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18 \ DÉCOUVERTE \N° 357 JUILLET-AOÛT 2008 Le pont haubané de Millau © Eiffage / Foster & Partners / Daniel JAMME - Millau pour C.E.V.M.

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18 \ DÉCOUVERTE \N° 357 JUILLET-AOÛT 2008

Le pont haubané de Millau © Eiffage / Foster & Partners /

Daniel JAMME - Millau pour C.E.V.M.

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Matière & Énergie

LES EFFETS DU VENT SUR LES PONTS

Toujours plus hauts et toujours plus longs, les ponts se tordent, fléchissent, se balancent sous les effets du vent. En 1940, surprise ! le pont de Tacoma cède. Depuis les ingénieurs

ont beaucoup appris. Combinant expériences de soufflerie et calculs par ordinateur, les ponts modernes sont conçus pour mieux résister au vent.

PAR PASCAL HÉMON, INGÉNIEUR DE RECHERCHE DU CNRS AU LABORATOIRE D’HYDRODYNAMIQUE DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE (LADHYX)

L’étude des effets du vent sur lesponts reste marquée par deuxévénements majeurs, deux acci-dents qui permirent, voire forcè-rent, les ingénieurs à faire

progresser la connaissance dans cedomaine. En 1879, un jour de grand vent, leFirth of Tay Bridge, qui enjambe la rivièreTay en Écosse, s’effondre au passage d’untrain, provoquant la mort de 80 personnes.

Deux accidents majeursÀ l’époque, l’effet de la force exercée par levent avait été largement sous-estimé. Dixans plus tard, Gustave Eiffel (1832-1923)préconise pour ériger sa tour une pressiondu vent six fois supérieure à celle utiliséepour construire le Tay Bridge. Par la suite,les progrès de l’aérodynamique conjuguésaux débuts de l’aviation permirent demieux prendre en compte les effetsstatiques du vent sur les structures. Dumoins, pour celles qui restent immobilesdans le vent. Mais que se passe-t-il lorsque

la structure se met à osciller ? Le 7 novem-bre 1940, le pont suspendu de TacomaNarrows aux États-Unis s’effondre aprèsune série d’oscillations qui a duré près detrois quarts d’heure ! Curieusement, lavitesse moyenne du vent était bien infé-rieure à la valeur limite utilisée pour saconception. C’est donc bien l’effet desvibrations qui a conduit à sa destruction.Plus précisément, il s’agit d’une instabilitéaéroélastique qui est engendrée par uncouplage entre la force aérodynamiqueexercée par le vent et l’élasticité du pont.L’accident a été entièrement filmé, ce qui alargement contribué à faire connaître cetévénement dans le monde entier. Il marque aussi le début de l’époquemoderne où les vibrations dues au vent,bien que globalement maîtrisées, restentencore difficiles à comprendre. L’étude deseffets du vent sur ces ouvrages requiertalors de plus en plus des compétencesdans différentes disciplines, mécaniquedes structures et des vibrations, aérodyna-mique, météorologie...

1879le Firth of Tay Bridge qui enjambe la rivière Tay en Écosse, s’effondre au passage d’un train,provoquant la mort de 80 personnes.

1940 le pont suspendu deTacoma Narrows auxÉtats-Unis s’effondrele 7 novembre après unesérie d’oscillations de prèsde trois quarts d’heure !

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Le pont suspendu de Tancarville. © Photothèque Eiffage Construction / Fougerolle

Le pont haubané de Millau. © Eiffage / Foster & Partners / Daniel JAMME - Millau pour C.E.V.M.

Pour en savoir plus

Ponts suspendus et ponts haubanésLes ponts suspendus diffèrent des ponts haubanés par la façon dont est soutenu le tablier(partie du pont où repose la chaussée). Les ponts haubanés sont plus faciles d’entretien etmoins chers que les ponts suspendus dont le principe est plus ancien.

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Matière & Énergie

Deux pylônes (1) construits à chaque extrémitésoutiennent un câble porteur (2) sur lequel est fixéeune série de câbles verticaux plus petits, lessuspentes (3), qui soutiennent elles-mêmes le tablier (4).Le câble porteur est fixé dans le sol aux points d’an-crage (5). Ces points d’ancrage tiennent donc l’en-semble de la structure. Ce type de pont permet untirant d’air (6) important ainsi qu’un large espaceentre les pylônes n’entravant pas la navigation. Lepont de Tancarville est un exemple de pontsuspendu.

Le tablier du pont est soutenu par des câbles inclinés :les haubans (2) directement fixés sur des pylônes degrande hauteur (1). Les haubans peuvent atteindre400 mètres de long. Un pont haubané est auto-équi-libré car les pylônes sont chargés symétriquement. Deplus, il n’a pas besoin d’ancrage au sol. Les deuxextrémités du pont s’appuient sur des massifs demaçonnerie : les culées(3). La travée(4) est la longueurde tablier située entre deux appuis consécutifs (ellecorrespond sur le dessin à la longueur totale du pont).En France, le pont de Normandie a longtempsdétenu le record du monde de la plus longue travée.Plusieurs ensembles successifs peuvent être mis enplace, comme pour le viaduc de Millau dont l’un despylônes est le plus haut du monde.

Schéma d’un pont haubané

Schéma d’un pont suspendu

Pour ériger un pont haubané, on commence parconstruire les pylônes. En général, le tablier est ensuiteprogressivement suspendu avec les haubans corres-pondants de part et d'autre du pylône, de manièreà garder un équilibre naturel de l'ensemble. Le fléau(1) est cet ensemble structural ainsi constitué qui esttrès souple, spécialement en torsion autour de laverticale, tout en présentant une très grande prise auvent. La période la plus critique survient juste avant leraccordement, ou clavetage, du tablier aux deuxextrémités, vers une culée (2) ou un autre fléau (3). Unestructure provisoire (4) reliant l’extrémité du tablier ausol vient très souvent sécuriser l’opération.

Schéma d’un pont haubané en construction

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Un phénomène sous haute surveillanceActuellement, les grands ponts, suspendusou haubanés (encadré Ponts suspendus ethaubanés), sont très légers et surtout trèssouples. Ils fléchissent, se tordent, sebalancent, tout en subissant l’impact desrafales de vent. Tout l’art des ingénieursd’aujourd’hui est d’en tenir compte.

UN COUPLAGE DANGEREUXLorsque le vent souffle, même de façonstable, il déforme les structures souples,qui se plient ou se tordent sous son action,de sorte que la structure une fois déforméene présente plus exactement la mêmesurface au vent qu’auparavant. Cettedéformation dépend naturellement del’élasticité de la structure. En retour, lanouvelle forme de la structure engendreune modification de la force exercée par levent, ce qui provoque de nouveau unchangement de déformation. Et ainsi desuite…Cet enchaînement d’actions/réactions,alors même que la vitesse du vent resteconstante, conduit à un couplage entre levent et l’élasticité de la structure. On parlede « couplage aéroélastique », qui caracté-rise les effets qu’un vent stabilisé produitsur les oscillations éventuelles d’unouvrage. Dans certaines conditions, cecouplage peut mener à une instabilitédéterminée par l’amplification des oscil-lations de la structure.

L’INSTABILITÉDu fait du couplage aéroélastique, unéchange d’énergie mécanique se produitentre le vent et le pont qui oscille. On ditque le pont est stable lorsque l’énergiemécanique est transférée du pont vers levent qui la dissipe : lorsqu’un événementextérieur engendre une petite oscillationinitiale, par exemple le passage d’un

a)

b)

c)

f)

d) e)

g)

Figure 1. Reconstitution de l’accident du pont de Tacoma 1940 auxÉtats-Unis. a) - e) Déformation en torsion menant jusqu’à la ruine f).

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Matière & Énergie

camion ou une soudaine rafale de vent,cette oscillation va ensuite s’amortir. Deplus, le vent n’est jamais parfaitementconstant : les petites variations de vitesseautour de la vitesse moyenne suffisent àproduire de petites oscillations.En revanche, si la vitesse moyenne du ventest suffisamment élevée, au-dessus de ceque l’on appelle la vitesse critique, le pontest instable et l’oscillation initiale s’am-plifie. L'énergie se transfère alors du ventvers le pont (il existe d’ailleurs des projetsd’éoliennes fondées sur ce principe) et lesoscillations s’amplifient à cause ducouplage aéroélastique, jusqu’à la ruinede l’ouvrage.

L’ACCIDENT DE TACOMADÉCORTIQUÉDans le cas du pont de Tacoma, la défor-mation en torsion du tablier qui s’observefacilement sur les dessins (fig. 1a-1f)correspond à une variation de l’angle d’in-cidence du vent. Ce changement d’inci-dence modifie l’écoulement du ventautour du tablier qui, en retour, modifie lecouple de torsion. Par conséquent, le pontcapte de l’énergie au vent à chaque foisqu’il oscille (fig. 2a, 2b). L’amplitude desvibrations augmente progressivementjusqu’à ce que la déformation engendredes effets sur les câbles et les autrescomposants qui conduisent finalement àsa ruine. Cette explication a été confirméepar plusieurs études en soufflerie depuisles années 1940 et ce phénomène,aujourd’hui bien connu des concepteurs,est systématiquement étudié.Presque tous les ponts subissent ce phéno-mène aéroélastique : le terme « aéroélas-ticité » vient de ce qu’il dépend des carac-téristiques aérodynamiques du tablier etde sa rigidité élastique provenant de saconception mécanique. Les grands pontssont des ouvrages architecturaux uniquesdont les tabliers doivent être testés en

soufflerie afin de garantir la qualité desétudes. Car l'écoulement du vent autourd'une structure aussi grande et complexequ'un pont ne peut pas s'obtenir par lecalcul, les essais en soufflerie donnantencore les résultats les plus fiables. Pour cefaire, on réalise une maquette d'un tron-çon de tablier sur laquelle on va mesurerles forces aéroélastiques, afin de calculerensuite la vitesse critique pour le pontcomplet. Dans ce contexte, tout l'art de construireavec le vent réside dans la capacité desconcepteurs à augmenter la vitessecritique, de telle sorte que le vent naturelne puisse jamais l'atteindre.

Les effets des rafales de vent Le vent est très turbulent : il produit desvariations de vitesse parfois très impor-tantes sur des durées courtes, de l’ordre dequelques secondes. Le pont va être excitépar ces rafales et produire une vibrationqui pourrait endommager ou fatiguer sastructure. À l'inverse des instabilités aéroé-lastiques, il n'est pas possible d'éviter lesrafales de vent. Aussi les ingénieursdoivent-ils en tenir compte lors du choixdes matériaux et de la conception méca-nique. À l'aide de données météorolo-giques, ils doivent modéliser les fluctua-tions du vent pour en calculer les effets surle pont, notamment les contraintesinduites dans la structure. La simulationnumérique par ordinateur des vibrationstrouve là une application concrète et effi-

Figure 2. Illustration de la complexité del’écoulement autour d’un tablier de type pont de Tacoma.a) Écoulement autour du tablier horizontal. b) Écoulement autour du tablier incliné. Dès que le tablier est inclinépar rapport au vent,l’écoulement se modifieet engendre un couple de torsion (flèche courbeen noir). À cause de ses caractéristiquesaérodynamiques, il arrive que la variationde ce couple de torsionamplifie le mouvement au lieu de l’amortir. Ce fut le cas pour le pont de Tacoma.

a)

b)

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cace lorsque ces calculs de structure sontalimentés par les résultats des essais ensoufflerie.

UN PONT EN CONSTRUCTION EST FRAGILEMais si les ingénieurs réussissent à conce-voir correctement un pont à l'état final,

c'est parce qu'ils prennent en compte lapériode de construction, lorsque la struc-ture incomplète est plus fragile. En parti-culier, pour un pont haubané, durant lapériode critique précédent le clavetage(encadré Ponts suspendus et ponts haubanés,schéma d’un pont haubané en construction), lastructure en fléau est particulièrementflexible et extrêmement sensible aux fluc-tuations de vitesse du vent. Les concep-teurs peuvent même être amenés à ajou-ter une structure provisoire de typeéchafaudage pour renforcer la structureincomplète. De plus, le chantier deconstruction suit en permanence l’évolu-tion des prévisions météorologiques afind’anticiper les problèmes.La connaissance fine des caractéristiquesdes rafales de vent constitue donc unenjeu majeur car elles forcent la vibrationdu pont. L'estimation des contraintes dansla structure qui en découle nécessite doncde connaître la vitesse du vent que l'on varencontrer sur le site d’implantation. Ilexiste deux façons d'y parvenir :

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Figure 3. Carte de France des vents forts pourune période de 50 ans. © C. Sacré et al.

La fausse explication de la rupture du pont de TacomaL'accident a suscité de nombreuses publications avec parfois des erreurs grossières sur la réalitéscientifique. Ce pont suspendu a été ouvert le 1er juillet 1940 ; l’accident a eu lieu quatre mois plus tard le 7novembre. La travée mesurait 853 mètres et le tirant d’air 59 mètres ; les dégâts furent uniquement matériels.Une explication fausse de l’accident, néanmoins très répandue, consiste à incriminer un phénomène derésonance entre le pont et des tourbillons d’air formés dans le sillage du tablier. Ce type de tourbillons secrée à l’arrière de certains obstacles à une fréquence bien déterminée qui dépend de la vitesse moyennedu vent et de l’épaisseur transversale de l’obstacle. Ils produisent une variation alternative de la pression del’air sur l’obstacle, ce qui engendre une force aérodynamique alternative. Lorsque la fréquence de cetteforce correspond à l’une des fréquences de vibration naturelle du pont, un phénomène de résonance sedéclenche, au cours duquel les mouvements de la structure sont fortement amplifiés (c’est aussi pour éviterune résonance que les militaires cessent la marche au pas cadencé en traversant un pont). Mais dans le casdu pont de Tacoma, cette explication ne tient absolument pas car la fréquence de torsion du pont était deun cycle toute les 5 secondes (0,2 Hz), tandis que celle des tourbillons était de un cycle par seconde (1 Hz).Le rapport de ces deux fréquences étant de cinq, tout risque de résonance est exclu.

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– soit le site est dégagé, par exemple enbord de mer pour un projet de pont enjam-bant un estuaire. La connaissance du ventet de ses caractéristiques est reliée princi-palement à la vitesse moyenne du ventque l'on peut obtenir par les statistiquesmétéorologiques.– soit des reliefs naturels sont présents,comme pour le viaduc de Millau situé dansun massif montagneux. Pour ce cas précis,la simple connaissance de la vitesse duvent à l'échelle météorologique est insuf-fisante. Il faut affiner la connaissance pardes études spécifiques en soufflerie d'unemaquette de paysage, complétée par descampagnes de mesures sur le terrain et unrecalage avec la station météorologique laplus proche.En France, la vitesse moyenne du vent àprendre en compte pour les constructionsa été déterminée par le Centre scientifiqueet technique du bâtiment (CSTB) en colla-boration avec Météo France. L'exploitationsystématique des enregistrements desstations météorologiques du territoire apermis de produire la carte de France desvents forts (fig. 3) qui est intégrée au seinde la norme européenne. C'est l'outil debase incontournable et indispensable desingénieurs et architectes pour l'étude deseffets du vent sur les structures.

Curieux filets d’eauUn nouveau problème a surgi sur les pontshaubanés au cours des années 1980.Certains haubans se sont mis à vibrer àgrande amplitude par temps de pluie et devent, alors qu’ils ne bougeaient pas partemps sec. Les haubans concernés étaientgainés par un tube circulaire lisse en inoxou en plastique pour les protéger de lacorrosion. Sans avoir un pouvoir aussidestructeur qu’une instabilité aéroélas-tique, ces oscillations ne sont néanmoins

pas acceptables car elles engendrent unefatigue prématurée des câbles.Le mécanisme incriminé, qui restetoujours l’objet de recherches, est celui dela formation de filets d’eau de pluie posi-tionnés par le vent de part et d’autre de lacirconférence du hauban. Ces filets provo-quent une modification de la forme exté-rieure circulaire qui accentue la sensibilitéaux vibrations. Pour traiter ce problème, lesingénieurs ont imaginé des gaines muniesde nervures ou d’appendices dont l’objec-tif est de briser l’organisation des filetsd’eau. Ainsi le pont de Normandie a étééquipé de telles gaines modifiées dès saconstruction.L’évolution actuelle des projets de grandsponts engendre donc de nouvelles problé-matiques, notamment en couplant leseffets du vent avec d’autres phénomènes.C’est ainsi qu’après avoir appris à maîtri-ser les effets statiques du vent, ses effetsvibratoires, l’effet des rafales, les ingé-nieurs ont eu à se confronter à un nouveaumécanisme conjoint avec la pluie.Mais la tendance du « toujours plus haut ettoujours plus long » reste constante. Sansnul doute, l’histoire ne s’arrêtera pas là. P. H.

Pour aller plus loinCrémona C. et Foucriat J.-C. Éd.,Comportement au vent des ponts. Presses de l’ENPC, 2002.

EUROCODE 1 Actions sur les structures – Partie 1-4 : Actions générales – Actions du vent. EN 1991-1-4, 2005.

Hémon P., Vibrations des structures couplées avec le vent. Éditions de l’École polytechnique, 2006.

Montens S., Les plus beaux ponts de France.Éditions Bonneton, 2001.

Sacré C., Sabre M. et Flori J.-P., Cartographiedes vents extrêmes en France métropolitaine.Rapport du CSTB, EN-CAPE 05.180 C, 2003.

Pascal Hémonest ingénieur derecherche du CNRSau laboratoired’hydrodynamique de l’École polytechnique(LadHyX). Ses travaux derecherche portent sur les effets aéroélastiques du vent sur les structuressouples tels que les ponts et les ailes d’avion. Il enseigne égalementl’aéroélasticité à l’ISAE de Toulouse et l’ESSTIN de Nancy

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