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3 ème Congrès francophone sur les troubles musculosquelettiques Échanges et pratiques sur la prévention 26 et 27 mai 2011, Grenoble - France

3ème Congrès francophone sur les troubles …okina.univ-angers.fr/publications/ua13670/1/actes_livret-tms-2.pdf · Annette Leclerc, Inserm, France Titre : Facteurs de risque psychosociaux

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3ème Congrès francophone sur les troubles musculosquelettiques

Échanges et pratiques sur la prévention26 et 27 mai 2011, Grenoble - France

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Introduction au congrès 2011 du Groupe de recherche francophone sur les TMS

Nicole Vézina, Alexis d’Escatha, Sandrine Caroly, Évelyne Escriva

Présidents du GRF-TMS et Co-présidentes du congrès 2011

À l’occasion de ce troisième congrès du GRF-TMS, il apparaît utile de rappeler l’évolution de ce groupe, ses objectifs et son fonctionnement puisque l’organisation de ce congrès est à son image. Il s’agit en effet d’une organisation particulière qui se distingue et qu’il importe

donc de clarifi er. On comprendra mieux aussi pourquoi le Groupe a orienté le congrès autour de ces deux thèmes principaux : les liens entre TMS et risques psychosociaux et les méthodes et outils pour la prévention.

Le GRF-TMS existe depuis 1998, alors que l’un des volets d’un projet fi nancé par l’Inserm (1998-2002, France), visait « la formalisation d’un réseau multidisciplinaire sur les affections péri-articulaires en milieu de travail ». Il s’agissait en fait de la consécration d’un groupe s’étant peu à peu constitué à l’initiative de l’Anact qui avait organisé des rencontres de chercheurs de disciplines variées, tous engagés dans la recherche sur les TMS en milieu de travail1. Dès lors, le groupe s’est élargi à des chercheurs de la Belgique et du Québec et depuis, avec les années, d’autres chercheurs de pays francophones se sont joints au Groupe et proviennent de l’Algérie, du Luxembourg, de la Suisse et de la Tunisie.

Le GRF-TMS ne permet pas seulement le rassemblement de chercheurs de différents pays, mais aussi et peut-être surtout, la réunion de chercheurs de différentes disciplines dont la préoccupation commune est la mise en place d’une prévention effi cace et durable des TMS. Les chercheurs du Groupe proviennent aussi de diverses institutions, mais portent un point de vue collectif sur la nécessité d’une action concertée. Cette caractéristique du Groupe est très importante puisque le fait de poursuivre un but commun permet de rapprocher les disciplines, de montrer l’intérêt tant des approches qualitatives que quantitatives ou mixtes et de créer une réelle proximité favorisant une plus grande cohésion et un enrichissement des questions de recherche et des protocoles.

La nécessité pour le GRF-TMS de rapprocher le développement de nouvelles connaissances par la recherche à l’organisation des actions de prévention dans les milieux de travail, a eu deux effets, d’une part, l’intégration dans le GRF-TMS de praticiens chercheurs et de praticiens collaborateurs à des projets de recherche et d’autre part, l’organisation de congrès ayant comme principal objectif de créer un lieu de rendez-vous entre les chercheurs et les praticiens. L’intention est de permettre un échange réciproque de connaissances issues de la recherche et de la pratique. Le premier congrès a eu lieu à Nancy en 2002, le second à Montréal en 2005 et ce troisième congrès, à Grenoble. À chaque fois, différentes institutions se sont impliquées dans l’organisation matérielle, tant des instituts de recherche que des organismes de prévention.

L’organisation scientifi que du congrès se fait de façon particulière. Des discussions ont d’abord lieu entre les membres pour identifi er des thèmes d’intérêt, soit d’un point de vue de partage de connaissances, soit pour le développement d’actions effi caces de prévention ou de maintien au travail, soit pour susciter un débat sur des enjeux importants en lien avec la prévention des TMS. Une équipe se forme ensuite autour de chacun des thèmes. Ces équipes sont formées de deux ou trois membres du Groupe qui deviennent les organisateurs d’un atelier portant sur l’un des thèmes identifi és. Ce sont ces organisateurs qui développent une proposition précisant les objectifs de leur atelier et les intervenants qui pourront être invités à faire une communication. Ces propositions sont ensuite discutées avec l’ensemble des membres du Groupe à l’occasion de conférences télé-phoniques internationales visant la coordination des différents ateliers entre eux et la cohérence de l’ensemble du congrès. Un comité central assure l’animation du Groupe.

* Introduction au congrès 2011

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Les organisateurs sont invités à favoriser dans leur atelier, la mise en application de trois principes importants pour le GRF-TMS : les échanges interdisciplinaires, l’implication des praticiens dans les communications et l’espace de débat avec les participants au congrès. Ces principes sont de mieux en mieux respectés depuis le premier congrès et en particulier pour ce troisième congrès. C’est ainsi que dix ateliers ont été organisés, dont cinq au cours d’une première journée qui se consacrera aux liens entre TMS et risques psychosociaux. Comment en effet ignorer l’appel qui est lancé quant aux impacts des risques psychosociaux tant au niveau de la santé physique que mentale ? Les préventeurs sont interpelés dans tous les pays à ce sujet et les membres du GRF-TMS veulent souligner l’importance dans ce débat d’un modèle multidimensionnel de la personne au travail et d’une approche systémique de la prévention.

La deuxième journée regroupe les ateliers dont les thèmes sont en lien avec les méthodes et outils mobilisés par ou pour les acteurs de la prévention. Plusieurs chercheurs ont été impliqués dans le développement d’outils, mais répondent-ils vraiment aux besoins des praticiens et sont-ils adaptés au contexte des entreprises? Comment les outils, méthodes, moyens, normes ou données de surveillance sont-ils utilisés ou peuvent-ils être utilisés dans la pratique pour la prévention? Une particularité du congrès 2011 est le fait d’avoir proposé trois thèmes transversaux afi n de pouvoir réfl échir ensemble à de nouvelles questions pour la recherche et à des préoccupations pour la pratique : l’évaluation des interventions, la diversité des populations au travail et les acteurs en entreprise.

Le GRF-TMS compte aujourd’hui 32 membres dont 22 sont des organisateurs des ateliers du congrès 2011. Ils ont invité à communiquer 56 personnes : des praticiens, des chercheurs, des représentants de différents organismes. Malgré son ouverture aux apports importants des collè-gues de pays non-francophones dont le congrès Premus peut témoigner, le Groupe maintient son qualifi catif de francophone puisqu’il y a intérêt à faciliter l’expression des points de vue propres au monde francophone. Il maintient aussi son caractère informel et, comme le rapportait Michel Aptel, animateur du GRF-TMS à la suite d’Annette Leclerc, de 2002 à 2008, « Le Groupe a un caractère informel qu’il revendique. Ce Groupe est d’abord le moyen d’échanger et son mode de fonctionnement doit rester souple et peu formalisé »1.

Le congrès proposé pour 2011 se veut aussi une occasion de rappeler publiquement que les TMS dans les milieux de travail représentent un phénomène complexe diffi cile à cerner et à étudier, mais que l’organisation effi cace des actions de prévention doit représenter une priorité de la santé publique et de la santé au travail. C’est à se demander si le terme congrès est bien approprié ou faudrait-il parler de rassemblement, de forum ou de manifestation ? *

1 Voir à ce sujet le texte de Michel Aptel (2006), intitulé Groupe de recherche francophone sur les TMS « Une belle histoire de chercheurs ».

* Introduction au congrès 2011

Programme détailléLe congrès est structuré autour de deux thèmes principaux :• Les liens entre troubles musculosquelettiques (TMS) et risques psychosociaux (RPS) abordés en plénière dans l’auditorium et dans 5 ateliers la première journée ;• Les méthodes et outils mobilisés par les acteurs de la prévention abordés en plénière dans l’auditorium et dans 5 ateliers le deuxième jour.Une synthèse des ateliers sera proposée avec un regard particulier sur trois thèmes transversaux que sont : l’évaluation des interventions, la diversité des populations au travail et les acteurs en entreprise.

Jeudi 26 mai 20119h00 Introduction du Congrès œ AUDITORIUM

• Évolution des recherches et interventions concernant les TMS par les co-présidents du Groupe de recherche francophone sur les troubles musculosquelettiquesAlexis Descatha, Laboratoire Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines -UVSQ -Inserm, FranceNicole Vézina, Uqam, Canada

• Présentation de l’organisation du congrès, modalités d’échange et thèmes principauxSandrine Caroly, Laboratoire Pacte – Université de Grenoble, FranceEvelyne Escriva, Anact, France

9h30 Introduction des thèmes transversaux œ AUDITORIUM

Fabien Coutarel, Université Clermont-Ferrand 2, FranceTitre : Les enjeux de l’évaluation des interventions pour la prévention des TMS : pourquoi et comment apprécier les effets d’une action de prévention ?

Karen Messing, Uqam, CanadaTitre : Diversité des populations et TMS : causes, associations ou facteurs de confusion ?

Sandrine Caroly, Laboratoire Pacte – Université de Grenoble, FranceTitre : Diversité des acteurs, quelles coopérations pour la prévention ?

10h15 Introduction du thème « Les liens entre troubles musculosquelettiques (TMS) et risques psychosociaux (RPS) » œ AUDITORIUM• Construction sociale et historique du lien TMS - Risques psychosociaux

Nicolas Hatzfeld, Université d’Evry, FranceTitre : Usure physique, usure psychique : entre convergences et concurrences, quelques repères historiques

10h45 Pause

11h15 Les risques psychosociaux, de quoi s’agit-il ? œ AUDITORIUM

Philippe Davezies, Université Claude Bernard Lyon 1, FranceTitre : Souffrance sociale, répression psychique et troubles musculosquelettiques

Yves Clot, Chaire de psychologie du travail, Cnam, Paris, FranceTitre : TMS-RPS : l’hypothèse de l’hypo-sollicitation de l’activité

12h15 Débat avec la salle œ AUDITORIUM

12h30 Déjeuner

14h00 Suite Introduction du thème « Les liens entre troubles musculosquelettiques et risques psychosociaux » œ AUDITORIUM• La part des risques psychosociaux dans le développement des TMS

Annette Leclerc, Inserm, FranceTitre : Facteurs de risque psychosociaux et TMS

Susan Stock, INSPQ et Université de Montréal, CanadaTitre : Les relations entre les TMS et les risques psychosociaux au travail : un modèle conceptuel

15h00 Pause

* Programme du congrès 2011

Organisateurs

Evelyne Escriva (Anact, France)Marie Saint-Vincent (IRSST, Canada)

Georges Toulouse (IRSST, Canada) Marie Bellemare (Université Laval, Canada)Corinne Van de Weerdt, (INRS, France)

Susan Stock (INSPQ, et Université de Montréal, Canada)Fabienne Kern, IST, Suisse

Alexis Descatha (Laboratoire Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines UVSQ-Inserm, France)Marie-José Durand (Université de Sherbrooke, Canada)

Pascal Simonet (Chaire de psychologie du travail, Cnam, Paris, France)Sandrine Caroly (Laboratoire Pacte, Université de Grenoble, France)

Auteurs, intervenants

Philippe Douillet (Anact, France), Evelyne Escriva (Anact, France)Titre : Organiser la prévention des TMS et des RPS : proximités et différences. Une réfl exion à partir des pratiques d’entreprise

Corinne Van de Weerdt, (INRS, France)Titre : Introduction sur la prise en compte des émotions et des affects dans la relation de service

Susan Stoc (INSPQ, Université de Montréal, Canada)Titre : Environnement psychosocial du travail : défi nitions et concepts

Marie José Durand (Université de Sherbrooke, Canada)Titre : Quand la recherche s’impose au présent

Gabriel Fernandez (Cnam, AP-HP, France)Titre : Développement du geste et prévention des TMS

Cécile Briec, Yannice Clochard (Alternatives ergonomiques, France)Titre : Une PME s’empare des risques de TMS et de RPS dans une même démarche de prévention

Georges Toulouse (IRSST, Québec), Louise Saint-Arnaud (Université Laval, Canada), Denis Duhalde (Uqam, Canada), Alain-Steve Comtois (Uqam, Canada), Alain Delisle (IRSST, Canada)Titre : Approche ergonomique des risques psychosociaux associés aux TMS : l’étude de la charge émotionnelle des préposés au service d’urgence de la sécurité publique

Dominique Chouanière (INRS, France), Isabelle Niedhammer (Inserm, France)Titre : Revue de la littérature sur les contraintes psychosociales au travail évaluées en épidémiologie comme facteurs de risque des TMS : intérêt et limites.

Bernard Fouquet (Université de Tours, France)Titre : Point de vue du clinicien hospitalier en France

Edwige Quillerou-Grivot (Cnam, INRS, France)Titre : L’analyse des gestes et de ses dilemmes dans différentes instances au sein de l’entreprise : question de sens et de reconnaissance ?

Micheline Boucher (CSN, Canada)Titre : Traiter de « surcharge de travail », une intégration des troubles musculosquelettiques et des risques psycho-sociaux

Johann Petit, Bernard Dugué (Université de Bordeaux, France)Titre : La qualité du travail : un enjeu majeur pour le développement de la santé

Fabienne Kern (IST, Suisse)Titre : Intérêt de l’analyse de l’activité comme complément de tout outil d’évaluation de l’environnement psychosocial

Nicole Charpentier (Université de Sherbrooke, Canada)Titre : Les indicateurs de situation de handicap au travail : la perspective du clinicien

Bertrand Poete (Aract Franche Comté, France)Titre : L’examen du geste professionnel en situation de formation à la prévention durable des TMS

Michel Vézina, Carole Chenard (INSPQ, Canada)Titre : Les pratiques de gestion : un incontournable dans la prévention des risques psychosociaux au travail

Pierre Poulin, Julie Bleau (Asstsas, Canada)Titre : L’induction d’émotions positives au cours des soins aux patients désorientés comme facteur de protection des TMS chez les soignants

Marie Bellemare, Geneviève Baril-Gingras (Université Laval, Canada)Titre : Outils pour apprécier les aspects socio-organisationnels lors d’une intervention de prévention : l’expérience des praticiens

Jacques Lapierre (Smieve, France), Martine Soulatsky (Metrazif, France)Titre : Point de vue de la médecine du travail en France

Karine Chassaing (Université de Bordeaux, France)Titre : Former pour faire de la qualité : quelle reconnaissance pour les gestes professionnels ? Un exemple dans le secteur de l’industrie automobileDiscutantes : Martine Milleret (Ethic ergonomie, France), Virginie Josselin (CHU Grenoble, France)

Fabien Coutarel (Université de Clermont-Ferrand, France)Titre : De l’intérêt de lier TMS et RPS : quelles implications pour l’organisation de l’action de prévention ?

15h30 - 17h30 : 5 ateliers en parallèle

A1 L’organisation de la prévention des TMS et des RPS

œ AUDITORIUM

A2 Relations de service, charge émotionnelle et affects

œ SALLE MONT-BLANC

A3 Environnement psychosocial du travail : défi nitions et outils pour le caractériserœ AMPHI 303

A4 Les conditions physiques et psychosociales de retour au travail suite aux TMSœ SALLE KILIMANJARO

A5 La fonction du geste dans la reconquête du sens au travail : une question de reconnaissance œ SALLE MAKALU

* Programme du congrès 2011

Vendredi 27 mai 20119h00 Synthèses œ AUDITORIUM

Synthèse du 7e Congrès international sur la prévention des troubles musculosquelettiques liés au travail, Premus 2010

Yves Roquelaure, Centre hospitalier universitaire d’Angers, FranceTitre : Seventh International Scientifi c Conference on Prevention of Work-Related Musculoskeletal Disorders (Premus 2010) - Angers, 29 août – 2 septembre 2010

9h15 Synthèse des ateliers et retour sur les thèmes transversaux de la première journée œ AUDITORIUM

10h10 Débat avec la salle œ AUDITORIUM

10h30 Pause

11h00 Introduction du thème « Les outils et méthodes mobilisés par les acteurs de prévention » œ AUDITORIUM

• Normes, législation, outils, valeurs limites, mesures… Pour mieux prévenir les TMS ?

Alain Piette, Service public fédéral emploi, travail et concertation sociale, BelgiqueTitre : Infl uence de la réglementation, des normes, des valeurs limites, des outils, des chiffres… Pour mieux prévenir les TMS ?

• Doit-on parler d’outil ou de démarche ?

François Daniellou, Institut polytechnique de Bordeaux, FranceTitre : Pas de prévention des TMS sans une réinterrogation des hypothèses managériales

12h00 Déjeuner œ AUDITORIUM

13h15-15h15 : 5 ateliers en parallèle

A6 Réglementation et directives sont-elles des leviers de prévention ?

œ SALLE MONT-BLANC

A7 Adaptation et appropriation des outils au service de la prévention des TMS

œ AMPHI 303

A8 Méthodes et outils de mobilisation des entreprises

œ AUDITORIUM

A9 Mise en œuvre de la pluridisciplinarité dans l’analyse des gestes

œ SALLE MAKALU

A10 La surveillance épidémiologique et le suivi des statistiques de santé en entreprise : comment les « chiffres » peuvent-ils aider à la compréhension des TMS ?œ SALLE KILIMANJARO

Organisateurs

Alain Piette (Service public fédéral emploi, travail et concertation sociale, Belgique)Nicolas Hatzfeld (Université d’Evry, France)

Agnès Aublet-Cuvelier (INRS, France)Sylvie Ouellet, Cinbiose (Uqam, Canada)

Michel Apte (CHRU de Besançon, France)René Brunet (Leest, France)Ghislaine Tougas (INSPQ, Canada)Nicole Vézina (Uqam, Canada)

Denys Denis (IRSST, Canada)Adriana Savescu (INRS, France)

Catherine Ha (InVS, France)Susan Stock (INSPQ et Université de Montréal, Canada)Evelyne Escriva (Anact, France)

Auteurs, intervenants

Antonio Cammarota (European commission, Luxembourg)Titre : Vers un nouveau cadre réglementaire au niveau européen – L’initiative de la Commission en matière d’ergonomie et de TMS d’origine professionnelle : état des lieux et discussion

Denis Leclerc, Jean-Pierre Brion (AST Lor’n, France)Titre : Utilisation de Saltsa, outil de dépistage clinique précoce des TMS en entreprise : comment un service inter-entreprise s’est approprié l’outil au service de la prévention des TMS ?

René Brunet (Leest, France)Titre : Mobilisation et intervention – des relations à élucider

Jean-Claude l’Huillier (INRS, France) ; Yvan Gigert (Eprose, France)Titre : Démarche pluridisciplinaire pour le développement d’un outil de travail plus approprié

Catherine Ha (INvs, France), Julien Brière (INvs, France), Julie Plaine (InVS, France), Natacha Fouquet (InVS, Leest, France), Yves Roquelaure (Leest, France), Ellen Imbernon (InVS, France)Titre : Construction d’indicateurs synthétiques à partir des données de surveillance épidémiologique des TMS

* Programme du congrès 2011

Loïc Lerouge (CNRS, France)Titre : Regard comparé sur la prévention des TMS dans les pays francophones (France, Belgique, Suisse, Québec, Algérie)

Jean-Pierre Meyer (INRS, France), Jean-Luc Mochel (Carsat, France)Titre : Le process « cadre vert » : comment le travail peut aider à rester actif ?

Lionel Groléas (Inspection du travail Rhône-Alpes, France), Agnès Lebret, Pascal Etienne (DGT, France)Titre : TMS : de la communication pour initier l’action

Pascal Simonet (Cnam, France), Adriana Savescu (INRS, France), Muriel Van Trier (SMPP Paris, France)Titre : La pluridisciplinarité au service de la prévention des TMS : quand l’association entre psychologie du travail et biomécanique devient, pour les professionnels, support d’analyse des gestes de métier

Susan Stock (INSPQ, Canada), Paule Pelletier (Direction de santé publique de Montérégie, Canada)Titre : La surveillance épidémiologique des TMS au Québec et son application pour favoriser la prévention des TMS par le Réseau québécois de santé publique en santé au travail

Roland Gauthy (Etui, Belgique)Titre : Normes et réglementations, des outils au sein des entreprises ?

Rachel Barbet-Detraye (CCMSA, France), Aurélie Landry (Université Grenoble, France)Titre : Une formation-action comme outil de prévention des TMS dans le secteur viticole : leviers et freins identifi és par le biais de la recherche évaluative.

Jérôme Chardeyron (Carsat Rhône-Alpes, France)Titre : Mobilisation de la fi lière agroalimentaire en Rhône-Alpes

Nelcy Arevalo (ErgoIdeal, Colombie)Titre : Préparer le Lys des Incas en qualité et en sécurité : une intervention pluridisciplinaire dans le secteur de la fl oriculture colombienne

Othmane Ghomari, Benali Beghdadli, Abdelkrim Kandouci (Université Djilali Liabes Sidi Bel Abbès, Algérie)Titre : Les enjeux de surveillance des TMS en Algérie

François Becker (Hager, France)Titre : L’entreprise face aux obligations légales en matière de prévention des TMS

Xavier Merlin, Jean-François Thibault (Aract Aquitaine, France), Alain Garrigou (Université Bordeaux 1, France)Titre : De l’outil Muska à la démarche de prévention des TMS, quelles appropriations ?

Ghislaine Tougas (CCPE, Canada)Titre : Comment amener une entreprise à s’intéresser à la prévention des TMS ? Une démarche de mobilisation à la prévention des TMS

Arnaud Désarménien (Service ST Le Mans, France)Titre : Du mouvement à la représentation du travail, collaboration pluridisciplinaire dans un CAT

Patrick Morisseau (MSA Portes de Bretagne, France), Adeline Pornin (CCMSA, France)Titre : Stivab, une étude pluridisciplinaire sur la santé et les conditions de travail dans la fi lière viande bretonne. Quelles diffi cultés à mettre en débat les résultats et à passer de l’étude à l’action ?

Marie Saint Vincent (IRSST, Canada)Titre : L’inspection du travail au Québec : parfois un levier pour la prévention des TMS

Michelle Bassargette, (Air France cargo, France), Olivier Decourcelle (Ergos-concept, France), Laurent Guisot (Groupe Servair, France), Sylvie Martin-Boulineau (Air France, France), Sonia Sutter (Air France, France)Titre : Comment un dispositif de formation à la prévention des TMS peut-il contribuer au développement de l’ergonomie dans un groupe aéronautique ?

Joël Maline, Daniel Depincé (Aract Basse-Normandie, France)Titre : Les affections péri-articulaires et les données « chiffrées » dans l’entreprise

15h15 Synthèse des ateliers et retour sur les thèmes transversaux de la journée

16h05 - 16h30 Conclusion du Congrès – Jack Bernon, Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), France

* Programme du congrès 2011

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Les enjeux de l’évaluation des interventions pour la prévention des TMS : pourquoi et comment apprécier les effets d’une action de prévention ?

Fabien Coutarel Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, France

EA 4281, PAEDI

D e nombreuses entreprises sont aujourd’hui prêtes à s’engager dans des actions de préven-tions des troubles musculosquelettiques d’origine professionnelle. Cet engagement des directions ne se fait jamais sans craintes. Ces craintes justifi ent le fait que le périmètre de

l’action confi ée aux intervenants est très souvent restreint dans un premier temps. Les actions de prévention les plus ambitieuses et les plus effi caces sont toujours celles qui succèdent à des actions préalables plus réduites.

Les connaissances existantes et stabilisées concernant les démarches de prévention des TMS les plus effi caces insistent sur trois caractéristiques essentielles : la transformation de l’organi-sation du travail, la mobilisation des acteurs internes et l’intégration des questions de santé au travail dans les projets de conception. Cependant, il existe un décalage important entre l’état des connaissances concernant les actions de prévention les plus effi caces et ce à quoi sont prêtes, dans un premier temps, les entreprises se lançant dans la prévention.

L’enjeu du développement de la prévention passe donc, selon nous, par le développement de notre capacité à convaincre nos commanditaires de passer d’initiatives réduites dans un premier temps, à des démarches plus ambitieuses ultérieurement. Ainsi la question de l’évaluation des interventions visant la prévention des TMS est convoquée, et surtout, si l’on se place du côté du commanditaire, préoccupé par l’évaluation des effets de ces interventions. Cet enjeu d’évaluation des interventions doit être tenu très tôt dans l’intervention, dès l’analyse de la demande.

Il est donc possible (voire nécessaire ?) de répondre favorablement à des demandes d’interven-tion offrant un champ réduit d’investigation et de transformation, présageant d’effets limités en termes de prévention, à condition de positionner précocement l’évaluation de l’action comme un réel enjeu du projet. La compétence de l’intervenant en matière de prévention des TMS consistera à prévoir et à assurer une cohérence entre ce qui peut être atteint (résultats) compte tenu des ressources proposées (temps, implications des acteurs de l’entreprise, périmètre des transforma-tions possibles…), et de comparer cela aux objectifs formulés par le commanditaire. L’intervenant cherchera aussi à mettre en visibilité les effets non attendus de l’intervention.

Ceci conduira donc souvent à renégocier les objectifs et/ou les moyens, et à accepter d’inter-venir tout en formalisant des objectifs atteignables. C’est à cette condition qu’à la fi n de l’action, lorsque viendra le temps du bilan et que le nombre de TMS n’aura pas diminué, mais que l’inter-venant aura néanmoins démontré son effi cacité compte tenu du périmètre négocié (sur la base d’indicateurs pertinents), que la crédibilité et le positionnement de l’intervenant seraient renfor-cés. En ne le faisant pas, il prend le risque de laisser l’évaluation fi nale de son action libre de tout cadrage pertinent. Et, le premier réfl exe de nos interlocuteurs sera « naturellement » de regarder l’évolution avant-après des plaintes. Nous montrerons que cela ne peut en aucun cas constituer un indicateur pertinent et que d’autres directions semblent plus adaptées, permettant notamment de rapprocher TMS et RPS. *

* Introduction des thèmes transversaux

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Diversité des populations et TMS : causes, associations ou facteurs de confusion ?

Karen MessingUniversité du Québec à Montréal (Uqam), Canada

L es rapports de TMS peuvent être induits par différents événements déclencheurs, plusieurs types de facteurs aggravants et des infl uences variées sur le fait de les déclarer. L’apparte-nance à une catégorie de diversité peut avoir différentes intersections avec cette chaîne de

causalité. Par exemple, au Québec, la division genrée du travail associe le genre masculin à des emplois à plus grand risque d’événements accidentels, le genre féminin à des emplois à risque de TMS chroniques. La connaissance de la langue française est associée, à Montréal, à la déclaration des lésions professionnelles à la CSST, alors que le fait de faire partie d’une minorité visible est associé à une présence dans des emplois plus susceptibles d’engendrer une lésion. L’âge et la catégorie socio-professionnelle ont aussi leurs associations propres avec différents facteurs de la chaîne de causalité. Ainsi, dans chaque outil de mesure, chaque base de données, chacune de ces caractéristiques correspond à des phénomènes différents. Le traitement statistique et pratique de ces caractéristiques pose problème pour les intervenants-es et les chercheurs-es. *

* Introduction des thèmes transversaux

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Diversité des acteurs : quelles coopérations pour la prévention ?

Sandrine Caroly Laboratoire Pacte, Université de Grenoble, France

N ombreux sont les acteurs intervenant dans le domaine de la santé au travail et préoccupés par les questions de prévention des TMS : médecins du travail, ergonomes, IPRP, ingénieurs sécurité, DRH, infi rmières du travail, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, rhumatologues,

psychologues du travail, etc. Autour de ces professionnels gravitent d’autres acteurs qui jouent un rôle important dans les dynamiques de prévention : les salariés, les responsables d’entreprise, les chefs d’atelier, les partenaires institutionnels, etc.

Face à cette diversité des acteurs ayant des statuts différents et des compétences variées se pose la question de comment agir ensemble effi cacement pour la prévention des TMS. Malgré les évolutions de la loi en santé au travail en matière de pluridisciplinarité, le travail collectif ne se décrète pas. Le constat est plutôt celui d’une diffi culté à travailler ensemble, à repérer les zones d’action de chacun avec parfois des situations confl ictuelles. Pourtant la mobilisation collective des acteurs s’avère indispensable aujourd’hui.

Plusieurs méthodologies sont à envisager pour mieux saisir les modes de coopération entre les acteurs favorisant la prévention des TMS. Il est possible d’analyser l’activité en détail d’un des acteurs afi n de comprendre ces pratiques professionnelles, les enjeux du métier et de suivre les interactions possibles ou impossibles qu’il a avec d’autres acteurs. Il est possible aussi de suivre un projet de prévention ou de maintien dans l’emploi et d’observer les actions des différents acteurs au fi l de l’avancée du projet. À partir des traces de leurs activités et de leurs confronta-tions individuelles et collectives, il s’agit de comprendre ce que fait chacun, les zones d’action, les empêchements, les formes de travail collectif, le rapport au travail et les compétences de chacun. Le postulat est qu’il sera plus facile d’envisager la coopération dans l’action lorsque les domaines de compétences seront identifi és.

Quelles que soient les fonctions, il ne faut pas sous-estimer le poids des effets du contexte et de la législation sur les stratégies des acteurs ainsi que le rôle de la culture de l’entreprise et de la sensibilité du dirigeant vis-à-vis de la santé-sécurité.

Cependant si cela est nécessaire de mieux identifi er les compétences d’intervention, ce n’est certainement pas suffi sant pour mieux travailler ensemble pour la prévention des TMS et des RPS. Des conditions organisationnelles sont à réunir pour favoriser la pluridisciplinarité (par ex : des interventions communes, des temps d’échange, des retours d’expérience, etc.) et des marges de manœuvre sont à construire pour favoriser l’activité de chacun (avoir du temps, se former, pouvoir choisir avec qui on a envie de travailler, se spécialiser dans un secteur d’activité, etc.).

Pour cela, il ne suffi t pas de situer uniquement la production de connaissances sur les échanges produits par les professionnels sur leurs complémentarités ou leurs différences. Faire l’expérience sur le terrain d’action collective entre les acteurs apparait une voie indispensable pour organiser un débat sur l’activité collective, trouver des formes de réélaborations de règles effi caces pour la prévention, transformer les outils de travail pour les adapter à la situation et inscrire les projets de coopération dans une dimension historique. *

* Introduction des thèmes transversaux

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Usure physique, usure psychique : entre convergences et concurrences, quelques repères historiques

Nicolas Hatzfeld Université d’Evry, France

V oici plusieurs décennies que la France du travail connaît le développement des troubles musculosquelettiques et des risques psychosociaux. Chacun de ces deux ensembles, de constitution relativement récente, regroupe des pathologies qui ont longtemps été consi-

dérées comme distinctes. Ils semblent converger doublement. D’une part, leur essor est lié à une évolution des opinions à leur sujet et à des progrès dans leur reconnaissance administrative. D’autre part, leur développement apparaît de plus en plus nettement lié à des transformations du travail et de l’emploi et traduit une maladie des organisations. Toutefois, la convergence est mise en cause par les signifi cations parfois discordantes attribuées à la notion de risques psychosociaux, orientés tantôt vers des facteurs internes au travail et tantôt vers des causes extra-professionnelles.

Un regard historien – partiel – apporte quelques repères susceptibles d’éclairer les questions soulevées. On n’insistera pas sur le fait que, dans la longue durée, des pathologies comparables à celles d’aujourd’hui sont survenues, même si elles ont été à maintes périodes moins visibles ou moins nombreuses. Certaines périodes laissent la trace d’attentions particulières. Les pathologies périarticulaires sont repérées et interprétées selon des rythmes divers, même si certaines analyses commencent dès le milieu du XIXe siècle à relier certaines d’entre elles. C’est sous d’autres noms que l’on trouve, à différents moments, l’accent mis sur des pathologies psychiques : énervement, usure, fatigue nerveuse, etc. Des analyses associent parfois les dimensions physiques et psychi-ques, comme à la fi n du XIXe siècle à propos de l’usure, ou lors des années 1950 quand la politique générale de recherche de productivité est mise en cause. Mais à d’autres moments, depuis le début du XIXe siècle, d’autres analyses de l’usure opposent aux facteurs liés au travail ceux qui renvoient aux modes de vie (conditions d’existence, habitudes, caractères personnels, etc.), les seconds servant à nier le poids des premiers.

Ainsi les relations entre formes physiques et psychiques d’usure ont été parfois convergentes et parfois concurrentes. Ces variations passées renvoient à la défi nition des pathologies carac-térisées et aux facteurs mis en avant. Elles renvoient aux acteurs sociaux qui les soutiennent, représentants patronaux ou organisations de travailleurs, et aux intentions qui les sous-tendent. Elles permettent de mettre en perspective l’importance de ce qui se joue à propos des défi nitions d’aujourd’hui. *

* Introduction du thème « Les liens entre troubles musculosquelettiques (tms) et risques psychosociaux (rps) »

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Souffrance sociale, répression psychiqueet troubles musculosquelettiques

Philippe DaveziesUniversité Lyon 1, France

C omme dans le cas de l’amiante, les risques psychosociaux ont fait irruption sur la scène médiatique lorsqu’il est apparu que les atteintes à la santé touchaient des couches de salariés traditionnellement privilégiées : ces catégories de salariés qui disposent, dans leur travail,

d’espaces d’expression personnelle et de développement et qui voient ces espaces attaqués par la pression à l’intensifi cation et à la standardisation. Les manifestations de souffrance sont alors bruyantes et possèdent une forte visibilité sociale.

Cependant, dès le début des années 1980, Christophe Dejours avait alerté sur une autre forme de souffrance : celle des salariés exposés à des situations de contrainte sévère, sans grande possibilité d’investissement personnel, et surtout sans la perspective d’y échapper. Les OS des processus tay-loriens sont la catégorie emblématique de cette situation. Dans ce cas, la souffrance est silencieuse. Pour tenir, les salariés développent des stratégies de résistance qui passent par la répression de leur propre subjectivité. Dejours signalait alors qu’en présence de cette souffrance sans expression de détresse psychique, il fallait s’attendre à voir survenir des pathologies du corps.

Cette proposition a été largement validée par l’épidémiologie du stress. Les ouvriers spécialisés ne viennent pas en consultation de souffrance au travail, mais font des maladies physiques au premier rang desquelles fi gurent les maladies cardio-vasculaires et les troubles musculosquelettiques.

Ces constats sont aujourd’hui éclairés par l’évolution des connaissances biologiques. Il a été repéré depuis longtemps qu’en situation de stress chronique, les individus exposés pouvaient mettre en œuvre des stratégies de désengagement psychique qui s’accompagnaient d’une absence de la réponse en cortisol, caractéristiques des réactions au stress. Ces sujets présentaient plus de symptômes physiques, ce qui était troublant dans la mesure où la tradition attribuait les pathologies du stress plutôt à l’excès de cortisol.

Au cours de la dernière décennie, il s’est confi rmé que les taux de cortisol bas observés chez les sujets exposés à des situations de stress chronique étaient responsables d’une quantité de phénomènes pathologiques. Le cortisol est alors apparu comme participant à l’apaisement de la réaction de stress.

Plusieurs découvertes importantes sont venues compléter la compréhension de ces phéno-mènes :• En cas de stress, la sécrétion de CRH par l’hypothalamus et la mobilisation du système sympa-

thique activent les mécanismes de l’infl ammation, en particulier par leur interaction avec une classe de molécules de découverte récente, les cytokines pro-infl ammatoires.

• La situation de stress chronique peut se traduire par une dissociation de la réponse biologique, la CRH et l’activité du système sympathique étant élevées alors que le cortisol reste bas. Cela signifi e que, chez les sujets exposés durablement à l’adversité, le cortisol bas ne tempère

plus l’activation des mécanismes infl ammatoires. De plus, la baisse du cortisol est responsable d’un abaissement du seuil de la douleur qui accroit les phénomènes douloureux.

Les travailleurs voués au travail répétitif sous cadence, qui n’expriment pas de détresse psychi-que alors qu’ils sont exposés au stress professionnel, sont donc dans une situation qui cumule des contraintes biomécaniques locales avec une susceptibilité à l’infl ammation et à la douleur. Mais la baisse du cortisol est aussi observée chez les sujets exposés à un harcèlement chronique.

Ces données contribuent aussi à expliquer un autre pan de la pathologie qui frappe ces caté-gories de travailleurs. Il est en effet démontré que l’athérosclérose responsable des pathologies cardio-vasculaires est liée à une infl ammation au niveau de la paroi des vaisseaux. *

* Introduction du thème « Les liens entre troubles musculosquelettiques (tms) et risques psychosociaux (rps) »

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TMS-RPS : l’hypothèse de l’hypo-sollicitation de l’activité

Yves ClotChaire de psychologie du travail, Cnam, Paris, France

O n rattachera la question mal décrite par l’expression « RPS » à des dilemmes fréquents du travail et, en particulier, à l’existence d’une sorte de déliaison qui se fait jour dans l’activité ; une déliaison entre les préoccupations réelles des opérateurs — une certaine idée du travail

et d’eux-mêmes dans le travail — et des occupations immédiates qui leur tournent le dos. Le sens même de l’action en cours se perd quand disparaît dans le travail le rapport entre les buts auxquels il faut se plier, les résultats auxquels il faut s’astreindre et ce qui compte vraiment pour soi et pour les collègues de travail dans la situation. Ce qui compte vraiment — et parfois de manière vitale dans les tâches de services — dessine d’autres buts possibles de qualité que la qualité attendue des buts prescrits. Alors, la perte de sens de l’activité la dévitalise, la désaffecte en rendant psy-chologiquement factice la poursuite du travail. Alors on est actif mais sans se sentir actif. Même la performance réalisée et reconnue peut perdre sa fonction psychologique si on ne s’y reconnaît pas. La visée du travail exigé devient alors psychologiquement étrangère à l’activité des sujets dont l’objet est ailleurs. Les actions réalisées rivalisent dans leur activité avec celles qui devraient et surtout pourraient l’être. La réalité psychologique de ces confl its dans l’objet même du travail est la source de puissants affects qui trouvent de moins en moins un destin favorable. Dans ce confl it de buts gît un paradoxe : les buts atteints, désinvestis, perdent leur sens et ceux auxquels on tient et qui restent en jachère, privés de leur réalisation sociale, sont discrédités aux yeux mêmes de beaucoup de travailleurs comme des objectifs encombrants. C’est l’imagination même qui devient alors pour eux un obstacle à surmonter pour travailler « normalement ». Bien des drames humains du travail trouvent là leur origine ou leur matière quand la situation s’installe et interdit de penser, à tort ou à raison, qu’un changement serait possible. Quand la confrontation sur la qualité du tra-vail est devenue impraticable, suractivité et sentiment d’insignifi ance forment alors un mélange « psychosocial » explosif. C’est une sorte d’activisme désœuvré que la moindre injustice managériale peut transformer en ressentiment durable. Mais ce dernier est la goutte d’eau qui fait déborder le vase d’une vie professionnelle contrariée. Car la passivité n’est jamais qu’une activité « rentrée », un développement incarcéré. De ce point de vue, après avoir rappelé que les TMS peuvent être vus comme une hyper-sollicitation de l’organisme enracinée dans une hypo-sollicitation de l’activité du corps tout entier, on cherchera à montrer que les « RPS » trahissent aussi — à tous les sens du terme — une hypo-sollicitation de l’activité des sujets au travail. *

* Introduction du thème « Les liens entre troubles musculosquelettiques (tms) et risques psychosociaux (rps) »

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Facteurs de risque psychosociaux et TMS

Annette LeclercU1018 Inserm, Villejuif, France

L a présentation abordera la question des « risques psychosociaux » en lien avec les TMS principalement sous un angle épidémiologique, d’où la préférence pour le terme « facteur de risque » ou « facteur de risque potentiel », qui fait référence à des variables (potentiellement)

associées aux TMS, en incluant les associations effectivement observées mais non causales. La première partie portera sur la thématique elle-même et diverses façons de l’aborder, en montrant qu’il y a plusieurs questions plutôt qu’une seule, avec des réponses qui peuvent différer. La seconde partie développera des résultats issus de travaux épidémiologiques.

Facteurs de risque psychosociaux et TMS, des questions multiplesLes questions que l’on se pose diffèrent selon ce qui est mis sous le terme «psychosocial» et selon la dimension de santé retenue. D’autres aspects importants sont les hypothèses sur les liens entre expositions psychosociales et expositions biomécaniques et posturales, et la prise en compte du temps, principalement entre exposition et « effet » sur la santé. Le terme psychosocial fait le plus souvent référence, dans la littérature épidémiologique, aux modèles évaluant la demande et la latitude dans le travail, au niveau individuel ; cependant, les facteurs « en amont » caractérisant l’organisation du travail sont aussi à considérer. Concernant les « effets », si les associations entre « stress » et activité musculaire sont documentées par des études en laboratoire, ces résultats ne sont pas extrapolables à d’autres types d’effets, en particulier des pathologies avérées. Les effets à court terme peuvent différer des effets à long terme ; de même il est nécessaire de faire une distinction entre les déclarations par les sujets et les pathologies objectivées.

Résultats issus d’études épidémiologiquesDes associations entre TMS et expositions psychosociales mesurées au niveau individuel (demande, latitude..) sont très fréquemment retrouvées, mais sont souvent d’intensité modeste. Pour la plupart des sites de douleur, des revues générales basées sur un grand nombre d’études apportent ici des résultats relativement solides. De façon générale, les liens entre expositions psychosociales et TMS sont de plus faible intensité, et parfois inexistants, quand la dimension de santé est objectivée par un examen médical, quand les expositions biomécaniques sont prises en compte, et quand un protocole d’étude longitudinal permet de garantir la temporalité des relations. On peut regretter que les revues générales issues de la littérature épidémiologique ne discutent pas suffi samment des interrelations entre facteurs psychosociaux et biomécaniques, laissant le plus souvent sans réponse la question de savoir si les expositions psychosociales auraient les mêmes conséquences selon que les expositions biomécaniques sont présentes ou absentes. Il manque aussi d’études portant sur les liens entre les TMS et les caractéristiques de l’organisation du travail, qui détermi-nent à la fois l’intensité des expositions biomécaniques et l’existence ou l’intensité d’expositions psychosociales au niveau individuel. *

* Introduction du thème « Les liens entre troubles musculosquelettiques (tms) et risques psychosociaux (rps) »

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Les relations entre les TMS et les risques psycho-sociaux au travail : un modèle conceptuel

Susan StockInstitut national de santé publique au Québec

et Université de Montréal, Canada

L es relations entre les TMS et les contraintes organisationnelles et psychosociales sont probablement plus complexes que la plupart des études épidémiologiques ont réussi à montrer jusqu’à maintenant. Malgré l’existence de données probantes sur les liens entre les

TMS et plusieurs contraintes psychosociales, les interrelations entre les contraintes physiques, les différentes contraintes organisationnelles et psychosociales et les TMS sont encore méconnues. Le rôle de la détresse psychologique dans ces interrelations est également mal connu. La nature des interrelations complexes entre les TMS, les contraintes physiques, les divers risques psychosociaux et la détresse psychologique doit être mieux explicitée. Presque toutes les études qui en tiennent compte montrent une forte relation entre la détresse psychologique et les TMS. Il apparaît probable que dans certains cas, la détresse psychologique est un médiateur de la relation entre certaines contraintes psychosociales du travail et les TMS alors que dans d’autres cas, les relations sont plus directes ou passent par un autre mécanisme. Par exemple, certaines exigences quantitatives (ex : quantité de travail, contraintes temporelles) ou cognitives, peuvent infl uencer les contraintes physiques directement et ainsi contribuer aux TMS. Dans d’autres cas, il y a une interaction entre une contrainte physique et une contrainte psychologique ou relationnelle et cette interaction infl uence ainsi les TMS. La marge de manœuvre ou le soutien social au travail (ou d’autres facteurs relationnels) peuvent également modérer la relation entre les contraintes physiques et les TMS. Même chose pour certains facteurs personnels. Cette conférence vous proposera un modèle conceptuel et des nouvelles hypothèses à tester pour concevoir des études qui nous aideront à mieux évaluer ces interrelations et permettre une compréhension plus complète des relations entre le travail et les TMS.

Une bonne proportion des études épidémiologiques qui étudient la relation entre des TMS et des facteurs psychosociaux, se limite à l’étude de la demande psychologique, la latitude décisionnelle et le soutien social au travail tels que proposés par Karasek ou les mesures de reconnaissance et d’effort du modèle de Siegrist. Cependant ces relations semblent plutôt modestes. La considération de ces seules variables est probablement trop simpliste pour bien caractériser l’environnement de travail et sa relation avec les TMS.

L’Enquête québécoise sur des conditions de travail, d’emploi, de santé et de sécurité du travail, réalisée en 2007-2008 auprès de 5 000 travailleurs a étudié les relations entre les TMS et un grand nombre de contraintes physiques et psychosociales incluant des exigences quantitatives, des contraintes psychologiques et relationnelles, le manque d’autonomie ainsi que l’insécurité et la précarité du travail. Elle montre que la prévalence des TMS augmente considérablement chez les travailleurs exposés à une combinaison de contraintes physiques et psychosociales du travail. Des analyses multivariées des données de cette enquête concernant les TMS au dos et aux membres supérieurs confi rment la contribution des risques associés d’une part, au cumul de contraintes physiques et d’autre part, à la demande psychologique élevée, à la faible reconnaissance et au faible soutien social au travail. De plus, ces analyses montrent la contribution du travail émotionnellement exigeant, des situations de tension avec le public, du harcèlement sexuel, de la précarité du travail ainsi que de l’impossibilité de modifi er la cadence du travail.

L’évaluation des hypothèses associées au modèle proposé permettra de mieux comprendre les mécanismes par lesquels certaines contraintes du travail peuvent infl uencer les TMS, de mieux préciser la contribution de chacune et de mieux orienter les interventions de prévention des TMS. *

* Introduction du thème « Les liens entre troubles musculosquelettiques (tms) et risques psychosociaux (rps) »

A1

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L’organisation de la prévention des TMS et des RPS

Organisateurs : Évelyne Escriva

Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), France

Marie Saint-VincentInstitut de recherche Robert-Sauvé en santé

et en sécurité du travail (IRSST), Canada

L a prévention des risques professionnels, quels qu’ils soient, repose selon nous sur plusieurs principes d’analyse et d’action génériques : • comprendre l’entreprise et le milieu de travail, situer l’activité de travail dans un fonction-

nement collectif ;• identifi er ce qui infl uence la santé au travail (les exigences du travail et son organisation, la

qualité des relations de travail notamment avec l’encadrement, les changements du travail, les valeurs et attentes des travailleurs) ;

• tenir compte des dimensions physiques, mentales et sociales comme le propose le modèle de la situation de travail centré sur la personne en activité de Vézina (2001) ;

• mener des actions de prévention qui ne relèvent pas exclusivement des acteurs de Santé au travail mais qui soient intégrées plus largement dans le fonctionnement de l’entreprise.Par ailleurs, nous savons que la façon de structurer la prévention, de mobiliser les acteurs et les

modalités d’action retenues sont autant d’éléments qui vont infl uencer l’effi cacité de la prévention en santé au travail. Dans les faits, cette structuration dépend certainement de l’histoire et du contexte de l’entreprise, de l’état de santé du personnel, de la maturité sur les sujets de prévention.

Les entreprises, les branches professionnelles quant à elles, se mobilisent sur la prévention des TMS, et plus récemment au sujet des risques dits psychosociaux (RPS), notamment en lien avec la transposition de l’accord interprofessionnel sur le « stress » au travail en Europe. Ce développement des approches RPS présente certainement des opportunités, mais aussi des risques, dans la façon de traiter de la santé au travail.

Si l’approche des RPS valorise une dimension plus subjective et qualitative mobilisée par les hommes et les femmes en situation de travail, nous identifi ons alors plusieurs opportunités : l’en-richissement du modèle de compréhension et l’élargissement des registres d’action (applicables à toute question de santé au travail et aux TMS en particulier), la possibilité de mieux traiter les situations de cumul d’exposition (par exemple pour les métiers de caissières, de services aux personnes…) et la consolidation des préventeurs et de la fonction Ressources humaines…

À l’inverse, la tentation de découper la santé au travail par les symptômes (dans l’organisation et les approches), en distinguant des questions d’ordre physique d’une part et des questions d’or-dre mental d’autre part, nous semble présenter certains risques. Il peut s’agir de survaloriser les facteurs personnels et de soutenir une approche comportementaliste, de se concentrer sur les RPS tandis que les contraintes physiques restent très présentes, de limiter les actions de prévention des TMS par une approche trop mécanique de l’investissement d’une personne au travail, alors que la mobilisation physique est toujours sous-tendue par des mécanismes cognitifs et psychiques…

Nous en débattrons à partir de pratiques variées - points de vue de préventeurs institutionnels, consultants, conseillers syndicaux, chercheurs intervenants - traitant des TMS et/ou des RPS afi n d’en tirer des enseignements en terme d’organisation et de mise en œuvre de la prévention. *

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A1 L’organisation de la prévention des tms et des rps

Organiser la prévention des TMS et RPS : proximités et différences, une réfl exion à partir des pratiques d’entreprises

Évelyne Escriva, Philippe DouilletAnact, Département santé et travail, Lyon, France

E n France, si la question des risques psychosociaux (RPS) a émergé avec retard par rapport à d’autres pays européens, elle a surgi brutalement dans l’actualité à l’occasion d’évènements dramatiques survenus en entreprise, tels que des suicides. Poussés par les pouvoirs publics,

les partenaires sociaux et les acteurs d’entreprise en ont fait rapidement un sujet prioritaire, en s’appuyant notamment sur l’accord européen sur le stress traduit, en juillet 2008, par un accord national. Dans un premier temps, cet « engouement » pour les RPS a paru occulter toutes les autres préoccupations de santé au travail, en particulier les TMS représentant pourtant la majorité des maladies professionnelles. Nous avons globalement constaté, dans les demandes d’entreprises, une approche scindée des questions de santé au travail, entre celles relatives à la santé physique et celles relatives à la santé mentale. Ainsi, peu de liens étaient faits entre les pathologies ou les modes d’actions en prévention alors que les éléments de proximité sont nombreux entre les TMS et les RPS.

Les demandes d’accompagnement des entreprises faites au réseau Anact sur les RPS présen-taient beaucoup de similitudes avec celles qui étaient régulièrement faites sur les TMS : • Des conditions d’émergence tardives : situations de crise, pathologies en grand nombre… qui

rendent souvent démunis les acteurs,• Des représentations partielles de la santé du personnel : dominante de causes perçues dans la

sphère individuelle et hors travail…• Un souci d’objectivation : causes et effets multiples, sans lien univoque, et souvent à effet

différé ; diffi cultés d’objectivation des pathologies...• Une approche de la prévention restreinte : tentation de gérer la prévention en ciblant des actions

sur les individus, liens avec l’organisation peu appréhendés, diffi cultés d’évaluer les effets des actions, précarité des résultats…Pour autant, le sujet des RPS a présenté d’emblée, dans les stratégies des entreprises, des

spécifi cités qui peuvent expliquer pourquoi la préoccupation RPS a pu être longtemps exclusive de la préoccupation TMS : • Une mobilisation majoritaire des activités de service sur les RPS, pour lesquelles les TMS

semblent moins prioritaires,• Une reprise en main du sujet RPS par des acteurs des Ressources Humaines, au détriment des

acteurs habituels de la santé au travail, • La dimension « psychosociale » en elle-même qui exacerbe la complexité de la prévention.

Aujourd’hui, avec la montée de la préoccupation RPS dans tous les secteurs d’activités, notam-ment industriels, avec la réglementation de l’évaluation des risques ainsi qu’à travers l’actualité sur la « pénibilité », cette dichotomie « TMS-RPS » commence à s’effacer. Des pratiques d’entreprises semblent évoluer vers une vue enfi n cohérente de la santé au travail, interrogeant, quel que soit le sujet, les formes d’organisation du travail qui permettent de dégager ou non des marges de manœuvre dans l’activité et de construire du sens dans les gestes professionnels. *

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A1 L’organisation de la prévention des tms et des rps

Une PME s’empare des risques de TMS et de RPS dans une démarche globale de prévention

Cécile Briec, Yannice ClochardAlternatives ergonomiques, Massy, France

L es demandes adressées par les entreprises aux consultants sont souvent marquées par la volonté de traiter chaque risque de manière cloisonnée, suivant en tendance l’actualité et la médiatisation des questions de santé. Ainsi, après la vague des TMS, est venue celle des RPS

ou de la pénibilité en lien avec le vieillissement des salariés. Les approches centrées sur le travail s’accordent pour porter un regard plus global sur les questions de santé au travail en essayant de reconstituer les liens entre les déterminants des situations et leurs multiples effets sur l’effi cacité et la santé. Cependant, si le bienfondé théorique de l’approche globale est acquis, sa mise en œuvre concrète et durable dans les entreprises reste un obstacle sur lequel butte la prévention des risques. Cette intervention dans une PME de 100 salariés donne l’occasion d’identifi er quelques conditions pour tenter de le dépasser.

Fin 2009, le responsable de production demande une étude ergonomique dans un atelier de fabrication de petites pièces métalliques de précision. Dès le départ, la formulation de la demande insiste sur l’aspect « global » du diagnostic attendu. Le cahier des charges élaboré avec le soutien de l’Aract dresse une liste de diffi cultés multiformes : des fl ux de production complexes et parfois incohérents, des aménagements de postes jugés insatisfaisants, des atteintes à la santé de type TMS qui débouchent sur des restrictions médicales, une dégradation de l’ambiance sociale… Cette demande résulte de la convergence des alertes formulées par différents interlocuteurs à propos de la situation dans l’atelier : les salariés, leurs représentants (notamment le CHSCT), le médecin du travail, la DRH, le responsable de production... Le recours à l’analyse ergonomique apparaît comme un moyen de dépasser l’énigme qui se présente à l’entreprise : malgré toutes les tentatives d’amélioration mises en œuvre pour réduire les contraintes sur les postes de travail et les outils, pour défi nir une organisation du travail qui donne quelques marges de manœuvre aux équipes, pour initier une démarche participative dans le cadre du Lean… l’ambiance au sein de l’atelier se dégrade.

Ce besoin de comprendre globalement le problème a constitué le fi l conducteur et la dynamique de toute l’intervention. Le diagnostic a effectivement permis d’établir des liens entre les multiples diffi cultés rencontrées, l’aménagement des postes, l’organisation du travail, les TMS, les RPS… Le cadre de l’intervention, en offrant des espaces collectifs de discussion, a permis aux différents acteurs de l’entreprise de réaliser progressivement ce qui les avait intuitivement conduits vers une approche globale : le cloisonnement des différents projets menés jusqu’alors est la source des diffi cultés vécues aujourd’hui au sein de l’atelier. Depuis, l’entreprise a décidé de prolonger le diagnostic par la mise en place de groupes de travail pour élaborer des transformations. Elle a souhaité être accompagnée pour acquérir des méthodes qui favorisent une réfl exion collective sur le travail. Mais la mise en œuvre se heurte à nouveau à la résistance du réel : les débats mettent en lumière les contraintes et les limitations de marges de manœuvre des différents acteurs, lesquelles deviennent un nouveau champ de transformation.

Au fi nal, ce qui apparaît comme une des clefs de réussite de l’approche globale, c’est moins la structuration d’un projet de prévention des risques, que l’espace de débat proposé aux acteurs autour d’un objet commun, au sein duquel le travail de chacun dans toute sa complexité et son épaisseur a sa place. La santé devient un bénéfi ce de cette nouvelle manière d’aborder collective-ment les problématiques de travail, elle n’en est plus l’objet central. *

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A1 L’organisation de la prévention des tms et des rps

Traiter de « surcharge de travail », une intégration des troubles musculosquelettiques et des risques psychosociaux

Micheline BoucherConfédération des syndicats nationaux (CSN),

Montréal, Canada

D epuis quelques années, des syndicats acheminent des demandes sur la question de la surcharge de travail et de ses effets sur la santé physique et mentale des salariés (es) à divers paliers de la structure de la CSN. Un mandat explicite est confi é à une équipe de trois

professionnels en prévention de la santé et de la sécurité du travail. Cette équipe, dont je fais partie, doit produire des outils pour aider les syndicats locaux et leurs conseillers à ouvrir un espace de discussion et de négociation avec les employeurs sur la question de la surcharge de travail.

L’équipe se compose d’un ingénieur industriel junior, d’une spécialiste des questions de santé psychologique au travail et d’une ergonome. Depuis 2009, nous sommes en contact avec M. Pierre-Sébastien Fournier, professeur en management à l’Université Laval de Québec et chercheur principal d’une recherche-action sur la question de la surcharge de travail. Une entente de collaboration nous permet d’utiliser le modèle développé par cette équipe et de partager les questions et les résultats de nos travaux respectifs.

L’approche privilégiée veut :• tenir compte des aspects physiques, cognitifs et émotionnels de la charge de travail ;• documenter la charge prescrite, la charge réelle et la charge subjective de travail et les ressources

de l’entreprise ;• documenter le contexte organisationnel dans lequel l’entreprise et les travailleurs se situent ;• utiliser les impacts et conséquences sur la santé des salariés-es et sur la production de l’entre-

prise comme déclencheurs d’une démarche de redéfi nition de la charge de travail.Plusieurs outils sont élaborés. Présentement, ils sont utilisés sur le terrain dans au moins un milieu

de travail : une grande entreprise de communication. Les questions suivantes seront discutées.Aborder de façon intégrée les impacts physiques et psychologiques du travail sur les individus

induit un changement de paradigme dans notre compréhension de la prévention. Soit celui de passer d’une conception linéaire et uni-causale de la SST (dose x toxicité = effets sur la santé) à une conception holistique de la santé au travail infl uencée par de multiples facteurs de risque autant physiques, physiologiques que psychologiques, sociaux ou organisationnels. Ce passage est très diffi cile à faire car la conception de la santé et de la sécurité du travail au Québec est encore campée sur l’approche traditionnelle.

Dans le même sens, au Québec, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) n’intervient pas sur l’organisation du travail. Cela relève du droit de gérance et des relations de travail. Notre approche sur la surcharge de travail interpellant directement l’organisation du travail revendique par le fait même le droit pour les salariés (es) et leurs représentants syndicaux de prendre part à la défi nition du travail, et ce, au nom de la protection de leur santé, de leur sécurité et de leur intégrité physique et mentale.

Finalement, le fait que la proposition d’analyser et de discuter de surcharge de travail vienne d’une organisation syndicale et non de l’intervention d’un tiers (consultants, Association sectorielle paritaire, Inspection du travail) impose d’avoir ou de créer des conditions favorables (ouverture de l’employeur, perception du rôle d’un syndicat, etc.) et force la vigilance afi n d’éviter une série d’écueils relatifs à notre position dans l’entreprise (rapport de force, chevauchement d’enjeux syndicaux, réactions à la conjoncture économique, etc.). *

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A1 L’organisation de la prévention des tms et des rps

Les pratiques de gestion : un incontournable dans la prévention des risques psychosociaux au travail

Michel Vézina, Carole Chenard Institut national de santé publique du Québec

(INSPQ), Québec, Canada

L es résultats de l’enquête québécoise sur des conditions de travail, d’emploi et de santé et sécurité du travail (Eqcotesst) montrent bien que la prévalence des TMS est beaucoup plus importante chez les travailleurs exposés à plusieurs contraintes organisationnelles et

psychosociales du travail (ex : tension au travail (job strain), tension au travail avec faible soutien (iso-strain), déséquilibre effort-reconnaissance, travail émotionnellement exigeant, situations de tension avec le public, harcèlement psychologique, harcèlement sexuel, etc.) que chez ceux qui ne sont pas exposés à ces contraintes. Des modèles ont d’ailleurs déjà été proposés pour décrire les liens importants et bidirectionnels entre les problèmes de santé mentale, les douleurs muscu-losquelettiques et les contraintes organisationnelles du travail.

Dans ce contexte, la réduction des facteurs de risque psychosociaux en intervenant au niveau des pratiques de gestion apparaît comme une priorité en santé publique. C’est dans cette perspective que l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a développé un outil permettant d’identifi er les risques psychosociaux en entreprise. [http://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/930_Grille-RisquePsychoTravail.pdf]

Le développement de l’outil vise à offrir aux différents acteurs du milieu des repères pour la compréhension, l’identifi cation et la réduction de risques organisationnels ayant un impact sur la santé des travailleurs. L’objectif de cette grille est d’évaluer certains facteurs de risque psycho-sociaux à partir de renseignements recueillis auprès d’informateurs-clés représentant la direction et les travailleurs. Ces informations visent à caractériser le milieu de travail et certains aspects liés aux pratiques de gestion. Il s’agit d’un outil simple de mesure qui comporte également une dimension pédagogique pour aider le milieu à identifi er les actions à mettre en place ou les cibles à atteindre dans l´entreprise. En effet, l’utilisation de cette grille au Québec et en France, dans plus de cinquante entreprises, a permis de créer un momentum, un espace de parole, pour favoriser le dialogue et l’action concertée des partenaires du milieu sur le sujet particulièrement sensible que constituent les pratiques de gestion.

La grille comprend douze items : six données de base et six composantes-clés de l’organisation du travail. Les données de base fournissent des renseignements sur le contexte de travail et d’emploi ; l’absentéisme pour cause de maladie ; la politique de santé au travail ; la politique contre la violence et le harcèlement psychologique ; les activités ou programme de retour au travail ; les activités ou programme de conciliation travail et vie personnelle. Les composantes-clés de l’organisation du travail réfèrent à des pratiques de gestion reconnues pour être des sources importantes de problèmes de santé psychologique (demande psychologique élevée, faible reconnaissance, faible soutien social, faible latitude décisionnelle, prévisibilité et justice organisationnelle). Pour chacun des items, un score variant de 0 à 3 est attribué en fonction d’énoncés caractérisant le mieux l’environnement de travail. Plus le total obtenu est élevé, plus la situation est défavorable à la santé psychologique des travailleurs.

La présentation fera état d’exemples d’entreprises pour lesquelles l’utilisation de la grille a conduit à une prise de conscience de l’importance de mettre en place des activités visant l’amé-lioration de certains indicateurs dans le milieu de travail. L’outil développé représente donc une aide pour activer des actions de prévention de la part des acteurs concernés par les risques à la santé au travail. *

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A1 L’organisation de la prévention des tms et des rps

De l’intérêt de lier « TMS » et « RPS » : quelles implica-tions pour l’organisation de l’action de prévention ?

Fabien CoutarelUniversité Blaise Pascal, Clermont-Ferrand,

EA 4281, PAEDI, France

L es retours des praticiens comme les travaux scientifi ques récents dans le champ des troubles musculo-squelletiques et/ou des risques psychosociaux liés au travail soulignent l’intérêt de ne pas trop dissocier les deux risques dans les démarches de prévention. Ceci nous conduit

fi nalement à considérer que les démarches collectives de prévention gagnent en effi cacité lorsque le risque, quel qu’il soit, est appréhendé comme une occasion (un prétexte ?) pour interroger le travail.

Le travail comme expérience : le risque de soi au travail par-delà les risques professionnelsInterroger le travail, pour les intervenants de la prévention, c’est prendre le soin d’en respecter au moins 2 caractéristiques essentielles : la complexité et l’imprévisibilité partielle du travail, qui sont relatives aux multiples dimensions de la mobilisation humaine au travail et aux différentes formes de prescription portant sur lui, y compris celles du travail lui-même, nécessitant à chaud des arbitrages situés ; la systématique singularité des situations de travail, où l’interprétation des écarts à la « normalité organisationnelle prescrite» s’avère décisive.

L’évolution des travaux épidémiologiques est convergente : elle invite à renouer des liens entre les types de risques. La prévention collective interroge à ce titre l’organisation du travail, autre-ment dit, la nature et la mise en œuvre des prescriptions et procédures qui tendent à organiser socialement l’expérience humaine du travail. Les TMS et les RPS peuvent alors être appréhendés comme le refl et de l’impossibilité pour le travailleur de négociation avec son milieu professionnel, à l’aune de ses critères du travail bien fait.

L’organisation de l’action collective de préventionMais la prévention collective doit aussi elle-même s’interroger sur sa propre organisation. La tendance à la spécialisation par risques des professionnels du champ de la santé au travail s’avère un atout essentiel à condition que la compétence à parler Travail soit également présente. Sinon, cela conduira à observer des actions spécialisées sans cohérence globale (et généralement sans mémoire des expériences antérieures de prévention), parfois contradictoires, déplaçant les pro-blèmes, en créant de nouveaux… À trop vouloir réduire l’objet (pour le simplifi er), on fi nit par le dénaturer. Les actions alors conduites ne traitent plus du problème initial mais de ce qu’il en reste après les fi ltres spécialisés des uns et des autres, dont les langages techniques respectifs rendent extrêmement coûteuse toute tentative ultérieure de partage.

L’enjeu apparait donc d’intégrer ces spécifi cités au sein d’une organisation collective de la pré-vention qui n’oublie pas le Travail. Des questions très pratiques se posent alors : Qui impliquer ? Comment et sous quelles formes différenciées ? Comment partager et avancer ensemble avec des spécialisations différentes ? Faut-il faire de l’action en santé au travail un projet spécifi que ou un projet intégré ? Quelle place pour les questions de performance ?...

La démarche adaptée reste nécessairement contextualisée : prendre l’entreprise là où elle estIl ne s’agit cependant pas ici de rester sur une vision naïve des contextes d’intervention rencontrés, qui alimenterait alors le « one best way de la prévention » (les « bonnes pratiques »). La diversité des contextes et des acteurs invite davantage à ouvrir des possibles qu’à les restreindre. D’autre part, certains milieux ne sont pas prêts à réinterroger le statut du Travail et du travailleur dans l’organisation. Il ne faut donc sans doute pas opposer de manière trop caricaturale les approches et prendre les acteurs là où ils en sont. Si le saut apparaît trop grand, le risque perçu fait reculer ; il vaut parfois mieux faire un petit pas en avant qu’un saut en arrière. Mais cela n’est possible qu’avec le souci d’une évaluation sérieuse des résultats aux regards des ressources mobilisées. *

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Relations de service, charge émotionnelle et affects

Organisateurs : Georges Toulouse

Institut de recherche Robert-Sauvé en Santé et en sécurité du travail (IRSST), Canada

Marie BellemareUniversité Laval, CanadaCorinne Van de Weerdt

Institut national de recherche et de sécurité (INRS), France

P lusieurs recensions des écrits ont permis de mettre en évidence la contribution des risques psychosociaux à l’apparition des troubles musculosquelettiques (TMS). Ces troubles seraient engendrés par l’état de stress en combinaison avec la présence de contraintes physiques

élevées ou de faibles intensités mais statiques et répétitives. C’est ainsi que les facteurs de risque psychosociaux, présents dans de nombreux milieux de travail, se présentent d’une façon spécifi que dans le secteur des relations de service. En effet, l’activité de service qui s’organise au sein de la relation à l’usager, sollicite particulièrement les dimensions émotionnelles ou affectives présentes dans toute communication humaine. Toutefois, à notre connaissance, l’impact de ces dimensions sur la présence de TMS n’a pas fait l’objet d’étude distincte puisqu’elles n’ont pas été considérées de façon indépendante dans les questionnaires psychosociaux. Les mesures qui pourraient se rapprocher le plus d’une évaluation des émotions ou des affects sont les indicateurs telle la satis-faction au travail et la détresse psychologique. Les écrits scientifi ques concernant les liens entre la faible satisfaction au travail et les TMS indiquent des résultats contradictoires et généralement peu concluants. Par contre, quelques études permettent d’établir clairement une association entre la détresse psychologique élevée et la présence de TMS. L’une d’entre elles montrerait le caractère prédictif d’une détresse psychologique élevée pour les maux de dos (Linton, 2005). De plus, la contribution des risques psychosociaux à la présence d’une détresse psychologique élevée est généralement admise dans les études sur le stress et la santé mentale au travail. Ces résultats confi rment l’intérêt de l’étude de la charge émotionnelle ou affective pour intervenir sur la réduc-tion des facteurs de stress et de risques psychosociaux associés au TMS, malgré le manque de données épidémiologiques plus précises.

Également, l’étude de la charge émotionnelle ou affective semble constituer une voix d’accès à l’intervention sur les facteurs psychosociaux, dans le secteur des relations de service en particulier. En effet, ces derniers, évalués à partir de modèles généraux, doivent être décrits plus précisément lorsqu’il s’agit de proposer des moyens concrets de prévention applicables aux situations et à l’ac-tivité de travail. Dans cette perspective, la prise en compte des émotions, ou plus généralement des affects, apparaît l’élément charnière permettant d’effectuer les liens avec le stress et les TMS d’une part et les déterminants de l’activité d’autre part. En effet, les émotions et les affects sont des dimensions verbalisables et mesurables qui peuvent être mis en perspective aussi bien par rapport aux douleurs musculosquelettiques qu’aux descriptions de l’activité. L’atelier se propose d’examiner cette voie en situant l’analyse des émotions et des affects dans le secteur des relations de service, en référence à la qualité de service, aux questions méthodologiques, et à la contribution des émotions à la protection contre les TMS. *

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A2 Relations de service, charge émotionnelle et affects

Introduction sur la prise en compte des émotions et des affects dans les relations de service

Corinne Van De WeerdtInstitut national de recherche et de sécurité (INRS), France

A ujourd’hui, toute entreprise a le souci de répondre aux attentes de ses clients et d’apporter une haute qualité de service. Pour les entreprises dont la principale mission repose sur la relation de service, cette préoccupation est majeure. La valeur ajoutée des sociétés est liée

à leur capacité à satisfaire la clientèle et à la fi déliser. Dans ce contexte, on comprend pourquoi les affects et les émotions sont considérés de manière si particulière.

Or, il s’agit là d’un phénomène relativement nouveau, si l’on observe le peu de considération dont ces concepts ont fait l’objet pendant longtemps. Par exemple, les émotions au travail n’ont pas souvent fi guré au premier plan, dans les travaux scientifi ques et empiriques. Envisagées le plus souvent comme des biais perturbant la cognition, elles ont souvent endossé l’étiquette d’obstacle au bon fonctionnement de la raison. Dans les entreprises, leur image a rarement été plus enviable. Parce qu’elles représentaient la partie irrationnelle, illogique, incontrôlable, subjective de la cogni-tion, elles étaient perçues comme « dérangeantes » pour le travail.

De nos jours, on sait que les émotions sont essentielles, ne serait-ce que pour l’adaptation de l’homme à son environnement (qu’il soit privé, social, professionnel, etc.). Dans le processus de prise de décision notamment, les émotions jouent un rôle fondamental. Elles guident le choix grâce à des « marqueurs somatiques », elles aident à choisir une option parmi d’autres en attirant l’attention sur les conséquences négatives ou positives de l’action. De plus, il est reconnu que la charge émotionnelle peut avoir une infl uence sur l’individu, ses conduites, son activité de travail, sa performance, sa santé, sa sécurité, etc. Ainsi, les affects et les émotions constituent des sujets beaucoup plus investis aujourd’hui, tant sur le plan de la recherche que des entreprises.

La communication traite de ces aspects, en abordant les questions suivantes. Qu’entendons-nous par affect et émotion ? Comment les étudier dans le cadre du travail ? Quels sont leurs impacts sur l’activité et la relation de service ? Quelles sont leurs conséquences sur la santé, notamment en termes de stress et de troubles musculosquelettiques ?

Après une présentation des notions d’affect et d’émotion, la question de leur prise en compte dans le cadre du travail sera abordée, avec, pour illustration, l’exposé d’un exemple pratique d’in-tervention en entreprise du secteur tertiaire.

Nous montrerons comment la dimension affective peut constituer un moteur et une source positive de satisfaction au travail. Nous indiquerons également dans quelles conditions la charge émotionnelle peut devenir trop lourde à gérer, au point d’entraîner des effets négatifs sur la santé. Il sera aussi question de décrire les phénomènes de « dissonance émotionnelle », de « contagion émotionnelle », de « stratégies émotionnelles », et d’en exposer des exemples concrets tirés d’une intervention menée dans un centre d’appels téléphoniques spécialisé en téléphonie mobile. Nous présenterons les mesures de prévention qui ont été discutées et mises en place au sein de cette entreprise, tout en insistant sur l’intérêt que peut représenter une démarche de prévention dans ce domaine relatif aux affects et aux émotions. *

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A2 Relations de service, charge émotionnelle et affects

Approche ergonomique des risques psychosociaux associés aux TMS : l’étude de la charge émotionnelle des préposés au service d’urgence de la sécurité publique

Georges Toulouse, Julie LévesqueInstitut de recherche Robert-Sauvé en santé

et en sécurité du travail (IRSST), Québec, CanadaLouise Saint-Arnaud, Anne Marché-Paillé

Université Laval, CanadaDenis Duhalde, Alain-Steve Comtois

Université du Québec à Montréal (Uqam), Canada Alain Delisle

Université Sherbrooke, Canada

L a reconnaissance de la contribution des facteurs de risque psychosociaux associés à la présence de troubles musculosquelettiques pose la question des méthodes d’intervention pour réduire leurs effets nocifs. Dans cette perspective, l’ergonomie en se centrant sur le travail et son

activité s’avère l’approche permettant d’apporter des solutions prenant en compte à la fois la santé des travailleurs et la mission de l’entreprise. Cependant, si l’ergonomie de l’activité fournit un cadre d’analyse approprié, il apparaît également important de disposer d’une méthodologie permettant de comprendre comment se concrétise l’apparition des risques psychosociaux, identifi és par des études épidémiologiques, dans les situations particulières de travail. Aussi, nous avons développé une telle méthodologie à l’occasion d’une étude sur le travail des préposés œuvrant dans les cen-tres d’appels d’urgence 911 de la sécurité publique municipale (CAU-SPM). L’étude fait suite à une enquête épidémiologique dont les résultats révèlent une prévalence élevée de TMS associés à la détresse psychologique ainsi que la forte présence de facteurs de risque psychosociaux (demande psychologique élevée, faible latitude décisionnelle, manque de reconnaissance et faible soutien social). Cependant, ces résultats, très généraux, ne permettaient pas d’intervenir directement pour réduire les risques. Aussi, une étude a été entreprise afi n d’amener une meilleure compréhension de l’activité de travail et des relations entre les problèmes de travail et le risque de TMS. Cette étude s’appuie sur l’ergonomie de l’activité complétée par des mesures physiologiques et une analyse de psychodynamique du travail. Seuls, les résultats de l’étude ergonomique qui constitue la partie centrale de l’étude seront présentés. Celle-ci s’est déroulée dans cinq CAU-SPM auprès de 11 préposés hommes et femmes d’expérience variée durant des quarts de travail jour, soir et nuit. Les données ont été recueillies sur le contexte de travail et l’activité (enregistrement vidéo de l’activité, enregistrement des communications téléphoniques, échelles de Borg administrées environ toutes les 30 min – charge de travail, complexité de traitement des appels, émotions, fatigue, douleurs musculosquelettiques – entrevues d’autoconfrontation).

Les résultats de l’étude permettent de mettre en évidence les diffi cultés rencontrées dans le travail, et les stratégies individuelles et collectives mises en œuvre pour y faire face. Ils montrent également que les émotions négatives et le contrôle des émotions durant les appels sont associés signifi cativement à la présence de douleurs au bas du dos, au cou, épaules et aux coudes, poignets, doigts. Les émotions sont également associées à la charge de travail et à la complexité des appels. Les entrevues d’autoconfrontation ont permis de documenter les situations comportant une charge de travail élevée, le traitement d’appels complexes et suscitant des émotions négatives ou positives. Ainsi la méthodologie utilisée a permis de mieux comprendre comment se concrétisent les risques psychosociaux dans le travail en lien avec les TMS. Des pistes d’actions ont été élaborées avec les travailleurs et les responsables des CAU-SPM. Elles doivent être mises en œuvre au cours d’une prochaine étape. *

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A2 Relations de service, charge émotionnelle et affects

La qualité du travail : un enjeu majeur pour le développement de la santé

Johann Petit, Bernard DuguéDépartement d’ergonomie, ENSC/IPB,

Université de Bordeaux

U ne des particularités des situations de services concerne la « présence » du client au cœur de l’activité des opérateurs. Pour ces derniers, la manière dont ils réalisent leur travail constitue un enjeu majeur car elle a des conséquences pour d’autres personnes. Nous

pouvons considérer que l’activité humaine est « tirée par des buts » et « poussée par des mobiles » (Leontiev & Lomov, 1963 ; Nosulenko & Rabardel, 1998). Au départ, les buts dans le travail sont pour l’essentiel ceux fi xés par l’organisation (délais, procédures). Avec l’expérience, la découverte par l’opérateur des rapports qui se nouent avec autrui à travers la réalisation du travail va entrainer une modifi cation des buts : à partir de ses mobiles personnels, de ses valeurs, le sujet va se fi xer dans son travail de nouveaux buts, correspondant à son idée du « travail bien fait », par exemple pour améliorer le service au client ou traiter une situation sociale diffi cile. Dans le travail, la sub-jectivité de l’opérateur, marquée par ce qu’il a déjà vécu, va le conduire à percevoir, sentir et agir de façon singulière. Il développe avec le temps un rapport sensible au travail (Böhle & Milkau, 1998 ; Davezies, 1995) et va élaborer de nouveaux savoir-faire dans ce sens.

Le rapport sensible au travail refl ète l’impossibilité d’un contrôle complet du travail par l’orga-nisation, tout en assurant une forme incontournable de réponse à la variabilité. Il est source de productivité et de fi abilité, mais peut être nié voire combattu par l’organisation. Les buts en termes de « travail bien fait » que l’opérateur a construits, vont entrer en consonance ou en dissonance avec les prescriptions de l’organisation. La dégradation du rapport des salariés à leur travail résulte souvent du sentiment de ne pas avoir les moyens de « faire bien son travail », et dans la contra-diction entre la vision de la qualité portée par les agents et celle qui est évaluée par l’organisation. Le problème, pour la santé des opérateurs, n’est pas l’existence d’une contradiction entre les buts, qui est une composante normale du fonctionnement de l’entreprise. C’est le fait que ces confl its de buts ne sont ni reconnus, ni à plus forte raison débattus. En l’absence de débat sur le travail, il n’existe plus de recherche de buts communs entre les opérateurs et l’organisation. La gestion convenable des variabilités va devenir diffi cile, voire impossible, et ces situations répétées vont entrer en dissonance avec les mobiles de l’opérateur. Or, le rapport sensible au travail permet à l’opérateur de donner du sens à son action et au résultat de son travail. Se trouver dans une situa-tion de travail où l’engagement du rapport sensible au travail n’est plus possible revient à lutter contre soi-même. Les confl its intrapsychiques qui se développent alors sont l’intériorisation des débats sociaux qui n’ont pas lieu entre différentes visions du travail et de sa qualité. À la longue, cette situation va générer des phénomènes de stress, qui auront des conséquences négatives sur la santé des opérateurs.

À partir d’exemples de situations de service, nous examinerons dans un premier temps, com-ment les salariés investissent cette relation et se forgent une idée du travail bien fait et du service « juste ». Nous montrerons ensuite comment l’organisation, à travers sa structuration, ses règles, ses modes de management, peut constituer une cause majeure d’empêchement du travail « bien fait », un frein au développement du rapport sensible et donc une cause des atteintes à la santé, dont les TMS peuvent être une forme parmi d’autres. *

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A2 Relations de service, charge émotionnelle et affects

L’induction d’émotions positives au cours des soins aux patients désorientés comme facteur de protection des TMS chez les soignants

Pierre Poulin et Julie BleauAssociation paritaire pour la santé et la sécurité du

travail du secteur affaires sociales (Asstsas), Canada

P rendre soin des personnes désorientées et en perte d’autonomie est un défi quotidien pour les soignants, particulièrement lors de l’activité de travail de la toilette. Cette activité implique de l’aide au déplacement, déshabillage, gestes de soins, habillage et selon le cas, installation

au fauteuil avec ou sans aide mécanique. Elle se déroule au lit, au lavabo, au bain, à la douche selon le client. Lorsque le client s’oppose parce qu’il ne comprend ni le but de l’activité ni les consignes, le soignant peut ressentir impuissance, frustration, colère, démobilisation et perte de sens en regard de la tâche à effectuer. Dans ce contexte, les gestes d’exécution de la tâche peuvent exiger des efforts et des postures reconnus comme facteurs de risque de TMS.

L’Asstsas a développé en 1983, et révisé régulièrement depuis, une formation sur le déplacement des personnes : principes pour le déplacement sécuritaire des bénéfi ciaires (PDSB). Cependant, dans les situations où le client présente une démence, la problématique de la relation avec le client émerge. En 2001, l’Asstsas a développé un autre programme de formation qui complémente le programme PDSB : l’approche relationnelle de soins (ARS).

Dans le cadre de la formation ARS, des stratégies de communication sont démontrées par les formateurs en situation réelle de travail de soin d’hygiène auprès de clients désorientés et en perte d’autonomie. Souvent, ces stratégies permettent d’entrer en relation avec les clients et de solliciter leur participation au soin. Ainsi, les conditions d’exécution dangereuses sont amoindries. L’ensemble de ces bienfaits procure des émotions positives au participant-soignant. Ces mêmes émotions positives constituent la motivation du soignant à expérimenter les principes de commu-nication enseignés dans la suite du déroulement de la formation ARS ainsi que dans ses activités de travail habituelles.

Cette communication présente d’abord les diffi cultés vécues par les soignants lorsqu’ils pren-nent soin des personnes désorientées. Les fondements, les principes ainsi que le déroulement de la formation ARS seront ensuite présentés en accentuant sur le processus d’induction d’émotions positives chez les participants-soignants. Puis sera exposée la perception des impacts de la for-mation telle que recueillie à la suite d’environ 40 projets de formation. Ces perceptions ont été exprimées par les participants-soignants via un questionnaire comportant des questions fermées (avec échelle de réponse), mais aussi des questions ouvertes où la richesse de leurs émotions a pu transparaître. *

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Environnement psychosocial du travail : défi nitions et outils pour le caractériser

Organisateurs :Susan Stock

Institut national de santé publique au Québec (INSPQ) et Université de Montréal, Canada

Fabienne KernInstitut universitaire romand de santé

au travail (IST), Suisse

L’ environnement psychosocial du travail intègre plusieurs éléments organisationnels, psycho-logiques, interrelationnels et cognitifs. Cet atelier présentera un cadre conceptuel et décrira différents éléments et contraintes psychosociales du travail qui peuvent être considérés en

lien avec la genèse des TMS. Il explorera différents outils et méthodes utilisés pour caractériser ces facteurs et décrira les qualités psychométriques à considérer en choisissant un outil. Des exemples de l’utilisation de quelques outils en milieu de travail seront également présentés.

Des échanges avec les participants auront lieu concernant :• la nature des éléments ou contraintes psychosociaux du travail rencontrés par les participants

en prévention des TMS• les besoins des participants d’outils ou de méthodes pour caractériser l’environnement psycho-

social• les expériences des participants en caractérisation de l’environnemental psychosocial dans le

contexte de la prévention des TMS. *

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A3 Environnement psychosocial du travail : définitions et outils pour le caractériser

Environnement psychosocial du travail : définitions et concepts. Introduction à l’atelier

Susan StockInstitut national de santé publique du Québec (INSPQ), Université de Montréal, Canada

I l n’existe pas de consensus sur la classifi cation des dimensions de l’environnement psycho-social du travail. Au cours des derniers 35 ans, des chercheurs, des experts et des intervenants œuvrant en santé au travail, en sociologie et psychologie du travail, en relations industrielles et

en gestion, ont proposé différentes façons de concevoir et de caractériser l’environnement psycho-social du travail, ces approches varient selon le pays, la discipline et le contexte de recherche ou de pratique d’intervention. Malgré ces disparités, il y avait un intérêt à décortiquer les aspects de l’organisation du travail et les exigences du travail psychologiques et interrelationnelles qui peuvent infl uencer l’état psychologique de la personne et/ou avoir des effets néfastes sur d’autres aspects de la santé tels que la santé cardiovasculaire, et plus récemment, les TMS.

Plusieurs chercheurs et instituts nationaux de santé au travail ont proposé différentes façons de classer ces risques et différents modèles conceptuels (Huang et coll. 2002 ; Kristensen et coll. 2005, Lindstrom et coll. 2002). Tabanelli et coll. (2008) ont répertorié 33 outils de mesure des facteurs psychosociaux au travail (26 questionnaires et 7 outils d’observation) publiés dans la lit-térature scientifi que. Récemment, en France, le ministre en charge du Travail a mandaté un collège d’expertise pour formuler des propositions en vue d’un suivi statistique des risques psychosociaux au travail. En octobre 2009, ce collège d’expertise a proposé un cadre de référence des risques psychosociaux avec 6 axes et a identifi é une batterie provisoire d’indicateurs existants pour mesurer différents éléments de ces axes. Les 6 axes proposés incluent : (1) les exigences au travail (ex : quantité de travail, pression temporelle, complexité du travail, diffi cultés de conciliation entre travail et vie personnelle) ; (2) les exigences émotionnelles (ex : épuisement émotionnel, relation au public, empathie et souffrance, tensions avec le public, devoir cacher ses émotions, peur au tra-vail) ; (3) l’autonomie et la marge de manœuvre (ex : autonomie procédurale, autorité décisionnelle, utilisation des compétences) ; (4) les rapports sociaux, relations au travail (ex : soutien social au travail, reconnaissance, violence) ; (5) le confl it de valeur ; (6) l’insécurité d’emploi.

Le choix des indicateurs psychosociaux dépend des objectifs du chercheur ou de l’intervenant et des éléments du travail qu’on veut caractériser. Il est important également de tenir compte des caractéristiques psychométriques des indicateurs : leur validité, reproductibilité et sensibilité au changement. L’outil mesure-t-il le phénomène que l’on veut caractériser de façon précise ? A-t-il la capacité à recueillir les mêmes résultats chaque fois que les mêmes phénomènes se manifestent dans un contexte semblable ? Est-il capable de montrer une augmentation ou une baisse du phénomène étudié quand un vrai changement a eu lieu ? Par conséquent, les utilisateurs d’indicateurs devraient s’informer au préalable si ces caractéristiques ont été étudiées et si oui, de vérifi er si l’indicateur retenu est valide, fi able et sensible au changement dans le contexte de l’utilisation prévue. *

Collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux au travail (2009). Indicateurs provisoires de facteurs de risque psychosociaux au travail. Ministère du travail, de l’emploi et de la santé, France.

Huang GD, Feuerstein M, Sauter SL (2002). Occupational stress and work-related upper extremity disorders: concepts and models. Am J Ind Medicine 41:298-314

Kristensen TS, Hannerz H, Høgh A, Borg V, (2005). The Copenhagen Psychosocial Questionnaire: a tool for the assessment and improvement of the psychosocial work environment, Scand J Work Environ Health ; 31(6):438-449

Lindstrom K (2002). Nordic method for measuring psychosocial and social factors at work. TUTB Newsletter(19-20):48-49 Tabanelli MC, Depolo M, Cooke RMT, et al. (2008) Available instruments for measurement of psychosocial factors in the

work environment. Int Arch Occup Environ Health 82:1-12

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A3 Environnement psychosocial du travail : définitions et outils pour le caractériser

Revue de la littérature sur les contraintes psychosociales au travail évaluées en épidémiologie comme facteurs de risque des TMS : intérêt et limites

Dominique ChouanièreINRS, département Homme au travail, France

Inserm, U1018, Villejuif, France

C ette revue de la littérature commencera par un rappel sur les concepts et défi nitions des contraintes psychosociales et facteurs organisationnels. Les principaux facteurs organisa-tionnels et contraintes psychosociales explorés dans les études épidémiologiques seront

présentés en distinguant 3 périodes :• Avant les années 1970 avec l’absence de modèles et le recours à des listes de « stressors » ;• Les années 1970-1990 avec l’apparition de deux principaux modèles : celui de Karasek et celui

de Siegrist basés sur les déséquilibres de dimensions perçues du travail. Le modèle de Karasek défi nit le « job strain » comme un déséquilibre entre une forte exigence psychologique de l’ac-tivité et un manque de latitude décisionnelle pour réaliser cette activité. Le modèle de Siegrist repose sur le déséquilibre entre les efforts consentis pour son travail et les bénéfi ces que l’on en retire que ceux-ci soient monétaires ou symboliques. Les deux modèles ont introduit une troisième dimension qui modulerait les déséquilibres : le soutien social des collègues et de la hiérarchie qui pourrait réduire la perception du job strain dans le modèle de Karasek et le surin-vestissement dans le travail qui aggraverait la perception du déséquilibre efforts/récompenses dans le modèle de Siegrist. Ces modèles très utilisés ont montré, sur la base de nombreuses études épidémiologiques bien faites, qu’ils étaient prédictifs de différents problèmes de santé, la quantifi cation de leur risque pour la santé mentale ou cardiovasculaire par exemple étant bien approchée ;

• Les années 2000 avec l’arrivée de nouveaux modèles dans le champ de l’épidémiologie psycho-sociale professionnelle tels que l’injustice organisationnelle, la qualité du leadership, l’insécurité de l’emploi, les violences internes (de la part des collègues, supérieurs, etc.) et externes (de la part des usagers, clients, patients, etc.), les exigences ou la dissonance émotionnelles, les confl its éthiques, etc. mais aussi d’études mesurant l’effet de facteurs non perceptuels du travail comme le nombre d’heures de travail, la précarité à travers les contrats de travail, etc. Ces contraintes et facteurs organisationnels explorés plus récemment ne bénéfi cient pas du même nombre de données que les précédentes et les résultats les concernant ne sont pas encore stabilisés. Les différentes contraintes et facteurs organisationnels seront mis en lien avec les principaux

effets sur la santé en précisant le degré de certitude concernant ces liens. Un focus sera fait sur les relations entre expositions psychosociales et TMS.

Les contraintes et facteurs organisationnels recensés dans les études épidémiologiques seront mis en relation avec les six dimensions que le collège d’expertise francophone mis en place en 2008 a proposé : exigences du travail, exigences émotionnelles, autonomie et marges de manœu-vre, rapports sociaux et relations dans le travail, confl its de valeurs, insécurité socio-économique. Cette classifi cation, qui a fait l’objet d’un travail substantiel de nombreux experts, pourrait en effet devenir une référence.

Enfi n l’intérêt et les limites des modèles des contraintes psychosociales seront évoqués, notam-ment dans une perspective de recherche mais aussi d’intervention de prévention. *

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A3 Environnement psychosocial du travail : définitions et outils pour le caractériser

L’intérêt de l’analyse de l’activité en complément des outils d’évaluation de l’environnement psychosocial

Fabienne KernInstitut de santé au travail, Lausanne, Suisse

L es échelles de Karasek (« Demand-Control Model » ou « Demand-Control-Support Model ») sont très largement utilisées lors d’études épidémiologiques sur l’environnement psychosocial du travail. De même ces échelles sont de plus en plus utilisées lors d’études à plus petite

échelle et dans des contextes d’activité spécifi que avec un but de diagnostic.Ces échelles ont été utilisées en complément de l’analyse de l’activité lors d’une intervention

ergonomique visant à évaluer la pénibilité du travail et à prévenir les troubles musculosqueletti-ques (TMS) dans une entreprise d’expertise de véhicules. L’analyse de l’activité s’est déroulée sur 3 jours et sur 3 sites différents. Les échelles de Karasek ont permis de catégoriser ces situations de travail selon la demande psychologique et la latitude décisionnelle. Les risques d’atteinte à la santé mentale et physique sont plus élevés dans les situations caractérisées par une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle.

Les résultats de l’analyse de l’activité ont mis en évidence une très faible marge de manœuvre : l’activité des mécaniciens consiste à contrôler les véhicules en 4 étapes successives (5 minutes/étape), chaque étape étant associée à des outils de contrôle spécifi ques. Toutes les 20 minutes, un nouveau véhicule est assigné à chaque mécanicien.

étape 1 étape 2 étape 3 étape 4

La variabilité de complexité des véhicules et les fréquents retards des propriétaires ne sont pas pris en compte, ce qui accentue la pression temporelle et limite la marge de manœuvre déjà minime de par le cadre très rigide de l’organisation du travail.

Les résultats des échelles de Karasek ont montré au contraire une grande latitude décisionnelle. En effet, en analysant plus précisément les réponses des participants, il est apparu que certaines questions sur la latitude décisionnelle s’annulaient entre elles et faussaient ainsi le résultat.

L’analyse de l’activité a permis de donner sens à ces contradictions. En effet, ce travail est à la fois répétitif (cycle de 20 minutes) mais varié de par les différents modèles de véhicules examinés. De même, les mécaniciens sont amenés à prendre des décisions (autorisation ou interdiction de circuler) mais ils sont limités dans la planifi cation de leur travail, au vu de l’organisation rigide de leur activité.

Les échelles de Karasek ne nous ont pas permis de corroborer nos résultats de terrain. L’analyse de l’activité reste le principal garant d’une bonne évaluation de la situation de travail et de l’envi-ronnement psychosocial et doit toujours accompagner l’utilisation d’autres outils. *

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A3 Environnement psychosocial du travail : définitions et outils pour le caractériser

Outils pour apprécier les aspects socio-organisationnelslors d’une intervention de prévention : l’expérience des praticiens

Marie Bellemare, Geneviève Baril-GingrasDépartement des relations industrielles, Chaire

en gestion de la santé et de la sécurité du travail, Université Laval, Canada

L es facteurs de risque de TMS que l’on peut identifi er dans les différentes situations de travail sont le résultat de la présence de déterminants pouvant relever de la formation, du système technique, de l’organisation du travail. Lors des interventions de prévention, la démarche

consiste à cibler certains des déterminants en cause et à les transformer en implantant des changements concrets dans les situations de travail. Les connaissances « techniques » dont on dispose pour cibler les déterminants qui contribuent aux TMS sont fondées sur des recherches en épidémiologie, biomécanique, ergonomie et de nombreux milieux de pratique ont pu se les appro-prier grâce au transfert des connaissances. Or les intervenants mettent en œuvre non seulement des connaissances techniques mais aussi des savoirs leur permettant de déployer des stratégies adaptées au contexte dans lequel ils interviennent, et l’étude de leur pratique confi rme l’importance de cette dimension socio-organisationnelle pour la réussite des interventions.

Dans cette communication, nous présenterons un modèle conceptuel qui permet de rendre compte de la production de changements en santé et sécurité du travail à travers la prise en compte des aspects socio-organisationnels des interventions. Élaboré à partir d’études de cas d’interven-tions réalisées par des intervenants externes aux établissements, le modèle a servi d’assise à la création de quatre outils pour les praticiens : un journal de bord, un outil d’analyse du contexte, une feuille de route et un outil de bilan. Ces outils servent à guider la réfl exion, tout au long des interventions, quant aux facteurs favorables et défavorables propres au contexte : 1) de l’interven-tion ; par exemple, le type de relations établi entre l’intervenant et le milieu, 2) de l’établissement lui-même : ses caractéristiques structurelles de même que celles des acteurs reliés de près ou de loin avec l’objet de l’intervention. Grâce à la contribution d’un groupe de quatorze intervenants, provenant de trois associations sectorielles paritaires en SST et de trois équipes de santé au travail du réseau public québécois, qui ont expérimenté ces outils dans 26 interventions, un cinquième outil a pu être élaboré : il s’agit d’un référentiel où sont exposées diverses stratégies développées avec l’expérience. Ainsi, des « principes d’intervention » peuvent être formalisés à partir de l’analyse du contexte, tels qu’appréciés par les intervenants à l’aide des outils, et les choix qu’ils font pour leur intervention : les objectifs, fi naux et intermédiaires, qu’ils se fi xent, le dispositif qu’ils mettent en place, les activités qu’ils réalisent et les propositions de changement qui en émergent. L’intérêt de la formalisation de ces stratégies n’est pas de standardiser les pratiques d’intervention, mais plutôt de soutenir la réfl exion d’autres intervenants sur leurs propres pratiques. Menée au sein d’un collectif, une telle discussion, où la controverse n’est pas exclue, peut aussi contribuer à l’évolution des politiques publiques en matière de prévention des TMS. *

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Les conditions physiques et psychosociales de retour au travail suite aux TMS

Organisateurs : Alexis Descatha

Laboratoire Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines - Institut national de la santé et de la

recherche médicale (UVSQ-Inserm), FranceMarie-José Durand

Université de Sherbrooke, Canada

L es troubles musculosquelettiques ou TMS sont en constante augmentation depuis les 20 dernières années. La situation est à ce point urgente que le retour au travail est devenu une priorité des politiques de Santé au Travail.

Sur le terrain, le médecin du travail tout comme le préventeur sont régulièrement amenés à déterminer et à intervenir pour faciliter le retour à l’emploi du salarié présentant un TMS. Les fac-teurs pronostiques sont étudiés de longue date, notamment sur les facteurs médicaux. Néanmoins, depuis quelques années, les facteurs liés au travail (biomécaniques, psychosociaux) émergent et leur appropriation par le médecin ou le préventeur autour de modèles complexes de types bio-psycho-sociaux sont toujours un défi . Ce défi est autant important qu’il existe une modifi cation du travail au niveau mondial avec intensifi cation, et une évolution des différentes pratiques.

Tout ceci nous a incités à proposer un atelier résumant à travers différents regards (spécialités et pays différents) les facteurs pronostiques qui doivent être connus par le praticien du terrain afi n de dépister précocement, voir d’intervenir, sur des facteurs modifi ables.

À partir de points de vue différents, illustrer les facteurs pronostiques physiques et psychosociaux utilisables par le préventeur afi n de favoriser le retour ou le maintien dans l’emploi. *

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A4 Les conditions physiques et psychosociales de retour au travail suite aux tms

Quand la recherche s’impose au présentPoint de vue du chercheur, au Québec

Marie José DurandUniversité de Sherbrooke, Canada

D epuis une dizaine d’années notre laboratoire de recherche clinique, situé au Québec, reçoit des travailleurs absents du travail depuis en moyenne 10 mois en raison d’un TMS. Notre objectif est le retour au travail au poste occupé lors de l’accident ou de la déclaration

d’inaptitude. Or, une de nos études a clairement démontré que les participants au programme de retour au travail avaient un niveau de détresse très élevée avec, dans plus de 40 % des cas, des troubles anxieux, et que de nombreux obstacles au RAT se trouvaient directement dans le milieu de travail des individus. Ainsi, il devient essentiel pour mieux intervenir d’évaluer systématiquement l’ensemble des facteurs qui contribuent au maintien de l’incapacité au travail en tenant compte des différents systèmes impliqués : de la santé, de la personne, de l’environnement de travail et du système d’indemnisation. Pour ce faire, nous avons développé un outil qui permet aux interve-nants de cibler l’ensemble des facteurs de risque dans le cadre d’un entretien. Le développement de cet outil a été fait d’une part, par un groupe d’experts composé à la fois de chercheurs dans le domaine mais également de cliniciens d’expérience, et d’autre part, par une recension des écrits. L’implantation de l’outil a été réalisée dans notre laboratoire mais également dans d’autres équipes offrant des programmes de réadaptation au travail. Ce travail a permis d’outiller les cliniciens pour évaluer de façon systématique les différents facteurs biopsychosociaux impliqués dans le maintien de l’incapacité au travail. De plus, le suivi d’une cohorte de travailleurs a permis de dégager que la réalisation de ce type d’évaluation permet aux cliniciens de mieux prioriser les obstacles au travail, et ainsi de favoriser le retour au travail en santé. *

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A4 Les conditions physiques et psychosociales de retour au travail suite aux tms

Point de vue du clinicien hospitalier en France

Bernard FouquetFaculté de médecine, Université de Tours, France

L es troubles musculosquelettiques (TMS) représentent un enjeu à la fois par le nombre de salariés atteints, mais aussi par la survenue de formes chroniques et rebelles.

Deux dimensions apparaissent déterminantes : d’un côté le processus douloureux, et de l’autre le processus d’incapacité. Les évaluations bio-psycho-sociologiques montrent que les deux processus sont déterminés par les processus affectifs et cognitivo-comportementaux de l’individu (en particulier le catastrophisme). L’approche bio-psycho-sociologique permet de comprendre la complexité des facteurs impliqués dans la survenue des TMS en particulier non spécifi ques où la composante dysfonctionnelle musculaire prédomine.

La stratégie d’ajustement du salarié souffrant de TMS joue un rôle dans les processus d’hypersen-sibilisation centraux à la douleur avec des conséquences motrices en terme de force et d’endurance, mais aussi sur les processus de désorganisations sensitives du membre supérieur.

Toutefois, la perception d’incapacité est encore plus liée aux distorsions cognitives négatives. Elle est fortement associée aux croyances en l’évitement anxieux dans la dimension physique et surtout professionnelle.

La croyance en l’évitement anxieux dans la dimension professionnelle est liée d’un côté à la perception de l’environnement professionnel (satisfaction au travail) et de l’autre, aux stratégies d’ajustement. L’évitement anxieux pour le travail augmente avec la durée d’arrêt de travail.

Ainsi, l’approche préventive en entreprise va autoriser de diminuer le bruit de fond douloureux de la majorité des salariés. Cependant le risque de décompensation chronique et d’incapacité, concernant une minorité de salariés, devra faire appel à une évaluation multidisciplinaire. La pré-vention passe alors par le dépistage de ces salariés à haut risque. Face à un processus douloureux spécifi que, c’est l’évaluation clinique qui va permettre de dépister simplement le risque de passage à la chronicité douloureuse et surtout d’incapacité en montrant des phénomènes d’hypersensibilité diffus du membre supérieur (coexistence avec des TMS non spécifi ques et étagés). *

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A4 Les conditions physiques et psychosociales de retour au travail suite aux tms

Les indicateurs de situation de handicap au travail : la perspective du clinicienPoint de vue de l’ergothérapeute, au Québec

Nicole CharpentierUniversité de Sherbrooke, Canada

L es indicateurs de situation de handicap au travail (ISHT), communément appelés facteurs de risque ou obstacles au retour au travail durable, sont regroupés en trois grandes catégories : personnels, administratifs et environnementaux. Le dépistage de ces facteurs doit être initié dès

le premier contact auprès du travailleur et se poursuivre tout au long de la démarche de réadaptation au travail, puisqu’ils servent de base à l’élaboration du plan d’intervention. Les résultats de l’entretien sont combinés à ceux des questionnaires auto-administrés, de l’examen physique et de l’observation directe du travailleur. Les ISHT identifi és sont étudiés en fonction de leur niveau d’impact sur le retour au travail. En ce sens, la seule présence d’un ISHT n’implique pas nécessairement un obstacle à la réintégration en emploi. Le clinicien doit donc réaliser l’évaluation en identifi ant les ISHT, en les pondérant, et fi nalement en ciblant les activités cliniques correspondantes. Aussi, les ISHT sont classés selon s’ils sont modifi ables ou non. Cette caractéristique, s’ajoutant à la pondération réalisée, doit être constamment considérée et permet de mieux cibler les stratégies d’intervention. Un ISHT modifi able est un facteur de risques sur lequel une intervention de réadaptation peut avoir un impact (ex : craintes d’aggravation de la blessure, compréhension erronée de la maladie, etc.). Un ISHT non modifi able, bien qu’ayant une infl uence sur l’individu, ne peut être transformé car il est immuable (ex : âge, diagnostic, etc.). L’intervention de réadaptation au travail sera donc élaborée sur la base des ISHT dont la pondération aura permis de cibler les obstacles sur lesquels la priorité d’action doit être accordée, tout en tenant compte du caractère immuable ou non de ceux-ci. D’un ciblage effi cace, en agissant sur les bons facteurs de risque, il est possible d’engendrer une cascade de modifi cations sur les autres facteurs de risque. Cet effet domino peut permettre le dénouement de plusieurs obstacles et transformer la situation initialement insolvable, en retour au travail durable. *

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A4 Les conditions physiques et psychosociales de retour au travail suite aux tms

Point de vue du médecin du travail en France

Jacques Lapierre, Martine SoulatzkyService de santé au travail Smieve-Metrazif, France

À partir de la pratique quotidienne du médecin du travail, nous essaierons de mettre en lumière les facteurs pronostiques de « bonne reprise » de travail des salariés atteints de TMS qui doivent être connus des praticiens de terrain.

Par « bonne reprise » nous entendons une reprise de travail la plus précoce possible et dans des conditions n’entrainant pas de rechute de la pathologie initiale.

Nous évoquerons 3 types de facteurs :• Facteurs dépendants de la pathologie causale• Facteurs liés au salarié• Facteurs liés au poste de travail

Facteurs dépendant de la pathologie causale• la pathologie elle-même (une rupture de coiffe est d’un moins bon pronostic médico-profes-

sionnel qu’un canal carpien)• la qualité et la précocité de la prise en charge médicale • le statut de la pathologie (AT, MP ou maladie ordinaire)• la durée de l’arrêt de travail et le moment de la visite de pré-reprise

Facteurs liés au salarié• l’âge du salarié• l’état psychologique du salarié et ses motivations• le niveau de formation et de qualifi cation professionnelle• l’état socio-familial

Facteurs liés au poste de travail• le secteur d’activité et le métier• la taille de l’entreprise• le poste de travail • les autres postes de travail• le collectif de travail• la motivation de la direction de l’entreprise

Nous illustrerons notre propos de cas cliniques issus de notre pratique quotidienne. *

A5

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La fonction du geste dans la reconquête du sens au travail : une question de reconnaissance

Organisateurs :Pascal Simonet

Chaire de psychologie du travail, Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), Paris, France

Sandrine CarolyLaboratoire Pacte, Université de Grenoble, France

L a prévention des pathologies professionnelles s’organise souvent autour d’un volet sur l’amélioration du « bien-être au travail » (thématique de la reconnaissance) et d’un volet sur le « bien faire son travail » (thématique de la formation aux bons gestes).

Le bien-être au travail est associé à la reconnaissance professionnelle entendue comme ce qui est reconnu au salarié comme qualités personnelles par sa hiérarchie. Cette question de la recon-naissance fait d’ailleurs partie des facteurs des situations de stress depuis longtemps établis.

La limite essentielle de ce modèle de la reconnaissance par les managers est qu’il exclut du champ de l’analyse, l’activité réelle de travail et l’examen des conditions de développement des gestes professionnels qui permettent de la réaliser. Par conséquent, si ce modèle est – peut-être – un outil de travail effi cace du point de vue de l’activité managériale et de la gestion des ressources humaines, en revanche, il ne peut pas être envisagé comme modèle de la reconnaissance du point de vue de l’activité dans une perspective de prévention des pathologies professionnelles.

Au nom de cette prévention, les formations aux « bons gestes », qui se multiplient à mesure que les pathologies progressent, éloignent, quant à elles, les professionnels du réel de leur activité.

Pourtant la prévention des TMS et des RPS peut passer par une autre dynamique des condi-tions indispensables à l’amélioration du bien-être au travail et à la réalisation d’un travail bien fait. Pour être autre, cette dynamique doit commencer par être ancrée dans les situations concrètes de travail sans dissocier ces deux faces d’une même médaille au travail : le bien-être au travail a pour corollaire le bien faire son travail dans le cadre d’une activité toujours adressée à d’autres qu’à soi-même.

C’est donc par l’examen de la fonction du geste concret de travail que nous souhaitons examiner la manière dont chacun peut :• se reconnaître, avec les autres, dans ce qu’il parvient à faire et à ne pas faire dans son activité ;• reprendre la main sur le sens qu’il peut donner à son activité propre quand il est confronté aux

diffi cultés de sa réalisation.La dynamique de la reconnaissance est donc pour partie liée aux possibilités qu’ont les profes-

sionnels de développer, entre eux, des ressources nouvelles et d’élaborer des marges de manœuvre pour être effi cace dans le travail tout en préservant leur santé. L’ingéniosité du geste professionnel peut en être le garant quand ce dernier a les moyens de se réorganiser par un travail collectif qui transforme le collectif de travail en ressource pour son développement. *

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A5 La fonction du geste dans la reconquête du sens au travail : une question de reconnaissance

Développement du geste et prévention des TMS

Gabriel FernandezÉquipe clinique de l’activité, CRTD-Cnam, Paris

et AP-HP, SLMT du SCB, France

L a prévention des TMS est devenue un objectif prioritaire de la politique de santé au travail non seulement pour les autorités sanitaires, mais aussi et surtout pour bon nombre d’entreprises. La diffi culté d’une telle prévention tient au grand nombre de facteurs pathogènes, de nature

différente, responsables de ces maladies. L’expérience désormais accumulée dans ce domaine de la prévention montre que, s’il est indispensable d’agir sur les paramètres biomécaniques des gestes en modifi ant l’ergonomie des postes de travail ou encore en agissant sur les gestes eux-mêmes, il est non moins décisif d’agir simultanément sur d’autres paramètres. L’action qui sert d’appui à cette communication mobilise deux ressources parmi les plus fréquemment citées comme indispensables à la prévention, et surtout à sa pérennité : d’une part, la construction d’un collectif de travail sur les gestes qui puisse devenir une ressource pour l’action de chacun des opérateurs ; d’autre part, la dynamique de la reconnaissance active de soi dans le travail de qualité, qui, en s’opposant à la victimisation à laquelle conduit paradoxalement la reconnaissance passive par autrui, permette à ce collectif d’animer des controverses sur la question de la qualité : qualité du geste, qualité de la performance, qualité du produit ou du service rendu.

Nous consacrerons l’essentiel de cette communication à décrire un modèle psychophysiologique du développement des gestes afi n d’éclairer les liens qui relient les aspects neuromusculaires, biomécaniques et psychologiques du geste, dans une perspective pratique d’organisation de la prévention. Nous illustrerons notre propos à l’aide des premiers résultats d’une action de prévention des TMS dans une blanchisserie industrielle, qui bien qu’elle n’ait débuté que depuis 18 mois, n’en est malgré tout qu’à ses débuts. Le modèle qui nous sert de guide pour cette action prévoit que l’automatisation du geste vise son effi cience. L’automatisme, à l’opposé du geste routinier, confère au geste dextérité et effi cience, paramètres qui ont affaire avec la qualité du geste du point de vue du résultat de l’action comme de celui de l’innocuité pour le corps. Nous défi nirons ce que nous entendons par automatisme. Face à l’effi cience, le sens de l’activité dépend de l’insertion du geste dans des contextes variés, réalisant autant de mouvements différents. Ce sont donc des synthèses tonico-posturales portant le geste qui, par les attitudes qu’elles supportent, permettent le déve-loppement du geste sous la contrainte du sens. Ainsi, c’est tantôt vers l’automatisme, tantôt vers le mouvement que la palette gestuelle se développe. Nous décrirons comment nous mettons à profi t ces discordances pour produire des objectivations d’un geste, le retournement du pantalon, suffi samment complexe pour être un objet de controverses de métier entre les professionnels. Conformément à notre modèle, c’est beaucoup moins le but — ici, la défi nition du « bon geste » — que le mouvement vers le but qui s’avère être le paramètre décisif de la prévention. *

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A5 La fonction du geste dans la reconquête du sens au travail : une question de reconnaissance

L’analyse des gestes et de ses dilemmes dans différentes instances au sein de l’entreprise : question de sens et de reconnaissance ?

Edwige Quillerou-GrivotCnam, Équipe clinique de l’activité & INRS, Laboratoire Organisation, changement et prévention, France

L orsque nous intervenons en tant que spécialistes en santé-travail, nous avons très souvent comme règle de créer une instance constituée de personnes porteuses de la demande, ou plus précisément de la commande qui nous a été faite. Ce que nous nommons « instance »

dans l’intervention regroupe l’ensemble des personnes de l’entreprise participant de près ou de loin à l’analyse du travail. Même si cette règle est grandement partagée, avec notamment les travaux en ergonomie comme référence (Guérin & al., 1992), il paraît intéressant de regarder de plus près cette instance de pilotage qui est mise en place pour soutenir le travail d’analyse réalisé avec les opérateurs. En effet, parmi les diffi cultés que nous rencontrons, pour répondre à des problèmes de santé, il y en a une que nous retiendrons et que nous souhaitons discuter : comment faire diffuser, déplacer les problèmes soulevés par l’analyse du travail à différents niveaux dans l’entreprise ? En clinique de l’activité, nous communiquons davantage sur le travail minutieux de co-analyse que nous réalisons. Mais lors de nos interventions, même si ce travail de co-analyse est primordial, nous construisons également un dispositif qui se destine à ouvrir la co-analyse à différents niveaux dans l’entreprise. C’est pourquoi nous créons systématiquement un comité de pilotage, regroupant les tenants de la commande afi n de la mettre à l’épreuve par les commanditaires eux-mêmes. Il sera question ici de se centrer sur le déplacement de l’analyse des gestes que nous relevons à travers différentes instances au cours de l’intervention en entreprise, notamment l’instance de pilotage de l’intervention regroupant bien souvent des membres de la direction opérationnelle et des services fonctionnels.

Nous vous proposons d’aborder cette question à partir d’une intervention menée chez un logisticien automobile où il était question d’analyser le travail d’opérateurs de montage de pièces automobile, à l’initiative principalement du responsable Projets et Achats de l’entreprise. Il sera question de se centrer sur la commande établie au début de l’intervention et d’en suivre son évo-lution (Quillerou-Grivot, Clot & Morvan, 2010). Nous verrons comment les questions de santé, de gestes professionnels et d’organisation du travail ont évolué. Le processus de transformation de cette commande sera analysé au regard d’événements internes (exemple : réorganisation des services) comme externes à l’entreprise (exemple : changement de prescription du client) et surtout des séances en comité de pilotage. Ces séances, portant sur le travail d’analyse des opérateurs, ont ainsi eu des effets sur l’activité des commanditaires : d’une demande de diagnostic en conception reposant sur la question « à partir de combien de gestes les opérateurs vont-ils avoir des TMS ? », nous montrerons comment les membres du comité de pilotage réorientent peu à peu leurs préoccupa-tions sur « comment peut-on travailler autrement » en conception, notamment « comment intégrer les opérateurs » et comment mettre en place des instances d’analyse du travail durable dans l’entreprise pour faire progresser leur organisation du travail au quotidien. Enfi n, nous verrons comment ce travail d’intervention clinique débouche aujourd’hui sur une nouvelle commande en parallèle portant sur l’analyse du travail des chefs d’équipe des opérateurs en question, alors même que ces chefs d’équipe sont également demandeurs pour participer à l’analyse de leur métier. *

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A5 La fonction du geste dans la reconquête du sens au travail : une question de reconnaissance

L’examen du geste professionnel en situation de formation à la prévention durable des TMS

Bertrand PoeteRéseau Anact-Aract de Franche-Comté, France

L e modèle du geste, dans ses dimensions biomécaniques et psychosociales, a été développé par l’Anact et son réseau depuis une dizaine d’années et constitue le socle directeur des interventions conduites sur le terrain. Il n’en demeure pas moins que son opérationnalité et

sa pertinence tardent à s’implanter durablement dans les entreprises et à atteindre les résultats escomptés.

En 2009, dans la suite des conclusions du rapport DGT-Anact et à la faveur d’une remise à plat du contenu du module de formation TMS de l’Anact, nous avons cherché à donner davantage de contenance à ce modèle — tout particulièrement dans sa dimension psychosociale — en utilisant comme « cas d’école » des séquences fi lmées de situation de travail.

L’observation d’un geste peut s’arrêter à la description de chaînons articulés, mesurables et identifi ables en mouvement dans l’espace : un geste dont on peut toujours calculer les angulations. Mais on peut aussi chercher à dépasser cette seule approche biomécanique de l’observation du geste et faire porter son analyse sur d’autres dimensions : quelle est son intentionnalité ? Dans quels buts et pour servir quels objectifs ce geste a-t-il été effectué ? C’est cette dernière orientation que nous avons choisie pour nos modules de formation.

Le cas présenté en formation constitue alors une illustration de la mise en visibilité de la problématique TMS dans son rapport à l’exécution du geste professionnel. La situation de travail présentée devant les auditeurs, puis discutée, décortiquée et débattue avec eux, conduit à révéler toute l’expertise du salarié dans son domaine propre d’activité et permet d’appréhender ce qui pourrait faire communauté pour l’organisation du travail. Ainsi, la question du geste interroge les conditions collectives de sa réalisation, de son expression et donc de sa formation.

Ce type d’interrogation est présent dans nos interventions quand il s’agit d’avoir pour ambition de faire comprendre à nos interlocuteurs, ce que sont les TMS et en quoi la compréhension du geste peut être déterminante à la fois pour la prévention et la performance dans l’organisation.

Nous proposons lors de cette communication de donner à voir une séquence fi lmée utilisée en séance de formation. Ce cas visuel, parce qu’il traduit l’engagement dans le travail d’une opératrice et sa confrontation confl ictuelle à la situation de travail, fait écho à une dynamique de la reconnais-sance étayée sur les possibilités de se reconnaître, avec d’autres, dans son travail.

On voit cette opératrice confrontée à une dramatique d’usage de soi, entre l’usage qu’elle fait d’elle-même et le risque de se perdre dans son travail parce qu’elle n’y ferait plus autorité. L’examen en séance de formation de cette situation donne des clés de lecture qui permettent d’appréhender les enjeux actuels de la problématique des TMS dans toutes ses dimensions. *

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A5 La fonction du geste dans la reconquête du sens au travail : une question de reconnaissance

Former pour faire de la qualité : quelle reconnaissance pour les gestes professionnels ? Un exemple dans le secteur de l’industrie automobile

Karine ChassaingÉcole nationale supérieure de cognitique (ENSC),

Institut national polytechnique de Bordeaux, France

“ Je jouissais des mouvements de mon corps, à travers lui du privilège de vivre, présent à la perceuse, au bruit de la mèche s’enfonçant dans la fonte, ramenant en tournant de la poussière grise, à la pression que j’exerçais, la main sur le volant poli de la perceuse, heureux d’être éveillé, d’être un corps qui

travaille et qui songe” (Navel, 1945, p. 103). Comment mieux introduire l’objet de cette communication qu’avec cette citation de Georges Navel relatant ses « Travaux » et insistant ainsi sur le sens que peut prendre le travail à partir du plaisir mental et physique que procure la réalisation d’un geste de perçage. Les gestes participent ainsi à la construction identitaire de la personne au travail, mais dans leurs réalisations ils visent aussi d’autres intentions. Ils sont le résultat combiné de plusieurs intentions : être performant et atteindre une certaine quantité et qualité de travail ; préserver sa santé et se préserver de l’effort ; appartenir à un groupe, à un métier. Il n’est pas sûr que dans bon nombre d’entreprises ces fonctions du geste soient reconnues. Le développement de politiques industrielles basées sur la standardisation du travail ne favorise pas ces considérations. Les choix opérés en matière d’organisation du travail, les outils de gestion mis en place pour améliorer la qualité et la productivité jouent un rôle sur les possibilités qu’auront les opérateurs de développer leurs gestes, de faire face par leurs gestes aux aléas inhérents à toute situation de travail. Il s’agit ici de reconnaitre la contribution des opérateurs à la réalisation d’un travail de qualité.

L’objet de cette communication dans le cadre de cet atelier est de montrer la reconnaissance des gestes professionnels dans une entreprise du secteur de l’automobile à partir de la mise en place de formations aux bons gestes destinées à améliorer la qualité. Dans l’organisation de ces activités à fortes composantes sensori-motrices, l’idée d’enseigner et de faire pratiquer le « bon geste » est persistante. Des outils sont mis au service de cette orientation, à savoir : une forma-tion à des gestes de base (l’école de dextérité) et la conception de gammes opératoires (fi ches d’opérations standards) servant de base de formation au poste de travail. La formation devient ici un outil de management pour mobiliser les opérateurs sur la question de la qualité. Des analyses gestuelles menées à partir d’observations et d’entretiens dans le cadre de la mise en place de ces outils mettent en évidence que ces derniers ne tiennent pas compte du bien-être des opérateurs ; ils ont été conçus sur des conditions idéales de fabrication sans prise en compte des réalités concrètes d’exécution du travail. Dans la situation de formation à l’école de dextérité, les gestes des opérateurs sont mis à l’écart. Les opérateurs transfèrent des gestes élaborés à leur poste de travail durant la formation qu’ils doivent inhiber parce que non requis par le prescrit. Quant à la seconde situation de mise en place des fi ches d’opérations standards, les opérateurs élaborent des gestes guidés par un objectif de recherche d’équilibre entre bien être et production qui sont remis en cause par les procédures prescrites, comme c’est le cas dans l’exemple de la manipulation d’une tôle. Dans les deux situations, les opérateurs résistent en élaborant des gestes de travail parfois en désaccord avec les procédures prescrites. Mais la question qui demeure est le coût en termes de santé de cette résistance et la durée pendant laquelle ils pourront encore résister, si au sein de l’entreprise un débat sur les marges de manœuvre et le sens de la prescription gestuelle n’a pas lieu. Ce débat s’est enclenché avec notamment cette recherche sur le thème : « Où placer le curseur de la prescription ?», en ayant à l’esprit toute la complexité des gestes mis en œuvre par les opérateurs et exposés suite à nos analyses. Ce travail a permis de discuter ouvertement des méfaits d’une standardisation à outrance, auprès de divers interlocuteurs de l’entreprise.

Ces réfl exions se poursuivent. Une veille attentive d’un certain nombre d’acteurs – au sein même de l’entreprise, dans le champ de l’ergonomie et de l’ingénierie – des conséquences des évolutions du travail et de son organisation sur les opérateurs et leur santé est à l’œuvre. *

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Seventh International Scientifi c Conference on Pre-vention of Work-Related Musculoskeletal Disorders (Premus 2010), Angers, 29 août – 2 septembre 2010

Yves RoquelaureLaboratoire d’ergonomie et d’épidémiologie

en santé au travail (Leest, EA 4336) Université et CHU d’Angers, France

Annette LeclercInstitut national de la santé et de la recherche

médicale 1018 (Inserm) Villejuif, France

L e congrès Premus 2010 (Seventh International Scientifi c Conference on Prevention of Work-Related Musculoskeletal Disorders) s’est déroulé, après Boston en 2007, à Angers du 29 août au 2 septembre 2010. Il s’agit du principal congrès international sur les TMS qui regroupe tous

les trois ans, sous l’égide de l’International Commission of Occupational Health (ICOH – CIST), les meilleurs spécialistes mondiaux du sujet (biomécaniciens, physiologistes, épidémiologistes, médecins du travail, ergonomes, préventeurs, cliniciens, psychologues, sociologues, spécialistes de gestion, etc.). Plus de 650 chercheurs et préventeurs de 40 pays ont participé à ce congrès scientifi que de haut niveau qui tient aussi lieu de forum international pour les acteurs de la pré-vention des TMS des membres et du rachis.

Premus 2010 a fait le point sur les connaissances scientifi ques les plus récentes, sur la physio-pathologie, l’épidémiologie et la prévention des TMS lors de 22 symposiums, 25 sessions ouvertes et 7 présentations invitées. L’accent a été mis cette année sur les interventions en entreprise et les stratégies de maintien en emploi et de retour au travail compte tenu des retombées pratiques envisageables en termes de santé publique et pour les entreprises. Plusieurs membres du groupe de recherche francophone sur les TMS ont présenté des conférences introductives (Nicole Vézina, François Daniellou) et animé des sessions thématiques axées sur l’intervention de prévention.

Des mécanismes mieux connusLes communications ont présenté les avancées sur les mécanismes physiologiques en jeu dans la survenue du syndrome du canal carpien (David Rempel) et des principaux TMS, ainsi que les mécanismes de la douleur, de la fatigue musculaire et le rôle du stress dans la survenue des douleurs musculaires. Une étude américaine a montré, grâce à un modèle animal du syndrome du canal carpien, que la réduction de l’hypersollicitation réduit les anomalies morphologiques et fonctionnelles des cellules nerveuses. Cet « essai thérapeutique » chez l’animal apporte une preuve importante de l’effi cacité possible des interventions de prévention. Eira Viikari-Juntera a montré, sur la base des travaux épidémiologiques de l’Institut fi nlandais pour la santé au travail (FIOH), le rôle conjoint des facteurs de risque individuels et des facteurs de risque professionnels de lombalgie. Plusieurs revues de synthèse de la littérature scientifi que ont montré que des facteurs individuels interviennent dans les TMS du cou, des membres supérieurs et du rachis, mais que la plupart des facteurs modifi ables par la prévention sont des facteurs liés aux conditions de travail. Il s’agit donc de l’axe principal d’action pour prévenir les TMS. Le rôle des facteurs génétiques qui prédisposent aux TMS a également été discuté lors du congrès. Les effets du travail sur écran et de l’usage intensif de l’ordinateur ont été rappelés, avec un développement important sur l’usage des « nouvelles technologies », y compris leur usage par les jeunes et les enfants.

* Synthèse du 7ème

Congrès international sur la prévention des troubles musculosquelettiques liés au travail, Premus 2010

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Les TMS, un phénomène mondial Les communications émanaient de près de 37 pays, ce qui montre la mondialisation du « phéno-mène TMS » qui affecte maintenant les pays asiatiques, sud américain ou maghrébins récemment industrialisés ou en voie de développement. Citons des travaux portant sur des métiers ou secteurs aussi variés que l’industrie du vêtement en Indonésie, du tapis en Tunisie, les travailleurs du métro en Corée, les musiciens de musique classique au Danemark et les joueurs d’instruments à percus-sion, les travailleurs de « call centers » au Brésil, les travailleuses du nettoyage des chambres dans les hôtels américains ou les ouvriers du conditionnement des crabes au Canada.

Des méthodes et des approches comparables entre paysLes communications sur l’évaluation des expositions professionnelles de la population permettant une surveillance adaptée ont montré la convergence des approches, sur le plan de la méthodologie et des résultats, conduites dans la plupart des pays. L’évaluation des expositions professionnelles et les liens avec les TMS dans des professions et secteurs particulièrement touchés par les TMS, comme la construction, la santé, l’industrie textile et l’agriculture, a fait l’objet de présentations montrant que les mêmes métiers et les mêmes expositions sont « causes » de TMS dans différents pays. Premus 2010 confi rme la dimension mondiale des TMS et la convergence des approches préventives.

Des stratégies d’intervention mieux codifi ées et mieux évaluéesDe nombreuses présentations portaient sur les interventions et les actions susceptibles de réduire les expositions professionnelles et d’améliorer la santé. Ceci recouvre des « visions » d’ensemble et des bilans sur « ce qui marche », et aussi des expériences originales, à l’échelle d’une entreprise ou d’un secteur spécifi que, expériences qui pourraient être reproduites ailleurs. Concernant des approches globales ou synthétiques, Babara Silverstein, s’appuyant à la fois sur l’expérience du comté de Washington (USA) et sur une connaissance large de ce secteur de recherche, a été invitée à développer une question importante, « comment passer de la théorie à la pratique », et comment et en quoi les connaissances issues de la recherche sur les effets des expositions professionnelles se traduisent en actions de prévention. Birgit Blatter a présenté l’état d’avance-ment d’un projet européen portant sur l’intérêt et la faisabilité de modifi cations de la législation européenne concernant les expositions à des facteurs de risque de TMS ; d’autres communications portaient sur les stratégies nationales de prévention dans des pays aussi différents que la Corée, l’Allemagne, la Suisse et les États-Unis. Une conférence invitée (Benjamin Amick, US) et plusieurs interventions ont été consacrées aux dimensions économiques de la prévention des TMS, ce qui souligne l’importance croissante des approches de type coût – effi cacité de la prévention et, plus généralement, de l’évaluation des actions de prévention.

Des salariés acteurs de la préventionLes approches participatives, où les salariés sont aussi les acteurs de la prévention plutôt que de se voir imposer des « bonnes solutions » par des experts, ont fait l’objet d’une synthèse générale avec la participation de nombreux chercheurs francophones. Les conférences de Nicole Vezina et François Daniellou ont montré les liens entre l’organisation du travail et les TMS et l’importance que jouent dans leur prévention les marges de manœuvre dont pourraient disposer les travailleurs pour faire face aux contraintes de leur travail. Des expériences assez nombreuses et originales conduites en France et au Québec ont été positivement accueillies, ce qui souligne la vitalité et la reconnaissance croissante au niveau international de l’approche organisationnelle et participative des TMS.

* Synthèse du 7ème

Congrès international sur la prévention des troubles musculosquelettiques liés au travail, Premus 2010

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Des interventions « à petite échelle » qui peuvent servir de modèlesConcernant des interventions d’ergonomie de correction menées dans des entreprises ou des secteurs professionnels spécifi ques, un congrès tel que Premus est l’occasion pour de nombreux acteurs de terrain de présenter une action « qui marche » ou de réfl échir sur leur bilan, ce qui ne peut qu’encourager d’autres acteurs de terrain à se lancer dans l’action. Les initiatives sont nombreuses et variées : utilisation de chariots adaptables pour la manutention dans le secteur de l’épicerie à Porto Rico, râteau ergonomique pour le ramassage des myrtilles aux États-Unis, lunettes facilitant le travail des dentistes, prévention des TMS dans la construction automobile en France, etc. En complément, la question de l’évaluation des interventions de prévention des TMS en milieu de travail a fait l’objet d’assez nombreuses présentations. En effet, cette question « ne va pas de soi » car toute intervention n’est pas « automatiquement bénéfi que », et il est nécessaire de comprendre ce qui fait qu’une intervention marche bien ou non (Fabien Coutarel, Diane Berthelette), notamment l’implication des différents acteurs dans et autour de l’entreprise (Sandrine Caroly). Il ressort qu’au fi l des années les stratégies d’intervention et d’évaluation s’améliorent et que dans certains domaines, on « sait ce qu’il faut faire » pour réduire les expositions professionnelles, et « ce qu’il faut faire » pour qu’une intervention marche bien.

La prise en charge de personnes souffrant de TMS et les conditions favorables au retour au travail ont été un autre grand thème du congrès Premus, conjointement avec son congrès satellite WDPI consacré à la prévention et au retour au travail des personnes souffrant de handicap. La conférence invitée de Philippe Mairiaux a fait le point sur ce que les services de santé au travail peuvent (ou devraient pouvoir) proposer aux lombalgiques chroniques identifi és dans la population en activité.

Revenir au travail, rester au travail, ne dépend pas que de l’état de santéPlusieurs revues de synthèse ont montré que les interventions multidimensionnelles, associant réadaptation et modifi cation des conditions de travail, sont les plus effi caces pour favoriser le retour au travail des salariés souffrant de TMS ou de lombalgies. Ces actions favorisant le retour précoce au travail sont de plus en plus fréquentes en Amérique du Nord et en Europe. Les travaux montrent que leur effi cacité ne dépend pas seulement du contenu de la réadaptation et de l’inter-vention ergonomique, mais aussi de l’environnement socio-économique et réglementaire. Ainsi, Jean-Baptiste Fassier a évoqué le contexte institutionnel qui facilite ou non une prise en charge adéquate de lombalgiques chroniques et l’application en France des modèles de retour thérapeu-tique au travail mis au point au Québec par Patrick Loisel et des collègues.

Que la conférence Premus se soit tenue cette année à Angers est une reconnaissance de la qualité des travaux francophones sur les TMS qui, depuis de nombreuses années, développent une approche pluridisciplinaire et participative de la recherche et de la prévention des TMS. Ce congrès est une opportunité pour la prévention des TMS en France, grâce au renforcement des liens des chercheurs et préventeurs avec des équipes étrangères, la coordination avec des projets internationaux et les encouragements à conduire et à faire connaître des expériences locales innovantes. *

* Synthèse du 7ème

Congrès international sur la prévention des troubles musculosquelettiques liés au travail, Premus 2010

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Infl uence de la réglementation, des normes, des valeurs limites, des outils, des chiffres… Pour mieux prévenir les TMS ?

Alain PietteService public fédéral, Emploi, travail et concertation

sociale, DG Humanisation du travail, Belgique

L’ objectif de cet exposé est de réfl échir ensemble sur l’impact de la norme au sens le plus large (réglementation, normes scientifi ques, procédures, valeurs limites…) sur la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS). Dans cette réfl exion, il faut prendre en compte

à la fois les outils développés pour aider les acteurs de la prévention et les conditions de leur appropriation par ces différents acteurs.

Le cadre réglementaire européen en matière de prévention des risques professionnels se base sur la directive sociale cadre du Conseil (89/391/CE) du 12 juin 1989. Cette directive cadre sert de base à des directives particulières dont la directive sur la manutention des charges (90/269/CE) et la directive sur le travail avec écran (90/270/CE) qui composent la base légale en matière de prévention des TMS dans la plupart des Etats-membres de l’Union européenne. Mais les directives économiques sur la libre circulation des produits ont aussi un impact sur les risques profession-nels. Ainsi la directive machine 2006/42/CE impose des exigences essentielles de sécurité de portée générale lors de la conception et de la construction de machines et renvoie le fabricant vers une multitude de normes harmonisées pour l’aider à faire la preuve de la conformité de sa machine. On retrouve ainsi plus de 650 normes dont de plus en plus de normes ayant un impact sur les TMS : vibrations, performances physiques humaines (manutentions, postures, forces…). Mais par qui et comment ces normes sont-elles utilisées, dans quels buts et avec quels intérêts et quelles limites ?

Dans le cadre de la simplifi cation de la législation européenne, la commission européenne souhaite élaborer une nouvelle directive TMS qui engloberait les deux premières directives citées ci-dessus. Le débat de l’impact de la réglementation sur la prévention des TMS est donc bien d’actualité.

Une constatation importante est que, très souvent, l’employeur souhaite juste se mettre en conformité avec la loi. Pour s’affranchir des obligations administratives imposées par la loi, il est demandeur d’un outil simple et rapide à mettre en oeuvre. Mais il n’existe pas d’outil miracle unique permettant de lutter contre les TMS ; une panoplie d’outils est disponible avec des objectifs, des intérêts et des limites propres à chacun. Certains visent à sensibiliser aux TMS en montrant leur ampleur, d’autres à surveiller leur évolution, à évaluer l’exposition, à orienter vers des pistes de solutions, ou encore à évaluer les actions de prévention (audit).

De plus, pour être en conformité avec la loi, des valeurs limites de référence doivent être défi nies afi n que l’entreprise dispose d’un référentiel pour évaluer sa situation. Or, la multifactorialité des TMS, tout comme celle des RPS, rend impossible la défi nition de valeurs limites. Quels repères transmettre dans ces conditions à l’employeur, au travailleur, aux délégués syndicaux, au conseiller en prévention, à l’inspecteur du travail si l’on veut faire progresser la prévention des TMS ?

Toutes ces considérations déjà complexes en ce qui concerne les TMS deviennent encore plus compliquées lors de la prise en compte des RPS. De nouveaux acteurs, outils, réglementations, normes… entrent en ligne de compte. *

* Introduction du thème « Les outils et méthodes mobilisés par les acteurs de prévention »

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Pas de prévention des TMS sans une réinterrogation des hypothèses managériales

François DaniellouÉcole nationale supérieure de cognitique (ENSC),

Institut national polytechnique de Bordeaux, France

L ors du congrès de Montréal, en 2008, nous rappelions que toute situation de travail dépend des formes de la confrontation entre :• des connaissances générales, qui servent à anticiper ce qui va s’y passer et à fournir les

ressources correspondantes ;• des connaissances d’expériences, individuelles et collectives, qui permettent de gérer les écarts

entre ce que l’organisation a anticipé et ce qui se passe réellement.Depuis, les ergonomes ont dû faire face :

• d’une part au déferlement des « risques psychosociaux » qu’ils ont attribué à l’absence de possibilité de débat entre le travail bien fait vu par l’opérateur, et la vision de la qualité portée par l’organisation, et à l’intériorisation par les salariés des contradictions non débattues ;

• d’autre part au renforcement du recours aux organisations représentant des variantes de la « lean production » instaurée par Toyota.Ces organisations « lean », dans la version constatée en France, comportent un caractère

contradictoire, dans la mesure où :• d’une part elles développent un discours sur l’intelligence ouvrière et la nécessité de l’associer

aux réfl exions d’amélioration continue ;• d’autre part elles se structurent comme des perfectionnements du taylorisme.Force est de constater que cette situation contribue au développement des TMS, mais divise la

communauté des intervenants.Sur cet arrière-fond idéologique et managérial, il importe de recentrer la prévention des TMS

sur les acquis suivants :• le travail implique une mobilisation subjective compétente, le développement d’un geste pro-

fessionnel dont l’opérateur soit largement l’auteur ;• on ne peut pas baser une organisation performante sur le fait de diminuer la compétence de

contributeur de chaque opérateur ;• cette contribution peut prendre des formes différentes, le « bricolage tacite contre les limites

de l’organisation » n’étant évidemment pas la seule : on peut chercher à réduire la variabilité incidentelle, à condition que les opérateurs puissent constamment exercer leur intelligence dans la détection de l’adaptation/inadaptation de ce qui est produit ou de la manière de produire, en termes d’effets sur les personnes (soi-même, clients, collègues…), qu’ils aient la possibilité d’en débattre et d’infl uencer les changements ;

• on ne peut pas raisonner seulement sur la performance instantanée, il importe de comprendre toutes les formes de coûts induits ;

• il y a nécessité de développer une culture de la contradiction normale et du débat.Ce contexte conduit à renforcer l’enjeu de situer les interventions de prévention des TMS au

niveau du questionnement sur les formes de rencontres et de débats entre les différentes formes de connaissances et d’initiatives nécessaires au fonctionnement de l’entreprise. *

* Introduction du thème « Les outils et méthodes mobilisés par les acteurs de prévention »

A6

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Réglementation et directives sont-elles des leviers de prévention ?

Organisateurs :Alain Piette

Service public fédéral emploi, travail et concertation sociale, Belgique

Nicolas HatzfeldUniversité d’Evry, France

L’ objectif de cet atelier est d’examiner les rapports entre les acteurs de la prévention et les règles et normes qui encadrent leur action. Des rapports seront examinés dans des cadres nationaux, en visant à comparer certains systèmes appartenant à des espaces régionaux

distincts (Europe, Amérique du nord, Maghreb). Ils seront également vus à l’échelle européenne. Dans ces différents espaces de réglementation, il s’agira d’examiner l’intervention des différents acteurs dans l’élaboration des règles et leur point de vue sur ces processus d’élaboration. L’atelier étudiera également leur mise en œuvre, notamment les différentes façons dont les entreprises, les syndicats de salariés ou les fonctionnaires chargés de la mise en œuvre se saisissent de ces normes et règles, les adaptent ou les esquivent. *

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A6 Réglementation et directives sont-elles des leviers de prévention ?

Vers un nouveau cadre réglementaire au niveau européen. L’initiative de la Commission en matière d’ergonomie et de troubles musculosquelettiques d’origine professionnelle : état de lieu et discussion

Antonio CammarotaEuropean Commission, DG EMPL/F4, OSH Commit-tees and International Relations EUFO, Luxembourg

L es problèmes ergonomiques, et en particulier les troubles musculosquelettiques d’origine professionnelle, constituent l’un des principaux problèmes de sécurité et de santé rencontrés aujourd’hui dans l’Union européenne. Ils sont de loin le problème de santé lié au travail le

plus fréquent et représentent un coût très élevé pour les entreprises et les sociétés européennes en général.

D’ailleurs, la nécessité de combattre les risques ergonomiques gagne en acuité dans un scéna-rio où les changements démographiques sont destinés à accroître le nombre de travailleurs âgés dans l’UE. L’allongement de la vie active et l’augmentation du taux de participation des travailleurs âgés au processus de production constituent des défi s essentiels, dans le contexte de la nouvelle stratégie européenne 2020. Il convient, par conséquent, d’affi ner le principe de l’adaptation du travail à l’individu et de prendre davantage en considération les risques ergonomiques.

La Commission travaille depuis un certain nombre d’années à une nouvelle initiative en matière d’ergonomie et de prévention des troubles musculosquelettiques d’origine professionnelle. Cette initiative pourrait être fi nalisée en 2011 par l’adoption de la part du Collège d’une proposition de nouvelle directive sur les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’ergonomie au travail, particulièrement en vue de la prévention des troubles musculosquelettiques d’origine professionnelle et des problèmes visuels liés à l’utilisation des écrans de visualisation sur le lieu de travail.

Cette nouvelle initiative législative devrait prendre la forme d’une directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE1 du Conseil portant sur tous les facteurs de risque importants d’origine professionnelle, et établissant les exigences minimales de santé et de sécurité en vue de protéger les travailleurs contre l’exposition à ces facteurs de risque sur tous les lieux de travail.

La nouvelle initiative devrait offrir une valeur ajoutée en rendant l’application de la législation plus simple (par la réduction du nombre de textes de référence), moins lourde (en simplifi ant les obligations techniques et administratives) et plus effi cace (en facilitant la mise en œuvre de la législation et le contrôle de son application par rapport à la situation actuelle).

La présentation permettra de dresser un bilan de l’état d’avancement des travaux de préparation de cette initiative et de faire le point sur la discussion en cours. *

1 Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise œuvre de mesures visant à promouvoir l’amé-lioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183 du 29.6.1989, p. 1).

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A6 Réglementation et directives sont-elles des leviers de prévention ?

Regard comparé sur la prévention des TMS dans les pays francophones (France, Belgique, Suisse, Québec, Algérie)

Loïc LerougeComptrasec, UMR CNRS 5114, Université

Montesquieu-Bordeaux 4, France

L es TMS font l’objet d’importantes campagnes d’information et de sensibilisation et sont devenus un risque professionnel bien connu. Or, concernant un phénomène aussi important que les TMS, le faible nombre de textes juridiques s’y rapportant directement est frappant,

et ce, dans tous les pays étudiés en l’espèce. S’il existe des défi nitions des TMS, comme celle de l’Agence de Bilbao qui décrit les TMS notamment comme « une large gamme de maladies infl am-matoires et dégénératives de l’appareil locomoteur », aucun des différents systèmes juridiques francophones étudiés ne comporte de défi nition légale de ces troubles. Pour autant, est-il bien nécessaire de les défi nir juridiquement ? Cette question sous-tend celle relative à l’application de l’arsenal juridique existant aux TMS, à savoir s’il est suffi sant pour les appréhender d’une manière ou d’une autre. Le volet prévention (en droit du travail) et le volet réparation (en droit de la sécurité sociale) doivent être considérés.

On constatera que le droit belge et le droit français sont assez proches concernant l’obligation de prévention des TMS. Si le système français oblige l’employeur à prendre les mesures nécessai-res pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, la loi belge du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail impose à l’employeur de promouvoir le bien-être de ses travailleurs lors de l’exécution de leurs tâches. Le droit suisse semble en revanche un peu plus restrictif. La loi fédérale sur l’assurance-accidents du 20 mars 1981 impose à l’employeur, pour protéger la santé des travailleurs, de prendre toutes les mesures dont l’expérience a démontré la nécessité, que l’état de la technique permet d’appliquer et qui sont adaptées aux conditions d’exploitation de l’entreprise.

Finalement, s’il n’existe pas de textes généraux relatifs aux TMS, si ce n’est une certaine obligation générale de prévention des risques professionnels à la Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183 du 29.6.1989, p. 1). Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183 du 29.6.1989, p. 1).charge de l’employeur, en revan-che, un certain nombre de textes réglementaires spécifi ques prenant en compte certains facteurs de TMS existent (ports de charges, équipement de travail approprié, aménagement des postes de travail, etc.). En France, c’est du côté du droit de la Sécurité sociale qu’il faut chercher pour trouver un texte spécifi que aux TMS. En effet, sont inscrits au sein des tableaux des maladies professionnelles reconnues et indemnisées au titre de différentes affections (périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail par exemple). En revanche, en Suisse, l’un des enjeux est de déterminer l’origine professionnelle ouvrant droit à indemnisation concernant une notion multifactorielle.

De l’autre côté de l’Atlantique, le Québec est davantage caractérisé par une culture juridique anglo-saxonne. Néanmoins, on observe qu’il existe depuis longtemps des règlements qui touchent à l’ergonomie. Ils apparaissent depuis 2001 au sein d’une rubrique spéciale « Mesures ergonomi-ques particulières » qui regroupe des dispositions relatives à la manutention, au travail dans les piles, au niveau de travail, à la position, à la fourniture de chaises ou de bancs et à l’obligation de permettre une période de repas. Cette rubrique s’articule avec le devoir général de prévention à la charge de l’employeur, mais aussi au droit de l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Enfi n, l’Algérie, à travers la loi 26 janvier 1988 relative à l’hygiène, la sécurité et la médecine du travail, offre un régime juridique relatif à la santé-sécurité susceptible d’accueillir les TMS. Ainsi, par exemple : « Les installations, les machines, mécanismes, appareils, outils et engins, matériels et tous moyens de travail doivent être appropriés aux travaux à effectuer (…) », la question portera davantage sur les diffi cultés d’application dans ce domaine, notamment au regard de l’importance du secteur informel. *

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A6 Réglementation et directives sont-elles des leviers de prévention ?

Normes et réglementations, des outils au sein des entreprises ?

Roland GauthyInstitut syndical européen (Etui), Bruxelles, Belgique

L a thématique de ce troisième congrès francophone sur les TMS et sa focalisation sur les pratiques de prévention – qui, osons le dire, ont dans les faits été très peu porteuses de succès – font appel à une approche globale des phénomènes qui nous préoccupent depuis plusieurs décades.

Non seulement aucun instrument ni aucune méthodologie n’a pu démontrer leur supériorité sur les autres, mais la démarche scientifi que et son prolongement au travers d’approches « centrées étiologie(s) » par catégorie d’agent causal envisagé individuellement sont tous demeurés impuissants face aux incidences et aux prévalences galopantes des plaintes musculosquelettiques au travail.

Aucun préventeur, a fortiori aucun ergonome ni aucun épidémiologiste, ne peut plus aujourd’hui ignorer que les agents causaux des TMS sont doublement multiples, dans leur nature et dans leur mécanisme d’action : en effet, ils interagissent tout en se potentialisant mutuellement d’où l’intérêt majeur de nos débats sur, par exemple, les liens entre organisation du travail et émergence des TMS. De ce fait, outre l’ensemble des mesures anti-TMS traditionnelles, les réglementations, dont la probable nouvelle directive ergonomique présentée par la Commission, celles sur les machines en vigueur depuis janvier 2010 avec son paragraphe rendant l’ergonomie obligatoire, et l’ensemble des textes qui en permettent l’application, telles que les normes, constituent des outils qui peuvent contribuer à la prévention des TMS sur le lieu de travail ; sous réserve d’être intégrés dans une stratégie volontaire du type de celle décrite dans la directive cadre1 applicable au domaine de la santé et la sécurité au travail.

Dans cet ensemble d’instruments, la place de la normalisation est particulière : elle est méconnue des préventeurs dont, singulièrement, des ergonomes qui la trouvent complexe, la disent rigide ou opposée à la singularité de chaque poste de travail, voire hermétique.

Nous tenterons d’envisager et d’expliquer sommairement la normalisation technique, en la mettant en perspective dans le contexte européen de la nouvelle directive machines2, du paragraphe « ergonomie » qu’elle contient et, aussi, dans le cadre particulier de la normalisation européenne en ergonomie telle qu’élaborée par le Comité technique « ergonomie » du CEN3.

Enfi n, nous évoquerons la genèse de la nouvelle plateforme ErgoMach4 dont l’objectif est préci-sément de réconcilier ergonomes, concepteurs et producteurs de machines, ingénieurs, employeurs et travailleurs en leur ouvrant largement les portes d’un dialogue sur la normalisation technique appliquée à l’ergonomie des machines. *

1 Directive 89/391/CEE relative à l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail 2 Directive 2006/42/CE relative aux machines 3 Comité européen de normalisation voir www.cen.eu 4 www.ergomach.eu

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A6 Réglementation et directives sont-elles des leviers de prévention ?

L’entreprise face aux obligations légales en matière de prévention des TMS

François BeckerMédecin spécialiste en santé au travail,

Hager Group, France

L’ environnement législatif français, carcan ou ressort dans le domaine de la prévention des TMS ?Pour tenter de répondre à cette question, nous allons, après une revue des dispositions réglementaires et de la jurisprudence, interviewer au sein du groupe Hager les acteurs de

la prévention : directeurs d’usine, responsables HSE, secrétaires de CHSCT, ergonomes et mem-bres de l’équipe de santé au travail, pour confronter notre opinion et tracer les contours d’une réglementation « idéale ».

Le code du travail français a ceci de particulier que le salarié y est considéré comme un « mineur ». En effet, en raison du lien de subordination à son employeur, il abandonne sa « souveraineté » dès la porte de l’entreprise franchie. En contrepartie, l’employeur endosse la quasi-totalité des respon-sabilités, dans le domaine de la santé et de la sécurité il a même une obligation de résultat.

On pourrait imaginer que le code du travail serait une véritable boîte à outils pour permettre à l’employeur de faire face aux obligations lourdes qui lui incombent ; c’est bien le cas en ce qui concerne le risque de surdité lié au bruit grâce à la transposition d’une directive européenne ; par contre en ce qui concerne les troubles musculosquelettiques rien n’est précisé que ce soit en matière de prévention ou en réparation.

Ces lacunes invitent les entreprises à se rapprocher des organismes de prévention (Cram, Anact, OPPBTP), à se référer aux normes en vigueur et à inventer ses propres outils. Une part de notre intervention sera consacrée à la présentation des outils spécifi ques qu’Hager a mis en place pour prendre en charge des TMS : référentiel ergonomique, plainte TMS et alerte ergonomique. *

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A6 Réglementation et directives sont-elles des leviers de prévention ?

L’inspection du travail au Québec : parfois un levier pour la prévention des TMS

Marie Saint-VincentInstitut de recherche Robert-Sauvé en santé

et en sécurité du travail (IRSST), Montréal, Canada

R écemment, la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec (CSST) implantait un programme pour prévenir les TMS, dans lequel des inspecteurs initient des projets de transformations dans des entreprises ciblées. La CSST a formé un échantillon

considérable d’inspecteurs à un outil bien connu d’identifi cation des facteurs de risque, l’outil QEC (Quick Exposure Assessment). Suite à la formation, des inspecteurs visitent les entreprises où il y a eu des réclamations de TMS et vérifi ent, à l’aide de l’outil QEC, la présence de facteurs de risque aux postes à l’origine des lésions. S’il y a occurrence de risques, l’inspecteur somme l’entreprise d’entreprendre des correctifs. L’entreprise est libre de choisir l’approche et l’intervenant de son choix. L’inspecteur peut ou non être impliqué dans le processus de transformation du poste. Un projet pilote a été réalisé afi n de faire un suivi d’un échantillon d’interventions initiées par les inspecteurs, de même que pour vérifi er la faisabilité d’un projet de plus grande envergure.

Un suivi a été effectué sur huit situations de travail. Deux grands types de données ont été recueillies. Des mesures avant et après l’implantation de correctifs sur les facteurs de risque ont été réalisées aux postes ciblés à l’aide de dix méthodes reconnues. Des études de cas pour décrire l’intervention et ses résultats ont aussi été réalisées à l’aide d’entrevues auprès des acteurs impli-qués dans l’intervention. Un cadre conceptuel de l’intervention a permis de dégager les variables à décrire : le contexte de l’entreprise, l’intervenant, le processus d’intervention, la situation de travail analysée et ses principales diffi cultés, les transformations implantées et les résultats obtenus sur la situation de travail et, de façon plus globale, sur l’entreprise.

Dans six des huit cas suivis, il y a eu implantation de correctifs. Les entreprises ont fait appel à un expert en ergonomie dans un seul cas ; un inspecteur étant en charge de l’intervention dans deux cas. Dans les six cas, des transformations variées et signifi catives ont été implantées. Les transformations sont jugées assez ou très satisfaisantes. Dans quatre cas, il y a eu réduction des facteurs de risque selon les méthodes quantitatives. Dans tous les cas, la productivité et la qualité ont été améliorées. Des impacts plus globaux sur les relations de travail, sur l’implication en pré-vention et sur les représentations des TMS ont également été observés. Bien qu’une dérogation ait été imposée, l’approche de la CSST a été rapportée comme étant bien perçue dans cinq des six cas. Dans cinq interventions, les relations avec l’inspecteur sont positives ; on souligne par exemple une contribution importante, une attitude compréhensive, une bonne sensibilité face aux TMS. En conclusion, cette étude suggère que les interventions des inspecteurs aient des impacts positifs et que ceux-ci pourraient être des leviers effi caces pour stimuler la prévention. Certains facteurs ayant pu surestimer les résultats seront discutés lors de la conférence. Pour conclure de façon plus ferme, une étude de plus grande envergure est requise. *

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Adaptation et appropriation des outils au service de la prévention des TMS

Organisateurs : Agnès Aublet-Cuvelier

Institut national de recherche et de sécurité (INRS), France

Sylvie OuelletCinbiose, Université du Québec à Montréal (Uqam),

Canada

IntroductionL’appropriation/adaptation des outils au service de la prévention des TMS par les chercheurs et par les acteurs de la prévention internes et externes à l’entreprise, est à l’origine de nombreux débats au sein de la communauté scientifi que et entre les praticiens à différents niveaux. Les conditions de l’appropriation et les pratiques d’adaptation varient selon :• la nature des outils mis en œuvre (cliniques, ergonomiques…), • les compétences des concepteurs et celles des utilisateurs de ces outils, • les objectifs poursuivis par les uns et par les autres (amélioration de la connaissance, évaluation

de l’exposition, compréhension et transformation des situations de travail, transmission de savoirs, de compétences…),

• les conditions internes et externes du transfert,• la durabilité de l’appropriation et de l’utilisation dans les organisations,• l’utilité scientifi que, stratégique et sociale de leur usage.

Objectifs Cet atelier a pour objectifs d’éclairer chercheurs et praticiens sur les conditions de l’appropriation des outils dans une perspective de prévention durable des TMS et d’explorer les avantages et limites de leur adaptation dans différents contextes, à partir des témoignages de chercheurs et de praticiens, médecins du travail, ergonomes et acteurs institutionnels de la prévention.

Déroulement de l’atelierQuatre présentations autour de l’appropriation d’outils de prévention des TMS divers seront suivies de temps d’échanges avec l’auditoire sur :• les expériences vécues avec les outils présentés ou avec d’autres outils (contexte d’utilisation,

diffi cultés rencontrées, résultats attendus et effectifs…),• les éléments pertinents à prendre en compte pour adapter ou s’approprier des outils existants,• les besoins des praticiens en matière d’outils pour la prévention des TMS,• les besoins de recherche pour soutenir les actions des praticiens *

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A7 Adaptation et appropriation des outils au service de la prévention des tms

L’outil Saltsa dans un service inter-entreprises de santé au travail : un exemple d’utilisation

Denis Leclerc, Jean-Pierre BrionAST Lor’N 1, Metz, France

L a véritable explosion de l’incidence des troubles musculosquelettiques dans les années 1990 a généré une forte demande de moyens préventifs pour tenter d’enrayer cette épidémie. Parmi les différents outils à visée ergonomique ou clinique émanant de la recherche, le dispositif

Saltsa s’est imposé comme une excellente méthode de dépistage clinique précoce des TMS. L’outil clinique Saltsa, fruit d’une recherche et d’un consensus européens, exige une formation spécifi que des utilisateurs, garante d’une standardisation des manœuvres permettant comparabilité et repro-ductibilité. Les données recueillies sont ainsi exploitables au bénéfi ce d’ateliers, d’entreprises, de branches professionnelles, de Services de santé au travail sous forme d’enquêtes spécifi ques, de surveillance épidémiologique, ou de recensement simple de fréquences.

Après la découverte de cet outil à l’occasion d’une étude scientifi que et la formation progressive de plusieurs médecins du service inter-entreprises de santé au travail (5 au total), l’outil Saltsa a été utilisé à titre individuel par les médecins du travail avec des participations très variables et des recueils de données peu exploitables.

Par ailleurs, le très grand nombre de situations de travail limite grandement les possibilités d’utilisation des outils en ergonomie de diagnostic des postes à haut risque de TMS par l’impos-sibilité d’étudier en amont toutes ces situations de travail en un temps raisonnable. C’est ainsi que les actions correctrices, bien qu’indispensables, interviennent tardivement puisque l’identifi cation du dysfonctionnement passe par l’observation de pathologies déjà déclarées. Or, les trois degrés de sévérité des TMS proposés par Saltsa (latent, symptomatique et avéré) permettent d’envisager des actions correctrices à un stade précoce de la pathologie.

Dans ce contexte, il semblait judicieux d’utiliser Saltsa dans le cadre d’un plan d’activité du service (utilisant déjà un protocole de recueil de fréquence d’expositions et de pathologies par l’approche clinique) pour le recensement des TMS et des expositions professionnelles lors des entretiens médico-professionnels (visites médicales périodiques).

Le logiciel clinique utilisé pour le dossier médical informatisé a été adapté à la saisie d’items spécifi ques de Saltsa pour chaque salarié, pondérés par des coeffi cients en rapport avec la sévérité potentielle liée au site touché et les facteurs de risque physiques et psychosociaux de TMS selon les caractéristiques de la situation de travail (connues du médecin du travail).

Le traitement des données est effectué par une statisticienne du service inter-entreprises à partir des items saisis pour chaque salarié.

Les apports d’un tel dispositif sont multiples :• observations instantanées des fréquences de pathologies observées par entreprise, branche

professionnelle, pour chaque médecin,• priorisation des actions à mener sur le terrain par la création d’un indicateur spécifi que en

croisant les scores d’expositions et de pathologies,• alerte précoce grâce à l’identifi cation des cas latents et symptomatiques, • comparaison temporelle pour l’évaluation des actions entreprises en étudiant l’évolution des

scores.Parmi les perspectives fi gurent d’une part la création d’un lien direct entre résultats statistiques

et actions des services techniques pour plus de réactivité dans la programmation centralisée des actions de terrain à mener, et d’autre part la formation d’un plus grand nombre de médecins à l’utilisation de ce dispositif pour optimiser la gestion des TMS au niveau du service. *

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A7 Adaptation et appropriation des outils au service de la prévention des tms

Le process « cadre vert » : comment le travail peut aider à rester actif

Jean-Pierre MeyerInstitut national de recherche et de sécurité (INRS),

FranceJean-Luc Mochel

Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, (Carsat Alsace-Moselle), France

L a prévention des lombalgies marque le pas. La prévention classique reste nécessaire, mais ne permet plus de réduire la gravité des lombalgies dont la chronicité devient préoccupante. Or, pour une récupération optimale le/a lombalgique doit rester actif(ve) et limiter le repos après

un épisode lombalgique. Il s’agit d’apprendre à gérer les crises pour éviter la chronicité.Dans ce contexte, l’activité professionnelle peut et doit permettre au lombalgique de bouger.

L’INRS propose aux entreprises de disposer de postes « cadre vert » qui suppriment les contraintes physiques et psychosociales néfastes pour le dos. Ces postes sont une réponse du versant profes-sionnel aux exigences des consensus de soins développés depuis 15 ans. Le travail est une nécessité économique et une remise en confi ance pour prévenir, entre autres, la lombalgie chronique. L’entre-prise peut, en développant des postes « cadre vert », favoriser l’activité du lombalgique et participer à son traitement. Le « cadre vert » liste des limites de contraintes et de conditions d’accueil du lombalgique qui permettent à l’entreprise de concevoir une démarche de prévention. Les conditions et la mise en place de ces postes ont reçu l’accord des partenaires sociaux et sont décrites dans un document offi ciel. Pour jouer pleinement son rôle de support thérapeutique, les médecins traitants devront être informés de l’existence de la démarche «cadre vert» dans l’entreprise de leur patient.

La convention d’objectifs et de gestion (COG) signée entre la Cnamts et l’État souligne que la prévention des TMS est l’une des orientations prioritaires de la Branche AT/MP pour la période 2009-2012. Des groupes de travail ont été mis en place dès 2008 avec pour objectif de créer des outils spécifi ques en lien avec la prévention des TMS. Dans le champ d’action de la prévention de la désinsertion professionnelle, l’expérimentation d’un dispositif d’accueil adapté aux lombal-giques est initiée pour leur permettre un retour à l’emploi précoce au sein de l’entreprise. Cette expérimentation mobilise 4 Cram/Carsat et CGSS et porte sur les modalités concrètes de mise en œuvre du « cadre vert » avec les entreprises. La première étape vise à informer les médecins traitants, au gré notamment de réunions confraternelles. Le rapport qu’ils ont avec leur patient est privilégié. Mais, même si leur rôle est capital, ils ne seront pas les seuls impliqués : les médecins conseils, les services sociaux et, bien sûr, surtout les entreprises elles-mêmes, par leur médecin du travail, sont étroitement associés. Il faut faire comprendre aux entreprises qu’elles ont un intérêt humain et fi nancier à faciliter la reprise, ou mieux, le maintien au travail d’un salarié atteint d’une lombalgie.

L’adhésion du salarié lui-même est évidemment essentielle. À charge pour nous de leur montrer que le « cadre vert » est un moyen d’améliorer son traitement pour réduire le risque de chronicité et de désinsertion professionnelle. Les postes « cadre vert » doivent être disponibles à tout moment. Ceci demande une organisation spécifi que de l’entreprise et une adhésion forte à la démarche de prévention proposée. Elle devra déployer une large information en externe et en interne. Il est nécessaire pour cela de développer des partenariats spécifi ques avec un ensemble d’acteurs concernés par le retour au travail : médecins traitants, médecins conseil, services sociaux, CPAM/Carsat doivent travailler ensemble en lien avec l’entreprise. Certaines entreprises pourront bénéfi cier d’aides fi nancières pour acheter du matériel ou une prestation externe dans le cadre de conventions signées avec la Cram/Carsat.

Enfi n, appliquer la démarche « cadre vert » c’est plus qu’une simple adaptation de poste. Sa mise en place impose à l’entreprise une réfl exion globale sur la santé au travail. C’est, pour l’entreprise, l’affi rmation de son intérêt pour la santé de ses salariés et de sa volonté d’améliorer sa politique de prévention et de promotion de la santé. *

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A7 Adaptation et appropriation des outils au service de la prévention des tms

Une formation-action comme outil de prévention des TMS dans le secteur viticole : leviers et freins identifi és par le biais de la recherche évaluative

Rachel Barbet-DetrayCaisse centrale de la mutualité sociale agricole

(CCMSA), Bagnolet , FranceAurélie Landry

UFR SHS – BSHM, Université Pierre Mendès, Grenoble, France

N otre présentation vise à montrer comment la conception d’un module de formation-action et son transfert ont permis d’impulser une dynamique de prévention des TMS tout en per-mettant une adaptation locale garantissant les conditions d’une implantation réussie.

Forte de son savoir-faire dans la mise en œuvre de la démarche du « couteau qui coupe » dans la fi lière viande, la Mutualité sociale agricole (MSA) a décidé d’adapter ses connaissances au déploiement de l’action en viticulture. Elle s’est ainsi orientée vers une approche formative déve-loppée notamment autour de l’outil de coupe et de son utilisation, le sécateur. L’objectif est de sensibiliser les viticulteurs (salariés, exploitants et personnes en formation) à la prévention des TMS en s’appuyant sur une accroche technique : l’affi lage du sécateur. Les préventeurs (conseillers en prévention et médecins du travail) du réseau MSA ainsi que des relais professionnels ont assisté à des sessions de transfert concernant l’utilisation de ce module de formation. Ils ont pu s’appro-prier le contenu et la pédagogie d’animation proposés et ainsi mettre en œuvre, en trinôme, des formations sur le terrain auprès des viticulteurs.

Ce retour d’expérience a permis de comprendre comment ces équipes ont utilisé cet outil de formation, et comment elles ont adapté son contenu et son animation aux particularités des régions viticoles. Les leviers et les obstacles à la prévention des TMS ont été identifi és aussi bien au niveau de l’implantation de la formation qu’au niveau de la prise en compte des messages de prévention sur les déterminants des situations de travail. Ces éléments concernent :• le contexte dans lequel est mise en place la démarche de prévention : composition du tissu

agricole, contexte économique, présence de syndicats professionnels ;• la stratégie développée au niveau des caisses de MSA : importance accordée à l’action, impli-

cation des relais professionnels ;• la stratégie développée au niveau des services de Santé-Sécurité au Travail (SST) : fonctionne-

ment en pluridisciplinarité, connaissance du milieu viticole ;• la stratégie développée au niveau de l’organisation de l’action : mise en place de phases de

préparation, de retours d’expériences, organisation confi ée à d’autres organismes, fi nancement de la formation ;

• les caractéristiques de la formation : public formé, pédagogie d’intervention, modalités d’ani-mation.Même si cette action de formation ne semble pas engendrer à court terme la mise en œuvre

de nombreuses pistes de prévention par les vignerons, il n’en ressort pas moins une évolution des processus notamment au niveau des modalités d’intervention des praticiens.

Enfi n, cette recherche évaluative a nécessité la mise en place d’une collaboration pluridisciplinaire entre chercheurs et préventeurs de la MSA. Or, le caractère novateur de cette démarche, puisque peu de travaux existaient dans ce domaine, a amené les acteurs à travailler avec des connaissances non stabilisées dont les effets ne pouvaient être prédits avec certitude. Si produire de nouvelles connaissances est le cœur du métier de chercheur, ceci a parfois pu gêner les acteurs de l’insti-tution pour gérer le déroulement du projet. Un certain nombre de diffi cultés sont ainsi apparues au cours de cette action, comme autant de manifestations d’une méconnaissance et donc d’une sous-estimation des différences «culturelles» entre praticiens institutionnels et chercheurs. Se pose alors la question de la connaissance des pratiques de chacun lors de la mise en place d’un partenariat entre différents acteurs. *

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A7 Adaptation et appropriation des outils au service de la prévention des tms

De l’outil Muska à la démarche de prévention des TMS, quelles appropriations ? Comparaison entre une PME et une grande entreprise

Xavier Merlin, Jean-François ThibaultAssociation régionale pour l’amélioration des conditions de travail, Aract Aquitaine, France

Alain GarrigouUniversité de Bordeaux 1, France

M uska est un logiciel d’évaluation et de simulation du risque TMS. Dans le cadre d’une démarche de prévention globale, cet outil permet de disposer de données quantifi ées issues d’observations de l’activité de travail dans le but de faciliter l’objectivation de

l’exposition aux TMS, la recherche et l’appropriation de solutions.Développé et expérimenté en Aquitaine, la diffusion au niveau national de Muska par l’Anact

répond à la nécessité d’aider les entreprises à évaluer le risque de survenue de TMS, et à mettre en œuvre des démarches de prévention durable.

Cette communication se centre sur la comparaison de deux exemples d’appropriation de Muska dans des contextes différents : une grande entreprise manufacturière du secteur automobile et une PME du secteur pharmaceutique. Nous aborderons dans un premier temps les caractéristiques de ces entreprises et leurs conséquences en termes d’adaptation du dispositif de transfert. Comment la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, le système de management de la santé et sécurité, les compétences internes et leurs disponibilités vont infl uer sur les objectifs poursuivis et les moyens mis en œuvre, à la fois par l’entreprise et par l’intervenant ?

Dans un deuxième temps, nous comparerons l’appropriation de Muska par ces deux entreprises au travers de quatre critères identifi és comme nécessaires pour favoriser une prévention durable des TMS :• la démarche de prévention mise en œuvre sous forme de conduite de projet ;• les connaissances et compétences d’analyse du travail et en particulier de l’activité ;• l’utilisation de l’outil Muska pour mesurer et évaluer les risques de TMS ;• l’évolution du projet de prévention des TMS dans le temps.

Ces quatre critères posent les questions de la participation et de la formation des acteurs de la démarche, mais également du transfert de compétences aux organisateurs et concepteurs des situations de travail afi n que ceux-ci tiennent compte de la prévention de la santé au-delà de la performance de l’entreprise.

Nous conclurons sur le rôle de Muska dans la pérennisation des démarches de prévention des TMS : quels avantages ? quelles limites ? *

Garrigou A., 2011, Le développement de l’ergotoxicologie : une contribution de l’ergonomie à la santé au travail, Habilitation à diriger des recherches, Université de Bordeaux, 141 p.

Escriva E., Merlin X., Thibault J.-F., 2010, The development of Muska as tool to support a long lasting MSD prevention in the workplace, in open sessions of Premus 2010, seventh International Conference on prevention of work-related musculoskeletal disorders, Angers, p. 396.

A8

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Méthodes et outils de mobilisation des entreprises

Organisateurs :Michel Aptel

Centre hospitalier régional et universitaire de Besançon, France

René BrunetLaboratoire d’ergonomie et d’épidémiologie

en santé au travail (Leest), FranceGhislaine Tougas

Institut national de santé publique au Québec (INSPQ), Canada

Nicole VézinaUniversité du Québec

à Montréal (Uqam), Canada

L’ objet de cet atelier est de rendre visible pour en discuter, les enjeux ou diffi cultés de mobiliser les acteurs de l’entreprise pour la conduire à s’engager dans la prévention des TMS. Dans ce cadre, la place des outils et des méthodes qui ont été créés, à cet effet, conçus et mis en

œuvre par les praticiens ou pour les praticiens intervenants en prévention des TMS, sera débattue. Nous discuterons plus particulièrement des outils et des méthodes qui génèrent la mobilisation des entreprises au stade initial de l’action.

Les organisateurs de l’atelier font l’hypothèse que la mobilisation est l’une des dimensions de l’intervention qu’il convient de formaliser pour gagner le pouvoir d’agir. Elle est aussi un levier pour assurer une meilleure fl uidité et durabilité de l’action. Si les outils et les méthodes propres à la genèse sont au centre des objectifs de l’atelier, il n’en demeure pas moins que la question de la mobilisation apparaît comme une dimension transversale à l’intervention

Les trois exemples présentés dans cet atelier comme le propos introductif visent à donner des points de repères pour penser cette dimension. et pouvoir en débattre. *

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A8 Méthodes et outils de mobilisation des entreprises

Introduction : mobilisation et intervention – des relations à élucider

René BrunetLaboratoire d’ergonomie et d’épidémiologie en

santé au travail (Leest), France

P oser la question des outils et des méthodes de mobilisation des entreprises pour la préven-tion des TMS à ce congrès, est-ce encore utile, et que peut nous apporter la recherche ? Attendons la fi n de l’atelier et des débats qui y seront déployés pour nous forger un début

de… « conviction ». Pour ceux qui doutent quant à l’intérêt de se préoccuper de cette dimension, prenons un instant

le soin de poser les questions suivantes ?Peut-on envisager une intervention sans mobilisation ? Est-il possible que les acteurs de l’en-

treprise s’investissent ou se mobilisent suite à l’action et concernée d’un intervenant paré d’un statut de contrôleur ou de conseil. Intervenir dans un collectif n’est pas neutre, c’est rejoindre une histoire faite de relations, d’évènements, de décisions.

Tout événement provoque du sens, précise P. Zarifi an. La rencontre crée une opportunité. Elle peut engager un processus dans lequel les protagonistes se mobilisent mais ou se démobilisent.

Peut-on envisager des interventions qui démobilisent ? Sans aucun doute. Tout intervenant est confronté à des acteurs qui dénient la réalité des TMS et les RPS et ne voient dans l’explication de ces symptômes qu’une dimension personnelle Par ailleurs, rechercher la démobilisation pour favoriser la non intervention ou son délitement n’est pas à écarter de certaines situations, certains contexte.

La démobilisation comme la mobilisation peuvent s’imposer comme un objectif prioritaire à l’intervention suivant les contextes et les situations, ou au contraire, elles peuvent venir soutenir le processus de transformation du travail.

L’hypothèse que la mobilisation soit aussi une modalité utilisée à des fi ns de non intervention, vient interroger en creux cette fonction de mobilisation pour signifi er qu’elle devrait être, de fait, une dimension opérante de l’intervention. Si, de façon presque intuitive, l’action en santé et sécurité sans mobilisation aucune n’est pas envisageable, cet atelier recherchera donc à objectiver les contours de cette fonction de mobilisation en rapport avec les initiatives ayant une visée intervenante.

La notion de mobilisation n’est pas nouvelle ; elle est polysémique. Elle fut historiquement utilisée dans des contextes historiques et sociaux puis psychologiques. L’ergonomie a privilégié l’approche participative dans les processus de transformation du travail, en considérant de façon implicite, la mobilisation comme l’une des dimensions de la méthode.

On comprend bien qu’il existe des proximités fonctionnelles entre les démarches participatives et les niveaux de mobilisation des acteurs. Cet atelier traitera aussi les formes de mobilisation des citoyens et des salariés des systèmes ou acteurs sociaux des réseaux professionnels, sans oublier celles dessinant patiemment les processus d’accompagnement. Nous nous interrogerons sur leurs relations, leurs complémentarités, et fi nalement leur organisation, à travers non seulement les moyens propres de mobilisations utilisés pour chacun de ces objectifs, mais aussi la légitime continuité de ce fl ux dont la fi nalité commune est la prévention des TMS. *

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A8 Méthodes et outils de mobilisation des entreprises

TMS : de la communication pour initier l’action...

Lionel Groléas, Inspection du travail Rhône-Alpes, France

Agnès Lebret, Pascal ÉtienneDirection générale du travail, France

A près en avoir annoncé le principe à l’issue de la conférence tripartite du 4 octobre 2007 sur les conditions de travail, Xavier Bertrand, ministre du Travail a lancé en avril 2008 une grande campagne pluriannuelle de sensibilisation et de prévention à destination des entreprises,

des salariés et des professionnels de Santé intitulée « TMS, parlons-en pour les faire reculer ».Cette première prise de paroles des pouvoirs publics sur les TMS avait comme objectif de libérer

la parole autour des TMS, de faire prendre conscience de ce sujet essentiel tant aux salariés qu’aux chefs d’entreprises, et surtout d’inciter les entreprises à passer à l’action.

À l’issue de trois campagnes annuelles, quel bilan en tirer ? Plus précisément, quelles actions conjointes ou complémentaires des préventeurs et spécialistes de la santé au travail, ces 3 cam-pagnes ont induites ? Quels impacts ont-elles eus sur les institutions (DGT, inspection du travail, partenaires sociaux etc.) et sur les entreprises ? Quels effets ont-elles produits chez les salariés à travers les questions reçues sur le site du ministère du Travail et, fi nalement, quelles perspec-tives et quelles leçons en tirer ?

Alors même que la mise en mouvement des entreprises en matière de prévention des TMS demeure diffi cile, un inspecteur du travail et la personne en charge des TMS à la DGT apporteront leur témoignage sur cette campagne à partir des cas concrets rencontrés sur le terrain. *

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A8 Méthodes et outils de mobilisation des entreprises

Mobilisation de la fi lière agroalimentaire en Rhône-Alpes

Jérôme ChardeyronCaisse d’assurance retraite et de la santé au travail

(Carsat Rhône-Alpes), France

E n préambule, présentation de l’intérêt et des enjeux d’un partenariat organisé au niveau d’une fi lière professionnelle en matière de prévention des risques professionnels : trouver des relais et mobiliser-déployer vers le plus grand nombre d’entreprises.

Identifi cation de la fi lière agroalimentairePrésentation de ses spécifi cités en termes de

Sinistralité : 1 salarié a 2 à 3 fois plus de risques d’avoir un AT et 2 fois plus de risques d’avoir un TMS que la moyenne des autres secteurs d’activité ;

Contexte et contraintes de l’activité : enjeux liés à l’hygiène alimentaire et enjeux socio-éco-nomiques très prégnants pour les chefs d’entreprise : activités et métiers très variés, avec forte exigence d’hygiène, crises très médiatisées, fortes dépendance amont (matières premières) et forte pression aval (grande distribution), diffi cultés de recrutement, de fi délisation, de qualifi ca-tion, industrie très tournée vers le produit et les savoir-faire, parfois très peu automatisée, fortes contraintes de températures et ambiances, de gestes répétitifs, de fl ux tendus…

Opportunités de mobilisation : coût AT-MP, diffi cultés de recrutement, productivité, synergie avec la méthode d’analyse des risques sanitaires ;

Acteurs : présence en région de représentations professionnelles (Aria…) , activités réparties sur 2 régimes (général et agricole), école d’ingénieurs et IUT spécialisés, centres techniques et d’accompagnement (technopôles), OPCA.

Mobilisation et actionsÀ partir de la demande émergeante de certaines entreprises ; l’identifi cation des besoins par les préventeurs ; notre connaissance des acteurs ; la volonté du représentant de la profession, cons-truction d’une action collective expérimentale pour accompagner un collectif d’entreprises ayant conduit à une capitalisation des résultats obtenus en entreprises ; ainsi qu’à une structuration du réseau des partenaires pour proposer une offre d’accompagnement aux entreprises (coordination des plans actions, création d’une identité visuelle, communication sur les rôles de chacun).

Portage de 2 autres dispositifs collectifs expérimentaux par deux des acteurs permettant une capitalisation globale des résultats obtenus.

Réfl exion en cours sur le déploiement auprès de plusieurs groupes d’entreprises, qui serait créé par le réseau de partenaires puis mis en œuvre par des relais.

3 modes d’intervention interagissent :• action en entreprise• capitalisation des expériences• déploiement par la valorisation des expériences et la diffusion d’outils pour développer

l’autonomie des entreprises.

Diffi cultés rencontrées et perspectives• Liées à la fi lière (diversité des métiers, contradictions hygiène alimentaire-sécurité, représen-

tativité et élan donné par la profession)• Liées à la mobilisation des entreprises (pérennisation des démarches et autonomie des entre-

prises)• Liées au fi nancement des actions de prévention des risques (hors expérimentation). *

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A8 Méthodes et outils de mobilisation des entreprises

Comment amener une entreprise à s’intéresser à la prévention des TMS ? Une démarche de mobilisation à la prévention des TMS

Ghislaine TougasCCPE, Agence de la santé

et des services sociaux de Montréal, Canada

L e réseau de santé publique en santé au travail est un des organismes qui œuvre, au Québec, à la prévention des lésions professionnelles. La présentation décrira d’abord l’organisation de ce réseau, sa composition et ses mandats.

Par la suite, la présentation détaillera la démarche développée, dans la région de Montréal, pour amener les acteurs-clés d’une entreprise à s’intéresser à la prévention des TMS. Précisons que trois grandes étapes visent à être franchies au cours de cette démarche. La première vise à faire reconnaître l’ampleur du problème des TMS dans l’entreprise. La seconde vise à ce que les acteurs-clés envisagent des moyens de réduire les contraintes musculosquelettiques. La troisième vise à les amener à s’engager dans un processus d’amélioration des conditions de travail. Quelques cas concrets serviront à illustrer les moyens mis en œuvre, les outils utilisés et les arguments développés pour favoriser la prise en charge des TMS par les entreprises de la région. L’articulation des différentes collectes d’information sera également décrite, tout comme les retombées de ces interventions, permettant ainsi de distinguer les interventions de mobilisation qui se situent en amont de la demande de celles qui se font en cours de conduite de projet.

La présentation abordera également les contraintes associées à la mise en œuvre de la démarche et les enjeux qu’elle sous-tend. Cet aspect de la présentation souhaite mettre en lumière le fait que les caractéristiques de l’institution peuvent moduler les moyens utilisés pour mobiliser les entreprises. *

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A9 Mise en œuvre de la pluridisciplinarité

dans l’analyse des gestes professionnels

Organisateurs : Denys Denis

Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), Canada

Adriana SavescuInstitut national de recherche et de sécurité (INRS),

France

L a pluridisciplinarité est de plus en plus pratiquée pour répondre à la réalité multifactorielle des TMS. Elle essaye de donner des réponses pertinentes face à cette maladie à composante professionnelle qui touche tous les secteurs d’activité. L’atelier va se centrer plus spécifi quement

sur l’analyse des gestes professionnels, dans la perspective où plusieurs disciplines sont amenées à donner et à partager leurs points de vue (leurs compétences et leurs expériences) sur l’analyse des gestes réalisés par les opérateurs dans un objectif de prévention.

Objectif Les objectifs de cet atelier sont de donner un aperçu de la mise en œuvre de la pluridisciplinarité dans l’analyse des gestes professionnels à partir d’exemples et de présenter des approches nova-trices en matière de recherche sur la prévention des TMS.

Ainsi les exemples présentés se concentreront sur plusieurs aspects de la pluridisciplinarité : • Les conditions requises pour et par la pluridisciplinarité,• La place de la pluridisciplinarité dans la prévention des TMS,• Les intérêts et les limites de la pluridisciplinarité.Les présentations seront suivies par une synthèse qui soulignera des points importants et

orientera les échanges avec les participants sur les questions suivantes :• Quelle place a pris la pluridisciplinarité dans les exemples présentés (démarche, outil…) ?• Quel impact de la pluridisciplinarité sur les différentes dimensions abordées (au sein d’une

entreprise, d’un groupe de travail…) ?• Comment faciliter la mise en œuvre de la pluridisciplinarité dans la prévention de TMS ?• Etc…Cette synthèse introduira les points de discussions et invitera les participants à lancer un débat

autour de la pluridisciplinarité. Ils seront invités à s’exprimer sur leurs expériences, résultats, diffi cultés, perspectives… *

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A9 Mise en œuvre de la pluridisciplinarité dans l’analyse des gestes professionnels

Démarche pluridisciplinaire pour le développement d’un outil de travail plus approprié

Jean-Claude L’huillierInstitut national de recherche et de sécurité (INRS),

FranceYvan Gigert

Eprose, France

U ne des missions de l’INRS est d’intervenir en entreprise à la demande des Carsat (Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail) et des Cram (Caisses régionales d’assurance maladie) sur des équipements de travail où persistent des problèmes de prévention de

maladies professionnelles et notamment de TMS.Dans certains cas, il y a lieu de créer une démarche de conception participative dans laquelle

l’INRS implique différents acteurs internes et externes à l’entreprise : opérateur, encadrement, chargé de prévention, fabricant... Après une étude détaillée du poste de travail, de l’activité de l’opérateur et de ses gestes, il est nécessaire de rechercher des solutions pour lesquelles il faut faire preuve de créativité. Il faut notamment sortir de la logique de contradiction entre exigences opérationnelles et prévention des risques. Pour cela, il faut mettre en œuvre différentes techni-ques basées sur une approche fonctionnelle de l’innovation (recherche d’antériorité, transfert de technologie, association et combinaison d’idées, changement de point de vue...).

L’INRS a choisi de présenter un exemple concret où apparaît le transfert de technologie d’une branche professionnelle du bâtiment vers celle de l’agroalimentaire. Bien que totalement différent, le travail de l’électricien qui utilise une pince à dénuder pour préparer ses fi ls électriques, peut s’apparenter et contribuer au besoin de l’éviscération des sardines en conserverie en substituant l’utilisation traditionnelle d’un couteau par une paire de ciseaux spécifi que.

La proposition de changer un outil, qui nécessite des gestes générateurs de TMS, par un autre moins sollicitant n’est pas une chose facile. Il faut tenir compte du geste professionnel existant, acquis parfois au bout de plusieurs années, avant de proposer un nouvel outil et un nouveau geste. La diffi culté réside surtout dans la pérennité du « savoir-faire » d’un salarié qui craint pour son emploi si n’importe qui est en mesure d’effectuer la même tâche sans expérience. *

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A9 Mise en œuvre de la pluridisciplinarité dans l’analyse des gestes professionnels

La pluridisciplinarité au service de la prévention des TMS : quand l’association entre psychologie du travail et bio-mécanique devient, pour les professionnels, support d’analyse des gestes de métier

Pascal SimonetÉquipe clinique de l’activité, CRTD, Cnam, Paris,

France Adriana Savescu, Clarisse Gaudez,

Agnès Aublet-CuvelierInstitut national de recherche et de sécurité (INRS),

Vandœuvre, FranceMuriel Van Trier

SMPP, Ville de Paris, France

C e travail présente comment une association entre psychologie du travail et biomécanique, mise en œuvre au sein de collectifs de fossoyeurs, a permis de faire du geste de métier disputé entre eux, l’un des ressorts de la prévention durable des TMS.

Plusieurs exigences devaient être remplies pour que ces deux disciplines, qui relèvent de conceptualisation et d’histoires très éloignées l’une de l’autre, puissent s’associer. En plus de la disponibilité des équipes de recherche, de la prise de recul par rapport à leurs propres pratiques de terrain et/ou de recherche, de l’ouverture des uns par rapport aux autres, il était nécessaire de trouver un point de réfl exion commun. Ces deux disciplines ont en commun de placer l’activité des opérateurs au premier plan des préoccupations partagées. Leur association a permis de discuter différentes approches du geste et de rendre les opérateurs acteurs de la prévention des TMS.

L’action pluridisciplinaire, mise en œuvre auprès des fossoyeurs, puisait son sens dans leur demande de poursuivre l’analyse de l’activité de creusement d’une fosse, en se focalisant sur un geste particulier : le geste du « jeté arrière ». Ce geste de métier est reconnu par les fossoyeurs comme étant particulièrement complexe à exécuter, et par le médecin du travail comme poten-tiellement pathogène pour les épaules et le bas du dos.

Le cadre pluridisciplinaire associant les résultats de l’analyse biomécanique à la méthodologie d’intervention clinique de l’activité a été pensé comme un support d’analyse du geste de « jeté arrière » pour les fossoyeurs. Ces derniers se sont saisis de cette association pluridisciplinaire comme moyen de débattre des obstacles rencontrés dans les modalités d’exécution de ce geste. On peut dire qu’il a été fait un usage instrumental du dispositif pluridisciplinaire d’analyse de l’activité. Cette instrumentation a favorisé l’émergence de connaissances nouvelles sur le geste étudié. Ainsi, cette association entre la biomécanique et la psychologie du travail a permis des avancées tant sur la question du geste que sur celle du rapport entre geste et prévention durable des TMS. Ce geste qui était considéré comme une source potentiellement pathogène est devenu un objet de dialogues et parfois de controverses gestuelles entre fossoyeurs. L’examen collectif des différentes alternatives pour une exécution de qualité a fi ni par devenir l’un des ressorts de la prévention durable.

C’est dans cette perspective que la démarche engagée se poursuit au sein de l’organisation du travail. En effet, d’une part la hiérarchie directe et éloignée, voyant initialement les fossoyeurs comme «problème» dans la survenue des TMS, a progressivement convenu que leur activité était une ressource indispensable sur laquelle s’appuyer pour organiser la prévention pérenne des TMS. D’autre part, le médecin du travail a vu le contenu des consultations avec les fossoyeurs passer de la préoccupation « d’éviter les gestes pathogènes » à la discussion sur « comment faire un geste autrement », effi cient, développant ainsi la palette gestuelle. Enfi n, cette action a produit des suites inattendues. Alors que tous les participants, fossoyeurs, hiérarchie, chercheurs et médecins du travail avaient prévu de travailler à la construction d’un référentiel de gestes de métier (objectif qui tarde à prendre forme), une autre action sur les risques biologiques est venue solliciter d’autres fossoyeurs. Ces derniers, s’inspirant de leurs collègues ayant travaillé sur le geste du « jeté arrière », ont su imposer des modalités participatives sur la base de la construction d’un nouveau collectif pour s’engager dans cette action. *

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A9 Mise en œuvre de la pluridisciplinarité dans l’analyse des gestes professionnels

Du mouvement à la représentation du travail, collaboration pluridisciplinaire dans un CAT

Arnaud DésarménienSanté au travail, Le Mans, France

L’ observation de cas de plaies et de coupures sur les mains des opérateurs d’ébavurage d’un CAT a conduit le médecin du travail à solliciter l’intervention d’un ergonome du service de santé au travail.

Un premier échange entre le médecin, l’ergonome et l’entreprise a permis de cerner le périmètre de l’intervention : analyser les gestuelles afi n de déterminer les principaux facteurs de risque et leurs déterminants en vue de la prévention de ces risques.

Les observations réalisées par l’ergonome lors de la phase de pré-diagnostic ont mis en évidence l’existence de deux principales typologies de gestes et de mouvements réalisés par les opérateurs. Une grille d’observation spécifi que a été construite pour l’analyse de la gestuelle à partir de séquences vidéo. Le recoupement avec les données santé issues de l’activité du médecin du travail (présence ou non et degré de plaies/coupures, douleurs et pathologies articulaires au niveau des membres supérieurs) a révélé une corrélation entre ces données et le type de gestuel adopté.

Dans une deuxième phase, des échanges collectifs entre plusieurs opérateurs, leur encadrant, l’ergonome, une chargée de mission de l’aract ont montré que l’adoption du type de gestuel était plus reliée à la représentation de l’activité par les opérateurs (qualité, quantité à produire) qu’aux capacités intellectuelles et physiques des opérateurs. Ces échanges ont également permis de dégager des pistes d’améliorations aussi bien matérielles qu’organisationnelles. *

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A9 Mise en œuvre de la pluridisciplinarité dans l’analyse des gestes professionnels

Préparer le Lys des Incas en qualité et en sécurité : une intervention pluridisciplinaire dans le secteur de la fl ori-culture colombienne

Nelcy ArevaloErgoIDEAL, Colombie

G rupo Chía, premier producteur-exportateur colombien de fl eurs coupées, nous a sollicité en qualité de conseiller ergonome externe afi n d’intervenir au sein des quatre entreprises du groupe chargées de la production de la variété alstroemeria (ou Lys des Incas). L’objectif

était d’identifi er les meilleures pratiques permettant l’obtention d’un produit de qualité, ceci dans le respect de la santé d’opérateurs fortement exposés au risque TMS dans ce secteur d’activité majeur du pays.

En collaboration avec le service de santé au travail du groupe demandeur, nous avons mis en place un collectif d’études pluridisciplinaires et pluri-acteurs. Celui-ci était composé du médecin du travail, de l’ingénieur qualité et de l’ingénieur technique du groupe ainsi que, pour chaque entreprise participante, des responsables ressources humaines (psychologues) et techniques, des ingénieurs de production et d’exportation, de la maîtrise et d’ouvriers volontaires.

La préparation des « alstro » s’effectue par arrachage individuel des plants, chargement sur les charriots de récolte, déplacement prédéfi ni dans les zones de plantation, empaquetage des fl eurs et évacuation des déchets. L’analyse de l’activité, conduite selon les principes et méthodes de l’ergonomie francophone, s’est principalement concentrée sur les deux premières opérations. On observait en effet pour celles-ci de nombreux dépassements des indices de répétitivité du mouvement de l’épaule ainsi que des angulations excessives de l’épaule et de la main, associées à des inclinaisons antérieures importantes et répétées de la colonne vertébrale.

Toutes les propositions et recommandations prenaient en compte aussi bien les contraintes technologiques et organisationnelles (pour lesquelles les ingénieurs et responsables techniques ont été plus particulièrement mobilisés) qu’humaines (objet des analyses effectuées). À noter que la participation de la maîtrise et des ressources humaines a été plus particulièrement mobilisée pour la phase aval de mise en application des recommandations. *

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A9 Mise en œuvre de la pluridisciplinarité dans l’analyse des gestes professionnels

L’approche du geste dans un groupe aéronautique, construction de la pluridisciplinarité et développement de la prévention à partir d’un dispositif de formation

Michelle Bassargette, Sylvie Martin-Boulineau, Sonia Sutter

Air France, FranceOlivier Decourcelle

Ergos-concept, FranceLaurent Guisot

Groupe Servair, France

L a communication porte sur la présentation d’une démarche de formation, l’une des actions de prévention des TMS déployées dans le groupe Air France.

Nous prendrons appui sur la genèse d’une démarche de formation à la prévention des TMS initiée en 2003 dans le fret Aérien d’Air France. Cette démarche, déclinée en mode projet et nommé Prados (prévention des accidents du dos), est pilotée par le médecin du travail du secteur et s’appuie sur un comité de pilotage multidisciplinaire.

Nous détaillerons en particulier les modalités d’analyse des situations de travail, socle de la formation élaborée à destination des agents dont l’activité principale est la manutention aéropor-tuaire. Progressivement les membres du comité de pilotage ont discuté de l’expertise gestuelle des opérateurs et de sa transmission. Par la suite, dans la construction de la formation avec les opérateurs, la notion d’économie gestuelle et posturale est apparue plus pertinente et constitue désormais une notion partagée dans le secteur.

Néanmoins, au cours du temps, des freins à la pérennisation de la démarche sont apparus. Nous présenterons les débats et les arbitrages qui furent nécessaires face aux évolutions organisation-nelles modifi ant les gestes professionnels acquis précédemment. L’ambition de démultiplication de la démarche au sein du groupe, y compris les fi liales, a été confrontée à un contexte défi ni par un nombre d’accidents du travail en augmentation sur un fond de crise économique.

Plus généralement, le développement de cette formation axée sur le geste professionnel et menée en pluridisciplinarité, nous en dévoile également des limites. Une culture de prévention durable des TMS dans le groupe doit reposer sur une démarche plus globale qui articule notamment le geste professionnel avec un volet organisationnel. *

Mots clés : économie gestuelle et posturale, formation, prévention TMS, évolution de la culture d’entreprise en matière de prévention

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La surveillance épidémiologique et le suivi des statistiques en entreprise : comment les « chiffres » peuvent-ils aider à orienter la prévention des TMS ?

Organisateurs : Catherine Ha

Institut de veille sanitaire (InVS), FranceSusan Stock

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et Université de Montréal, Canada

Évelyne EscrivaAgence nationale pour l’amélioration des conditions

de travail (Anact), France

IntroductionLes résultats de la surveillance épidémiologique et le suivi des statistiques en entreprise permet-tent de repérer les populations à risques de TMS. La description de l’incidence et de la prévalence des principaux TMS et des facteurs de risque, ainsi que la description du suivi de leur évolution au cours du temps, contribuent à informer les acteurs de la prévention et de la santé au travail. Ces informations peuvent être utiles pour les pouvoirs publics, les professionnels de la santé au travail, les entreprises et les employeurs, les représentants des travailleurs et autres partenaires sociaux, les caisses d’assurance maladie, etc. Elles permettent de rendre le poids des facteurs professionnels plus visible dans le débat social et peuvent par ailleurs être utiles à une meilleure défi nition des politiques publiques et à l’identifi cation des priorités d’interventions préventives ainsi que des critères de reconnaissance et de réparation.

Le traitement de données de santé en entreprise, intégrant une approche populationnelle, donne quant à lui un éclairage sur une situation singulière d’un établissement confronté à la survenue de TMS (étendue, gravité des symptômes et des effets, populations exposées, fragilisées…). Cette source de connaissances peut alimenter la réfl exion des acteurs dans leur démarche de prévention de TMS au cours du temps (alerte, suivi) et contribuer ainsi à son effi cacité (analyse de la situation, évaluation des actions).

ObjectifsCet atelier a pour objectifs de présenter :• des sources de données de surveillance épidémiologique dans plusieurs régions francophones

(Québec, Algérie, France) et l’application de certains résultats par des réseaux de préventeurs au niveau national, régional ou local pour favoriser la prévention des TMS.

• des pratiques d’entreprises et d’organismes de prévention dans l’usage des données quantifi ées accompagnant les démarches de prévention des TMS. *

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Construction d’indicateurs synthétiques à partir des données de surveillance épidémiologique des TMS

Catherine Ha, Julien Brière, Julie Plaine, Natacha Fouquet, Ellen Imbernon,

Département santé travail, InVS, Saint-Maurice, France Yves Roquelaure, Natacha Fouquet

Leest–Unité associée InVS, Angers, France

IntroductionUn programme de surveillance épidémiologique, mis en œuvre depuis 2002 dans la région des Pays de la Loire, a parmi ses objectifs d’estimer l’incidence et la prévalence des TMS dans la population générale et celle des travailleurs, d’évaluer les niveaux d’exposition aux facteurs de risque professionnels et la proportion de cas attribuables au travail, selon le sexe, l’âge et les caractéristiques profession-nelles. Ce programme a largement contribué à mieux décrire la morbidité liée aux TMS, description jusqu’alors essentiellement basée sur les statistiques de reconnaissance en maladie professionnelle. Des travaux sont engagés pour construire des indicateurs synthétiques, couvrant les aspects suivants : (i) impact sur la santé (fréquence des TMS, fractions de risque attribuables au travail) ; (ii) exposition aux facteurs de risque ; (iii) réparation (reconnaissance en maladie professionnelle, indemnisation). Ces indicateurs se placent au cœur d’une réfl exion sur la manière dont on peut synthétiser de façon compréhensible et fi able les résultats issus de l’épidémiologie afi n que les acteurs de la prévention des risques professionnels (pouvoirs publics, partenaires sociaux, professionnels de la santé au travail, entreprises et employeurs, caisses d’assurance maladie…) puissent se les approprier.

MéthodeLes fractions de risque de syndrome du canal carpien (SCC) attribuables au travail pour une catégorie professionnelle représentent la proportion des cas observés dans l’ensemble de la population qui serait évitée si cette catégorie professionnelle ne présentait pas un excès de risque par rapport aux autres. Leurs fourchettes ont été estimées pour la France métropolitaine en utilisant les intervalles de confi ance des risques relatifs observés dans l’étude conduite dans le Maine-et-Loire portant sur 1 168 patients pour lesquels un diagnostic électromyographique de SCC a été porté entre 2002 et 2004.

Les indicateurs d’exposition au risque de TMS sont issus, quant à eux, des données d’un échan-tillon de 3 710 salariés tirés au sort par les 83 médecins du travail des Pays de la Loire participant au programme de surveillance. Des scores ont été construits pour décrire la fréquence des expositions à plusieurs facteurs de risque, biomécaniques et psychosociaux, de TMS.

RésultatsÀ titre d’exemple, quelques résultats sont présentés dans ce résumé. Les fractions de risque attribuable au travail en France sont pour le SCC comprises entre 16 % et 33 % pour les femmes employées, entre 8 % et 16 % pour les ouvrières, entre 30 % et 56 % pour les ouvriers.

Parmi les salariés de la région des Pays de la Loire, 24 % des femmes et 19 % des hommes sont exposés à la fois à au moins une posture extrême plus de 2 heures par jour et à une répétitivité élevée plus de 4 heures par jour, et 20 % des femmes et 17 % des hommes sont exposés à la fois à ces deux facteurs et à un travail en force plus de 2 heures par jour.

DiscussionCes indicateurs peuvent aider les entreprises à prioriser, mettre en œuvre et évaluer les actions de prévention. Pour améliorer leur fi abilité et les rendre plus utiles, il est nécessaire de vérifi er avec d’autres données la validité des estimations utilisées, de produire ces indicateurs à un niveau plus détaillé des secteurs économiques et des professions, de les produire périodiquement, d’en produire pour d’autres TMS tels que le syndrome de la coiffe des rotateurs et la hernie discale lombaire qui, comme le SCC, peuvent être considérés comme des traceurs épidémiologiques des TMS du membre supérieur et des lombalgies. *

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La surveillance épidémiologique des TMS au Québec et son application pour favoriser la prévention des TMS par le Réseau québécois de santé publique en santé au travail

Susan StockInstitut national de santé publique du Québec,

Université de Montréal, CanadaPaule Pelletier

Direction de santé publique de Montérégie, Canada

Contexte de la santé au travail et de la prévention des TMS au QuébecDepuis 30 ans au Québec, la santé au travail (SAT) fait partie de la santé publique. Les activités de la SAT comprennent, notamment, la surveillance de l’état de santé de la population québécoise, inscrite dans la Loi sur la santé publique et d’autres lois de santé et sécurité du travail. La SAT au Québec consiste en un grand réseau, le Réseau de santé publique en santé au travail (RSPSAT), qui a trois paliers : provincial, régional et local ; chacun composé de différents acteurs ayant des mandats qui leur sont propres mais dont les activités sont interdépendantes. Au niveau provincial, ce réseau est sous l’autorité du ministère de la Santé et des services sociaux du Québec (MSSS) et inclut l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), la Table de concertation nationale de santé au travail (TCNSAT) et le Comité provincial des représentants régionaux en ergonomie (CPRE). Chacune des 18 régions socio-sanitaires du Québec a une équipe régionale de santé au travail ainsi qu’une à sept centres de santé et des services sociaux locaux désignés en santé au travail avec des équipes locales de SAT, composées de médecins, d’infi rmiers, de techniciens en hygiène et, occasionnellement, d’ergonomes. Le Réseau travaille de concert avec la Commission de santé et sécurité du travail du Québec (CSST) qui lui confi e, par contrat, le mandat de prévention des maladies professionnelles dans certains secteurs et fournit les budgets des équipes régionales et locales de SAT. La complexité de cette structure teinte les défi s à relever lors des interventions dans les milieux de travail.

La prévention des TMS liés au travail est une priorité du Programme québécois (national) de santé publique 2003-2012, ainsi qu’une priorité d’action du Plan stratégique 2010-2014 de la CSST. Au niveau provincial, l’INSPQ, par le biais de son Groupe scientifi que sur les troubles musculosque-lettiques liés au travail (GS-TMS), mène, depuis 2001, des activités de surveillance épidémiologique et de recherche pour, entre autres, établir l’ampleur de la problématique des TMS et suivre son évolution, mieux comprendre les combinaisons de facteurs de risque associés à différents types de TMS et identifi er les groupes de travailleurs les plus à risques qui pourront être ciblés pour des interventions de prévention. Ces activités de surveillance et de recherche s’intègrent également dans une programmation provinciale de la prévention des TMS liés au travail du RSPSAT (Stock et al, 2006). Elles incluent le développement et l’analyse des enquêtes de santé et des conditions de travail, l’analyse des données d’indemnisation de lésions professionnelles et le développement d’outils de surveillance active des TMS ainsi que des études sur la prévention des TMS.

D’autre part, les équipes locales ont pour mandat l’identifi cation des risques pour la santé des travailleurs et la recommandation d’activités de prévention au sein de Programme de santé spécifi que à un établissement (PSSE), ceci conformément au mandat confi é par la CSST. Depuis deux ans, dans plusieurs régions du Québec, les risques de TMS sont plus rigoureusement identifi és et inscrits aux PSSE. Cependant, présentement, les établissements de seulement 15 des 32 secteurs d’activités économiques du Québec, établis comme « prioritaires » par la CSST il y a 30 ans, bénéfi cient des services des équipes de santé au travail et possèdent des PSSE.

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Sources de données de surveillanceLes différentes sources de données de surveillance des TMS permettent l’identifi cation de divers groupes à risques de TMS à cibler pour des interventions de prévention. Par exemple, l’analyse des données annuelles des lésions professionnelles indemnisées par la CSST permet d’estimer le nombre total et le taux d’incidence de cas de TMS indemnisés et leur durée, selon le sexe, l’âge, le sous-secteur et le type de profession, ainsi que leur évolution au cours des années. Mais les cas indemnisés ne représentent que la partie émergée de l’iceberg de la prévalence des TMS. Les données d’enquêtes populationnelles (ex : Enquête québécoise sociale et de santé de 1998 auprès de 11 750 travailleurs, Enquête québécoise sur des conditions de travail, d’emploi, de santé et de sécurité du travail, réalisée en 2007-2008 auprès de 5 000 travailleurs, Enquête québécoise de la santé de la population réalisée en 2008 auprès de plus de 20 000 travailleurs) nous permettent de mieux estimer l’ampleur réelle des TMS et des absences au travail associées, ainsi que d’explorer les liens entre les expositions professionnelles et les TMS.

Application des données de surveillance pour cibler les interventions : défi s et perspectivesLe RSPSAT cherche à utiliser les données de surveillance disponibles afi n de mieux cibler les acti-vités de prévention de TMS, cela dans les limites de son mandat. Ainsi, les méthodes de recherche élaborées par le GS-TMS pour étudier l’ampleur des TMS au niveau provincial ont été adaptées par l’équipe de surveillance en santé au travail de l’INSPQ et un comité de représentants régionaux, pour permettre des estimations de l’ampleur des TMS indemnisés par la CSST et l’identifi cation, dans chacune des régions du Québec, des sous-groupes à risque. Un exemple concret d’utilisation de ces données par une équipe régionale permettra d’illustrer notre propos : la mise sur pied d’un projet pilote de prévention des TMS lors des tâches de manutention dans deux secteurs d’activités.

L’identifi cation des sous-groupes à risque de TMS par la surveillance peut favoriser d’autres pistes d’action, nécessitant une réorganisation, du moins partielle, du mode de fonctionnement. Par exemple, la mise sur pied des programmes spécifi ques d’intervention dans des secteurs d’activités économiques les plus à risque même s’ils ne sont pas ciblés actuellement par les PSSE. De même, les résultats des enquêtes montrent la contribution des combinaisons de contraintes physiques, organisationnelles et psychosociales à la genèse des TMS et suggèrent que les intervenants des équipes locales doivent agir sur l’ensemble de ces contraintes.

Plusieurs idées novatrices pour l’intervention découlent des données de surveillance. Toutes ces perspectives impliquent le développement de nouveaux outils spécifi ques pour l’intervention, et de programmes de formation pour les milieux de travail, mais aussi pour les intervenants des équipes locales de santé au travail. De plus, nous devrons surmonter les défi s organisationnels et structurels qui empêchent ou ralentissent l’utilisation des données de surveillance par les équipes régionales et locales ou l’implantation des activités de prévention ciblées. *

Stock S, Caron D, Gilbert L, Gosselin L, Tougas G, Turcot A., La prévention des troubles musculosquelettiques : réfl exion sur le rôle du réseau de santé publique et orientations proposées pour la santé au travail. Institut national de santé publique du Québec, 2006

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Les enjeux de la surveillance des TMS en Algérie

Othmane Ghomari, Benali Beghdadli, Abdelkrim Kandouci

Laboratoire de recherche en environnement et santé, Université Djilali Liabes, Sidi Bel Abbès, Algérie

E n Algérie, les TMS n’apparaissent pas comme une préoccupation majeure de santé au travail. Avec un seul régime général pour les salariés, la réparation des maladies professionnelles (MP) est régie par 85 tableaux et aucun d’entre eux ne correspond aux TMS. Ceux-ci ten-

dent à s’accroître du fait probablement de la délocalisation des entreprises et du développement économique et industriel, mais l’ampleur du phénomène TMS n’est pas connue. Les seules études transversales menées jusqu’à présent (la plus importante a porté sur une population de 1 750 salariés) concernent quelques secteurs fortement exposés. Ces études montrent des prévalences élevées en matière de plaintes et de TMS avérés. Cependant, elles n’ont pas eu d’impact en termes de politiques publiques. Néanmoins, en 2010, le conseiller du ministre du travail, lors de son allocution aux journées de santé au travail, a clairement rapporté l’urgence de réviser les tableaux de MP en considérant les TMS comme une priorité.

Par ailleurs, la politique d’aide sociale du pays empêche le licenciement des salariés. Ainsi, les répercussions fi nancières des TMS sont supportées par les entreprises (baisse de productivité…) d’une part, et par le système de soins (rhumatologie, rééducation) d’autre part.

La surveillance médicale des salariés est une obligation réglementaire en Algérie. Il n’existe pas de service interentreprises, les services de santé au travail sont implantés dans les Centres hospitaliers universitaires (CHU) et les polycliniques du secteur de la santé publique. Les grandes entreprises possèdent leurs propres services.

Ayant constaté, dans notre service de santé au travail, une augmentation des plaintes et des TMS avec arrêt de travail, nous avons expérimenté, en 2008, la mise en place d’une surveillance épidémiologique des TMS du membre supérieur en adaptant le protocole de surveillance en entre-prise des Pays de la Loire en France1. Cette surveillance a été menée, grâce à la participation de 11 médecins du travail, sur un échantillon de 933 salariés de huit entreprises, relevant de secteurs industriels et agroalimentaires2. Près d’un salarié sur deux et un salarié sur quatre ont souffert de symptômes musculosquelettiques respectivement au cours des 12 derniers mois et des sept derniers jours. La prévalence des TMS diagnostiqués était élevée : 12 % des salariés avaient au moins une forme avérée de TMS du membre supérieur, 6,3 % un syndrome de la coiffe des rotateurs, 2,8 % un syndrome du canal carpien, 1,8 % une épicondylite latérale. Un salarié sur deux était exposé à au moins deux facteurs de risque au niveau du membre supérieur. Les résultats montrent des prévalences similaires à celles rapportées dans d’autres pays3.

Nous avons identifi é certains freins lors de la mise en œuvre de cette surveillance : conditions d’accès aux entreprises (autorisation de l’employeur, sensibilisation des salariés), mobilisation et formation des médecins du travail…

Le défi est de pouvoir structurer notamment les médecins du travail en réseaux de surveillance locorégionale, afi n de disposer de chiffres fi ables et actualisés. C’est un préalable indispensable à l’établissement et au pilotage d’une politique de prévention des TMS. La surveillance des TMS demeure un dispositif phare dans l’arsenal de la prévention, susceptible d’infl uencer les politiques de prévention à tous les niveaux. *

1 Ha C, Roquelaure Y., Réseau expérimentale de surveillance épidémiologique des troubles musculosquelettiques dans les Pays de la Loire. Protocole de la surveillance dans les entreprises (2002-2004), mai 2007, 84 p. [http://www.invs.sante.fr/publications/2007/protocole_tms_loire/protocole_tms_loire.pdf]

2 Ghomari O et al., « Surveillance épidémiologique des troubles musculo-squelettique du membre supérieur en entreprises dans l’Ouest Algérien ». Arch Mal,Prof, Envir,2010,71,781-9.

3 Ha C, Roquelaure Y, Leclerc A, Touranchet A, Goldberg M, Imbernon E. « The French Musculoskeletal Disorders Sur-veillance Program: Pays de la Loire Network ». Occup Environ Med 2009; 66:471-9.

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Stivab, une étude pluridisciplinaire sur la santé et les conditions de travail dans la fi lière viande bretonne. Quelles diffi cultés à mettre en débat les résultats et à passer de l’étude à l’action ?

Patrick MorisseauMutualité sociale agricole des Portes de Bretagne

Adeline PorninCaisse centrale de la Mutualité sociale agricole

(CCMSA)

L a Bretagne regroupe près de 30 % de l’effectif salarié national de la fi lière viande (bovine, porcine, volaille). En 1999, environ 6 000 salariés, répartis sur 16 entreprises de 40 à 1 300 sala-riés, dépendaient du régime agricole. Les entreprises de la fi lière s’accordaient alors pour dire

qu’il existait des diffi cultés majeures concernant la santé des salariés, les conditions de travail, le recrutement, la fi délisation, et que tout cela générait une mauvaise image de marque. Des actions avaient déjà été menées au sein des entreprises, mais étaient jugées insuffi santes.

Dans ce contexte, un groupe pilote régional composé de médecins du travail et de conseillers en prévention des caisses de MSA a été créé en 2000 à l’initiative du Comité régional de protection sociale des salariés agricoles pour comprendre les diffi cultés de cette fi lière et proposer des actions de prévention.

Face à cette demande complexe, le groupe pilote s’est adjoint l’aide d’experts scientifi ques pour mettre en place une étude pluridisciplinaire sur la santé et les conditions de travail des salariés des 16 entreprises bretonnes de traitement de la viande du régime agricole.

Cette étude a articulé des approches épidémiologique, ergonomique et de psychodynamique du travail menées parallèlement de 2003 à 2004. Outre les rapports spécifi ques de chaque disci-pline, la volonté était d’aboutir à un rapport transversal rendant compte de la complémentarité des résultats et servant de support à leur présentation.

Lors de leur restitution aux entreprises et à la fi lière en 2005 et 2006, une partie des résultats a été mal perçue, ne permettant pas de rendre public le rapport transversal. Le rapport épidémio-logique a été publié par l’Institut de veille sanitaire (InVS) en 2007. Les résultats ont cependant produit des effets tant au niveau des entreprises du territoire que des préventeurs.

Comment les entreprises, qui ont participé à cette étude, se sont-elles emparées des résultats malgré les diffi cultés rencontrées ? Quels éléments les préventeurs utilisent-ils ? Et comment utilisent-ils les résultats d’une étude pour faire de la prévention ? *

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Les affections péri-articulaires et les données « chiffrées » dans l’entreprise

Joël Maline, Daniel Depincé Association régionale pour l’amélioration des

conditions de travail, Aract Basse-Normandie, France

L es nombreuses études réalisées sur la problématique des affections péri-articulaires montrent qu’elles sont, entre autres, les symptômes de dysfonctionnements inhérents à l’organisation du travail en vigueur dans l’entreprise. Cela implique donc, pour comprendre la situation,

qu’un regard particulier soit porté vers l’entreprise et sur les différentes sources d’informations qui existent en son sein. Les données sont spécifi ques à chaque entité, l’entreprise elle-même, mais également ses secteurs d’activité. Elles proviennent de différentes sources : les services en charge des ressources humaines (âge, ancienneté, absentéisme, nature des formations et quantité...), de la sécurité et de la santé (AT, MP, questionnaires, grilles médicales…), de la production (évolution, catégorisation…) et de la qualité (rebuts, réclamations clients…). Un inventaire non exhaustif des principales données, ainsi que les modalités de leur recueil en entreprise, seront présentés.

Les différentes façons d’utiliser les données seront présentées selon trois types d’usage :• Les données comme outil de médiation, au sens d’élément d’information servant de point de

départ à un raisonnement : l’utilisation de ces données ne sert pas à établir la vérité, mais sert de « point de départ » à la mise en place d’une réfl exion avec les acteurs de l’entreprise afi n de construire leur sens, envisagé de façon rétrospective (mise en place de prévention curative) ou prospective (projet de transformation des caractéristiques du travail).

• Les données comme outil d’intervention, au sens d’élément donné servant à résoudre un pro-blème : au cours d’une intervention, les données collectées dans les différents services, ainsi que les données issues de l’analyse du travail, ne se suffi sent pas à elles-mêmes pour bien compren-dre la problématique. Il est donc nécessaire de les mettre en relation lors du traitement et de l’interprétation. Il s’agit tout d’abord de croiser les données collectées entre elles (par exemple, âge/ancienneté/pathologies/secteurs d’activité), et dans un second temps, de les relier avec les conditions de réalisation du travail.

• Les données comme outil de suivi, au sens de représentation d’une information en vue d’un traitement automatique : à l’issue d’une intervention, les données révélées — indicateurs ou résultats — constituent des traces qui peuvent être à l’origine de tableaux de bord qui permet-tront de suivre l’évolution de la problématique au niveau de l’entreprise.La mise en relation de données spécifi ques et celles issues de l’analyse du travail présente un

certain nombre d’avantages (ciblage des lieux d’origine des TMS, dimensionnement de l’ampleur du sujet TMS, éclairage sur le déni, etc.) qui permettent à l’entreprise de se mettre en mouve-ment. Deux interventions en entreprises (l’une en rétrospectif, l’autre en prospectif) serviront d’exemples. *