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Résumé L’approche internationale des documents d’information et des politiques de dépis- tage de la trisomie 21 amène celui qui s’y intéresse à un éclairage sur sa propre pratique. D’un pays à l’autre, les modalités mises en place peuvent être fortement centralisées (Royaume-Uni) ou laissées à l’autonomie de chaque soignant. De même, l’aspect « programme » et l’audit des performances varient largement. Il est probable que les différences soient aussi les reflets de différences cultu- relles (pragmatisme versus rationalisme), historiques (crainte de l’eugénisme d’État, séparation plus ou moins complète de l’église et de l’État) et possi- blement d’autres déterminants purement sociologiques. Le dénominateur commun est sans doute que la problématique des dépistages génétiques est essentiellement complexe. Il importe donc que les équipes qui préparent les documents d’information et tous les soignants soient imprégnés, eux-mêmes, de la difficulté inhérente aux choix offerts aux futurs parents. Au- delà de ces considérations philosophiques, c’est sans doute un atout pour les soignants et les familles d’avoir accès à une variété de documents d’information, en langues multiples et avec divers niveaux de complexité. Mots clés : trisomie 21, dépistage, information, consentement. INTRODUCTION Le dépistage du risque de trisomie est proposé en routine aux femmes enceintes dans les pays à revenu élevé où l’interruption médicale de grossesse (IMG) est autorisée. Ce dépistage, qui aurait dû être une avancée indiscutable, est aussi devenu une épine irritative en raison des sentiments forts d’approbation ou de désapprobation que ce dépistage induit. Quatre principaux points peuvent expli- quer ces positions contrastées : la rapidité avec laquelle le dépistage s’est mis en place, la gestion des faux négatifs et des faux positifs, l’ambiguïté concernant le dépistage implicite chez les patientes qui ne souhaitent pas le calcul du risque, et la 11 Approche internationale S. Alexander PERU (Perinatal Epidemiology and Reproductive Health Unit) École de santé publique Université libre de Bruxelles 808, route de Lennik 1070 Bruxelles, Belgique E-mail : [email protected]e Société Française de Médecine Périnatale, 42es Journées nationales de la Société Française de Médecine © Springer- Verlag France, 2013 Périnatale (Montpellier 17- 19 octobre 2012)

42es Journées nationales de la Société Française de Médecine Périnatale (Montpellier 17–19 octobre 2012) || Approche internationale

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Résumé

L’approche internationale des documents d’information et des politiques de dépis-tage de la trisomie  21 amène celui qui s’y intéresse à un éclairage sur sa proprepratique. D’un pays à l’autre, les modalités mises en place peuvent être fortement centralisées (Royaume- Uni) ou laissées à l’autonomie de chaque soignant. Demême, l’aspect « programme » et l’audit des performances varient largement.Il est probable que les différences soient aussi les reflets de différences cultu-relles (pragmatisme versus rationalisme), historiques (crainte de l’eugénismed’État, séparation plus ou moins complète de l’église et de l’État) et possi-blement d’autres déterminants purement sociologiques. Le dénominateur commun est sans doute que la problématique des dépistages génétiques estessentiellement complexe. Il importe donc que les équipes qui préparent lesdocuments d’information et tous les soignants soient imprégnés, eux- mêmes,de la difficulté inhérente aux choix offerts aux futurs parents. Au- delà de ces considérations philosophiques, c’est sans doute un atout pour les soignants etles familles d’avoir accès à une variété de documents d’information, en languesmultiples et avec divers niveaux de complexité.

Mots clés : trisomie 21, dépistage, information, consentement.

INTRODUCTION

Le dépistage du risque de trisomie est proposé en routine aux femmes enceintesdans les pays à revenu élevé où l’interruption médicale de grossesse (IMG) estautorisée. Ce dépistage, qui aurait dû être une avancée indiscutable, est aussi devenu une épine irritative en raison des sentiments forts d’approbation ou dedésapprobation que ce dépistage induit. Quatre principaux points peuvent expli-quer ces positions contrastées  : la rapidité avec laquelle le dépistage s’est mis enplace, la gestion des faux négatifs et des faux positifs, l’ambiguïté concernant ledépistage implicite chez les patientes qui ne souhaitent pas le calcul du risque, et la

11Approche internationaleS. Alexander

PERU (Perinatal Epidemiology and Reproductive Health Unit)École de santé publiqueUniversité libre de Bruxelles808, route de Lennik1070 Bruxelles, BelgiqueE- mail : [email protected]

Société Française de Médecine Périnatale, 42es Journées nationales de la Société Française de Médecine

© Springer- Verlag France, 2013 Périnatale (Montpellier 17- 19 octobre 2012)

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nature particulière de l’affection recherchée [1a]. Mais surtout les pays adoptantsont été inégaux dans la démarche explicative tant vis- à- vis des utilisateurs que des soignants. Il n’est pas clair à ce jour si les pays où la pédagogie est actuellement bien en place sont passés eux aussi par une période moins structurée.

VignetteMary M. est une future mère canadienne, dont le mari est en poste auprès d’une compagnie internationale à Bruxelles. Elle a trouvé du travail à mi- temps comme institutrice dans une école anglophone de Bruxelles. Elle a deux petites filles de 5 et 3 ans. Elle souhaite le calcul de risque de trisomie à 12 semaines,qui revient très positif. Après une longue réflexion, le couple exprime claire-ment la position suivante : « Nous ne sommes pas prêts à interrompre une gros-sesse trisomique parce que cela va à l’encontre de nos valeurs philosophiques (pasreligieuses). Nous pensons que la société doit gérer la diversité et les “besoins spé-ciaux”. Dans ce contexte, nous aimerions un diagnostic par amniocentèse parceque cela nous donnera six mois pour nous préparer, et aussi parce que si c’est une trisomie, nous déciderons de rentrer chez nous où cela nous paraît plus facile àgérer. Nous comprenons que cela puisse paraître paradoxal de prendre le risquede fausse couche de 1 % lié à l’amniocentèse, mais l’aspect de préparation nousparaît primordial. » L’amniocentèse revient 47XY et six mois plus tard Michaelnaît.  Les parents envoient, chaque année, du Canada, depuis neuf ans, desvœux de Noël, avec des nouvelles détaillées et rapportent qu’ils sont essentielle-ment satisfaits de la difficile voie choisie.

La rapidité avec laquelle le dépistage s’est mis en place n’a sans doute pas per-mis à tous les acteurs de conceptualiser des différences de position fondamen-tales. Lorsqu’à la fin des années 1960, dans quelques centres de pointe, des équipesformées de cytologistes et de gynécologues ont mis en place la possibilité d’am-niocentèse diagnostique de la trisomie  21, l’offre se faisait prioritairement aux femmes de plus de 40 ans ; l’examen était difficile, au début sans échographie et avec des échecs fréquents de culture d’amniocytes. Ces quelques patientes étaient sans la moindre exception et entièrement demandeuses d’une IMG en cas de tri-somie. La donne s’est profondément modifiée, mais sans forcément que les soi-gnants le perçoivent d’emblée, lorsque les techniques d’échographie et de biologieont permis de passer d’une demande venant d’une infime minorité de patientes pour un diagnostic- et- traitement- le cas échéant à une offre universelle venant dessoignants pour un dépistage en deux temps.D’un côté, un courant qui se percevait comme progressiste et majoritaire a pensé qu’une grande avancée se mettait en place. En face, on trouvait des familles, mais aussi des soignants qui s’opposaient complètement à ce dépistage ou qui en per-cevaient les multiples complexités. La religion n’était pas seule en cause mais unepartie du courant « progressiste » a cru voir pointer là les abus des intégristes [1, 2].Conceptuellement, le dépistage de la trisomie 21 comporte des ambiguïtés. Latrisomie 21 permet en général une vie relativement longue sans souffrances par-ticulières, avec une espérance de vie autour de 60  ans. En outre, l’existence de trisomiques « célèbres » comme Pascal Duquenne, lauréat du prix d’interprétationmasculine au Festival de Cannes 1996 pour le Huitième jour de Jaco Van Dormaelrest connue du grand public et contribue à un possible malaise. Le paradoxe réside

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dans le fait que l’acteur « sublime » sa trisomie  21 en interprétant une biogra-phie d’un homologue attachant mais décalé d’une société élitiste, en souffrancejusqu’au suicide [3].Il est donc sans doute réaliste de considérer que l’IMG pour trisomie est justifiée entermes de qualité de vie de la famille, et du devenir à long terme de l’adulte à auto-nomie réduite qu’il deviendra, plutôt que pour éviter des souffrances à l’enfant lui-même. Sur le plan éthique, accepter cette réalité ne pose en rien un jugement moralnégatif, mais son occultation pourrait avoir contribué aux difficultés actuelles.Si les éléments repris plus haut sont universels, il est vraisemblable que la gestionde cette complexité a varié d’un pays à l’autre. La variation de pratique, de conceptet de pédagogie entre les pays n’a pas encore été explorée systématiquement. Dansle présent article, une revue parcellaire est pratiquée, pour ouvrir des pistes de réflexion, en étant conscient de ne pas présenter une revue systématique de lasituation, mais plutôt des échos de certaines pratiques.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

L’exploration a porté sur Pubmed (Down AND screening AND (information or leaflet)) et aussi sur certains sites Internet, particulièrement celui du portail dépis-tage du service national de santé britannique [5].Pour la politique de mise en place du dépistage et les brochures d’information, lagrille d’évaluation suivante a été utilisée ; elle est inspirée des critères de qualité de l’audit du Royaume- Uni mais a été largement modifiée.

Brochure pour les utilisateurs– La brochure est- elle nationale (régionale) ou élaborée par chaque structure de soins ?– La brochure a- t-elle été soumise à l’avis des utilisateurs ?– Existe- t-il des brochures en langues différentes, des informations spéciales pour

aveugles, pour personnes avec handicap cognitif ?– Comprend- elle des explications claires concernant l’enfant trisomique et son

devenir ?– Y a- t-il un biais apparent en faveur/en défaveur des personnes qui souhaitent

le test ?– La brochure explique- t-elle les caractéristiques du test, et en termes simples les

questions de sensibilité et de valeur prédictive ?– Y a- t-il une information explicite concernant le risque de fausses couches liées

aux procédures invasives ?– La brochure explique- t-elle clairement que, dans le dépistage, il y a la possibilité

de se retirer à chaque étape, et qu’il n’y a pas de séquence obligatoire  : calcul du risque élevé implique test diagnostique, qui implique aussi IMG en cas de trisomie ?

Gestion de la politique de dépistage et outils pour les soignants– Existe- t-il un site national (régional) Internet pour le dépistage, avec une infor-

mation actualisée concernant les performances théoriques du test proposé entermes de % de calcul de risque élevé (% théorique de tests invasifs), en termesde % de prédiction correcte et de % de cas non identifiés ?

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– Existe- t-il un audit régulier des résultats comparant les performances théoriques à la réalité du terrain ?

– Existe- t-il des formations formalisées pour les professionnels impliqués dansl’information sur le dépistage de la trisomie ?

Accessibilité du dépistage– Le dépistage est- il autorisé ?– Le dépistage est- il gratuit pour tous ?

RÉSULTATS

Les expressions sont reprises dans le tableau I de manière à éviter toute ambiguïté.

Tableau I – Les mots pour le dire.

Calcul de risque (de la trisomie et de certainesautres anomalies génétiques)

La procédure non invasive, généralement proposée de manièreuniverselle, par laquelle le risque de trisomie est estimé, quelleque soit la procédure (échographie seule, prise de sang seule ou combinaison des deux) et la temporalité (1er trimestre,2e trime stre ou combinaison des deux)

Diagnostic (de la trisomie et de certaines autresanomalies génétiques)

La procédure invasive (amniocentèse, choriocentèse) qui est pro posée aux femmes dont le calcul de risque de trisomie est au- delà du seuil (et dans d’autres circonstances non reprises ici)

Dépistage (de la trisomieet de certaines autres anomalies génétiques)

L’ensemble des processus de calcul de risque et de diagnostic

Audit du dépistage(de la trisomie et de certainesautres anomalies génétiques)

Cycle d’activités visan t à la mesure et à l’évaluation du dépistage (de la trisomie et de certaines autres anomalies génétiques). Doivent être mesurés en routine, les taux de patientes ayant réalisé le calcul de risque, le test invasif, ainsi que les taux de fausses couches, d’IMG, et de naissances d’enfants porteurs de maladies accessibles au dépistage.

La revue de la littérature a mis en évidence de nombreuses études concernant l’accessibilité du dépistage, les freins liés au concept lui- même et les déterminantssocioculturels de ces barrières.Une seule étude a rapporté une comparaison internationale [4]. Dans cetteétude, des brochures d’information pour les futurs parents ont été obtenues dansles pays suivants  : Chine, Espagne, Inde, Italie, Pays- Bas, République tchèque etRoyaume- Uni. Cette étude est la première à observer l’importance des différences d’approche quasiment philosophique, non seulement dans la présentation du test,mais même dans la description du syndrome de Down. Seuls les Pays- Bas et leRoyaume- Uni présentent le test en termes de « choix », alors que les cinq autres le présentent en termes d’information.

Pour la suite, les résultats seront présentés par pays. En règle générale, pour limiter le nombre total de références, seule la publication la plus récente sera reprise, parti-culièrement si elle- même fait référence aux autres publications de son propre pays.

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En France, au début du dépistage, le biais était en faveur d’une démarche de tout ourien. Il y a même eu un document de « consentement informé » que la femme devait signer [5]. La tournure même de ce document pouvait amener la femme à penserque, si elle souhaitait connaître le risque de trisomie inhérent à sa grossesse, elle devait continuer sa démarche jusqu’au bout, à savoir l’IMG en cas de trisomie avérée.Actuellement, un document national est en préparation ; celui- ci présentera letest comme une succession de choix possibles et autorisera vraisemblablement lesfamilles à prendre le temps de la décision en dissociant les trois éléments  : calculdu risque, test diagnostique invasif en cas de risque élevé et décision concernant lesuivi de grossesse en cas de caryotype anormal.Pour la France, plusieurs études ont été trouvées concernant les inégalités d’accèsau dépistage, qui sont reprises dans la plus récente [6]. De manière intéressante, dès1986, et pour l’amniocentèse de première ligne chez les femmes de plus de 38  ans,une équipe de Rouen mettait en évidence l’inégalité sociale d’accès [7]. On peut fairel’hypothèse que cette vision précoce d’un « manque de chance » chez les femmes quin’ont pas eu accès au dépistage a marqué l’évolution ultérieure du dépistage en France.Deux études ont investigué les perceptions des femmes. Chez 400 femmes accouchéesen région parisienne, la typologie des décisions [8] et l’enchaînement de celles- ci ont été investigués. Il est intéressant d’observer que, dans cette étude, une femme sur trois ne souhaitait pas une information complète lors du test de calcul de risque. Une autreenquête en Alsace, auprès de 305 patientes, a montré des niveaux d’autonomie et de connaissance insuffisants [9]. Une autre enquête en Alsace, auprès de 276 médecins,concernant leurs perceptions et particulièrement le dépistage implicite à l’échogra-phie a mis en évidence un déficit de formation des médecins [10].

En Belgique, sur le terrain, et de manière qualitative, des entretiens avec des soi-gnants et du personnel ONE montrent que l’outil est utilisé mais sans adhésionlarge. Plusieurs détenteurs d’enjeux ont émis des constations négatives. Parmi lesproblèmes rapportés, on note les trois suivants :– des associations de parents d’enfants trisomiques ont déploré l’aspect explicite

de la description de la trisomie de la brochure ;– des soignants et des travailleurs médico- sociaux, basés dans des hôpitaux à

population essentiellement migrante considèrent le document trop complexe ;– des soignants et des travailleurs médico- sociaux rapportent que la brochure ne

résout pas la problématique des parents qui « ne veulent pas entendre parler destests de la trisomie » et qui refusent aussi bien l’information orale que la brochure.

En Allemagne, une équipe rapporte les résultats d’enquête durant la grossesseconcernant les inquiétudes générées chez les femmes enceintes par les examens complémentaires en consultation prénatale. Il apparaît que le dépistage de la tri-somie est particulièrement anxiogène et mal expliqué [11]. Un questionnementdirect de praticiens allemands confirme qu’aucun document d’information n’a étépréparé au niveau national. Toutefois, il est possible que certains länder aient réa-lisé une brochure.

Les Pays- Bas sont, sur le plan de la santé périnatale et générale, un pays parti-culier. Bien que ce pays ait été classé plusieurs fois consécutives comme le paysavec la meilleure offre de santé, la mortalité périnatale y est un peu plus élevée

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que chez les pays voisins, sans que l’on puisse savoir si c’est lié au système  : peude césariennes, plus d’un quart des naissances à domicile avec des sages- femmes,peu d’examens techniques, pas d’accès au gynécologue pour les grossesses nor-males [12]. Pour l’information et la prise de décision dans le contexte du dépistage de la trisomie, deux particularités méritent d’être rapportées [13]. La première estqu’il a été proposé d’intégrer l’information sur ce dépistage dans la consultation préconceptionnelle, activité largement promue dans ce pays. La deuxième est quele test de calcul du risque (que ce soit au 1er ou au 2e trimestre) n’est pris en chargepar la sécurité sociale qu’au- delà d’un certain âge et que les femmes jeunes doi-vent payer pour faire le calcul du risque. Pour l’examen invasif en cas de calcul derisque élevé, il semble qu’il soit largement pris en charge par la sécurité sociale.

Dans les pays anglo- saxons, les thématiques de l’information et de la prise de déci-sion dans le domaine du dépistage de la trisomie sont présentes depuis plus de vingtans et plus de cent articles des États- Unis, d’Australie et du Royaume- Uni rappor-tent des enquêtes auprès de femmes et de leur famille sur cette thématique. C’est sans doute dans ce contexte que s’est élaboré au Royaume- Uni un portail compre-nant tous les outils nécessaires pour une information impartiale et complète.On y trouve des outils patients, qu’ils peuvent d’ailleurs télécharger directement s’ils le désirent. Ceux- ci comportent premièrement des brochures d’informa-tion. Le modèle de base est très détaillé et comporte vingt pages. Seule la pre-mière moitié a trait au calcul du risque. La brochure de base est disponible dansdouze langues étrangères qui correspondent aux flux migratoires majoritaires au Royaume- Uni, et qui comportent notamment le français (Afrique du Nord etsubsaharienne), le portugais (Brésil), le vietnamien et le polonais.Le document se présente de manière visuellement standardisée, ce qui permet d’échanger avec la femme, en commentant par exemple la brochure en polonais,par exemple, le 3e paragraphe à la page 12 explique le type de procédure en usagedans l’hôpital. Il existe aussi un texte en anglais « simple », un CD pour non- voyants ainsi qu’un document pour personnes avec des capacités cognitives limi-tées. Ce document est abondamment illustré (30  images) et accompagné d’un texte très simple, qui peut être lu à haute voix, que ce soit par un soignant, un membre de la famille, etc. Des formations de soignants pour l’information sur le dépistage ont été mises en place, et l’information sur celles- ci se retrouve aussi sur le site.Par ailleurs le portail comporte encore d’autres aspects utiles, tel un cours en ligne gratuit sur le dépistage ou des explications concernant les tests encore expérimen-taux, notamment le dépistage sur cellules fœtales dans le sang maternel. Finalement le site donne une information claire sur la supériorité du calcul de risque en deux temps (à deux tours), intégré, séquentiel ou contingent, le test le plus performant étant celui qui minimise le taux de fausses couches, et donc le nombre d’amnio-centèses en maximisant le nombre de cas dépistés. Le site donne aussi le calendrierprévisionnel pour la mise en place dans toutes les régions du test le plus performant.Enfin le portail donne accès aux résultats de l’audit mis en place et les soignants sont informés des résultats. Le nom de Muir Gray est à associer au succès du por-tail et de la gouvernance du programme de dépistage anglais. Il a sans doute étél’un des premiers à conceptualiser la différence entre « programme de dépistage »évaluable et dépistage opportuniste, forcément non mesurable, ni pour les faux négatifs, ni pour les faux positifs.

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Les pays nordiques, comme les pays anglo- saxons se sont impliqués dans l’étudedes modalités d’information et de prise de décision depuis de longues années. Uneinitiative amusante est celle d’une équipe suédoise qui a monté un essai randomisé comparant l’information aux futurs parents par un film ou par une brochure. Lecritère de jugement principal était le fait de poser un choix informé concernant le calcul du risque [14]. Il était amélioré de manière significative (72 versus 61 %). Cela pourrait améliorer un problème identifié en Belgique, à savoir celui des futurs parents qui refusent toute information, même verbale, au motif qu’ils savent qu’ilsne veulent pas de ce test. Cette position fait entrer une certaine violence dans le cabinet de consultation (la patiente : « je refuse d’écouter ce que vous voulez m’ex-pliquer »), et il serait bienvenu pour les femmes et les soignants si elle pouvait êtreremplacée par un choix serein, loin des clivages culturels (le soignant  : « j’ai bien vu que ce n’était pas la peine de leur proposer »).r

En Irlande et en Pologne, le dépistage de la trisomie n’est pas disponible, dumoins officiellement. Il semble qu’en Irlande un certain nombre de femmesfassent le calcul de risque, et éventuellement le diagnostic invasif en Ulster (Irlande du Nord). En cas de besoin d’IMG, elles doivent apparemment traverser la merd’Irlande et se rendre en Angleterre.

CONCLUSION

Il est probable que les importantes variations dans les taux d’IMG pour tri-somie soient influencées par la philosophie locale et que les documents d’infor-mation reflètent cette philosophie. Dans ce contexte, il est intéressant d’observerqu’en France, un diagnostic anténatal de trisomie  21 est suivi d’IMG dans 96 % des cas, résultat qui n’est pas éloigné de celui de la Belgique avec 91 %. À titre decomparaison, le taux aux Pays- Bas est de 73 % [15].Il est probable aussi que l’observation des différences entre pays génère uneréflexion sur sa propre pratique.Malgré l’élaboration d’une grille de qualité, la première constatation est qu’aucun pays ne réussit actuellement un sans- faute. Une deuxième constatation est que le portail anglais offre sans aucun doute une porte à la réflexion.Finalement, il y a sans doute ici une ébauche pour réaliser un travail plus complet,dans le cadre par exemple de projets européens.

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