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3 - responsabilitesocietale

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  • Cahier n3La Responsabilit

    Socitale

  • Prface

  • La ResponsabiLit socitaLe

    Responsabilit sociale et commerce mondial : lOMC doit-elle rguler les normes prives ?

    Pascal LamyDirecteur Gnral, Organisation Mondiale du Commerce

    Il existe un domaine o la responsabilit socitale bute sur un paradoxe : celui des normes prives. Ces normes sont cres par les entreprises et les ONG pour de nombreuses raisons. Elles peuvent ltre, par exemple, afin de rpondre aux nouvelles exigences des consommateurs, qui rclament une amlioration constante de la qualit des produits, ainsi quun raffinement de lthique sociale et environnementale des groupes industriels. Elles peuvent galement sinscrire dans une logique dharmonisation permettant aux entreprises de raliser des conomies dchelle en adoptant des standards de production communs. Ce foisonnement des normes prives rsulte donc de mcanismes de march, gnralement observs dans les pays dvelopps. Mais lorsque ces normes occidentales de plus en plus exigeantes simposent sur un secteur, les entre-prises des pays en dveloppement font face des barrires lentre, puisque les standards qualitatifs et les processus de certification tirent les cots de production vers le haut. Pour des entreprises dont le principal avantage dans le commerce mondial demeure une forte comptitivit-cot, les consquences peuvent ainsi savrer considrables. Des normes conues gnratrices de progrs peuvent donc constituer des freins inattendus au dveloppement.

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  • La ResponsabiLit socitaLe

    Lorsquune telle difficult survient, la thorie conomique veut souvent quun rgulateur extrieur vienne corriger les dfaillances de march. LOMC a-t-elle vocation tre ce rgulateur ? Cette question a t relance par Saint-Vincent et les Grenadines, propos de la duret des normes imposes par les chanes de super-marchs aux petits producteurs de bananes. Saint-Vincent et les Grenadines ont fait valoir que ces normes taient devenues de facto obligatoires : un fournisseur qui ne les respecterait pas naurait aucune chance dimposer ses produits sur les linaires. Lorsque les standards dune entreprise acquirent ainsi un caractre de barrires non tarifaires au commerce (NTBs), lOMC ne devrait-elle pas tre comptente pour les apprcier, mme si ses accords ne sappliquent thoriquement quaux Etats ?

    In fine, il nappartient quaux pays membres de lOMC den dcider, mais certaines pistes de rflexion peuvent tre lances. Ralisons pour ce faire, un bref diagnostic de ltat du droit international en matire de normes prives avant de creuser quelques questions fondamentales sur ce thme.

    LEtat du droit international en matire de normes prives

    Rapports public-priv en droit internationalFace au rle prpondrant des acteurs privs sur la scne mondiale, les nations et les juridictions internationales intrio-risent progressivement la ncessit dadmettre une forme de responsabilit tatique du fait dactions prives internationa-lement dommageables. La Cour Internationale de Justice sest engage dans cette voie par la dfinition dun faisceau dindices. Dans laffaire concernant lapplication de la prvention et la rpression du crime de gnocide1 , la Cour a retenu les critres de respon-sabilit fixs par la Commission du Droit International : un Etat peut tre condamn en lieu et place dune entit prive ressor-tissante lorsque celle-ci est assimilable de facto lautorit publique, ou lorsquelle agit sur instruction directe de lEtat.

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    1 Bosnie-Herzgovine c. Yougoslavie (Serbie et Montngro).

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    Un principe de responsabilit similaire connat des dclinaisons dans le droit du GATT/OMC, la fois dans les accords et la juris-prudence, et ce malgr le caractre intergouvernemental de lins-titution.

    Les normes prives sous le rgime du GATTDs 1947, larticle XVII du GATT fixe le statut des entreprises dEtat et les astreint au respect des dispositions de laccord dans toutes leurs activits commerciales.En 1988, le Groupe spcial du GATT dans laffaire Commerce des semi-conducteurs2 juge par ailleurs que la responsa-bilit de lEtat doit stendre au-del des entreprises publiques de jure. Le Groupe spcial dfinit ainsi des critres cumulatifs permettant dtablir lintervention de facto de lautorit publique: selon les juges du GATT la responsabilit de lEtat doit tre engage lorsque le producteur de la norme incrimine fait lobjet dune incitation ou dsincitation3 publique, et lorsque lactivit normative est oriente par une action ou inter-vention4 tatique.

    Les normes prives dans les accords de lOMCPar la suite, ce principe de responsabilit tatique du fait de lactivit de ressortissants privs sest vu notamment consacr, diffrents degrs, dans deux accords spcifiques de lOMC : laccord relatif aux obstacles techniques au commerce (OTC) et laccord sur les normes sanitaires et phytosanitaires (SPS).

    Ces accords, susceptibles de couvrir une large proportion des normes prives potentiellement dommageables aux pays en dveloppement, permettent aux Membres dtablir des normes visant protger la vie et la sant des personnes, des animaux et des vgtaux, mais sans discrimination nationale et sans jamais crer de barrires non ncessaires au commerce.

    Dans le cadre de ces accords, les Membres ont obligation de

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    2 Communauts europennes c. Japon, L/6309.3 Rapport du Groupe spcial adopt le 4 mai 1988, (L/6309 - 35S/126), paragraphe

    109.4 Ibid.

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    prendre toutes mesures raisonnables pour faire en sorte que les entits non gouvernementales de leur ressort territorial se conforment aux dispositions prcites. Par ailleurs, ces accords proscrivent les mesures publiques ayant pour effet dobliger ou dencourager5 des entits non gouvernementales tablir des normes non conformes aux principes de proportionnalit et de non-discrimination. Dans lensemble, il apparat donc assez clairement que les gouvernements portent lOMC la responsa-bilit dun respect par les acteurs privs des engagements pris au titre des accords SPS et OTC.

    Laccord OTC va mme lgrement plus loin : son article 4 impose aux parties dencourager le secteur priv sengager formellement sur la lettre de laccord, en adhrant un Code de Pratique pour llaboration, ladoption et lapplication des normes6. Toutefois, reste ouverte la question de ltendue de cette responsabilit gouvernementale. Que faut-il en effet comprendre par mesures raisonnables ? Sagit-il simplement de mesures de transparence visant ce que nulle entreprise nignore le contenu des accords, ou bien les Etats doivent-ils interdire aux acteurs privs dlaborer des normes allant au-del du strict ncessaire pour protger la sant et la vie de tous ? Dans le cas o les membres ne saccorderaient pas sur cette responsabilit publique, lexgse des rgles actuelles choira lOrgane dappel de lOMC.

    Quelques pistes de rflexionAfin de se prparer une ventuelle conscration du principe de responsabilit des gouvernements du fait des normes prives de leurs organisations ressortissantes, un peu de prospective simpose. Quelles pourraient en tre les modalits et les cons-quences ? La rponse est loin dtre vidente. Sengager dans cette voie exige tout dabord de dfinir clairement ce que lon entend par organisation ressortissante . Or lon sait que le droit international public bute sur cette notion : qui doit tre

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    5 Ici encore par des mesures raisonnables .6 Code annex laccord OTC.

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    responsable pour une entreprise dorigine franaise, ayant un sige New York et un dirigeant allemand, et qui imposerait une norme excessive en Australie ? Une fois cette question rsolue, il restera par ailleurs fixer le champ dapplication de cette responsabilit. Stendrait-elle toutes les catgories de normes et dacteurs privs ? Attendons-nous ce quune telle problmatique fasse dbat. Dautant plus sil savre ncessaire, en vue de respecter les rgles de procs quitable, de donner aux acteurs privs des droits en contre-partie de ces obligations nouvelles. Les pays en dveloppement, qui se sont jusquici opposs toute prsence des entreprises dans lorganisation, ne peuvent en effet rendre le secteur priv justiciable du rglement des diffrends sans lui consentir un droit de dfense, si ce nest de poursuite, dans le cadre de lOMC.Plus avant, tous les Membres devraient-ils tre assujettis un mme degr de responsabilit ? Puisque le droit de lOMC consacre un traitement spcial et diffrenci visant dcharger les pays en dveloppement dune partie de leurs obligations, ne faudrait-il pas appliquer ce traitement asymtrique au contrle des normes prives ?

    On ne peut en effet attendre la mme finesse de surveillance de la part dun pays riche et dun pays moins avanc. Au-del des cots dobservation et de contrle, un tel renforcement de la surveillance du secteur priv quivaudrait mme, au sein de pays de tradition conomique librale, une petite rvolution culturelle. Attendons-nous donc ce que de nombreux Membres arguent de la difficult technique et du poids financier de cette surveillance pour refuser, pendant longtemps encore, toute volution dans le sens dune extension de la responsabilit publique du fait des normes prives.Les questions de dveloppement ne sont pourtant pas seules plaider en faveur dune implication tatique dans laction normative. Les normes publiques par exemple, dautant plus lorsquelles deviennent internationales, possdent une vertu unificatrice, propice aux conomies dchelles pour les entre-prises. Do la vigueur lOMC des dbats sur lquivalence et la reconnaissance mutuelle des standards, et une certaine attente de la part des acteurs privs eux-mmes.

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    Conclusion Dans le systme intergouvernemental du GATT, la rgulation du commerce international pouvait paratre simple : les Etats-nations convenaient de dsarmements douaniers comme ils ngociaient leurs dsarmements militaires. Ce monde a disparu double titre.

    Premirement, les droits de douanes ne sont plus les outils privilgis de la protection commerciale, cette dernire ayant trouv dans les barrires non tarifaires (quantitatives comme les quotas, ou qualitatives comme les standards de production) un instrument plus efficace et plus discret. Deuximement, le secteur priv a acquis un poids juridique qui en fait parfois lgal des gouvernements en matire de rgulation. On comprend l tout lenjeu du concept de respon-sabilit socitale : de plus en plus puissantes, et indistinctement soumises au droit de lOMC pour le moment, les entreprises et les ONG crent des normes lourdes de consquences pour le monde en dveloppement.

    Faut-il ds lors, compter sur le secteur priv pour sautor-guler et matriser limpact de son activit normative au nom dune responsabilit socitale morale ? Ou bien faut-il sassurer de la neutralit de ces normes vis--vis du dveloppement en imposant une responsabilit lgale aux entreprises, aux Etats qui les accueillent, ou aux deux ? Notre premier devoir est en tout cas dy rflchir.

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  • Avant-propos Avant-Propos

  • La crise conomique, financire et sociale que nous traversons est forte et globale. Elle appelle donc une rflexion en profondeur. La tentation de rsoudre par la rgulation travers le mcanisme classique des hard laws occupe actuellement le devant de la scne politico-mdiatique.

    Pourtant il apparat de plus en plus que face cette crise syst-mique, dautres solutions performantes existent aussi. En effet, la responsabilit socitale qui prochainement disposera dune norme (ISO 26000) pourrait trs bien servir de support des comportements responsables lensemble des acteurs de la socit. Ainsi, au lieu de tenter de grer troitement et de manire sectorielle les acteurs conomiques, politiques et sociaux, on pourrait favoriser des comportements responsables globaux dans lensemble du systme socio-conomique. Ce faisant, on stabiliserait plus srement un systme devenu extra-ordinairement complexe et inter-connect. Partant du fait que tous les systmes complexes se dfinissent comme des systmes suprieurs la simple addition de leurs parties, il est indniable que des principes, des rgles ou des normes rgissent justement linteraction entre ces lments, donnant ainsi lensemble un pouvoir suprieur. Nous postulons dans ce cahier que la responsabilit socitale tient prcisment ce rle de lien suprieur.Du fait que Genve abrite des organisations internationales, en charge de la gouvernance mondiale dans ltablissement des rgles et des normes, il est clair que Genve joue un rle privi-lgi en participant la fois la comprhension des enjeux et leur concrtisation dans des solutions harmonieuses pour tous. De cette situation unique, Genve et sa communaut dhabitants endossent une certaine responsabilit face au Monde.

    Nous sommes cependant conscients que les Etats-Nations et la communaut internationale voudront et devront rguler tel ou tel secteur de lconomie ou de la socit mais nous nous intressons tout particulirement dans ce cahier lensemble du systme mondial sous les aspects de sa complexit et de sa gouvernance. Il sagit en quelque sorte plus de penser la crise que de la panser .

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  • Guillaume Pictet Prsident de la Fondation pour Genve

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    Tatjana DaranyDirectrice de la Fondation

    pour Genve

    En donnant la parole des personnalits de premier plan inter-national comme Pascal Lamy (Directeur gnral de lOrgani-sation Mondiale du Commerce), Juan Somaria (Directeur gnral de lOrganisation Internationale du Travail), Alan Bryden (ancien Secrtaire gnral de lOrganisation Internationale de Norma-lisation/ISO), de la socit civile comme Beth Krasna (Thinking Ethics) ou encore du secteur bancaire avec Ivan Pictet, nous avons voulu, dans ces cahiers de la Fondation pour Genve, apporter une contribution originale au dbat central sur la gouvernance de notre socit globalise.

    La publication de ce troisime cahier dune srie de quatre dmontre la volont de la Fondation pour Genve de contribuer aux discussions dimportance qui faonnent lavenir de nos socits. A la fois didactiques et avant-gardistes, ces cahiers soulvent des problmes contemporains majeurs tout en offrant des pistes de rflexion souvent ardues.

    Il est de notre devoir danticiper lvolution de notre monde par une rflexion partage, ce dautant plus que Genve sest histori-quement retrouve frquemment penser les grands principes de gouvernance.

    En diffusant largement ces rflexions, la Fondation pour Genve espre vous associer cette dmarche.

    Nous vous en souhaitons bonne lecture.

  • Un nouveau dpart Un nouveau dpart

  • Dans un monde transformationnel , selon

    lexpression remise au got du jour par Colin

    Powell, ce qui compte cest la capacit de

    chacun entreprise, Etat, organisation de la

    socit civile et citoyen dagir de manire

    volontairement responsable. En favorisant la

    contrainte morale , la socit volue vers

    plus de responsabilit.

    Nous quittons ainsi un monde souvent trop

    domin par le bton et la carotte , propre

    au contrat transactionnel, pour un autre bas

    davantage sur la responsabilit socitale.

    Sans limposition dun nouveau carcan trop

    rgulateur, le monde va pouvoir se trans-

    former de manire permanente.

    La responsabilit socitale sera au cur de

    cette mtamorphose. Bien sr, la grave crise

    financire et conomique actuelle aura des

    rpercussions sur la socit et son organisa-

    tion. Les tentations vers plus de rgulations

    sont nombreuses, la reprise en main des

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    La ResponsabiLit socitaLe

  • marchs par les Etats-nations est palpable.

    Mais comme cette crise est systmique, cest

    surtout la question des comportements des

    acteurs de lensemble du systme qui comp-

    tera et non pas la rgulation sectorielle. Et

    mme si nous tions capables de normaliser

    les acteurs individuellement, le systme dans

    son ensemble ne serait toujours pas rgul.

    Cest prcisment l quinterviennent les

    rgles de base des comportements respon-

    sables qui une fois tablies, permettront

    au systme complexe que sont les marchs

    financiers et conomiques de retrouver leur

    stabilit. Ces rgles de comportements sont

    connues et se rfrent aux principes de la

    responsabilit socitale . Lenjeu est donc

    dimportance puisque la transformation du

    monde en dpend.

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  • Lenjeu

    Depuis plusieurs dcennies, et malgr les revers lis la crise conomique actuelle, la socit dans son ensemble et les entre-prises en particulier sont au cur dun changement de valeurs lies la responsabilit sociale, environnementale et thique qui tend restructurer les comportements dans les changes et les relations internationales. Ce phnomne a pris le nom de responsabilit socitale . Que ce soit au niveau des changes commerciaux, culturels et financiers, des accords internationaux rgissant le droit du travail, la production et la distribution des biens et des services ou encore au niveau des droits humains, de la corruption ou de lempreinte cologique, tout est, dsormais, affaire de responsabilit socitale.

    Longtemps peru comme une dmarche thique, proche dun comportement juste et honnte, empreint de compassion voire dun certain souci dimage, le concept a aujourdhui volu vers un engagement du just good business comme le titrait en janvier 2008 The Economist1. Ce changement de paradigme comme acceptation pleine et entire de la responsabilit socitale par les Etats, les entreprises et les diverses organisa-tions de la socit civile est un tournant dcisif et marquant de notre poque. En effet, les valeurs vhicules par cette nouvelle conduite sont universelles et vont structurer la complexit des changes plus srement quaucune loi issue dun Parlement souverain ne laurait jamais fait. Nous voici, donc, au cur des

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    1 Rapport spcial publi le 19 janvier 2008.

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  • processus modernes de gouvernance soft dcrits dans nos deux premiers cahiers car la responsabilit socitale est pour lessentiel de type soft law cre par et pour les besoins des multistakeholders de la gouvernance globale.

    La Dclaration du Millnium2 de lONU labore Davos par les principaux responsables du monde politique et conomique dalors est le premier jalon tmoignant de ce changement de paradigme. La crise conomique et financire, qui a produit un temps darrt au processus, servira, nen pas douter, dacclrateur. La mise en place du Global Compact3 devrait servir ainsi de vhicule au changement. Lenjeu est bien dfini. Il reste encore en mesurer ses effets.

    L accountability devrait pouvoir rpondre cette exigence.En effet, ds lors que les entreprises se mettent daccord sur les objectifs atteindre (en ce sens, la norme ISO 260004 devrait fournir le cadre formel) alors la question de la capacit pour ces dernires de rendre des comptes sur les progrs accomplis va prendre toute son importance.

    Lensemble du processus de la mise en place de valeurs nouvelles, loin dtre achev, est plutt en plein dveloppement car il ne faut pas oublier que nous sommes en prsence dun mouvement en devenir et donc non fig. Connatre les origines de celui-ci et savoir quels sont les facteurs structurants qui existent dj et qui vont favoriser son mergence permet de saisir les enjeux.

    Nous allons dans les pages suivantes apporter un clairage sur ces diffrents points soutenu par les tmoignages dacteurs actifs dans ce domaine avant dvaluer le concept daccounta-bility5, sorte de nouvelle comptabilit socitale et de conclure sur la rgulation comme instrument stabilisateur des environ-nements complexes propres la gestion des affaires du monde.

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    2 www.un.org/french/millenaire/ares552f.htm3 www.globalcompact.org4 www.wikipedia.org/wiki/ISO_260005 www.iso.org

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  • Lmergence dun concept

    Si actuellement lexpression de responsabilit socitale est communment utilise dans la langue franaise, il en est autrement dans le monde anglo-saxon o lappellation social responsibility reste lexpression courante. Ces deux dnomi-nations recouvrent cependant la mme ide, mais on a prfr dans ce texte, lexpression socitale sociale pour mieux exprimer les multiples champs des responsabilits qui concernent dsormais la socit dans son ensemble.Auparavant, les expressions corporate social responsibility ou responsabilit sociale des entreprises taient videmment trs utilises dans le domaine des entreprises, mais comme elles excluaient, de facto, toutes les autres formes dorganisations sociales issues des pouvoirs publics ou encore de la socit civile , il sest avr que ces expressions limitaient le champ daction de la responsabilit socitale au seul environnement direct des entre-prises. Or, cette notion tait certainement rductrice. Nous utili-serons donc en gnral le terme de responsabilit socitale dans ce cahier pour bien exprimer ce changement dapproche, sauf dans certains cas spcifiques qui seront alors prciss.

    Historiquement, le long parcours de lengagement et de la respon-sabilit socitale peut se dcliner en cinq phases distinctes mme si celles-ci ont eu tendance se chevaucher parfois :

    La mise en place de valeurs nouvelles est loin dtre acheve.

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  • Une premire phase dite de la compassion entrepreneu-riale sest dveloppe ds le dbut de lre industrielle autour des concepts humanitaires, ducatifs et sociaux. Il sagissait alors de rpondre la fois aux revendications syndicales sur les conditions de travail, sur le travail des enfants et le pouvoir dachat mais galement sur le grand enjeu du XIXe sicle autour de laccs lducation pour tous et bien sr des problmes humanitaires lis la pauvret et lexode des populations vers les villes. Cette phase se caractrise essentiellement par une prise de conscience de type paternaliste6 par les entre-preneurs. Etant trs impliqus localement et sur le terrain, ces derniers ont souvent ragi et rpondu de manire spcifique mais peu prospective face aux nouvelles attentes. Les situa-tions de crise se sont succd et par consquent le patronat a ressenti le besoin de sorganiser. LEtat simpliquant encore peu dans ces questions, de nombreux accords entre les partenaires sociaux furent signs sans toujours le concours de celui-ci.

    Ensuite, une phase dite internationale fut initie autour des grandes conventions internationales reposant sur les principes des droits humains et du travail. Ce fut notamment : Forced Labour Convention (1930), Universal Declaration of Human Rights (1949), Equal Remuneration Convention (1951), Discri-mination, Employment and Occupation Convention (1958), Inter-national Covenant on Civil and Political Rights (1966) et lInter-national Covenant on Economic, Cultural and Social Rights (1966), ILO Convention n138 Minimum Age (1973), International Convention on the Elimination of all forms of Discrimination against Women (1979). Cette phase des grandes conventions internationales sert videmment aujourdhui encore de base aux principes et aux lois touchant le comportement des entre-prises de par le monde. Cette phase reste la fondation mme de lvolution du processus et inspire dsormais les grandes ides de la responsabilit socitale.

    Une troisime phase a dbut avec les grands combats mens par les organisations de consommateurs (Lemon Law, 1964).

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    6 Mc Hugh et de Ballet et de Bry. Voir Bibliographie.

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    Cette phase se distingue des prcdentes par larrive de nouveaux acteurs dans le cadre de la responsabilit socitale savoir les organisations de dfense des consommateurs. De nombreuses lois nationales furent votes depuis les annes soixante afin de protger les consommateurs dans chaque pays. Mais lactivit de protection ne sarrta pas l car au niveau international une grande panoplie de recommandations, de normes et de standards fut labore. Le rsultat de ces actions a conduit ltiquetage standardis de produits notamment ceux des grandes distributions alimentaires et sest poursuivi plus tard par un tiquetage automatique de tous les produits. Aujourdhui, la traabilit des produits, en partie implmente, reste une question centrale et souvent dbattue. De mme, le commerce dit quitable est une rponse aux besoins des consommateurs de mieux connatre le producteur afin de le soutenir. Ce changement de paradigme a amen progressi-vement les entreprises avoir plus de considration et donc une plus grande responsabilit envers la sous-traitance qui est de plus en plus dissmine dans le monde. La question du contrle de qualit et de lorigine est donc devenue un lment cl de la responsabilit entrepreneuriale. Le succs de la norme ISO 9000 sur le contrle de qualit est l pour en tmoigner.

    Une quatrime phase a t enclenche ds les annes septante sur la question environnementaliste qui, depuis lors, na cess de sintensifier en crant un vritable enjeu de socit. Cette phase voit galement larrive de nouveaux acteurs : les ONG bien sr mais galement les scientifiques. Cette phase pourrait tre qualifie de conscience cologique mergente. ISO 14000 puis ISO 14001 en ont dfini les contours au niveau des normes appliquer. La question de lenvironnement a cependant pris une nouvelle tournure sous la pression scien-tifique sur le changement climatique. Les conclusions des rapports scientifiques et les dclarations du groupe intergou-vernemental dexperts du GIEC, mandat par lONU, ont fait leffet dune bombe. (...) Lhomme et ses activits ne sont pas exempts de responsabilit lie au changement climatique () . Que lon accepte ou non ces conclusions, il faut reconnatre que la discussion politique a pris une tout autre tournure. En

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    effet, il sagit dsormais de sattaquer laugmentation de leffet de serre. Les conclusions de ces experts ont trouv cho auprs des populations et des pouvoirs publics. Ces derniers ont tabli de nouveaux objectifs qui feront suite ceux de Rio, de Kyoto et de Copenhague. La question de lenvironnement et du changement climatique sest dplace au cur du dbat public. Cela ne signifie pas que les prises de position des uns et des autres ne vont pas continuer crer des vagues et des tensions mais cela veut dire que la recherche de solutions a pris le dessus sur la phase initiale du diagnostic. Ainsi, deux courants sopposent aujourdhui sur comment procder . Le premier courant conservateur veut lgifrer et taxer selon le principe du pollueur/payeur . Lautre tendance plus progres-siste veut trouver des solutions par linnovation technologique et le progrs scientifique. Ce courant annonce le dvelop-pement dune conomie verte (Clean Technology). Le dbat actuel na pas encore tranch sur la voie suivre. Nous allons, sans doute, nous acheminer vers un compromis issu des deux mouvements : linnovation encadre par des lois et des incita-tions gouvernementales. Mais sur le long terme, il est parier que linnovation scientifique et technologique sera la solution au problme. En attendant ce jour, la responsabilit socitale de chacun sera mise contribution.

    La cinquime phase a dbut avec la Dclaration du Millnium et ltablissement du programme Global Compact . Cette phase se distingue des prcdentes par une initiative conjointe des entrepre-neurs globaux et des fonctionnaires internationaux. Cest au World Economic Forum de Davos que les premires propositions ont t mises. Cette phase est en quelque sorte une approche par le haut (top down) en opposition aux deux phases prcdentes (bottom up). Ainsi lONU et les grandes entreprises associes dans le projet du Global Compact reprennent linitiative en intgrant les diff-rentes composantes modernes de la responsabilit socitale. Il sagit dsormais de sappuyer sur des Chartes concernant les questions lies aux conditions du travail, du consommateur, des investisseurs, de lenvironnement, des Etats et des rgles interna-tionales du commerce. La future norme ISO 26000 qui sera lance en 2009/2010 aura comme point central prcisment ces proccu-

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    pations. Les grandes entreprises ont dj anticip ce mouvement en intgrant ces grands principes et produisent des rapports annuels montrant ltat des progrs accomplis anne aprs anne. La crise actuelle va dboucher sur une nouvelle phase dont on donnera une esquisse des grandes lignes en troisime partie de ce cahier. Nous allons maintenant dabord passer en revue les diffrents aspects de ces principes.

    Lgislation/ConventionsLa loi Sarbanes-Oxley (ou SOX) a t adopte en 2002 dans la foule du scandale des affaires Enron (2001), Andersen (2002) et WorldCom ou Parmalat (2003) pour redonner confiance aux actionnaires, cranciers et employs lss par les nombreux scandales financiers. Cette reconqute de confiance se devait de passer par la mise en place de rformes radicales dans la gouvernance dentreprise. Elle impose toutes les entreprises cotes aux Etats-Unis, de prsenter la Commission amricaine des oprations de bourse (SEC) des comptes certifis personnellement par leur dirigeant. Cette loi concerne aussi les 1300 groupes europens ayant des intrts aux Etats-Unis. Elle rend donc les dirigeants pnalement responsables des comptes publis. Elle assure aussi et surtout lindpendance des auditeurs face aux pressions dont ils peuvent tre (et sont) lobjet de la part des dirigeants dentreprise. http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Sarbanes-Oxley

    Les Lemon Laws sont des lois amricaines qui offrent des voies de recours pour les consommateurs dans lindustrie automobile. The federal lemon law (Magnuson-Moss Warranty Act) protge les citoyens de tous les Etats amricains contre un refus dobtemprer de la part des constructeurs face des pannes rptition de leurs voitures. Les droits accords aux consommateurs par les lois peuvent dpasser toutes les garanties exprimes dans les contrats dachat. Lemon law est devenue avec le temps un

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    terme gnrique commun pour toutes ces lois qui protgent les consommateurs. http://en.wikipedia.org/wiki/Lemon_law

    Outils mthodologiquesAgenda 21En 1992, lors du sommet de la Terre de Rio, 173 pays adoptent le programme Action 21 (connu en anglais comme Agenda 21). Cest une dclaration qui fixe un programme dactions pour le XXIe sicle dans des domaines trs diversifis afin de sorienter vers un dveloppement durable de la plante. Ainsi, Action 21 numre quelque 2500 recommandations au niveau des territoires concernant les problmatiques lies la sant, au logement, la pollution de lair, la gestion des mers, des forts et des montagnes, la dsertification, la gestion des ressources en eau et de lassainissement, la gestion de lagriculture, la gestion des dchets. http://fr.wikipedia.org/wiki/Agenda_21

    The Ecological Footprint ( LEmpreinte cologique)Lempreinte cologique est un outil de gestion des ressources qui mesure quelles quantits de terre et deau une zone de population humaine a besoin pour produire durablement les ressources quelle consomme et pour absorber ses dchets dans le contexte des technologies existantes. Lempreinte cologique aide les dcideurs de faon plus prcise et quitable pour une justice sociale et environnementale et fournit une comptabilit des ressources systmatique, outil qui peut nous aider planifier le monde, dans lequel nous vivons tous, dans la limite des moyens de notre plante. http://en.wikipedia.org/wiki/Ecological_footprint

    SSWi (Suisse)La Fondation pour la responsabilit sociale dans lconomie SSWi est le Rseau pour la responsabilit sociale dans

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  • lconomie. Ce rseau fond en 1999 a dvelopp des mthodes et outils peu onreux pour les entreprises de toutes tailles et des secteurs en leur permettant dvaluer leurs performances sociales, de dvelopper des instruments spcifiques pour communiquer avec les collaborateurs, les clients ou lopinion publique. www.sswi.ch

    The Sustainable Balanced ScorecardLe terme Balanced Scorecard a t popularis par le Professeur Robert Kaplan de Harvard Business School et David Norton, un consultant en gestion. Il est devenu un guide pour les gouvernements, les activistes et mme les entreprises. Cest un contrle de gestion et de mesure des performances sociales de lentreprise grce au reporting et au pilotage afin dapparatre aux yeux des investisseurs comme une entreprise la fois rentable et socialement responsable . Ce systme de performance est populaire par sa simplicit et est un cadre pour une meilleure intgration du concept de dveloppement durable. www.sustainablebalancedscorecard.com

    Le Carbon Disclosure Project (CDP)Le Carbon Disclosure Projet a t lanc en 2000 par une organisation but non-lucratif regroupant aujourdhui 315 institutions dinvestissement dont bon nombre de grandes banques internationales afin de pallier les risques et les cots lis au changement climatique. Les outils mthodologiques sont bass sur le calcul dmissions de gaz effet de serre des plus grandes entreprises mondiales. Par la publication de rapports annuels et de mthodologie, le Carbon Disclosure Project a une double fonction : la veille technologique des entreprises sur la question de limpact des hydrocarbures sur lenvironnement mais galement la mthodologie de reporting des progrs accomplis.www.cdproject.net

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    La ResponsabiLit socitaLe

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    Les principes de responsabilit

    Plusieurs principes guident la responsabilit socitale contemporaine dont certains comme nous venons de le voir, ont une longue histoire. Cependant, depuis le passage lan 2000, la rflexion a pris une nouvelle tournure. En effet, la responsabilit socitale, notamment celle des entreprises, est devenue affaire de bon business plus quun business oblig. Aujourdhui, il est inconcevable pour une entreprise, une ONG, une adminis-tration ou une organisation internationale de ne pas agir dans un cadre de principes bien tablis et partags. Cette ncessit se rfre non plus aux valeurs portes par quelques personna-lits claires mais bien par un ensemble des individus agissant lintrieur et lextrieur dune organisation, dune institution ou dune entreprise. Lassemblage des principes adopts devient mme la valeur identitaire de ces entits. Nous allons voquer ci-aprs les principaux axes de rflexion qui portent les nouvelles valeurs de la responsabilit socitale. Certains de ces principes sont de type endogne (propre lentit), dautres sont exognes (venant de lextrieur donc de la socit). Nous allons les repr-senter sans les hirarchiser.

    La contrainte morale (moral constraint)Les valeurs morales, thiques et humanitaires ont toujours t prsentes dans les discussions sur la responsabilit socitale. Prenant ses racines dans la religion mais aussi dans les valeurs humanistes, la morale et lthique forment conjointement les piliers fondateurs de la responsabilit socitale. Offrant une

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    assise solide de justes comportements. La morale et lthique ont forg la constitution des activits humaines et donc de ses institutions. Quil sagisse des Constitutions des Etats, des Mission statements des entreprises, des Chartes fondatrices des ONG, on retrouve partout ces mmes chelles de valeur sur lesquelles les activits vont tre dveloppes dune manire cohrente.

    Dans les annes quatre-vingt, un changement notoire est apparu avec la cration des premires chaires universitaires sur lensei-gnement des principes thiques dans les facults des sciences conomiques ou de management. Linstitut of Business Ethics (IBE) en Angleterre sous limpulsion de Philippa Foster Back7 en 1986 est notre connaissance la premire initiative qui symbolise le mieux ce changement dattitude du monde acad-mique. Aujourdhui, il ny a quasiment pas duniversits qui noffrent un enseignement sur lthique dentreprise. Ce brusque mouvement et cette gnralisation de la prise en considration de lthique sexpliquent par un certain nombre dincidents inter-venus dans le monde des affaires au niveau mondial. En effet, avec lacclration de la globalisation, certaines entreprises ont t contraintes de faire face de nombreux abus notamment sur la question du travail des enfants, de lingalit de traitement des femmes, de linsuffisance ou de mauvaise communication mais surtout des oprations de dlocalisation htive qui ont choqu les opinions publiques partir des annes septante. Lthique des affaires devenait alors une question urgente. Cela va gnrer en tout cas lapparition dun changement dattitude des entrepre-neurs et de leur besoin de formation en la matire.

    La garantie de qualit (quality control)Avec la globalisation, les entreprises ont d affronter un autre problme li cette fois-ci la qualit des produits mis sur les marchs et notamment celle offerte par la sous-traitance. En effet, comme les entreprises composaient avec des marchs de plus en plus globaux, le contrle de qualit avec les sous-traitants parpills de par le monde devenait extrmement difficile. Lopinion publique et tout particulirement les ONG ont cherch les rendre plus responsables du contrle de qualit,

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  • de la traabilit de leurs produits dun point de vue commercial, juridique et thique. Les entreprises durent fournir un nouvel effort pour intgrer cette problmatique. Cette obligation fut largement aide par ltablissement en 1987 de la norme ISO 9000 lchelle internationale permettant une nette amlioration du contrle de qualit dans la chane de la valeur notamment au niveau de lapprovisionnement. Chaque entreprise a d amliorer ses performances et sensibiliser son personnel pour pouvoir accder un management de qualit certifi par les normes ISO 90008 puis 9001. Ce travail de contrle a permis un net renfor-cement des performances de lentreprise tout en combinant des exigences de qualit le long de la chane de production de leur produit. Ce long processus, plutt onreux pour les entreprises engages dans la comptition mondiale, a eu avant tout comme objectif de rassurer les marchs et de satisfaire les clients. Cette approche volontaire mene par les entreprises a permis des millions dentre elles de rentrer de plain-pied dans la responsa-bilit socitale.

    Le commerce quitableBien que ce terme ait une connotation trs marque, le commerce quitable a un impact qui va bien au-del de sa propre ralit. En effet, le commerce quitable a tabli de nouvelles bases concernant le rapport entre consommateurs et produc-teurs (surtout en Amrique du Sud et en Afrique). Ces marchs impliquent davantage le consommateur qui travers son acte dachat, tend favoriser et soutenir activement le producteur. Ce concept de commerce quitable a chang les perspectives pour lensemble des activits commerciales. Ds lors que le consommateur sintresse non seulement aux produits quil a achets mais galement celui qui les a produits et aux condi-tions de production et de travail, on aboutit forcment un changement de paradigme. Toute la chane du commerce en a subi les consquences, commencer par les intermdiaires et leurs rles qui ont t mis preuve. Le label de commerce

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    7 http://www.ibe.org.uk/team.html8 Lauteur Willy Sussland dans Le manager, la qualit et les normes ISO

    parle mme dun ISO 9000 Rentable avec une approche de qualit totale 1996 aux Presses Polytechniques Universitaires Romandes.

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    quitable garantit au consommateur quen payant plus cher ces produits, le producteur verra ses conditions de vie amliores. Ce changement de comportement a permis une meilleure traabilit des produits et il est aujourdhui presque commun de connatre la provenance des produits et mme den suivre son parcours. Plus linformation est disponible, plus le consom-mateur se sent rassur et est prt payer pour cette transpa-rence. Cette pratique va sans doute voluer encore et conduire mme les entreprises utiliser leur exprience vcue comme dmarche et leur produit comme puissant outil didactique. Les produits qui taient prsents comme une simple valeur ajoute, sont aujourdhui expriments par le consommateur comme une vritable acquisition de connaissances mesurables. Le client devenant plus responsable, il se dote du mme coup dune perspective plantaire de responsabilit. Par effet de ricochet, la responsabilit socitale des entreprises sur la qualit et la moralit des produits proposs sest consolide grce aux multiples combats des organisations de consommateurs.

    Lquilibre de traitementLe travail des enfants et les dsquilibres conomiques issus des diffrences salariales travers le monde, lingalit de traitement des minorits, lapparition de nouvelles formes modernes desclavagisme, de la traite des femmes, de la corruption et de la privation de libert sont aujourdhui encore des problmes dune extrme importance. Bien sr, les ingalits de traitement entre femmes et hommes, les problmes raciaux, les confron-tations ethniques, les difficults intergnrationnelles (jeunes et vieux) ont fait quelques progrs, mais le travail accomplir reste immense. Les entreprises notamment celles qui agissent au plan mondial se retrouvent dans une position dacteur privi-lgi. Ces dernires peuvent dans une large mesure imposer leur propre thique face aux agissements locaux ou nationaux dun autre temps. Les entreprises globales sont dsormais le fer de lance dune rvolution universelle : celle de lquit des traitements. La Dclaration du Millnium expose initialement par les entre-preneurs au Forum Economique de Davos en 1999 puis par lONU au passage du millnaire sert actuellement de Charte pour de nouveaux comportements. Grce lappui et la mise

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    en place dune organisation de soutien et de promotion pour ces nouveaux concepts, le Global Compact , le monde des affaires mais aussi le cercle des ONG et des gouvernements ont engag un processus irrversible. Fond partir des principes de la soft governance sur une base volontaire, non coercitive et non contraignante (non-binding), ce mouvement a gagn les princi-pales entreprises globales, les organisations internationales gouvernementales et non-gouvernementales. Dans un effort de type multistakeholders, ces organisations travaillent de concert notamment en se comparant (benchmarking) et en sappuyant sur les bonnes pratiques (best practices) pour amliorer leur rsultat tout au long du processus. Lmergence dun systme daccountability est en train daccompagner ce processus. Nous y reviendrons en troisime partie de ce cahier.

    Footprint Les principes de responsabilit environnementale travers lempreinte cologique ou ceux lis au changement climatique sont devenus extraordinairement importants dans la conduite des affaires internationales. Il nest plus question aujourdhui de remettre en cause la question cologique mais plutt de la considrer comme une vraie opportunit conomique. En effet, grce au concept de la Clean Tech Revolution , une grande partie du monde industriel a saisi cette chance pour investir dans la R&D (Recherche et Dveloppement), dans linnovation et dans de nouveaux produits. Cest un virage dcisif qui a t pris puisquil englobe toute lconomie nergtique, des transports, de la construction, du traitement des dchets pour ne citer que ces principaux secteurs amens repenser et rorienter leur approche industrielle et commerciale.

    Mme si lapproche industrielle moyen et long terme est la seule vritable solution la question de lempreinte cologique, les dbats restent cependant vifs sur les moyens adopter court terme. Les tenants dune intervention tatique en faveur dune approche lgislative contraignante notamment travers des taxes (taxe CO2 par exemple) tentent ainsi dacclrer le mouvement par des solutions rapides. Cependant, les risques dune surrgulation en la matire pourraient conduire non

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    seulement des ingalits conomiques entre les diffrentes rgions du monde mais galement entre diffrents acteurs conomiques. Lapparition de tensions importantes pourrait conduire des dlocalisations ou des marchs fausss par une trop grande intervention. Il parat vident que des incitations linnovation et la construction propre seraient par contre plus efficaces. Le dbat nest pas clos et la socit civile va y jouer un rle dterminant. Cest pourquoi la transparence et la qualit de linformation sont aujourdhui si primordiales dans lvolution de notre socit et en particulier dans le virage cologique que lconomie aborde.

    Linvestissement responsableDepuis quelques annes, le monde de la finance se proccupe de la question de la responsabilit socitale des entreprises dans lesquelles il investit et ceci malgr la crise actuelle. Face aux risques encourus par les entreprises en cas de disfonctionnement socital, les gestionnaires dactifs pratiquent de plus en plus une slection socialement responsable afin de diminuer leurs propres risques. Ils sappuient pour cela sur les cotations mises par des agences de notation (Standard & Poors, Moodys, AM Best et Fitch). Mme si ce phnomne nest pas totalement gnralis, on peut dire dores et dj que la rforme est en marche et cela pour au moins deux bonnes raisons : La transparence des marchs oblige de plus en plus dentreprises informer les actionnaires mais aussi les organes de rgulation et les agences de notation sur leurs activits et notamment sur lenga-gement environnemental. Lobligation du reporting ncessite galement de matriser les progrs effectuer danne en anne en matire de responsabilit socitale.

    Ces deux facteurs combins avec dautres plus spcifiques comme les changements dans les lois nationales entranent les entreprises dans un processus damlioration permanente. Longtemps consi-dre par celles-ci comme une composante de marketing , la responsabilit socitale est aujourdhui partie intgrante du bon business .

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    Le ConsommActeurDepuis lessor dInternet, le consommateur dispose dun outil dinformation, de communication et de savoir sans prcdent dans lhistoire de lhumanit. Fort de cette position, il peut dsormais comparer, analyser et choisir dans une palette de produits et de services plantaires. Il ne sen prive pas et sorganise en consquence. Passant outre les distributeurs et autres intermdiaires, le consom-mateur agit directement sur le march. On parle d conomie directe pour annoncer lamplification de ce phnomne avec lapparition du consommActeur pour dsigner cette nouvelle forme de consommation. Les entreprises sont obliges dans leur stratgie de dveloppement den tenir compte. Dans le cas prcis de la responsabilit socitale des entreprises, cet empowerment du consommateur a eu dinnombrables consquences. En effet, nous observons une augmentation du dialogue entre consommateurs et entreprises, ainsi que des commentaires, notamment sur les sites interactifs des entreprises. Cest pourquoi, les agissements des entreprises passent dans limmense filtre quest le Web. Cest une ralit incontournable.

    Ds lors, il sagit dagir et de communiquer de manire approprie si lon ne veut pas se mettre dos le march virtuel et donc le march rel. La transparence est un nouveau vecteur de communication et nul ne peut y chapper. De nombreuses entreprises lont bien compris en ouvrant des sites Internet de dialogue avec leurs clients rels ou potentiels.En prenant parti rsolument pour louverture et la transparence, les entreprises ont renforc leur position tout en offrant aux consom-mActeurs de participer tant au niveau de la maintenance des produits et services ou mme en leur permettant dinnover dans de nouveaux produits ou services travers des concours dides.

    Cette monte en force du consommateur est sans doute la plus grande rvolution conomique contemporaine.

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  • Codes de conduite

    Global Compact ou le Pacte mondial des entreprises Plus de cinquante dirigeants dentreprises et de nombreux reprsentants dassociations se runissaient en juillet 2000 pour dfinir le contenu et les modalits du Global Compact , concrtisant ainsi lide dun Pacte mondial des entreprises lance par le Secrtaire gnral des Nations Unies. Ce Pacte illustre la volont des entreprises de saffirmer comme des acteurs part entire de la croissance et du dveloppement dans un contexte de mondialisation. Lide dun Pacte mondial des entreprises , dit Global Compact , dont lobjectif est double, est de :contribueraudveloppementdurabletraverslacration

    dun rseau de partenariats et la promotion de bonnes pratiques en la matire ;

    promouvoirunemondialisationprofitabletous,surlabase de lconomie de march.

    En adhrant au Pacte mondial, les entreprises sengagent respecter des principes tirs de textes ou de conventions internationales : Dclaration universelle des droits de lhomme ; Dclaration de lOrganisation internationale du travail (OIT) relative aux principes et droits fondamentaux au travail ; Principes de Rio sur lenvironnement et le dveloppement. www.unglobalcompact.org

    Amnesty InternationalEn 1998, Amnesty International a dvelopp une liste de principes directeurs concernant les droits humains pour les entreprises. Les entreprises doivent les intgrer en dveloppant un code de conduite.www.amnesty.org

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  • OCDELes Principes directeurs de lOCDE lintention des entreprises multinationales, qui ont t rviss en juin 2000, sont des recommandations que les gouvernements des pays de lOCDE adressent aux entreprises. Ils concernent notamment les domaines suivants :Publicationdinformationsfiablessurlesrsultats

    financiers et non financiers, les facteurs de risque, les objectifs, les actionnaires et les droits de vote, la composition du Conseil dadministration et la rmunration des membres, dirigeants et dirigeantes, les structures de gouvernement dentreprise.

    Respectdesdroitshumainsetdesnormesdetravail.Politiqueenvironnementale(systmesdegestion,

    information, valuation dimpact, plans de gestion des risques et accidents, amlioration des performances environnementales, formation du personnel).

    Luttecontrelacorruptionetmaintiendepratiquescommerciales quitables et transparentes lgard des consommateurs.

    Transfertdetechnologiesetdesavoir-faire,dveloppement de partenariats et contribution au dveloppement de la capacit dinnovation, sur le plan local et national, pour les pays en dveloppement

    Adoptiondebonnespratiquesdeconcurrence.Respectdelalgislationfiscale.La Suisse a souscrit aux Principes directeurs de lOCDE et a mis en place un point de contact national auprs du Secrtariat dEtat lconomie (SECO). Ce point de contact sensibilise les entreprises et leur offre un forum de discussion et de recommandations servant la mise en uvre des Principes.http://www.cd.org/department

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  • OITLOrganisation Internationale du Travail a t cre en 1919, lors de la rsolution du premier conflit mondial par le Trait de Versailles. LOrganisation, parmi les institutions de la Socit des Nations, est la seule qui survit la seconde guerre mondiale. LOIT devient une institution spcialise de lONU en 1946. Elle compte actuellement 188 Etats Membres, a son sige Genve en Suisse et gre des bureaux extrieurs dans plus de 40 pays. Aujourdhui, lOIT a labor un Agenda pour le travail dcent, qui couvre bon nombre des dfis auxquels lOrganisation tait dj confronte au moment de sa cration. Il existe actuellement 188 conventions et 199 recommandations, dont certaines remontent 1919.www.ilo.org/public/english/standards/decl/declaration/ text/index.htm

    Ethical Trading InitiativeLInitiative dthique commerciale (ETI Ethical Trading Initiative) est une alliance de socits, dONG et dorganisations syndicales qui se sont engages travailler ensemble pour identifier et promouvoir des bonnes pratiques concernant la mise en uvre de codes du travail; la dmarche inclut le contrle et la vrification indpendante du respect de ces codes. www.ethicaltrade.org/_html/about/basecode_en/framesets/f_pages.html

    Transparency InternationalOrganisation non gouvernementale en charge de la lutte contre la corruption, Transparency International rassemble les gens dans une puissante coalition mondiale et a pour mission de favoriser le changement vers un monde exempt de corruption. Transparency International augmente la sensibilisation et rduit lapathie et la tolrance de la corruption. Pour ce faire, elle labore et met en uvre des actions concrtes pour y remdier.www.transparency.org

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    Vers une standardisation de la responsabilit socitale

    Une multiplicit de standardsQuil sagisse des milieux acadmiques, conomiques, interna-tionaux ou de la socit civile, tout le monde ou presque y est all de sa contribution. Dune certaine manire, ils incarnent la soft governance . Prenez, par exemple, Walter Kaelin, professeur de Droit lUniversit de Berne, qui est lorigine du nouveau Conseil des Droits de lHomme. Voil le premier apport des hommes de science : leur crativit. Prenez Charles Wyplosz, professeur dEconomie du Graduate Institute (IUHEID) Genve. Sa capacit danalyse est telle que tout devient limpide. Cest le deuxime apport : la prise de conscience dtats de fait et des consquences en tirer. Prenez le professeur Keith Krause de IUHEID, il dirige le Small Arms Survey et propose des solutions innovantes. Cest le troisime apport : les scien-tifiques sont l pour dranger. Prenez enfin les spcialistes de Droit international de lUniversit de Genve ou de IUHEID dont certains sont des experts priss la Cour internationale de Justice La Haye. Cest le quatrime apport: tre de bon conseil. Dcouvrir, comprendre, expliquer, enseigner, parfois conseiller: tels sont les apports des acadmiciens.

    Mais il existe aussi dautres interlocuteurs actifs comme les agents de normalisation, de standard, de label ou de surveillance (watchdog).Quil sagisse dagences internationales classiques (onusiennes ou pas), nationales ou europennes, ou encore provenant

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    dentreprises de cotations conomiques et financires, dorga-nisations indpendantes de labellisation, de centres universi-taires, dentreprises de conseil en responsabilit socitale ou finalement dONG, on estime les intervenants sur le march de la standardisation et de la normalisation de la responsabilit socitale plus dun millier.En effet, les normes sont nombreuses (ISO 9001, ISO 14001, ISO 26000, SA 8000 [USA], BS 8900 [UK], SD 21000 [France], EMAS [UE], etc. De mme, la liste des labels est impressionnante avec Max Havelaar, CUELE [UE], SWWi [USA], etc . Ces indices boursiers de responsabilit socitale sont en progression constante.

    Face ce dbordement dinitiatives, il est ncessaire de clarifier la situation en amliorant la comprhension globale de cette volution.

    Vers une norme de rfrence uniqueLa pluralit des approches cre aujourdhui une certaine confusion sur les marchs et pour les responsables des entre-prises, des ONG et des gouvernements. Cette phase de dbor-dement des initiatives a certes t ncessaire pour la prise de conscience gnralise sur le rle et limportance de la responsabilit socitale, mais elle donne actuellement plus une impression dagitation que dordre. Cest pourquoi la diffusion prochaine (2009/2010) de la norme ISO 26000 est attendue avec beaucoup dimpatience.En effet, il est certain que la norme ISO 26000 aura comme effet dtablir enfin une rfrence majeure et unique. Elle sappuiera sur le considrable travail dj effectu avec les normes ISO 14001 pour lenvironnement. ISO (International Standard Organization) forte de ces multiples organisations nationales de standardi-sation apportera un standard consensuel et de ralliement pour tous.

    Pour la premire fois, des dimensions aussi vastes que le management thique, les normes sur le travail quitable, sur lenvironnement, sur le commerce, sur le financement, sur la distribution et sur la protection des consommateurs seront

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  • englobes dans une seule norme. Ainsi, la norme ISO 26000 imposera une vision largie et globale de la responsabilit socitale. Cette norme simposera sans aucun doute comme cela a dj t le cas avec ISO 9000 (ISO 9001) et ISO 14000 (ISO 14001), car elle va rpondre au besoin de clarification et dunicit. En effet, comment faire des comparaisons si le nombre de standards et de labels est multipli.

    Par ailleurs, la difficult pour les chefs dentreprises restera celle de la mesure des progrs en cours. Il sagit en effet pour eux dapporter de constantes amliorations dans un processus continu et matris en vitant que les conditions cadres changent brusquement. Pour eux, il est vital de penser en termes dvo-lution plus que de rupture car les investissements consentis ne peuvent pas tre, du jour au lendemain, balays par de brusques changements de lois. Cest donc bien un processus de stabilit et de continuit qui est en train de sinstaller pour les entrepre-neurs grce auquel ils vont pouvoir voluer de manire volon-taire avec comme seule pnalit celle du march. La matrise du processus est toujours plus importante que les rsultats eux-mmes car linverse pourrait rapidement les entraner la faillite.

    Laprs-crise conomique et financire (2007-2009) incitera sans doute activer la phase de la rsolution des problmes lis la responsabilit socitale. La crise aura au moins montr lurgence de la question.

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    Normes et Standards

    ISO 26000Est une norme ISO en cours dlaboration. Elle portera sur la responsabilit socitale des organisations (entreprises, ONG, Etats, etc.). Elle devrait tre publie en 2009. La norme ISO 26000 intgrera des acquis des normes ISO 9001 (management de la qualit) et ISO 14001 (management de lenvironnement) et des normes du travail de lOrganisation Internationale du Travail (protocole daccord pass entre lISO et lOIT pour respecter ces normes) comme son rfrentiel de gestion de la scurit et de la sant au travail. http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_normes_ISO_par_domaines

    ISO 9000/9000ISO 9000 dsigne un ensemble de normes relatives la gestion de la qualit publies par lOrganisation Internationale de Normalisation (ISO). Seule ISO 9001 peut servir de base laudit et la certification. Des socits daudit et de certification proposent des prestations aux organismes qui le souhaitent. Ces derniers peuvent alors faire tat dun certificat de conformit ISO 9001. http://www.iso.org/iso/home.htm

    ISO 14001La norme ISO 14001 est la plus utilise des normes de la srie des normes ISO 14000 qui concernent le management environnemental. Elle a t realise par lOrganisation Internationale de Normalisation, dsigne internationalement sous son sigle dorigine ISO (International Organization for Standardization) qui est systmatiquement repris dans la dnomination des normes. http://www.iso.org/iso/home.htm

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    SA 8000 (USA)SA 8000 est un standard de responsabilit socitale qui dfend des conditions de travail dcentes. Il permet aux entreprises de mieux communiquer avec ses parties prenantes. SA 8000 est une initiative du Council On Economic Priorities (1997), bas New York, devenu Social Accountability International (SAI), qui le dveloppe et le supervise. Il fournit un cadre commun pour les informations thiques pour des compagnies de toute taille et de tout type, o que ce soit dans le monde. SA 8000 expose des mesures sur des problmes, tels que les droits des syndicats, lutilisation du travail des enfants, les temps de travail, la sant et la scurit au travail, et un salaire quitable. SA 8000 est base sur la dclaration universelle des droits de lhomme de lONU sur la Convention internationale des droits de lenfant et diffrentes conventions de lOrganisation Internationale du Travail (OIT). www.sa8000.org

    BS 8900 (UK)BSI Business Information vient de publier le projet dun nouveau British Standard - BS 8900- dorientation pour la gestion du dveloppement durable. BS 8900 est conu pour aider les organisations laborer une stratgie de dveloppement durable qui continuera dvoluer et de sadapter pour rpondre de nouveaux dfis tant sur le plan de la continuit que de la demande. Il offre des conseils pratiques clairs permettant dapporter une contribution significative au dveloppement durable. Cette nouvelle norme guide les organisations vers une gestion efficace de leur impact sur la socit et lenvironnement, vers lamlioration de la performance organisationnelle et vers le succs. www.bsi-global.com

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    SD 21000 (France)Le guide SD21000 propose des bases pour aider adapter techniquement et culturellement le systme de management dune entreprise afin dintgrer progressivement les objectifs de dveloppement durable. Les recommandations du guide SD21000 ne sont pas destines des fins de certification. http://fr.wikipedia.org/wiki/Responsabilit%C3%A9_sociale_des_entreprises

    EMAS ou Systme communautaire de management environnemental et dauditLe systme communautaire de management environnemental et daudit (EMAS) vise promouvoir une amlioration continue des rsultats environnementaux de toutes les organisations europennes, ainsi que linformation du public et des parties intresses. Lobjectif du nouveau systme communautaire de management environnemental et daudit (EMAS) est : ltablissement et la mise en uvre par les organisations de systmes de management environnementaux, lvaluation objective et priodique de ces systmes ; la formation et la participation active du personnel des organisations; linformation du public et des autres parties intresses. http://ec.europa.eu/environment/emas/index_en.htm

  • Deux mouvements vont caractriser lvolution future de la responsabilit socitale des entreprises, des institutions tatiques et de la socit civile.

    1 Dune part, la participation des acteurs (entreprises, Etats, socit civile) va saccentuer dans la vie publique globale et locale. Les Anglo-Saxons parlent volontiers d empowerment qui pourrait correspondre un renforcement de lintervention des acteurs. Cet empowerment correspond en fait cinq niveaux diffrents dimplication qui vont de la participation impose une participation de type co-cration en passant par des niveaux de self service, do it yourself co-design.

    Dfinissons rapidement ces cinq niveaux de la participation socitale. Passive : cela correspond aux actions de participations lies aux

    lois et aux rglements dapplication. Cela regroupe lensemble des comportements imposs par le systme lgal, juridique et moral dune socit de type galit de traitement , bannir lesclavage , ne pas utiliser denfants dans le travail .

    Self service : cest lensemble des comportements participatifs au choix de type charitable, civique, associatif, bnvole que les citoyens, lentreprise peuvent choisir de faire ou de ne pas faire dans un environnement bien dfini : participer ou non une collecte pour une cause .

    Do it yourself : il sagit ici de comportements responsables construits partir dlments prexistants pour laborer une nouvelle dmarche. Par exemple, la conduite dune action

    Vers une responsabilisation socitale directe

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  • spontane en faveur dune catastrophe naturelle. Laction est inhabituelle, mais les lments de celle-ci sont rels.

    Co-design : cela quivaut de la cration la ralisation dune action de responsabilit socitale sans changement des condi-tions cadres de lenvironnement socital. Par exemple, la construction dun btiment zro mission de CO2.

    Co-cration : cela dcrit la participation llaboration dun nouveau cadre (framework) dactions responsables. Cest le cas dentreprises qui ont imagin et ralis le projet Global Compact.

    2 Dautre part, on assiste des changements dans le compor-tement des parties prenantes de lenvironnement entrepre-neurial. Cette transformation se caractrise par un passage centr sur les propritaires (stakeholders) vers une ouverture aux partenaires (multistakeholders) et notamment lopinion publique en gnral9.

    a) Relation contractuelle : Les propritaires/employs : ce sont les acteurs internes

    lentreprise. Ils agissent selon des lois nationales et inter-nationales strictes qui contractuellement les lient dans leurs relations de travail.

    Les clients, fournisseurs, banques, collectivits publiques, syndicats,... reprsentent lensemble des partenaires contrac-tuels dune entreprise sans lesquels elle nexisterait tout simplement pas. Un destin commun les lie. Les contrats spci-fient ces liens. Achat, vente, prts, emprunts, impts,... sont dfinis sans ambigut.

    b) Relation non contractuelle : Cest lensemble des relations non contraignantes qui fixe une entreprise son environnement : ONG et associations de la socit civile, universits et centres de recherche, culture et sport, think tank et politiques, lobbyistes et communaut entrepreneurialeMais cest aussi lensemble des soft laws qui rgit aussi de manire non contraignante les comportements entre-preneuriaux comme les standards et les normes.

    9 Nous avions dcrit en dtail ce changement de paradigme dans le Cahier n2, Les multistakeholders , Fondation pour Genve, 2008

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  • Trois groupes de partenaires reprsentant trois types de compor-tements non contractuels vont tre dcrits ci-dessous : Les multistakeholders Ils correspondent aux organisations de la socit civile (ONG,

    associations, think tank, partis politiques). Mais, aussi aux organisations tatiques nationales (collectivits publiques locales, organisations internationales onusiennes ou de standard, G8). Sans oublier les organisations professionnelles (syndicats, associations patronales, chambres de commerce).

    Les communauts de clients Cest lmergence des rseaux sociaux dInternet qui a favoris

    la cration dune multitude de communauts organises selon les produits et services des entreprises. Grce aux blogs ou dautres pratiques, les communauts de clients jouent un rle nouveau dans la maintenance et le suivi des produits et services mais aussi sur le marketing viral ou sur limage des entreprises. Le pouvoir croissant de ces communauts de clients est devenu important pour les entreprises.

    Lopinion publique Jusqu trs rcemment rserve aux mdias et aux leaders

    dopinion, cette nouvelle perspective globale de communication reprsente de plus en plus un lment primordial dans la bonne marche des affaires. Un nombre important dactions de responsabilit socitale leur sont destines. Cependant, avec lmergence dInternet, la nbuleuse de lopinion publique en tant que partenaire est devenue assez complexe. Les blogs et les communauts de clients posent de nouveaux problmes aux entreprises notamment en termes dimage et de branding.

    La reprsentation graphique ci-aprs permet de visualiser sur un seul tableau lensemble des composantes de la responsa-bilit socitale des entreprises.

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  • Schma reprsentant la responsabilit socitale directe des entreprises:

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    PARTENAIRES

    Non

    con

    trac

    tuel

    Con

    trac

    tuel

    La responsabilit socitale directe des entreprises

    OPINION PUBLIQUE

    COMMUNAUTSCLIENTS

    MULTISTAKEHOLDERS

    FORMALISE SELF SERVICE DO IT YOURSELF CO-DESIGN CO-CRATION

    PARTICIPATION SOCITALE

    ETATS/CLIENTS/FOURNISSEURS

    SHAREHOLDERS/EMPLOYS

    HARD LAWS

    SOFT LAWS

    Information financire

    Communiqu de presse

    Brochures RSE

    Blogsddis produits

    Wiki World

    Rapport annuelsupport client

    AOC/Originecontrle

    Projets RSEclients

    Networksociaux

    Communautde pratique

    Normes &standards ISO 26000

    Accountability Projets RSEen partenariatCommerce

    quitable Global Compact

    Lois nationalesRglements

    internes l'entreprise

    Projets RSEd'entreprises

    PARTENAIRES

    OPINION PUBLIQUE

    COMMUNAUTSCLIENTS

    MULTISTAKEHOLDERS

    FORMALISE SELF SERVICE DO IT YOURSELF CO-DESIGN CO-CRATION

    PARTICIPATION CLIENT

    ETATS/CLIENTS/FOURNISSEURS

    SHAREHOLDERS/EMPLOYS

    HARD LAWS

    SOFT LAWS

    Opinion publique

    Dclaration d'imptCommuniqu de presse

    Rapport annuel Tableau de bord comptable

    Etat

    ShareholdersStakeholders

    Ancien paradigmeHARD LAWS

    Comptabilit

    Opinion publique

    Dclaration d'imptRgulation (CO2)

    Brochure RSE

    Rapport annuelRapport RSE

    Tableau de bord comptableActions RSE

    Etat

    Stakeholders

    Nouveau paradigme (RSE)SOFT LAWS

    Accountability Clients / fournisseursbanque

    Shareholders /employs

    Communautclients

    Actions RSE

    Actions RSE

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    La ResponsabiLit socitaLe

    Sur laxe vertical se trouvent les diffrents partenaires/acteurs ; lintersection de chaque coordonne sont observes les actions/procdures de la responsabilit socitale en fonction de leur compo-sante participative. Ainsi, la lecture du tableau se fait de gauche droite et de bas en haut. Dans lordre, on y trouve :

    a) Les hard laws Les lois et rglements formels Ils sont imposs par les territoires (villes, nations, linterna-

    tional), obligeant les entreprises un respect strict linterne de lenvironnement lgal en vigueur. Cela concerne non seulement la bonne marche des affaires mais galement le traitement adquat des employs (galit, promotion, libert, refus demployer des enfants).

    Les contacts avec les partenaires de production Outre les Etats, les clients, les fournisseurs, les banques sont

    aussi soumis un cadre contractuel formel dpendant des lois en vigueur. Ainsi, les relations avec des partenaires externes mais faisant partie de la chane de la valeur des entreprises sont formalises et contractuelles. La responsabilit socitale lgale des entreprises stend aussi leurs participations.

    b) Les soft laws Les rglements internes lentreprise. Toutes les entreprises ont dfini des chartes de comporte-

    ments et des visions souvent appeles Mission statement o sont inscrits les principes propres chaque entreprise. Parmi ces principes, ceux de la responsabilit socitale figurent en bonne position. Ces derniers manent dune sorte de pot-pourri issu des grandes Dclarations comme celles des Droits de lHomme, du Millnium et formaliss par des programmes comme le Global Compact ou par des normes et standards (ISO 14001, ISO 26000). Chaque entreprise est libre dagir selon son libre arbitre, seul le march en jugera.

    Les normes, standards & labels. Les normes, standards et labels lis la responsabilit

    socitale sont aujourdhui lgion. Cet amoncellement de rfrences sera sans doute simplifi par lmergence de la norme ISO 26000 qui va reprendre et unifier ces dernires.

  • Pour les entreprises cependant, cela quivaudra des soft laws mieux formalises et plus prcises sur lesquelles elles pourront sappuyer pour dvelopper leurs propres actions et programmes de responsabilit socitale.

    Les projets dentreprise. Avec leurs employs, un bon nombre dentreprises ont

    dvelopp de plus ou moins grands programmes daction comme celui des transports publics ou privs afin de diminuer leurs missions de CO2 ou encore des programmes daide spcifiques la pauvret. Lensemble de ces programmes reprsentent des innovations chafaudes par les entreprises (de type do it yourself voire de type co-design) pour faire face aux engagements moraux de leur Mission statement .

    Le support client en faveur de la responsabilit socitale. Avec la participation de la communaut des clients, les entre-

    prises ont dvelopp depuis peu des actions communes notamment dans la protection de la nature. En passant par la rcupration des piles au mercure, en favorisant lutilisation du sac en papier au lieu du plastique ou en amenant ses clients participer une bonne cause du type creusement dun puits deau en Afrique, les actions sont la fois bonnes pour les affaires et satisfaisantes pour le projet responsable dfendu. Toutes les actions sont si bien formalises que le client na pas dautre choix que dy participer. Cest dans lintrt des deux parties. Il existe aussi des actions en partenariat, mais nous y reviendrons plus tard.

    Information : Rapport annuel, informations financires. Ce type dinformation est trs formalis et cod. Les bourses,

    les Etats et la sphre financire imposent des rgles strictes afin de garantir une uniformit dinformation pour les marchs. Cependant, depuis plusieurs annes, y figure une composante de la responsabilit socitale. En effet, quil sagisse des rapports annuels ou des informations financires, les entre-prises communiquent de manire plus explicite sur leurs actions. Cela fait dsormais partie de leur environnement informationnel.

    Accountability. Dans un proche avenir, les entreprises vont devoir prsenter

    leurs rsultats de responsabilit socitale dune manire plus

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  • structure. Lide tant de faire part de leurs progrs leurs partenaires (multistakeholders) anne aprs anne. Cette comptabilit sur les progrs se nomme dans le monde anglo-saxon accountability. Il ny a pas de mot quivalent en franais, mais cest entre autres lide de rendre des comptes sur les progrs accomplis . Ce concept amne une solution davenir pour la question de la responsabilit socitale car il permet dinformer, de mieux comprendre et dentreprendre une analyse plus fine des entreprises. Lanalyse sociale se rapproche, de ce fait, de plans comptables. Nous reviendrons sur cet lment cl dans la troisime partie de ce cahier.

    Commerce quitable. Le commerce quitable a t cr, il y a plusieurs annes, sous

    la pression des consommateurs sensibiliss amliorer les conditions de travail des petits paysans et ouvriers dans les pays dfavoriss. Celui-ci garantit aux consommateurs de produits munis dun label le traitement quitable du producteur. De nombreuses fondations ont exploit et favoris la dynamique du commerce quitable sur le march en respectant strictement les standards. Cela a depuis influenc le commerce en gnral et a renforc le lien entre le consommateur et le producteur qui partagent mutuellement leur destin.

    Projets de responsabilit socitale en partenariat Dans leurs efforts de dveloppement de programmes daide,

    les entreprises se sont associes entre elles, aux ONG et/ou aux autorits locales afin de rendre leurs actions plus efficaces. Dans les luttes contre les maladies endmiques en Afrique, par exemple, de grandes entreprises pharmaceutiques se sont jointes des programmes de Mdecins Sans Frontires ou ont particip au sein de lOrganisation Mondiale de la Sant (OMS) afin de pallier dans certains Etats les difficults sanitaires.

    Projets clients de responsabilit socitale Dans la ligne du commerce quitable, des entreprises ont

    Un acteur non tatique a t capable de tuer plus dAmricains le 11 septembre 2001 que Pearl Harbor le 7 dcembre 1941. Cest une illustration type dun monde en mutation.

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  • tent de crer des programmes dentraide sur les questions lies la pauvret, la sant et la protection de la nature avec la participation de leurs clients. Cest notamment le cas du programme pour linformatique dans les pays dfavoriss ou encore des actions humanitaires cibles dans le domaine de lducation (bourses dtude).

    Appellation dOrigine Contrle (AOC) Les entreprises se sont souvent regroupes par secteur

    dactivit conomique afin de dvelopper pour leurs clients un systme de contrle de lorigine des produits. Cest essentiellement dans le domaine agro-alimentaire que de tels programmes ont vu le jour. Au dpart, cela concernait le producteur vis--vis du consommateur, mais trs vite le centre dintrt sest dplac sur lensemble de la chane de la nutrition. linstar du commerce quitable, lappellation AOC a jou sur la proximit avec lensemble des territoires du monde. Cette proximit a jou un rle plus particulier que la simple aide au dveloppement, mais toujours sous la mme bannire de la recherche de qualit et du principe de contrle de lorigine.

    Les rseaux sociaux Avec lmergence des rseaux sociaux sur Internet, un nouveau

    rapport la responsabilit socitale est apparu. En effet, des relations plus floues nettement moins formalises ont donn, grce aux rseaux sociaux, une nouvelle dimension aux entre-prises. En effet, ces dernires se doivent de communiquer et dagir avec les communauts de clients, qui se sont constitues indpendamment delles. La demande porte essentiellement sur les produits et les services manant des entreprises mais pas seulement. Les rseaux sociaux deviennent rellement un enjeu de responsabilit socitale pour les diffrents acteurs.

    Les communauts de pratique Plus orientes que les rseaux sociaux, ces communauts de

    pratique ont tendance se substituer aux tches de mainte-nance et de suivi des produits et service des entreprises.

    Les blogs Cest une autre composante de la socit civile qui opre un

    peu comme les mdias. Les blogs reprsentent par leur libert de ton, une menace mais aussi une opportunit pour les entre-

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    La ResponsabiLit socitaLe

  • prises car la majorit de leurs actions au plan de la responsa-bilit socitale sappuie sur des blogs pour leur stratgie de communication.

    Wiki-World Lensemble des projets cratifs du monde Wiki reprsente

    galement un nouveau challenge pour les entreprises. Certaines dentre elles se sont essayes dans le monde virtuel travers des plateformes de Second Life. Les essais sont en cours, mais il est actuellement impossible de dfinir une approche rationnelle pour les entreprises.

    En confrontant les partenaires/acteurs de lentreprise avec leur degr dimplication participative dans la responsabilit socitale, nous constatons quil existe une lecture stratgique du comportement des entreprises. En effet, plus on sloigne des contraintes formelles (hard laws), plus lentreprise entre dans un champ dactions plus soft , moins contraignantes. Cependant, ce type dactions concernant la responsabilit socitale ncessite une conduite beaucoup plus sophistique car le nombre de partenaires augmente et la participation active et crative de ces derniers aussi.Stratgiquement, les entreprises devraient procder par paliers successifs afin de matriser la progression de leur pratique sur la responsabilit socitale. Le point central dans cette progression est la mise au point dun systme d accountability robuste permettant aussi une communication fonctionnelle. Le fait de multiplier les initiatives ne permet pas de charpenter un tel systme.Seule une vision long terme, construite pas pas, autorise la mise en place dun vritable instrument crdible de responsa-bilit socitale. Pour russir une telle structure, il est galement indispensable de sappuyer sur un standard de rfrence. Suite des versions prliminaires permettant den dfinir les bases, il apparat que la norme ISO 26000 pourra jouer ce rle dans un avenir proche.La formation dune quipe au sein des entreprises, des ONG, et des administrations qui aurait pour tche de constituer une relle comptabilit 2.0 (sorte daccountability formelle) est primordiale. Nous y reviendrons en troisime partie de ce cahier.

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  • Des acteurs du changement tmoignent

    Des acteurs du changement

    tmoignent

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    Entretien avec Alan Bryden Ingnieur Gnral, Conseil Gnral de lIndustrie, de lEnergie et des Technologies (France); a. Secrtaire Gnral de lOrganisation Internationale de Normalisation (ISO)

    La dfinition de responsabilit sociale ou responsabilit socitale pose problme. Quen est-il exactement ? En franais, il y a effectivement le choix : socitale ou sociale. On parle toutefois de plus en plus de responsabilit socitale pour voquer la responsabilit et lengagement de toute organisation prive ou publique vis vis de ses parties prenantes , depuis son environnement immdiat (clients ou administrs , action-naires ou membres, employs, fournisseurs) jusqu la collec-tivit au niveau national et international. La globalisation des changes et de la communication, ainsi que celle dautres sujets comme la scurit, lenvironnement ou le changement clima-tique impliquent que cette responsabilit prenne en compte un cadre global. Tout manquement grave cette responsabilit peut mettre en pril la prennit dune organisation, quelle que soit son efficacit court terme. Mais, pour linstant, il ny a pas de dfinition internationale : la norme ISO 26000 que lISO est en train de dvelopper devrait prcisment fournir une acception consensuelle de ce terme. Historiquement, comment cela sest-il pass ? Au dbut, on parlait de la responsabilit socitale des entreprises puis on a gliss vers les questions de lenvironnement. Le concept nest-il pas en train dvoluer vers un fourre-tout ?

  • Il est intressant de rappeler comment ce sujet est arriv lISO, dont le cur de mtier, depuis sa cration en 1947, est dlaborer des normes internationales relatives la techno-logie, lorganisation ou au management. Nous le faisons avec un certain succs puisque notre collection compte aujourdhui plus de 17 000 normes internationales, 160 pays participent nos travaux et nous publions chaque mois une centaine de normes nouvelles ou rvises. Nous sommes donc un creuset pour raliser une harmonisation internationale sur la base dun consensus entre les acteurs concerns lorsquun sujet acquiert une dimension ou un intrt global. Le sujet de la responsabilit socitale est apparu sur notre cran radar laube de ce sicle en provenance de trois directions :

    1 Lvolution du management de la qualit. Il y a 20 ans, nous avons publi les premires versions des normes ISO 9000 et lpoque, cela correspondait la globalisation des changes et la ncessit de pouvoir slectionner des fournisseurs travers la plante sur la base dun rfrentiel commun en matire de management de la qualit. La gestion de la qualit a volu depuis vers la qualit totale et nous en sommes maintenant la troisime version publie en 2000. Les normes de la srie 2000 traitent, en outre, de lamlioration continue. Elles introduisent lide que la satis-faction que lon doit rechercher travers la qualit dun produit ou dun service, pour assurer le succs et la prennit de lentre-prise, nest pas seulement la satisfaction des exigences des clients, mais aussi celle de ses employs et de ses actionnaires, dans le respect de lenvironnement et des communauts dans lesquels lorganisation volue. Il est intressant de noter que prs dun million dorganisations dans 170 pays sont aujourdhui certifies ISO 9001 . Et ce, depuis les industries de base et de transformation jusquaux services publics et privs, ces derniers comptant pour plus de 30 % dans le total des certificats.

    2 La deuxime origine de larrive de ce thme lISO est lie aux questions dthique de lentreprise, suite plusieurs scandales retentissants des deux cts de lAtlantique ces dernires annes qui ont conduit le lgislateur et le march sintresser de plus prs aux finalits et aux mthodes

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    de management et de contrle des entreprises. Ce thme a rejoint celui du dveloppement durable et ses trois dimensions (conomique, environnementale et sociale). On a vu ainsi se dvelopper la notation sociale comme exigence et critre pour les investisseurs et l audit social pour les fournis-seurs de la grande distribution. On a vu fleurir les rfrentiels de notation et daudit et prosprer la pratique des rapports environnementaux et sociaux que de nombreuses socits publient chaque anne. Les initiatives collectives publiques (ex: Principes directeurs de lOCDE , UN Global Compact) ou prives (ex : Global Reporting Initiative, Social Accounta-bility-SA8000) se sont dveloppes. Face cette prolifration de rfrentiels et dinitiatives, et la multiplication corres-pondante des questionnaires, contrles et indicateurs permettant de mesurer les performances et les progrs des organisations en la matire, une harmonisation interna-tionale sest avre indispensable pour amliorer lapplication et la comprhension du concept de responsabilit socitale. La fonction de responsable thique ou dveloppement durable fait son apparition dans les organigrammes de nombreuses entreprises et organisations.

    3 La troisime origine de larrive de ce sujet de normalisation lISO vient de la pression exerce par les consommateurs eux-mmes, exposs des revendications de comportement thique comme argument de vente et de respectabilit des entre-prises. Le consommateur du XXIe sicle est prt faire intervenir dans ses choix dautres critres que le prix dachat et la perfor-mance, tels que le mode de production ( quitable pour les acteurs de la chane, respectueux des droits humains et sociaux), la consommation dnergie ou limpact sur lenvironnement et le changement climatique. Mais il veut tre sr que les revendica-tions en la matire, soient lgitimes, et il veut en comprendre la porte. Nous avons depuis 30 ans lISO un comit de politique des consommateurs (COPULCO) o leurs reprsentants expriment leurs attentes, vis--vis de la normalisation internationale. Au dbut de ce sicle, ils ont demand une clarification internationale de la notion de responsabilit socitale et de son contenu.

    Donc le sujet est arriv lISO partir des ces trois origines et,

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    aprs une analyse et une concertation approfondies, lISO a t reconnue comme linstance globale et consensuelle la mieux mme dentreprendre une harmonisation internationale. Notre contribution est en effet, totalement en ligne avec celle que nous apportons en matire de normes de produits, de service et de management. Elle complte celles que nous apportons dj en matire de gestion de la qualit et de management environne-mental (la srie ISO 14000).

    Vous avez dit prcdemment quon a le sentiment que leffet de marketing du dpart sest transform en ralit conomique plus dure car au dbut un grand nombre dentreprises se sont lances juste pour coller avec lair du temps. Maintenant cette notion de responsabilit socitale devient un tat de survie pour ces dernires, presque un risque si on sabstient. Quel est votre sentiment ce sujet ?

    On a effectivement assist un renforcement du thme de la responsabilit socitale : le Forum Economique Mondial la mis son agenda depuis plusieurs annes avec une visibilit crois-sante ; la runion du G8 Hokaido en 2008 y a consacr une part importante, lOrganisation des Nations Unies la plac dans le cadre gnral des Objectifs du Millnaire de rduction de la pauvret et des ingalits ; elle a consolid sa propre contri-bution dans le cadre de son initiative UN Global Compact qui a tenu Genve en 2007 un sommet des global leaders auquel participait le Secrtaire Gnral Ban Ki-Moon. Il est maintenant largement admis, Davos et ailleurs que, pour assurer leur avenir, les entreprises doivent se piloter en optimisant, au-del de leur rsultat financier, leur triple bottom line , savoir : la performance conomique, lintgrit environnementale et lquit sociale. Un deuxime tournant intressant et complmentaire sest produit rcemment avec la reconnaissance du phnomne du changement climatique, de son origine humaine et de son impact potentiellement catastrophique sur lconomie du monde et la race humaine. Le G8, le Prix Nobel de la Paix attribu Al Gore et au Groupe dexperts du changement du climat des Nations Unies en 2007 ou la Confrence sur le changement clima-

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    tique, tenue Bali en 2008, Poznan plus rcemment et bientt Copenhague pour mettre jour le protocole de Kyoto, dmon-trent clairement que le sujet vient en tte des proccupations du monde. Nous sommes entrs dans une nouvelle re, celle de lanthropocne , qui se caractrise par le fait que lactivit humaine et la dmographie influencent directement lvolution du climat et donc le devenir de la plante tout entire. Au Forum de Davos en 2008, cest aussi le changement climatique qui a t class en pole position des dfis aux dirigeants du monde. Le titre du livre qui y a fait un tabac, Green is Gold, par Daniel Esty, professeur Harvard, illustre comment cette menace peut tre transforme en opportunit. On a vu rcemment en Australie que le sujet du changement climatique peut dsormais influencer directement les rsultats lectoraux.

    Dans le mme temps, les conomies mergentes croissent grande vitesse, inondent le monde de leurs productions et consomment une part croissante des ressources dnergie et de matires premires de