devoir sacrs dont on ne peut gure se dsister. Allah en allge, en consquence, le conditionnement de cette lecture. D'ailleurs, l'adepte Tijani est astreint rciter quotidiennement, un minimum de deux " hizb " (1/30 me du Coran). Le Khalife tunisien, cheikh el Islam, Ibrahim er-Rihy, exige un maximum de trente " hizb ", (la moiti du Coran). Pour un analphabte qui ne sait ni lire ni crire, il doit rciter, un certain nombre de fois , de courtes sourates, qu'il est ais d'apprendre par cur, telles la Sourate el Ikhls (quivalant 1/3 du Coran), la Sourate el Qadr (qui en vaut la moiti) ou la Ftiha (Ouverture du Coran, dont la valeur est identique l'ensemble du Coran). Le Cheikh Tijani affirme, dans une ptre, cite par Omar el Fouty , dans ses Rimh (T.2,p.p.89), qu' " une seule fois de cette " Ftiha " quivaut quatre mille milliards de alt el " Ftihi " (considre comme une des litanies essentielles de la Tariqa). Au lieu de Hizb es-Safy, bien connu, le Cheikh propose un substitutif coranique : la Sourate el Qadr. D'autres dhikrs secondaires tels " el Mousabbat el 'Achr " (les Dix Septains) sont des propos liturgiques labors par le Prophte lui-mme. " Le meilleur dhikr est " La Ilha Illa Allah " dit le Prophte (Hadith de Nassay et Hakim). " Celui qui me bnit, une fois, Allah et Ses anges le bnissent dix fois " (Mousnad d'Ibn Hanbal). C'est , en fait, consquemment cet attachement indlbile la loi coranique que l'adepte Tijani, en tant que croyant sincre, espre un agrment sublime d'Allah. Nous pouvons citer, enfin, une promesse, mise par le Cheikh Tijani, comptant vivement sur les gracieuses faveurs octroyes bnvolement par la Providence divine. " Les prires obligatoires accomplies par l'adepte sincre, - pense-t-il dans

une mosque ou Zaouiya , o toutes les conditions sont remplies, sont censes tre exauces. Dans la Zaouiya Tijania, tout est ,en effet, gratuit : l'imm (directeur de prire), le muezzin (qui fait l'appel la prire), les lecteurs du Coran (el-Hazzba) ; toute inhumation est interdite, selon les concepts malkites. Les habous n'ont aucune emprise sur les Zaouiyas, qui vivent, entre autres, des cotisations volontaires des mourids. Ce sont l, les saintes proprits d'une mosque du temps du Prophte et de ses compagnons.

SPECIFICITES ET PREROGATIVES DES MOUMINS La Tariqa Tijania, fonde sur une stricte observance de la Sounna, ne s'arroge aucun privilge ou avantage spcifique. Toute prrogative, quelle que soit sa nature, est conditionne, sur un pied d'galit, pour tous les musulmans, par le grade de croyant, dans ses conformations aux prescriptions de la Charia. Tout mrite exceptionnel n'est que " la fruition " d'une accommodation adquate. Le Prophte a bien prcis que sa " communaut est telle une pluie dont les premires prcipitations ne sont gure forcment meilleures que les dernires. " Des croyants, vivant au XX me sicle, ne sont gure d'un rang infrieur leurs coreligionnaires des sicles antrieurs ; d'autant plus qu'un autre hadith, non moins authentique, qualifie ceux-ci de " bien aims ", se prvalant d'un grade spirituel, cinquante fois suprieur ; Il ne s'agit nullement d'une prminence sur les compagnons du Prophte, dont la hirarchie des valeurs est ingalable. Toute prime spcifique n'est ainsi que la rsultante du taux d'obdience sounnite ; en premier lieu, l'amour du fidle pour Allah, Ses Messagers, et Ses lus, est considr par le Prophte comme un mobile promoteur de toute transcendance. Pour une autre tradition, rapporte par Anas Ibn Mlik (cit par Mouslim), l'Envoy de Dieu, prcise , en rponse un autre compagnon craignant une sparation, dans l'au-del, de son cher et bien aim Sidna Mohammed, vou un rang suprieur, que " le fidle rejoint, au Paradis, celui qu'il aime " . Anas et les autres compagnons, merveills par cette promesse mohammadienne n'en furent jamais aussi heureux. Le Cheikh Tijani a mis quelques propos, qui semblent excentriques, prime abord, parce qu'ils n'ont pas t bien compris. Il est vrai, que parmi ces propos, s'intgrent maintes prtentions, plus ou moins hrtiques, cres de toutes pices. Le Cheikh les a rebutes d'avance, comme le firent les Imms Mlik et Chafiy, en rejetant toute nonciation ou affirmation, contraire la Sounna. Le Cheikh Tijani avait dit : " les nuits de l'anne sont, pour nous, similaires, la Nuit de Destin (Qadar) ou de valeur et mrite (Qadr, selon la lecture coranique de Warsh) ; cette affirmation se justifie canoniquement par le fait que le croyant accompli ne doit gure manquer de veiller en prire, toutes les nuits de sa vie d'initi. Le Cheikh Tijani exige, alors, de son adepte, de se conformer, ce mobile initial de valorisation, pour mriter cette primaut. Un simple aspirant ou " faqr " n'en est pas digne, faute de conformation foncire la Sounna. Cette prrogative est ainsi, propre tout croyant sincre.

On peut citer un autre exemple, bas sur ce conformisme indlbile la Charia. Le Cheikh Tijani a bien affirm que le Mourid, le vrai, digne de ce nom, doit se sentir en perptuel attachement Dieu, mme lors de son sommeil, considr comme un simple rpit ou dtente, permettant au croyant un repos momentan, pour mieux reprendre, ses prires et litanies. Le Prophte a recommand tout moumin d'tre constamment en ablution, qualifi " d'arme pour le croyant ", d'o les propos du Cheikh Tijani : " Allah accorde Ses bonts l'initi, mme dans son tat de sommeil ".

SCIENCE INFUSE OU SECRETE On peut se demander s'il existe, en Islam, des connaissances secrtes, non rvles par le Prophte , d'autant plus que la Religion mohammadienne avait atteint toute sa plnitude, d'aprs le Coran. Y'a-t-il donc une science infuse que le Messager d'Allah n'a pas cru devoir inculquer tout le monde et qu'il n'avait insuffle qu' certains de ses compagnons, comme Ali, Houdhefa et Abou Horra ? Le compagnon Ali, gendre du Prophte disait : " Mon for intrieur est submerg de connaissance ; je ne trouve personne pouvant en supporter le fardeau. " Ce grand rudit, qualifi par le Messager d'Allah, de gardien de la " Cit de la Science ", ne cessait de rpter : " Ne dites aux gens que ce qu'ils peuvent comprendre ". Ainsi, Ali, dpositaire des secrets de la grande gnose, se prvalait d'un savoir infini dont il ne trouva gure un digne porteur. Abou Horra affirme avoir puis, dans la source des sciences mohammadiennes, deux sortes de connaissances ; il n'est autoris en rvler qu'une seule, l'autre demeure un apanage inaccessible dont la divulgation expose le rcalcitrant la peine capitale. Hodhfa avait reu du Prophte des enseignements qu'il n'osa gure dvoiler ; le Khalife Omar Ibn el Khattab tentait, parfois, vainement, de lui en soutirer quelques uns. Le grand Imm Al-Jond, promoteur d'un soufisme sounnite, prcisait bien que " nul ne pourra atteindre le grade sublime de la Ralit, c'est--dire la connaissance transcendante infuse, sans tre tax d'hrsie, par un millier d'hommes vridiques " ; toute insufflation divine peut susciter un tat, soit de batitude, soit d'aise et d'espoir, soit de crainte. Les Prophtes vnrs, Jean et Jsus, se sont rencontrs un jour, chacun se trouvant sous l'emprise d'une haute communion approprie ; l'un, m par l'Attribut de la Domination " astucieuse " d'Allah qui crase et annihile, l'autre " actu " par la gnreuse Clmence ; chacun se prvalait de l'Attribut qui l'animait ; deux attitudes, apparemment disparates, mais suscites, chacune, par l'instant tatique ou extatique, propre l'un et l'autre. C'est le cas de Khadir (dit Khidr) avec l'minent Messager Mose, semblant, d'aprs le Coran, moins initi que son interlocuteur, qui n'a pas dpass le grade de Saint lu. Pourtant, Mose se vit octroyer par Allah, " durant les mille sances qu'il eut , de son vivant avec Lui ", des flots de cognition ineffables. Il y a donc un " sens cach " (el btin), dcel, en exclusivit, comme le souligne le Coran (Sourate Al-Anfl (les Dpouilles), verset 29) o Allah dit : " O vous qui avez cru ! si vous craignez pieusement Dieu, Il vous donnera un pouvoir de discernement ".

Cette science esotrique infuse, insuffle dans le cur du croyant sincre, est une mise en contact avec une sorte d'introspection ou observation de la conscience par elle-mme ; vritable lumire, projete sur un subconscient purifi, travers des flashs de luminescence divine. La " firaa " du " Moumin " (sorte de vision intuitive) a t dfinie par le Prophte, comme" source intime de connaissance " (1) La philosophie avicennienne est une philosophie noplatonicienne, d'influence islamique o le donn coranique s'unit certaines influences hllnistiques, intgres par l'Aristotlicien Ibn Roshd (Averros), de sorte que la pense d'Avicenne ne saurait se comprendre, sans l'Islam. " L'observance des prescriptions positives de la loi religieuse pense Avicenne la pratique des actes cultuels, faciliteront, au croyant sincre, la mise en relation avec le Corps du Ciel, la captation du flux des sphres clestes et l'intensification de la sympathie qui relie le microcosme au macrocosme ". C'est le secret du contexte cosmique des Noms divins, dans leur actuation du Monde. " Celui qui dtenait quelque science du Livre " (Sourate 27, verset 40) , apporta Salomon, le trne de Balqs, reine de Saba, en un clin d'il. Ce nom de Dieu que ce saint invoqua, alors, est un signe de la Science Infuse et de l'Omnipotence divine, qu'Allah accorde Ses lus. L'Imam Chafiy, chef du grand rite juridique, consultait - dit-on - , le grand cheikh soufi Chabn er-R'y, par l'intermdiaire de son minent disciple, Ahmed, l'imm du rite hanbalite et acquiesait ses rponses. De mme, ce dernier avec le mystique Abou Hamza el Baghddy. Le Cheikh 'Izz ed-Dn Ibn Abdessalm, dit sultan des Ulmas, dnigrait ses dbuts les propos des soufis ; il se ravisa, quand il contacta le grand mystique marocain Abou el Hassan Chdhily Alexandrie (2) et dut reconnatre la prminence de ceux-l, effectivement base sur la double source coranique et traditionnelle. Ghazali traversa la mme tape, en revenant, l'ge de quarante ans, l'cole soufie de ses contemporains. Deux tendances se firent, alors, jour, celle qui se prolongea jusqu'au XIIIme sicle de l'Hgire, maille d'authentiques soufis marocains, pour la plupart, dont Ibn Machich et son disciple Chdhily, le fassi Ahmed Badawy (de Tanta) et Abderrahim el Qina'iy de Cebta, matre minent du mouvement soufi dans la Haute Egypte. Passe cette re d'or, le soufisme commena dgnrer, perdant, de plus en plus, ses interfrences avec la Sounna, l'exception de quelques mouvements qui demeurent attachs la Charia. (1) Dans un hadith rapport par Tabarny, le Prophte dit : " Prenez garde au regard intuitif d'un homme croyant ; car la pure luminescence de sa foi lui permet de tout apprhender, grce la Lumire d'Allah " (2) O il est cens tre inhum ; dans la coupole qui lui est attribue. Il mourut, pourtant, 'Adhab, en Haute Egypte.

L'HUMANISME D'UN SOUFI

Un vritable soufi, demeure lui-mme, dgag de tout bigotisme ou religiosit outrancire. C'est, d'abord, un tre humain, expos, comme servile crature d'Allah, tous les maux et mfaits psychosomatiques ; aucune immunit ne le dgage des conjonctures et des occurrences qui normalisent ses tats les plus idaux. Les cadres rigides crs par des esprits imaginatifs, risquent d'tre surhumains et d'voluer dans l'abstrait. On a demand , un jour, au grand Tabi'y (1), Ibn Srne, de dpeindre la personnalit minente des compagnons du Prophte. " Ils taient rpondit-il des hommes comme les autres " (2). Tout surralisme confine l'irralisme. L'Islam tient compte de la gracieuse lection d'Allah , option inconditionnelle, pour n'exiger gure du soufi, un idalisme, non entach d'ventuelles fltrissures ou souillures humaines. Yafi'y, auteur du (Kifyat Al Mo'taqid ) (Suffisance du croyant) nous dcrit le processus hirarchique des Saints : les Noujab, puis les Nouqab, Abdl et Awtd (piliers), tous axs sur un " Qotb " (ple) qui n'est marqu par aucun signe spcifique. Il est choisi, parmi les Piliers, reprsentant une " normalit ", certes idale, mais toute humaine o le principe de causalit demeure l'assise fonctionnelle de toutes les actuations ; le relatif humain imprgne une conformation psychosomatique qui ne doit pas tre trop spiritualise. La luminescence du Messager d'Allah, quoique modele par un flash manant des touches divines, est empreinte d'un humanisme vident. Le soufi est " actu " par une haute Inspiration divine ; " ses actes et tats mystiques dont ils manent varient, selon cette Inspiration " (fait remarquer Ibn 'Ata Illah, dans ses " Hikam " ou Adages). Au sein de cet humanisme, toute insufflation divine peut susciter un tat de batitude ou de crainte pieuse. Il faut se garder de dconsidrer, partir de ces disparits apparentes, certains lus, pour surestimer d'autres. D'aprs el Morsy, un saint accde la foi, par grce divine et un autre ne peut se prvaloir de cette grce que par ses exploits cultuels. Chez l'un souligne Ibn 'Ata Illah la luminescence jaillit de la conscience, sans dhikrs pralables et chez l'autre la luminit est un don inconditionnel d'Allah. Un soufi accompli ne saurait sous-estimer un collgue ou mme un mcrant, dont on ignore le sort qui lui est rserv. C'est l un critre de socialit idale, au sein de la communaut mohammadienne, o les tres humains sont sur un pied d'galit, abstraction faite de toute diffrenciation confessionnelle ou thique. N'empche qu'il y a dans le Soufisme, deux catgories d'initis, partir de la nature ducationnelle et comportementielle ; une tendance ou cole, se prvalant des faveurs gracieuses d'Allah, anime par le sentiment du " Chokr " (gratitude) et un deuxime, celle du " riadt-en-Nafs " ou une mortification de l'me et ascse de la chair ; la premire est appele la voie chadhilite, l'autre la voie de Ghazali, s'isolant dans des actuations formelles, mconnaissant le processus des tats et stades mystiques, des sciences infuses, des luminits et des clipses, plus ou moins nuancs par l'humanisme de l'initi. Ces derniers s'attachent, scrupuleusement, une observance rituelle stricte, prouvant une crainte atroce des carts de conscience, gosme ou vaine gloire. Les premiers voient, dans tout acte, une manation d'Allah qui les actue ; ils se sentent " agis " et dgags de toute psychose, tout en partageant, avec les autres, la ferveur dans l'adoration , l'abstinence scrupuleuse, la pieuse continence et la pudeur intime, ne tenant gure compte ni de vision intuitive, ni de miracles ou prodiges

extranormaux. Ils s'isolent, introspectivement, dans la mditation, la contemplation de Dieu, sans s'en dpartir. Ils s'installent, esotriquement, dans leur sentiment de dfrence vassale Allah, vis--vis des autres, accapars par leurs actes d'adoration, formellement cultuels. Ceux-ci ne dgustent, nullement, la saveur de l'impact de la Suzerainet divine sur leur cur. Les autres sont, en consquence, d'un degr suprieur et les disciples qu'ils initient, voluent avec aisance et mme lgance, dans les cycles d'une virilit toute humaine. Ils excellent dans la science des mesures et dans l'quilibre de la pondration, s'astreignant rigoureusement, aux exigences de la confraternit. On les appelle, parfois, des " Malmiti " tels Salmn el Frissi, compagnon du Prophte ou Mhammed Ben Abi Nasr, disciple du Cheikh Tijani. C'est l'apanage des vrais soufis, qui symbolisent le comportement des compagnons du Prophte, ne se prvalant d'aucun privilge ou prrogative exclusive. Vritables modles d'un humanisme agissant , chacun s'absorbe dans son activit d'exigence humaine : les artisans dans leurs mtiers, les manuvres dans leur besogne, les rudits dans leurs sermons et enseignements, alors que certains, parmi eux, matrisent le Cosmos, de par les affinits " tatiques " dont ils s'imprgnent, sans exclusivit prtentieuse. Le fameux soufi marocain Abou Slim El 'Iychi rapporte dans sa " Rihla ", la classification tablie par son matre 'Ali el 'Ajimy el Hanafy, en quarante ordres confrriques, dont la plupart sont d'origine orientale ; trois seulement, tant marocaines (la Chadhiliya, la Zarrouqiya et la Jazouliya). La premire Confrrie dite Mohammadienne (attribue Sidna Mohammed) a, pour assise, une structuration canonique pure, base sur la Sounna , avec , outre la halala, une litanie essentielle, la " alat (invocation d'Allah et bndiction du Prophte). Le cur de ses adeptes est rempli d'amour pour le Messager d'Allah dont l'exaltation marque sa transconscience illumine par son image virtuelle , qui, force de concentration, s'idalise, pour finir par se raliser. Le Messager d'Allah est le Matre direct de l'initi. Abou Slim, qui esquisse une ptre mouvante sur ce thme, mettant en exergue les signes distinctifs de chaque itinraire, cite les grands matres soufis, qui optrent pour cette voie mohammadienne, celle des Sahaba ou Compagnons du Prophte. Le Qotb esSemmn, un des matres du Cheikh Tijani, labora une uvre palpitante sur la Tariqa Mohammedia, archtype sublime dans la voie de la transcendance. La Tijania en est un exemple vivant, sans liaison avec le Chadhilisme qu'elle respecte pourtant et vnre . (3)

(1) Le Tabi'y est un contemporain des compagnons du Prophte (2) El Jmi', Ben el Mechry, T.2 p.p.23 (Manuscrit) (3) Voir la description des autres ordres confrriques dans mon ouvrage " le Soufisme afro-maghrbin aux XIX et XX sicles ", Ed. Cap Tours S.A., 1996 ( p.p.92)

ETHIQUE SOCIALE DE L'ADEPTE Dans un premier stade, l'adepte tijani doit s'ingnier viter toute ankylose superficielle, provoque par l'attrait des " Choses de ce Monde ", s'carter de toute

psychose de dngation gratuite et de dnigrement systmatique, mobiles de tension et de malentendu, entre les hommes. " Un vrai croyant ne doit dire que du bien ou se taire " (recommande le Prophte) ; n'empche que le prche d'un prdicateur autoris n'entre pas dans cette ligne de conduite. Le nihilisme ne doit gure, tre, l'aboutissement d'une attitude par trop ngative. L'initi doit se contrler, peser ses options, dominer ses lans prmaturs. Tout prjug htif serait comme dirait Ibn 'Arabi une privation. Il doit tre anim et m par un behaviorisme minemment social qui rebute les caractres ignobles, blms ou dcommands par la Charia, tels la gloriole ou la vaine gloire, l'estime de soi, le complexe de supriorit, l'amour des loges et la fiert prtentieuse. Les vertus devant sublimer sa morale concrte comporte, notamment : la puret de l'intention, la gratitude, l'endurance, l'ascse, la crainte pieuse d'Allah et le sentiment d'autosuffisance. Cette infrastructure est l'assise d'une pratique cultuelle adquate, sans religiosit aberrante. Ainsi, l'initi, s'illumine le cur, par insufflation divine des clarts de la foi, en s'alignant strictement sur l'thique sociale, telle qu'elle est esquisse dans le contexte conceptuel de la Sounna Mohammadienne. La socialit du comportement de l'initi est, alors, le fruit d'une accommodation du croyant et de son adaptabilit agissante l'Ethique universelle : code sublime des Messagers d'Allah. Le soufisme est donc fonction d'un conformisme inconditionnel aux sources authentiques de l'Islam. Tout tre humain demeure, vis--vis de son semblable, un objet d'amour de l'Etre. La gnose des vraies ralits cosmiques, est la vision directe du Rel dans le contingent, de l'Absolu dans le relatif, du Crateur dans Sa crature. " La potentialit de cette approche rside d'aprs Ibn 'Abbad dans le dtachement de l'gosme ". La gnose consiste, alors, - pense Al-Joned dans " une connaissance parfaite d'Allah dans Sa grandeur et de son propre tre dans sa faiblesse et son impuissance ". Autrement dit, le soufi doit prendre comme modles la Misricorde, la Clmence et la Grce de Dieu, pour asseoir et stimuler sa propre compassion aux misres des autres. " Damn dit Abou el Hassan Chadhili celui qui ne s'y remet pas entirement ". Mais, sur ce plan, comme sur tant d'autres, il ne sied gure d'tre trop exigeant ; Al-Joned et Sahrawardi, proclamaient, depuis des sicles, que dans ce processus, tout est relatif. Une rigueur n'est plus de mise dans les temps que nous vivons, absorbs que nous sommes par les vicissitudes de l'heure. Le Cheikh Tijani, recommande (Ifda) tout initi de " s'aligner sur son temps, dans tout comportement " ; son khalife, le grand 'Alem " Al-Kansoussi " signale bien, il y a prs de deux sicles , que l'adepte qui cherche s'idaliser outre-mesure, risque de s'ankyloser dans l'isolement et le dnuement. C'est la " politesse comportementielle ", dans ses fluctuations relativement agissantes, qui synthtise le processus transcendant de la Morale sociale. Seul un gnostique relativement et introspectivement polic, est digne d'une perfectibilit thique. Le grand 'Arif, Abderrahmne Ben Mohammed el Fassi rappela au mourid, tenu l'cart de ses frres, se contentant d'grener son chapelet et de lire " sa planchette " coranique : " ce n'est point l, la voie sublime des initis, qui doivent, au contraire, se

contacter effectivement, dans un brassage ferme et constant, car deux tres qui se touchent se fcondent spirituellement ". " Le croyant qui frquente les hommes dit le Prophte en s'armant de patience vis--vis de leurs mfaits, aura plus de mrite que celui qui les fuit, par rpugnance " (Mouslim et Ibn Hanbal qui rapportrent ce hadith, ajoutent un autre , prcisant que " tout croyant est tel, vis--vis de ses frres, un miroir o se refltent leurs dfauts ". Il y a des prceptes en Islam, base sociale, dont le fond idal n'est pas toujours, bien saisi. La transgression des principes prohibitifs en fausse le processus idal. L'intrt, entre autres, est le surplus ajout au capital prt, prohib par tous les Livres Rvls. Il est faussement soutenu, dans notre re mondialisante, comme facteur premptoire, de toute promotion socio-conomique. De grandes Puissances, comme l'Allemagne et les U.S.A., ont fond, pourtant, l'essor grandissant de leur conomie sur les banques d'affaires, o les lments " pertes et profits ", constituent le promoteur comptitif essentiel. Le rebut de l'intrt est ainsi, motiv chez tout citoyen, par des raisons d'thique sociale (1). Le but essentiel est d'asseoir tout rapport socio-conomique, entre les hommes, sur la ncessit d'une coopration saine, dpourvue de tout gosme et exploitation et o l'altruisme doit dominer. L'intrt tend crer une classe sociale nantie et inactive dont le capital grossit aux dpens des moins favoriss ; l'effort dploy par tout un chacun est une marque de rectitude apte promouvoir l'esprit d'entreprise, avec le double souci, de se rehausser, grce un dynamisme rellement crateur et d'une thique psychosomatique. Toute une gamme de prceptes sounnites constitue le code et le mobile orientateur de l'initi ; en voici quelques spcimens : " Une veille de surveillance d'un gardecte prime sa prire dit le Prophte durant un millier d'annes, au milieu de sa famille " (Boukhari et Mouslim) . " Le chemin de Dieu comme le dfinit un autre hadith, rapport par Nassaiy et Tabarny - est la lutte engage sciemment contre la subversion et la dstabilisation sociale, pour le rtablissement de la paix et la promotion conomique de tous les peuples, abstraction faite de conjonctures et conjectures d'ordre confessionnel ou ethnique. " Le musulman, dans son recueillement mme, doit demeurer lui-mme, un tre humain, l'instar des autres. On interrogea, un jour, Acha, pouse du Prophte, sur ce que son mari faisait, en rentrant au foyer : " Il se comportait affirma-t-elle - comme tous les humains " (Boukhari). " Allah a pardonn une femme de murs lgres, pour s'tre empresse apaiser la soif d'un chien haletant et essouffl, qui risquait de mourir " (Boukhari).

Dans un contexte rellement islamique, rgi par un soufisme sounnite, tous les concitoyens ont leur compte. " Tenez bien compte affirme le Messager d'Allah de l'tat de la jeune fille, qui est dans la fleur de son ge et qui aime se divertir " (Boukhari). C'est que " toutes les cratures sont les protges d'All