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Fiche technique

France - 1959 - 1h35

Réalisateur : François Truffaut

Scénario et dialogues : François Truffaut etMarcel Moussy

Images :Henri Decae

Musique :Jean Constantin

Interprètes :Jean-Pierre Léaud(Antoine Doinel)Guy Decomble(le prof)Albert Rémy(M. Doinel)Patrick Auffray(René)Claire Maurier(Mme Doinel)Jacques MonodJeanne MoreauJean-Claude Brialy

Dossier n°104 Mai 1996

LES QUATRE CENTS COUPSde François Truffaut

Résumé

Antoine Doinel est un écolier parisien detreize ans, rêveur et turbulent. Son pèreadoptif est un brave homme que son épou-se trompe ouvertement. Le garçon, enmanque d'affection, sèche les cours encompagnie de son copain René. Un jour,pour justifier son absence, il prétexte quesa mère est morte. La supercherie décou-verte, c'est l'engrenage de l'illégalité.Provocations, fugues, menus larcins sesuccèdent. Avec l'accord des parents, lejuge des mineurs décide de le placer dansun centre d'observation pour délinquants.La discipline est rude et Antoine ronge sonfrein. Un jour de sortie, il s'évade et courtjusqu'à la mer.

Analyse de l'œuvre

Ce qui frappe en effet dans cette chro-nique d’un garçon de 13 ans, sevréd’affection familiale, que la pente fataledes fugues, des petites blagues, puis desvols dangereux et si naïfs encore, feraéchouer en maison de redressement, c’estune sincérité profonde, mieux, une fer-veur, qui entraînent presque sûrementl’originalité. Celle-ci se manifeste par unrefus très net des conventions et des cli-chés, qui font de l’enfant cinématogra-phique une petite bête pourrie de ticsd’acteur et de mots d’auteur (cf. Aurencheet Bost dans Jeux interdits) qui loge enun «monde merveilleux» coupé du réel,héritier de cette fausse poésie «GrandMeaulnes» par laquelle les adultes substi-tuent un univers fabriqué à une réalitéqu’ils ignorent. Truffaut, lui, s’est penchéavec beaucoup de tendresse - et avecl’émotion du souvenir - sur ce no man’sland si méconnu, entre la prime jeunesseet l’adolescence, sur cet âge où l’on aencore de charmants réflexes de gosse et

Jean-Pierre Léaud (Antoine Doinel)

www.abc-lefrance.com

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SOMMAIRE

Fiche technique p 1

Résumé p 1

Analyse de l’œuvre p 1

Propos du réalisateur p 3

Les 400 coups du père FrançoisMarcel Moussy p 4Des enfants. Pourquoi ? Comment ?La scène de la psychologue

Une méthode de travail p 5

La mère d’AntoineLe père d’AntoineAntoine p 6René

L’interrogatoire par la psychologue p 7

Vibration

François Truffaut

Filmographie p 8

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un langage d’homme plus sérieux que leshommes, sur ce cas pas tellement rare d’unenfant qui n’est pas un martyr, mais qu’uneincompréhension plus féroce peut-être que descoups réduit à la solitude ; et c’est ce que tra-duit et ramasse, avec une intensité rarementatteinte, après de nombreuses touches épar-pillées, la scène bouleversante de la confes-sion.Mais poser ainsi, à propos d’un cas particulier,certains problèmes d’ordre moral ou social(carence des parents, dureté du centre derééducation) n’a pas entraîné Truffaut à la ten-tation du réquisitoire, avec effets mélodrama-tiques et thèse bavarde, où l’on sacrifie àgrand fracas quelques anges aux figures sales,pour que leurs petits cousins ne voient plusjamais cela. Il a préféré (aidé par des dialoguesextrêmement directs de Marcel Moussy) lais-ser vivre devant lui Antoine Doinel, écolier unpeu chapardeur, un peu menteur, «comme toutle monde», qui passe insensiblement desexcuses fausses, des farces anodines, des volspour rire (le réveil), des fugues d’un jour, à uncoup, plus sérieux, et à l’internement. Ainsi setrouve tout naturellement créé le rythme dufilm, d’un «tempo» assez allègre, semé degags et d’embryons de sketches, à une secon-de partie où alternent scènes de violencesèche et séquences d’une émouvante fluiditépoétique (le voyage en fourgon cellulaire,parmi le néon des enseignes et des manègeset surtout le merveilleux mouvement final à laMurnau qui offre à l’enfant évadé les grandesvacances marines dont il a tant rêvé : conclu-sion plastique qui élude adroitement une finmélodramatique).La poésie n’est que la plus séduisante des qua-lités multiples qui, de la sincérité première,rejaillissent en gerbe : la justesse du geste(Antoine buvant son lait) ; l’art de conduire unescène et de signifier beaucoup à partir de peu(la récitation à l’école, la cuisson des œufs) ; lesens de l’ambiguïté (plaisir terrifié du guignolet du rotor), des détails vrais et baroques (ledébarbouillage dans la fontaine, la cage où l’onprotège les petites filles des méchants garne-ments) ; le refus d’insister, par des effets exté-rieurs, sur des scènes dont la dureté apparaîtavec plus de relief à la sèche narration (le com-missariat, l’arrivée au centre) ; le plaisir enfinde faire du cinéma, de rendre hommage, pardes sortes de rappels visuels, aux cinéastesadmirés (le professeur qui perd ses élèves, lesgendarmes qui semblent marquer le pas),moins par citation expresse qu’en vertu d’uneinstinctive germination des souvenirs. Toutcela est servi par une technique très variée,

d’autant plus éblouissante qu’elle ne seremarque pas, ce qui est la vraie élégance ;qu’un travelling latéral nous force à fuir avecAntoine, qu’un lent panoramique découvretoute la beauté du monde, qu’un expressifemploi du téléobjectif dépayse pour nous lavision de Paris, c’est toujours la maîtrise d’unstyle entièrement adéquat à son objet. Cetteabsence d’artifice est encore accrue par l’inter-prétation de Jean-Pierre Léaud, suprême atoutd’un film après lequel on a l’impression d’avoirdécouvert enfin, sur un écran, l’enfance sansmaquillage.

Michel FlaconCinéma 59 n°37 Juin 1959

Propos du réalisateur

Les 400 coups du père François

Il s’agissait d’abord d'un projet de court-métra-ge de 20 minutes intitulé La fugue d’Antoine.J’avais I’intention de tourner une série desketches consacrés à l’enfance, et devais fairecelui-ci avant Les Mistons, lorsque j’ai ren-contré Gérard Blain, qui était alors sans travail,et m’a demandé de faire Les Mistons immé-diatement. Il se trouve que, de tous mes pro-jets, Les Mistons était le seul qui ne soit pasvraiment de moi : c’était l’adaptation d’unenouvelle de Maurice Pons, Les virginales, quicomportait un commentaire d’un ton assez lit-téraire. Lorsque Les Mistons ont été termi-nés, d’abord je n’ai pas trouvé d’argent pourtourner mes autres courts-métrages, et de plusje trouvais qu’ils étaient trop différents de mesautres projets, tous plus ou moins autobiogra-phiques ou tirés de faits divers, et que je nevoulais pas mélanger avec Les Mistons.L’idée de La fugue d’Antoine qui, au départ,était l’histoire d’un gosse qui, ayant menti àl’école pour expliquer son absence un jourqu’il a fait l’école buissonnière, n’ose plus ren-trer chez lui et passe une nuit dehors dansParis, s’est transformée peu à peu en uneespèce de chronique de la treizième année (laplus intéressante pour moi), en laissant tombertout un aspect auquel je tenais beaucoup:I’aspect Paris de l’occupation, combines dumarché noir, etc. La reconstitution cinémato-graphique de cette époque m’était interditepour des raisons financières, mais aussi esthé-tiques, car on tombe facilement dans le ridiculeen évoquant la mode de cette période.Sur le plan production, Les 400 coups sont

très proches de l’aventure chabrolesque duBeau Serge, et ont coûté à peu près le mêmeprix: environ 35 millions. Les salaires des 5 ou6 principaux salariés ont été en participationdifférée. Rien n’a été tourné en studio, tout endécor naturel avec une équipe réduite non pasau véritable minimum - hélas ! - mais au mini-mum syndical. La grande différence avec Lebeau Serge, qui utilisait le son direct, c’estque Les 400 coups sont presque entièrementpost-synchronisés. J’ai tourné en son direct lascène de la psychologue et quand je vois lerelief qu’elle prend, j’en viens à regretter den’avoir pu tout prendre ainsi. Mais c’étaitimpossible. Les lieux de tournage s’y prêtaientmal. L’appartement était très petit, on nesavait jamais où caser la perche, et surtoutParis est beaucoup trop bruyant. L’école, parexemple, a pratiquement été tournée en sondirect mais c’est la partie la moins audible dufilm, tellement il y a de bruits parasites. De cepoint de vue, Chabrol, pour Le beau Serge, avraiment eté servi par le silence profond deSardent.

Un faux luxe

On s’étonne que dans une petite productioncomme celle des 400 coups j’ai utilisé le«scope» (en l’occurrence le procédé dyalisco-pe). Mais le «scope» c’est un faux luxe. Oncroit que c’est cher parce qu’il s’attache auxfilms en couleurs, en costumes, à figurationgrandiose, mais en fait, ça ne coûte que lalocation des objectifs, un million environ pourun film. Par contre, le «scope» permet de réali-ser d’importantes économies en tournant desplans plus longs mais moins nombreux. Dansle tout petit décor d’appartement dont je dispo-sais, je pouvais, rien qu’en faisant pivoterl’appareil, suivre tous les déplacements detous les personnages.Par ailleurs, le «scope» stylise. Avec Les 400coups, où l’essentiel du décor est triste, gris,crasseux, j’avais peur de faire un film laid,désagréable à regarder. Le «scope» permet derendre compte de la réalité avec un élément destylisation qui m’était indispensable. Parexemple, quand le gosse va vider les ordures,en «scope» c’est moins sale que dans uncadrage normal, mais ça n’est pas moins réa-liste. Enfin, on peut même prétendre que le«scope» aide à résoudre des problèmes de scé-nario. Par exemple, la fin de mon film pour êtrevraiment réaliste, c’est-à-dire objective, nepouvait être ni optimiste, ni pessimiste. C’est

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le «scope» qui m' a donné l’idée de substituer àune solution dramatique qui s’avérait impos-sible, une solution plastique que l’écran largem’a aidé à imposer.

Marcel Moussy

J’ai choisi Moussy comme collaborateur pourle scénario et les dialogues sur le vu des émis-sions de T.V. qu’il a consacrées à la crise dulogement. Il a le don du dialogue juste, notam-ment pour les conflits familiaux. Si j’avais étéseul, j’aurais eu tendance à typer les parentsd’une manière très caricaturale, à en faire unesatire violente mais non-objective, et Moussym’a aidé à rendre ces gens plus humains, plusprès de la norme. Il n’avait jamais travaillépour le cinéma et était assez tenté de le faire,nous nous sommes très bien entendus. J’avaisvu tout de suite qu'il était impossible d’écrireles dialogues pour les enfants : on leur donnaitla situation et c’étaient eux-mêmes qui formu-laient les phrases. Par contre, tous les dia-logues pour les parents, le prof, etc., ont étéécrits par Moussy et ont été conservés intégra-lement : ils sont, je crois, très bons. Moussy aété professeur dans le temps, et il s’en est visi-blement souvenu pour les scènes de l’école.Par ailleurs, Moussy m’a beaucoup aidé à don-ner une construction au scénario. J’avais despages et des pages de notes, mais tout celaétait tellement proche de moi que je n’arrivaispas à lui donner une structure. Moussy est for-midable dans ces cas là. Il n’a pas son pareilpour s’emparer d’un petit élément du scénario,le faire revenir, rebondir. Il a réussi à donnerune ossature dramatique au film sans du toutle calquer sur une pièce de théâtre.

Des enfants. Pourquoi ? Comment ?

Après Les Mistons, je me suis dit «Je referaides films avec des enfants, mais jamais 5,c’est vraiment trop». Or, dans Les 400 coups,j’en ai finalement dirigé plus d’une centaine.En tournant, je me suis dit souvent que je nerecommencerai jamais plus avec des enfants,mais de nouveau j’ai des idées de films avecpas mal d’enfants à la fois.Tourner avec des enfants, c’est une grandetentation avant, une assez grande panique pen-dant (parce que c’est une matière épouvan-table qui nous file sans cesse entre les doigts)et une immense satisfaction après. Mêmequand j’ai le sentiment que tout va à la dérive,

il y a toujours quelque chose de sauvé, et entout cas, c’est toujours I’enfant qui est ce qu’ily a de meilleur sur l’écran.Je crois aussi que j’ai plus de plaisir à dirigerun enfant qu’un adulte parce que je suis unmetteur en scène débutant et que les adultesont déjà joué : j’ai tendance à être intimidé parleur «ancienneté» et lorsqu'ils ne veulent pasfaire ce que je leur dis, il m’arrive de renoncerà lutter, ou de me laisser entraîner dans leurstrucs à eux, et je ne suis jamais sûr d’avoir rai-son. Tandis qu’avec les enfants, je suis sûrd’avoir raison. La vérité d’un enfant est unechose que je crois sentir absolument. Parexemple, tout au long du film j’ai lutté contreJean-Pierre Léaud. Il était formidable, mais sahantise c’était qu'il allait être antipathique, etil voulait toujours sourire. Pendant trois mois jel’ai empêché de sourire... et je suis sûr que j’aieu raison.Ceci dit, j’ai eu une chance formidable de tom-ber sur ce gosse-là. J’en avais repéré d’autresqui auraient pu aller, qui me ressemblaientd’ailleurs plus quand j’étais enfant, moinsagressifs, plus timides et plus renfermés. Maisaucun n’aurait été aussi bien que Jean-PierreLéaud, qui possède une gamme très variée, etque ce soit dans l’audace ou la timidité, dansla révolte ou l’humilité, peut aller très loin enrestant toujours juste.J’ai pu trouver tous ces enfants grâce à FranceRoche qui a passé une annonce dansFrance-Soir, qui a d’ailleurs rendu au-delà detoute espérance, puisque nous avons reçu plusde 200 lettres. J’ai éliminé systématiquementtoutes celles qui venaient de province, car jene voulais pas obliger un gosse à se déplacerspécialement à Paris, et nous avons convoquéla centaine qui restait pour des bouts d’essaien 16 mm. Dès ce moment, Jean-Pierre sedétachait largement au-dessus du lot. Il avaitd’ailleurs dejà joué un petit rôle dans La tourprends garde, deux ans auparavant, et fait unpeu de synchronisation. C’est un enfant diffici-le qui poursuit ses études dans une pension oùl’on accueille les élèves renvoyés d’un peu par-tout. Le tournage du film lui a fait le plus grandbien car il est malheureux avec les enfants deson âge et il est très à l’aise avec les adultes.Le tournage lui a fait du bien, mais lui aussi afait du bien au film, ainsi que les autresenfants. Les enfants ont une pureté fantas-tique. S’il y a une chose un peu ridicule dans lefilm, ils le sentent tout de suite, ils le rendentévident, et il faut rectifier le tir en conséquen-ce. J’avais souffert un peu de cela dans LesMistons, parce qu’en tournant avec ces 5enfants qui étaient si spontanés, je m’étais vite

rendu compte du côté artificiel du postulat dufilm : des enfants qui passent leur temps à sur-veiller un couple d’amoureux. Dans la vie, ces 5enfants riaient, ne pensaient qu’à jouer. La filleleur plaisait, mais ils n’éprouvaient aucunejalousie à l’égard de Blain et on sentait à quelpoint ils valaient mieux que l’histoire racontée.C’est à ce moment que j’ai décidé que s’ilm’arrivait d’utiliser à nouveau des enfants, jene ferais que des choses qui les touchent vrai-ment. Dans les scènes de classe, je crois quej’y suis arrivé, car ils étaient assez impression-nés de se sentir devinés, surpris. Une complici-té très féconde s’établissait : de voir qu'ils col-laboraient vraiment au film, que même le bruitde la plume dans l’encrier, ça comptait, ça lesstimulait terriblement. Jean-Pierre Léaud m’aaussi beaucoup apporté, et j’ai enlevé beau-coup de scènes qui étaient trop faibles par rap-port à sa personnalité.

La scène de la psychologue

Primitivement cette scène était conçue d’unemanière classique avec les tests normaux,tâches d’encre, etc., que l’on présente dansces cas-là. Nous avions seulement fait bienattention à ne pas reprendre les tests utilisésdans Chiens perdus sans collier. Je sentaisqu’il fallait faire autrement, mais je ne trouvaispas. Sur ce, impossible de trouver l’actrice quiinterprète le rôle de la psychologue. Je voulaisun visage inconnu et j’avais des idées précisessur ce personnage. En décrivant aux gens cettefemme à la fois charnelle et intellectuelle queje cherchais, je me suis aperçu qu’inconsciem-ment je faisais le portrait d’AnnetteWademant. Malheureusement elle n’était pasà Paris, et nous avons décidé de tourner uni-quement les plans avec l’enfant, en nous réser-vant de tourner les contre-champs plus tard.Nous n’avions aucun texte d’écrit, rien répétéavant le tournage. J’avais seulement un peudiscuté avec Jean-Pierre et lui avait vaguementindiqué quel serait le sens de mes questions.Je lui ai laissé toute liberté pour répondre, carje voulais son vocabulaire, ses hésitations, saspontanéité totale. Il y avait bien entendu unecertaine coïncidence entre ce que je savais deses problèmes de la vie quotidienne et mesquestions. Je lui avais seulement demandé deréfléchir au scénario et de ne jamais rien direqui contredise l’histoire du film (une foiscependant, il a introduit dans ses réponses unegrand-mère dont il n’avait jamais été questionjusque-là). Pour le tournage, j’avais fait sortirabsolument tout le monde et il ne restait sur le

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plateau que Jean-Pierre, l’opérateur Decae etmoi. Quand nous avons vu les rushes, c’estDecae lui-même qui m’a dit : «Ce serait de lafolie de tourner les contre-champs. Il faut lais-ser cela comme cela». C’est ce que nous avonsfait, sauf que nous en avions tourné 20 minuteset que nous n’en avons conservé que 3 dans lefilm.

Une méthode de travail

Après avoir terminé la première version de sonscénario, alors intitulé La fugue d’Antoine,François Truffaut demanda à Marcel Moussyde l’aider à donner une construction drama-tique plus élaborée à l’intrigue, puis d’écrireles dialogues. C’est à ce moment qu’il rédigeaces quatre fiches sur les quatre personnagesprincipaux, afin de permettre à Marcel Moussyde mieux les connaître et les comprendre.L’apport personnel des deux jeunes interprètesJean-Pierre Léaud et Patrick Auffay, et l’impro-visation de certaines scènes au tournage,modifièrent quelque peu les données primitive-ment étabIies.Nous publions ensuite le texte intégral de l’undes moments les plus étonnants du film,I’interrogatoire par la psychologue.

La mère d'Antoine

Guère plus de trente-deux ans. Elle a eu sonfils trop jeune et sans doute s’est-elle mariéepeu après. Voilà l’excuse à son comportement :elle aurait, peut-être, plus tard, souhaité avoirun enfant mais Antoine n’a pas été «voulu» ; ila représenté pratiquement un accident dans savie : on peut penser que sans sa venue aumonde, elle se serait mieux mariée, plus tard...Extrêmement nerveuse et intolérante, elle terri-fie Antoine auquel elle ne passe rien ; s’il nefait rien, ne dit rien et reste dans son coin à liretout va bien, elle affecte seulement de l’ignorer ;ce qu’elle ne lui pardonne pas, c’est de semanifester parfois en tant qu’enfant : riresintempestifs, poser une question, faire du bruit,tousser, etc...Au cours des repas, elle parle de lui avec lepère comme s’il n’était pas là : «Nous sommesinvités chez les X... Que ferons-nous du gosse ?"Antoine existe si peu pour sa mère qu’elle tra-versera facilement le petit appartement enpetite culotte et soutien-gorge en sa présence ;

c’est dans cet appareil qu’elle lui donnel’argent pour les commissions.Rappelons que c’est une belle femme, sensuel-le, qui aime lire des romans noirs et qui nes’occupe presque pas de son ménage. Ellereproche à son mari d’être un peu fruste, de sefaire les ongles à table et de rire de tout. Ellelui reproche surtout de ne pas gagner assezd’argent. Elle est, de manière générale, trèsméprisante pour l’univers entier, «Tous des cré-tins».Elle travaille à mi-temps comme secrétairedans un bureau.Ses rares moments de détente vont au profitde son mari, Ie soir après dîner quand le litapproche et que ses nerfs se détendent. Ons’aperçoit alors que ce couple est trop jeunepour s’encombrer d’un enfant de douze ans.Elle n’est pas intelligente, seulement un peuplus «instruite» que la moyenne des femmes ;elle «tranche» sur tous les sujets, péremptoirejusqu’à l’inconscience.Elle manque formidablement de simplicité ;c’est une bovary de plus sur la terre ; son maril’appelle parfois «la sauvage», ce qui la flatte.Sa nervosité la conduit souvent à interrompreson interlocuteur : «oui, je vois, je vois.» Alorsqu’elle ne voit rien du tout.Elle est anarchisante, une terroriste enchambre, hors de la société (révolte naturellede la part d’une fille-mère élevée bourgeoise-ment et qui a découvert, trop brusquement,I’injustice du monde) ; on sent qu’il aurait fallupeu de choses dans sa vie (rencontre d’unmaquereau ou d’un escroc) pour qu’elle devien-ne une putain ou une aventurière un peu voleu-se.Elle a horreur des enfants et surtout des nou-veaux-nés ; sa cousine attend un troisièmeenfant : «Moi, je trouve ça répugnant, c’est dulapinisme.»Elle ne dira jamais : Antoine, mais seulementmon petit, le gosse, Ie petit et Ies mauvaisjours : mon pauvre ami !Il semble que depuis l’enfance, elle n’aitjamais retrouvé le naturel ; même seule avecson mari ou avec Antoine, il faut qu’elle joueun personnage en sorte que l’actrice chargéede ce rôle paraîtra en faire trop dans la coquet-terie comme dans l’énervement. C’est uneconne sophistiquée.Lorsqu’elle vient voir Antoine au Centre, elleporte un chapeau. Antoine sidéré ne regardeque le chapeau et, du coup, n’entend rien de cequ’elle lui dit.

Le père d’Antoine

S‘il était artiste, ce serait un chansonnier detroisième zone ; il ne voit que ce qui ne le gênepas ; il a horreur des «histoires» ; son leitmotivest «surtout pas de drames». Tout est prétexteà blaguer. Le matin, il lui arrive de maugréerparce qu’il n’a pas de chemise propre, que sonveston n’a pas été détaché mais, comme safemme s’y entend mieux que lui pour élever lavoix, il préfère généralement adopter le modeironique : «Zut, il y a des bouts de chaussettedans ma paire de trous !»Il exerce une profession libérale mais dépendtout de même d’un patron ; on devine qu’il asacrifié sa réussite sociale à son dada : lesport ; il assiste très souvent à des réunions decomités, etc... Sous l’apparence d’un bohème,il s’est intégré dans un univers sportif extrême-ment hiérarchisé et tout en se moquant desgens qui s’occupent de la politique, il brigue,sans bien s’en rendre compte, des posteshonorifiques du genre «vice-président du sec-teur parisien», «rédacteur en chef du bulletintrimestriel des amis de l’eau», etc.Il sait très bien «raconter» drôlement, en exa-gérant toujours pour être plus efficace ; ilappelle son patron le «singe», il adore lescalembours. Il fait souvent rire Antoine à table,ce qui exaspère sa femme «Hum, hum, letemps est à l’orage, bobonne n’est pas dansson assiette» ; un peu lâchement, il laisse safemme «engueuler le gosse».Il fait parfois allusion aux «sorties» de safemme le soir avec une mystérieuse amie. «Jevoudrais bien la voir, moi, cette Yvonne !». Oncomprend qu’il n’est pas jaloux, préférant satranquillité.Il parle à Antoine de la nécessité d’être honnê-te mais à table, une heure plus tard, il envisagede «ratiboiser» un peu de fric à son patron, entruquant les notes de frais d’hôtel, etc...Les femmes l’intéressent peu ; il trompe lasienne douze fois moins souvent qu’elle ne letrompe, lui. Il dira «une belle pépé avec desacrés lolos»... mais il préfère parler desfemmes que les pratiquer.Par rapport à sa femme, qui est snob, il estsimple, direct, gentil, compréhensif, un peulâche. Il s’insurge volontiers contre l’illogismeféminin et sa femme l’énerve parfois par sastupidité.Il a tendance à être un peu trop facilementcontent de lui, de son humour : il ne sait pasqu’une répartie astucieuse perd tout à la répé-tition - il dira volontiers : «Je lui ai répondumon cher, les morues volent bas cette année...«Comme l’imbécile des Vignes du Seigneur, il

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D O S S I E Rponctue souvent «Je ne suis pas mécontent decette formule !»Au contraire de sa femme, il est assez bienintégré à la société ; il a du bon sens, de lalogique, du sens civique et un certain talentsimplificateur.Il est l’élément équilibré du foyer, l’élémentmodérateur, il ramène constamment à leursjustes proportions les conflits opposantAntoine à sa mère.Par contre, dans les grandes occasions, le guideMichelin, la première fugue, la machine à écri-re, il peut se montrer très sévère (comme si fai-sant d’une pierre deux coups, il se vengeait enmême temps des humiliations - lointaines dansle temps et dans le cœur - que lui ont fait subirsa femme, son patron, la vie en général).Alors que sa femme a eu son premier bac - lanaissance d’Antoine l’ayant empêchée de pas-ser le second - le père d’Antoine n’a eu que sonbrevet supérieur et certains diplômes profes-sionnels. Si l’on ajoute à cela qu’il est né enprovince de parents paysans tandis que safemme est parisienne, fille de fonctionnaire, onmesure le heurt psychologique du ménage.Il se proclame volontiers «individualiste» dugenre «moi, je n’emmerde personne, je nedemande aux autres que de me foutre la paix».En fait, c’est un égoïste soucieux de sa seuletranquillité, un semi-ambitieux, semi-pantou-flard.Sa volonté de briller par des calembours dispa-raît quand il est seul avec quelqu’un ; il devientplus naturel, capable de tendresse. Un soir, ildînera seul avec Antoine et apparaîtra vraimentcomme un brave type.Au contraire de sa femme, il ne lit jamais, sonrefuge étant le sport.Il faudrait montrer qu’il est déçu par l’indiffé-rence d’Antoine vis-a-vis du sport : «Il préfèrepasser des heures au cinéma». Lorsqu’il est encolère, il retrouve tous les lieux communs : «Sij’avais dit cela à ton âge, mon père m’auraitassommé. Tant que tu seras nourri et logé parmoi, tu feras ce qu’on te dira».Indiquer son dépit d’être frustré de l’admirationet de la confiance d’Antoine au profit de tiers :le meilleur copain, Balzac (portrait icône !).Sa noblesse : avoir presque complètementoublié qu’Antoine n’est pas son fils.

Antoine

Treize ans, parisien. Il a hérité de sa mère unsens critique trop développé ; il a tendance à semoquer des copains plus frustes, des

concierges, ... trop méprisant.Chez lui, il ne «l’ouvre pas» ou presque, terrori-sé par sa mère qu’il admire confusément etdont il est assez fier. Il se rattrape dehors etdevient vite saoulant ; comme il a un avis surtout et un esprit de contradiction insensé, sescopains de classe le redoutent un peu et nel’aiment guère ; il est humble chez ses parents,insolent et persifleur dehors.Précocement pédant, il suscite des compli-ments paradoxaux genre : «Quand il parle, oncroirait un homme de trente ans», etc.La peur de sa mère l’a rendu assez lâche avecelle, maladroitement flatteur et servile, ce quine fait que l’indisposer davantage contre lui. Sison père et sa mère se disputent, il se range ducôté de sa mère qui ne lui en est absolumentpas reconnaissante : «Toi, le petit, tais-toi, s’ilte plaît». Mais lorsque le père met en boîte lamère, il ne peut s’empêcher de rire, ce qui pro-voque les drames.De son père il a hérité le fou-rire facile, c’esttout.Il est à l’aube de la révolte, déjà cynique, sansscrupules et glissant vers la sournoiserie.Son comportement lorsqu’il est seul doit êtresignificatif : un mélange de bonnes actions etde mauvaises ; il essuie la vaisselle et fait brû-ler un torchon ayant voulu le faire sécher tropvite ; ayant remonté du charbon, il essuie sesmains noires après le bas du rideau, etc.Il cache de l’argent, volé sans doute, derrièreles meubles, s’organise toujours minutieuse-ment et s’installe dans la fraude ; il aime, seul,se servir des ustensiles de sa mère : l’appareilà friser les cils, les disques épilatoires, etc... Ilsinge devant la glace sa mère se maquillant,etc...Antoine est aussi un romantique ; il sera bien-tôt violemment amoureux. En classe, il est dis-sipé, c’est un instable caractériel. Les profes-seurs sont divisés à son sujet.C’est encore un angoissé permanent puisqu’ilne sort d’une situation compliquée que pourretomber dans une autre, inextricable. Il envieRené qui, pratiquement, n’a pas de comptes àrendre à ses parents, lesquels du reste ne lemaintiennent pas autant «en enfance».Il a tout le temps des ennuis d’argent ; tellessommes qu’il a «piquées» dans un tiroir et qu’ildoit remettre avant telle date, tandis que René«pique» sans avoir besoin de restituer.Toujours en retard, toujours en train de courir,au contraire de René, Antoine est assez mal-chanceux ; son père lui promet mille balles s’ilreste deux semaines sans attraper de «rete-nues» le jeudi à l’école. Pour une raison quel-conque, il est collé. Antoine : «A cause de toi,

je perds mille balles.» René : «Comment ça ?»Antoine : «Mon père m’avait dit : si tu n’es pascollé pendant...» Le prof.: «Doinel, vous aviezdéjà une heure de retenue ça ne vous suffitpas ? Allez derrière l’armoire jusqu’à la récréa-tion».

René

Il complète bien Antoine dont il est très diffé-rent.Il est moins agressif mais plus «libre»qu’Antoine dont il moque sans cesse l’asservis-sement. Il est plus débrouillard, plus décontrac-té, plus machiavélique.C’est lui qui, par pure cruauté enfantine, a étédemander aux parents d’Antoine si leur filsétait malade : son premier dialogue avecAntoine :René : «Toi, tu voles sûrement de l’argent à tesparents».Antoine : «Moi, je, non...»René : «Pas besoin de rougir, moi aussi j’envole et je m’y prends sûrement mieux que toi !»René est plus «adulte», moins complexé etbeaucoup plus ironique, souvent cynique. Renés’instruit tout seul et connaît énormément dechoses dans beaucoup de domaines (géogra-phie, histoire, science, médecine, politique, le«poids du cerveau des grands hommes»...).René domine Antoine, prend les initiatives ;c’est grâce à lui, par ses moqueries parfoiscruelles qu’Antoine prend conscience del’étrangeté des rapports avec sa mère ; celle deRené est baroque mais brave et aimante.Antoine se rend compte que la sévérité de samère à lui est excessive, anormale, d’où nais-sance d’une révolte en lui.René manie de plus grosses sommes ; il prendplus de risques qu’Antoine, car pour lui touts’arrange toujours grâce un peu à l’espèce defolie de sa mère et à l’indifférence du père.René adore les situations périlleuses, l’émotiondu vol et tout ce qui, chez Antoine, provoquedes crispations, des angoisses et même desmaux d’estomac dont René plaisante souvent.On évitera le rapport de forces habituellementcalqué sur les couples - féminin masculin -(dans tous les films d’amitiés enfantines) ensorte que Antoine et René se dominent tour àtour sans qu’il intervienne quoi que ce soitd’équivoque.René parle de sa cousine qui a deux ans de plusque lui. Pendant les vacances, ils couchaientdans le grenier. «Elle est venue se coucher dansmon lit ; j’ai rouspété et je l’ai vidée ; ah, ceque j’ai pu être con, ce que je regrette

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D O S S I E Raujourd’hui, j’y pense tout le temps...» C’estchez René que l’on retrouvera le fameux guideMichelin qui sert à fabriquer les fléchettes desarbacanes.René et Antoine ne sont jamais audacieux nidégonflards en même temps d’où les disputesaprès le «gros coup» : le vol de la machine.René vient voir Antoine au Centre, undimanche, et lui amène un paquet de«Cinémonde». Comme il n’est pas de la famille,on l’empêche de voir Antoine ; ils se voient àtravers la vitre. Il laisse le paquet de«Cinémonde» que le gardien jette ensuitepuisque ce n’est pas de la nourriture.Importance de la dernière poignée de mainsentre les deux lorsque le père Doinel a mis lamain sur Antoine : «Et puis, tu peux dire aurevoir à ton petit copain, parce que vous n’êtespas près de vous revoir.»

L’interrogatoire par la psycho-logue

La psychologuePourquoi as-tu rapporté la machine ?Antoine DoinelBen... parce que... comme je ne pouvais pas larevendre... comme je pouvais rien en faire...moi, j’ai eu peur... je ne sais pas, je l’ai rappor-tée... je ne sais pas pourquoi, comme ça...

La psychologueDis-moi, il paraît que tu as volé 10.000 francs àta grand-mère ?AntoineElle m’avait invité, c’était le jour de son anni-versaire... et puis, alors, comme elle est vieille,elle mange pas beaucoup... et puis elle gardetout son argent... elle en aurait pas eu besoin ;elle allait bientôt mourir. Alors, comme jeconnaissais sa planque, j’ai été lui faucher...des ronds, quoi ! Je savais bien qu’elle ne s’enapercevrait pas. La preuve c’est qu’elle s’en estpas aperçue ; elle m’avait offert un beau bou-quin ce jour-là.Alors ma mère, elle avait l’habitude de fouillerdans mes poches, et le soir j’avais mis monpantalon sur mon lit, elle est sans doute venueet puis elle a fauché les ronds, parce que le len-demain je les ai plus trouvés. Et puis elle m’ena parlé, alors j’ai été bien forcé d’avouer que jeles avais pris à ma grand-mère.Alors à ce moment-là elle m’a confisqué lebeau livre que ma grand-mère m’avait donné !

Un jour, je l’ai demandé parce que je voulais lelire et je me suis aperçu qu’elle l’avait revendu.

La psychologueTes parents disent que tu mens tout le temps.AntoineBen, j’mens, j’mens de temps en temps quoi...des fois je leur dirais des choses qui seraient lavérité ils me croiraient pas, alors je préfère diredes mensonges.

La psychologuePourquoi n’aimes-tu pas ta mère ?AntoineParce que d’abord j’ai été en nourrice... et puisquand ils ont plus eu d’argent, ils m’ont mischez ma grand-mère... ma grand-mère elle avieilli et tout ça... elle pouvait plus me garder...alors je suis venu chez mes parents. à cemoment-là, j’avais déjà huit ans... tout... je mesuis aperçu que ma mère, elle m’aimait pas tel-lement ; elle me disputait toujours et puis, pourrien… des petites affaires insignifiantes...alors aussi j’en... quand... quand il y avait desscènes à la maison, je... j’ai entendu que... quema mère elle m’avait eu quand elle était...quand elle était... elle m’avait eu fille-mèrequoi... et puis avec ma grand-mère aussi elles’est disputée une fois... et là, j’ai su que... elleavait voulu me faire avorter et puis si je suis né,c’était grâce à ma grand-mère.

La psychologueQu’est-ce que tu penses de ton père ?AntoineAh, mon père, il est bien gentil comme ça...mais il est un peu lâche parce que... il sait bienque ma mère elle le trompe, seulement pour nepas avoir de scènes.. rien... il préfère rien dire...rester comme ça...

La psychologueAs-tu déjà couché avec une fille ?AntoineNon jamais, mais enfin, je connais des copainsqui ont... qui sont allés.. alors ils m’avaient ditsi tu as vachement envie, t’as qu’à aller rueSaint-Denis. Alors moi j’y suis allé... et puis j’aidemandé à des filles et je me suis fait vache-ment engueuler, alors j’ai eu la trouille... et jesuis parti et puis je suis venu encore plusieursfois et puis comme j’attendais dans la rue, il y aun type qui m’a remarqué qui a dit : «Qu’est-ceque tu fous là ?» c’était un Nord-Africain, etben alors je lui ai expliqué, alors il m’a dit, ilconnaissait sans doute les filles, parce qu’ilm’a dit : «Moi je connais une jeune... quoi, quiva... une jeune quoi... avec les... les jeunes

gens... et tout ça...», alors, il m’a emmené àl’hôtel où elle était... et puis justement cejour-là elle n’y était pas, alors on a attendu...une heure... deux heures... comme elle nevenait pas... mois je me suis tiré !

François TruffautCinéma 60 n°42 Janvier 1960

VibrationDans son livre “Les films de ma vie”, Truffautexplique qu’il a toujours demandé aux films desautres d’exprimer soit la joie, soit l’angoisse defaire du cinéma, et qu’il se désintéresse de toutce qui est entre les deux - c’est-à-dire de toutce qui ne «vibre» pas. Son œuvre elle-mêmen’est qu’une longue vibration, modulée avecautant d’intelligence que de sensibilité, par unhomme qui a su - comme dirait Cocteau - sediriger en droite ligne vers lui-même .

Les films-clés du cinéma

François Truffaut

Comme son co-équipier Jean-Luc Godard,Francois Truffaut (1932-1984)est d’abord unécorché vif, imprégné jusqu’à la mœlle de

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D O S S I E Rcinéma (Renoir, Vigo, Hitchcock...) et qui futrévélé, de facon spectaculaire, par un longmétrage non conformiste : ces Quatre centscoups au titre sonnant comme un manifeste dejeune Turc résolu à rompre les lances. CommeGodard, il a commencé par la critique, mais enconcevant cet exercice d’une manière plussérieuse, selon les principes inculqués par sonpère spirituel André Bazin (auquel est dédié cepremier film) ; comme Godard encore, il a trou-vé un interprète rêvé en la personne deJean-Pierre Léaud, son faire-valoir et sondouble. Mais les ressemblances s’arrêtent là :Les quatre cents coups, comme les films quivont suivre, est nettement plus respectueux desnormes classiques du récit cinématographique ;il conte une histoire simple, celle d’un enfantmal dans sa peau, comme Truffaut le fut sansdoute, mais dont sont exorcisés du même couples aspirations et les blocages affectifs ; l’espritde révolte cède le pas au besoin de tendresse,la volonté d’édifier une œuvre - et de réussirune vie - exclut toute rage suicidaire. Les routesde Godard et Truffaut, d’ailleurs, divergeronttrès vite. La carrière du second sera celle d’uncréateur responsable, qui saura s’intégrer au«système» sans rien abdiquer de sa sincérité.Truffaut est bien dans la lignée des grandscinéastes du cœur.

Les films-clés du cinéma

Ses débuts dans la vie sont ceux d’un futur réa-lisateur maudit : enfance malheureuse, servicemilitaire interrompu par la désertion, etc. Rienalors ne laisse prévoir que Truffaut deviendra lereprésentant officiel de la France dans lesgrands festivals. André Bazin lui ouvre Lescahiers du cinéma : Truffaut s’y fait remarquerpar la virulence de ses critiques ; il exécute laplupart des grands réalisateurs du moment(Delannoy, Cayatte, Autant-Lara...) et exalte lescinéastes américains de série B. Le cinéma qu’ilaime n’est pas celui qu’il fera : il appréciait lesens de l’action des petits maîtres américains,leur virtuosité technique et la désinvolture deleurs scénarios ; les films de Truffaut serontclassiques, pour ne pas dire académiques, etson bref passage dans le thriller ou la science-fiction catastrophique. Ni Siegel, ni Heisler, niSeller n’auraient manqué les adaptations desdeux-chefs d’œuvre d’lrish, La mariée et Lasirène du Mississipi, ni le superbeFahrenheit 451 de Ray Bradbury. D’emblée,dès son court métrage Les Mistons (I’éveil dela sexualité dans un groupe de garçons durantles vacances d’été), il montre où il va se situer :dans une tradition française fondée sur l’obser-

vation de la vie quotidienne et sur l’étude decaractères. Oublié Hitchcock auquel il consacraun grand livre. Les quatre cents coupsouvrent le cycle Doinel qui va fonder la réputa-tion de Truffaut : L’amour à vingt ans,Baisers volés, Domicile conjugal… On yapprend comment beurrer des biscottes sansles casser ou se faire payer ses leçons de vio-lon sans vexer le client. Fraîcheur et gentillesseque l’on retrouve aussi dans Jules et Jim.L’autobiographie est évidente, même si Jean-Pierre Léaud admirable de naturel, a fini parabsorber Antoine Doinel au détriment deTruffaut. Celui-ci en revanche n’a pas la têtetragique. Tirez sur le pianiste tourne vite à lapochade, malgré le patronage de Goodis : I’undes gangsters affirme qu’il dit vrai et le jure surla tête de sa mère sinon “qu’elle succombe àl’instant!”. Plan suivant : on voit une vieilledame qui s’écroule, morte. Imagine-t on unescène pareille chez Hawks ? Malgré le souvenirtragique des années d’Occupation, on pensesans arrêt à Sacha Guitry dans Le derniermétro. Une tentative aussi originale que Lachambre verte, évocation d’un culte maniaquedes morts, surprend tellement de la part deTruffaut que le film est un échec commercial.Oui à «l’homme qui aimait les femmes», thèmetrès français donc digne de Truffaut, non à«l’homme qui aimait les morts» un sujet pris àHenry James, trop macabre pour le cinéastedes Quatre cents coups. Reste que Truffautest le seul auteur de la Nouvelle Vague à avoirpoursuivi une œuvre personnelle sans avoirperdu, sauf le cas exceptionnel de La chambreverte, le contact avec le public. S’il n’est pasdevenu Hitchcock, il a été notre nouveauRenoir. Sa mort prit la dimension d’un deuilnational.

Jean TulardDictionnaire des réalisateurs

Filmographie

Une visite 1955(court métrage)

Les mistons 1958(court métrage)

Histoire d’eau(court métrage)

Les 400 coups

Tirez sur le pianiste 1959

Jules et Jim 1961

L’amour à vingt ans(un épisode)

La peau douce 1963

Fahrenheit 451 1966

La mariée était en noir 1967

Baisers volés 1968

La sirène du Mississipi

L’enfant sauvage 1969

Domicile conjugal 1970

Les deux Anglaises et le continent 1971

Une belle fille comme moi 1972

La nuit américaine

L’histoire d’Adèle H. 1975

L’argent de poche

L’homme qui aimait les femmes 1976

La chambre verte 1977

L’amour en fuite 1978

Le dernier métro 1980

La femme d’à côté 1981

Vivement dimanche ! 1982

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Documents disponibles au France

Dossier Collège au Cinéma n°32Synopsis Les 400 coups, étude et critique parAnne Gillain, éd. NathanFrançois Truffaut, par Carole Le Berre, collectionAuteurs, éd. Cahiers du Cinéma…