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Introduction Un auteur a pu écrire que l’existence du droit administratif relève du miracle (M .Veille dans son intro au que sait-je du droit administratif). Le miracle auquel fait allusion cet auteur tient à ce que l’Etat et les personnes publiques acceptent de se plier à un droit qu’ils contribuent à forger. En effet, que les particuliers respectent des règles de droit, on le comprend aisément, les règles de droit leur sont imposées de l’extérieur et leur inobservation est sanctionnée par des organes étatiques, les juridictions. A l’inverse les personnes publiques produisent des règles de droit et donc, s’agissant de l’Etat, la soumission au droit ne présente pas du tout le même caractère d’évidence. Lorsqu’il y a soumission au droit des personnes publiques, il y a passage de l’Etat de police à un Etat de droit. Lorsqu’il y a Etat de police, les personnes publiques, qui agissent dans un but d’intérêt général, ne sont liées par aucune règle de droit particulière. Il y a arbitraire au sens littéral du terme, càd qu’il y a libre arbitre pour les personnes publiques. Au contraire dans un Etat de droit, les personnes publiques sont liées par le droit, elles ne peuvent pas agir librement, elles ne peuvent agir que dans un cadre juridique prédéterminé, que dans les limites de ce cadre juridique. On dit que dans un Etat de droit, les personnes publiques sont soumises au respect du principe de légalité, notion très importante. C’est l’idée que la personne publique ne fait pas ce qu’elle veut, même si elle agit pour l’intérêt général Ce passage d’un Etat de police à Un Etat de droit s’est opéré progressivement. Il y a eu transformation de la nature de l’Etat et c’est dans le cadre de ce passage qu’est apparu le droit administratif. Section 1 : Définition du droit administratif Ce qui semble logique, c’est de définir le droit administratif comme le droit applicable à l’administratif, càd le droit de l’Administration. En réalité, cette approche est beaucoup trop imprécise. D’une part en effet, le droit administratif n’est pas tout le droit de l’administration, d’autre part, le droit administratif peut s’appliquer à des personnes privées. Il faut donc dés le départ clairement distinguer droit administratif et droit de l’administration. L’un des éléments de cette distinction tient à ce que le droit administratif est appliqué par une juridiction spécialisée, qui est la juridiction administrative. A) La nécessaire distinction entre droit administratif et droit de l’administration On est passé en France d’un Etat de police à un Etat de droit. Ce passage n’entrainait pas nécessairement l’apparition d’un droit spécial. En effet, on aurait parfaitement pu admettre que l’Etat et les personnes publiques soient soumis aux mêmes droits que les particuliers. Ce n’est pas le système qui a été retenu. En France, les personnes publiques sont soumises au respect du droit, mais ce droit est un droit spécial, qui sur certains points s’oppose au droit commun. Pourquoi ce droit spécial ? Les personnes publiques, à la différence des particuliers, agissent toujours dans l’intérêt général. Dans la mesure où les personnes publiques agissent dans l’intérêt général, il est normal qu’elles disposent de prérogatives particulières, et qu’elles soient soumises à un droit spécifique. Ce droit spécial est le droit administratif. -Pour autant, il arrive que les personne publiques, ce qu’on appelle l’administration au sens organique, utilisent des techniques empruntées au droit privé. Dans les cas où l’administration agit dans les mêmes conditions qu’une personne privée, on utilise le droit commun, et elle relève du juge judiciaire. Un premier constat s’impose alors: Le droit de l’administration, c’est en fait un droit mixte. Il est pour parti composé de règles spécifique (droit administratif) et de règles de droit commun (droit privé). 1

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Introduction

Un auteur a pu écrire que l’existence du droit administratif relève du miracle (M .Veille dans son intro au que sait-je du droit administratif). Le miracle auquel fait allusion cet auteur tient à ce que l’Etat et les personnes publiques acceptent de se plier à un droit qu’ils contribuent à forger. En effet, que les particuliers respectent des règles de droit, on le comprend aisément, les règles de droit leur sont imposées de l’extérieur et leur inobservation est sanctionnée par des organes étatiques, les juridictions. A l’inverse les personnes publiques produisent des règles de droit et donc, s’agissant de l’Etat, la soumission au droit ne présente pas du tout le même caractère d’évidence. Lorsqu’il y a soumission au droit des personnes publiques, il y a passage de l’Etat de police à un Etat de droit. Lorsqu’il y a Etat de police, les personnes publiques, qui agissent dans un but d’intérêt général, ne sont liées par aucune règle de droit particulière. Il y a arbitraire au sens littéral du terme, càd qu’il y a libre arbitre pour les personnes publiques. Au contraire dans un Etat de droit, les personnes publiques sont liées par le droit, elles ne peuvent pas agir librement, elles ne peuvent agir que dans un cadre juridique prédéterminé, que dans les limites de ce cadre juridique. On dit que dans un Etat de droit, les personnes publiques sont soumises au respect du principe de légalité, notion très importante. C’est l’idée que la personne publique ne fait pas ce qu’elle veut, même si elle agit pour l’intérêt général Ce passage d’un Etat de police à Un Etat de droit s’est opéré progressivement. Il y a eu transformation de la nature de l’Etat et c’est dans le cadre de ce passage qu’est apparu le droit administratif.

Section 1 : Définition du droit administratif

Ce qui semble logique, c’est de définir le droit administratif comme le droit applicable à l’administratif, càd le droit de l’Administration. En réalité, cette approche est beaucoup trop imprécise. D’une part en effet, le droit administratif n’est pas tout le droit de l’administration, d’autre part, le droit administratif peut s’appliquer à des personnes privées. Il faut donc dés le départ clairement distinguer droit administratif et droit de l’administration. L’un des éléments de cette distinction tient à ce que le droit administratif est appliqué par une juridiction spécialisée, qui est la juridiction administrative.

A) La nécessaire distinction entre droit administratif et droit de l’administration

On est passé en France d’un Etat de police à un Etat de droit. Ce passage n’entrainait pas nécessairement l’apparition d’un droit spécial. En effet, on aurait parfaitement pu admettre que l’Etat et les personnes publiques soient soumis aux mêmes droits que les particuliers. Ce n’est pas le système qui a été retenu. En France, les personnes publiques sont soumises au respect du droit, mais ce droit est un droit spécial, qui sur certains points s’oppose au droit commun. Pourquoi ce droit spécial ? Les personnes publiques, à la différence des particuliers, agissent toujours dans l’intérêt général. Dans la mesure où les personnes publiques agissent dans l’intérêt général, il est normal qu’elles disposent de prérogatives particulières, et qu’elles soient soumises à un droit spécifique. Ce droit spécial est le droit administratif. -Pour autant, il arrive que les personne publiques, ce qu’on appelle l’administration au sens organique, utilisent des techniques empruntées au droit privé. Dans les cas où l’administration agit dans les mêmes conditions qu’une personne privée, on utilise le droit commun, et elle relève du juge judiciaire. Un premier constat s’impose alors: Le droit de l’administration, c’est en fait un droit mixte. Il est pour parti composé de règles spécifique (droit administratif) et de règles de droit commun (droit privé).

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-Par ailleurs, ce qui caractérise les personnes publiques, c’est qu’elles agissent dans l’intérêt général, mais il arrive que des personnes privées elles même agissent dans l’intérêt général (ex : association). Certaines personne privées gèrent de véritables activités de service public (ex : les caisses primaire d’assurance maladie). Dans ce cas là, la jurisprudence a admis que l’on applique à cette personne privée le droit administratif, dans la mesure où elle a en charge une activité d’intérêt général. Dans cette hypothèse, on dit que l’on est en présence d’une administration au sens matériel. On peut faire ici un second constat : le droit administratif est un droit qui ne s’applique pas exclusivement à des personnes publiques mais qui peut s’appliquer également à des personnes privées lorsque celles-ci agissent dans un but d’intérêt général avec des prérogatives de puissance publique.

Si on combine ces deux constats, il ressort que le droit administratif n’est pas tout le droit de l’administration au sens organique, mais il peut aller au-delà et s’appliquer à des personnes privées lorsque l’activité de celles-ci présentent un caractère matériellement administratif.

B) Le droit administratif est un droit spécifiquement appliqué par les juridictions administratives

Le lien entre droit administratif et juridiction administrative est un lien fondamental.Ce lien entre les deux, peut être illustré par un arrêt du tribunal des conflits qui a longtemps été considéré comme l’arrêt fondateur du droit administratif. C’est l’arrêt Blanco, rendu le 8 février 1873 par le Tribunal des conflits. Une enfant avait été blessée par un wagonnet qui relevait de la manufacture de tabac de Bordeaux, entreprise publique relevant de l’Etat. Le père veut engager une action mais ne sait devant quel tribunal se présenter. Le tribunal des conflits retient la compétence du juge administratif en émettant un considérant essentiel : « La responsabilité qui peut incomber à l’Etat pour les dommages causés aux particuliers, par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil pour les rapports de particuliers à particuliers. » Il ajoute « cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue. Elle a ses règles spéciales, qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés. Dès lors l’autorité administrative (= le juge administratif) est seul compétent pour en connaitre. »Le droit administratif est né pratiquement de l’arrêt Blanco.

Le droit administratif est constitué de l’ensemble des règles qui s’appliquent de façon spécifique à l’action administrative entendue à la fois dans son sens organique càd (une personne publique) et matériel (une activité d’intérêt général) et dont le respect est assuré par un ordre juridique particulier, la juridiction administrative.

Section 2 : Caractères généraux du droit administratif

Trois caractères principaux : C’est un droit du déséquilibre, jurisprudentiel, en mutation.

A) un droit du déséquilibre

On doit cette formule à un auteur, Laubadère.Les personnes publiques sont censées agir dans l’intérêt général, à la différence des particuliers, de sorte qu’on a d’un coté, des personnes publiques qui agissent dans l’intérêt général et de l’autre, des personnes privées qui agissent dans des intérêts particuliers. Il y a donc confrontation entre l’intérêt général et l’intérêt particulier, l’intérêt général l’emporte alors. De sorte que la relation entre l’administration et l’usager est une relation fondamentalement inégalitaire, et ce déséquilibre se fait au profit de l’administration. Aujourd’hui le droit administratif protège efficacement les droits et les libertés des particuliers. Mais ceci étant, cela reste un droit déséquilibré.Ex(1) : en droit des contrats : dans un contrat de droit privé, le contrat fait la loi des parties, qui sont supposées être basée sur un même pied d’égalité et doivent respecter ce contrat. La personne publique peut pourtant résigner unilatéralement ce contrat si l’intérêt général le justifie à un moment.

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Ex(2) : l’expropriation

B) Un droit jurisprudentiel

L’arrêt Blanco dit que le juge administratif est compétent, et ne doit pas appliquer le droit commun. Mais à cette époque, le droit administratif n’existe pas. Il a donc fallu que le juge administratif forge lui même le droit qu’il a ensuite appliqué à l’administration. Fin 19ème siècle, c’est un droit quasi uniquement jurisprudentiel.

C) Un droit en mutation

Quatre constatations :

L’influence croissante du droit communautaire sur le droit administratif. Pendant longtemps le CE a été réticent à reconnaitre le droit communautaire, jusqu’à un arrêt fameux (l’arrêt Nicolo rendu le 20 octobre 1989 par le CE) Aujourd’hui, 80% du droit français est communautaire. Il y a confrontation entre des notions classiques du droit administratif et des notions du droit communautaire, ce qui produit une remise en cause de ces notions classiques

L’effectivité croissante du droit administratifPendant longtemps, lorsque le juge administratif censurait des actes de l’administration, ces arrêts n’étaient suivis d’aucun effet concret. Depuis l’année 90, le juge administratif s’est vu accordé les moyens lui permettant de faire respecter ses décisions, par exemple, les injonctions.En même temps il s’est vu accordé les moyens de statuer dans l’urgence (notamment par les procédés de référés) ; Aujourd’hui le rôle du juge est plus effectif.

La rigueur croissante du contrôle du juge administratifAu départ, le juge administratif n’a été créé que pour protéger l’administration, mais pas les particuliers. Aujourd'hui, il y un renversement de cette perspective, il est devenu un véritable protecteur des citoyens. Il n’hésite pas à contrôler l’administration strictement, engager la responsabilité administrative, à contrôler certains actes.

La place croissante au sein du droit administratif du droit applicable aux collectivités territoriales.A partir de 1982, la France a mené une politique de décentralisation, il y a eu transfert de compétences de l’Etat central aux collectivités territoriales.

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Partie 1Partie 1 : : Le domaine d’application et Le domaine d’application et les sources du droit administratifles sources du droit administratif

Titre 1Titre 1 : : La notion d’administration et la justice administrative La notion d’administration et la justice administrative

Sous titre 1Sous titre 1 : : La notion d’administrationLa notion d’administration

Le même mot administration a deux significations : organique et matérielAu sens organique, l’administration désigne l’ensemble des personnes publiques. L’administration est une simple collection de personnes morales de droit public.Au sens matériel, l’administration désigne une activité et non une personne. Peut être qualifiée d’activité administrative toute activité qui s’exerce dans un but d’intérêt général. A l’origine, ces deux significations se superposaient presque parfaitement. En effet, à l’origine l’administration pouvait se définir comme une activité d’intérêt général (matériel) mise en œuvre par une personne publique (organique). Mais durant la première moitié du 19°s, il s’est opéré une dissociation entre les éléments organiques et matériels de l’administration. La jurisprudence a en effet admis qu’une activité d’intérêt général puisse être prise en charge par une personne privée. Dans cette hypothèse, il y a administration au sens matériel du terme, mais plus au sens organique. De sorte que lorsque l’on traite la notion d’administration, on doit l’étudier sous ses deux traits.Dans tous les cas de figure, l’action administrative peut se caractériser par la possibilité d’exercer des prérogatives que l’on appelle des prérogative de puissance publique tandis qu’à l’inverse, il pèse sur elle des sujétions, que l’on peut qualifier de sujétions de puissance publique.Les prérogatives de puissance publique permettent à l’administration d’agir dans des conditions exorbitantes du droit commun. On peut citer par exemple le pouvoir d’expropriation (= s’emparer d’un bien). Ces prérogatives sont des prérogatives d’action, mais aussi de protection (par ex la prescription quadriennale). L’administration doit à l’inverse supporter des contraintes que n’ont pas les particuliers (par ex, une personne publique ne recrute pas qui elle veut, comme elle veut. Une personne privée passe des contrats avec qui elle veut, comme elle veut, alors que la personne publique non)

Chapitre 1 : L’administration au sens organique : l’ensemble des personnes morales de droit public

Section 1 : La notion de personne morale de droit public

Parmi les sujets de droit, on opère une distinction entre personnes physiques et morales, et au sein même des personnes morales, une distinction entre personne publique et personne privée.

A) les personnes sujet de droit

Les personnes sont des êtres susceptibles de devenir des sujets de droit. Elles se distinguent des choses.

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A l’origine, seules les personnes physiques, les êtres humains sont sujets de droit, en étant individualisées par le nom, le domicile, et les actes de l’état civil. Puis progressivement, on va admettre que la qualité de personne puisse se transférer d’un individu à un groupement d’individus. Les personnes morales sont des groupements d’intérêt, des collectivités d’individus, que le droit considère comme distincts des personnes physiques qui les composent, et comme constituant des sujets de droit autonomes. Il ya personnification.Alors qu’une personne physique vise à la satisfaction de ses intérêts particuliers, une personne morale agit dans les intérêts des personnes qui la composent.La personne morale est une fiction, mais elle est également titulaire de droits et d’obligations.Une personne morale est un « centre d’intérêt juridiquement protégé ».Le droit français connait deux catégories de personnes morales : les personnes morales de droit privé et les personnes morales de droit public.

B) Distinction entre personne morale de droit public et personne morale de droit privé

Les personnes morales de droit privé sont très diverses. - Certaines ont un but lucratif et sont des sociétés commerciales ou civiles.- D’autres n’ont pas pour but le bénéfice, ce sont les associations et les syndicats.

Les personnes morales de droit public sont moins nombreuses : - L’Etat - Les collectivités territoriales, - Les établissements publics - Les GIP (groupement d’intérêt public)- Certaines personnes morales de droit public originales (ex : la banque de France)

Le régime juridique des personnes morales de droit privé et celui des personnes morales de droit public présentent un certain nombre de points communs : Tout d’abord, mis à part l’Etat, toutes les personnes morales ont leur activité et leur capacité juridique limitée par ce qu’on appelle le principe de spécialité. Càd qu’il est interdit aux personnes morales de faire des actes qui ne se rapportent pas à l’objet particulier qui est le leur.Ensuite, les personnes morales, en droit, sont une fiction, une construction intellectuelle. Les personnes morales ne peuvent exister qu’à travers des organes qui sont des personnes physiques (individuelles ou collectives). Et s’agissant des personnes publiques l’organe par lequel la personne publique agit s’appelle l’autorité administrative.

Il y a aussi un certain nombre de différences : Pour appartenir à une personne morale de droit privé, il faut de l’individu un acte positif (adhérer à une association, acquisition d’un capital)Pour relever d’une personne morale de droit public, il n’ya pas d’action volontaire (on nait rémois, on nait français, etc.…)Les personnes morales de droit public remplissent une mission particulière, une mission d’intérêt général.

Section 2 : Les différentes personnes morales de droit public

La doctrine a opéré une distinction entre administration générale et administration spécialisée.L’administration générale est celle qui a pour objet de couvrir l’ensemble des secteurs d’activité correspondant aux besoins des habitants qui en relèvent. Ainsi L’Etat et les collectivités territoriales relèvent de l’administration générale.

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Au contraire l’administration spécialisée englobe des autorités qui ont une compétence limitée dans un domaine particulier (ex : l’université a une compétence limitée). Les établissements publics relèvent de cette administration spécialisée.Aujourd'hui on considère que cette distinction n’est plus très utile ni pertinente, dans la mesure ou se sont développées des personnes publiques que l’on ne sait pas ou mettre, ce sont les établissements publics territoriaux. Ce sont les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communautés de commune.

A) L’Etat

L’Etat est une personne morale très particulière, unique en son genre, ceci pour au moins trois raisons :- Une institution politique L’Etat est bien sûr une institution administrative, mais c’est aussi et surtout une institution politique. Les autorités par l’intermédiaire desquelles l’Etat s’exprime en tant que personne morale sont des autorités administratives, mais aussi des autorités publiques.- Une compétence nationale interdisciplinaire L’Etat a une compétence géographique nationale et en même temps, il a une compétence pour intervenir dans tous les domaines de l’action administrative. L’Etat est la seule personne juridique à être dans cette situation, on dit que l’Etat a la compétence de sa compétence. Cela signifie qu’il fixe lui même la limite de ses compétences.- L’inclusion d’institutions nationalesL’Etat inclut en lui toutes les autres institutions nationales, càd les autres personnes publiques qu’il a d’ailleurs seule compétence pour instituer.

B) les collectivités territoriales

Dans sa rédaction initiale, l’art 72 de la Constitution disposait que « les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements et les territoires d’outre-mer, tout autre collectivité territoriale est créée par la loi. »Après la première vague de décentralisation de 1982, d’autres collectivités territoriales sont apparues (ex : la région). Mais la région avait été créée par le législateur, donc elle avait un statut législatif, alors que les autres avaient un statut constitutionnel.Une réforme importante de cet article est intervenue le 17 mars 2003. Désormais l’art 72 alinéa 1 dispose que « les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’art 74. Toute autre collectivité est créée par la loi, le cas échéant, en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au premier alinéa. » On constate l’augmentation du nombre de collectivités territoriales à statut constitutionnel.

Caractéristiques des collectivités territoriales :

-Les collectivités territoriales ont pour point commun d’avoir un territoire. Ce territoire n’appartient pas au sens juridique à la collectivité. La région, la commune, etc.., sont simplement considérés comme gestionnaire et donc garante de cette fraction de territoire.Superposition de collectivités. : On a vocation à être régi par plusieurs personnes morales de droit public ce qui pose parfois des problèmes.

-Les collectivités territoriales sont toujours administrées par des organes élus.Cette exigence résulte de l’art 72 alinéa 2 de la Constitution qui prévoit que les « collectivités s’administrent librement par des Conseils élus » Une fois qu’il est élu, l’organe dirigeant désigne en son sein l’exécutif.

-Les collectivités territoriales ont une vocation générale à régler les affaires de leur compétence.C’est ce qu’on appelle la clause de compétence générale des collectivités territoriales. Chaque collectivité a pour vocation de prend en charge les besoins de ses habitants. La compétence des collectivités est limitée aux seules affaires

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locales. Cette notion d’affaire locale s’oppose à la notion d’affaire nationale. Mais comment distinguer les deux ? Comment savoir s’il s’agit d’une affaire municipale, départementale, régionale ?

-Les collectivités territoriales constituent des collectivités décentralisées. Elles sont les différents échelons de ce qu’on appelle la décentralisation territoriale. La France a longtemps été un Etat centralisé, puis avec Mitterrand en 1982, elle s’est décentralisée.La réforme constitutionnelle du 17 mars 2003 a modifié l’article 1er de la Constitution qui prévoyait « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». A cet ensemble, la réforme a ajouté « son organisation est décentralisée » C’est la reconnaissance du mouvement qui a eu lieu entre 1982 et 2003. Les collectivités territoriales participent donc au caractère décentralisé, elles ont des budgets propres, des compétences propres, elles administrent librement mais sont tout au moins soumise au respect du principe de légalité. Par ailleurs les collectivités territoriales disposent d’un pouvoir réglementaire qui a été consacré à l’art 72 alinéa 3 de la Constitution en 2003.

C) les établissements publics

A la différence de l’Etat ou des collectivités territoriales, les établissements publics, sont des personnes morales qui, en principe, ont une compétence spécialisée. Cela signifie qu’ils n’interviennent que dans un domaine particulier d’activité. S’applique aux établissements publics le principe de spécialité. La liste des établissements publics est très diverse (ex : hôpital, chambre de commerce, université, etc..)Alors que les collectivités territoriales sont gérées par des élus, il n’y a pas de règle pour les établissements publics.Les établissements public disposent d’un budget autonome, ils perçoivent parfois des recettes sur les usagers ou vivent parfois de subventions.

D) les autres personnes publiques

L’Etat, les collectivités territoriales, et les établissements publics représentent aujourd'hui à eux seuls 95% des personnes morales de droit public. Avant il n’existait que ces trois catégories.Aujourd'hui, deux nouvelles catégories : les GIP et la Banque de France

1/ Les GIP (groupement d’intérêt public)

Ce sont des organismes qui ont d’abords été institués dans le domaine de la recherche par une loi du 15 juillet 1982, puis des textes ultérieurs, notamment une loi du 23 juillet 1987, les ont étendus à d’autres domaines. Les GIP regroupent plusieurs établissements publics et des personnes privées le cas échéant, pour leur permettre la gestion en commun de moyens matériels et la poursuite d’activités communes. Chacun des membres d’un GIP conserve sa propre personnalité juridique mais lui même constitue une personne morale autonome. La question s’est longtemps posée de déterminer la nature juridique précise des GIP.Le Tribunal des Conflits s’est prononcé sur cette question dans une décision du 14 février 2000, la décision « GIP habitat et intervention sociale pour les mal logés et les sans abri » Dans cette décision, le tribunal des conflits les a qualifiés de « personnes publiques soumises à un régime spécifique. » Cette formule signifie deux choses : Les GIP sont bien des personnes publiques. Ce sont en même temps des personnes publiques soumises à un régime spécifique, càd que ce ne sont pas des établissements public, ce ne sont pas des associations, ce sont donc des personnes publiques originales.

2/ La Banque de France

La Banque de France a plus de deux siècles (créée par une loi du 28 nivôse an 8) pourtant aucun texte n’est venu préciser sa nature juridique.

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Avec une loi de 1993, le statut de la Banque de France a été modifié. « La Banque de France est une institution dont le capital appartient à l’Etat »Il a fallu attendre une décision du rendue le 16 juin 1997, la décision « Société La fontaine de mars » pour la voir reconnue en tant que personne publique : « La Banque de France est une personne publique »Puis il y a eu l’arrêt du CE du 22 mars 2000 « Syndicat autonome du personnel de la Banque de France et autres». Dans cet arrêt le Conseil d'Etat dit deux chose « la Banque de France constitue une personne publique chargée par la loi d’une mission de service public » il ajoute « elle n’a pas le caractère d’un établissement public mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres.

Chapitre 2 : l’Administration au sens matériel : La participation des personnes privées à l’activité administrative

La reconnaissance de la possibilité pour les personnes privées de gérer des services publics remonte au 19ème siècle. Elle est la conséquence de l’utilisation de la technique du contrat de concession.En effet, lorsqu’il y a contrat de concession une personne publique, qu’on appelle autorité concédante, confie à une personne privée, qu’on appelle concessionnaire, le soin de gérer un service public en contrepartie d’une rémunération perçue sur les usagers du service.Dès le 19ème siècle, la puissance publique a concédé à des personnes privées des activités telles que des chemins de fer, les transports urbains, la distribution de l’eau, du gaz, etc.Ces services étaient de nature un peu particulière, il s’agissait exclusivement d’activités de nature industrielle ou commerciale. Et c’est pour cette raison qu’il n’apparaissait pas de difficulté à les confier à des personnes privées. En revanche, il paraissait inconcevable que des services publics purement administratifs puissent être gérés par des personnes privées. A la fin du 19ème siècle, il existe un lien étroit entre la notion de personne publique et celle de service public administratif. Seule une personne publique peut avoir en charge une activité de service public administratif, càd non industrielle ou commerciale.Cette distinction va être remise en cause à partir des années 30. En effet, la jurisprudence va progressivement admettre que des personnes privées puissent participer à l’activité administrative. Elle va admettre qu’en dehors même de tout contrat, une personne privée puisse gérer un service public purement administratif.Le fait que des personnes privées participent ainsi à l’administration va être à l’origine d’un certain nombre de difficultés

Section 1 : La reconnaissance de la participation des personnes privées à l’activité administrative

Cette reconnaissance est l’œuvre de la jurisprudence.

A) Les étapes de l’évolution jurisprudentielle

- L’arrêt établissements Vezia (gaja)

Le point de départ de l’évolution jurisprudentielle est marqué par cet arrêt du CE, rendu le 20 décembre 1935.Un décret avait créé en Afrique occidentale française (colonie française). Il y avait alors ce qui s’appelait des sociétés indigènes de prévoyance, qui étaient des organismes de droit privé. Par le décret, les agriculteurs devaient obligatoirement s’affilier à ces organismes de droit privé et par ailleurs, ces organismes s’étaient vu confier le droit d’exproprier des terres, soit une prérogative exorbitante du droit commun. La question principale était de savoir s’il

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était possible d’accorder à une personne morale privée une prérogative de puissance publique. Dans son arrêt, le CE répond positivement. Mais ce qui est important ce sont les conclusions sur cette affaire du commissaire du Gouvernement Latournerie: «Les activités publiques ou privées présentent trois types distincts : elles constituent en effet, ou bien un service public, ou bien un service purement privé sans prérogatives de puissance publique, ou bien un service intermédiaire qui, sans être un service public, est doté cependant de certaines prérogatives de puissance publique et qui pourrait être qualifié de service d’intérêts. » C’est la première fois que l’on voit apparaitre cette idée selon laquelle on pourrait dissocier l’aspect organique et matériel de la notion d’administration.

- L’arrêt « caisse primaire Aide et Protection » (gaja)

C’est un arrêt d’assemblée rendu le 13 mai 1938 par le CE. C’est un arrêt essentiel. Dans cette affaire le CE était saisi de la question de la légalité d’un décret du 28 octobre 1936 qui prévoyait que les règles relatives au cumul d’emplois ou de rémunérations dans le service public seraient applicables au personnel des caisses d’assurance sociale. Or les caisses d’assurance sociale sont des organismes de droit privé. La question était de savoir si on pouvait appliquer un texte valable pour le service public à un organisme de droit privé. La caisse primaire expliquait le contraire, mais le CE va rejeter le recours de la caisse primaire sur la base du considérant suivant : « il résulte tant des termes de la loi que de ses travaux préparatoires qu’elle s’applique à tous les agents ressortissant à un organisme chargé de l’exécution d’un service public, même si cet organisme a le caractère d’un établissement privé. » Or pour le CE, les caisses d’assurance sociale relèvent précisément de cette catégorie d’organisme du droit privé qui ont en charge l’exécution d’un service public administratif. Cet arrêt est très important car c’est la première fois qu’il est clairement affirmé par le juge qu’une activité purement administrative peut être prise en charge par une personne privée et ceci, en dehors de tout contrat entre la personne publique et la personne privée. Cet arrêt marque une nouvelle étape dans l’analyse de la notion de service public et la notion d’administration. Il remet en cause fondamentalement la conjonction qui existait jusque là entre les aspects organiques et matériels de l’administration. Lorsque l’on parle d’administration, on doit maintenant prendre en compte la notion de personne privée en charge d’une activité de service public. Ex : la fédération française de football est une activité de service public qui est une personne privée ; centre de lutte contre le cancer ; certains syndicats ; etc.Cela a des conséquences sur le régime juridique qui leur est applicable.

B) Les conséquences de la nature administrative de l’activité de certaines personnes privées

Des organismes de droit privé peuvent se voir confier la gestion d’un service public administratif. Des arrêts extérieurs ont précisé le régime juridique alors applicable à l’activité de ces organismes. Trois décisions du Conseil d'Etat sont très importantes :

L’arrêt Monpeurt du 31 juillet 1942 (gaja)

Dans cette affaire, M. Monpeurt avait introduit un recours devant le CE à l’encontre de la décision d’un organisme, le comité d’organisation des industries du verre, organisme imposant un certain nombre de contraintes à son entreprise. La question de la compétence du juge se pose alors : Pour que le juge administratif soit compétent, il faut que cet acte soit un acte administratif. Jusqu’en 1942, il avait toujours été admis en jurisprudence comme en doctrine c’est que seule une personne publique pouvait édicter des actes administratifs unilatéraux. M. Monpeurt n’était donc recevable que si le comité d’organisation des industries du verre était une personne publique. Or le CE observe dans sa décision : « les comités d’organisation, bien que le législateur n’en ait pas fait des établissements publics, sont chargés de participer à l’exécution d’un service public, et les décisions qu’ils sont amenés à prendre dans la sphère de ces attributions constituent des actes administratifs. »

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La doctrine était perplexe sur l’interprétation de ce considérant. Il y a eu deux interprétations différentes :Certains auteurs ont dit « seul une personne publique peut édicter des actes administratifs. Or le CE reconnait que les comités d’organisation édictent des actes administratifs alors qu’ils ne sont pas des établissements publics. Ce sont donc une nouvelle catégorie de personnes publiques »D’autres ont dit « Les comités d’organisation ne sont pas des établissements publics, donc ce sont des personnes morales de droit privé, donc le Conseil d'Etat reconnait qu’une personne privée puisse édicter des actes administratifs. »Les deux lectures sont importantes.

L’arrêt Bouguen du 2 avril 1943 (gaja)

M. Bouguen était un médecin auquel le conseil sup de l’ordre des médecins avait refusé le droit de maintenir ouvert un cabinet médical secondaire dans une commune différente de son installation principale. M. Bouguen saisit le CE en annulation de cette décision.Le juge administratif ne peut accepter d’examiner le recours de M. Bouguen que si la décision de l’ordre des médecins est un acte administratif. Le CE accepte, et il le fait sur cette base : « Le législateur a entendu faire de l’organisation et du contrôle de l’exercice de la profession médicale un service public. » il ajoute « Si le conseil sup de l’ordre des médecins ne constitue pas un établissement public, il concourt au fonctionnement de ce service. » le CE en déduit que les décisions qu’il est amené à prendre dans ce cas ont le caractère d’actes administratifs.Deux interprétations à nouveau, les mêmes que pour l’arrêt Monpeurt.

L’arrêt Magnier du 13 janvier 1961

Cet arrêt va permettre la fin des doutes quant à l’interprétation des arrêts précédents.Le département de l’Aisne était envahi par les hannetons, de sorte que la fédération départementale de l’Aisne des groupements contre les ennemis des cultures s’était chargée de détruire les hannetons. Après avoir causé cette destruction, elle s’était retournée vers les agriculteurs qui avaient profité de cette prestation pour leur demander une contribution. M. Magnier devait donc verser une somme à cet organisme. Le CE n’était compétent que si la demande de l’organisme avait un caractère administratif. La différence avec les arrêts d’avant tient au fait que la fédération est une personne morale de droit privé. Le CE observe dans sa décision que « l’activité des groupements de défense correspond à un service public administratif dont la gestion est confiée, sous le contrôle de l’administration, à des organismes de droit privé.» Puis il observe que les décisions prises par ces groupements, pour l’exécution du service qui leur a été confié, présentent le caractère d’actes administratifs relevant de la compétence de la juridiction administrative. A la différence des arrêts Monpeurt et Bouguen, il n’y a aucune ambigüité ici quant au sens et à la portée de la décision du CE. Ce qu’il dit, c’est qu’à partir du moment où un organisme de droit privé a en charge une mission de service public administratif, celui-ci peut édicter des actes administratifs. Et l’arrêt Magnier permet rétroactivement de comprendre les arrêts Monpeurt et Bouguen.Parmi les décisions de la personne privée, ont le caractère d’actes administratifs les actes unilatéraux qui présentent deux caractéristiques : D’une part ce sont des actes unilatéraux pris dans le cadre de la mission de service public confiée à la personne privée, et d’autre part qui utilisent des prérogatives de puissance publique. Cette évolution a rendu beaucoup plus difficile la distinction entre personne publique et personne privée

Section 3 : Le problème de la distinction entre personne publique et personne privée.

Il peut paraitre surprenant que l’on soit parfois dans l’incertitude sur le caractère public ou privé d’un organisme quelconque. En réalité ce cas de figure se rencontre lorsque l’on est en présence d’un organisme chargé d’une activité d’intérêt général, et que cet organisme n’a pas été expressément qualifié par l’autorité qui l’a créé.

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En effet, si l’organisme en question a en charge une activité qui est strictement privée, c’est un organisme de droit privé. Mais si l’activité n’est pas strictement privée et que l’autorité qui la créé ne l’a pas qualifié, il y a un problème.La réponse ne peut être donnée que par le juge, lorsqu’il y a litige.Le juge a mis au point la méthode du faisceau d’indice. Cependant le recours à cette méthode n’est que partiellement satisfaisant.

A) Le recours à la méthode du faisceau d’indice

Le juge utilise quatre indices :

- L’origine de l’organisme qui l’a qualifié. Si l’organisme a été créé à l’initiative des pouvoirs publics, on peut présumer qu’il s’agit d’une personne publique. Dans le cas inverse, on peut présumer qu’il s’agit d’une personne privée.- Le but de l’activitéSi l’activité développée par l’organisme a un but d’intérêt général, on peut penser que l’on est en présence d’une personne publique. A l’inverse, si le but unique est la réalisation de profit, on est en présence d’un organisme de droit privé.- Le degré de dépendance de l’organisme à l’égard des pouvoirs publics.Un organisme dans le fonctionnement duquel sont impliqués les pouvoirs publics (dirigeants nommés par les pouvoirs publics par ex) laisse présumer son caractère public.- La présence ou à l’absence au profit de l’organisme en cause de prérogatives de puissance publique. Si l’organisme dispose de telles prérogatives on peut présumer son caractère public.

Aucun de ces quatre indices n’est en lui même, càd à lui seul, déterminant.En effet, on a des personnes privées qui sont crées par les pouvoirs publics, on a aussi des personnes privées en charge d’activité d’intérêt général, etc.Ce qui compte, c’est le degré de convergence de ces indices. (Faisceau d’indices)Cette méthode, si elle est assez simple à énoncer, elle est plus complexe à mettre en œuvre. Trois exemples fameux en jurisprudence /

- la décision « Bourguet contre centre régional de lutte contre le cancer Eugène Marquis »

Le tribunal administratif de Rennes dans un jugement du 14 mars 1960, l’affaire Bourguet, avait qualifié un centre régional de lutte contre le cancer d’établissement public. Le CE dans un arrêt d’assemblée du 9 juin 1961 « Bourguet contre centre régional de lutte contre le cancer Eugène marquis » n’était pas parvenu à qualifié l’institution et avait renvoyé l’affaire au tribunal des conflits, qui, dans une décision du 20 novembre 1961, a fini par qualifier ces organismes d’établissements privés, en observant que certes, il sont chargés d’un service public et sont étroitement contrôlés par l’administration, mais l’intention du législateur était qu’il s’agissent de personnes privées.

- L’arrêt Navizet :

Pendant vingt-cinq ans, il y a eu des hésitations sur la nature juridique de l’INAO (Institut National des Appellations d’Origine). Dans un arrêt du 13 novembre 1959, l’arrêt Navizet, le CE a fini par dire qu’il s’agissait d’un établissement public

- L’arrêt « époux Muet et Société La Fontaine de Mars »

Pendant presque deux siècles, depuis sa création, on s’en est moqué.Le tribunal des conflits, dans sa décision du 16 juin 1997 « époux Muet et société la Fontaine de Mars » a fini par qualifié la Banque de France de personne publique (originale, catégorie à part)

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Les qualifications, même lorsqu’elles sont données par le juge, n’apparaissent pas toujours évidentes.

B) L’incertitude des solutions

Il se peut que tous les indices convergent dans le même sens et que pourtant, la qualification donnée par le juge soit différente de ce que les indices portaient à croire.Cette contradiction peut avoir une origine légitime (si un texte en donne la qualification par ex).Parfois, il n’y a pas de texte et pourtant le juge retient une qualification différente. Ce sont des raisons de pure opportunité. Indépendamment des indices, il arrive que des considérations d’opportunité conduisent le juge à donner une solution contradictoire. Un auteur, Chaput a dit « Tout est possible, rien est sur ».Il n’existe pas de critère scientifique certain, de la notion de personne publique.

Pour conclure, en droit, la notion d’administration c’est bien sur les personnes morales de droit public, mais ce sont aussi les personnes privées en charge d’activité d’intérêt général, le droit administratif et le droit commun s’appliquant en conséquence.Le droit administratif est aussi un droit particulier qui est appliqué uniquement par le juge administratif

Sous titre 2)Sous titre 2) :: La justice administrative La justice administrative

L’existence en France d’une justice administrative est la conséquence du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.En revanche ce principe de séparation n’est plus aujourd'hui un principe absolu. En effet, les textes d’une part, la jurisprudence d’autre part (notamment le Conseil constitutionnel), ont admis que le juge judiciaire puisse connaitre d’une partie du contentieux administratif.

Chapitre 1 : Les conséquences du principe de séparation des autorités

L’apparition d’un ordre juridictionnel administratif compétent pour connaitre du contentieux administratif est le produit d’une longue histoire qui commence sous l’Ancien régime.

Section 1 : La formation de l’ordre juridictionnel administratif

L’ordre juridictionnel administratif s’est formé par étapes successives.

$1) Les étapes de la formation de l’ordre juridictionnel administratif

L’existence en France d’une juridiction administrative est la conséquence d’un principe fondamental, celui de la séparation des autorités administratives et judiciaires.Cependant l’apparition du juge administratif n’est pas la conséquence directe de la formation du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.En effet, la première conséquence du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires a été de faire échapper l’administration à tt contrôle judiciaire, puisque pas d’autre juge.Pour qu’apparaisse la juridiction administrative, il a fallu qu’apparaisse un second principe fondamental, le principe de séparation de la juridiction administrative et de l’administration active. De sorte que la formulation de ces deux principes apparait comme essentielle dans l’évolution qui conduit à l’apparition de la juridiction administrative.

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A) Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires

Ce principe est une création de l’Ancien régime, qui a été simplement réaffirmé en 1789.

1/ L’apparition du principe

Ce principe apparait deux ans avant la mort de Louis 13, en 1641, avec l’édit de Saint-Germain-en-Laye. Cet édit interdit aux parlements de paris et de province de connaitre des affaires concernant l’Etat, l’administration et le Gouvernement, affaires réservées à la seule connaissance du roi. A l’origine, ils pouvaient en connaitre, mais la montée de l’absolutisme et le souci de défendre les prérogatives royales ont conduit à l’édiction de cet édit. Au moment ou apparait cette interdiction, on est au cœur d’un conflit entre le roi et les tribunaux. Avant la Révolution, les parlements étaient entrés en lutte contre la monarchie. On aurait pu s’attendre à ce que les révolutionnaires de 1789 remettent en cause cet édit mais ces derniers ont très vite réaffirmé le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, notamment dans un texte important, les articles 13 et 16 de la loi du 24 aout 1790.L’art 13 de cette loi dispose que « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des juridictions administratives. Les juges ne pourront à peine de forfaiture troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs ni citer devant eux les administrateurs en raison de leur fonction. »On interdit ici au juge de s’intéresser à l’activité de l’administration.Le décret du 16 Fructidor an 3 rappellera la défense qu’est faite aux tribunaux de connaitre des actes de l’administration.Pourquoi est-ce que les révolutionnaires réaffirment un principe apparu sous l’absolutisme royal ?Cela tient à la méfiance des révolutionnaires à l’égard du pouvoir judiciaire. Finalement, ils avaient pu constater que les parlements étaient entrés en résistance contre le pouvoir royal et donc pourquoi ils ne le feraient pas contre les révolutionnaires eux même.Il s’agit tt simplement de protéger la liberté d’action de l’autorité administrative en soustrayant celle-ci du contrôle du juge judiciaireFondamentalement, les préoccupations des révolutionnaires ne sont pas théoriques mais politiques. Ils souhaitent protéger l’administration.

2/ Les conséquences du principe

On interdit au juge judiciaire de connaitre du contentieux administratif. Or il n’y a pas d’autre juge. Le contentieux administratif est donc traité par l’administration elle-même. Autrement dit, c’est l’administration qui va être amenée à trancher les différends qu’elle a avec les citoyens. Après la révolution, chaque ministre, dans sa compétence, sera amené à régler les problèmes contentieux. C’est le système de l’administrateur juge. Système dans lequel il y a confusion totale (dans la forme et dans le fond) entre les affaires administratives et les affaires contentieuses. Un tel système est très fâcheux car l’administration est à la fois juge et partie.Que ce système soit réitéré à la révolution est surprenant car il est en total opposition avec le principe fondamental de la séparation des pouvoirs : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminées n’a point de Constitution. » (Article 16 de la DDHC)L’objectif est de distinguer les trois pouvoirs et d’empêcher l’empiétement des uns sur les autres et notamment l’empiétement de l’exécutif sur le judiciaire. Or avec le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, il y a confusion entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire ;Cette contradiction a longtemps été occultée durant le 19ème siècle, et les auteurs ont même cherché a montrer que ces principes n’étaient pas contradictoires, notamment Henrion de Pansey à qui on doit l’adage : « juger l’administration c’est encore administrer ». C’est l’idée selon laquelle lorsque l’on juge l’administration, on participe à l’administration. Par le biais de cet adage, la doctrine a pu concilier les deux principes.

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La création du CE par la Constitution de l’an 8 va marquer le point de départ d’une dissociation entre les fonctions d’administrer et la fonction de juger. Dissociation qui ira jusqu’à la séparation au sein même de l’administration entre l’administration active et ce qui relève la juridiction administrative.

B) Le principe de service public de l’administration active et de la juridiction administrative

La Constitution du 22 Primaire An 8, càd du 15 décembre 1789, a créé dans son article 52 le CE, et la loi du 28 Pluviôse An 8 crée dans chaque département un conseil de préfecture. Cette création va marquer une profonde évolution. On distingue donc au sein de l’administration ce qui relève de l’action, de la décision, et ce qui relève de la juridiction, du contentieux. Le Conseil d'Etat et le conseil de préfecture ne sont pas de vraies juridictions, leur mission est de conseiller l’administration et notamment dans le domaine contentieux. Le système de l’administrateur juge subsiste.Progressivement, les ministres vont prendre l’habitude d’entériner les propositions du CE. On reste dans un système de justice retenue (au niveau de l’administration).Pour que le CE devienne une vraie juridiction, il faut qu’on passe d’un système de justice retenue par l’administration, à un système de justice déléguée. Ce pouvoir de juger lui même des affaires qui lui sont soumises, le CE va l’avoir de manière provisoire pendant quatre ans, entre 1848 et 1852.Ce n’est qu’avec la loi du 24 mai 1872 qu’il se voit définitivement confier le soin de trancher les litiges.Désormais le Conseil d'Etat va statuer de façon souveraine et indépendante. Pour autant, la naissance de la juridiction administrative n’est pas encore achevée. En effet, jusqu’à la fin du 19ème siècle, on continue de considérer que le ministre est le juge de droit commun, le CE n’intervenant en quelque sorte que comme juge d’appel des décisions rendues par le ministre. On en reste avec la théorie du ministre juge. Celle-ci ne sera définitivement abandonnée qu’avec un arrêt du CE important du 13 décembre 1889, l’arrêt Cadot. Dans cette affaire, pour la première fois le CE admet que quelqu’un puisse porter directement devant lui un litige sans l’avoir au préalable soumis à un ministre. L’arrêt Cadot donne le coup de grâce à la théorie du ministre juge.A dix ans de la fin du 19ème siècle, le principe de la séparation de la juridiction administrative et de l’administration active est installé. Il n’y a plus de confusion entre les fonctions juridictionnelles et administratives. Désormais l’administration est soumise à un véritable contrôle juridictionnel.

$2) l’ordre juridictionnel administratif

Il existe aujourd'hui un véritable ordre juridictionnel administratif distinct de l’ordre juridictionnel judiciaire. L’indépendance de la juridiction administrative a été consacrée par le Conseil Constitutionnel qui a considéré dans sa décision du 22 juillet 1980 que c’était un principe fondamental reconnu par les lois de la République. De la même manière l’existence même du juge administratif s’est vu reconnaitre un statut constitutionnel avec la décision du 23 janvier 1987, la décision « Conseil de la concurrence »

A) les juridictions de l’ordre juridictionnel administratif

L’ordre juridictionnel administratif est composé de deux catégories de juridictions :

1/ Les juridictions administratives spécialisées

La première est celle des juridictions administratives spécialisées. C’est la catégorie la plus nombreuse, la plus fournie. On y trouve d’abord un certain nombre d’instances disciplinaires. Ex : le Conseil de discipline de l’université, la Cour des comptes, le Conseil sup de la magistrature, etc.

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2/ Les juridictions à compétence générale

La deuxième catégorie est composée de juridictions administratives à compétence générale. Il ya le CE, les Cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs.

a) le Conseil d'Etat

Le Conseil d'Etat a une double fonction : - Il est d’abords le Conseil du Gouvernement (compétence exclusive au départ)- C’est également une juridiction administrative. Cette dualité de fonction transparait dans la structure du Conseil d'Etat.Il comporte 7 sections : - 6 sections purement administratives (chargées de conseiller le Gouvernement)- 1 section contentieuse (chargée de rendre la Justice)La section contentieuse étant elle même divisée en 10 sous sections.Le rôle de ces sous sections est d’instruire les affaires, càd vérifier que les parties se sont échangées leurs arguments et que les affaires sont en état d’être jugée.Si l’affaire est complexe, plusieurs sous sections peuvent être concernées.L’affaire est jugée en Assemblée si le niveau de difficulté est extrême.Jusqu’au 1er janvier 1954 le CE était juge de droit commun en matière administrative, càd qu’il avait vocation à connaitre de tout le contentieux administratif. Parallèlement, les Conseils de préfecture, dans les départements, étaient juges d’attribution en matière administrative, càd qu’ils pouvaient connaitre des affaires qui leur étaient attribuées expressément par un texte.Un décret loi du 30 sept 1953 entré en vigueur le 1er janvier 1954 a opéré plusieurs modifications ;- D’abords ce texte a changé le nom des conseils de préfecture, ils sont devenus des tribunaux administratifs. - Par ailleurs, désormais la compétence des tribunaux administratifs est interdépartementale. - Enfin, ces tribunaux administratifs se sont vus reconnaitre la qualité de juge de droit commun en premier ressort, ce qui veut dire que le CE est alors devenu le juge d’appel des jugements des tribunaux administratifs, mais en même temps, le CE est resté compétent en premier ressort pour certains contentieux (par exemple pour les recours contre les décrets ou les décisions ministérielles plus importantes).La loi du 31 décembre 1987, entrée en vigueur le 1er janvier 1989, a instauré une nouvelle catégorie de juridictions administratives, les cours administratives d’appel.

A partir de là, le CE n’a plus été le juge d’appel de droit commun. Par contre, il est devenu juge de cassation des arrêts des cours administratives d’appel. Depuis cette loi, le CE peut être saisi par un tribunal administratif ou une cour administrative d’appel afin de donner son avis sur la manière d’appliquer ou d’interpréter une règle nouvelle.Au total aujourd'hui, dans le cadre se sa fonction contentieuse (juge), le Conseil d'Etat peut intervenir en quatre qualités différentes :- Il peut intervenir pour certains litiges en premier et dernier ressort. - Pour d’autres affaires, il est resté juge d’appel, notamment pour tt une série de décisions de juridictions spécialisées.- Il est juge de cassation à l’égard des arrêts des cours administrative d’appel ou de jugements de première instance pour lesquels un appel n’est pas possible.- Il peut également rendre des avis sur un texte pour les tribunaux ou les cours administratives d’appel

b) Les tribunaux administratifs

Les tribunaux administratifs ont pour ancêtre les conseils de préfecture qui ont été créés par la loi du 28 Pluviôse An 8. Ces conseils de préfecture ont vu leur organisation modifiée à plusieurs reprises.

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A l’origine, ce n’étaient pas de véritables juridictions. Ils ne sont devenus des juridictions qu’en 1926, avec un décret loi, leur président étant désormais nommé par décret et leurs membres recrutés sur concours.En 1953, ces conseils deviennent des tribunaux administratifs à compétence interdépartementale, et il y a aujourd'hui 29 tribunaux administratifs en métropole et 8 en outre mer.Ce n’est que depuis une loi du 6 janvier 1986 que les juges des tribunaux administratifs ont les mêmes garanties que les juges des tribunaux judiciaires, notamment leur inamovibilité.Les tribunaux administratifs sont juges de droit commun en premier ressort et l’appel de leurs décisions est porté devant les Cours administratives d’appel.Les tribunaux administratifs, comme le CE, au niveau régional ont également des fonctions de conseil, le préfet peut leur demander leur avis. Cette possibilité qu’ont les préfets est très peu utilisée.

c) Les Cours administratives d’appel :

Les Cours administratives d’appel sont les dernières nées, elles fonctionnent depuis le 1 er janvier 1989. Il y a aujourd’hui 8 cours administratives d’appel. Elles ont été créées pour désengorger le CE de tous les recours en appel de tous les jugements administratifs. Les procédures étaient extrêmement longues, et le but était de gagner du temps dans le droit administratif pour simplifier des affaires qui durait parfois 15 ans. La loi du 8 février 1995, relative à l’organisation des juridictions des procédures pénales, civiles et administratives, a prévu qu’à partir du 1er octobre 1995, les cours administratives d’appel sont seules compétentes pour connaitre des appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs. Ce n’est qu’en matière de contentieux local que le CE est resté juge d’appel des tribunaux administratifs.Site : www.conseild’état.com

B) La classification des recours contentieux :

1/ Les éléments de la classification :

On distingue en droit administratif, trois types principaux de recours contentieux.

a) Le recours pour excès de pouvoir

Il consiste de la part d’une personne qu’on appelle le requérant, à demander au juge de prononcer l’annulation d’un acte administratif, au motif que cet acte viole une règle de droit qui lui est hiérarchiquement supérieure.Dans le cas du recours pour excès de pouvoir, ce qui est au cœur du débat judiciaire est un acte administratif. On dit parfois «c’est un procès fait à un acte ». Si le juge fait droit à la requête, alors il annule l’acte. C’est un des principaux contentieux, et c’est un des moyens essentiels dont disposent les citoyens, les administrés pour faire respecter le principe de légalité par l’administration.

b) Le recours de pleine juridiction

Il consiste de la part d’un requérant à se prétendre titulaire d’une créance sur l’administration. Le recours de pleine juridiction est un recours en rapport avec le droit administratif des obligations, puisqu’il s’agit d’avoir de l’administration une sanction se traduisant par une somme d’argent. C’est un recours qui concerne le contentieux des contrats et celui de la responsabilité. Il ne s’agit pas pour le juge d’annuler un acte, mais de constater l’existence d’un droit, et en conséquence, de condamner l’administration au profit du requérant.

c) Le recours en appréciation de légalité

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Dans cette hypothèse, le juge judiciaire, à l’occasion d’un litige dont il est saisi, doit se poser la question d’un acte administratif. En principe le juge judiciaire n’est pas compétent, il doit sursoir à statuer et saisir le juge administratif, pour que ce dernier apprécie lui-même la légalité de l’acte. Le juge administratif va se prononcer pour dire si l’acte est légal ou non, il ne peut l’annuler puisque ce n’est pas un recours pour excès de pouvoir.

Le contentieux pénal : Le juge administratif peut être saisi dans le cadre d’un contentieux pénal, et dans une telle hypothèse il s’agit de prononcer une sanction. C’est notamment la fonction de toute une série de juridictions administratives spécialisées (ex : le conseil de discipline de la faculté).

2/ Les propositions de classifications

La doctrine s’est efforcée d’opérer une classification entre les différents recours contentieux. La classification la plus ancienne est celle mise en place par M. La Ferrière. Cela consistait à distinguer 4 branches pour le contentieux administratif :

a) La classification basée sur les pouvoirs du juge administratif

Le contentieux de pleine juridiction : Cette classification repose sur la prise en compte des pouvoirs du juge. Ainsi en matière de contentieux de pleine juridiction, qui est en fait un contentieux de l’indemnisation, le juge a le pouvoir de modifier les décisions prises par l’administration en une connaissance du droit des administrés. Ce contentieux inclut le contentieux contractuel, le contentieux de la responsabilité et le contentieux électoral (car le juge peut modifier les résultats).

Le contentieux de l’annulation : Le juge rejette la demande ou annule la décision sans pouvoir la modifier.

Le contentieux de l’interprétation : Le juge se contente de dire le droit mais ne rend pas de décisions directement applicables aux administrés.

Le contentieux de la répression : Ici, le juge prononce une peine.

A ces classifications fondées sur les pouvoirs du juge, la doctrine a opposé ultérieurement une autre distinction fondée sur la nature de la question posée au juge.

b) La classification basée sur la question posée au juge.

Cette seconde classification a été proposée par M. Léon Duguit et M. Marcel Waline. Cette seconde classification consiste à distinguer deux contentieux :

Le contentieux objectif : Ce type de contentieux intéresse la légalité.Ce qui se trouve en cause avec ce type de contentieux, ce n’est pas le droit particulier d’un requérant mais c’est une situation juridique objective. Ce qui se trouve en question, c’est le problème de la conformité d’un acte par rapport à une règle qui lui est supérieure. Est en cause ici l’intérêt général, avec le respect du principe de la légalité.Il est évident que le recours en excès de pouvoir, le recours en appréciation de légalité et le contentieux de la répression relèvent du contentieux objectif.

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Le contentieux subjectif : Il intéresse la situation individuelle du requérant. La question est alors de savoir si telle personne déterminée dispose à l’égard de l’administration de tels droits qu’elle prétend avoir. ( si elle prétend avoir une créance, est-elle bien titulaire de cette créance, quel est son montant, etc.)Sont en cause ici des intérêts particuliers.Le contentieux de la responsabilité et le contentieux contractuel relèvent du contentieux subjectif.

Cette distinction est intéressante au sens ou elle permet de comprendre que les conditions d’ouverture des recours ne sont pas les mêmes.En effet, il est beaucoup plus facile d’introduire auprès du juge administratif un recours en excès de pouvoir plutôt qu’un recours en appréciation.

c) Le référé administratif

Pour qu’il y ait un véritable Etat de droit, il faut que plusieurs conditions soient remplies.- Il faut d’abord notamment qu’il existe un juge indépendant et impartial.- Il faut ensuite que les individus puissent accéder normalement, facilement à ce juge.- Il faut enfin que ce juge, lorsqu’il est saisi, se prononce dans des délais raisonnables.

Le juge administratif, est indépendant et impartial depuis le 19ème siècle.Par ailleurs, il est très simple de saisir le juge administratif (surtout en recours en excès de pouvoir).Par contre, l’exigence que le juge statue dans un délai raisonnable, pendant longtemps, n’a pas été respectée par le juge administratif. L’un des problèmes récurant de la justice administrative est sa lenteur et son engorgement. En effet, le contentieux administratif est en croissance constante.Il n’y a pas de tribunaux administratifs sur tout le territoire, et les tribunaux ont ainsi beaucoup d’affaires à traiter.De ce point de vue, il y avait une différence essentielle entre le juge administratif et le juge judiciaire. Devant le juge judiciaire, il y a des procédures de référé, y compris des référés d’heure à heure qui permettent d’avoir des décisions en quelques heures. Devant le juge administratif, ces procédures d’urgence n’existaient pas. Cette absence était d’autant plus fâcheuse qu’en matière de recours pour excès de pouvoir, les recours ne sont pas suspensifs.Ex (1) : une association fait un recours en annulation d’un refus du maire devant le juge administratif, mais au moment où la décision est rendue, elle n’est plus vraiment utile. Ex (2) : Une propriété en montagne avec une superbe vue. Quelqu'un construit un immeuble juste en dessus, mais le permis de construire semble irrégulier. Mais si la justice est longue, l’immeuble est construit quand même.C’est le problème de l’effectivité de la justice administrative.En matière de responsabilité, on avait les mêmes problèmes. On s’est notamment posé la question avec l’affaire des transfusions sanguines et les problèmes de sida, les victimes décédaient avant même d’être indemnisées par le juge.

Après avoir tenté diverses réformes, le législateur a fini par créer de véritables procédures d‘urgence auprès de la juridiction administrative. Cela a été l’objet d’une loi du 30 juin 2000, loi relative aux référés devant les juridictions administratives, loi entrée en vigueur le 1er janvier 2001.Ce texte très important a institué trois procédures de référés de droit commun. (A coté de ceux la, il a institué des référés particuliers concernant les étrangers ou les contrats.)

Le référé-suspensionLe premier référé de droit commun, le plus général, est le référé-suspension qui a été codifié à l’article L-521-1 du code de justice administrative. Ce référé est la procédure qui permet à une personne qui y a intérêt de demander, s’il y a urgence, au juge des référés la suspension d’exécution d’un acte administratif dont elle a demandé parallèlement l’annulation au tribunal. Et cette

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suspension sera accordée par le juge administratif, dès lors qu’il lui semblera qu’un doute sérieux existe sur la légalité de la décision contestée.Cette procédure est donc soumise à quatre conditions : - Il faut que la personne ait intérêt à agir.- Il faut que cette personne ait parallèlement introduit un recours en annulation.- Il faut qu’il y ait urgence.- Il faut qu’un doute sérieux existe quant à la légalité de la décision contestée.Lorsque le juge des référés administratif statue dans ce recours, le texte dit qu’il doit statuer dans les meilleurs délais, càd en général entre une semaine et quinze jours. Si le juge des référés suspend la décision, par ordonnance, cette ordonnance restera valable jusqu’au jour du jugement sur le fond. Il y a alors deux hypothèses :Soit le tribunal annule la décision, soit il n’est pas d’accord avec le juge des référés, alors le jugement se substitue à l’ordonnance et l’acte peut être exécuté. Cette procédure a considérablement fait progresser l’effectivité de la justice administrative.

Le référé-libéréCodifié à l’article L-521-2 du code de justice administrative, il est fondamental pour les libertés.En effet, cette procédure permet à toute personne qui y a intérêt de saisir le juge des référés pour obtenir de celui-ci « toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale dès lors que l’administration, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, a porté à cette liberté une atteinte grave et manifestement illégale. »Ici aussi, c’est une procédure motivée par l’urgence, mais son objet est différent du cas précédent, il s’agit ici de sauvegarder une liberté fondamentale, liberté à laquelle il serait porté atteinte par l’administration.A la différence du cas précédent, il n’est pas ici nécessaire de saisir parallèlement le tribunal sur le fond, on peut se contenter d’une procédure de référé. Et lorsqu’il est saisi le juge doit obligatoirement statuer dans un délai de 48h maximum. Et lorsque le juge statue, le texte dit qu’il prend « toute mesure qui lui apparait nécessaire ».Ce référé est une innovation fondamentale pour les libertés collectives et individuelles.

Le référé conservatoireCodifié à l’article L-521-3 du code de justice administrative, il consiste, non pas à contester un acte, mais à demander au juge d’ordonner toute mesure utile. Ex : demande d’expertise, de la communication d’un dossier, etc.

L’introduction de ces trois référés a progressivement modifié la pratique du juge. On peut dire qu’autre fois la culture de l’urgence était totalement étrangère au juge administratif, et cela a aujourd'hui conduit à une amélioration globale du système.

Section 2 : La compétence de l’ordre juridictionnel administratif

Quels sont les critères de compétence ratione materiae (matériel) du juge administratif ?Il arrive qu’à cette question, la réponse soit simple, lorsque les textes attribuent expressément compétence à l’ordre judiciaire ou administratif. Ex : le contentieux des accidents causés par un véhicule à moteur est un contentieux judiciaire. En matière de marché public, les textes prévoient qu’il y a automatiquement compétence du juge administratif.La difficulté vient du fait que ces textes sont rares. Et en leur absence, c’est à la jurisprudence qu’il advient de se prononcer. Aujourd'hui, environ 80% de la jurisprudence est claire sur le sujet. Mais il reste des problèmes de répartition des compétences dans certaines affaires.Dans son manuel de droit administratif, le professer Jacques Moreau écrit que la question du critère de compétence de la juridiction administrative aboutit à des solutions subtiles. Il ajoute « les praticiens s’y perdent parfois mais les amateurs d’art s’en délectent. »

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L’histoire de cette question sur la compétence du juge administratif est marquée par la recherche par la doctrine d’un critère unique de compétence, mais cette recherche a été vaine.Ce qu’on admet aujourd'hui, c’est en fait qu’il existe une pluralité de critères de compétences du juge administratif, et cela explique la grande diversité des décisions.

A) La recherche d’un critère unique de compétence

Deux périodes sont à distinguer : La première va du Consulat jusqu’à la 3ème République : C’est une période de concurrence entre plusieurs critères. La seconde période débute en 1873, càd l’arrêt Blanco : c’est le triomphe du critère du service public.Cette seconde période prendra fin dans les années 35-40, avec la crise du critère du service public.

1/ Du consulat à la 3 ème République : la concurrence de plusieurs critères

Durant cette période, deux critères sont utilisés en même temps pour trouver la compétence du juge administratif.

Le critère de l'Etat-débiteurIl se fondait sur une loi du 17 juillet-18 aout 1790 et un décret du 26 septembre 1793.Le CE interprétait ces textes comme interdisant aux tribunaux judiciaires de connaitre de toute action tendant à une condamnation pécuniaire de l'Etat. De sorte que, dès qu’une action avait pour objet le paiement par l'Etat d’une somme d’argent, je juge administratif était obligatoirement compétent.Ce critère ne valait que pour l'Etat, et pas pour les autres personnes publiques.

Le critère reposant sur une distinction entre les actes d’autorité et les actes de gestionLorsqu’une autorité administrative utilise ses prérogatives de puissance publique, elle fait ce qu’on appelle des actes d’autorité. C’est le cas lorsqu’elles donnent des ordres, lorsqu’elle accorde des autorisations, lorsqu’elle impose des obligations. Il y a alors compétence de la juridiction administrative.A l’inverse il y a acte de gestion lorsque l’action administrative ne s’accompagne pas de la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique. Il y a alors compétence du juge judiciaire.

2/ L’arrêt Blanco du 8 février 1873 : le triomphe du critère du service public

La question posée au Tribunal des conflits était de savoir quelle était la juridiction compétente pour juger cette affaire. Le TC attribue compétence au juge administratif, et pour cela, le TC suit les conclusions de son commissaire du Gouvernement, M. David, qui interprète le principe de séparation des autorités en ce sens que « les juridictions judiciaires sont radicalement incompétentes pour connaitre de toutes les demandes formées contre l’administration à raison des services publics. » Autrement dit, il s’agissait de la part du père de l’enfant de demander la condamnation de l'Etat à une somme d’argent, il suffisait alors de se fonder sur le critère de l'Etat-débiteur. Mais M. David propose l’abandon de ce critère au profit d’un nouveau critère, le critère du service public. Il va d’ailleurs dire que le droit applicable par le juge administratif doit être un droit spécial et non un droit commun.L’arrêt Blanco amène un apport au niveau de la compétence avec un nouveau critère, et un apport au niveau du fond, au niveau de l’application d’un droit spécial par le juge administratif.Dans cet arrêt, le critère de service public est utilisé dans le cas d’une affaire ne concernant que l'Etat.S’agissant des autres personnes publiques, on a continué de faire la distinction entre les actes d’autorité et les actes de gestion. Ce n’est que progressivement après l’arrêt Blanco qu’il y a eu unification de l’ensemble du contentieux administratif autour du critère de service public. Cette unification a été réalisée au terme de deux arrêts importants.

L’arrêt Terrier du 6 février 1903 (gaja)

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Dans cette affaire, le Conseil Général de Saône et Loire avait décidé d’attribuer une prime de 25centimes pour toute vipère détruite. M. terrier ne s’est pas vu remis cette prime, il a donc saisi le CE pour obtenir le règlement de cette somme. Le CE va se reconnaitre compétent en observant que M. Terrier, en chassant les vipères, avait du fait participé à une activité du service public. Ce que marque l’arrêt Terrier, c’est l’extension du critère du service public au contentieux contractuel des collectivités locales.

L’arrêt Feutry du 29 février 1908 (gaja)

Dans cette affaire, il s’agissait d’un aliéné mental qui s’était échappé de l’établissement relevant du département de L’Oise dans lequel il était interné. Il met le feu à du foin appartenant à M. Feutry. Celui-ci subit un préjudice et met en cause la responsabilité du département, gestionnaire de l’établissement.Le TC observe que « l’action de M. Feutry incrimine l’organisation et le fonctionnement d’un service à la charge du département et d’intérêt public. L’appréciation des fautes qui auraient pu se produire dans l’exécution de ce service n’appartient pas à l’autorité judiciaire. » Cet arrêt marque une extension du critère su service public au contentieux de la responsabilité des collectivités locales.

Finalement, ces trois arrêts marquent l’unification du contentieux de l'Etat et des collectivités locales à la fois dans le domaine contractuel et dans celui de la responsabilité, autour d’un seul critère, celui de service public.Sur la base de ces trois décisions, va se constituer eu début du 20ème siècle l’école du service public ou encore l’école de Bordeaux. Il s’agit d’un ensemble d’auteurs emmenés par Léon Duguit, professeur à Bordeaux, et ces derniers vont prétendre expliquer tout le droit administratif par la notion de service public. Le service public est alors défini par superposition de trois critères :- C’est une activité d’intérêt général (critère matériel) - Mise en œuvre par une personne publique (critère organique)- Dans des conditions exorbitantes du droit commun (critère formel)Ce critère avait pour lui le mérite de la simplicité. En effet, dès qu’il y a service public, il y a droit exorbitant, il y a donc compétence du juge administratif. Toutefois celui-ci est rapidement entré en crise.

3/ La crise du critère de service public

Dans l’approche classique, trois éléments composent le service public (matériel, organique, formel). Le problème est que ces trois éléments vont se dissocier les uns des autres, et le critère de service public va devenir beaucoup moins opérationnel. Cette dissociation va s’opérer en deux temps :Dans un premier temps, la jurisprudence va admettre qu’il puisse y avoir service public sans élément formel, càd qu’il puisse y avoir service public et néanmoins application du droit privé.Dans un second temps il va se produire une dissociation entre les éléments organiques et matériels, càd que la jurisprudence va admettre qu’une personne privée puisse gérer un service public.

a) La disparition de l’élément formel

La jurisprudence va d’abord admettre qu’il puisse y avoir disparition de l’élément formel, càd que des règles de droit privé puissent être appliquées à des personnes privées gérant des services publics.C’est l’apparition des SPIC (services publics industriels et commerciaux) Cette évolution va se faire en deux étapes, marquées par deux arrêts importants.

L’arrêt « Société des granits porphyroïdes des Vosges » du 31 juillet 1912 (gaja)

Dans cette affaire la ville de Lille avait passé un contrat avec une société vosgienne, ayant pour objet la livraison de pavés par cette société, ces derniers devant être utilisés dans le cas d’un service public. On est alors dans le cas d’un

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contrat passé entre une personne publique et une personne privée, ayant pour objet une activité contribuant au service public.Le CE va suivre dans cette affaire les conclusions de son commissaire au Gouvernement Léon Blum et va considérer que c’est le juge judiciaire qui est compétent pour connaitre du litige. En effet, le CE a estimé que rien ne distinguait le contrat conclu par la ville de Lille d’un contrat passé entre personnes privées. Ce qu’admet ici le CE pour la première fois, c’est qu’une personne publique gérant un service public administratif puisse recourir ponctuellement, pour certains actes, à des procédés de droit privé. Cette décision est un premier accro au critère du service public.

L’arrêt « société commerciale de l’Ouest africain » ou « Bac d’Eloka » du 22 janvier 1921 (gaja)

Dans cette affaire, la colonie de Cote d’ivoire avait mis en place un bac permettant de passer d’une rive à l’autre. Mais le bac coule au moment d’un passage, une personne meurt et beaucoup de véhicules sont endommagés.La société propriétaire de l’un des véhicules décide d’engager la responsabilité de la colonie de Cote d’ivoire, qui est une personne morale de droit public. Le Tribunal des conflits retient la compétence du juge judiciaire. Il le fait sur la base de l’observation suivante : « En effectuant, moyennant rémunération, les opérations de passage de piéton et de voitures d’une rive à l’autre de la lagune, la colonie de la Cote d’Ivoire exploite un service de transport dans les mêmes conditions qu’un industriel ordinaire. » Comparé à l’arrêt précédent, ce n’est pas seulement un acte ponctuel mais un service tout entier.Ce qu’admet ici le juge c’est la possibilité de la gestion privée d’un service public, ce qui va conduire la doctrine a dissocier désormais deux services publics : le service public administratif et le SPIC.Lorsqu’il y a SPIC, il y a activité d’intérêt général, mais celle-ci se fait dans les conditions qui ressemblent à celle d’une activité purement privé.

L’application de cette nouvelle catégorie, les SPIC porte un critère dur aux services publics en tant que critère de compétence.

b) La dissociation des éléments organiques et matérielles de la notion de service public

Dans la doctrine classique, un service public peut être partiellement ou totalement géré par le droit privé. On admet qu’une personne privée puisse gérer un service public administratif.La jurisprudence va admettre qu’il puisse y avoir service public au sens matériel, sans pour autant qu’il y ait service public au sens organique. L’arrêt fondamental déjà évoqué est l’arrêt « caisse primaire aide et protection » du 13 mai 1938. Dans cette affaire, le CE reconnait que les caisses chargées d’assurer la gestion des assurances sociales, qui sont de personnes privés, sont en charge d’un service public administratif. Cet arrêt marque l’apparition d’un service public par une personne privée. Cet arrêt marque une crise profonde de la notion de service public.A partir de 1938, le lien entre les trois éléments du service public qui faisait de cette notion le critère de compétence du juge administratif disparait complètement. Maintenant même lorsqu’il y a service public il peut y avoir compétence du juge judiciaire.En fait, c’était une erreur de vouloir trouver un seul critère de compétence pour le juge administratif. Ce qu’on admet aujourd'hui, c’est qu’on n’a pas un, mais plusieurs critères de compétence, qu’il faut combiner entre eux.

B) La nécessité de combiner les critères de compétence

La période qui a suivi l’arrêt « caisse primaire Aide et Protection » a été en doctrine une période de perplexité, voire même de confusion. Les auteurs s’entêtaient à trouver un nouveau critère de compétence. Aujourd'hui la situation s’est clarifiée car on a compris qu’il y avait plusieurs critères, la vraie difficulté étant de les combiner entre eux. Parmi eux, les deux critères dominant sont celui du service public et celui de la puissance publique.Aucun de ces deux critères ne peut être considéré comme le critère dominant, pour autant, ce sont des critères fondamentaux. Mais ils ne sont pas exclusifs, il y a à coté le critère organique par exemple.

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Et finalement, c’est en fonction de chaque cas qu’il y a lieu de combiner entre eux ces différents critères. La méthode pour cela est assez impressionniste, peu simple.Il y a deux exemples :- Comment savoir si un contrat passé par une personne publique est un contrat privé ou public. Le premier critère est le critère organique : Est-ce-que le contrat a été passé par une personne publique ? Si la réponse est non, on s’arrête, si c’est oui, on continue ;Le deuxième critère est le critère matériel : Est-ce -que le contrat a pour objet le service public ? Le troisième critère est le critère formel : Est-ce-que le contrat fait référence à des prérogatives de puissance publique ? - Comment savoir si une personne privée qui gère un service public peut édicter des actes administratifs. Il faut donc une grille d’analyse, avec plusieurs questions successives.

La compétence du juge administratif est elle ou non une compétence exclusive ? Peut-on admettre parallèlement une compétence du juge judiciaire pour connaitre d’une partie du contentieux administratif ? Ces questions reviennent à s’interroger sur la valeur du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.Car si l’on considère que ce principe a une portée absolue, il n’y a pas de place pour le juge judiciaire.Si l’on considère que ce principe peut connaitre des dérogations, alors on peut admettre qu’il y ait de la place pour le juge judiciaire dans le domaine du contentieux administratif.Cela renvoie à la question de la valeur juridique exacte du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires.Pendant des siècles, ce principe a été utilisé sans qu’on en ait une vision très claire.Il a fallu attendre une décision du Conseil Constitutionnel du 23 janvier 1987 (gaja) pour qu’on ait enfin une réponse sur la valeur juridique exacte de ce principe.Dans cette affaire était en cause le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence. Le Conseil de la concurrence est ce qu’on appelle une autorité administrative indépendante créée par l’ordonnance du 1er décembre 1986 et qui rend des décisions pour s’assurer que le droit de l’assurance est bien respecté. Une loi de janvier 1987 prévoyait que le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence relèverait de la compétence de la CA de Paris. Autrement dit, cela revient à dire que le contentieux de décision administrative relèverait de la compétence du juge judiciaire.

Le Conseil Constitutionnel fut saisi d’un recours par les parlementaires, avec l’argument selon lequel confier au juge judiciaire la décision de contentieux administratif violerait le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, qui a valeur constitutionnelle. Pour la première fois, le juge constitutionnel va pouvoir préciser la valeur et la portée de ce principe.Il élabore la jurisprudence suivante : « les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III qui ont posé dans sa généralité le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n'ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle. »Cette première affirmation est donc très claire, pas de valeur constitutionnelleIl dit aussi « conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figurent au nombre des principes fondamentaux reconnus par els lois de la République, celui selon lequel, à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relèvent en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises dans l’exercice des prérogatives de puissance publique par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes placés sous leur autorité et leur contrôle. »Ce considérant du Conseil Constitutionnel est particulièrement riche, il signifie deux choses :- L’existence du juge administratif compétent, pour le contentieux de la légalité des actes administratifs pris avec exercice de prérogatives de puissance public a un caractère constitutionnel, tout simplement parce qu’elle constitue un principe fondamental de la République.

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Il y a donc un noyau dur de compétence du juge administratif qui se trouve ainsi constitutionnellement protégé, sur ce qui concerne l’annulation ou la réformation des actes administratifs s’accompagnant de l’exercice de prérogative de puissance publique. - Le reste de la compétence du juge administratif n’est pas protégé par la Constitution. Cela veut dire que la loi peut parfaitement transférer au juge une partie de sa compétence. Enfin, le Conseil Constitutionnel ajoute que même en ce qui concerne le noyau dur, il peut y avoir transfert au juge judiciaire, à partir du moment où ce transfert se fait dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, càd à partir du moment où il s’agit d’unifier des règles de compétence au profit d’une juridiction.

Pour synthétiser, on peut résumer l’apport de la décision du Conseil Constitutionnel au travers de quatre propositions :-Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n’est pas un principe de valeur constitutionnelle.- Constitue au contraire un principe de valeur constitutionnelle, d’une part l’existence du juge administratif et d’autre part, le fait que ce juge ait une compétence exclusive pour connaitre du contentieux de la légalité des actes administratifs pris par les personnes publiques et s’accompagnant de la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique. C’est le noyau dur de la compétence administrative, protégé constitutionnellement.- Par exception au principe qui précède, il peut y avoir compétence du juge judiciaire pour ce contentieux de la légalité des actes administratifs, soit parce qu’il s’agit de matières réservées par nature à l’autorité judiciaire soit parce qu’il s’agit d’unifier les règles de compétence dans un domaine particulier - Tous les autres cas de compétence du juge administratif (tt ce qui est hors noyau dur) ne sont pas constitutionnellement protégés de sorte que rien n’interdit un transfert de compétence au profit du juge judiciaire.

La conclusion est qu’il existe des dérogations au principe de séparation des autorités, il y a alors compétence du juge judiciaire dans le contentieux administratif.

Chapitre 2 : les dérogations au principe de service public des autorités : la compétence de l’ordre juridictionnel judiciaire pour connaitre du

contentieux administratif

Il y a donc place pour une compétence du juge judiciaire en matière administrative.On peut regrouper les cas de compétence du juge judiciaire en deux catégories.La première regroupe les cas de compétence du juge judiciaire qui relèvent de l’idée selon laquelle le juge judiciaire est le gardien naturel de la propriété privée et des libertés.La seconde regroupe tous les autres cas de compétence, càd des hypothèses de compétence qui ne relèvent pas d’une idée particulière mais qui résulte d’une sédimentation de textes ou de jurisprudence.

Section 1 : Le juge judiciaire, gardien naturel de la propriété privée et des libertés

L’idée selon laquelle le juge judiciaire est le gardien naturel de la propriété privée et des libertés est une idée ancienne, idée qui s’est forgée à partir de la loi du 8 mars 1810 sur l’expropriation qui donnait commun au juge judiciaire pour prononcer le transfert du droit de propriété au profit de l’administration et pour évaluer les indemnités à régler à une personne expropriée. Cette idée a pu se développer car il n’existait pas de juge administratif indépendant de l’administration.Cette idée a été consacrée en jurisprudence et a été également formulée dans certains textes, ainsi par exemple, l’article 66 de la Constitution de 1958 dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu, l’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Donc ce principe s’est traduit par des textes de lois, et en l’absence de texte, la jurisprudence a fait application du principe dans deux hypothèses particulières qui sont d’une part, l’hypothèse de l’emprise, et d’autre part, l’hypothèse de la voie de fait.

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A) Les traductions législatives du principe

1/ Le droit de propriété

Il y a quatre exemples :- En matière d’expropriationUne personne publique peut exproprier une personne privée en l’indemnisant.Le juge de l’expropriation, celui qui va prononcer le transfert forcé de propriété de la personne privé vers la personne publique et allouer des indemnités à la personne privée est un magistrat du TGI, càd un juge judiciaire.- En matière d’indemnisation pour les dommages résultant de certaines servitudes administratives. La personne publique peut imposer des servitudes aux personnes privées, le juge compétent est alors le juge judiciaire.- En matière de réquisition milEn cas de besoin, l’armée peut réquisitionner des biens qui appartiennent à un particulier. La réquisition est encore une atteinte au droit de propriété. Le juge compétent est là encore le juge judiciaire.- L’exercice du droit de préemptionA chaque vente d’un bien qui se situera dans un secteur déterminé, la collectivité est automatiquement avertie et pourra se substituer à l’acheteur, en exerçant ce droit de préemption. La collectivité aujourd’hui, a la possibilité de préempter des fonds de commerce.Le vendeur ne choisit plus son acheteur, et celui-ci n’est plus maitre du prix car celui-ci est fixé par la collectivité publique. Toute contestation relève du juge judiciaire, car est en cause ici l’exercice d’un pouvoir administratif qui touche le droit de propriété.

2/ Les libertés individuelles

Les traductions législatives du principe concernent principalement deux hypothèses :- Le placement d’office en hôpital psychiatrique par le préfet d’une personne considérée comme aliénée mentale. La personne qui est internée, ou si celle-ci n’est pas capable sa famille ou ses proches peuvent saisir le juge pour obtenir qu’il ordonne la sortie immédiate de la personne concernée si la mesure n’apparait pas nécessaire. Et alors qu’il s’agit d’une mesure du préfet, le juge compétent est le juge judiciaire.Cependant, le juge judiciaire est compétent pour mesurer le bien fondé de la mesure d’internement décidée par le préfet, par contre, si ce qui est en compte ce n’est pas le bien fondé mais la régularité procédurale de la mesure, ce n’est plus le juge judiciaire mais le juge administratif.- Celle de l’article 136 du code de procédure pénale.Au terme de cet article, les tribunaux judiciaires sont toujours exclusivement compétents pour statuer sur les action en DI exercées contre les fonctionnaires, à titre personnel, ou contre les collectivités publiques dont ils relèvent en raison d’atteinte portée à la liberté individuelle ou à l’inviolabilité du domicile.Les hypothèses visées ici sont diverse, il s’agit aussi d’arrestation, de détention arbitraire, de violation de domicile, assignation en résidence. Alors même que c’est le comportement du fonctionnaire qui est en cause, c’est la juge judiciaire qui est compétent.

A l’origine, le CE et le TC faisaient une interprétation restrictive de l’article 136 du cpp, en effet, ils considéraient que la compétence du juge judiciaire était limitée à l’évaluation du préjudice subi par la victime et la condamnation du fonctionnaire ou de l’administration incriminée mais que cette compétence judiciaire n’incluait pas la possibilité pour de juge d’apprécier la légalité de la mesure en cause.Le TC rend un arrêt le 16 novembre 1964 TG, l’arrêt ClémentLe CE rend un arrêt le 11 janvier 1978, l’arrêt dame veuve AudinCette jurisprudence a heureusement été abandonnée par une décision du TC du 12 mai 1997, l’arrêt préfet de police de Paris. Il s’agissait de deux clandestins qui n’avaient pas pu débarquer

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Depuis cette affaire, le juge judiciaire, dans le cadre de l’article 136 du cpp, a une plénitude de juridictions, càd que non seulement, il est compétent pour accorder réparation à la victime, mais il est aussi compétent pour apprécier lui même la légalité des actes administratifs qui sont à l’origine de la privation de liberté.

B) Les applications jurisprudentielles du principe

En dehors de tout texte, ce principe a été appliqué par la jurisprudence dans le cas de deux théories :

1/ La théorie de la voie de fait

La notion de voie de fait est apparue en jurisprudence à la fin du 19ème siècle, spécialement à partir de 1890, où elle est fréquemment utilisée dans les décisions.Elle a semblé tomber en désuétude au début du 20ème siècle puis elle est réapparue après la 2GM, et a connu ensuite un certain succès dans les années 90.Ce succès tient au fait que dès qu’il y a voie de fait, il y a plénitude de juridictions au profit du juge judiciaire pour connaitre d’une action de l’administration, le cas échéant en référé.

a) la définition de la voie de fait

Une voie de fait, selon le sens que la jurisprudence a donné à cette notion, est une action de l’administration présentant un caractère gravement illégal et qui porte atteinte à la propriété privée ou à une liberté fondamentale.

La définition précise de la voie de fait a été fluctuante en jurisprudence, elle a été désormais stabilisée par une décision du TC du 19 novembre 2001, l’arrêt « Mlle Mohamed » dans lequel la police interpelle une personne à l'aéroport de Roissy qui lui présente un certificat de nationalité française et un passeport français mentionnant son état civil. Soupçonnant une fraude d'identité et de nationalité, la police, en application de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, confisque à Mademoiselle Mohamed son passeport et la place en zone d'attente durant les vérifications, jusqu'à ce que, cinq jours plus tard, ce soit le juge délégué du tribunal de grande instance de Bobigny qui mette fin à sa retenue. L'intervention de la police ne débouchera sur aucune poursuite pénale et son passeport ne lui a pas été remis.Au terme de cette décision, « il y a voie de fait lorsque l’administration, soit a procédé à l’exécution dans des conditions irrégulières d’une décision même régulière portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une décision ayant l’un ou l’autre de ces effets, si cette décision est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’administration. »

Cette décision veut dire donc qu’il y a aujourd'hui deux hypothèses principales de voie de fait :- L’exécution irrégulière d’une décision administrative C’est ce que Maurice Hauriou appelait une voie de fait par « manque de procédure ».Il faut noter qu’une simple menace d’exécution irrégulière, si elle est précise, peut constituer une voie de fait.- Une décision qui a des conséquences sur une liberté fondamentale ou sur le droit de propriété et qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’administration.La régularité de cette décision s’apprécie par rapport aux pouvoirs qui appartiennent à l’administration.

Dans les deux cas, il y a certes une irrégularité mais pour que l’irrégularité qui est en cause soit susceptible de constituer une voie de fait, il faut qu’elle soit grossière, patente, évidente.Ce qui veut dire que, s’agissant des illégalités susceptibles d’affecter un acte administratif, il y a une gradation, et il n’y a voie de fait entrainant la compétence du juge judiciaire qu’au-delà d’un certain niveau d’illégalité.Il y a des illégalités simples et les illégalités grossières. Seules les illégalités grossières relèvent du juge judiciaire.Cela introduit une difficulté, celle d’apprécier le niveau d’illégalité d’un acte.

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Or, cette appréciation est susceptible d’être affectée par les circonstances particulières de l’action administrative.La jurisprudence a dégagé une théorie, la théorie des circonstances exceptionnelles :Il résulte de celle-ci que des actes administratifs, qui en temps ordinaire auraient été considérés comme illégaux, apparaissent, en raison des circonstances, comme conformes à la légalité.De la même manière, cette théorie a pour conséquence que des illégalités tellement grossières, tellement importantes, qu’en temps ordinaire, elles auraient constitué des voies de fait et donc relever de la compétence du juge judiciaire, vont, en raison des circonstances, constituer de simples illégalités relevant du juge administratif.En fait, avec cette théorie, les illégalités simples disparaissent

L’arrêt de référence est celui du TC rendu le 27 mars 1952, l’arrêt « Dame de la Murette ». Dans cette affaire, Mme de la Murette, avait été arrêtée en septembre 1944 sans aucun mandat judiciaire ni décision administrative préalable, elle est restée emprisonnés pendant de longs mois sans jamais faire l’objet d’un interrogatoire, mais elle a subi de nombreux sévisses. L’arrestation et les sévisses constituent une illégalité grossière. Néanmoins, le TC a décidé qu’en raison des circonstances il n’y a pas voie de fait, il y a simple illégalité.

L’atteinte à la propriété privée ou à une liberté fondamentale :S’agissant de la propriété privée, l’atteinte constitutive d’une voie de fait porte généralement sur des biens meubles.Dans tous les cas, l’atteinte à la propriété prend la forme d’une dépossessionS’agissant des atteintes à la liberté, les exemples sont très nombreux en jurisprudenceEx : refuser de délivrer un passeport à quelqu'un parce qu’il n’a pas payé ses impôts est une voie de fait, saisir un journal de façon irrégulière est une voie de fait, ou l’exhumation irrégulière d’un cadavre.L’arrêt « Action française » (TC 8 avril 1935): il s’agissait de la saisie irrégulière d’un journal : Le préfet de police avait fait saisir, dans la matinée du 7 février 1934, le journal L’Action française chez tous ses dépositaires à Paris et dans le département de la Seine Paris : voie de fait car porte atteinte à la liberté.L’arrêt « Société immobilière de Saint Just » (TC 25 novembre 1963) : exhumation d’un cadavre ordonnée de façon irrégulière : voie de fait car porte atteinte à la liberté.

b) Les conséquences de la voie de fait

Lorsqu’une action de l’administration est constitutive d’une voie de fait, les conséquences sont simples, lorsqu’il y a voie de fait, il y a plénitude de compétences des juridictions de l’ordre judiciaire à l’égard de l’action administrative.Cette notion de plénitude de compétence a trois dimensions :- Cela signifie que le juge judiciaire peut constater lui même l’existence de la voie de fait, càd constater lui même l’illégalité de l’action administrative.- Cela signifie ensuite que le juge judiciaire peut adresser des injonctions à l’administration pour précisément faire cesser la voie de fait.- Cela signifie enfin que le juge judiciaire peut condamner l’administration à des réparations pécuniaires.

Cette plénitude de compétence du juge judiciaire a deux fondements : - La première idée est qu’il y a illégalité grossière, évidente, qui est telle, que d’une certaine manière, l’administration s’est placée en dehors du droit on la commettant, elle n’agit plus en tant que personne publique en charge de l’intérêt général, il n’y a alors plus de raison qu’elle soit protégée par son privilège de juridiction. - La seconder raison est le fait qu’on est en présence d’un acte qui constitue une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, or c’est le juge judiciaire qui est le gardien naturel de ces droits et libertés.

Deux précisions complémentaires :

La plénitude de juridiction du juge judiciaire n’est pas complète sur trois points :- Les actes du Gouvernement :

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Certains actes administratifs, quoi que grossièrement illégaux et portant atteinte à un droit de propriété ou à une liberté ne sont pas susceptibles d’être considérés comme des voies de fait, car certains actes administratifs échappent à tout contrôle juridictionnel, ce sont les actes de Gouvernement.- Une compétence non exclusive en matière de voie de faitSi le juge judiciaire, lorsqu’il y a voie de fait, est compétent pour constater l’irrégularité grave qui affecte l’acte, cette compétence n’est pas exclusive. En effet, quand il y a voie de fait, il est possible de saisir le juge judiciaire, mais ce n’est qu’une possibilité, ce n’est pas une obligation.Et le juge administratif, s’il constate la voie de fait, fera comme si l’acte n’avait jamais existé.- L’intangibilité de l’ouvrage publicEnfin, les ouvrages publics bénéficient d’une protection particulière qui peut faire obstacle au pouvoir du juge.En effet pendant très longtemps, il a existé un adage en droit français, selon lequel « l’ouvrage public mal planté ne se détruit pas ». C’est ce qu’on a appelé le principe de l’intangibilité de l’ouvrage public. Cela signifiait que même si un ouvrage public avait été édifié dans des conditions grossièrement irrégulières, donc même s’il y a avait voie de fait, le juge judiciaire ne pouvait en aucun cas ordonner la destruction de l’ouvrage mais seulement donner droit à des indemnités. Ce principe se basait sur deux raisons : D’une part, s’il y a destruction, il y a gaspillage de l’argent public, d’autre part, un ouvrage public permet le fonctionnement d’un service public, le détruire serait entraver le fonctionnement de celui-ci. L’exemple ici est le Pont de l’Ile de Ré qui a été construit sans permis.Toutefois, depuis un arrêt du CE du 29 janvier 2003 « Syndicat départemental de l’électricité et du gaz des Alpes maritimes », le CE a infléchi sa jurisprudence et admet désormais qu’un ouvrage public irrégulièrement construit puisse être démoli. Mais ce n’est pas systématique, le juge pour se prononcer, fait un bilan coût/ avantage, ou avantage/inconvénient.

La question s’est posée en doctrine de l’avenir de la théorie de la voie de fait après l’introduction dans le code de Justice administrative du référé liberté (article L-121-2)Dans les années 90, en s’appuyant sur la voie de fait, les requérants avaient la possibilité d’accéder au juge judiciaire, et donc de profiter des procédures d’urgence du juge judiciaire. Donc les justiciables ont pris l’habitude de se servir systématiquement des voies de fait pour accélérer les procédures.A partit du moment où le référé liberté a été introduit, càd à partir du moment où ont existé des procédures d’urgence devant le juge administratif, il n’était plus évident de passer devant le juge judiciaire.La doctrine a alors émis l’idée que La théorie de la voie de fait qui n’était que jurisprudentiel pouvait alors peut-être disparaitre. Toutefois, le TC a réaffirmé l’existence de la théorie de la voie de fait dans l’arrêt « Mlle Mohamed » malgré l’apparition du référé liberté.Quel intérêt cette théorie conserve-t-elle ? Celle-ci a un intérêt car il existe une différence entre les conditions du référé liberté et les conditions de la voie de fait. En effet, l’article L-521-2 du code de Justice administrative évoque les atteintes portées à une liberté par l’administration « dans l’exercice d’une de ses pouvoirs ». Au contraire, la voie de fait implique que la décision « soit manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative »Ce qui veut dire qu’en définitive, quand l’administration porte atteinte à une liberté ou aux droits de propriété il existe aujourd'hui deux voies de droit possibles.Soit l’administration agit dans le cadre de ses pouvoirs, et alors le procédé en référé liberté de l’article L-121-2 est possible.Soit l’administration n’agit pas dans le cadre de ses pouvoirs, et alors c’est une voie de fait de la compétence du juge judiciaire.

2 / La théorie de l’emprise irrégulière

Elle comporte des points communs avec la théorie de la voie de fait, mais son étendue, ainsi que ses conséquences sont limitées.

a) Définition de l’emprise irrégulière

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Il y a emprise irrégulière quand une autorité administrative porte atteinte dans des conditions illégales et de façon temporaire ou définitive à une propriété privée immobilière. Il faut donc trois éléments :- Il faut qu’il y ait une véritable dépossession (de simples troubles de jouissance ne suffisent pas)- Il faut que cette dépossession porte sur un bien immobilier, sur un immeuble (la théorie de l’emprise est exclue en cas d’atteinte portée à la liberté mais aussi en cas d’atteinte portée à un bien meuble)- Il faut enfin que cette dépossession présente un caractère irrégulier.

L’arrêt de principe sur ce point est l’arrêt du TC du 17 mars 1949, l’arrêt Société hôtel du vieux Beffroi (GAJA)Ainsi définie, l’emprise irrégulière présente à l’évidence des différences avec la voie de fait : - elle est exclue en matière de liberté- elle est exclue s’agissant de biens meubles.Par contre, quid des atteintes portées à la propriété immobilière. Comment savoir si l’on est dans l’hypothèse d’une voie de fait ou d’une emprise ? La réponse n’est pas évidente.Pour qu’il y ait voie de fait, il faut une illégalité, mais une illégalité grossière.Pour qu’il y ait emprise, la dépossession doit présenter un caractère irrégulier, càd un caractère illégal. Une simple illégalité suffit, elle n’a pas à être grossière. S’agissant donc de la dépossession d’un bien immobilier du fait de l’administration : Soit la dépossession est une simple illégalité et c’est une emprise,Soit La dépossession est une illégalité grossière, et c’est une voie de fait.

b) Conséquences de l’emprise irrégulière

Lorsqu’il y a emprise irrégulière, il y a compétence du juge judiciaire, mais cette compétence est plus réduite que lorsqu’il y a voie de fait. D’une part, en effet, le juge judiciaire s’il y a emprise, n’est pas compétent pour apprécier le caractère régulier ou irrégulier de la dépossession. C’est pour lui une question préjudicielle, càd qu’il doit surseoir à statuer et renvoyer sur cette question devant le juge administratif.D’autre part, le juge judiciaire ne peut pas adresser d’injonction à l’administration. Il peut seulement condamner celle-ci à réparer l’ensemble des préjudices résultant de l’emprise irrégulière.L’arrêt « Société Rivoli-Sébastopol » du 17 mars 1949 indique que les juridictions administratives sont compétentes pour se prononcer sur la régularité d'une emprise, mais que les juridictions judiciaires le sont pour réparer l'ensemble des préjudices résultant d'une emprise irrégulière

Section 2 : Les autres chefs de compétence des juridictions de l’ordre judiciaire

Ils sont la conséquence de textes législatifs successifs ce qui conduit à différents de ces cas de compétence, au sein de cette diversité, il faut faire une place particulière au cas des questions accessoires devant le juge judiciaire.

A) La diversité des cas de compétence

Il faut citer tout ce qui concerne l’état des personnes (le nom, la nationalité, la filiation, la situation matrimoniale, la capacité juridique des personnes), c’est tout ce qui relève de l’état civil des personnes, et en la matière, c’est le juge judiciaire qui est compétent. Le juge administratif n’a quasiment aucune compétence, sauf deux cas particuliers dans lesquels il a alors une compétence marginale. (Contestation des titres de noblesse, recours dirigés contre les décrets de changement de nom par des tiers). En matière de responsabilité, les textes sont intervenus pour donner compétence au juge judiciaire à des affaires qui auraient dû normalement relever de la compétence du juge administratif : Par exemple, une loi du 17 avril 1901 prévoir que c’est le juge judiciaire qui est compétent pour connaitre des actions en responsabilité résultant de manœuvre ou d’exercice de tire de l’armée

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Une loi de 30 octobre 1968 donne compétence au juge pour connaitre de la responsabilité du fait des accidents d’origine nucléaire.Une loi du 31 décembre 1957 donne compétence au juge judiciaire pour connaitre des dommages causés par un véhicule, quelque soit le statut du véhicule (y compris un véhicule public).Il y a enfin tt une série de cas particuliers : - Le contentieux de la gestion des régimes de la Sécurité sociale- Les décisions du conseil de la concurrence- etc…

B) Le cas particulier des questions accessoires

L’hypothèse dans laquelle il convient ici de se placer est la suivante : le juge judiciaire est saisi d’un litige qui relève de sa compétence, et à l’occasion de ce litige, le juge judiciaire se trouve confronté à un acte administratif, et pour pouvoir trancher le litige, il apparait nécessaire ou bien d’interpréter cet acte administratif, voire même d’en apprécier la légalité. Mais est-ce que le juge judiciaire peut lui même, dans une telle circonstance, interpréter ou apprécier la légalité de l’acte administratif, ou bien alors, doit-il surseoir à statuer, et renvoyer au juge administratif le soin de lui donner une interprétation directe ou le soin de se prononcer sur la légalité de l’acte ?On dit que, dans une telle circonstance, le juge est confronté à une question accessoire, car en l’espèce, la Question du sens ou de la légalité de l’acte n’est pas la question principale dont il est saisi.Dans le premier cas, si l’on considère que le juge judiciaire peut lui même interpréter l’acte et apprécier sa légalité, on dit que la question accessoire est une question préalable.Dans le cas contraire, on dit que la question accessoire est une question préjudicielle.Pour répondre à cette question, on se base sur deux principes :- Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Ce principe semble faire obstacle à ce que le juge judiciaire puisse interpréter ou apprécier la légalité d’un acte et donc conduit à considérer que la question accessoire est une question préjudicielle- Le principe de procédure selon lequel « le juge de l’action est juge de l’exception »Cela veut dire que lorsqu’un tribunal qui est compétent à titre principal pour trancher un litige, ce même tribunal doit aussi être compétent pour tout ce qui est autour de cette question principale. On est alors amené à considérer que la question accessoire est alors une question préalable.

Quelles sont les solutions applicables ?Elles sont partagées entre les exigences qui résultent de l’un ou de l’autre de ces deux principes et finalement les solutions diffèrent selon que le juge judiciaire statue en matière civile ou en matière pénale.

1/ L’interprétation et l’appréciation de la légalité des actes administratifs en matière civile

Les solutions applicables en matière civile résultent de deux décisions du TC.

L’arrêt « Septfonds » (TC, le 16 juin 1923) Au terme de cet arrêt, le juge judiciaire en matière civile, peut interpréter les actes administratifs réglementaires, donc la question accessoire est une simple question préalable, au contraire le juge judiciaire en matière civile ne peut ni interpréter les actes individuels ni apprécier la légalité des actes, qu’ils soient réglementaires ou individuels, ainsi la question accessoire est ici une question préjudicielle.L’arrêt « Barinstein » (TC, le 30 octobre 1947)Cet arrêt est venu ultérieurement nuancer l’interdiction faite au juge judiciaire en matière civil d’apprécier la légalité des actes administratifs. En effet, dans cet arrêt, le TC admet que le juge en matière civile puisse apprécier la légalité des actes administratifs lorsque l’acte en cause porte une atteinte grave à l’inviolabilité du domicile, au droit de propriété ou à la liberté individuelle. On est donc ici proche de la voie de fait.

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2/ L’interprétation et l’appréciation de la légalité des actes administratifs en matière pénale

Cette question a longtemps été complexe dans la mesure où sur cette question, il existait une divergence entre les jurisprudences respectives du TC et de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. En effet, le TC, dans l’arrêt « Avranches et Desmarets » du 5 juillet 1951, opère une distinction entre les actes réglementaires et les actes individuels. Le TC acceptait que le juge judiciaire répressif puisse interpréter et apprécier la légalité des actes réglementaires. A l’inverse, i interdirait au juge judiciaire répressif d’interpréter et d’apprécier la légalité des actes individuels.Mais la Chambre criminelle de la Cour de cassation n’avait pas exactement la même position. Cette position avait été fixée par deux arrêts :L’arrêt « Dame le Roux »du 21 décembre 1961, et l’arrêt « Canivet et Dame Moret » du 1er juin 1967. La chambre criminelle opérait quant à elle une distinction selon que l’acte administratif en cause servait ou non de fondement aux poursuites pénales. Dans le premier cas, si l’acte administratif servait de fondement aux poursuites pénales, la position de la chambre criminelle était que je juge répressif pouvait interpréter et apprécier la légalité des actes réglementaires et pouvait aussi apprécier la légalité des actes individuels mais sans pour autant les interpréter.Dans le deuxième cas, le juge répressif ne pouvait ni l’interpréter, ni apprécier sa légalité, et ceci que l’acte soit réglementaire ou individuel.Cette divergence a été surmontée grâce à l’entrée en vigueur de l’article 111-5 du NCP qui vient se substituer tant à la jurisprudence Septfonds et Barinstein qu’à la jurisprudence Dame le Roux.Désormais cet article dispose que : « les juridictions répressives sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels, et pour en apprécier la légalité lorsque de cet examen dépend la solution du procès pénal qu’il aurait soulevé. »

Titre 2Titre 2 : : les sources du droit administratifles sources du droit administratif

On peut traiter soit des sources substantielles, soit des sources formelles du droit.

Les sources substantielles sont aussi parfois appelées les sources matérielles du droit. Ce sont les principes moraux religieux, philosophiques, politiques, etc. qui inspirent le droit positif. Autrement dit ce sont les éléments de nature plutôt philosophique qui donnent aux règles leur substance, leur matière, qui les expliquent.Par exemple la source matérielle de l’article1382 du code civil est l’idée que ce ne serait pas juste qu’une personne qui cause un préjudice à autrui n’en paie pas les conséquences.

La notion de source formelle n’a pas la même signification. L’étude de ces sources est en fait l’étude des procédés par lesquels se forme une règle de droit. Cette étude conduit à déterminer notamment les autorités qui sont habilitées à produire les règles de droit, les procédures selon lesquelles ces règles sont produites, et elle conduit à opérer une distinction entre ces règles en fonction des autorités qui les ont produites.L’étude des sources substantielles du droit relève d’un cours de philosophie du droit, ou de théorie du droit. Ce sont des considérations « métajuridiques ». Dans un cours de droit positif, on s’attache aux sources matérielles.Quand on traite des sources formelles du droit administratif, on laisse de coté d’une part la doctrine, et d’autre part la coutume.La doctrine est parfois abordée quand on présente les sources du droit, mais cette tradition n’est pas justifiée. En effet, la doctrine n’est pas en elle même une source de droit. Les auteurs pensent qu’elle contribue à l’élaboration du droit. D’abord le rôle des auteurs est d’interpréter les règles juridiques et à ce titre, la doctrine oriente la jurisprudence.Par ailleurs, en matière de systématisation de la jurisprudence, la doctrine est importante, en faisant un travail de synthèse.

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Enfin, le rôle de la doctrine est de critiquer le travail du législateur, de souligner les imperfections d’un texte et donc de conduire à l’amélioration des règles de droits.Mais pour autant, on ne peut pas dire que la doctrine est une source du droit, c’est une contribution.Quant à la coutume, en droit correspond à un usage ancien, auquel se plient les intéressés avec le sentiment d’y être obligés. La coutume joue un rôle important en droit privé, mais ce rôle est quasi inexistant en droit administratif. Le droit administratif nait dans la jurisprudence et a partir du moment ou le droit administratif est quasiment exclusivement jurisprudentiel, il n’ay a plus de place pour la coutume.Distinction entre sources nationales et internationales du droit administratif.

Chapitre 1 : les sources nationales du droit administratif

Lorsque l’on recense les sources nationales du droit administratif, on est conduit à citer la Constitution, les lois, les règlements, la jurisprudence. Dans cet ensemble, les règles jurisprudentielles posent un problème particulier. En effet, ce sont des règles posées par le juge lui même Et ce constat pose un problème théorique et politique important.En principe, le juge est la pour appliquer la loi et les règlements, pour les faires respecter, il n’est pas là pour créer le droit. La question que pose la jurisprudence est celle de la légitimité du juge et également celle de la place de la jurisprudence dans la hiérarchie des normes.

Section 1 : Les règles produites par les autorités normatives constitutionnelles

Une autorité normative est une autorité qui peut édicter des règles de droit. Une autorité normative cstelle est une autorité qui peut édicter des règles car la Constitution le prévoit.En droit administratif, comme dans le autres branches du droit, ces autorités normatives cstelles sont diverses, il y en a trois principales : Le pouvoir constituant, le pouvoir législatif et l’autorité réglementaire.Les règles produites par ces autorités sont respectivement les règles cstelles, les lois et les règlements.

A) Le bloc de constitutionnalité

Cette formule, on la doit à Louis Favoreu, et celle-ci sert à désigner l’ensemble des normes de valeur constitutionnelle dont le respect s’impose à tous. Cet ensemble des normes de valeur cstelle est constitué d’une part des articles de la Constitution de 1958, d’autre part du préambule de la Constitution 1958 et enfin de la jurisprudence de Conseil Constitutionnel.

1/ Les articles de la Constitution, source directe du droit administratif

De nombreuses règles de droit administratif ont pour origine directe la Constitution. Certaines de ces règles sont des règles de compétence ou de procédure. Ainsi par exemple, les articles 13 et 21 de la Constitution répartissent les compétences entre le président de la République (article 13) et le Premier ministre (article 21).Les articles 19 et 22 précisent le régime du contreseing ministériel des actes du président de la République et du Premier ministre.Les articles 34 et 37 opèrent une répartition des compétences entre la loi (article 34) et les règlements (article 37).D’autres règles sont tt simplement des règles de fond.Le principe d’égalité devant la loi posé à l’article 1er de la ConstitutionLe principe de libre administration des collectivités territoriales posé à l’article 72.A coté de ces articles de la Constitution :

2/ Le préambule de la Constitution

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Il comporte deux alinéas dont le premier précise que « le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et au principe de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été défini par la déclaration de 1789 confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004. » C’est la loi cstelle du 1er mars 2005 qui a rajouté le rappel de la Charte.Ce préambule est très bref mais il a en fait un caractère de gigogne, il renvoie à d’autres textes, la déclaration de 1789, le préambule de 1946 et la Charte de l’environnement.

a) Le renvoi au préambule de la Constitution de 1946

C’est un texte très long, composé de trois catégories de principe.- Les principes de la DDHC de1789.- Les des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.- Les principes politiques économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps.Cette troisième catégorie est une catégorie particulièrement fournie, on y trouve le principe d’égalité des droits entre l’homme et la femme, le droit de trouver un emploi, la garantie de l’égalité dans l’accès à l’instruction, à la culture, etc.Le préambule de 1958, en renvoyant à celui de 1946, renvoie en fait à tt un ensemble de droit, ceux de 1789 et des principes fondamentaux.Ces droits et ces principes constituent des règles de fond qui peuvent constituer des sources du droit administratif, comme du droit pénal ou civil.Mais pour que ces droits et ces principes que l’on trouve ainsi dans le préambule constituent effectivement des sources du droit administratif, encore faut il que le préambule de la Constitution de 1958 ait une valeur juridique.Cette question a fait l’objet de controverses doctrinales et d’incertitudes jurisprudentielles, qui sont aujourd'hui levées.Sur le plan doctrinal, beaucoup d’auteurs contestaient toute valeur juridique à la DDHC ou au préambule de 1946, en soulignant que les dispositions que l’on trouve dans ces textes sont des dispositions floues, imprécises.Il ne s’agissait que de simples prises de position d’ordre philosophiques, certains les qualifiaient même d’œuvre de littérature.

D’autres auteurs étaient un peu plus nuancés et opéraient une distinction entre les dispositions précises et celles qui ne l’étaient pas. Finalement, cette doctrine, dominante, revenait à faire un lien entre la précision d’une règle, et sa valeur juridique éventuelle. Et c’est en ce sens que ces analyses étaient contestables, car au niveau de la théorie juridique, il n’y a pas de rapport. Cette analyse a conduit la jurisprudence à hésiter quant à la portée effective du préambule cstel. Le juge administratif, jusqu’en 1956 a évité de se prononcer sur la valeur de la DDHC et du préambule de 1946. Puis dans un arrêt d’assemblée du 11 juillet 1956 « Amicale des annamites de Paris», le CE a utilisé pour la 1ère fois la catégorie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République pour dégager le principe d’association. De façon plus claire encore, le CE, dans un arrêt du 7 juin 1957, l’arrêt « Condamine » a admis qu’un requérant pouvait invoquer devant lui la violation d’un article de la DDHC en l’encontre d’un acte administratif.

Aujourd'hui il n’existe plus aucun doute sur la valeur du préambule de 1958 et des textes auxquels ce préambule renvoie grâce à deux décisions, l’une du Conseil constitutionnel, l’autre du CE.- La décision du Conseil Constitutionnel en date du 16 juillet 1971 :Le CC a dégagé le principe de la liberté d’association, et pour cela, il s’est référé au préambule de 1946, et plus précisément aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, reconnaissant ainsi sa valeur constitutionnelle.- L’arrêt d’assemblée du CE « Commune d’Annecy » en date du 3 octobre 2008 : Dans cette décision, le CE précise que toutes les dispositions qui procèdent du préambule de la Constitution ont valeur constitutionnelle.Ainsi l’ensemble des dispositions du préambule de1958 ont valeur cstelle et ainsi peuvent servir de sources à toutes les matières du droit.

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b) Le renvoi à la Charte de 2004

Le Parlement français a voté en 2004 une Charte de l’environnement composée de 10 articles que la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 a intégré au préambule de la Constitution de 1958.Cette Charte consacre un certain nombre de droits et de principes. Par exemple, l’article 1 dispose que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. »La question qui s’est rapidement posée a été exactement la même que pour le préambule de 1946, à savoir connaitre sa valeur juridique.L’arrêt « Commune d’Annecy » du 3 octobre 2008 a tranché cette question. Il comporte le considérant suivant : « L’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement ont valeur cstelle, elle s’impose aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectifs. »

3/ La jurisprudence du Conseil Constitutionnel

Le bloc de constitutionalité à une troisième composante, c’est la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.En effet, le Conseil Constitutionnel ne se contente pas d’interpréter les textes, il formule des principes qui sont des principes de valeur cstelle qui peuvent eux même constituer des sources du droit administratif. Par exemple, le principe de continuité du service public, qui est un principe de valeur constitutionnelle qui a été formulé dans une décision du 25 juillet 1979 par le Conseil Constitutionnel, c’est un principe jurisprudentiel.

B) La loi et le règlement

La loi comme les règlements constitue l’une des sources principales du droit administratif. Les lois sont les règles qui émanent du Parlement qui dispose du pouvoir législatif, les règlements émanent d’autorité administrative.Les règlements administratifs ne sont pas seulement les textes qui émanent du Gouvernement mais correspondent plutôt des actes unilatéraux de portée générale émanant d’autorités administratives.

1/ Les autorités titulaires de compétence réglementaire

Au niveau national, le pouvoir réglementaire général tel qu’il est prévu par la Constitution est partagé entre le Président de la République et le premier ministre.Selon l’article 21 de la Constitution, le premier ministre assure l’exécution des lois. A cet effet, il dispose du pouvoir réglementaire. Il a donc la compétence de droit commun en matière réglementaire mais cette compétence s’exerce sous réserve des dispositions de l’article 13 de la Constitution qui attribue une compétence au Président de la République pour signer les ordonnances et pour signer les décrets délibérés en Conseil des ministres.Mais la pratique de la 5ème République s’est rapidement éloignée du texte de la Constitution, et en pratique, le pst de la République en matière réglementaire a plus de pouvoir que ce que la Constitution prévoyait.Dès le début de la 5ème, le général de Gaulle a signé des décrets qui n’avaient pas été délibérés en Conseil des ministres. On les a appelés les décrets présidentiels simples.Le CE a eu à ses prononcer sur cette pratique du général de Gaulle et par un arrêt du 27 avril 1962, l’arrêt « Sicard », il a déclaré que les décrets présidentiels simples n’étaient pas contraires à la Constitution à partir du moment où ils avaient été contresignés par le Premier ministre.

Le Président signe également les décrets délibérés en conseil des ministres, or c’est ce dernier qui fixe l’ordre du jour du des décrets délibérés en Conseil des ministres donc il suffit pour le pst de mettre à l’ordre du jour le décret qu’il souhaite signé.Le CE a été saisi sur l’affaire, et par l’arrêt « Meyet », du 10 septembre 1992, il a déclaré que « lorsque le Président de la République est amené ainsi à signer un décret, il doit en être considérer comme l’auteur de sorte que ce décret ne pourra être ultérieurement modifié ou abrogé que par un nouveau décret signé par le pst de la rep

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Il suffit donc au Président de mettre a l’ordre du jour du conseil des ministres un décret pour disposer du pouvoir règlementaire.

Au contraire, les ministres, quant à eux, ne disposent pas d’un pouvoir réglementaire général, mais néanmoins, ils participent à l’exercice du pouvoir réglementaire dans trois séries d’hypothèses.D’abord, l’article 22 de la Constitution dispose que les actes du Président de la République sont contresignés par le premier ministre et le cas échéant par les ministres responsables.De la même manière, cet article prévoit que les actes du premier ministre sont contresignés le cas échéant par les ministres chargés de leur exécution. Par le biais du contreseing, les ministres sont associés à l’exercice du pouvoir réglementaire.D’autre part, l’exercice du pouvoir réglementaire peut être délégué ponctuellement à un ministre par le premier ministre.Enfin, les ministres disposent d’un pouvoir réglementaire propre qui résulte d’une jurisprudence du CE, un arrêt du 7 février 1936, l’arrêt « Jamart ». Dans cet arrêt, le CE a précisé qu’il appartient à un ministre comme d’ailleurs à tout chef de service de « prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée sous leur autorité » Par la même, le CE a reconnu un pouvoir réglementaire aux ministres, mais un pouvoir qui ne leur est reconnu qu’en tant que chef de service, chef de l’administration.

Indépendamment du chef de l’état, du premier ministre ou des ministres, beaucoup d’autres autorités administratives disposent du pouvoir d’édicter des règlements administratifs, càd des actes administratifs unilatéraux de portée générale.Il y a d’abord toutes les autorités administratives auxquelles la loi reconnait une compétence :Par exemple les autorités administratives indépendante, le CSA, le Conseil de la concurrence, les ordres professionnels, etc., ou bien des personnes privées chargées d’un service public, par exemple la fédération française de football.Il y a ensuite toutes les autorités administratives locales, soit qu’elles représentent localement le Gouvernement (le préfet), soit qu’ils s’agissent de collectivités territoriales.L’article 72 de la Constitution dispose que les « collectivités territoriales disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leur compétence »Donc, en droit administratif, ce que l’on entend par règlement, c’est tout acte administratif unilatéral de portée général (et non pas seulement l’article 37 de la Constitution)

2/ Le différentes formes de règlements

Il y a d’abord ceux qui émanent des autorités centrales, càd du Président de la République, du Premier ministre ou des ministres.On distingue 3 catégories- Les décrets et les arrêtés ministériels- Les ordonnances- Les décisions de l’article 16 de la Constitution.

a) Les décrets et les arrêtés ministériels

Les décrets sont de trois sortes :- Les décrets d’application : Une loi fait l’objet d’un décret d’application (classique)- Les décrets de promulgation d’une loi : Le pst de la Rep signe pr mettre une loi en vigueur (classique)- Les décrets de l’article 37 (innovation de 1958) On appelait initialement ces décrets des décrets autonomes. Ce sont des textes qui ne font pas référence à une loi.

Les arrêtés ministériels correspondent à des décisions prises par les ministres de portée générale ou individuelle.

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b) Les ordonnances

Il y a deux types d’ordonnance :

- Les ordonnances de l’article 92 de la ConstitutionElles n’ont plus aujourd'hui qu’un intérêt théorique. Car en 1958, l’article 92 autorisait le Gouvernement à titre transitoire et jusque à la mise en place effective de tt les institutions à prendre toutes les mesures qui lui paraissait nécessaire par la voie d’ordonnance ayant force de loi. Ainsi formellement, ces ordonnances émanaient d’une autorité administrative, le Gouvernement, mais juridiquement elles avaient valeur législative.Le CE, pour cette raison, dans un arrêt du 12 février 1960, l’arrêt « EKY », a considéré que ces ordonnances n’avaient pas valeur législateur

-Les ordonnances de l’article 38 de la ConstitutionC’est un mécanisme qui permet au Gouvernement d’intervenir dans le domaine de la loi avec l’autorisation du Parlement. Le mécanisme consiste pour le Gouvernement à obtenir une habilitation législative pour être autorisé à intervenir dans un domaine précis pour une période également précise.Ces ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du CE et sont signées par le Pst de la république.Cette habilitation législative est donnée pour une période limitée. (6 mois)A l’expiration de ce délai, le Gouvernement a l’obligation de déposer un projet de loi de ratification des ordonnances intervenues durant la période d’habilitation. Il y a alors quatre hypothèses :- Au terme du délai, le Gouvernement ne dépose pas de projet de loi de ratification des ordonnances, celles-ci deviennent donc caduques.- Le projet de loi de ratification est déposé, discuté, et le Parlement rejette le texte, les ordonnances deviennent également caduques.- Le projet de loi de ratification est déposé et voté, les ordonnances qui étaient jusque là des actes administratifs deviennent des textes de forme législative, càd des textes soumis au même régime juridique que des lois- Le projet de loi de ratification est déposé au Parlement mais ne vient jamais en discussion, les ordonnances restent valables mais restent des actes administratifs.

c) Les décisions de l’article 16

Cet article autorise le Pst de la République a prendre en cas de péril quel qu’il soit, les mesures exigées par les circonstances. Cet article donne au pst de la république les pleins pouvoirs (mis en place une seule fois)Le pst peut alors prendre des décisions qui en temps ordinaire auraient pu être soit du domaine de la loi, soit de celui du règlement.Le CE s’est prononcé dans un arrêt du 2 mars 1962, l’arrêt « Rubin de Servens » dans lequel il opérait une distinction en considérant que les décisions du Pst de la rep prises sous l’article 16 qui en temps ordinaire relèveraient du domaine de la loi ont une valeur législative, et pour les actes qui auraient relevé du règlement, une valeur d’acte administratif et doivent être soumis au contrôle du juge.

Les actes réglementaires ont des applications très diverses, dès lors qu’on quitte l’autorité central il n’y a plus de terme général pour désigner le règlement.

Section 2 : Les règles jurisprudentielles

Peut-on admettre qu’un juge soit l’auteur d’une règle de droit, alors qu’en principe, il n’est là que pour faire appliquer le droit ?

$1) Le problème de la jurisprudence en tant que source de droit

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Lors du 19ème siècle et jusqu’au 20ème, l’analyse classique de la fonction juridictionnelle a conduit la plus grande majorité de la doctrine à contester au juge tout pouvoir créateur du droit. Le juge a donc été conduit à créer du droit.

A) L’analyse classique jurisprudentielle

Il y a une formule classique célèbre à propos du rôle du juge, les juges ne pouvaient être que la « bouche qui prononce la parole de la loi » a la révolution française, Robespierre voulait même supprimer le terme de jurisprudence et Danton parlait d’une grande plaie du genre humain. Cette analyse classique a engendré une hostilité à l’égard des juges et de la possibilité qu’il y aurait pour eux de créer des règles de droit.A partir du moment où seul le Parlement incarne la souveraineté déléguée par le corps social, seul celui-ci peut édicter des règles qui régissent le corps social. Les juges au contraire ne sont élus par personne. Et donc, ils ne possèdent aucune légitimité pour légiférer. L’article 10 de la loi des 16 et 24 aout 1790 a interdit au juge de prendre « aucune part dans l’exercice du pouvoir législatif ».Interdiction reprise dans la Constitution et surtout dans le code civil, puisque l’article 5 interdit au juge de prononcer par voie de dispositions générales et réglementaires sur les causes qui leur sont soumises.L’idée est donc que la création de règles de droit par le juge serait anti démocratique. Cette conception a conduit à la fin du 19ème siècle à un mouvement, le mouvement de l’exégèse qui entendait confiner le juge dans la stricte exégèse des textes, le principe est qu’il doit s’en tenir à la lecture de ces textes.Même si ce mouvement a disparu, l’idée est restée dominante jusqu’en 1950 que le juge ne peut exercer aucun pouvoir législatif. Les auteurs disent qu’en cas de manque, le juge doit dégager l’ensemble de la législation de son esprit, la règle, mais pas de l’inventer.Cette analyse est assez peu scientifique en ce sens qu’elle ne tient pas vraiment compte de la réalité, elle part d’un postulat politiqueLa fonction juridictionnelle par sa nature comporte un aspect normatif.

B) L’aspect normatif de la fonction juridictionnelle

Le juge dispose d’un pouvoir normatif, qui s’exerce selon deux modalités qui conduisent à distinguer le pouvoir normatif subordonné, et d’autre part un pouvoir normatif autonome.

1/ Le pouvoir normatif subordonné

Lorsqu’un juge doit résoudre un litige il doit avant tout trouver une règle de droit applicable à l’affaire. Or les règles de droit ont pour caractéristique d’être générale et impersonnelles càd qu’elles sont destinées à s’appliquer à un nombre indéterminé de cas. Mais le juge doit statuer à propos d’un cas précis. Les règles générales doivent être adaptées à une situation juridique concrète. Comment peut se faire cette adaptation ?Celle-ci se fait par l’interprétation que fait le juge.Un texte de portée générale est porteur de plusieurs de plusieurs sens, interpréter, c’est choisir un sens en particulier.L’interprétation d’un texte est toujours nécessaire, car l’interprétation c’est le moyen d’adapter le texte au cas concret.C’est un acte de volonté du juge, c’est le produit de sa subjectivité, ce n’est pas mécanique, de sorte qu’à la fin, dans le syllogisme de raisonnement que constitue une décision de Justice, la règle qui sert de fondement à la décision n’est pas le texte voté par le Parlement, c’est le texte tel qu’il est interprété pour le juge. Interpréter équivaut pour le juge à formuler une règle nouvelle. En théorie du droit on explique que l’interprétation de la règle correspond à la recréation de la règle. Cette interprétation va faire jurisprudence, car ce sens que le juge va donner va devenir le sens donné par tous. C’est le pouvoir normatif subordonné à l’interprétation d’une règle déjà existante.

2/ Le pouvoir normatif autonome

Il peut arriver que le juge cherche une règle lui permettant de donner une solution à un litige mais il ne la trouve pas.

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Or le juge ne peut pas ne pas trancher un litige. En effet, l’article 4 du code civil dispose que si un juge refuse de statuer, celui-ci commet un déni de justice. Le juge doit donc se prononcer quoi qu’il arrive.Il n’a d’autre choix que de créer lui même les règles. Ainsi la création de la règle ne se fait pas par l’interprétation d’un texte mais sur la formulation d’une règle qui vient pallier un manque, une déficience législative, c’est pourquoi on parle d’autonomie.C’est par la nature même de la fonction juridictionnelle que le juge est amené à faire jurisprudence. Il est évident que le raisonnement qui constitue le fondement de la solution a vocation à être réitéré pour donner une solution identique aux litiges futurs entrant dans la même catégorie. Une norme jurisprudentielle, c’est finalement une norme crée par le juge et qui a vocation à survivre au litige à l’occasion duquel elle a été dégagée. Donc la question de la légitimité est recevable sur le plan politique mais pas dans la pratique

Le problème de la jurisprudence c’est le changement possible de celle-ci.Lorsque le juge formule une règle nouvelle à l’occasion d’un litige dont il est saisi n’existait pas avant, et le revirement jurisprudentiel par nature a une portée rétroactive. Se pose alors le problème de la stabilité et de la sécurité juridique.Quand une personne agit, décide, elle le fait en fonction d’un état de droit, de ce qu’elle sait de la loi, des règlements, de la jurisprudence. Si elle prend une décision, et que le juge lui applique une règle nouvelle, il va de soit qu’elle ignorait cette règle. C’est pourquoi l’idée d’une modulation dans le temps des changements de jurisprudence s’est progressivement développée.Cela a d’abord été le cas pour la CJCE, dès 1980, celle-ci a admis qu’au non du principe de sécurité juridique, un revirement jurisprudentiel puisse n’avoir d’effet que pour l’avenir et ne pas concerner la situation jugée et ne pas concerner la situation jugée ou les situations antérieures à ce revirement.

En droit interne, la Cour de cassation, dans un arrêt d’assemblée plénière du 21 décembre 2006, a admis pour la 1ère

fois de ne pas appliquer rétroactivement une nouvelle règle jurisprudentielle.Le CE a fini par rejoindre ce mouvement, par deux arrêts :- Un arrêt d’assemblée du 24 mars 2006, l’arrêt de la « société KPMG », dans lequel le CE a dégagé au titre des principes généraux du droit un nouveau principe, le principe de sécurité juridique.- Un arrêt d’assemblée du 16 juillet 2007, l’arrêt s « societé Tropic », Cet arrêt présente un double intérêt :Il admet pour la première fois la possibilité d’introduire directement un recours en annulation contre un contrat.D’autre part, pour la première fois, le CE a introduit l’idée d’un droit transitoire de la règle jurisprudentielle, l’idée d’une modulation dans le temps des effets d’une règle jurisprudentielle. En effet, son arrêt consacrant une nouvelle action contre les contrats, innovation considérable, le juge précise : « eu égard à l’impératif de sécurité juridique, tenant à ce qu’il ne soit pas porté une atteinte excessive aux relations contractuelles en cours, le recours si dessus défini ne pourra être exercé qu’à l’encontre des contrats dont la procédure de passation a été engagée postérieurement à la date de lecture de la présente décision » Cela ne veut pas dire que désormais n’auront plus d’effet rétroactif, mais cela signifie que le juge pourra au nom de la sécurité juridique être amené à décaler les effets d’une nouvelle règle jurisprudentielle. C’est une innovation jurisprudentielle très importante, qui doit permettre d’atténuer les critiques souvent adressées à la jurisprudence.

C) Les principes généraux du droit

1/ La fonction des principes généraux du droit

Le PGD sont des règles de droit posées par le juge administratif, dont le respect s’impose à l’ensemble des autorités administratives et qui procèdent d’une conception libérale de la société.Ces principes, les juges les ont appliqués en silence dès le début du 20ème siècle.

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Ainsi dans un arrêt du 27 mars 1911, l’arrêt « Sieur Roubot » , il applique le principe d’égalité des citoyens devant le règlement administratifDans un arrêt 1927 « société des établissements de Lignon », il applique le principe de la liberté du commerce et de l’industrieDans un arrêt du 4 février 1944, l’arrêt « Guieysse » il applique le principe de l’égalité devant l’impôt.Dans un arrêt du 25 juin 1948, « société journal l’Aurore » , il applique le principe de l’égalité des usagers du service public.Enfin dans un arrêt du 5 mai 1944, l’arrêt « Dame veuve Trompier-Gravier », il applique le principe du respect du droit de la défense. Avec ces principes, il s’agit toujours pour le juge, soit de consacrer une liberté, soit d’affirmer un droit, soit d’assurer une égalité, soit de préserver une sécurité.

La IIIème est une période où les libertés sont proclamées, puis la 2GM va conduire le juge à modifier sa postion.Le régime français a adopté des règles contraires aux droits fondamentaux, de sorte qu’après la guerre le CE a trouvé nécessaire de préciser que certains principes appartenaient à la catégorie des principes généraux du droit.

Cette construction s’est faite à partir de 5 arrêts très importants rendus le 26 octobre 1945.

A partir de 1958, la catégorie des principes généraux du droit va jouer un rôle particulier dans la mesure où ces principes vont être utilisés par le juge pour servir de référence dans le cadre du contrôle que le juge exerce des décrets de l’article 37. En effet, ces décrets ont pu être qualifiés de décrets autonomes. Or, lorsque le juge doit contrôler leur légalité, il ne peut pas le faire par rapport à une loi car pas de hiérarchie, et le juge a utilisé les principes généraux du droit.

A partir des années 1970, les principales libertés publiques étant garanties, le juge administratif va donner un nouveau contenu à la catégorie des principes généraux du droit, il va consacrer tt une série de principe sociaux Dans l’arrêt « Dame Peynet » du 8 juin 1973, le juge au titre des PGD le principe selon lequel on ne peut licencier une femme enceinteDans l’arrêt « dame Aragnou » du 23 avril 1982, le juge consacre au titre des PGD le principe selon lequel tout salarié travaillant dans le secteur public, a droit à une rémunération au moins égale au smic.Dans un arrêt plus récent, du 26 octobre 2002, « CCI de Meurthe et Moselle », le CE consacre le principe selon lequel il y a obligation de rechercher à reclasser un salarié inapte physiquement à ses fonctions.

2/ Origine et valeur des PGD

a) L’origine des principes

Ce problème peut être appréhendé sous deux angles différents. Sous l’angle formel, la source des principes généraux du droit, c’est le juge administratif lui même. C’est lui qui les formulent.Sous l’angle matériel, il n’y a pas de source unique des principes généraux du droit.

Certains principes sont tirés par le juge de différents textes législatifs.Par exemple, l’arrêt 23 avril 1982 « Dame Aragnou »,il transpose une règle qui existe déjà dans le code du travail.D’autres principes ont directement leur source dans la DDHC de 1789, c’est le cas notamment de nombreux principes qui font référence à la liberté, et à l’égalité.Mais le juge administratif, lorsqu’il formule un principe général du droit, ne se limite pas à tel ou tel texte. Très fréquemment, il formule des principes sans références textuelles particulières. Il faut avoir à l’esprit que le juge est le véritable auteur des PGD. Cette création n’est pas de la part du juge un pouvoir discrétionnaire. En fait, le juge consacre une règle au titre d’un principe général du droit de façon progressive et

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prudente. A partir du moment où le juge administratif croit comprendre que l’ensemble du corps social est d’accord avec cette nouvelle règle, il la consacre au titre de PGD.

b) La valeur des principes

Le problème est complexe, plus confus. Jusqu’en 1959, la plus grande partie de la doctrine considérait que les PGD avaient une valeur législative. Car en effet, la majorité des auteurs pensaient que quand le juge formule un PGD, le CE entend soumettre l’administration à la volonté implicite du législateur.Le CE lui même semblait partager cette analyse et dans un arrêt du 7 février 1958, « Syndicat des propriétaires de foret de chêne liège d’Algérie », il avait utilisé la formulé « le PGD ayant valeur législative »

Cette thèse(de la valeur législative des PGD) a été remise en cause en 1959 par un arrêt très important du 26 juin 1959, l’ arrêt « Syndicat général des ingénieurs conseils » : La Constitution de 1946 comportait un article 47 qui permettait au pst du Conseil des ministres de régler par décret, en outre mer, des questions qui en métropole étaient de la compétence du Parlement, autrement dit le pst du conseil avait en outre mer une sorte de pouvoir réglementaire autonome. Le CE est saisi d’un recours contre l’un de ces décrets autonomes. La question qui est alors posée au CE est de savoir sur quelles bases juridiques pouvait-t-il contrôler ces décrets, est ce que le juge pouvait contrôler ces décrets par rapport aux PGD? Au moment de l’arrêt, la Constitution de 1946 n’est plus en vigueur, donc plus beaucoup d’intérêt par rapport à l’ancienne Constitution, mais beaucoup par rapport à la nouvelle. Car l’article 37 de la Constitution de 1958 donne au premier ministre une pouvoir réglementaire autonome de même type que le pst du conseil avec la Constitution de 1946. Le commissaire du Gouvernement, M. Fournier, dira que la réponse donnée par le CE est importante pour l’application de l’article 37 de la Constitution de 1958.Le CE décide que dans le cadre des pouvoirs qu’il tenait de l’article 47 de la Constitution de 1946, le pst du conseil des ministres devait respecter « les principes généraux du droit, qui, résultant notamment du préambule de la Constitution ; s’impose à toute autorité réglementaire, même en l’absence de dispositions législatives. »Compte tenu des conclusions du commissaire du Gouvernement, c’est une manière indirecte pour le CE de dire que l’article 37 de la Constitution de 1958 serait appliqué de telle sorte.Ce qui veut dire que les PGD ont une valeur juridique supérieure à celle des décrets de l’article 37. Quelle est cette valeur ?

Au lendemain, de cet arrêt, la doctrine qui jusque là, pensait que les PGD avaient valeur législative, a considéré qu’ils avaient valeur constitutionnelle. Elle considérait que l’article 37 était au même niveau que la loi, or les PGD avaient une valeur supérieure aux décrets, donc valeur constitutionnelle.

M René Chaput contesta cette thèse, il affirma à juste titre que rien ne permettait d’assurer que les décrets de l’art 37 soient au même niveau que les lois. De sorte que si on ne considère plus comme au même niveau que la loi, les PGD n’auraient plus valeur constitutionnelle. Quelle est alors la valeur des PGD ?Il explique que la valeur d’une norme quelconque est donnée par son auteur. En l’espèce, l’auteur des principes est le juge, or le juge administratif contrôle les décrets mais il est soumis au respect des lois, de sorte que, le juge administratif occupe un rang intermédiaire entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire, en conséquence, les pgd ont une valeur infra-législative et supra-décrétaleCette conclusion de Chaput n’est pas vraiment convaincante.

On peut dire que lorsqu’il y a pouvoir normatif subordonné, la règle formulée par le juge a la même valeur juridique que le texte interprété. Ce qui signifie que lorsque le juge administratif formule un PGD par interprétation du préambule ou de la Constitution, ce principe a valeur constitutionnelle.De même, lorsqu’il formule en interprétation d’une loi, le principe a une valeur législative.De même pour les règlements.Il n’y a pas de valeur juridique unique pour les PGD, il y a une pluralité de valeurs juridiques, tout dépend du texte interprété.

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Lorsqu’il y a pouvoir normatif autonome, la règle est crée librement par le juge lui-même, et si il crée lui même une règle, c’est qu’il ne trouve pas le texte permettant de résoudre le litige qui lui est soumis.Dans une telle hypothèse on admet que la règle créée par le juge a la même valeur que la règle introuvable.Le problème, c’est que par définition, si le principe vient remplacer une règle que le juge n’a pas trouvée, on ne sait pas quelle est cette règle, on ne sait donc pas quelle est sa valeur, donc on ne connait pas la valeur du principe.

Il faut retenir trois choses :- La valeur juridique des PGD n’est pas unique, il y a pluralité de valeurs juridiques - La valeur du principe est facilement déterminable lorsque le principe est formulé par interprétation d’un texte : le principe a la valeur du texte interprété.- Au contraire, la valeur du principe reste incertaine lorsque le principe est formulé de façon totalement autonome.Cette dernière affirmation doit cependant être nuancée sur deux points :D’abord, il arrive que le CE reconnaisse lui-même expressément une valeur législative au principe qu’il formule .Ensuite, il arrive que le CC reprenne dans sa jurisprudence des principes antérieurement dégagés par le CE au titre de PGD. Par exemple, le CE avait dégagé au titre des PGD le principe de continuité du service public. Ce même principe, dont la valeur juridique était incertaine a été repris par le CC dans une décision du 25 juillet 1979, et celui-ci a précisé à cette occasion que ce principe avait valeur cstelle.

Chapitre 2 : Les conventions internationales

Jusqu’en 1946, les règles de droit international, càd les règles de droit qui résultent des traités, devaient être respectées par l’Etat, mais elles ne liaient pas directement les autorités administratives. Autrement dit, les autorités administratives pouvaient méconnaitre les normes internationales, ne pas les respecter, au motif que celles-ci intéressaient simplement les relations diplomatiques de l'Etat. Ceci jusqu’en 1946.Les articles 26 à 28 de la Constitution du 27 octobre 1946 devaient donner force de loi aux accords et traités régulièrement introduits dans l’ordre juridique interne.A la suite de l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946, le CE a modifié sa jurisprudence, et dans un arrêt d’assemblée du 30 mai 1952, l’arrêt « dame Kirkwood » , il s’est reconnu compétent pour apprécier la conformité d’un décret à une convention internationale. A partir de ce moment là, les règles de droit international ont constitué une source du droit administratif, càd que les autorités administratives ont été tenues de respecter les engagements internationaux de la France.La Constitution de 1958, dans son article 55, a confirmé que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celles des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie. » Donc les traités et les accords ont une autorité supérieure à celle des lois.Cependant, l’application effective de ces traités et accords par le juge administratif a longtemps été l’objet d’un certain nombre de difficultés.

Section 1 : Les normes internationales applicables

Elles sont très nombreuses, et parmi cet ensemble, certaines normes tiennent une place particulière, celles qui forment ce que l’on appelle le droit communautaire.

A) les Traités et accords internationaux

L’étude de l’entrée des traités et accords internationaux dans le droit interne ne relève pas du droit administratif.Pour qu’une convention internationale soit applicable en droit interne, trois conditions doivent être remplies qui résultent des articles 52 à 55 de la Constitution.

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- Il faut d’abord que la convention ait été ratifiée ou approuvée d’une part, publiée d’autre part. La convention est ratifié par un décret du pst de la république lorsqu’il s’agit d’un traité, approuvée par un ministre lorsqu’il s’agit d’un simple accord international. Dans certains cas prévus par l’article 53, la ratification et l’approbation ne peuvent intervenir que sur autorisation du législateur, donc en vertu d’une loi.Si une convention n’a pas été approuvée ou ratifiée ou régulièrement publiée au JO, elle ne s’impose pas à l’administratif, elle n’est pas une source du droit administratif.- Il faut que la convention soit d’effet direct, on dit encore « self exécutive ».Autrement dit, il faut que la convention puisse d’appliquer sans qu’il soit nécessaire qu’un texte supplémentaire vienne la préciser. Si elle n’est pas d’effet direct, elle n’est pas considérée comme applicable par le juge administratif.Par exemple un arrêt d’Assemblée du CE « Confédération générale des planteurs de betterave » du 8 juin 1879.- Il faut que soit respecté le principe de réciprocité prévu par l’article 55 de la Constitution.

B) Le droit communautaire

C’est le droit de l’Union Européenne. A l’origine de l’Union européenne, il y a plusieurs traités : Le traité de Paris du 18 avril 1951, qui a créé la CECA.Les deux traités de Rome du 25 mars 1957 instituant d’une part la CEE, et d’autre part l’Euratom. Ces traités ont été modifiés à plusieurs reprises, notamment par l’Acte unique européen de 1986, puis surtout par le Traité de l’Union européenne, càd le traité de Maastricht du 7 février en 1992, qui transforme l’appellation de la CE en UE.Ces différents traités sont bien sûr des sources du droit administratif, mais ils ont une particularité, ils ont créé des institutions communes à l’ensemble des états membres de l’Union européenne pour favoriser leur intégration progressive.Ces institutions sont aujourd'hui au nombre de cinq :- Le Conseil de l’Union européenne (composé des représentants des différents états membres)- La Commission de l’Union européenne (composée de membres nommés par les états membres)- La Cour de justice de l’Union européenne (qui siège à Luxembourg) - Le Parlement européen (qui siège à Strasbourg ou à Bruxelles)- La Banque centrale européenne (qui siège à Francfort)

L’article 249 du traité d’Amsterdam prévoit que le Conseil et la Commission ont un pouvoir de décision, et que les actes pris par ces derniers doivent être considérés comme des actes dérivés des traités. Autrement dit, les actes du Conseil et de la Commission vont s’appliquer directement dans les états membres avec la même force juridique que les traités. C’est ce qu’on appelle le droit communautaire dérivé. (des traités)Ce droit est composé de décisions, de recommandations, d’avis et surtout de règlements d’une part, et de directives d’autre part.- S’agissant des règlements communautairesL’article 249 du traité précise « qu’il a une portée générale, il est obligatoire dans tous ses éléments, et il est directement applicable dans tout état membre. Dès le moment où un règlement communautaire a été publié au JO de l’UE, il entre en vigueur dans chacun des états membres »Chaque citoyen, de chacun des états, peut alors se prévaloir de ce règlement, ont dit qu’il est « self exécutif » càd qu’il est directement applicable dans chaque état sans avoir a être ratifié ou approuvé. - S’agissant des directives communautairesL’article 249 du traité précise que « la directive lie tout état membre quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme ou au moyen. »A la différence du règlement, la directive s’adresse aux états avant de s’adresser aux citoyens. Elle définit un objectif, un résultat que chaque état doit atteindre.

Pour l’essentiel, il s’agit de parvenir à une harmonisation des législations sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

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La Cour de Justice, à partir d’un arrêt du 4 décembre 1974, l’arrêt « Van Duyn contre Home Office » , a procédé à une assimilation de la directive au règlement. En clair, elle considère que si le contenu d’une directive est inconditionnel et suffisamment précis, les particuliers peuvent en invoquer les dispositions dans leurs relations avec l'Etat. Le CE a cependant refusé cette assimilation dans un arrêt d’assemblée dans l’arrêt « Cohn Bendit » du 22 décembre 1978. Pour lui, les directives ne sont pas des règlements, les autorités nationales sont seules compétentes pour assurer leur exécution et leur faire produire de effets en droit interne et « quelques soient les précisions qu’elles contiennent, elles ne sauraient être invoquées à l’appui d’un recours dirigé contre un acte individuel »

A replacerL’arrêt Mme T du 30 octobre 2009, arrêt d’assemblée très important, fait un revirement de jurisprudence par rapport à la jurisprudence Cohn Bendit. Dans cet arrêt le CE reconnait la possibilité pour toute personne de se prévaloir à l’appui d’un recours dirigé contre une acte administratif réglementaire des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive lorsque l’Etat n’a pas pris dans les délais prévus par la directive les mesures de transposition nécessaire.Le CE rejoint la position de la Cour de justice et il justifie ce revirement en faisant valoir que la transposition en droit interne des directives est une obligation qui a deux sources :-Le traité instituant la CE- L’article 88-1 de la Constitution donne un caractère constitutionnel à ?Et a partir du moment où la transposition de la directive est une obligation à la fois à l’égard du traité et de la Constitution, on doit permettre à tout citoyen de se prévaloir d’une directive

Ceci étant, lorsqu’un acte administratif est pris pour la mise en œuvre d’une directive, le CE vérifie qu’il est bien conforme aux objectifs de la directive. En ce sens, un arrêt du CE du 7 décembre 1984 a été rendu, l’arrêt « Confédération nationale des SPA » .Le CE a également précisé qu’un règlement administratif qui méconnaitrait les objectifs d’une directive serait nul.Enfin le CE a précisé dans l’arrêt « Compagnie Alitalia » du 3 février 1989 que l’autorité administrative est tenue d’abroger un règlement administratif qui ne serait plus conforme à une directive postérieure.Dans une décision du 15 juillet 1964, l’arrêt « Costa contre Enel », la Cour de Justice a affirmé que « le traité de la CEE a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des états membres lors de leur entrée en vigueur et qui s’impose à leur juridictions. »

Section 2 : L’application des normes internationales

Dès lors qu’une norme internationale est applicable, on pourrait s’attendre à ce qu’elle soit automatiquement appliquée, et c’est effectivement le cas le plus général.Cependant est apparue en jurisprudence une difficulté particulière, dans l’hypothèse de la loi écran, càd dans l’hypothèse où une loi fait écran entre un acte administratif et une convention internationale.Nous sommes dans l’hypothèse ou un acte administratif est parfaitement conforme à la loi française, mais la loi est contraire à un traité. Le juge doit-il se contenter de constater que l’acte est conforme à la loi ou doit-il se préoccuper de la convention internationale ?

A) Le refus du Conseil Constitutionnel d’examiner la conformité des lois aux traités

C’est dans une décision IVG du 15 janvier 1975, que le Conseil Constitutionnel a considéré « qu’une loi contraire a un traité n’est pas pour autant contraire à la Constitution » et le CC a ajouté « qu’il ne lui appartient pas d’examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou d’un accord international. »

1/ Les raisons du refus

Ce qui était en cause avec cette affaire était une loi autorisant pour la première fois l’IVG et ce texte a été adopté dans des conditions très difficiles au part, le principe mis en avant par les parlementaires aurait été que cette loi aurait été

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contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et au respect du droit de l’être humain dès le commencement de la vue. Le Conseil Constitutionnel choisit de ne pas se prononcer sur le fond, il se dit incompétent. Et pour justifier cette décision, il met en avant deux arguments :Il explique d’une part qu’au terme de l’article 61 de la Constitution, il n’a qu’une compétence d’attribution, càd une compétence fixée par les textes et dont il ne peut sortir, or les textes prévoient qu’il est chargé de contrôler la conformité des lois par rapport à la Constitution. Il explique aussi que les normes internationales posent un problème particulier au sens où leur applicabilité est soumise au respect du principe de réciprocité. Donc le conseil explique que le principe de réciprocité fait que les normes internationales ont une autorité « relative et contingente » càd qu’elles peuvent s’appliquer à un moment donné, puis plus, car la réciprocité n’est pas respectée.Or les décisions de non constitutionnalité d’une loi ont un caractère absolu et définitif. Ainsi le conseil ne peut faire cela sur la base d’un texte international qui lui n’a qu’une autorité relative et contingente.Pour ces deux raisons, il se déclare incompétent.

Les autres juridictions constitutionnelles européennes ont la même position que le Conseil Constitutionnel français.Le fait qu’il refuse à des conséquences.

2/ les conséquences du refus

Il y a eu deux conséquences.

La première est plutôt négative. Si le CC ne contrôle pas la conformité des lois aux traités, le législateur pour méconnaitre les engagements internationaux de la France, rien ne peut empêcher la promulgation d’une loi qui serait contraire à un traité.

La seconde est plus positiveSi comme l’affirme le Conseil Constitutionnel une loi contraire à un traité n’est pas forcément contraire à la Constitution, autrement dit si le problème de la conformité d’une loi à un traité n’est pas un problème de constitutionnalité, les organes juridictionnels français doivent pouvoir alors quant à eux, à l’occasion d’un litige dont ils sont saisis, contrôler si une loi est conforme à un engagement international.La décision du Conseil Constitutionnel a été considérée comme une invitation faite au juge judiciaire, comme au juge administratif, de s’emparer de cette question et de ne pas hésiter à examiner la conformité d’une loi à un traité.C’est comme ça que la Cour de cassation a effectivement interprété la décision du Conseil Constitutionnel, dans un arrêt important du 24 mai 1975, l’arrêt « Société Cafés Jacques Vabre » . Sur la base de la décision du Conseil Constitutionnel, elle a pour la première fois fait prévaloir une disposition du droit international sur une loi française, et donc a écarté une loi en considérant que la loi ne pouvait s’appliquer étant contraire aux engagements internationaux.Mais le CE a fait de la résistance.

B) La jurisprudence du Conseil d’Etat

La jurisprudence du CE a traduit une certaine réticence de sa part, de reconnaitre la place du droit international parmi les sources du droit.

1/ Les réticences initiales du CE

Dans l’hypothèse d’un conflit entre une loi et un traité, un acte administratif étant conforme à une loi elle-même contraire à un traité, le CE faisait valoir la norme la plus récente. Autrement dit, lorsque la loi contraire aux traités était postérieure à ce traité, la loi l’emportait, de sorte qu’il suffisait que l’acte soit conforme à la loi.Inversement, si le traité était postérieur à la loi, c’est le traité qui l’emportait.Critère du juge administratif d’ordre chronologique.

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Cette position, le CE l’avait affirmé dans un arrêt de principe du 1er mars 1968, l’arrêt « Syndicat général des fabricants de semoules de France » . Comment ce critère chronologique a-t-il été dégagé ?

Il y a deux explications :- Pour le CE, le problème de la conformité d’une loi à un traité était similaire au problème de la conformité d’une loi à la Constitution. Et comme, le CE n’était pas juge de la constitutionnalité des lois, il considérait qu’il n’avait pas non plus à apprécier la conformité d’une loi à un traité.Le CE n’a tenu aucun compte de la jurisprudence du CC, et même après l’arrêt IVG il a continué à tenir cette position.CE Assemblée 22 octobre 1979 : « Union démocratique du travail » - Le CE considérait que l’entrée d’un traité dans l’ordre interne avait pour effet d’abroger implicitement les dispositions législatives antérieures incompatibles avec ce traité.Autrement dit, avec cette hypothèse, la loi avait cessé d’exister et à partir de là, elle ne faisait plus écran, il pouvait donc apprécier directement l’acte par rapport au traité.Encore une fois, la jurisprudence du CC de 1975 n’a strictement rien changé à la position du CE.Mais encore faut t il que le traité soit clair.Le CE s’est toujours déclaré incompétent pour interpréter un traité. De sorte que lorsqu’un problème d’interprétation se posait, il renvoyait pour interprétation auprès du ministère des affaires étrangères, autrement dit l’interprétation relevait de l’Exécutif.

Le CE a opéré à un revirement de jurisprudence dans un arrêt d’Assemblée du 20 octobre 1989 qui marque une évolution de la jurisprudence du CE. Il abandonne la jurisprudence du syndicat des fabricants de semoules avec l’arrêt Nicolo. A partir de cet arrêt, le CE ne fait plus de distinction entre l’antériorité ou la postériorité du traité sur la loi. Dans tous les cas le CE fait prévaloir le traité sur la loi.Comme la Cour de cassation, le CE considère que si une loi est contraire à un traité, il faut l’écarter. C’est donc l’abandon du système de la loi écran. Ce qui compte, c’est la conformité d’un acte à un traité.

La question que se sont posés tous les commentateurs au lendemain de l’arrêt Nicolo.Les raisons sont simples : Le droit international est de plus en plus important, ne pas lui accorder la place qui lui revenait ne pouvait plus durer, cela aurait pu obstruer la construction même du droit communautaire. Et assez rapidement, le CE a tiré les conséquences de l’arrêt Nicolo.Le 24 septembre 1990, dans l’arrêt Boisdet, le CE, pour la première fois, fait prévaloir un règlement communautaire sur une loi française, càd qu’il écarte une loi française comme étant contraire à un acte communautaire.Le 28 février 1992, dans l’arrêt d’assemblée Société Arizona Tobacco Products et SA Philip Morris France , à nouveau le CE opère un revirement de jurisprudence, et cette fois-ci il écarte une loi comme étant contraire à une directive communautaire.Ce qui veut dire qu’aujourd'hui, s’agissant de la supériorité des traités à la loi, le CE ne fait pas de différence entre le droit communautaire et le droit communautaire dérivé.Aujourd'hui, 80% du droit français n’est que la transposition du droit communautaire.

Toute une série de questions restaient tout de même en suspend :A partir du moment où, de manière systématique, on fait prévaloir les traités sur la loi, et qu’on renvoie au ministère des affaires étrangères, càd renvoyer à l’Exécutif, cela peut permettre des immixtions de l’Exécutif dans le Législatif contraires à la séparation des pouvoirs.Dans l’arrêt d’assemblée G.I.S.T.I du 29 juin 1990, le CE a abandonné purement et simplement sa jurisprudence pourtant âgée de plus d’un siècle. Désormais, il se déclare compétent pour interpréter les traités internationaux sans renvoyer à l’Exécutif.La seule exception est en matière de droit communautaire, l’article 177 du traité de Rome prévoit que c’est la Cour de Justice qui doit être saisie pour interpréter le droit communautaire.Initialement, le CE était assez réticent.

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Dernière évolution de la jurisprudenceCE 3 décembre 2001, Syndicat nationale de l’industrie pharmaceutique et autres. Dans cet arrêt, le CE a admis que les principes généraux du droit communautaire dégagés par la Cour de justice du Luxembourg l’emportent sur la loi nationale, de sorte que si elle n’est pas conforme, elle doit être écartée.Au terme de cette évolution de la jurisprudence du CE, il reste néanmoins deux problèmes :-Celui du contrôle du juge administratif sur la ratification d’un traité-Celui du contrôle par le juge du respect du principe de réciprocité

Sur le premier problème, à l’origine, le CE a refusé de contrôler la régularité de l’approbation ou de la ratification d’un traité. Notamment avec l’arrêt Dame Caraco du 5 février 1926. Le CE est revenu sur cette jurisprudence, dans un arrêt d’assemblée du 18 décembre 1998 SARL du parc d’activité de Blotzheim et SCI Hasalaecker. Dans cet arrêt, pour la première fois, le CE a accepté d’examiner l’existence d’une autorisation parlementaire préalable à la ratification d’un accord international.Plus récemment dans un arrêt d’Assemblée du 5 mars 2003, l’arrêt M. Aggoun, le CE est allé plus loin et admis que l’argument tiré de l’irrégularité de l’approbation d’un accord international puisse être soulevé devant lui par voie d’exception au soutien d’un recours contre un acte régi par cet accord.

Sur le second problème, dans un arrêt d’assemblée du 29 mai 1981, l’arrêt Rekhou, le CE s’est déclaré incompétent renvoyant sur ce point au ministère des affaires étrangères. Il y a deux motifs à cette décision : D’abord, le CE considère que l’appréciation du respect de la réciprocité en matière d’engagements internationaux est une question plus politique que juridique. La seconde raison est plus pratique, il existe des centaines de milliers d’accords internationaux.Cette jurisprudence du CE fait l’objet de critiques de la part de la Cour EDH. En effet, à plusieurs reprises, celle-ci a condamné la France.Dans une décision du 13 février 2003 la décision M. Chevrol contre France, la Cour de Strasbourg a rappelé que selon les exigences de l’article 6 de la CEDH qui prévoit que chacun a droit à un procès équitable rendu par une juridiction indépendante, un tribunal, pour statuer, doit être indépendant du pouvoir exécutif. Or, la pratique du renvoi préjudiciel au ministre des affaires étrangères, pour l’appréciation de la réciprocité, et le fait que le juge adopte ensuite purement et simplement, ne permet pas d’après la Cour de garantir l’indépendance du système de la justice par rapport à l’exécutif. Il y a, pour la Cour, violation de l’article 6 de la CEDH.

Observations terminales : Le CC, depuis l’arrêt IVG, a fait évoluer sa jurisprudence, s’agissant tout au moins du rapport entre la loi et le droit communautaire. Cette évolution de sa jurisprudence est due à l’article 88-1, introduite dans la Constitution. « La République française participe aux communautés européennes et à l’Union Européenne, constituée d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont institués, d’exercer en commun certaines de leurs compétences. »Sur la base de cet article, le CC, dans une décision du 10 juin 2004, relative à la loi pour la confiance dans l’économie numérique, a déduit de l’article 88-1 de la Constitution, que la transposition en droit interne des directives communautaires résulte d’une exigence constitutionnelle.Dans ces conditions, dit le CC, lorsqu’une loi se contente de transposer en droit interne une directive communautaire, il ne lui appartient pas d’apprécier la conformité de cette loi à la Constitution, du moins pour ce qui concerne les dispositions de la loi qui sont la stricte a de la directive.

La seule limite à ce système est s’il devait être porté atteinte à l’identité constitutionnelle de la France, et dans ce cas, le Conseil pourrait s’opposer.

Le CE a rendu un arrêt d’assemblée du 8 février 2007, l’arrêt Arcelor. Dans celui-ci, le CE a lui même défini un nouveau mécanisme, assez complexe, du contrôle d’un acte administratif règlementaire transposant en droit interne une directive communautaire.On pour articuler ce mécanisme en sept points :

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- Dans cet arrêt, le CE rappelle les dispositions de l’article 55 de la Constitution, mais il précise que s’il résulte de cet article une supériorité de la loi, il n’en résulte pas une supériorité des principes et dispositions à valeur constitutionnelle.- Le CE invoque les dispositions de l’article 88-1 de la Constitution, et les interprète exactement comme le CC dans sa décision du 10 juin 2004, càd, que le CE considère que l’article 88-1 impose une « obligation constitutionnelle de transposition des directives ».- A partir du moment où il existe une obligation constitutionnelle de transposition des directives, le CE en tire pour conséquence que lorsqu’un acte administratif réglementaire assure la transposition d’une directive en droit interne, le contrôle de la conformité à la Constitution de cet acte s’effectue selon des modalités particulières.- Le juge doit rechercher s’il existe une règle ou un PGD communautaire équivalent au principe ou à la règle de valeur constitutionnelle dont l’imputation est évoquée.- Si c’est le cas, le juge doit rechercher si la directive respecte cette règle ou ce principe communautaire. En cas de doute, il peut saisir la CJCE.-Dans l’affirmative, si la directive respecte le principe ou la règle de droit communautaire, il n’y a pas lieu d’exercer un contrôle du règlement par rapport à la Constitution-Dans le cas contraire, ce contrôle est exercé par rapport à la Constitution.

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Deuxième partieDeuxième partie : L’activité administrative: L’activité administrative

Elle s’articule autour de cinq types de fonction- les fonctions de souveraineté : elles concernent ce qui à trait au fonctionnement des institutions politiques, la justice, l’état civil, la défense, les relations extérieures, la police- les fonctions financières : elles sont relatives à l’établissement de l’impôt et de la monnaire- les fonctions économiques- les fonctions sociales : ensemble d’action en matière de santé, d’hygiène, de soins de logement de travail…- les fonctions éducatives et culturelles (recherche enseignement loisirs sports arts)

Ces différentes fonctions des personnes publiques, un auteur, Charles Eisenman les regroupait en deux catégories principales en distinguant d’une part la fonction normative de l’administration, et d’autre part, sa fonction de prestation.La fonction normative a pour objet d’encadre l’activité sociale, de lui imposer une réglementation, dans un état démocratique il s’agit d’assurer le respect des droits et des libertés de chacun. La fonction de prestation de l’administration s’est développée avec l'Etat providence, il s’agit de fournir aux citoyens un certain nombre de prestations.

Ces deux grandes fonctions correspondent à deux techniques d’action des personnes publiques.- La police administrative - Le service public

Quelque soit l’action d’une personne publique, elle relève soit de la police (réglementation) soit du service public (prestation)Qu’on soit en matière de service public, ou en matière de police administrative, dans tous les cas, l’administration, dans le cadre de son action, doit recourir à un certain nombre d’actes juridictions, ces actes sont les moyens d’action de l’administration.

Il y a deux moyens d’action :- L’action par le biais de l’acte administratif unilatéral (la décision unilatérale)- L’action par le biais de l’acte unilatéral (contrat)Ce sont les deux moyens d’action de l’administration.

Quelque soit le moyen mis en œuvre, dans tous les cas, parce que ns sommes dans un Etat de droit, l’action de l’administration est soumise à un certain nombre d’exigences juridiques, qui conditionnent la régularité de l’action administrative. On résume ceci en disant que l’activité administrative est soumise au principe de légalité. Càd que l’action n’est possible que dans le cadre d’un régime juridique imposé à l’administration.

Titre préliminaireTitre préliminaire : Le principe de la légalité de l’action administrative : Le principe de la légalité de l’action administrative

Ce principe signifie que l’administration doit agir conformément au droit. Cette affirmation peut surprendre tant elle va de soit, mais c’est qu’il y a eu des périodes au ce principe n’existait pas (Etat de police).La légalité, dont le respect s’impose à l’ensemble de l’administration est qualifiée par des normes hiérarchiques.

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On parle de hiérarchie des normes. Il est évident que compte tenu de cette pyramide des normes, plus on est haut dans la hiérarchie, et moins le poids de la légalité est important. Il ne suffit pas d’affirmer que l’administration est tenue de respecter le droit. La première question qui se pose est celui du contrôle de la légalité.Ensuite, le principe de la légalité de l’action administrative n’est pas un principe absolue, dans certaines circonstances, la légalité n’a pas toujours la même force.

Chapitre 1 : Le contrôle de la légalité de l’action administrative

L’examen du contrôle de la légalité de l’action administrative conduit d’abord à s’interroger sur les différentes formes que prendre l’illégalité d’un acte, et ensuite sur les instruments de ce contrôle.

Section 1 : Les modalités de l’illégalité

Les raisons pour lesquelles une décision de l’administration peut être illégale sont très diverses :- L’auteur n’était pas compétent au moment où il l’a fait- Les procédures prévues par les textes n’ont pas été respectées- Son auteur a utilisé de la compétence dont il disposait dans un but différent du but pour lequel la compétence lui a été reconnue-Son auteur s’est trompé sur le droit applicable, ou sur les faits le conduisant à prendre la décision

La doctrine aujourd'hui, a adopté une classification conduisant à distinguer cinq cas d’illégalité correspondant chacun à un élément constitutif d’une décision administrative. Ces cinq cas sont l’illégalité relative- à l’auteur de l’acte : l’incompétence- aux formes et procédures de l’acte : le vice de forme- au but poursuivi : le détournement de pouvoir- à l’objet de l’acte- au motif de l’acte

Ces cinq cas ne sont pas de même nature.Les deux premiers ne portent pas sur le contenu même de l’acte. On dit que ces deux premiers cas d’illégalité concernent la légalité externe de l’acte.Au contraire, les trois autres cas concernent le contenu même de la décision, on dit qu’ils relèvent de la légalité interne de l’acte.Donc parmi les cinq cas, deux relèvent de la légalité externe, trois relèvent de la légalité interne.Cette distinction a des conséquences en procédure contentieuse.

A) Les inégalités externes

1/ L’incompétence

Il y a incompétence lorsqu’une autorité administrative a édicté un acte, a pris une décision sans avoir la capacité juridique de le faire. Autrement dit, la mesure prise entrait dans le domaine de compétence d’une autorité différente de celle qui l’a prise. L’incompétence peut se présenter sous trois formes différentes :- L’incompétence matérielle (ratione materiae)Lorsqu’il y a incompétence matérielle, l’autorité administrative intervient dans un domaine totalement étranger à ses attributions. Par exemple l’autorité administrative prend une décision qui relève d’un législateur ou d’un juge.

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- L’incompétence territoriale ( ratione loci)Dans cette hypothèse l’autorité administrative prend une décision dans un domaine qui théoriquement est de sa compétence mais en dehors du ressort géographique qui lui est attribué.Ex : le maire d’une commune prend un arrêté dans la commune voisine- L’incompétence temporelle (ratione temporis)Une autorité administrative prend une décision à un moment où elle n’est plus ou pas encore compétente pour le faire.

Quelques soient ses modalités, le vice d’incompétence a un caractère radical, càd qu’il constitue un moyen d’ordre public. Le juge, s’il constate l’incompétence peut la sanctionner alors même qu’aucun requérant n’a soulevé l’incompétence.D’autre part, lorsqu’une décision est entachée d’incompétence, elle ne peut pas être régularisée ultérieurement.Ce qui veut dire que lorsque l’on examine l’incompétence d’un acte, on doit de placer eu jour où la décision a été prise.

2/ Le vice de forme

Il y a vice de forme lorsqu’une décision est prise par une autorité administrative sans respecter la procédure prévue pour son édiction ou sans respecter l’aspect extérieur qu’elle doit présenter.En matière de vice de forme, la jurisprudence s’efforce de concilier deux exigences contradictoires :- Le souci de protéger le droit des administrés Les formes et les procédures prévues pour l’édiction d’un acte apparaissent fréquemment comme des garanties pr les citoyens. A partir de ce moment, le respect de ces formes et de ces procédures doit être absolu.Mais cette exigence entre en contradiction avec une autre préoccupation du juge administratif- Le souci de ne pas enfermer l’action administrative dans un formalisme tel qu’il risquerait de la paralyser.Pour tenter de les concilier, la jurisprudence a fait une distinction entre deux types de formalités, d’une part les formalités substantielles et les formalités accessoires.Sont considérées comme des formalités substantielles par le juge, celles d’une part qui ont pour objet de garantir les droits des administrés, et celles d’autre part dont il s’avère que l’accomplissement aurait pu changer le sens de la décision.Lorsqu’il y a formalité substantielle, l’inobservation d’une telle formalité entraine l’annulation de l’article.Au contraire, sont considérées comme des formalités accessoires celles qui n’ont pas pour objet la protection des droits des administrés et celles dont il s’avère que même si elles avaient été respectées, ça n’aurait rien changé au sens de la décision.Dans ce cas, l’inobservation d’une formalité accessoire n’est pas sanctionnée par le juge.Le juge fait preuve ici d’un grand pragmatisme.

B) Les inégalités internes

1/ L’illégalité relative au but de l’acte

Une illégalité relative au but de l’acte s’appelle un détournement de pouvoir.Il y a en effet détournement de pouvoir lorsqu’une autorité administrative édicte un acte qui relève de sa compétence mais dans un but autre que celui pour lequel cette compétence lui a été reconnue.Ce qui veut dire que pour déterminer l’existence d’un détournement de pouvoir il faut rechercher les intentions réelles de l’auteur d’un acte, il faut pénétrer dans sa subjectivité, déterminer ses mobiles profonds.

Il existe deux hypothèses principales de détournement de pouvoir :- Lorsque l’autorité a adit sans poursuivre de but d’intérêt publicC’est le cas lorsqu’une autorité administrative utilise son pouvoir dans un but d’intérêt personnel ou dans l’intérêt de tiers, ou pour des mobiles politiques.La jurisprudence est asses riche d’exemples de détournement de pouvoir.

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Ex : un maire par un arrêté avait interdit l’ouverture d’une discothèque en semaine car lui même tenait une discothèque concurrente.- Lorsque l’autorité administrative utilise son pouvoir dans un but d’intérêt général, mais qui n’est pas le but exact pour lequel cette compétence lui a été reconnue.Ici, l’illégalité est moins grave.Ex : L’arrêt Beauge du 4 juillet 1924 du CE : Le maire d’une commune avait pris un arrêté de police pour interdire aux baigneurs de s’habiller ou de se déshabiller sur la plage. La commune avait investi dans la construction de cabine de bain sur la plage, il s’agissait donc d’obliger les baigneurs à louer une cabine de bain et de rentabiliser son investissement. Le maire a donc visé à l’intérêt général, puisqu’il vise à l’intérêt financier de la commune, mais on ne peut pas utiliser les arrêtés de police pour ça.

Quoi qu’il en soit, lorsqu’il y a détournement de pouvoir l’acte est annulé par le juge administratif.Le problème, est que lorsque l’autorité administrative poursuit plusieurs buts en édictant un acte, il suffit que l’un de ces buts soit valable pour que l’acte soit valable.Ex : Le maire qui exploite la discothèque concurrente peut réglementer l’ouverture de l’autre discothèque car celle-ci fait trop de bruit.

2/ L’illégalité relative à l’objet de l’acte

Il y a illégalité relative à l’objet d’un acte lorsque le contenu de cet acte n’est pas conforme au droit, lorsqu’il contredit les normes qui sont d’un degré hiérarchique supérieur à l’acte en cause.Autrement dit, l’acte viole un texte supérieur. C’est la forme la plus simple d’illégalité.

3/ L’illégalité relative au motif de l’acte

Un acte administratif est toujours doublement motivé. Il l’est d’abord au regard d’une situation de fait déterminée.Il l’est ensuite au regard d’une règle de droit qui est appliquée.Autrement dit, il y a dans un acte administratif des motifs de fait, la situation concrète, et des motifs de droit, les règles appliquées.Les motifs de l’acte administratif sont des données objectives, c’est une situation concrète prise en compte, c’est un texte objectif qui est appliqué.C’est en cela que les motifs sont différents du but, qui relève des motifs.Sur la base la distinction entre motif de fait et motif de droit d’un acte administratif, la jurisprudence a distingué trois types d’illégalité susceptibles d’affecter les motifs d’un acte administratif. - l’erreur de droitLe texte sur lequel repose la décision n’est pas applicable, ou ce texte est illégal, ou ce texte est mal interprété.- L’erreur de qualification juridique des faitsLes faits tels qu’ils existent ne permettaient pas de prendre la décision lorsqu’ils n’étaient pas de nature à justifier cette décision.Le CE a commencé à censurer l’erreur de qualification juridique des faits avec l’arrêt Gomel du 4 avril 1914 (GAJA)M. Gomel avait demandé un permis de construire un immeuble à Paris, le préfet avait refusé, en invoquant une disposition du code de l’urbanisme en considérant que le projet de construction de M. Gomel pouvait « porter atteinte à une perspective monumentale » M. Gomel saisit le CE d’un recours en annulation de ce refus. Dans cet arrêt, le CE décide qu’il lui appartient de « vérifier si l’emplacement de la construction projetée est compris dans une perspective monumentale existante et dans le cas de l’affirmative, si cette construction, telle qu’elle est proposée, serait susceptible de lui porter atteinte. » En l’espèce le CE considère que la place en question, contrairement à ce qu’a affirmé le préfet, ne forme pas une perspective monumentale et annule le refus de permis de construire.- L’erreur de faitUne décision administrative repose sur des faits dont la matérialité, la réalité, n’est pas établie.Le CE a commencé de censurer les erreurs de fait avec l’arrêt Camino du 14 janvier 1916 (GAJA)

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Section 2 : Les instruments du contrôle de la légalité

Lorsqu’une autorité administrative édicte un acte qui apparait, ou que l’on estime contraire à la légalité, il existe trois procédés pour obtenir la disparition de cet acte.- On peut demander à l’autorité qui a édicté l’acte de revenir sur sa décision, de le retirer.C’est un recours gracieux.- On peut demander à l’autorité administrative d’un rang hiérarchique supérieur à celui qui a édicté l’acte de le retirer.C’est un recours hiérarchiqueCes deux recours constituent des recours administratifs.- On peut enfin saisir le juge administratif lui-même, càd saisir un organe extérieur à l’administration en demandant au juge de prononcer l’annulation de l’acte.C’est un recours pour excès de pouvoirDe ces trois procédés, il est évident que le recours pour excès de pouvoir apparait comme le procédé le plus énergique et le plus efficace. C’est en fait l’instrument essentiel du contrôle de la légalité de l’acte administratif.

$1) La notion de contrôle pour excès de pouvoir

Les conditions de recevabilité de ce recours sont au nombre de quatre, elles tiennent à quatre éléments :- la nature de l’acte attaqué- la qualité du requérant- le délai de recours- l’absence de recours parallèle

1/ La nature de l’acte

Le recours pour excès de pouvoir peut être introduit contre un acte administratif à condition que cet acte face grief.Tous les actes administratifs s unilatéraux peuvent en principe faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, sauf le cas particulier des actes de Gouvernement.A l’inverse, un contrat administratif ne peut pas faire l’objet d’un tel recours.Quant à l’acte administratif qui fait grief, c’est un acte qui produite ou qui est susceptible de produire des effets juridiques.Autrement dit un recours pour excès de pouvoir n’est pas recevable contre un acte administratif même illégal, dès lors que cet acte ne produit pas d’effet juridique. Par exemple, un avis d’un simple conseil ou une mesure préparatoire à une décision administrative.

2/ La qualité du requérant

La personne qui introduit le recours pour excès de pouvoir doit remplir deux conditions :D’une part elle doit avoir la capacité d’agir en justice. D’autre part, il faut que le requérant ait un intérêt à agir, càd qu’il doit avoir intérêt à obtenir l’annulation de l’acte.En matière d’appréciation d’intérêt à agir, le juge s’efforce là encore de concilier certaines exigences :On doit pouvoir facilement aller devant le juge administratif pour faire sanctionner des illégalités.Mais en même temps, le juge ne veut pas que certains s’érigent continuellement en gardien de la loi.Le juge apprécie donc au cas par cas l’intérêt à agir du requérant mais le fait de façon très libérale.A un intérêt à agir celui dont les intérêts matériels, individuels sont en jeu. Mais le juge administratif est allé jusqu’ç reconnaitre l’intérêt moral comme intérêt à agir. Il accepte par exemple l’intérêt à agir de certaines associations qui en matière de moralité demande l’annulation de certains livres, de certains films. Il accepte aussi l’intérêt collectif.

3/ Le délai du recours

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Un recours pour excès de pouvoir pour être recevable, doit être formé en principe, dans les deux mois de la publication, ou de la notification de l’acte contesté.Mais il existe aussi les recours gracieux et les recours hiérarchiques.Le principe posé par le juge est que lorsqu’une personne a formé soit un recours gracieux, soit un recours hiérarchique, avant de saisir le juge le délai de recours contentieux de 2 mois est suspendu jusqu’au moment ou l’autorité administrative a statué sur le premier ou le second recours. Le recours gracieux ou hiérarchique doit tout de même être formé dans des délais de deux mois.

Que se passe-t-il si l’administration ne répond pas ?Là encore, lorsque l’administration garde le silence, au bout d’un délai de deux mois, on doit considérer que son silence équivaut à un refus. On peut attaquer une décision silencieuse.Ex : Une personne se voit refuser une bourse, elle fait un recours gracieux mais au bout de deux mois il n’y a pas de réponse de l’administration. Mais cette suspension du délai de recours contentieux n’est possible qu’une fois, on ne peut pas successivement utiliser le recours gracieux, puis un recours hiérarchique pour suspendre le délai.Si les deux sont faits en même temps, dans l’arrêt M. Lounès du 7 octobre 2009, le CE a précisé que lorsque « dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l’encontre d’une décision administrative, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux prorogé par l’exercice de ces recours administratifs ne recommence à courir à l’égard de la décision initiale que lorsqu’ils ont été l’un et l’autre rejetés. »Donc le délai de recours de droit commun est un délai de deux mois.Tant que ce délai n’est pas expiré, le requérant peut évidemment saisir le juge, mais surtout appuyer son recours par tous les moyens de droit qu’il juge utile.

Par contre s’il introduit son recours à l’expiration du délai de deux mois, le requérant ne pourra plus invoquer de moyens procédant d’une cause juridique différente des moyens qu’il a invoqués dans le délai de deux mois.Et c’est ici que l’on voit resurgir l’intérêt de distinguer la légalité interne et la légalité externe.Le juge considère que tous les moyens de légalité externe relèvent d’une même cause juridique et que tous els moyens de légalité interne relèvent d’une autre cause juridique.De sorte que si dans le délai de deux mois le requérant a saisi le juge administratif en invoquant simplement l’incompétence de l’auteur de l’acte, il ne pourra plus, passé le délai de deux mois, se servir d’un moyen relevant de la légalité externe.Inversement, si le requérant invoque un détournement de pouvoir dans le délai de deux mois, il ne pourra plus invoquer la légalité interne.En pratique, on s’arrange pour invoquer un moyen de la légalité interne et externe.Evidemment, au-delà du délai de deux mois un recours n’est plus valable. Toutefois, on pourra toujours, à l’occasion d’une instance, soulever l’exception d’illégalité de l’acte. S’agissant des actes administratifs réglementaires, l’exception d’illégalité est perpétuelle (pas de délai).L’acte n’est pas annulé, seulement on ne l’applique pas à la personne qui invoque l’exception, mais ensuite l’administration doit retirer l’acte.

4/ l’absence de fin de non recevoir

Il est possible qu’un requérant dispose d’un recours différent du recours pour excès de pouvoir, et qui est susceptible de lui donner une satisfaction identique à celle que lui donnerait le recours pour excès de pouvoir.Une telle hypothèse peut constituer une fin de non recevoir du recours pour excès de pouvoir.Cette fin est tirée de l’existence d’un recours parallèle.Il peut y avoir fin de non recevoir mais ce n’est pas automatique. La jurisprudence distingue deux hypothèses :- Lorsque le juge compétent pour connaitre du recours pr excès de pouvoir est également compétent pour connaitre du recours parallèle, l’existence de ce recours parallèle ne constitue pas une fin de non recevoir.

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Ex : Un fonctionnaire demande une prime à l’administration qui lui refuse. Il peut alors saisir le juge en recours de plein contentieux pour demander au juge la condamnation du paiement de la prime, ou un recours pour excès de pouvoir en annulation du refus.- lorsque le juge compétent pour connaitre du recours pour excès de pouvoir n’est pas compétent pour connaitre du recours parallèle l’existence de ce recours parallèle est une fin de non recevoir.Ex : lorsque le juge judiciaire est compétent pour le recours parallèle

B) L’étendue du contrôle du juge de l’excès de pouvoir

Le contrôle du juge administratif n’est pas toujours le même selon les matières, son intensité n’est pas toujours la même.Lorsque le juge administratif est saisi dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, il contrôle toujours les éléments tenant à la légalité externe. De même qu’il contrôle toujours l’existence éventuelle d’un détournement de pouvoir, par contre, son contrôle sur les motifs de l’acte est variable et varie selon les matières dans lesquelles il s’exerce. Cette variation a conduit la doctrine à opérer une distinction entre trois types de contrôle : - Le contrôle normal- Le contrôle restreint- Le contrôle maximum. Cette distinction classique a été nuancé ultérieurement compter tenu de l’introduction en jurisprudence administrative de deux nouvelles techniques de contrôle, d’une part le contrôle des erreurs manifestes d’appréciations, et d’autre part la technique du bilan coût/avantage

1/ La distinction classique : les trois degrés de contrôle du juge de l’excès de pouvoir

Un fonctionnaire à qui l’on reproche un comportement fautif est révoqué. Si son supérieur hiérarchique qui a pris la sanction était compétent, qu’il a respecté les formes et procédures, qu’il n’a commis aucun détournement de pouvoir, reste alors à examiner les motifs de la décision. Ces motifs sont de deux sortes : Les motifs de fait, càd le comportement à la base de la sanction, et les motifs de droit, càd d’une part la qualification de faute qui a été donnée au fait, et d’autre part la sanction qui a été retenue à l’égard de cette faute. A partir de là, quand on s’intéresse seulement aux motifs de la décision, plusieurs types de contrôle sont possibles.

Soit le juge contrôle simplement l’existence matérielle des faits. Ex : Le fonctionnaire s’est absenté trois semaines.Soit le juge va au-delà et contrôle également la qualification juridique des faits. Ex : Les faits sont établis, mais est ce que juridiquement ces faits peuvent être qualifiés de faute. Il peut encore aller au-delà et contrôle l’adéquation, la proportionnalité entre la décision qui est prise et les motifs de droit et de fait sur lesquels elle repose. Ex : Est-ce que la faute du fonctionnaire est une faute si lourde qu’elle justifie la sanction ?

Lorsque le juge contrôle la légalité externe d’un acte, l’exactitude matérielle des faits, l’absence d’erreur de droit et de détournement de pouvoir, on dit qu’il exerce un contrôle minimum ou encore contrôle restreint.Lorsque le juge contrôle non seulement les différents éléments qui composent le contrôle minimum, mais qu’en plus il contrôle la qualification juridique des faits, on dit qu’il exerce un contrôle normal.Lorsqu’enfin, le juge contrôle non seulement les différents éléments qui forment le contrôle normal, mais qu’en plus il contrôle l’adéquation de la décision par rapport au motif, on dit qu’il exerce un contrôle maximum ou de quasi opportunité. Selon les cas, le contrôle est minimum, normal ou maximum.

- Le contrôle minimum est exercé en toute matière.

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- Au contraire le contrôle normal s’exerce dans les matières pour lesquelles un texte encadre le pouvoir de l’administration et subordonne l’exercice de ce pouvoir à certaines circonstances. D’une certaine manière, on peut dire qu’il y a contrôle minimum lorsqu’il y a pouvoir discrétionnaire de l’administratif, càd que les textes laissent l’administration libre d’agir ou non, dans un sens ou dans un autre.Ex : le versement d’une subvention, l’octroi de la légion d’honneur.A l’inverse, il y a contrôle normal dans les hypothèses de compétence liées de l’administration. On est dans l’hypothèse d’une compétence liée de l’administration, càd que les textes applicables obligent l’administration à agir dans un sens déterminé sans possibilité de faire un choix.- Enfin, le contrôle maximum se rencontre dans les matières où sont en cause les libertés publiques.Ex : en matière de police administrative car ce sont des libertés qui sont en jeu.

2/ le contrôle des erreurs d’appréciation manifeste et la technique du bilan :

Ces deux techniques ont été introduites pour combler les lacunes du contrôle restreint et du contrôle normal.

a) Censure des erreurs manifestes d’application

Même, lorsqu’il y a pouvoir discrétionnaire, càd lorsque les textes n’ont pas fixé expressément les compétences de l’administration, tout en ne remettant pas en cause son refus de contrôler la qualification juridique des faits, le juge a néanmoins considéré qu’il ne pouvait pas laisser passer des erreurs de qualification trop flagrantes, trop grossières, en un mot des erreurs de qualification manifeste.Donc même lorsque le contrôle est minimum, le juge contrôle les erreurs manifestes.

Le point de départ de cette jurisprudence a été le domaine de la fonction publique, avec un arrêt Denizet du 13 novembre 1953. Cette nouvelle jurisprudence a été étendue à d’autres matières, notamment le domaine de la police des étrangers avec l’arrêt Librairie François Maspéro du 2 novembre 1973.De sorte que le contrôle des erreurs manifestes d’appréciation apparait à un niveau intermédiaire entre le contrôle minimum et le contrôle normal.Ce ne sont pas toutes les erreurs de qualification juridique qui sont censurées, simplement les plus manifestes.Cette technique de contrôle joue un second rôle.En effet la sanction des erreurs manifestes d’appréciation peut aussi intervenir à un niveau intermédiaire entre le contrôle normal et le contrôle maximum, autrement dit elle peut intervenir pour pallier l’absence de contrôle de proportionnalité dans les domaines qui sont en principe ceux du contrôle normal.Le contrôle de proportionnalité intervient dans des domaines assez limités, là où sont tranchées des libertés.Mais même dans des matières où en principe il n’y a pas de contrôle de proportionnalité, si le juge constate une erreur grossière, il ne peut pas ne pas la censurer.C’est en matière de droit disciplinaire applicable à la fonction publique que ce contrôle s’est illustré pour la première fois, notamment avec l’arrêt Lebon du CE rendu le 9 juin 1978. Pour distinguer ces deux rôles on parle souvent de l’EMA 1 et de l’EMA 2.Il apparait une gradation : on a le contrôle minimum, le contrôle minimum complété par la censure des erreurs manifestes de qualification juridique, le contrôle normal, le contrôle normal complété par la censure des erreurs manifestes en matière d’adéquation de la mesure prise par rapport aux motifs de droit et de fait sur lesquels elle repose, et le contrôle maximum.

b) Le bilan coût avantage

Le contrôle du bilan coût avantage d’une décision administrative joue un rôle un peu similaire à l’EMA 2.En effet, c’est un contrôle de proportionnalité qui a été inauguré dans le domaine des expropriations pour cause d’utilité publique, dans un arrêt fameux du CE , l’arrêt Ville nouvelle Est du 28 mai 1971. Dans cette affaire, ce qui était en cause était la création d’une ville nouvelle près de Lille, et pour créer cette ville, il fallait exproprier des

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propriétaires privés. Le CE a posé le principe selon lequel « une opération en peut être déclaré d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente. » C’est la théorie du bilan coût-avantage. Cette technique a ensuite été appliquée dans de nombreuses décisions par exemple dans l’arrêt Société civile Sainte Marie de l’Assomption du 20 octobre 1972. Il s’agissait alors de la construction d’une autoroute qui devait impliquer la destruction partielle d’un hôpital psychiatrique, le CE a décidé qu’il y avait alors plus d’inconvénient il a alors annulé la déclaration d’utilité publique.Utilisée dans ces deux arrêts, il a semblé ensuite que cette technique était tombée en désuétude, car le CE voyait toujours un bilan positif, ceci jusqu’à un arrêt d’assemblée du 28 mars 1997 Association contre le projet de l’autoroute Transchablaisienne. Cet arrêt a marqué un retour à la technique du bilan coût-avantage puisqu’il a annulé la déclaration d’utilité publique. Et depuis, on constate que le CE annule un peu plus de déclaration d’utilité publique sur la base de cette technique.

Chapitre 2 : Les limites au principe de la légalité et de l’action administrative

Ces limites sont de trois ordres.La première résulte de l’application de la théorie des circonstances exceptionnelles.La deuxième résulte de la théorie des actes de GouvernementLa troisième résulte de la notion des mesures d’ordre intérieur.

$1) La théorie des circonstances exceptionnelles

Elle part d’une idée simple, l’idée que dans certains cas, en présence de certains évènements, il n’est pas possible, d’exiger de l’administration, qu’elle respecte strictement les règles qui constituent la légalité des temps ordinaires.Cette idée se retrouve dans l’article 16 de la Constitution, mais aussi dans un certain nombre de textes législatifs, par exemple dans les lois du 9 aout 1849 et du 3 avril 1878 qui organisent le régime de l’état de siège ou une loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. La jurisprudence administrative a forgé son propre système, c’est qu’on appelle la théorie des circonstances exceptionnelles.

A) La notion de circonstances exceptionnelles

C’est une théorie née dans la jurisprudence du CE à l’occasion de la 1GM avec deux arrêts, l’arrêt Heyries du 28 juin 1978 et l’arrêt Dame Dol et Laurent du 28 février 1979.Cette théorie trouve à s’appliquer à chaque fois qu’en présence d’une situation anormale, l’administration se trouve dans l’impossibilité d’agir légalement ou du moins se trouve contrainte pour agir dans l’intérêt public d’écarter la légalité ordinaire.L’arrêt du CE Félix Rodes 18 mai 1983 : Etait en cause la crainte d’une éruption imminente d’un volcan ce qui avait conduit le préfet à évacuer d’office un certain nombre de villages, et il n’avait pas respecté les procédures habituelles pour faire évacuer, mais le CE a considéré que la crainte d’une éruption, il y avait circonstance exceptionnelle.

B) Les conséquences de l’existence des circonstances exceptionnelles

L’existence de circonstances exceptionnelles a pour conséquence que des mesures qui auraient été illégales en temps ordinaire vont être admises par le juge.Ainsi, peuvent être modifiées les règles relatives aux compétences, par exemple une autorité administrative peut faire des actes relevant normalement du domaine de la loi.

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Ex : CE Assemblée 16 aout 1948, l’arrêt Laugier.Peuvent être également modifiés les règles relatives aux forme et aux procédures ;Ex : Arrêt Heyriès du 28 juin 1978Peuvent être encore modifiées les règles relatives au contenu des actes, càd qu’une décision illégale en temps ordinaire peut devenir légale.Des irrégularités qui en temps ordinaire auraient constitué des voies de fait, vont constituer de simples illégalités.

Cette théorie des circonstances exceptionnelles porte atteinte au principe de légalité, il n’ya pas de disparition de ce principe, mais substitution d’une légalité de crise à une légalité ordinaire.Le juge est très pragmatique, il reconnait dans certains cas qu’on ne peut pas contraindre l’administration quelques fois à la légalité ordinaire.Mais en même temps il est très soucieux de ne pas étendre trop cette théorie pour ne pas trop porter atteinte aux libertés.Donc le juge a posé des conditions très strictes pour la mise en œuvre de cette théorie :

- L’existence de circonstances exceptionnelles doit effectivement empêcher l’administration d’agir légalement.- Les pouvoirs d’exceptions que cette théorie conduit à reconnaitre à l’administration cesse dès lors que cessent

les circonstances exceptionnelles- Si la décision n’est pas absolument nécessaire le juge préfère que l’administration ne la prenne pas- Les personnes qui subissent un préjudice du fait de l’utilisation de l’administration de ces pouvoirs

exceptionnels peuvent prétendre être indemnisées pour le manque à gagner, pour le préjudice qu’elles subissent.

$2) La théorie des actes de Gouvernement

Un acte de Gouvernement, c’est un acte qui n’est susceptible d’aucun contrôle, ni juridictionnel, ni administratif.Cet un acte qui échappe totalement au principe de l égalité. Cette soustraction à tout contrôle n’est pas la conséquence d’un texte, c’est simplement la conséquence de la volonté du juge.C’est le juge qui se déclare incompétent pour connaitre d’un certain nombre d’acte.C’est une théorie qui apparait au 19ème siècle et la justification qui a été donnée, est celle que c’est un acte ayant un mobile politique, qui touchait de très près à la politique de l'Etat.Cette analyse a été abandonnée avec l’arrêt Prince Napoléon du 18 février 1875, dans lequel le CE n’a plus admis l’idée qu’un acte échappe à son contrôle en raison de sa nature ou de son objet politique.Pour autant, le juge administratif n’a pas abandonné la théorie des actes de Gouvernement, simplement il est impossible aujourd'hui de fournir une explication théorique globale de l’existence des actes de Gouvernement.On constate que ces actes de Gouvernement se répartissent en deux catégories :

Les actes concernant les rapports du Gouvernement avec le Parlement Il y a quelques exemples :- La décision de mettre en œuvre l’article 16 de la Constitution (Arrêt d’ass du 2 mars 1962 Rubens de Servens)- La décision du président de la République de soumettre une loi au référendum (Arrêt 19 octobre 1962 Brocas)- Le décret par lequel le Président de la République dissout l’Assemblée nationale (CE 20 février 1989 arrêt Allain)- Le refus de déférer une loi au Conseil constitutionnel (CE Tabaka 7 novembre 2001)

Les actes qui concernent les rapports de Gouvernement avec un état étranger ou avec un organisme internationalSont des actes de Gouvernement les actes considérés comme n’étant pas détachables de la conduite des relations internationales de la France.Les exemples :- L’élaboration, la signature, et la ratification de traités ou d’accord internationaux (CE 23 juillet 1961 Société indochinoise d’électricité)

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- Le refus de l'Etat de soumettre un litige à la Cour Internationale de Justice (CE 9 juin 1952 Génie)- La décision du président de la République de reprendre provisoirement les essais nucléaires (CE assemblée 29 septembre 1995 Association Greenpeace France « Cette décision n’était pas détachable de la conduite des relations internationales de la France »)

$3) Les mesures d’ordre intérieur

Ce sont des décisions administratives qui sont susceptibles de faires grief mais qui pourtant ne peuvent être contestées auprès du juge administratif dans la mesure où elles sont considérées comme d’importance mineure. Autrement dit, une mesure d’ordre intérieur peut d’avérer illégal sans pour autant être annulée par un juge parce que celui-ci se déclare incompétent, ce qui constitue une limite au principe de la légalité de l’action administrative.Mais là encore, on constate que la tendance de la jurisprudence est de cantonner progressivement le domaine des mesures d’ordre intérieur.

A) La notion de mesure d’ordre intérieur

Ce sont des décisions que le juge administratif se refuse à examiner dans le cadre de ses pouvoirs, « De minimis non curat praetor » Le préteur ne s'occupe pas des petites affaires.» Le prétoire du juge ne doit pas être encombré par des litiges insuffisamment important, subalterne insignifiants.A cette première justification, s’ajoute l’idée que dans certaines enceintes comme les prisons, les casernes, les écoles, au sein de certains services publics, il est nécessaire que règne une discipline particulièrement ferme et qui justifie donc de reconnaitre aux autorités administratives une certaine marge de manœuvre.On distinguait trois groupes de mesures d’ordre intérieur :

1/ Les mesures concernant les fonctionnaires et les magistrats

Pendant longtemps, de nombreuses décisions individuelles relatives à la carrière des fonctionnaires ont été considérées comme des mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours. Ainsi par exemple, s’agissant des notes attribuées aux fonctionnaires, des décisions d’affectation d’un agent dans un emploi, du retrait de ses attributions à un agent public.L’idée étant que ces décisions répondaient à des nécessités d’organisation des services publics et qu’elles s’adressaient à des agents soumis aux pouvoirs hiérarchiques de leurs supérieurs.Puis progressivement, le juge a rouvert progressivement la possibilité de recours contre ces mesures dès lors qu’elles avaient soit des conséquences sur la situation juridique des intéressés, soit pour eux des conséquences financières, soit qu’elles affectaient de façon trop importante le champ de leur responsabilité.La catégorie des mesures d’ordre intérieur n’a pas disparu, mais ça veut dire qu’elle a été considérablement réduite

2/ Les mesures concernant les établissements scolaires

Le juge administratif initialement, a considéré comme de simples mesures d’ordre intérieur, insusceptible de recours, toute une série de décisions prises à l’intérieur des établissements scolaires.Arrêt Chapou du 20 novembre 1954, le CE a considéré qu’était une mesure d’ordre intérieur l’interdiction faite aux jeunes filles de venir en classe en pantalon.Arrêt 5 novembre 1982 arrêt Attard : l’affectation d’un élève dans une classeArrêt 11 janvier 1967 Bricq : L’affectation d’un étudiant dans un cours de TDDans ces affaires, l’idée est toujours la même, il ne faut pas encombrer les juridictions par des broutilles. Le juge a fini par admettre des recours a chaque fois que la décision porte atteinte au statut d’élève.Progressivement restreintePar exemple, le juge a fini par accepter de connaitre d’une décision du refus du passage dans une classe supérieure.CE 6 juillet 1949 Andrade, d’une décision d’exclusion d’un élève, d’une décision de refus d’admettre un élève en classe de neige.

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Plus récemment, la Cour administrative de Versailles dans un arrêt du 17 février 2005, a précisé que ne constitue pas une mesure d’ordre intérieur, la décision d’un chef d’établissement de ne pas mettre des jumeaux dans la même classe.Surtout, le juge administratif a fini par admettre d’exercer un contrôle sur les décisions prises au sein des établissements scolaires vis-à-vis des signes distinctifs des élèves, aussi bien, les signes politiques que surtout des signes religieux.

3/ Les mesures d’ordre intérieur concernant les casernes et les établissements pénitentiaires

Traditionnellement les mesures de polices internes ainsi que toutes les punitions infligées aux militaires relevaient des mesures d’ordre intérieur, même si elles portent atteinte aux libertés.De la même manière, relevaient de la catégorie des mesures d’ordre intérieur, les sanctions disciplinaires infligées aux détenus à l’intérieur des établissements pénitentiaires.Par ex, le juge administratif refusait de statuer sur une mesure de mise en isolement Arrêt Kayanakis CE 8 décembre 1967Le placement d’un détenu en quartier de haute sécurité CE 27 janvier 1984 CaillolAlors même que dans les autres domaines, le juge administratif a réduit progressivement le domaine des mesures d’ordre intérieur, au contraire, s’agissant des casernes et des prisons, la jurisprudence est restée figée, comme si le juge était réticent à entrer dans les casernes et les prisons pour voir ce qu’il s’y passe, ou comme si il décidait qu’il était normal que des règles spéciales soient appliquées dans ces lieux.

B) L’assouplissement de la jurisprudence

S’agissant des établissements scolaires et des mesures concernant les fonctionnaires et les magistrats, la jurisprudence a été progressive, pour les casernes et les établissements pénitentiaires, les juges sont restés figés.Puis revirement en 1995 à l’occasion de deux arrêts d’Assemblée du 17 février 1995 : l’arrêt Hardouin et l’arrêt Marie.Dans l’arrêt Hardouin, était en cause un militaire qui avait été surpris en état d’ébriété et s’était vu infligé 10 jours d’arrêt.Ce militaire a fait un recours contre cette décision. Le CE s’est alors déclaré compétent en observant d’une part, qu’une telle décision a des conséquences sur la liberté d’aller et venir du militaire concerné, et d’autre part, qu’une telle mesure a également des effets sur l’avancement du militaire et sur le renouvellement possible de son contrat d’engagement. Il rejette la demande mais l’important est qu’il se déclare compétent.Dans l’arrêt Marie, il s’agissait d’un détenu d’une maison d’arrêt qui avait été déplacé dans une cellule de punition pour 8 jours aux motifs qu’il s’était permis de faire une réclamation à l’inspection des affaires sociales. M. Marie saisit le juge administratif pour un recours en annulation. Le CE se déclare compétent. En effet, il observe que la punition de cellule consiste à placer seul un détenu dans une cellule, à le priver de cantine, et donc « eu égard à la nature et à la gravité de cette mesure, elle constitue une décision faisant grief susceptible d’être déférée devant le juge de l’excès de pouvoir. »Ainsi depuis ces arrêts des 1995, le juge ne s’arrête plus à la porte des casernes et des prisons.L’évolution de sa jurisprudence est la conséquence de la jurisprudence de la Cour EDH. Dans de nombreuses affaires en effet, celle-ci avait considéré que les punitions infligées aux détenus ou que les sanctions imposées aux militaires devaient pouvoir être contestées devant le juge. C’est le fameux droit au recours de l’article 6 de la CEDH.Cette nouvelle jurisprudence a surtout joué pour les détenus.

La jurisprudence administrative n’était pas très lisible au cas par cas.Le CE a ressenti la nécessité de fournir un mode d’emploi, d’une grille de lecture de sa jurisprudence dans trois arrêts d’assemblée du 14 décembre 2007 : Les arrêts Boussouar Planchenault et Payet.Trois idées :

- Il faut avoir une approche concrète en appréciant à la fois la nature de la décision contestée et l’importance des effets de cette décision sur la situation du détenu.

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- Il faut raisonner, non pas décision par décision, mais par catégorie de décisions qui constituent ou non des mesures d’ordre intérieur.

- En toute hypothèse, il faut traiter de manière spécifique les décisions qui mettent en cause les droits et libertés fondamentales des détenus. Même si une décision ne relève pas de la compétence du juge, elle doit être contrôlée par le juge.

Titre 1Titre 1 : Les techniques d’action de l’administration: Les techniques d’action de l’administration : théorie des services: théorie des services publics et de la police administrative publics et de la police administrative

L’action de l’administration emprunte deux formes : Soit la forme ou la technique du service public.Soit la forme de la police administrative.La première technique correspond à une activité de prestation de l’administration.La seconde correspond à une activité de réglementation de l’administration.

Sous titre 1Sous titre 1 : La police administrative: La police administrative

C’est avec le procédé du service public, l’une des deux fonctions de l’administration.Lorsqu’on aborde la police administrative, il faut immédiatement lever une ambigüité terminologique.En effet, le terme police a une double signification : Il sert d’abord à désigner une technique d’administration, une fonction. Il sert aussi à désigner le personnel, les agents de police chargés de cette activité.Ce n’est pas la police en temps que corps de fonctionnaire qui ns intéresse, mais la police en temps que fonction, activité de l’administration.

Chapitre 1 : La fonction de police administrative

La police administrative est une technique qui consiste à réglementer l’activité des particuliers pour assurera le maintien de l’ordre public.Cette activité est bien entendue une activité d’intérêt général.Mais cette activité présente des particularités :- L’activité de police se traduit toujours par l’édiction de normes juridiques unilatérales pénalement sanctionnées, qui peuvent avoir soit un caractère réglementaire, soit un caractère individuel.Ex : l’arrêté de police du maire qui organise la circulation dans une commune, présente un caractère réglementaire - L’activité de police ne peut pas de déléguer, et être confiée à un tiers. C’est une compétence régalienne de la puissance publique.- L’activité de police administrative a un objet spécifique, un but particulier, c’est la protection de l’ordre public.On se trouve placé devant une difficulté : et la police judiciaire ? Quelle est la différence ?

$1) Le but de la police administrative

L’activité de police se caractérise par son but càd le maintien de l’ordre public.Traditionnellement, la réponse est recherchée dans l’article L-22-12-2 du code général des collectivités territoriales, qui concerne les pouvoirs de police du maire.Cet article précise que ces pouvoirs du maire sont exercés « en vue d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité, et la salubrité public ».La jurisprudence a tendance à interpréter de façon extensive la notion d’ordre public de sorte qu’aujourd'hui il existe d’autres éléments que la sureté la sécurité et la salubrité publique.

A) Les composantes traditionnelles de la notion d’ordre public

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L’article L22-12-2 du CGCT affirme que les pouvoirs de police du maire sont exercés dans l’objectif du « bon ordre, la sureté, la sécurité et la salubrité publique ».

On considère que la définition donnée de la police administrative vaut plus largement, non pas que pour la police du maire mais pour l’ensemble de la police administrative.

Sureté, salubrité, sécu, sont trois notions claires- La sureté permet au pouvoir de police de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter les désordres - La sécurité justifie toutes les décisions ayant pour objet d’éviter des accidents, par exemple tt la réglementation en matière de sécu routière- La salubrité justifie toutes les mesures prises pour éviter les maladies ou les épidémies.Lorsqu’on met en place une campagne de vaccination.- Mais qu’est ce que c’est que le bon ordre ?Il y a eu sur ce point des interprétations divergentes en doctrine.Certains auteurs ont affirmé que cette notion n’avait pas de signification particulière, mais qu’elle ne faisait qu’introduire les trois autres notions.La jurisprudence a infirmé cette analyse, et en réalité, le bon ordre apparait comme un objectif autonome de l’exercice des pouvoirs de police, à coté de la sureté, de la sécurité et de la salubrité.Simplement, on voit bien que cette notion de bon ordre est une notion standard, càd une notion dont le contenu est à priori indéterminé. Cette notion de bon ordre a permis au juge une extension de la notion d’ordre public.

On considérait que seuls les désordres matériels pouvaient fonder l’édiction de mesures de police.En réalité, la jurisprudence a toujours été plus nuancée que cette analyse, et des le début du 20ème siècle, le juge a admis à plusieurs reprises l’usage de pouvoir de police administrative pour faire cesser des comportements publics regardés comme contraires à la morales ou aux bonne mœurs.- Chambre syndicale de la corporation des marchands de vin et liquoristes de Paris du 17 décembre 1909 :Le CE a admis la fermeture administrative « de lieux de débauches portant atteinte à la moralité publique »- Dame Moulis du 4 février 1969 (Assemblée): le CE a admis un contrôle sur le caractère décent des institutions funéraires- Club sportif chalonnais du 7 novembre 1924 : le CE avait reconnu la légalité de l’interdiction par le maire d’un combat de boxe au motif de l’immoralité de ce sport.- Association laissez les vivre SOS futures mère du 28 juillet 1993 : le CE a admis qu’un maire puisse, dans le cadre de ses pouvoirs de police, puisse interdire le dépôt d’une gerbe au monument au morts de la commune, portant l’inscription ‘aux trois millions d’enfants tués par avortement »

En matière de police de cinéma la possibilité d’intervenir au nom de la moralité s’est particulièrement manifestée.Dans un arrêt en date du 18 décembre 1959 arrêt « Société des films Lutetia » , le CE a admis qu’un maire responsable du maintien de l’ordre dans sa commune puisse interdire un film « dont la protection est susceptible d’entrainer des troubles sérieux ou d’être à raison du caractère immoral dudit film et des circonstances locales, préjudiciable à l’ordre public. Dans cette affaire il s’agissait du maire de la ville de Nice qui avait interdit la projection de certains films qu’il estimait indécent. Donc des motifs tenant à l’immoralité d’un film peuvent justifier son interdiction de sorte que la morale semble être un but valable des pouvoirs de police.Mais dans un arrêt du 23 février 1966, l’arrêt « Société Franco London film », il s’agissait à nouveau du maire de Nice qui avait interdit un film, le CE a décidé cette fois que cet arrêté n’était pas justifié par des menaces à l’ordre public.

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B) L’extension de la notion d’ordre public

Le CE a dégagé un nouveau principe qui est celui du respect de la dignité de la personne humaine, dans deux arrêts d’Assemblée du 27 octobre 1995 : L’arrêt « Commune de Morsang sur Orge » et l’arrêt « Ville d’Aix-en-Provence ».Dans ces arrêts étaient en question la pratique du lancer de nains. Certains maires ont interdit ce jeu en considérant que cela était contraire à la moralité. Certains tribunaux administratifs on validé ces arrêtés, d’autres se sont opposés, car ils estimaient que dès lors qu’il y avait consentement du nain, l’interdiction n’était pas justifiée.Cette affaire a permis au CE de poser un nouveau principe, il déclare « le respect de la dignité de la personne humaine est une composante de l’ordre public, et l’autorité de police municipal peut, même en l’absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine.La sauvegarde de la dignité de la personne humaine avait déjà été consacrée par le CC dans une décision du 27 juillet 1994, comme un principe de valeur constitutionnelle.Par ailleurs, l’article 3 de la CEDH, dispose que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradant. »En fait, dans les arrêts d’Assemblée du 27 octobre 1995, le CE ne fait que reprendre la décision du CC et les dispositions de la CEDH.La question qui se pose est celle des limites qu’il faut mettre à ce principe. Il faut savoir ce qui relève de la dignité de la personne humaine.Il est évident que des traitements dégradants infligés à une personne handicapé est une atteinte à la dignité de la personne humaine. Certains considèrent que la prostitution peut constituer une de ces atteintes, mais cela est controversé.En droit, tous les principes juridiques sont des principes qui peuvent se concilier avec d’autres, parfois contradictoires. Il n’y a pas de principe à valeur absolu, mais l’exception est le principe du respect de la personne humaine. Personne ne peut jamais consentir qu’il soit porté atteinte à sa propre dignité, car ce principe dépasse l’individu, on considère que c’est une atteinte à l’humanité entière.

Si la notion introduit des éléments moraux, il s’agit de savoir sur l’esthétique peut être un motif d’intervention.Certaines préoccupations esthétiques peuvent conduire un maire à réglementer en particulier l’implantation de panneaux publicitaires, mais c’est une police spéciale, ça ne relève pas de la police générale.

Des mesures de police peuvent-elles être édictées au nom du principe de l’égalité entre les hommes et les femmes ?Arrêt « Société Jasmine » du 21 juillet 2005 : Une société de vente d’habits pour femmes musulmanes avait organisé un défilé interdit aux hommes mais le maire avait annulé ce défilé au nom du principe de l’égalité entre hommes et femmes.Le tribunal administratif de Pontoise a annulé l’arrêté de police du maire en considérant qu’une mesure de police ne pouvait être justifiée par le fait qu’il y aurait discrimination entre hommes et femmes.A l’évidence le tribunal a voulu évité l’extension trop excessive du domaine de l’ordre public.

Comment distinguer police administrative et police judiciaire ?

$2) Distinction entre police administrative et police judiciaire

Elles ont toutes deux pour objet le maintien ou le rétablissement de l’ordre public.L’élément essentiel de différenciation entre l’une et l’autre, la police administrative prévient les troubles à l’ordre public, alors que la police judiciaire les réprime.

Il existe au moins deux éléments de confusion possibles :- Un élément de nature organique :Une même autorité peut détenir à la fois les pouvoirs de police administrative et les pouvoirs de police judiciaire.

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Ex : Le mairePar ailleurs ce sont souvent les mêmes personnels qui agissent indifféremment dans le cadre d’opération de police administrative ou judicaires.Ex : Un gardien de la paix qui assure la circulation au bord d’un stade effectue une opération de police administrative, s’il s’aperçoit que des individus se battent, sa mission bascule dans une opération de police judiciaire.- Un élément fonctionnel :Une opération préventive de police administrative peut se transformer instantanément en opération répressive de police judiciaire.La distinction est parfois difficile à opérer mais elle est nécessaire car les régimes sont différents.

A) la nécessité de la distinction

La police administrative et la politique judiciaire ont des régimes juridiques distincts, tant en ce qui concerne le domaine de la compétence juridictionnelle, qu’en ce qui concerne le domaine de la responsabilité.En matière de compétence juridictionnelle, les règles sont simples : Le contentieux de la police judiciaire relève de la compétence du juge judiciaire, au contraire, le contentieux de la police administrative relève du juge administratif.En matière de responsabilité, les préjudices résultant de l’exercice des pouvoirs de police administrative permettent plus facilement d’engager la responsabilité de la puissance publique que les préjudices causés par l’exercice de police judiciaire.Il faut savoir que pendant longtemps, il y a eu une quasi irresponsabilité de l'Etat s’agissant du fonctionnement de la police judiciaire, ce n’est qu’à partir d’un arrêt 23 novembre 1956, l’arrêt « Docteur Géry » que la Cour de cassation a admis retenir cette responsabilité.Mais même aujourd'hui, cette responsabilité est difficile à établir, alors qu’il est très simple de le faire s’agissant du fonctionnement de la police administrative.

B) Les critères de la distinction

Les critères de la distinction ont été posés dans des décisions du CE et du Tribunal des Conflits :CE : 11 mai 1951 « arrêt consort Baud »TC 7 juin 1951 arrêt « dame Novalek »

Au terme de ces décisions, la nature de l’opération de police dépend exclusivement de son objet. Si l’opération de police a pour objet, selon les termes du CPP, « de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves, et d’en rechercher les auteurs, alors elle constitue une opération de police judiciaire ».Si au contraire, l’opération de police a pour objet l’exercice d’une mission de contrôle ou de surveillance, il s’agit d’une opération de police administrative.C’est un critère finaliste, càd qu’on doit chercher la finalité de l’opération de police.Si l’opération est entreprise à la suite de la commission d’une infraction, qu’elle soit réelle ou imaginaire, ou si elle est envisagée pour empêcher une infraction, c’est une opération de police judiciaire dans le cas contraire, c’est une opération de police administrative.

CE 24 juin 1960 : arrêts « Société Frampar et SARL Le monde ». Ces affaires interviennent durant la guerre d’Algérie, le préfet d’Alger avait ordonné la saisie de trois journaux sur l’ensemble de la ville d’Alger, au motif que ces journaux avaient publié des articles qui selon lui portaient atteinte à la sureté de l’Etat, il y avait donc infraction, et selon lui la saisie de ces journaux était le moyen de conserver la preuve de cette infraction. Il se situait donc dans le cadre d’une opération de police judiciaire. Le CE est saisi, et la première question qu’il avait à se poser était celle de sa propre compétence.Le Commissaire du Gouvernement a alors demandé au CE de ne pas tenir compte des textes invoqués par le préfet pour justifier sa décision. Il a déclaré « l’aspect extérieur d’une mesure de police ne traduit pas nécessairement sa

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réalité profonde et il convient de vérifier dans certains cas la nature et l’objet de l’opération de police. » Il poursuit « tendait-elle à constater une infraction, à réunir les preuves de celle-ci, à livrer les auteurs à la Justice, c’est alors une mesure de police judiciaire. Tendait-elle au contraire à prévenir un trouble à l’ordre public, c’est alors une mesure de police administrative. »En l’espèce, pour conserver la preuve de l’infraction, il suffisait de garder un journal de chaque, en réalité, le préfet voulait empêcher la population algéroise de lire ces journaux. Donc ce n’était pas une opération de police judiciaire, mais une opération de police administrative.

Que se passe-t-il quand une infraction se produit à l’occasion d’une opération de police administrative ?Par exemple, un barrage de police est mis en place pour soumettre les conducteurs à un alcootest. C’est une opération de police administrative. Mais si un conducteur franchit ce barrage, et que l’un des agents de police tire sur lui, et le tue. A quoi doit-on rattacher cette opération ?Le TC a eu l’occasion de se prononcer sur cette question dans deux arrêts célèbres :L’arrêt « Demoiselle Motsch » du 5 décembre 1977.Décision du 12 juin 1978 « Société le Profil »

Dans la première affaire, la demoiselle Motsch était une autostoppeuse, qui avait été accueillie dans un véhicule, mais à cause d’un barrage de police, le conducteur a essayé de s’échapper, un gendarme a tiré et a blessé l’autostoppeuse.La question était de savoir devant quelle juridiction devait-elle se présenter.Le Tribunal des conflits a décidé « qu’en utilisant son arme dans l’intention d’appréhender un individu qui venait de commettre plusieurs infractions, l’agent a fait un acte qui relève de la police judiciaire.

Dans la seconde affaire, un transporteur de fond s’était fait dérober une importante somme d’argent, et la société le Profil reprochait aux services de police chargés de la sécurité du transport de fond de ne pas avoir fait leur travail et avait assigné l'Etat devant le juge administratif en réparation de son préjudice.La première question qui se posait était de savoir si le juge administratif était compétent, la seconde en découlant, était-on en présence d’une opération de police administrative ou judiciaire.En fait on peut dégager deux fautes de la police :Ne pas avoir protégé efficacement le transport de fond (opération de police administrative)Ne pas avoir été en mesure d’intercepter les voleurs (opération de police judiciaire)Donc insuffisance en amont et en aval.Dans sa décision, le Tribunal des conflits ne dissocie pas les opérations de protection et de recherche du coupable, et observe que « le préjudice trouve essentiellement son origine dans les conditions dans lesquelles a été organisée la mission de protection du transport de fond, laquelle relève de la police administrative. »

Cette jurisprudence s’en ensuite imposée, càd que lorsqu’il y a ainsi une imbrication par succession d’une opération de police administrative et d’une opération de police judiciaire, le juge recherche à quelle opération se rattache essentiellement l’action de la police.Arrêt « préfet de la région Champagne Ardennes contre la CA de Reims » du 12 décembre 2005 :Il s’agissait de propriétaires d’une parfumerie, qui en onze ans, ont été victimes de onze cambriolages et deux tentatives. Il ont estimé que ce préjudice était lié à la carence des services de police du lieu, et on saisi le juge judiciaire pour une demande d’indemnisation. Cette affaire arrive devant la CE de Reims et le préfet conteste la compétence de la CA de Reims et le conflit est élevé devant le tribunal des conflits qui a donné raison au préfet en déclarant que « la mission des services de police au titre de leur activité de police administrative consiste à assurer la sécurité des personnes et des biens et la préservation de l’ordre public. En l’espèce les victimes invoquent un préjudice qui trouverait essentiellement son origine dans la prétendue défaillance des services de police à organiser et à assurer la protection du magasin plutôt que dans leur éventuelle incapacité à en rechercher et arrêter les auteurs. La carence ainsi alléguée se rattache essentiellement à l’activité de police administrative. »

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Chapitre 2 : les titulaires de pouvoirs administratifs :

Il existe plusieurs polices administratives. - La police administrative générale : Celle qui s’applique à toutes les activités et dont l’objet est d’assurer le maintien de l’ordre public au sens large.- Des polices administratives spéciales : Celles qui s’appliquent au contraire à des domaines d’activité particuliers. Leur objet n’est pas le simple maintien de l’ordre public.Ex : La police de la chasse, de la pêche, des installations classées (protection de l’environnement)

Les autorités titulaires de pouvoir de police administrative spéciales sont souvent différentes des titulaire de pouvoir de police administrative générale.Les procédures de mise en œuvre de ces polices diffèrent également dans la plupart des cas.Il peut se poser entre elles des problèmes de concurrence ou de combinaison.

Section 1 : Les autorités investies d’un pouvoir de police administrative

A) Le niveau national

L’autorité investie du pouvoir de police administrative générale au niveau national est le Premier Ministre.Cette règle a été dégagé par le CE initialement au profit du Président de la république dans un arrêt du 8 aout 1919, l’arrêt « Labonne ». Dans cette affaire, Un homme s’était vu retiré son permis de conduire, et à l’époque un retrait de permis se faisait sur décret signé par le Président de la république. L’homme invoquait le fait que le Président ne possédait pas un pouvoir de police administrative général. Le CE a rejeté la demande en déclarant « qu’il appartient au chef de l'Etat, en dehors de toute délégation législative et en vertu de ses pouvoirs propres, ce déterminer celles des mesures de police qui doivent en tout état de cause être appliquées dans l’ensemble du territoire. » Autrement dit le CE considère qu’il n’y a pas de texte spécial qui donne un pouvoir de police administrative générale au chef de l'Etat.Avec la Constitution de 1958, le pouvoir réglementaire général est passé du Président au Premier Ministre. C’est donc désormais celui-ci qui est titulaire du pouvoir de police administrative générale au niveau nationale.Ce pouvoir du Premier ministre est considéré comme un pouvoir propre.Au contraire, ni le Président de la République, ni les ministres ne sont titulaires d’un tel pouvoir.A l’inverse, les ministres peuvent être titulaires de pouvoir de polie administrative spéciale, càd que la loi peut leur reconnaitre des pouvoirs de police dans un domaine particulier.

B) Au niveau local

Ils sont exercés par trois autorités :- Le maire- Le président du conseil général - Le préfet

Dans le cadre de la commune, c’est au maire qu’appartient le pouvoir de police administrative générale.C’est un pouvoir ancien, puisque c’est la loi du 5 avril 1984 qui avait confié au maire cette compétence en matière de police. Le maire peut se voir confié des pouvoirs de police spéciale comme la police rural, la police de l’affichage.

Le président du Conseil général a obtenu ses pouvoirs grâce à la loi du 2 mars 1982Il a des pouvoirs en ce qui concerne la circulation sur le domaine département. Le président du conseil général a compétence en matière de circulation sur la route départementale hors agglomération.

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Le préfet est l’autorité de police générale du département. A ce titre, le préfet exerce la police de la circulation sur la route nationale, en dehors des agglomérations. Plus généralement, il est compétent pour prendre toutes les mesures de police dont le champ d’application dépasse le territoire d’une commune, et ceci dans n’importe quel domaine.A coté de cela, il dispose de pouvoirs de police spéciale (chasse, pêche)Enfin, il est chargé de vérifier que les collectivités territoriales respectent la loi. Et en matière de police, il a conservé un véritable pouvoir de tutelle. Càd que si dans une commune il y a des troubles à l’ordre public et que le maire ne fait rien. Le préfet peut adresser une mise en demeure au maire, mais si ce dernier ne fait rien, le préfet peut se substituer à lui et prendre les mesures nécessaires. Dans cette hypothèse, le préfet est réputé agir non pas au nom de l'Etat, mais au nom de la commune, càd que si son intervention cause un préjudice à un tiers, c’est la commune qui doit répondre de ce préjudice.

Section 2 : La concurrence et la combinaison du pouvoir de police

Il y a concurrence entre pouvoirs de police lorsque deux autorités administratives de niveaux hiérarchiques différents disposent d’un même pouvoir de police administrative.Il y a au contraire combinaison, lorsque deux autorités administratives de niveaux hiérarchiques différents disposent de pouvoirs distincts.

A) La concurrence entre pouvoirs de police

La jurisprudence a admis très tôt la possibilité d’une concurrence entre les pouvoirs de police.Le juge administratif, dans un arrêt de principe du 18 avril 1902, l’arrêt « Commune de Neris-les-Bains » a admis qu’un maire pour sa commune peut aggraver les mesures de police prises par le préfet pour l’ensemble des communes du département.L’arrêt de référence est l’arrêt « Labonne » du 8 aout 1919, dans lequel le CE a précisé que le préfet et le maire « conservent chacun en ce qui les concerne compétence pleine et entière pour ajouter à la réglementation générale édictée par le chef de l'Etat toutes les prescriptions réglementaires supplémentaires que l’intérêt public peut commander dans la localité. »

Sur la base de cette jurisprudence, deux règles s’appliquent :- L’autorité de police administrative d’un échelon inférieur ne peut aller à l’encontre d’une mesure de police d’un échelon supérieur.Ex : la réglementation nationale prévoit qu’on doit rouler au maximum à 50km/h dans une agglomération, le maire ne peut aller à l’encontre par de nouvelles règles.- L’autorité de police administrative d’un échelon inférieur peut aggraver la mesure de police prise par l’échelon supérieur, à condition que cette aggravation soit justifiée par les circonstances locales.

B) La combinaison des pouvoirs de police

On est ici en présence d’autorités de police de niveaux hiérarchiques différents, mais aussi titulaires de pouvoirs de police administrative différents. Deux problèmes se posent ici :

Est-ce que le fait pour l’autorité supérieure d’utiliser ses pouvoirs de police administrative spéciale par rapport à un objet déterminé exclut la possibilité pour l’autorité de police inférieure d’utiliser son pouvoir de police administrative générale pour le même objet ?Ex : La police du cinéma : pour qu’un film puisse être diffusé en salle, il doit avoir un visa d’exploitation. La délivrance de ce visa relève de l’exercice d’un pouvoir de police administrative spéciale. Mais une fois que ce film arrive dans une commune, le maire qui dispose d’un pouvoir de police administrative générale peut interdire ce film ?Arrêt « Société de film Lutetia » du 18 décembre 1959 : Le CE a noté que les pouvoirs de police reconnus aux ministres en matière de cinéma n’ont pas retiré au maire l’exercice, en ce qui concerne les représentations

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cinématographiques, de leur propre pouvoir de police générale, de sorte que le CE a admis que le maire puisse interdire la représentation d’un film sut le territoire de la commune, à condition que celle-ci soit justifiée par des circonstances locales.Cette décision a été rendue à partir des conclusions du commissaire du Gouvernement M. Mayras qui a déclaré « L’exercice d’un pouvoir de police par l’autorité supérieure ne fait pas obstacle à l’intervention de l’autorité locale et particulièrement du maire lorsque les circonstances locales justifient qu’une mesure plus restrictive que celle qui vaut sur le plan nationale soit prise. » Autrement dit il peut y avoir aggravation par l’autorité titulaire d’un pouvoir de police générale d’une mesure de police spéciale d’une autorité supérieure dès lors que cette aggravation est justifiée par des circonstances locales.

Est-ce que le fait qu’une autorité titulaire d’un pouvoir de police administrative spéciale n’exerce pas sa compétence relativement à une situation déterminée permet à l’autorité générale d’agir à sa place ?La réponse à cette question est en principe négative, en vertu du principe d’exclusivité des polices spéciales.Mais ce principe comporte une exception. En effet, l’autorité de police administrative générale peut agir au lieu et place de l’autorité de police administrative spéciale et défaillante en cas de péril imminent. (CE 15 janvier 1986 « Société Pec engineering »)

Chapitre 3 : L’exercice des pouvoirs de police

Pour comprendre les principes qui régissent l’exercice des pouvoirs de police, on peut revenir sur les conclusions du commissaire du Gouvernement M. Corneille sur un arrêt du CE du 10 aout 1917, l’arrêt « Baldy ». Celui-ci déclarait « pour déterminer l’étendue des pouvoirs de police dans un cas particulier, il faut tout de suite se rappeler que les pouvoirs de police sont toujours des restrictions aux libertés des particuliers, que le point de départ de notre droit public est dans l’ensemble des libertés des citoyen, que la DDHC est explicitement ou implicitement au frontispices des constitutions républicaines, et que toute controverse de droit public doit, pour se calquer sur les principes généraux partir de ce point de vue que la liberté est la règle et que la restriction de la police l’exception ».Cette dernière formule est la plus importante car elle contient finalement toute la problématique de l’exercice des pouvoirs de police administrative. Il faut dans un état protéger l’ordre public, mais il est aussi essentiel de protéger les libertés publiques et individuelles. Et toute mesure de police est une atteinte aux libertés.Toute la difficulté est comment concilier les deux.Cette nécessaire conciliation, qui est une question juridique, politique, démocratique, a conduit à une jurisprudence administrative très abondante, qui est aujourd'hui stabilisée.

Section 1 : Les conditions de légalité des différentes mesures de police administrative

A) Les mesures de police administrative

Ces mesures peuvent être des mesures générales (règlements de police) ou individuelles.Les mesures générales sont des règles générales et impersonnelles édictées par une autorité investie d’un pouvoir de police et que doivent obligatoirement respecter tous ceux qui veulent exercer une activité réglementé.

Il y a quatre types de règlements de police, en partant de la mesure la plus contraignante à la moins contraignante :- La mesure d’interdiction Elle interdit de manière générale une activité.- La mesure d’autorisation préalableIl y a autorisation préalable lorsque l’exercice d’une activité est subordonné à l’accord d’une autorité administrative.Ex : une manifestation sur la voie publique- La déclaration préalable

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L’exercice de l’activité n’est pas soumis à autorisation, simplement on doit la déclarer préalablement à l’administration.- Le règlement qui encadre une activitéDans cette hypothèse, l’autorité administrative précise dans quelles conditions une activité quelconque pourra être exercée.

B) La légalité des mesures de police administrative

Un règlement de police administrative est avant tout juridiquement un acte administratif, et en tant que tel, le règlement de police est soumis au principe de la légalité. C'est-à-dire qu’à cet acte s’impose s’il émane de l’autorité compétente, dans le respect des formes et des procédures procédure (législatif externe et légalité interne).La mesure de police administrative est donc soumise à la légalité de droit commun, mais outre ces aspects du droit commun, la légalité des mesures de police administrative présentent des caractéristiques spécifiques.Lorsqu’il y a mise en œuvre d’une mesure de police administrative, il y a nécessairement restriction de la liberté des individus d’exercer une activité déterminée.Or, certaines de ces activités peuvent être par ailleurs garanties par la Constitution, ou par la loi (liberté de réunion, d’expression, de manifestation, etc.). Le problème va alors être de concilier la nécessité d’assurer le respect de l’ordre public avec le respect des droits et des libertés de chacun.

Le cadre juridique de la légalité des mesures de police administrative relève donc aussi de la conciliation entre ces exigences contradictoires.

Le principe qui domine en la matière est le suivant :Une mesure de police administrative n’est légale qu’à condition d’être nécessaire à la préservation de l’ordre public et, adaptée à cette préservation, càd proportionnée à la menace qui pèse sur l’ordre public.Ce principe fondamental a deux applications principales :D’abord, l’autorité de police administrative ne peut interdire ou réglementer, restreindre, que si elle n’a pas d’autre moyen pour parvenir à préserver l’ordre public. Autrement dit, l’autorité de police administrative ne peut prendre une mesure plus contraignante que si une mesure moins contraignante se révèle inefficace. Il doit y avoir correspondance entre la gravité de la menace de trouble à l’ordre public et la gravité de la mesure de police édictée.

L’arrêt de référence est l’arrêt Benjamin rendu par le CE rendu le 19 mai 1933 : Dans les années 30, M. Benjamin faisait des conférences en France et avait prévu d’en faire une à Nevers, portant sur Courteline et Sacha Guitry, mais comme ce dernier était un militant d’extrême droite, le maire a décidé d’interdire cette conférence publique. La conférence publique a alors été transformé en conférence privée, mais la encore, arrêté du maire pour l’interdire. M. Benjamin s’est retourné contre ces deux décisions comme portant atteinte à la liberté de réunion. Le CE déclare « s’il incombe au maire de prendre des mesures qu’exige le maintien de l’ordre, il doit concilier l’exercice de ces pouvoirs avec la liberté de réunion garantie par la loi 30 juin 1887 et 20 mars 2007 », et en l’espèce « l’éventualité de trouble allégué par le maire de Nevers ne présentait pas le degré de gravité tel qu’il n’ait pu sans interdire la conférence maintenir l’ordre en édictant les mesures de police qui lui appartenait de prendre ».Ce qui est en cause, ce n’est pas le fait que le maire ai mis en œuvre ces mesures de police, le CE estime juste qu’il y aurait fallu trouver d’autres moyens, moins radicaux, par rapport aux menaces qui pesaient sur l’ordre public.

Si l’on reprend les conclusions de M. Friedman sur l’arrêt du 27 octobre 2005 « Commune de Morsang sur orges » , le principe est que la légalité d’une mesure d’interdiction se trouve subordonné à l’existence de risque d’une ampleur telle que les forces de l’ordre ne seraient pas en mesure d’y faire face. Il ne suffit évidemment pas de quelques témoignages d’indignation isolés pour autoriser un maire à interdire un spectacle, faute de quoi l’exercice du pouvoir de police ne manquerait pas de devenir le terrain d’intervention privilégié des groupes de pressions de tous bords.

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Le second principe est que quelque soit le type de mesure prise, elle doit être strictement limitée dans sa mise en œuvre à ce qui est nécessaire pour préserver l’ordre public.Jurisprudence dite des « photographes filmeur » : le préfet de la Manche avait interdit l’activité des photographe Filmeur pendant les vacances sur une portion de la route reliant le continent au Mont St Michel. Les deux photographes, les époux Leroy saisissent le juge administratif d’un recours en annulation en soutenant que le préfet portait atteinte à la liberté de commerce.Le CE, dans son arrêt époux Leroy, du 13 mars 1968, les a déboutés de leur action, en observant que l’interdiction décidée par le préfet était nécessaire compte tenu de l’influence considérable de touristes pendant la période estivale. Et l’activité des photographes sur une voie particulièrement encombrée de voitures présentait des dangers, auxquels il n’était pas possible de remédier par une mesure moins contraignante.

Ordonnance de référé du tribunal administratif de Cergy Pontoise 5 mai 2006 : le maire de Montfermeil avait pris un arrêté de police, interdiction faite aux jeune de 16 à 18 ans de circuler à plus de trois en ville. Le juge des référés a annulé cet arrêté. Il a déclaré « Cette mesure d’interdiction porte atteinte grave à la liberté de circulation qui constitue une liberté fondamentale et dont le corolaire est la liberté d’aller et venir à plus de trois personnes.Et il a rappelé « une mesure de police n’est légale que si elle est nécessaire, càd adaptée et proportionnelle à l’objectif poursuivi. » Ce qui veut dire qu’une mesure d’interdiction générale est rarement légale.Par exemple, un arrêt d’anti mendicité pris par un maire sur tout le territoire de sa commune est illégal, car le problème ne se pose pas partout, au même moment.Pour qu’un arrêt d’anti mendicité soit légal, il doit être limité dans l’espace et dans le temps.

Ce principe de légalité peut connaitre des assouplissements. Il en va ainsi en période de circonstances exceptionnelles. Il y a durant cette période, substitution de la légalité de crise à la légalité ordinaire. Et ainsi une mesure de police qui n’aurait pas été légale en temps ordinaire peut le devenir.L’arrêt de référence est l’arrêt Dame Dol du 28 février 1919 , le CE a considéré que le fait que l’on soit en pleine guerre mondiale et dans un port, faisait de la mesure une mesure légale.Le CE a déclaré « Les limites des police ne seraient être les mêmes dans le temps de paix et pendant la période de Guerre, où les intérêts de la défense nationale donne au principe de l’ordre public une extension plus grande et exigent pour la sécurité publique des mesures plus rigoureuses ».

Section 2 : le contrôle juridictionnel des mesures de police A) l’intensité du contrôle exercé

S’agissant des mesures de police administrative, le principe de légalité a une signification particulière. Ce contenu particulier, c’est l’œuvre du juge administratif. C’est le juge administratif, qui dans sa jurisprudence a précisé qu’il ne peut y avoir de mesure de police légale qu’à condition qu’elle soit nécessaire. C’est lui qui a précisé que l’on ne peut recourir à une interdiction, que s’il n’y a pas de moyen moins contraignant. Ce qui veut dire que le contrôle qu’il exerce est un contrôle est très intense. Pour bien comprendre la nature de ce contrôle, on peut reprendre l’exemple de l’arrêt Benjamin de 1933 : Le CE ne s’est pas contenté de constater qu’il avait des risques troublant l’ordre public, d’ailleurs, il ne contestait pas qu’il y en avait, mais il a contrôlé l’adéquation de la mesure de police par rapport aux risques de troubles, la proportionnalité des mesures.Le juge a été conduit à substituer se propre appréciation à celle du maire. La mesure de police prise par le maire n’était pas opportune. C’est un contrôle maximum, on est dans un contrôle de quasi opportunité contestée par une partie de la doctrine qui considère que le juge sort de son rôle, il devait strictement se cantonner à la légalité. S’il y a contrôle d’opportunité, c’est parce que l’opportunité de la mesure de police est une condition de la légalité de cette mesure.

B) La nature du pouvoir contrôlé

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Le texte est muet sur les conditions de mise en œuvre de la compétence. L’autorité administrative est libre de donner à sa mesure le contenu qu’elle souhaite lui donner.Si la compétence est liée, l’autorité administrative, dès lors que toutes les conditions légales sont remplies, est obligée de statuer dans un sens précis sans avoir de liberté d’appréciation.Exemple de compétence liée : la condition de s’inscrire à l’universitéS’il y a un pouvoir discrétionnaire, lorsque toutes les conditions prévues par les textes sont remplies, l’administration conserve le droit d’agir ou non, dans la mesure où l’autorité administrative a la possibilité de choisir entre plusieurs solutions valables.Si la compétence est liée, il y a un contrôle maximum du juge, adéquation des mesures par rapports à ses motifs. S’il y a pouvoir discrétionnaire, il y a un contrôle minimum.

Le bon ordre, la sécurité, la salubrité publique sont conféré par des textes au maire, le texte ne précise en rien quelle type de mesure le maire doit prendre. Autrement dit, si on s’en tient à la lecture du texte, on peut considérer que le maire dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Si on se place au niveau de la jurisprudence, le contrôle du juge est de quasi opportunité, il substitue son appréciation à celle de l’autorité de police. Il contrôle l’adéquation de la mesure prise par rapport au risque de trouble. On fait comme si on était en présence d’une compétence liée.Les pouvoirs de police administrative correspondent effectivement à l’exercice d’une compétence liée, mais c’est une compétence liée un peu particulière dans la mesure où c’est une compétence liée par le juge lui même.C’est le juge administratif qui, utilisant son pouvoir normatif, a découvert et imposé à l’autorité administrative des conditions légales à l’exercice de sa compétence. C’est lui qui, là où les textes étaient assez larges, a étroitement encadré les pouvoirs de l’autorité administrative. Il a fait cela car ici sont en cause des libertés publiques et individuelles. C’est pour éviter les dérives, les atteintes trop importantes à ces libertés.

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