3 Sur l'Identification Des Unités Phonologiques Du Castillan [Linguistics 111 43-50] 1973

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  • 7/26/2019 3 Sur l'Identification Des Units Phonologiques Du Castillan [Linguistics 111 43-50] 1973

    1/8

    S U R

    L ' I D E N T I F I C A T I O N

    D E S

    U N I T E S

    P H O N O L O G I Q U E S D U CASTILLAN

    F. H. H.

    KORTLANDT

    l LANOTIONDE

    P H ONE M E

    Le probleme fundamental de la phonologie est

    la

    reduction

    d'un

    com-

    plexe

    phonique

    continu

    une

    chamed'unites discretes successives, fonc-

    tionnellement

    relevantes

    et non

    divisibles

    en de

    telles un ites plus petites.

    Leresultatdechaqueanalysephonologiquedoitetreconsidere comme la

    consequence immediate de la

    signification

    attribuee

    explicitement

    ou

    implicitement la notion de phoneme. On peutchoisirun e d efinition de

    phoneme

    et

    l'accepter

    en

    tant

    que

    base axiomatique

    de

    l'analyse

    ou

    bien

    tenter de trouver une

    procedure

    pour l'inferer de principes linguistiques

    plus generaux. La premiere possibilite est plus simple et permet d'eviter

    desconsiderations extra-phonologiques.

    Ainsi,

    il

    faut

    choisirune

    defini-

    tion

    qui

    determine

    un

    critere

    sffisant

    et inequivoque

    pour

    la d elimitation

    des

    unites phonologiques.

    IIy a deuxpointsde vue plus oumoins

    opposes

    que rencontre

    partout

    dans

    la litterature linguistique contemporaine: la conception

    de D . Jones, q ui accentue l'aspect

    physique

    ("a phoneme is a family of

    soundsin a

    given

    language which are related in character and are used in

    such a way

    that

    no one member

    ever

    occurs in a

    wo rd

    in the sam e phone

    tic contexts anyothermember"),

    1

    et celle de N. S.

    Troubetzkoy,

    qui

    attache plus d'importance aux relations dansleSysteme de la langue("le

    phoneme est la somme des particularites phonologiquement pertinentes

    que comporteuneimagephonique").

    2

    La definition deJones de termineun critere double. EnpremierHeu eile

    contient une condition relative la natu re physique du son. Mais le fonc-

    tionnement des

    sons dans

    la

    langue

    ne

    depend

    pas de leurs qualites

    physiques: au contraire, la realisation physique d'un phoneme est la

    D. Jones, ThePhoneme,Its Natureand Use(Cam bridge, 1950),10.

    2

    N. S. Troubetzkoy,

    Principes

    de phonologie,tradu its par J. Ca ntineau (Paris,

    1957),

    40.

  • 7/26/2019 3 Sur l'Identification Des Units Phonologiques Du Castillan [Linguistics 111 43-50] 1973

    2/8

    44 F H H

    KORTLANDT

    consequence de sesproprietes fonctionnelles et du contexte

    p honologique

    (s i fait abstraction de l'influence d'elements stylistiques et psycholo

    giques

    q ui se

    superposent

    la chaine des unites relevantes du point de vue

    phonologique).

    En

    outre, l'attribut

    related incharacter" ne specifie pas

    un critere inequivoque pour

    l'identification

    des phonemes. Les sons

    [p]> M, [k], ou

    [a],

    [r], [], ou [j], [1], [w] seront consideres par les pa rleu rs

    de langues dans

    lesquelles

    la difference entre eux n'a pas de valeurdis

    tinctive comme des sons voisins,

    mais

    par ceux qui se

    servent

    de la

    dis

    tinction

    pour

    discerner des signes l inguistiques comme d es

    sons tout

    fait

    differents, surtout si les phonemes correspondants ont des proprietes

    distributives dissemblables. Pour eux, /a/ est une 'voyelle' et /r/ une

    'consonne'.

    H est possible de preciser le critere de

    relatedness

    en re-

    courant

    la

    fonction distinctive, mais il

    parait

    que cette

    solution

    n'est

    pas

    conforme

    l'intention de Jones.

    L'autre

    condition

    de la

    definition

    de

    Jones

    serapporteaux

    proprietes

    distributives du

    son.

    Le

    critere me semble

    inadequat. Le

    phoneme hol-

    landais

    /r/a

    u neV arianteroulee

    et unegrasseyeeq ui

    sont interchangeables

    dans toute

    position:

    elles

    ont la

    meme distribution

    et le

    choix entre elles

    ne

    depend

    pas du

    contexte phonologique.

    Ce

    sont tout

    de

    meme

    desva-

    riantes d'un seul phoneme

    /r/

    puisque

    la

    distinction entre elles n'est

    pas

    utilisee pour discerner

    des

    signes lingu istiques.

    Ainsionarrive lacaracteristique

    essentielle

    du phoneme: s fonction

    distinctive. Definissons le

    phoneme comme

    le

    faisait Troubetzkoy

    et

    essayons d'inferer de cette definition un critere sffisant et inequivoque

    pour

    la

    delimitation

    des

    unites phonologiques. A ppelons 'trait pertine nt'

    toute caracteristique phonique susceptible de differencier toute

    seule

    deux unites

    significatives;

    3

    donc,

    les

    traits pertinents P R M T T N T

    de

    dis-

    cerner

    des

    signes

    qui

    s'opposent pa radigm atiquem ent. C ette

    susceptibilite

    peut etre soumise

    une

    verification

    experimentale

    etdoit

    etre

    distinguee

    de l'emploi effectif de

    Popposition dans

    la chaine parlee, le rendement

    fonctionnel,

    qui peut etre negligeable. En hollandais, par

    exemple,

    la

    combinaison

    de

    voyelle lache

    + /z/ ne se

    rencontre

    que

    dans

    les

    mots

    puzzel

    /pAzal/etmazzel

    /mazal/,empruntes

    recemmen t d'autres langues.

    Le

    fait meme que le mot anglais/>wzz/e

    n'ait

    pa s

    eteidentifie

    avec la

    chaine

    /p/el /ou/pAsel/ dem ontre que la combinaison de phonem esrealiseedans

    ce

    mot

    etait

    une

    chaine

    admissible dans la langue au

    moment

    de

    l'em-

    prunt .

    Le

    nouveau

    mot

    introdu isit

    u ne

    n ouvelle combinaison

    de

    phonemes

    dans le

    discours, mais

    presupposait la presence de cette

    combinaison

    3

    Cf. E.

    Alarcos

    Llorach,

    Fonologia espanola (Madrid, 1965),

    42.

  • 7/26/2019 3 Sur l'Identification Des Units Phonologiques Du Castillan [Linguistics 111 43-50] 1973

    3/8

    UNITESPHONOLOGIQUESDU CASTILLAN 45

    dans

    ia langue;

    il

    est

    le resultat d'une experience naturelle

    qui

    nous

    a

    donne la preuve que

    l'opposition phonologique

    existait dans la langue

    si le rendement fonctionnel de l'opposition etait zero. II es t possible que

    la

    S imulation

    de

    telles

    experiences

    nous

    offre

    un

    critere

    suisant

    et inequi-

    voque

    pour

    la

    delimitation

    deschampsde

    dispersion

    des phonemes.

    4

    Lecritere

    unique

    pour

    l'identiflcation

    des phonem es est dans cette

    con-

    ception

    leur

    fonctionnement

    POTENTIEL,

    dont la

    signification

    est illustree

    par A. Martinet de la

    maniere

    suivante: Le langage a pour

    Fhomme

    un

    but qui estd'agirsur ses

    semblables.

    C'estun outil,d'une grande com-

    plexite

    certes, mais un outil tout de mem e, et si nou s en vou lons saisir la

    nature proprement linguistique,

    il

    nous faut l 'examiner, comme nous

    le

    ferionsdetoutautreoutil,enconsiderant

    leselements

    qui enassurent le

    fonctionnement.

    C'estdu point de vue de la fonction, et de

    celui-l

    seule-

    ment, que nous pouvons nous prononcer sur

    l'identite

    ou la n on-identite

    des elements linguistiques.

    Soit

    un outil, au senscourantet vulgaire du

    terme, comme

    la

    cle.

    S a

    fonction

    est defermeret

    d'ouvrir une porte.

    [... ] Le

    serrurier pourra,

    s'il

    le juge bon, don ner l 'anneau une form e particu-

    liere ou

    employer

    un metal ou un

    alliage autre

    que celui del'exemplaire

    qui

    a servi aux mesures. Cela n'empechera pas l'usager d'accrocher les

    deux

    cles, l'ancienne

    et la

    nouvelle,

    au

    meme clou

    et de

    considerer qu'en

    pratiqu e les deu x cles sont

    interchangeables

    et

    identiques."

    5

    Donc, si

    a un

    complexe

    phonique fixe (la

    cle),

    il est

    possible

    de

    concevoir

    une

    pro

    cedure experimentale qui revele son

    fonctionnement dans

    un

    contexte

    phonetique

    fixe (le trou de serrure), et le resultatde

    cette

    experience est

    decisif

    pour l'identification phonologique

    du

    son.

    2. L'IDENTIFICATIONDES PHONEMES

    CASTILLANS

    L'identification

    des

    consonnes

    /p/,/b/, /f/,

    / t /

    / /

    / /

    /s/,

    / k / ,

    /g/,

    /x/,/m/,

    / n / / n / / /,

    / } /

    / r / et des

    voyelles / i /

    /e/, / a / /o/, / u /

    n'offre

    pas de difficul

    tes

    particulieres,

    6

    mais

    l'existence

    des

    phonemes / c / / f / / j / ,

    /w/ est dis

    cutable.

    2.1. Dans

    son

    article classique

    sur l'interpretation

    monophonematique

    ou

    biphonematique

    de

    com plexes phoniques

    A .

    Martinet ecrit

    au

    sujet

    de

    Paffriquee [ts] du castillan: [s]n'existe que dans ce cas, tandis que [t] se

    4

    Cf. C. L.Ebeling,

    SomePremisses

    ofPhonemic Analysis ,

    Word

    23 (1967),12237.

    5

    A.

    Martinet,

    La

    linguistique synchronique

    (Paris,

    1968), 6061.

    Cf.Alarcos Llorach,

    1965: 14550

    et

    16162.

  • 7/26/2019 3 Sur l'Identification Des Units Phonologiques Du Castillan [Linguistics 111 43-50] 1973

    4/8

    46 F. H. H. KORTLANDT

    rencontrefrequemmentdans bien d'autrespositions;dans unm otcomme

    chato

    [tsato], [s] est

    commutable

    puisqu'en le remplagant par

    [r]

    on

    obtient le mot trato,et en le comm utan t avec zero on

    obtient

    le mot tato.

    Mais, tandis qu'on peut commuter le [a] qui

    suit

    [s] et obtenir le mot

    choto,

    on ne

    peut

    nisupprimer le [t] qui le

    precede,

    ni leremplacer par

    rien sans obtenir desformes [sato],

    [ksato], [Isato],

    etc., qui sont impos-

    sibles

    en castillan. Le [t] du

    groupe

    [ts]n'a, en

    lui-meme,

    aucune valeur

    distinctive

    particuliere,

    son apparition dans ce cas

    etant

    automatiquement

    determineeparcellede

    [s];

    [ts]est

    donc

    encastillan

    la

    realisation d'un

    phoneme

    /c/.

    On pourrait etre

    tente

    de

    considerer

    le [ s] du groupe [ts]

    comme uneVariante

    com binatoire

    de /s /

    dont l'articulation castillane

    est

    assezvoisine. Mais

    il

    faudrait pour cela que le voisinage de [t]Justinele

    caractere proprement chuintant de [s],caractere qui le distinguede [s],

    ce

    qu i

    n'est

    pas le

    cas."

    7

    On peut remarquer que: (1)

    l 'argument

    est mal

    fonde, puisque le caractere phonetique des sons est irrelevant pour

    l'identincationdesphonemesdupointde vue de leurfonctionnem ent dans

    la langue; (2) l 'argument est

    inadequat:

    si Martinets'etait

    servid'une

    transcription phonetique plus precise, il n'aurait pas observe que "[s]

    n'existe que dans ce cas, tandis que [t] se rencontre frequemment dans

    bien d'autrespositions",

    puisque

    la

    Variante

    predorsoalveolaire du son [t]

    qu'on trouve dans le mot [tsato] est nettement distincte de la Variante

    apicodentale dans

    les

    mots [trato] et

    [tato]. II

    semble que la distinction

    entre[s]alveolaireet [s]palatalet la

    parite

    de [t]

    dental

    et [t]alveolaire

    soientsuggerees par leSysteme phonologique d'autres langueseuropeen-

    nes.

    En

    outre,

    le

    critere

    que le

    voisinage

    de[t]Justinele

    caractere propre-

    ment chuintant de[s]"est inapplicable, com me le mo ntren t les exemples

    suivants.

    (a) Enjaponais la realisation phonetiquede

    /n/

    la fin du mot est [],

    par exemple

    rjin

    [rj],

    emprunte

    au

    chinois

    loren

    'vieillard'.

    Le

    meme

    phenomene peut etre observe dans quelques parlers asturiens. Le carac-

    terevelaire de la consonne nasale nepeutpastre

    explique

    par lecarac-

    tere du phoneme suivant.

    (Selon

    latheoriede R.

    Jakobson,

    8

    l'existence de

    [ r j ]

    presu ppose m eme l'existence

    de [n]

    et[m] ,

    ce qui est

    clairemen terrone.)

    (b) M. V. Panov

    donne

    lesregles

    suivantes

    pourlaprononciation litte-

    raire

    durusse contem porain :

    9

    7

    A. Martinet, "Un ou

    deuxphonemes?",Acta Linguistica l,

    97;

    aussi

    dans

    1968:

    112-13.

    8

    R.

    Jakobson,

    Child

    Language Aphasia

    and

    Phonological

    Universals

    (The

    Hague,

    1968),

    53:

    The existence ofback consonantsin thelanguages of theworld

    presupposes

    accordingly the existence offront

    consonants."

    8

    M. V.

    Panov,

    Russkaja

    fonetlka

    (Moskva,

    1967), 92-96.

  • 7/26/2019 3 Sur l'Identification Des Units Phonologiques Du Castillan [Linguistics 111 43-50] 1973

    5/8

    U NITES

    PHONOLOGIQUES

    DU CASTILLAN 47

    lesconsonnes

    apicales

    sontmouilleessi elles

    precedent

    une

    consonne

    labiale mouillee,par ex.

    zmeja [zmii]'serpent';

    les consonnes labiales sont dures sielles precedent une consonne

    apicale mouillee,

    par ex.

    ptica

    [ptitsa]

    Oiseau'.

    Larealisation mouillee (dure)de Parchiphonemepeut etre

    'expliquee'

    par l'influence

    assimilatrice

    (dissimilatrice)duphoneme

    suivant:

    1'origine

    de l assimilation se trouve dans la tendanceeconomique du Systeme et

    1 originede ladissimilation dansla

    necessite

    demaintenirles contrastes

    qui

    permettent

    de

    distinguer

    les

    elements

    successifs du

    discours. Mais

    ces

    explications secontredisent nettementet pour

    cela

    nepeuventpas etre

    sffisantes. II

    s ensuit

    que lecaractere

    ambigu

    de

    l'influence

    de

    phonemes

    voisins

    sur les caracteristiques phonetiques de la

    realisation d un phoneme

    ne

    permet

    pas

    d utiliser

    de

    maniere

    inequivoque

    l argument

    du

    voisinage

    syntagmatique. En

    outre,il

    y a uneobjection plus

    fundamen ta le:

    le

    terme

    ' influence'n'a pas de

    valeur bien

    definie

    dans

    la

    linguistique

    synchronique.

    La

    notion

    d'influencepresupposela

    succession

    decauseetdeconsequence,

    qui ne peut s'effectuer quedans un Systeme

    dynamique,

    c est--dire dans

    un Systeme dont l'etat est dependant du temps,

    comme,

    par exemple,

    l'evolution

    d une langue. Mais dans

    leSysteme

    synchronique

    d'une

    langue

    les

    proprietes d un element

    ne

    peuvent

    pas

    etre

    considerees

    comme

    la

    consequence

    des

    proprietes

    d'autres

    elements parce

    que

    toutes

    ces

    carac-

    teristiques sont determineesconjointementpar l evolution anterieuredu

    Systeme. O n

    peut

    decrire le

    Systeme

    ou considerer ce qui influence so n

    evolution ou s realisation danslaparole, mais leSystemesynchronique

    ne

    s explique

    pas parsoi-meme.

    On

    peut

    resoudre le probleme del'interpretationmonophonematique

    ou biphonematique au

    moyen

    d'une procedure de verification experi-

    mentale. Quand

    ils'agit du

    groupe

    [ts]en

    castillan, l exemple suivant,

    resultat

    d une

    experience

    naturelle, montre

    qu'il

    est

    phonologiquement

    distinct

    du

    groupe [ts],

    qui

    peut etre

    considere

    comme

    la

    realisation

    de la

    combinaison

    de

    phonemes

    /Ts/:

    cheque

    [tseke]'cheque',

    tsetse

    [tsetse]'tse-tse',

    queche [ketse]'galiote'.

    L emprunt

    temoignede

    l existence

    de Fopposition

    phonologique

    au mo-

    ment

    o lemot fut emprunte et la

    distinction dans

    la

    langue actuelle

    prouvequel opposition semaintient.De la mememaniereonprouvela

    distinction

    de

    [ts]

    et

    [ks]

    sexo hech),

    etc.

    Cen'estque

    pour

    cette

    raison

    qu'il

    y a un

    phoneme/c/

    en

    castillan.

  • 7/26/2019 3 Sur l'Identification Des Units Phonologiques Du Castillan [Linguistics 111 43-50] 1973

    6/8

    48 F. H. H.K O R T L A N D T

    Au

    m oyen-ge

    les cond itions etaien t differentes. IIexistait

    u n

    phoneme

    /s/,

    etpour

    celale

    groupe [ts] doit etre considere dans

    le Systeme

    medieval

    comme

    la

    realisation de

    /Ts/,

    moins

    qu'on

    ne

    puisse prouv er l'existence

    d'une

    Opposition /c/:/Ts/ dans ce cas. Cette Opposition existe dans

    quelques

    langues, en russe par exemple:

    lucsij

    [lutssi]

    /MTsIj/ 'meilleur',

    letucij [htuisu] /Jltuclj/Volant'.

    Cependant, beaucoup de russes ne distinguent pas les membres de cette

    Opposition et

    prononcent

    [lu^sti]:

    ils ont,

    par

    consequent,

    un Systeme

    phonologique

    sans

    /c/, que n e doit pas

    confondre avec

    le

    S ysteme

    de

    la

    langue litteraire.

    D e

    meme,

    les

    espagnols

    qui

    prononcent

    [s]

    dans

    des

    noms

    etrangers

    disposent clairement d 'un phoneme / s /

    et

    n 'ont donc

    pas

    besoin d 'un phoneme / c / dans leur

    S ysteme

    phonologique. L a Situation es t

    assez compliquee

    en

    polonais,

    o

    l'existence d'une consonne

    affriquee

    /c/

    ne peut

    etre.etablie

    que par une procedure experimentale. Si les mo ts

    patrzy [ptsi]

    /paTsi/'(il)

    regarde' et

    paczy

    [ptsi]/paci/

    '(il) dejette'

    ne seconfondent pas, l'affriquee existe,tandisqu'ellen'existepass'ilsse

    confondent. La verification

    experimentale

    est necessaire

    parce

    que la

    difference

    phonique

    peut etre suggeree par l'orthographe.

    Ces

    observations

    eclaircissent que le Systeme

    phonologique

    que

    decrit est le

    Systeme d 'un

    individu (l'informant) et que des

    personnes

    qui

    'parlent

    la meme langue' peuvent

    malgre cela

    disposer de systemes

    phonologiques differentes.

    La coexistence de tels systemes se

    rencontre

    meme

    toujours

    quand

    une

    langue

    evolue. (II ne faut pas

    confondre

    la

    diversite de system es phono logiqu es avec la dissemb lance de

    realisations

    phonetiques du

    meme Systeme:

    le

    premier

    est un

    trait

    fonctionnel

    tandis

    que

    le

    second

    se rapporte la parole.)

    2.2. Quant

    l'opposition /i/

    : /j/ en

    castillan

    E.

    Alarcos Llorach ecrit:

    "Solo

    es vlida la d istincion enposicion intervoc lica:raia/

    raya,

    y entre

    consonante

    y

    vocal

    nuclear:

    desierto

    /deshielo. En

    todos

    los

    dems casos

    la svariantes

    d e

    /i/

    y

    /y/

    se

    com plementan.

    10

    L'argument

    est

    irrelevant

    mon

    avis.

    Les

    mots

    raiaet

    raya

    ne se

    distinguent

    que par leprosodeme,

    qui est un trait

    configuratif

    en castillan.

    11

    Le contraste syntagmatique

    ainsi

    etabli permet d'opposer paradigm atiquem ent

    des

    signes

    structures

    10

    Alarcos

    Llorach, 1965:

    183.

    11

    Cf. C. L.

    Ebeling,

    "On

    A ccent

    in

    Dutch

    and the Phoneme

    /a/",

    Lingua21 (1968),

    135.

  • 7/26/2019 3 Sur l'Identification Des Units Phonologiques Du Castillan [Linguistics 111 43-50] 1973

    7/8

    UNITES PHONOLOGIQUESDU

    CASTILLAN

    49

    prosodematiques difierentes. Dans cette conception la relation entre

    /raia/ et/ria/est la

    meme

    qu'entre/sabna/ et/sbana/. L'opposition /i/:

    /j/ n'existepas encastillan parceque *raiaet rayanesedistinguent pas.

    (Lasyllabe n'estpas uneentite

    phonologique

    encastillan.)

    Lesmots desierto et

    deshielo

    ou

    abierto

    et abyecto se

    distinguent

    au

    moyen

    d'une jointure suturd) de morphemes, signal

    demarcatif

    qui n'a

    pas de fonction distinctive (comme on peut le demontrer experimen-

    talement). Si fai t u sa ge de tels phenomenes

    sans

    la

    verification

    ex

    perimentale

    de

    leur

    nature

    phonologique,

    on

    peut 'prouver' presque

    tout,

    cf. le f ameux

    exemple

    russe:

    pogoreli

    [pagarejl] / pAgAre} / '(ils)brlaient',

    po gre H

    [p3garE}t] /pA

    gAre

    } /

    'par

    la

    montagne?'.

    H n'y a aucun doute que

    l'opposition

    /e/ : / /

    n'existe pas en russe.

    Dans quelques cas A larcos

    Llorach

    interprete le son [j] 'morphone

    matiquement' comme la realisation de

    / j i /

    par

    exemple

    dans

    le s

    mots

    huyo

    et

    huyeron.

    12

    L'argument n'est

    pas seulement m al

    fonde

    du

    point

    de vue theorique

    13

    ma i s aussi

    inadequat, comme

    la

    difference

    entre

    dirigieron

    /dirixieroN/ et dijeron /dixeroN/ le m ontre. En effet, /eroN/ es t

    la

    forme

    du morpheme

    /ieroN/

    apres

    une consonne historiquement

    palatal isee:

    on dit salieron et

    vinieron

    mais

    bulleron et

    bruneron.

    Le son [w]doitegalement etre considere

    comme

    une

    Variante

    dupho

    neme

    /u/ . S i de

    huellas

    et degellas ne sedistinguent pas, la transcription

    phonologique sera respectivement /de uejas/ et

    /deuejas/,

    quoique la

    realisationphonetique

    puisse etre [deywejas]dans les deux cas.L'element

    [] n'a apparemm entpas de fonction

    distinctive dans cette combinaison.

    14

    On

    pourrait

    aussi

    citer:

    son nuevos [sonweos] /soN nuebos/,

    son

    huevos

    [sonweos]

    /soN

    uebos/,

    la

    suela

    [laswela]

    /lasuela/,

    lashuela

    [lazwela]/las

    uela/.

    2.3. Pour

    etablir

    l'existence duphoneme/f/ en castillanilfaut demon-

    trer qu'il

    ne

    peut

    pas

    etre interprete comme

    une

    combinaison

    depho-

    nemes,

    en

    particulier

    qu'il se

    distingue

    de la

    combinaison /rr/. Alarcos

    Llorachnevouepasplus d'une notecettepossibilite:"Algunosautores

    12

    Alarcos Llorach, 1965: 163.

    13

    Cf.Martinet,

    1968:95.

    14

    Cf. Alarcos Llorach, 1965:164.

  • 7/26/2019 3 Sur l'Identification Des Units Phonologiques Du Castillan [Linguistics 111 43-50] 1973

    8/8

    50 F H H KORTLANDT

    [...] consideran

    / f /

    como/r/

    +

    / r / lo cual parece inadecuado, pues

    [f]

    aparece en

    inicial, donde nunca

    hay

    consonantesdobles.

    15

    L ' a rg umen t

    ne

    tient pas puisque l 'assertion qu'il n'y a pas de consonnes doubles en

    Position initiale doit etre prouvee par l ' analyse phonologique et ne peut

    pas

    etre consideree c o mme u ne condition axiomatique imposeea

    priori

    Cela n'empeche pas que l 'assertion est vraie, parce que [f] en position

    initiale

    n'estpas

    la

    realisation

    de

    / r r / m a i s

    de / r / . L e caractere

    phonetique

    de

    / r/

    initial est un signal demarcatif qui n'a pas de fonction distinctive,

    comme on peut

    le verifier

    experimentalement. La combinaison de

    pho

    nemes /rr/

    ne se rencontre qu'en position intervocalique.

    Je conclus ces remarques par un tableau du Systeme consonantique du

    castil lan

    actuel.

    16

    p b f m

    t n l r

    c

    s n l

    k g

    Universite

    ^Amsterdam

    5

    A larcos L lorach, 1965: 163.

    Cf.

    les

    tableaux dansB.Po ttier,

    Phonetique et

    phonologie espagnoles (Paris,

    1965),

    86,

    et Alarcos

    Llorach,

    1965: 170.