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 Comment le gouvernement peut-il « mettre la pression » sur les sociétés d’autoroutes ? Le gouvernement est décidé à « me ttre b e aucoup p lus de pressi on sur les  soci é  s d’autoroutes  », comme l’a rappelé le ministre de l’éc onomie, Emmanuel Macron au cours du magazine « Capital » diffusé sur M6 dimanche 9 novembre. « A nné e ap r ès a nnée , nous allons  verrouiller e t  maintenir la pression pour   baisser la rentabilité des sociétés d’autoroutes . Nous ferons baisser les tarifs là où c’est  p o ss i b le », a-t-il assuré.  Des concessionnaires en situation de « rente » Dans un rapport rédigé à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, et publié mi-septembre, l’Autorité de la concurrence a examiné la situation des sociétés d’autoroutes qui ont été privatisées en 2006 et cédées à de s groupes de BTP comme  Eiffage (APRR, AREA), Abertis (Sanef, SAPN) et Vinci (ASF, Escota), qui possédait déjà Cofiroute. De cette étude, il ressort que ces groupes se trouvent dans une situation assimilable à une « rente »,  affichant une rentabilité exceptionnelle largement déconne ctée des coûts. Ainsi, quand un(e) automobiliste paye 100 euros, entre 20 et 24 euros constituent du bénéfice net pour les concessionnaires d’autoroutes. L’Autorité de la concurrence estime que cette rentabilité exceptionnelle n’apparaît pas justifiée par le risque de l’activité.  Les tarifs de péages ont quant à eux connu une évolution supérieure à l’inflation  : ils ont augmenté de 21,7 % en dix ans, alors que l’augmentation du trafic est limitée depuis 2007 (+ 4,1 %). En février 2008, la Cour des comptes avait déjà dénoncé, dans son rapport annuel, la  politique tarifaire « complexe, opaque et incohérente » des sociétés d’autoroutes, les distorsions de prix et la pratique du « foisonnement », qui permet des hausses de tarifs sur les trajets les plus fréquentés tout en respectant, en apparence, la limite d’augmentation autorisée par l’Etat.  Une nouvelle autorité de régulation Au cours de l’émission « Capital » de M6, M. Macron a expli qué qu’« une autorité de régulation, un gendarme, qui agit déjà sur certains transports va étendre ses compétences. » L’Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) puisque c’est d’elle qu’il s’agit avait déjà indiqué qu’elle pourrait  voir sa mission élargie. « On a mal fait  vivre les contrats de concessions, on les a mal surveillés. Les sociétés d'autoroute en ont profité pour  avoir une politique tarifaire trop agressive. On va mettre en  place une autorité de régulation, qui se ra instaurée dans la prochaine loi pour la croissance et l'activité », a expliqué, lundi matin au Monde, le ministre, en déplacement en Algérie pour inaugurer une usine Renault. « Rien qu'en surveillant mieux les augmentations tarifaires voulues par les sociétés concessionnaires, on doit  pouvoir  obtenir des résultats dans la durée » , a-t-il ajouté. Reste que ce dossier s’avère complexe à gérer. Il concerne en effet des contrats de concession négociés jusqu’en 2028-2030. Il est a priori impossible de  modifier ces contrats en cours d’exécution, même si les conditions avantageuses comme la hausse permanente des péages et les profits engrangés sont fortement critiqués. Une fenêtre de tir avec le plan de relance autoroutier   Néanmoins, le gouverne ment dispose d’une opportunité de rouvrir une négociation avec les sociétés d’autoroutes à l’occasion du plan de relance autoroutier conclu en  2013 et validé, fin octobre, par Bruxelles. Les sociétés d’autoroutes s’engagent, à cette occasion, à  financer 3,6

3. Comment Le Gouvernement Peut-il Mettre La Pression Sur Les Sociétés d'Autoroutes

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  • Comment le gouvernement peut-il mettre la pression sur les

    socits dautoroutes ?

    Le gouvernement est dcid mettre beaucoup plus de pression sur les socits

    dautoroutes , comme la rappel le ministre de lconomie, Emmanuel Macron au cours du magazine Capital diffus sur M6 dimanche 9 novembre. Anne

    aprs anne, nous allons verrouiller et maintenir la pression pour baisser la

    rentabilit des socits dautoroutes. Nous ferons baisser les tarifs l o cest possible , a-t-il assur.

    Des concessionnaires en situation de rente Dans un rapport rdig la demande de la commission des finances de lAssemble nationale, et publi mi-septembre, lAutorit de la concurrence a examin la situation des socits dautoroutes qui ont t privatises en 2006 et cdes des groupes de BTP comme Eiffage (APRR, AREA), Abertis (Sanef, SAPN) et Vinci (ASF, Escota), qui possdait dj Cofiroute.

    De cette tude, il ressort que ces groupes se trouvent dans une situation assimilable une

    rente , affichant une rentabilit exceptionnelle largement dconnecte des cots.

    Ainsi, quand un(e) automobiliste paye 100 euros, entre 20 et 24 euros constituent du bnfice

    net pour les concessionnaires dautoroutes. LAutorit de la concurrence estime que cette rentabilit exceptionnelle napparat pas justifie par le risque de lactivit.

    Les tarifs de pages ont quant eux connu une volution suprieure linflation : ils ont augment de 21,7 % en dix ans, alors que laugmentation du trafic est limite depuis 2007 (+ 4,1 %). En fvrier 2008, la Cour des comptes avait dj dnonc, dans son rapport annuel, la

    politique tarifaire complexe, opaque et incohrente des socits dautoroutes, les distorsions de prix et la pratique du foisonnement , qui permet des hausses de tarifs sur les trajets les plus

    frquents tout en respectant, en apparence, la limite daugmentation autorise par lEtat.

    Une nouvelle autorit de rgulation Au cours de lmission Capital de M6, M. Macron a expliqu qu une autorit de rgulation, un gendarme, qui agit dj sur certains transports va tendre ses comptences.

    LAutorit de rgulation des activits ferroviaires (Araf) puisque cest delle quil sagit avait dj indiqu quelle pourrait voir sa mission largie.

    On a mal fait vivre les contrats de concessions, on les a mal surveills. Les socits

    d'autoroute en ont profit pour avoir une politique tarifaire trop agressive. On va mettre en

    place une autorit de rgulation, qui sera instaure dans la prochaine loi pour la croissance et

    l'activit , a expliqu, lundi matin au Monde, le ministre, en dplacement en Algrie pour

    inaugurer une usine Renault.

    Rien qu'en surveillant mieux les augmentations tarifaires voulues par les socits

    concessionnaires, on doit pouvoir obtenir des rsultats dans la dure , a-t-il ajout.

    Reste que ce dossier savre complexe grer. Il concerne en effet des contrats de concession ngocis jusquen 2028-2030. Il est a priori impossible de modifier ces contrats en cours dexcution, mme si les conditions avantageuses comme la hausse permanente des pages et les profits engrangs sont fortement critiqus.

    Une fentre de tir avec le plan de relance autoroutier Nanmoins, le gouvernement dispose dune opportunit de rouvrir une ngociation avec les socits dautoroutes loccasion du plan de relance autoroutier conclu en 2013 et valid, fin octobre, par Bruxelles. Les socits dautoroutes sengagent, cette occasion, financer 3,6

  • milliards deuros d'investissements sur le rseau. En contrepartie, elles demandent lEtat un rallongement de leur concession - entre quatre mois six ans, selon les socits.

    L'objectif est d'amliorer l o cela est jug ncessaire les conditions de circulation, mais aussi

    et surtout, ct pouvoirs publics, de crer 15 000 emplois en relanant l'activit dans le secteur

    des travaux publics.

    Le gouvernement devrait en profiter pour demander des contreparties. Cest quoi Bruno Lasserre, le prsident de lAutorit de la concurrence, la dailleurs invit : LEtat ne doit pas tre naf et doit saisir lopportunit du plan de relance autoroutier pour rengocier son avantage et celui des usagers , a-t-il dclar en prsentant, le 17 septembre, lavis demand par les parlementaires sur les socits dautoroutes.

    Une premire runion a eu lieu le 14 octobre Matignon. Le premier ministre a propos

    dengager un dbat dans la srnit et dans lintrt de tous . Des runions de travail seront organises entre les socits concessionnaires dautoroutes, le ministre des transports et Bercy pour arriver, selon Matignon, un accord gagnant-gagnant .

    Les pistes de rforme envisageables/envisages La premire option consisterait revoir la composition des prix des pages. LAutorit de la concurrence propose ainsi dinclure dautres variables comme les cots ou le trafic. Cela limiterait la hausse et rendrait mme possible des baisses. Autre ide : si la rentabilit des

    socits dautoroutes continue daugmenter, des clauses seront introduites permettant le partage des bnfices en faveur de lEtat.

    Ces propositions sont tudies par le gouvernement, dcid remettre plat le modle

    conomique des socits dautoroutes. Car leur privatisation a t une mauvaise affaire pour lEtat : le manque gagner a t de plusieurs milliards deuros.

    De son cot, le socialiste Jean-Paul Chanteguet, prsident de la commission du dveloppement

    durable de lAssemble nationale, tudie la possibilit de dnoncer par anticipation, en 2016, les contrats de concession. LEtat toucherait alors le revenu des pages autoroutiers, ce qui permettrait de financer les infrastructures de transport et, dans le mme temps, de modrer

    laugmentation des tarifs.

    Cette dnonciation des contrats est devenue juridiquement raliste depuis le 1er janvier

    2012 souligne le groupe de rflexion Automobilit & Avenir, qui runit notamment lUnion nationale des automobile clubs, les Motards en colre et le syndicat patronal du transport

    OTRE. Mais elle se heurte un obstacle de taille : le cot trs lev de lindemnisation des socits dautoroutes : entre 15 et 20 milliards deuros, selon Automobilit & Avenir.

    La piste dun prlvement sur les profits voqus par la ministre de lcologie, Sgolne Royal semble la plus hasardeuse. Ds son vocation le 10 octobre, le ministre des finances, Michel

    Sapin, lavait carte, rappelant que les socits dautoroutes bnficient de contrats extrmement avantageux et extrmement bien faits .

    Toute ponction supplmentaire donne lieu une compensation, soit sous la forme dune augmentation du page, ou dun allongement de la dure de la concession. Une telle taxation ne peut tre dcide de manire unilatrale, le risque tant double pour lEtat. Il verrait non seulement les contentieux se multiplier de la part des socits concessionnaires, mais il serait

    surtout confront la colre des automobilistes face aux hausses des pages.