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1 30 ans d’expérience de dégraissage d’os frais et anciens 30 Years of Degreasing Experience on Fresh and Old Bones Geneviève HUGUES Taxidermiste, restaurateur du patrimoine Taxidermist and conservator HUGUES TAXIDERMIE, Avenue des Cévennes, 34380 Notre Dame de Londres, France [email protected] Résumé : Description d’une méthode totalement empirique pour la préparation et le dégraissage des os. Très simple, tant dans sa mise en œuvre que dans les produits qu’elle utilise, elle consiste à laisser macérer les os dans de l’eau, puis à les traiter avec du perborate de soude, en finissant parfois par un bain d’acétone. La variable la plus importante de cette technique est le temps, qu’il faut savoir ne pas compter. Abstract: Description of a completely empirical method for preparation and degreasing of bones. Very simple, as well in its implementation than in the products used. it consists in maceration in water, then treatment in sodium perborate, eventually finished by an acetone bath. The most important variable of this technique is time, which is necessary uncountable. 1. Introduction Tout d’abord, je me présente : je m’appelle Geneviève HUGUES, je suis taxidermiste professionnelle depuis 1980 et restauratrice du patrimoine habilitée par le ministère de la culture français depuis environ 10 ans. Tout cela avec mon mari Jean-François ici présent : voila pourquoi je dirai souvent « nous » lors de cet exposé ! « Nous » avons donc effectivement 30 ans d’expérience, mais sachez tout de suite que celle-ci est totalement empirique : nous avons glané à droite à gauche des infos, trucs et astuces que nous avons testés pour finalement nous centrer sur une méthodologie qui n’a rien d’extraordinaire mais qui donne des résultats plutôt satisfaisants et est facile à mettre en œuvre. Par contre, nous n’avons pas validé les résultats par des analyses chimiques ou autre : seul l’aspect visuel et le toucher nous ont guidés. Le recul que nous avons aujourd’hui nous permet de dire que les os étaient propres, pas dégradés et exempts de graisses ou autres substances dégradables. D’ailleurs, si quelqu’un veut compléter ce que je vais décrire par des notions chimiques ou autre, qu’il n’hésite pas à intervenir. Les principaux cas de figure que nous avons traités sont : - Les os frais provenant de dépouilles d’animaux, chassés ou non. - Les os séchés provenant de zones de chasses, principalement africaines. - Les os anciennement traités provenant de collections de chasseurs ou de muséum.

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30 ans d’expérience de dégraissage d’os frais et anciens

30 Years of Degreasing Experience on Fresh and Old Bones

Geneviève HUGUES

Taxidermiste, restaurateur du patrimoine

Taxidermist and conservator

HUGUES TAXIDERMIE, Avenue des Cévennes, 34380 Notre Dame de Londres, France

[email protected]

Résumé : Description d’une méthode totalement empirique pour la préparation et le

dégraissage des os. Très simple, tant dans sa mise en œuvre que dans les produits qu’elle

utilise, elle consiste à laisser macérer les os dans de l’eau, puis à les traiter avec du perborate

de soude, en finissant parfois par un bain d’acétone.

La variable la plus importante de cette technique est le temps, qu’il faut savoir ne pas

compter.

Abstract: Description of a completely empirical method for preparation and degreasing of

bones. Very simple, as well in its implementation than in the products used. it consists in

maceration in water, then treatment in sodium perborate, eventually finished by an acetone

bath.

The most important variable of this technique is time, which is necessary uncountable.

1. Introduction

Tout d’abord, je me présente : je m’appelle Geneviève HUGUES, je suis taxidermiste

professionnelle depuis 1980 et restauratrice du patrimoine habilitée par le ministère de la

culture français depuis environ 10 ans. Tout cela avec mon mari Jean-François ici présent :

voila pourquoi je dirai souvent « nous » lors de cet exposé !

« Nous » avons donc effectivement 30 ans d’expérience, mais sachez tout de suite que celle-ci

est totalement empirique : nous avons glané à droite à gauche des infos, trucs et astuces que

nous avons testés pour finalement nous centrer sur une méthodologie qui n’a rien

d’extraordinaire mais qui donne des résultats plutôt satisfaisants et est facile à mettre en

œuvre. Par contre, nous n’avons pas validé les résultats par des analyses chimiques ou autre :

seul l’aspect visuel et le toucher nous ont guidés. Le recul que nous avons aujourd’hui nous

permet de dire que les os étaient propres, pas dégradés et exempts de graisses ou autres

substances dégradables. D’ailleurs, si quelqu’un veut compléter ce que je vais décrire par des

notions chimiques ou autre, qu’il n’hésite pas à intervenir.

Les principaux cas de figure que nous avons traités sont :

- Les os frais provenant de dépouilles d’animaux, chassés ou non.

- Les os séchés provenant de zones de chasses, principalement africaines.

- Les os anciennement traités provenant de collections de chasseurs ou de muséum.

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Os frais

Os séché

Os anciennement traité

Dans tous ces cas, nous employons la même technique, avec des variables mineures que nous

soulignerons. Seuls les squelettes à restaurer qui sont montés avec tendons sortent de ce cadre.

2. Notre technique

Elle comporte uniquement deux étapes, plus une troisième optionnelle :

- La macération dans l’eau.

- Le bain de perborate de soude.

- Le bain d’acétone si nécessaire.

2.1. La macération dans l’eau

dépouillage Préparation

Pour un résultat optimal les os doivent être mis en macération dans de l’eau, et uniquement de

l’eau. Lorsque l’on à une dépouille entière, on enlève le plus gros de la masse musculaire en

prenant soin de ne pas perdre certains os type sésamoïdes ou os flottants.

Nous estimons que pour un bon résultat, il faut complètement bannir la cuisson. En effet, elle

dénature la structure de l’os, principalement le périoste et les surfaces osseuses, alors que ce

sont elles qui nous intéressent en priorité : la surface osseuse est le premier contact avec l’os

(tactile et visuel), mais c’est aussi cette surface qui protègera l’os des dégradations futures

(poussières etc.) en les empêchant de pénétrer la structure. La cuisson durcit et agglomère

aussi certains tissus qui ne peuvent plus s’échapper (par exemple dans l’os spongieux des

épiphyses) laissant souvent apparaître des taches.

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Macération

La macération se fait donc dans de l’eau à température ambiante ou a peine tiède (40°C

/104,00°F). Dés que l’eau est chargée, on rince les os en enlevant les chairs restantes. Il faut

laisser l’eau se charger pour que la macération s’effectue mais pas trop non plus, ne serait-ce

que pour l’odeur ! Pendant la macération, si on ne touche rien, aucune odeur ne doit

s’échapper, mais rien qu’une goutte d’eau sur la surface libère les odeurs ! Si le bac sent

mauvais sans aucun mouvement, c’est qu’il faut changer l’eau. Cette opération doit être

répétée tant que l’eau se charge.

Il est évident que le temps de macération varie en fonction de la taille du squelette et de la

température ambiante. On peut gagner du temps en perçant les os longs afin d’évacuer la

moelle jaune (possible ou non suivant le but de la préparation ostéologique). On gagne du

temps aussi en faisant macérer les os en été plutôt qu’en hiver …

Mais, malgré tout, c’est le temps qui est la valeur la plus importante pour la bonne préparation

d’un squelette. En voulant gagner du temps, on a commencé à utiliser entre autres la cuisson

et on n’a pas laissé le temps aux substances dégradables de migrer à l’extérieur de l’os. Or,

une fois exposés, ces squelettes renferment encore des substances dégradables, principalement

des graisses qui, lentement mais sûrement, continuent à se dégrader et migrent vers l’extérieur

de l’os.

Os cuit

Macération

Macération

Rinçage

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Que ce soit pour les os séchés des campements africains ou les os provenant de collections

anciennes, on a toujours réussi à faire redémarrer une macération. C’est simplement un peu

plus long au départ.

Lorsqu’on met des os à macérer, on ne sait jamais le temps qu’il va falloir pour mener à bien

cette opération : il faut oublier cette dictature du temps, patienter et laisser faire ….

2.2. Le bain de perborate de soude

Après la macération, l’os est grisâtre ou marron clair, voire noir. Un bain de perborate de

soude permet de le « blanchir ». Si l’os est très jeune, il sera extrêmement blanc s’il a bien

macéré. Si l’os est bien formé, il sera très blanc mais prendra une teinte ivoire au bout d’un

certain temps. Le perborate de sodium, au contact de l’eau, libère du peroxyde d’hydrogène,

dit aussi « oxygène actif » ou eau oxygénée.

Il faudrait peut-être essayer le percarbonate de sodium, dit moins toxique, mais son hydrolyse

libère aussi du carbonate de soude, ou « cristaux de soude » qui nous fait pas mal hésiter …

Pour faire le bain de perborate, on rince et égoutte les os – sans les laisser sécher ; on

saupoudre de perborate puis on couvre d’eau qu’on à porté à ébullition. On vérifie la bonne

immersion des os et on laisse refroidir. On renouvelle l’opération si le résultat ne parait pas

suffisant. On rince les os et on fait sécher, de préférence au soleil.

Os égouttés

Saupoudrage du perborate

immersion

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réaction

Os rincés

Os séchés

2.3. Le bain d’acétone, si nécessaire

Si, au sortir du perborate les os paraissent encore un peu gras en surface, ou tout simplement

par précaution, on peut les tremper dans de l’acétone quelques instants, en agitant l’os.

L’acétone ne sera efficace que s’il reste très peu de corps gras. Mais avec une bonne

macération menée à son terme, cette opération n’est pas indispensable.

3. Cas délicats

Bien que ce soit hors sujet, puisque nous traitons ici des squelettes gras, je voudrais souligner

certains cas que nous n’avons pas pu résoudre avec notre méthode. Ces cas concernent

principalement des os de campements africains qui ont subi un début de préparation sur place.

Il y a les os qui ont été en contact prolongé avec des terres tannantes et colorantes (difficile de

supprimer la couleur souvent rouge ou marron), des os ayant été désinfectés au formol

(fixation apparemment irréversible) et aussi des feutres utilisés pour le marquage des pièces.

Terres

tannantes

et

colorantes

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Os formolé

Feutre

4. Conclusion

Comme vous le voyez, la méthode que nous utilisons est simple ; lors de la macération, les

graisses et les débris organiques se dégradent et migrent dans l’eau sans altérer la structure

osseuse. Sa seule contrainte : le temps … Mais nous pensons que, surtout pour une pièce de

musée, cela ne devrait pas être un problème.