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Droit Administratif Mme Rainaud Séance 1 Mardi 14 Septembre 2010 On peut utiliser des abréviations après avoir nommer intégralement. Dans le cadre de ce cours, nous allons nous intéresser à l’action administrative ainsi qu’au contrôle de cette action administrative. Bibliographie : - Manuels o « Droit Administratif » de Autin et Ribot, Litec o « Droit Administratif général » de Chapus (très complet) o « Cours de Droit Administratif » de Morand-devillier (pédagogique) o « l’essentiel du Droit Administratif général » de Rouaut (synthétique) o « Traité de Droit Administratif » de Laubadère et al., LGDJ (complémentaire) o « Droit Administratif » de Rivero, Dalloz (clair) o « Droit Administratif » de Vedel o « Droit Administratif » de Truchet - Revues : o Revue Française de Droit Administratif (RFDA) o Revue de Droit Public (RDP)

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Droit Administratif

Mme Rainaud Séance 1 Mardi 14 Septembre 2010

On peut utiliser des abréviations après avoir nommer intégralement.

Dans le cadre de ce cours, nous allons nous intéresser à l’action administrative ainsi qu’au contrôle de cette action administrative.

Bibliographie :

- Manuels

o « Droit Administratif » de Autin et Ribot, Litec

o « Droit Administratif général » de Chapus (très complet)

o « Cours de Droit Administratif » de Morand-devillier (pédagogique)

o « l’essentiel du Droit Administratif général » de Rouaut (synthétique)

o « Traité de Droit Administratif » de Laubadère et al., LGDJ (complémentaire)

o « Droit Administratif » de Rivero, Dalloz (clair)

o « Droit Administratif » de Vedel

o « Droit Administratif » de Truchet

- Revues :

o Revue Française de Droit Administratif (RFDA)

o Revue de Droit Public (RDP)

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o Actualité Juridique de Droit Administratif (AJDA)

Cette matière étant essentiellement jurisprudentielle, un certain nombre d’ouvrages ont cherché à synthétiser les grandes décisions du Droit Administratif :

o « Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative » (GAJA) de Long et al.

o Site web du Conseil d’Etat : http://www.conseil-etat.fr/cde/

o www.legifrance.org

D’autres auteurs ont réalisé des synthèses jurisprudentielles :

o « L’essentiel de la jurisprudence administrative » de Colin, Gualino

o « Le mémento de la jurisprudence administrative » de Rici, Hachette (ouvrage fondamental).

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Introduction

Quel est l’esprit du droit administratif ?

Quels sont les moments clés ?

Définition :

Le droit administratif est l’ensemble des règles définissant les droits et obligations de l’Administration. Celle-ci comprend le pouvoir executif et les différents détenteurs de ce pouvoir :

- Le chef de l’Etat

- Le Premier Ministre

- Le Gouvernement

- L’appareil administratif dans son ensemble.

Le droit administratif régit l’un des trois pouvoirs et notamment l’un des plus puissants. Dès lors, il apparait que le droit administratif (tout comme le droit constitutionnel) revêt une dimension politique. Cette matière s’insert dans une problématique actuelle : il s’agit des rapports entre l’Etat et les citoyens avec une recherche permanente d’un compromis entre la recherche de l’ordre (pour l’Etat) et la sauvegarde des libertés (pour les citoyens).

Le droit administratif a largement participé à la formation de l’Etat de droit notamment en œuvrant à l’assujettissement du pouvoir au droit. Cette matière développe le principe de légalité ; en effet, l’action administrative se coule dans un cadre législatif existant. Le juge administratif veille à ce que l’Administration agisse bien dans le cadre de la loi.

Concrètement, le droit administratif permet d’annuler une décision administrative. C’est donc le pouvoir de contestation qui s’exprime à travers ces différents recours. Cela peut

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concerner les décisions du Président (par exemple, fleurir la tombe du Maréchal Pétain tous les 11 Novembre), ou même les décisions prises au niveau local (décision des maires).

Cette capacité de recours est extrêmement large ; les autorités ont un pouvoir de tutelle sur les organismes qui prennent des décisions en tant que services publics. Là encore, le juge reconnait le droit de contestation. Notamment, on retrouve le recours pour excès de pouvoir.

Il y a également une action permise par le droit administratif ; il s’agit de la possibilité d’engager la responsabilité de l’Administration. Cette dernière a pu avoir provoqué un préjudice ; la victime est alors en droit d’exiger réparation. Le droit administratif a reconnu progressivement tout un régime de responsabilité. Par exemple, il y a le cas des erreurs médicales.

Le droit administratif est le produit d’une lente évolution des Etats occidentaux vers la démocratie. Notamment, lorsqu’en France le régime se stabilise, le perfectionnement passe par un rééquilibrage des trois pouvoirs ; le juge peut sanctionner les autorités politiques. Cela va de pair avec une revalorisation de la fonction juridictionnelle au nom de l’équilibre des pouvoirs. Le juge (notamment administratif) est parvenu à mener à bien cette mission.

Pourtant, la création de ce droit administratif n’a pas été une évidence ; c’est uniquement parce qu’a été créé un juge administratif qu’a pu apparaitre le droit administratif : l’organe a fait surgir la matière. Pour Veil1, « le Conseil d’Etat a sécrété le droit administratif de la même manière qu’un glande sécrète une hormone ».

Le juge administratif précède le droit administratif ; il a donc un rôle fondamental.

1 « Droit Administratif », Que sais-je

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Chapitre 1) Naissance d’un juge et du droit administratif

Trois temps forts scanderont ce chapitre :

- La loi des 16 et 24 Aout 1790

- Le rôle de Bonaparte

- Le poids de la jurisprudence

Section 1) la loi des 16 et 24 Aout 1790

Ce texte est fondamental puisqu’il pose un principe essentiel ; il s’agit de la séparation des autorités administrative et judiciaire. Interdiction est faite au juge judiciaire de connaitre des litiges administratifs mettant en cause le pouvoir executif. L’Administration est donc soustraite au contrôle des tribunaux.

Cette loi brise toute velléité de l’ordre judiciaire de défier l’autorité de l’Etat2. Ce texte a été confirmé à plusieurs reprises. Notons que ce principe de séparation avait déjà été affirmé par la Monarchie ; en effet, l’édit de Saint Germain (1641) posait déjà ce principe : les Parlements ne pouvaient soumettre l’Administration Royale devant leur sagacité. Il convient de rappeler que les Parlements n’ont eu de cesse d’œuvrer afin d’empêcher toute réforme par la Monarchie.

Les révolutionnaires, qui redoutaient cela, ont pris à leur compte ce principe monarchique. Le socle intellectuel de cette démarche est la séparation des pouvoirs. Toutefois, la conception française prône l’étanchéité de cette séparation.

Le résultat est que l’Administration échappe à tout contrôle juridictionnel. La solution qui se met en place est que l’Administration va se juger elle-même. Ainsi, les réclamations des administrés sont-elles tranchées par l’Administration elle-

2 Art. 13 : Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.

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même. Celle-ci est juge et partie. La solution est alors de faire un recours devant le supérieur hiérarchique de l’autorité ayant causé un préjudice. On parle alors de « recours administratif ».

Par conséquent, au plus haut niveau, on trouve le chef de l’Etat, les différents Ministres. Ce fonctionnement reste donc purement administratif. On peut alors légitimement douter de la véritable motivation de l’Administration qui a à juger se propres composantes.

Ce système s’est néanmoins maintenu ; à l’époque révolutionnaire, on n’a pas souhaité la création de Tribunaux Administratifs afin de mettre fin aux différents régimes d’exception en vigueur sous l’Ancien Régime dans un souci de simplification. Ce système évoluera toutefois rapidement avec Bonaparte sous le Consulat.

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Section 2) Bonaparte à l’origine de la Justice administrative

Quand Bonaparte arrive au pouvoir en 1799 (Constitution de l’an VIII), sera alors créé, au sein de l’appareil administratif, des institutions chargées des affaires contentieuses. Ce sont les prémisses d’un principe important de séparation de la justice administrative et de l’Administration active.

Avant la Constitution de l’an VIII, la loi du 28 Pluviôse an VIII créait les Conseils de Préfecture. Sous l’autorité des Préfets, ces Conseils sont chargés de statuer sur un certain nombre de litiges limitativement énumérés par la loi. En l’occurrence, il s’agissait des travaux publics. Ces Conseils de Préfecture ont une compétence d’attribution limitativement prévue par la loi.

La Constitution de l’an VIII a également créé le Conseil d’Etat. Il n’y a donc toujours pas de remise en cause du principe d’une Administration à la fois juge et partie. Néanmoins, on assiste à la naissance progressive d’une juridiction à part entière. En effet, le Conseil d’Etat statue souverainement. Notons que le Conseil d’Etat a une double nature :

- Administrative

- Contentieuse

1) Le Conseil d’Etat et la Justice retenue :

Dès sa création, le Conseil d’Etat revêt une double fonction :

- Sur le plan législatif : le Conseil d’Etat est chargé d’élaborer des projets de loi. Il y a donc tout un travail en amont de la préparation des lois.

- Sur le plan administratif : il est le conseil de l’executif. A ce titre, le Conseil d’Etat pouvait proposer au Premier Consul

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la solution des litiges auxquels l’Administration était prise à partie. Il y a donc une véritable fonction de conseil.

Le Conseil d’Etat se trouve ainsi chargé des affaires contentieuses. Dans cette construction, le modèle veut que la décision finale n’appartienne qu’au seul chef de l’Etat. Celui-ci approuve ou non la solution proposée par le Conseil d’Etat.

En pratique, il s’est avéré que le chef de l’Etat a toujours suivi les solutions que lui proposait le Conseil d’Etat. Ce dernier a toujours eu un rôle extrêmement actif. En préparant la décision de justice, il va mettre au point toute une procédure du contentieux administratif, permettant ainsi au particulier de contester des décisions administratives. Le Conseil d’Etat développe toutes les règles procédurales notamment le recours pour excès de pouvoir.

Cette mission contentieuse va se formaliser notamment en 1806 avec la création d’une Commission du Contentieux. Elle est l’ancêtre de l’actuelle Section du Contentieux.

Le Conseil d’Etat exerce une justice retenue : en effet , la décision ne lui appartient pas in fine. Cette position va se prolonger jusqu’en 1872 ; il y a donc une certaine pérennité malgré quelques hésitations.

Ainsi, sous la période de Restauration Monarchique, on assiste à une certaine « épuration interne ». Le Conseil d’Etat se maintient également sous la Monarchie de Juillet. Ce régime accentue le rôle dans l’action contentieuse. Il y a aussi une consolidation de la séparation entre la juridiction administrative d’une part et, d’autre part, l’Administration active. Le personnel est distinct si bien qu’il existe une interdiction du cumul entre les deux fonctions.

Pendant la brève période de la Seconde République, le Conseil d’Etat bénéficie d’une situation préférentielle ; il exerce une justice déléguée et peut prononcer ses décisions de manière souveraine.

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Le Second Empire favorisera l’évolution vers une formation contentieuse malgré le retour à une Justice retenue. Toutefois, cette période reste compatible avec le développement de la formation contentieuse. Le rôle du Conseil d’Etat est accentué puisqu’il y a une démocratisation des recours contre les décisions prises par les autorités administratives (décret datant de Novembre 1864) ; ainsi, les particuliers n’ont plus besoin de recourir au ministère d’un avocat. Le recours est quasiment gratuit puisqu’on assiste à une suppression des frais d’enregistrement.

Il y a donc bien un développement quantitatif du rôle du Conseil d’Etat de par le grand nombre de recours. Cela lui a permis de définir les règles de recevabilité des requêtes. Cette période comporte la dimension contentieuse. Cette section contentieuse devient extrêmement importante et sera à l’origine des règles du droit administratif.

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§2) Le Conseil d’Etat et la Justice déléguée.

Cette justice déléguée est rendue possible grâce à un texte de loi. Il s’agit de la loi du 24 Mai 1872.

Ce texte attribue définitivement au Conseil d’Etat la Justice déléguée : « Le Conseil d'Etat statue souverainement sur les recours en matière contentieuse administrative, et sur les demandes d'annulation pour excès de pouvoirs formées contre les actes des diverses autorités administratives ».

Toutefois, le Conseil d’Etat n’est pas isolé dans l’exercice de cette mission ; il y a également les Conseils de Préfecture qui ont une compétence déterminée par la loi. Dès lors, le Conseil d’Etat est juge de droit commun. Cela signifie que les contestations lui sont soumises directement. La compétence d’exception revient aux Conseils de Préfecture.

Néanmoins, l’accès à une véritable justice déléguée a été différé par la pratique de la Théorie du Ministre-Juge. En effet, même après 1872, le Conseil d’Etat reste un organe d’appel des décisions prises par le Ministre-Juge. Celui-ci a donc la priorité de fait en tant que supérieur hiérarchique de l’autorité qui a rendu une décision contestée (pratique contra legem). On voit là le poids de la tradition. Notons que la doctrine s’empressera de contester cette situation de fait.

Le Conseil d’Etat va illustrer cette contestation par un arrêt fondamental : il s’agit de l’arrêt Cadot du 13 Décembre 1889 3 . A partir de cet arrêt, un point final est mis à la pratique de la Théorie du Ministre-Juge. Dès lors, le Conseil d’Etat se reconnait juge de droit commun pour apprécier de recours en annulation contre les décisions administratives ou encore dans le cadre du contentieux de la responsabilité. L’arrêt Cadot consacre la séparation entre la juridiction administrative et l’Administration active.

Cette situation va se poursuivre jusqu’en 1953 ; c’est à cette date que l’on va assister à une refonte de l’organisation ; les

3 http://fr.wikipedia.org/wiki/Ministre-juge

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Conseils de Préfecture deviennent les Tribunaux Administratifs. Cette création provient d’un encombrement du Conseil d’Etat qui a provoqué la lenteur du système. C’est pourquoi le Conseil d’Etat est devenu plus exigeant et donc moins favorable aux particuliers. Les Tribunaux Administratifs deviennent alors les juges de droit commun en premier ressort. A partir de là, le Conseil d’Etat devient juge d’attribution (juge d’exception) notamment en tant que juge d’appel. Il reste par ailleurs juge de Cassation.

En 1987, on assiste à la création des Cours Administratives d’Appel qui sont par principe compétentes pour juger en appel des Tribunaux Administratifs. Toutefois, le Conseil d’Etat reste, par exception amené à juger en appel de quelques décisions des Tribunaux Administratifs. En général, le Conseil d’Etat reste un juge de cassation. Il a véritablement été marqué par cette progressive évolution.

Par ailleurs, le Conseil Constitutionnel (sous la V° République) viendra confirmer la situation du Conseil d’Etat notamment à l’occasion de deux décisions :

- Décision du 22 Juillet 1980 : à l’occasion de l’examen d’une loi portant validation d’acte administratif, le Conseil Constitutionnel affirme la valeur constitutionnelle de l’indépendance de la Juridiction administrative. Le Conseil Constitutionnel fait référence aux Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République (PFRLR). Le Conseil Constitutionnel estime que cette loi dégage un principe fondamental à valeur constitutionnelle.

- Décision du 23 Janvier 1987 : elle porte sur l’examen de la loi transférant à la juridiction administrative les décisions rendues par le Conseil de la Concurrence. Dans cette décision, le Conseil Constitutionnel affirme la valeur constitutionnelle de la compétence de la juridiction administrative. Il se fonde également sur un des PFRLR (loi du 16 et 24 Aout 1790).

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Il y a donc une longue tradition historique qui va de l’Ancien Régime jusqu’à nos jours. Depuis l’adoption du principe de question préjudicielle de constitutionnalité (QPC), le Conseil d’Etat peut également soumettre cette question préjudicielle. Une des questions qui s’est posé a été de savoir si était considéré comme constitutionnel le fait que le Conseil d’Etat soit à la fois administrateur et au sommet de la juridiction administrative. Il a d’ailleurs refusé l’éventuelle mise en doute de la constitutionnalité de son existence.

Cette institution juridictionnelle s’impose donc dans l’Etat.

Un autre problème qui se pose est l’existence d’une dualité de juridictions. Cela provoque une concurrence notamment lorsqu’il est question de délimiter le champ des compétences respectives. Le juge administratif a une démarche combattive. D’où un certain nombre de luttes entre le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation. Cet état de fait a justifié la création d’un Tribunal des conflits qui est en position d’attribuer à chaque juridiction un litige. Il va y avoir des règles de répartition des compétences ce qui constitue, pour les particuliers, une source d’imbroglio.

Section 3) Poids de la jurisprudence dans la formation du droit administratif

« Le juge administratif sécrète le droit administratif ».

Le principe de base est que le droit administratif nait de la Jurisprudence. Cette juridiction administrative a été extrêmement combative ; notamment, un des éléments forts a été la protection de l’individu face à l’Etat.

Cette juridiction administrative va développer des règles pour encadrer l’action administrative en la soumettant à des règles supplémentaires : il s’agit des principes généraux du droit. Ceux-ci s’appliquent à l’Administration même si aucun texte ne vient fonder l’existence de tels principes.

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Le Conseil d’Etat va favoriser la capacité de recours des particuliers. On évite que l’Administration ne se réfugie derrière des mobiles politiques. Le Conseil d’Etat réduit la notion d’ « actes de Gouvernement » qui sont insusceptibles de recours administratif. Le but est d’empêcher que le pouvoir executif ne se réfugie derrière ce joker. Derrière cette attitude du Conseil d’Etat, on devine une optique libérale.

D’autre part, la jurisprudence administrative estime que l’Etat est une personne spécifique méritant l’application de règles spéciales. Pour le Conseil d’Etat, si l’Administration doit pouvoir être jugée, l’action doit néanmoins avoir un objectif général. D’où la création d’un droit adapté aux spécificités de l’Administration.

Le juge administratif répond aux spécificités de l’action administrative. Il affirme la nécessité de créer un droit administratif ; pour autant, les règles ne sont pas diamétralement opposées à celle de l’ordre judiciaire (principe du contradictoire, protection de la défense). Néanmoins, ces règles sont revisitées pour faire du droit administratif une matière à part entière. La jurisprudence est à entendre dans deux sens :

- La lutte pour l’autonomie du droit administratif

- La lutte pour une dimension libérale

§1) Lutte de la jurisprudence pour l’autonomie du droit administratif

Pour rendre compte de cette action, il faut se référer à un arrêt fondamental : il s’agit de l’arrêt Blanco rendu par le Tribunal des Conflits le 8 Février 18734. Par cet arrêt, le Tribunal des Conflits reconnait que l’Etat ne peut voir sa responsabilité engagée que selon des règles dérogatoires du droit commun.

4 http://fr.wikipedia.org/wiki/Arr%C3%AAt_Blanco

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La justification de cette compétence sera l’activité de service public menée par l’Etat. En effet, ce dernier mène des activités qualifiées de « service public » ; quand des conséquences préjudiciables naissent, l’Etat doit être redevable à l’égard des victimes. Les règles spéciales sont adaptées aux contraintes du service public. Cette responsabilité a ses règles spéciales et distinctes du droit commun ; ces règles varient en fonction des besoins du service.

Par ailleurs, le juge administratif va être relayé par les théoriciens du droit ; en effet, le rôle de la jurisprudence est favorisé par tout un effort doctrinal qui participe à la décision jurisprudentielle. On trouve notamment les anciens Commissaires du Gouvernement qui sont dénommés, depuis 2009, Rapporteurs Publics. Ils sont chargés, en amont de la décision, de présenter une solution au litige. Les rapporteurs publics ont joué un rôle fondamental dans la formation du droit administratif. En effet, on constate que les arrêts du Conseil d’Etat ne sont pas toujours explicites ; dès lors, il convient de se référer au travail préparatoire du rapporteur public.

On voit donc que le juge administratif n’est pas isolé.

Outre les rapporteurs publics, on trouve la doctrine ; son influence a été déterminante dans la formation de la jurisprudence administrative. Parmi les représentants de cette doctrine, on peut distinguer deux Ecoles :

- Ecole du Service Public : elle est également dénommée « Ecole de Bordeaux » ; son représentant le plus célèbre est le Pr. Duguit. Cette Ecole repose entièrement sur l’arrêt Blanco et voit dans cette notion le moyen de donner une certaine unité au service public. Le but de l’Administration est fondamentalement distinct des buts des personnes privées. Ici, l’objectif est la satisfaction de l’intérêt général par le service public. Dès lors, l’Administration a des exigences liées au fonctionnement de ce service public. Ainsi, dans cette conception, l’activité administrative est une collection de service public. Il existe

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une unité entre le droit des services publics, les compétences du juge administratif et le droit administratif.

Critiques :

Cette Ecole va connaitre un certain nombre de critiques. En effet, la situation n’est pas aussi unitaire. L’Etat ne se borne pas à toujours à gérer des services publics. Au contraire, l’Administration a une forte composante règlementaire ; elle a notamment une tâche de police administrative.

Par ailleurs, les services publics ne vont pas systématiquement utilisés les procédés de droit public. Il arrive parfois qu’une Administration se comporte comme un simple particulier. Dès lors, il n’y a pas de raison d’appliquer des règles spécifiques. Par exemple, on a l’arrêt société des granits porphyroïdes des Vosges. L’administration retient des pénalités de retard. Ici, le rapporteur public met en avant le fait que la ville s’est comportée comme n’importe quelle entreprise. Dès lors, il n’y a pas de raison d’appliquer des règles spécifiques au droit administratif.

La situation se complique avec le mouvement d’interventionnisme économique (XX° siècle). Va alors surgir une notion rendant compte de ce phénomène ; il s’agit du service public industriel et commercial. Tout conflit qui apparait dépend de la juridiction judiciaire qui applique des règles différentes du droit administratif.

Conclusion :

Le service public n’est plus le critère de l’application du droit administratif.

L’Administration peut se voir appliquer des règles de droit privé.

En outre, des personnes privées peuvent agir comme un service public. Ainsi, un conflit impliquant une personne privée peut faire intervenir le droit administratif.

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En définitive, il n’y a plus de critères performants d’application du droit administratif. Le juge administratif sécrète des règles complexes.

- Ecole de la Puissance publique : elle est également connue sous le nom d’Ecole de Toulouse sous l’égide du Pr. Hauriou.

Ici, le critère qui s’impose est la « puissance publique ». Dès lors, le droit administratif se caractérise par les moyens utilisés qui sont exorbitants. En effet, l’Administration peut édicter des règlementations limitant les libertés. L’intérêt général domine ici ; c’est l’expression de la puissance publique.

Comme l’Administration a besoin de ces moyens, elle a également besoin de règles spéciales. Ceci laisse entrevoir la pratique de la « Théorie des Contrats Administratifs » : les règles sont plus contraignantes à l’égard du cocontractant.

Pour résumé, on peut affirmer que le droit administratif est une synthèse de ces deux éléments. Tous deux caractérisent le droit administratif.

§2) Lutte du juge administratif pour une dimension libérale du droit administratif.

Droit Administratif

Mme Rainaud Séance 2 Mardi 21 Septembre 2010

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§2) Lutte du juge administratif pour un droit administratif libéral

Il s’agit de la promotion des droits fondamentaux.

A partir de 1872, le juge administratif va développer une Justice libérale qui défend la primauté de l’individu face à l’Etat. Il y aura également un contexte parlementaire favorable à cette tendance. Au cours de la III° République, sont adoptés les grands textes de loi protégeant les libertés (liberté d’association, liberté de la presse, libre administration des collectivités territoriales. Le législateur sera appuyé par le juge administratif.

Celui-ci va développer une philosophie libérale permettant de garantir les droits des citoyens mais également les droits des personnes morales. Les conditions de recours contre les décisions administratives sont favorables aux citoyens (règle de recevabilité assouplie).

En 1875, « l’arrêt Prince Napoléon » (15 Février 1875), rejette le mobile politique pour donner une compétence au tribunal administratif. Le Conseil d’Etat conclue à la caducité du mobile politique : on doit accueillir les requêtes de tous les citoyens. Il y a là un début de réduction des « actes de gouvernements » permettant d’échapper à tout contrôle judictionnel.

De même, le Conseil d’Etat admettra les recours des personnes morales : arrêt des Patrons de Coiffeurs de Limoges, 28 Décembre 1906. Désormais, les personnes morales peuvent être tenues pour recevables devant le Conseil d’Etat. Cela conduira à un développement spectaculaire du recours en lien avec l’intérêt collectif.

Dans le même temps, cette tendance témoigne d’une méfiance à l’égard de l’exécutif jugé liberticide. Le juge administratif encadre cette Administration. Notamment, il développe des règles jurisprudentielles en matière d’activité de police administrative. Celle-ci relève du Premier Ministre et des Ministres. Une des décisions célèbres du Conseil d’Etat est l’Arrêt Benjamin du 19 Mai 1933. Les conclusions du

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Commissaire du Gouvernement sont très intéressantes à souligner :

« En matière de police administrative, la liberté est la règle, la restriction de police, l’exception ».

On comprend que le juge administratif fasse en sorte que les libertés puissent être encadrées. Il va en outre établir un contrôle du pouvoir de règlementation : il doit y avoir un équilibre entre la police administrative et la préservation des libertés publiques.

Le Conseil d’Etat contrôle l’activité des mesures limitatives à la liberté. Son action vise à promouvoir les libertés telles qu’elles ont été affirmées par le législateur ; on est alors dans l’optique d’une confiance envers « le Parlement [qui] ne peut mal faire ». Toute l’action du juge administratif sera alors de soumettre l’Administration à la loi.

A l’heure actuelle, on note une évolution de ce schéma ; le législateur n’a plus cet aura favorable aux libertés. Dès lors, on envisage la possibilité que le Parlement puisse mal faire ; en témoigne notamment la soumission du législateur à la Constitution (par la création du Conseil Constitutionnel sous la V° République).

C’est également vrai en ce qui concerne le pouvoir exécutif. Le Conseil d’Etat va, avec sa jurisprudence, assujettir l’exécutif à la Constitution.

Ainsi, au cours du XX° siècle, on est passé de la soumission au principe de légalité à un principe de juridicité au nom du respect de la hiérarchie des normes.

Outre la Constitution, il existe une norme à laquelle le pouvoir exécutif va devoir se soumettre : c’est le droit international et/ou le droit régional issu de la construction européenne. L’article 55 de la Constitution prévoit que ce droit est supérieur à la loi. Le Conseil d’Etat est l’acteur du respect de cet ensemble de règles du droit européen. Il veille à ce que

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l’Administration respecte la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Le Conseil d’Etat opère ainsi un contrôle de conventionalité.

Il y a donc un enrichissement de la hiérarchie des normes qui s’imposent à l’Administration.

En outre, le juge administratif va soumettre l’Administration par une invention originale : il s’agit des principes généraux du Droit. Ils sont inventés par le Conseil d’Etat. Ces principes généraux du Droit sont commandés par l’éthique et peuvent exister en dehors de toute existence de textes législatifs. Ils revêtent une valeur supérieure aux règlements et sont placés sous la loi. Ils ont donc une valeur supra réglementaire et infra législative.

Le juge administratif sanctionne les actes de l’Administrations qui sont contraires aux principes généraux du Droit. Dans l’Arrêt Aramu du 26 Octobre 1945, le Conseil d’Etat affirme que « les principes généraux du droit sont applicables même en l’absence de texte ». Le Conseil d’Etat développe ces principes généraux du droit notamment en ce qui concerne les droits de la défense (domaine processuel) ; il s’agit de l’accès à son dossier de la part d’un agent contre qui des faits sont reprochés. La période de la Seconde Guerre Mondiale est propice à la propagation de ces principes généraux du Droit.

Dans l’Arrêt Veuve Trompier-Gravier du 5 Mai 1944, le Conseil d’Etat met en exergue la « nécessité de respecter les droits de la défense dès lors que la décision revêt les caractères d’une sanction présentant un certain degré de gravité ».

A l’occasion d’un Arrêt d’Assemblée du 19 Octobre 1962 (Arrêt Canal, Robin et Godot), le Conseil d’Etat annule une ordonnance du Général de Gaulle au motif que cette ordonnance contrevient aux principes généraux du droit de la défense.

Le juge administratif œuvre dans un souci libéral. La conséquence est que le pouvoir exécutif contournera l’obstacle

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en faisant valider l’acte par la voie législative. Se pose alors le problème de la validation législative des actes administratifs.

Egalité d’accès aux emplois publics

Ce sont également des principes généraux du droit. Ils seront repris par le constituant de 1936. En effet, dès 1936, le Conseil d’Etat sera saisi d’un recours contre un décret limitant certains emplois aux hommes. Ainsi, le 3 Juillet 1936, le Conseil d’Etat rend-il son Arrêt Demoiselle Bobart et autre où il admet comme principe général du droit l’égalité d’accès à la fonction publique tout en reconnaissant néanmoins la possibilité, pour les besoins du service, d’y apporter des limitations. Sur ce point, seule l’Administration peut en apprécier la teneur.

Arrêt Barel du 28 Mai 1954 : ici, il est question du refus d’inscription d’un candidat au concours de l’ENA pour des motifs politiques (adhésion au communisme). Le Conseil d’Etat va annuler le refus d’inscription en promouvant une jurisprudence sur la liberté d’opinion. Le Conseil d’Etat s’appuie sur le Préambule de la Constitution de 1946.

On retrouve également cette tendance dans l’Arrêt El Haddioui du 10 Avril 2009 ; le Conseil d’Etat a annulé les résultats d’un concours interne de police. Notamment, il s’agissait de questions tenant à l’origine ethnique et à la religion du candidat. Ces questions sont jugées par le Conseil d’Etat totalement étrangère aux critères nécessaires pour apprécier l’aptitude du candidat.

Atténuation à ce principe

Il y a tout de même des nuances à apporter en ce qui concerne cette position libérale ; en effet, le Conseil d’Etat tranche parfois en défaveur du requérant (exemple : Arrêt Bobart).

Arrêt Rubens Servens, 2 Mars 1962 : le Conseil d’Etat admet la recevabilité du recours contre la décision du Président de la République prise en application de l’article 16 de la

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Constitution. Il y a tout de même une distinction qui est opérer entre :

- La décision du recours à l’article 16 (insusceptible de recours)

- Les actes pris en vertu de l’article 16 (susceptible de recours)

Au final, le Conseil d’Etat se déclare incompétent en vertu de l’article 34 de la Constitution.

De plus, la jurisprudence du Conseil d’Etat est dépendante de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ; ces affaires peuvent ne pas avoir connu de succès au niveau de la juridiction nationale. Parfois, le Conseil d’Etat peut craindre une sanction. Pour éviter cela, il va adopter une jurisprudence en adéquation avec la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Ainsi, jusqu’en 2003, le Conseil d’Etat d’admettait pas le recours contre les « mesures d’ordre intérieur » (notamment relative au régime carcéral). Or, certaines de ces mesures ont eu des répercussions importantes pour les détenus (notamment ce qui est relatif à l’isolement). A partir de l’Arrêt « Ministre contre Saïd Renuli » du 30 Juillet 2003, le Conseil d’Etat admet la recevabilité de ces recours. Ces mesures appartiennent à la catégorie administrative et sont donc susceptibles de recours.

Notons que le terroriste Carlos a pu saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur ce point. Celle-ci a estimé que la France ne respectait pas le droit de recours effectif garanti par la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Il y a donc une certaine forme de concurrence entre la Cour Européenne des Droits de l’Homme et le Conseil d’Etat.

Ce dernier a également subi la concurrence du Conseil Constitutionnel ; celui-ci n’a eu de cesse de damer le pion au Conseil d’Etat notamment en constitutionnalisant des principes généraux émanant de la Jurisprudence du Conseil d’Etat : ce

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sont les Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République.

Le Conseil d’Etat, dans la nouvelle organisation résultant de la révision du 23 Juillet 2008 (question priorité de constitutionnalité) devient un partenaire du Conseil Constitutionnel. Désormais, à l’occasion d’un recours, le Conseil d’Etat peut transmettre ou non la question de constitutionnalité d’une loi déjà entrée en vigueur (contrôle a posteriori).

Dès lors, le Conseil d’Etat devient un partenaire du Conseil Constitutionnel : par exemple, on a l’Arrêt M. Aoued du 7 Juin 2010 qui concerne le refus de délivrance d’une carte d’ancien combattant à un harki. Cette délivrance est notamment et légalement soumise à la domiciliation en France. L’Administration refuse cette délivrance. Le Conseil d’Etat a transmis cette question préjudicielle de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel. Notons qu’actuellement, il y a un raz de marée de questions de constitutionnalité.

Atténuation du propos

Il y a un point faible notamment en ce qui concerne la question environnementale. Cela s’explique par le fait qu’il s’agit de domaines très techniques. Toutes les décisions ont donné tort aux requérants.

Récemment, le Conseil d’Etat a rendu une décision montrant une certaine réticence en ce qui concerne la question préjudicielle de constitutionnalité ; il s’agit de l’Arrêt Alcaly du 16 Avril 2010. Ici, des requérants demandaient la saisine du Conseil Constitutionnel pour non respect du droit à un procès équitable du fait de la dualité fonctionnelle du Conseil d’Etat (rôle consultatif et contentieux). A l’occasion de ce recours, l’association soulève la question préjudicielle de constitutionnalité contre un décret. Or, la double compétence du Conseil d’Etat posait problème quant au droit à un procès équitable.

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Le Conseil d’Etat a refusé de transmettre cette question préjudicielle au Conseil Constitutionnel.

Toutefois, on peut dire que l’évolution du Conseil d’Etat a conduit à ne pas mettre en doute son impartialité ; notons que cette question a été tranchée par la Cour Européenne des droits de l’Homme dès 1995.

Arrêt Sacilor Lormines du 9 Novembre 2006 : « le cumul des fonctions administratives et juridictionnelles n’est pas en soi contraire aux principes […] de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ».

Depuis 1872, une séparation a clairement été établie entre :

- Les entités administratives

- Les entités contentieuses

Ainsi, un même membre du Conseil d’Etat ne peut siéger dans une section administrative et dans une section contentieuse. L’impartialité repose sur cette séparation.

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Chapitre 2) Le Juge administratif dans l’Union juridictionnelle :

La création du juge administratif a conduit à l’apparition d’une dualité de juridiction :

- Le juge du droit commun : il s’agit de l’ordre juridictionnel judiciaire qui s’occupe des litiges entre personnes privées et applique les règles du droit privé.

- Le juge administratif appliquant des règles dérogatoires : c’est l’ordre juridictionnel administratif qui juge essentiellement des litiges où l’Administration se voit appliquer des règles spécifiques : le droit administratif. Le contenu varie en fonction des besoins du service.

Il y a donc un double mouvement :

- Contraindre l’Administration aux rigueurs de l’Etat de droit

- Accorder des pouvoirs exorbitants pour les besoins du service.

L’équilibre est parfois difficile à trouver. Cela implique, au niveau du contentieux, de grandes difficultés quant aux règles d’attribution des compétences entre les deux ordres de juridiction.

Préalablement, il convient d’étudier l’organisation de la justice administrative.

Section 1) Organisation de la justice administrative

§1) Composition de l’ordre juridictionnel administratif

On trouve trois niveaux de juridiction :

- Le Conseil d’Etat : c’est la juridiction suprême

- Les Cours Administratives d’Appel (qui rendent des arrêts)

- Les Tribunaux Administratifs (rendant des jugements)

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A) Le Conseil d’Etat : la juridiction suprême de l’ordre juridictionnel administratif.

Le Conseil d’Etat est la plus haute juridiction administrative. Il est amené à jouer régulièrement le rôle de Cour Suprême. Il a également un rôle d’unification de la jurisprudence administrative : « le Conseil d’Etat est le juge ultime des activités des administrations ».

Cette fonction juridictionnelle va de pair avec une fonction administrative ; il y a donc, au sein du Conseil d’Etat, cinq sections administratives spécialisées sur des thématiques spécifiques. De plus, on trouve la section du contentieux.

Enfin, il existe une section des études et des rapports.

Section du contentieux

Elle est placée sous la présidence d’un Conseiller ayant fait sa carrière au Conseil d’Etat (actuellement Bernard Stirn). Cette section est sous la responsabilité du Vice-président du Conseil d’Etat qui en assure la Présidence effective. Selon les textes, c’est le Premier Ministre qui préside le Conseil d’Etat.

Cette section contentieuse est elle-même divisée en dix sous sections ; l’instruction de chaque affaire est confiée à l’une de ces sous sections selon l’importance de l’affaire. Il y a en tout quatre types différents :

- Une même section peut instruire et rendre la décision

- Le plus souvent, deux sous sections se prononcent

- Les contentieux les plus épineux sont confiés à la formation du jugement de la section.

- Les cas les plus délicats sont tranchés par l’Assemblée du Contentieux sous la Présidence du Vice Président du Conseil d’Etat.

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Lors d’un commentaire d’arrêt, il est pertinent de s’interroger sur la section qui s’est prononcé.

Au sein du Conseil d’Etat, on trouve des magistrats de grades différents :

- Les auditeurs

- Les maîtres des requêtes

- Les Conseillers d’Etat

Le recrutement se fait, le plus souvent, par la voie du concours de l’ENA. Il existe aussi un tour extérieur : il s’agit des fonctionnaires en fin de carrière. L’accès à la fonction est régulé par le Conseil d’Etat lui-même. Les conseillers d’Etat sont nommés par le pouvoir exécutif ne peuvent siéger en section du contentieux.

B) Les Cours Administratives d’Appel : degré intermédiaire de l’ordre juridictionnel administratif

Elles sont créées en 1987 pour permettre un désengorgement de l’ordre administratif. Il y a eu transfert aux Cours Administratives d’Appel d’une grande partie des appels des jugements des Tribunaux Administratifs. Actuellement, on compte huit Cours Administratives d’Appel :

- Bordeaux

- Nancy

- Nantes

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- Paris

- Marseille

- Douai

- Versailles

Une des solutions avancées par les pouvoirs publics afin de lutter contre cet encombrement, est d’imposer par décret (le 24 Juin 2004) l’obligation d’avoir recours à un avocat. Cela constitue un frein financier ; il y a tout de même quelques exceptions :

- Pour les requêtes visant à l’exécution d’une décision de Justice

- Pour les recours relatifs à la situation personnelle des agents publics

- Pour les contraventions de grande voierie

Ici, l’idée est de bloquer l’accès à la Justice.

C) Tribunaux Administratifs

Ce sont les juridictions de premier ressort par principe. Ils sont les héritiers des anciens Conseils de Préfecture. Les règles de recrutement assurent compétence et impartialité. Les Tribunaux administratifs sont relativement nombreux : quarante deux dont onze en Outre Mer.

Leur activité juridictionnelle est importante puisqu’ils rendent plus de cent mille jugements par an. Les Tribunaux Administratifs sont les juges de droit commun en premier ressort. Pour certains auteurs, ces jugements sont de qualité du fait du faible pourcentage d’appel (15%) dont les deux tiers sont confirmés par les Cours Administratives d’Appel.

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D)Les autres juridictions

Il y a d’autres juridictions intervenant dans ce contexte juridictionnel.

1) Juridictions spécialisées

Elles le sont dans des contentieux pointus :

- Juridictions financières :

o Cour de discipline budgétaire et financière

o Cour des Comptes

o Commission de sanction des autorités des marchés financiers

- Juridictions sociales :

o Tribunaux de pension militaire

- Juridictions disciplinaires :

o Conseil Supérieur de la Magistrature

o Organes internes de l’Education Nationale

- Commission du Contentieux des étrangers

Ces juridictions spécialisées se sont développés ; elles obéissent à des règles qui leur sont propres.

2) Tribunal des conflits

Cette juridiction mixte comprend :

- Des membres du Conseil d’Etat

- Des membres de la Cour de Cassation

Elle a été créée sous la II° République même si cette période n’a pas été durable. Ce n’est qu’en 1872 que le Tribunal des Conflits s’est réellement affirmé.

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Cette juridiction est composée de manière paritaire ; ainsi on trouve :

- Deux fois trois membres élus par les conseillers d’Etat et par les magistrats de la Cour de Cassation

- Deux membres choisis par les trois membres élus

Il y a également un membre de droit qui, en pratique, n’y siège jamais : le Ministre de la Justice. La Présidence est théoriquement assurée par le Garde des Sceaux. En pratique, il n’y siège pas.

Ce Tribunal des conflits est la conséquence de la dualité de juridiction. En effet, des difficultés peuvent apparaître. Elles sont alors tranchées par le Tribunal des Conflits. Le juge des conflits est « un répartiteur des compétences ». A l’occasion, ces arrêts amènent des décisions sur le fond.

Par exemple, l’arrêt Blancot détermine une règle essentielle : c’est la compétence du juge administratif quand une affaire concerne un membre de l’Administration.

Juridiquement, quatre situations peuvent se présenter :

- Un conflit positif : l’Administration, par la voie du Préfet, estime que le Tribunal judiciaire n’est pas compétent. Il va alors « élever le conflit » en saisissant le Tribunal des Conflits. Il adresse au juge judiciaire un déclinatoire de compétence. En cas de refus, le Préfet peut prendre un arrêté de conflit. Dans cette hypothèse, le Tribunal des Conflits peut :

o Annuler l’arrêté de conflit du Préfet et maintenir la compétence du juge judiciaire.

o Confirmer l’arrêté de conflit et destituer le tribunal judiciaire

- Conflit négatif : une juridiction administrative et une juridiction judicaire se déclare toute deux incompétentes.

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Les parties peuvent alors saisir le Tribunal des Conflits face à un déni de justice.

- Conflit de décision : les deux ordres de juridiction ont rendu des décisions contradictoires sur une même affaire. Cela permet de saisir le Tribunal des Conflits.

- Conflit sur renvoi : ici, il y a deux hypothèses.

o Conflit sur renvoi d’une juridiction statuant souverainement : le Tribunal des Conflits est saisi par le Conseil d’Etat ou par la Cour de Cassation car l’affaire soulève un problème sérieux de compétences.

o Conflit sur renvoi en prévention d’un conflit

Par exemple, une des deux juridictions s’est déclaré incompétente ; l’autre juridiction ne s’estime pas compétente non plus. Dans ce cas, le Tribunal des Conflits est strictement compétent. Cela implique le moyen de répartir les compétences. La question se pose en interne de la juridiction administrative.

§2) La répartition du contentieux au sein même de la juridiction administrative

On a trois niveaux de juridiction.

Lequel saisir ?

Il existe des règles de répartition interne :

- Le Tribunal Administratif est juge de droit commun en premier ressort

- Le Conseil d’Etat est le juge de la cassation. Par exception, il peut aussi être un juge en premier et dernier ressort ou un juge d’appel.

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A) Compétences du Conseil d’Etat

1) Compétence « logique »

Le Conseil d’Etat est juge de cassation et juge d’appel de certaines décisions.

En tant que juge de cassation, il établit les règles de procédure et d’application de la règle de droit des juridictions inférieures. Dans ce rôle, il y a un filtre établi par la commission d’admission des pourvois.

En tant que juge de cassation, on voit que cela concerne un grand nombre de juridictions administratives spécialisées. Une liste est prévue à l’article R 222-13 du Code de la Justice Administrative où le Conseil d’Etat est juge de cassation de certaines décisions rendues par les Tribunaux Administratifs :

- Litiges concernant la situation individuelle des agents publics

- Les APL

- Les pensions

- Les permis de conduire

Le Conseil d’Etat est également un juge d’appel : c’est le cas des jugements de Tribunaux Administratifs qui n’ont pas été attribués à la compétence des Cours Administratives d’Appel. Notamment, on trouve :

- La matière électorale : élections municipales et cantonales

- Les questions préjudicielles concernant l’interprétation de certains actes administratifs.

2) Compétences dérogatoires

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Le Conseil d’Etat est parfois juge en premier et dernier ressort. Il existe une liste de certains litiges :

- Litiges nés à l’étranger concernant des français.

- Litiges en haute mer

- Recours contre les décrets du Premier Ministre ou du Président de la République, actes réglementaires des ministres.

- Décisions de certains organismes collégiaux à compétence nationale (Conseil National d’une fédération sportive par exemple).

- Litiges touchant à la carrière des fonctionnaires nommés par le Président de la République.

- Recours contre les actes administratifs au-delà de la compétence territoriale d’un Tribunal Administratif (exemple autoroutes)

- Elections régionales et européennes.

B) Compétences des Cours Administratives d’Appel

Les Cours Administratives d’Appel sont les juges d’appel des jugements des Tribunaux Administratifs par principe.

On a une compétence territoriale concernant ces Cours Administratives d’Appel. Elles vont avoir la compétence des Tribunaux Administratifs compris dans leurs limites territoriales.

C) Compétences des Tribunaux Administratifs

Règles générales : le Tribunal Administratif compétent est celui où siège l’autorité administrative ayant pris l’acte faisant l’objet

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d’une contestation. Il en va de même pour les faits impliquant un organisme de service public.

Règles dérogatoires : cela concerne plusieurs matières :

- Travaux publics : le Tribunal Administratif compétent est celui du lieu où s’est produit le dommage.

- Ouvrages publics : le Tribunal Administratif compétent est celui du lieu où se trouve le bien à l’origine du litige.

- Agents publics : lieu où se trouve l’affectation de l’agent.

Pour les autres juridictions, il existe des textes spécifiques.

Section 2) Répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire.

Ces règles sont complexes : tout le contentieux impliquant l’Administration n’est pas forcément à même de relever de la compétence du juge administratif. Il n’y a donc pas d’attribution automatique.

Les juges eux-mêmes ont sécrété ces règles de répartition. Ce sont donc des règles jurisprudentielles. Il y a donc tout un foisonnement d’arrêts.

Ce n’est que marginalement que le législateur est intervenu pour répartir les compétences ; notamment, il a mis un terme à une situation complexe desservant les intérêts des particuliers. On parfois rentré dans l’aléa le plus complet.

Ces règles sont particulièrement complexes ; elles sont le fruit de l’Histoire.

§1) Approche historique et synthétique de la répartition des compétences

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Droit Administratif

Mme Rainaud Séance 3 Mardi 28 Septembre 2010

Question de la répartition des compétences :

Ce problème est dû à l’existence d’une dualité de juridiction. C’est une question complexe mettant en cause une bonne administration de la Justice.

Approche historique et synthétique

Première phase :

Dans une première phase, on a considéré que tout le contentieux de l’Administration relève du juge administratif. C’est l’application de la loi des 16 et 24 Aout 1790. Cette idée va connaitre des nuances en pratique.

En effet, au XIX° siècle, on note une distinction entre :

- Les actes d’autorités témoignant de la puissance publique : ils relèvent de la compétence du juge administratif.

- Les actes de gestion relevant de la compétence du juge judiciaire.

Au cours de cette même période, on note une dissociation entre :

- Le contentieux des collectivités locales

- Le contentieux de l’Etat

A priori, seul l’Etat peut prendre des actes d’autorités. Ce critère de répartition ne vaut que pour le contentieux de l’Etat.

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En revanche, le contentieux des collectivités locales relève du juge judiciaire.

En définitive on constate, au cours de cette première phase, qu’il n’y a pas de véritable unité.

Deuxième phase :

Celle-ci débute avec l’arrêt Blancot du 8 Février 1873. On y retient le critère de service public comme justification à la compétence du juge administratif. Cela permet à ce dernier d’appliquer un droit spécifique. La responsabilité de l’Etat est engagée du fait de l’activité des personnes engagées par l’Etat.

Le Tribunal des Conflits a décidé d’accorder la compétence du juge administratif sur le fondement du service public.

L’intérêt de cet arrêt est de mettre fin à la longue tradition d’irresponsabilité de l’Etat ; désormais, le régime de responsabilité est plus rigoureux. En outre, cet arrêt abandonne le critère basé sur la distinction entre acte de gestion et acte d’autorité.

En conséquence, le juge s’engouffre dans la notion de service public. En pratique, le contentieux relatif à l’organisation ou au dysfonctionnement du service public relève de la compétence du seul juge administratif.

Cependant, il n’y a pas encore d’unité entre le contentieux de l’Etat et celui des collectivités locales. Pour ces dernières, on applique encore la distinction classique entre acte d’autorité et acte de gestion.

Au début du XX° siècle, on assiste à l’affirmation du critère de service public ; en effet, quand une collectivité locale agit en vertu du service public, il y a alors attribution de la compétence du juge administratif.

Cette affirmation est illustrée par l’arrêt Terrier (CE, 6 Février 1903). Il s’agit d’un versement de primes dues à un particulier. Le département s’était engagé à verser une contrepartie à

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l’élimination de vipères. Le refus du versement est porté devant le juge administratif. Dès lors, on note qu’il n’y a plus distinction entre le contentieux des collectivités locales (département) et celui de l’Etat dans la mesure où il est question d’un service public.

On assiste donc à un élargissement du champ de compétence au profit du juge administratif. Par cet arrêt, on voit la consécration de la notion de service public au-delà de la seule personne étatique.

Cette jurisprudence a été confirmée par l’arrêt Thérond (4 Mars 1910) ; il s’agit d’un contentieux opposant la ville de Montpellier et un particulier chargé de capturer les chiens errants. On applique à la commune la même règle qu’aux départements.

Cette jurisprudence est étendue au contentieux de la responsabilité ; l’arrêt de principe émane du Tribunal des Conflits (Arrêt Feutry du 29 Février 1908). En l’occurrence, il y était question d’une action en dommages et intérêts intentée par un particulier contre un département. En effet, un aliéné s’est échappé d’un asile départemental pour aller incendier une meule de foin. Le contentieux a été attribué au juge administratif en raison du dysfonctionnement du service public.

De même, on a l’arrêt du Tribunal des Conflits De Fons Colombes du 11 Avril 1908 où la ville de Marseille a vu sa responsabilité pour faute engagé du fait de la commission d’une erreur de la part de l’un de ses agents. Il s’agit donc d’un dysfonctionnement du service public.

Bilan

On assiste à une compétence grandissante du juge administratif en vertu du principe de service public. Toutefois, cette seconde phase ne durera pas.

Troisième Phase : crise du service public comme critère d’attribution

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Ce n’est donc plus l’élément pertinent. Au sein de la juridiction administrative, va s’opérer une nouvelle distinction au sein des services publics ; en effet, on tient compte du mode de gestion choisi :

- Recours à de la gestion privée : le litige est soumis à la compétence du juge judiciaire

- En cas de gestion publique : il y a conservation de la compétence du juge administratif.

Cette distinction va tout d’abord être mise en œuvre dans le cadre du contentieux contractuel.

- Tribunal des Conflits, 4 Juin 1910 : « Compagnie d’assurance le Soleil » : elle va inspirer le Conseil d’Etat lors de l’arrêt « Société des granits porphyroïdes des Vosges ». Le juge administratif constate que l’Administration passe des contrats comme un simple particulier. Ainsi, la personne publique peut agir avec les mêmes objectifs que des personnes privées. Dans le contentieux contractuel apparait une nouvelle distinction :

o Service public industriel et commercial

o Service public administratif

- Tribunal des Conflits, 22 Janvier 1921 : « Société commerciale de l’Ouest Africain » :

Ici, il est question de la responsabilité de la personne publique mise en jeu à l’occasion du service public qu’elle exploite. En l’espèce, un recours est porté par cette société dans le but d’obtenir réparation.

Pour le Tribunal des Conflits, le service est exploité dans les mêmes conditions que pour un particulier. Dès lors, il apparaît

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qu’il est question d’un Service Public Industriel et Commercial. Notons que cette distinction est toujours actuelle.

Ces SPIC sont ceux dont l’objet et les méthodes se rapprochent de ceux poursuivis par les entreprises privées. L’objet du service doit être :

- Economique : comme pour une entreprise, il y a production ou vente de biens ou de services.

- Ressources du service : elles proviennent, au moins pour partie, des sommes prélevées sur les usagers ou les bénéficiaires du service.

- Modalités d’organisation du service : le système de direction et les rapports de travail doivent être ceux habituellement rencontrés dans une entreprise privée.

En conclusion, on peut dire que si ces faisceaux d’indices convergent vers une activité privée, il y a alors identification d’un SPIC et donc de la compétence du juge judiciaire. Les personnes travaillant dans le SPIC se voient attribuer les règles du Code du Travail.

A partir de cette jurisprudence, il y a tout un régime de services publics qui a été précisé ; ainsi, le personnel des SPIC relève-t-il de la compétence des juges judiciaires avec application du droit privé ?

Néanmoins, il existe un certain nombre d’exceptions :

- Le directeur relève de la compétence du juge administratif

- Il en va de même pour le comptable public.

Outre le personnel, on constate que les actes unilatéraux pris dans le cadre du SPIC font état de décision appartenant au droit privé, du moins en théorie. Toutefois, certains de ces actes peuvent révéler l’existence d’une prérogative de puissance publique. Ils se rapprochent donc d’un acte de commandement

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en vertu de leur statut ou d’une habilitation du législateur. Ces actes sont alors de nature administrative. Dans ce cas, c’est le juge administratif qui est compétent.

Ce principe a été illustré par un arrêt concernant la taxation sur la distribution d’eau : TC, 26 Juin 1988, « Société de distribution d’eau intercommunale ». Pour le TC, il s’agit d’un acte de puissance publique qui relève donc du juge administratif.

Il y a également, dans le cadre de ces actes administratifs unilatéraux, des actes touchant à l’organisation du service public. Dès lors, ils relèvent de la compétence du juge administratif appliquant les règles du droit administratif.

TC, « Epoux Barbier », 1968 : Le Conseil d’Administration d’Air France avait pris une disposition interne interdisant le mariage des hôtesses de l’air. Pour le TC, cette mesure touche l’organisation du service ; dès lors, cela justifie la compétence du juge administratif.

Enfin, il est à noter une spécificité qui concerne la responsabilité extra contractuelle des SPIC. En principe, le litige relève de la compétence du juge judiciaire. Néanmoins, il existe deux exceptions notables :

- Dommages suite à des travaux publics : par détermination de la loi (28 Pluviôse an VIII), la compétence revient au juge administratif.

- Dommages causés aux tiers : il convient de souligner l’importance de l’arrêt du TC du 17 Octobre 1966 (« Veuve Caucase »). Ici, le mari a chuté dans les escaliers de la SNCF alors qu’il livrait un colis. Or, celui-ci était un usager d’un SPIC. La compétence relève de la compétence du juge administratif même pour les tiers.

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§2) L’état actuel de la répartition des compétences

A) Grandes règles du principe actuel

Le principe revient à « lier la compétence et le fond ». On veut mêler compétence du juge au regard du droit applicable au litige. Ainsi, le juge doit tenir compte de trois éléments :

- Nature des personnes impliquées : l’existence ou non d’une personne publique au litige n’est pas déterminante. En effet, des personnes privées peuvent prendre en charge un service public (par contrat ou par délégation de service public). Une personne privée peut prendre en charge un service public et se voir appliquer le droit administratif. On parle alors d’application de la Théorie du Collaborateur Occasionnel (CE, 2 Novembre 1946 : «Commune de Saint Priest la Plaine »). Ici, les dommages supportés doivent relever du juge administratif. A partir de là, ont été posées des règles relatives à ce statut de collaborateur occasionnel :

o Existence d’une véritable collaboration

o Importance de la nature du service public

- Nature de l’activité de l’administration : le juge se demande s’il s’agit ou non d’un service public. Le service public n’est pas toujours présent dès lors qu’il y a satisfaction de l’intérêt général. Par exemple, la gestion du domaine privé de l’Administration ne fait pas partie du service public. En outre, le service public peut être de deux natures différentes :

o Administrative

o Industrielle et commerciale

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- Acte à l’origine du litige : s’agit-il d’un acte unilatéral sans négociation possible ? Celui-ci témoigne d’une prérogative de puissance publique. Sur ce point, le juge administratif a élaboré tout une théorie des contrats administratifs. Ainsi, une partie du contentieux échappe au juge judiciaire.

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En définitive, on constate un grand parti pris en ce qui concerne la répartition des compétences ; le juge administratif a été dans un état d’esprit concurrentiel. Il a voulu donner une substance au droit administratif notamment en s’attribuant la compétence pour les litiges qui concernent l’Administration. La répartition n’est donc pas objective.

Face à cette complexité des solutions, le législateur est venu régler un certain nombre de points.

B) L’intervention du législateur dans la répartition des compétences

Un certain nombre de textes de loi ont été adoptés pour déterminer quel ordre est compétent.

1) Attribution légale de la compétence du juge judicaire

- La loi de 1937 attribue une compétence du juge judiciaire pour les dommages causés ou subis par les élèves de l’enseignement public. L’action en réparation a lieu devant le juge judiciaire. Il y a des extensions au profit d’établissement sous contrat avec l’Etat.

- Responsabilité des personnes publiques suite aux dommages causés par leur véhicule.

- Contentieux de la Sécurité Sociale

- Contentieux de l’Etat-civil et de la nationalité

- Litiges relatifs aux impôts indirects

- Action en responsabilité contre l’Etat en matière d’accident nucléaire

- Litiges entre particuliers faisant intervenir des fonds d’indemnisation

- Personnes atteintes du SIDA après transfusion

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2) Attribution légale de la compétence du juge administratif

La compétence est quantitativement moins importante. Il s’agit de :

- Contrats comportant occupation du domaine public

- Vente des immeubles de l’Etat : c’est une compétence qui revient au juge administratif en vertu de la loi du 258 Pluviôse an VIII. Cela concernait notamment les biens confisqués sous la Révolution

- Contentieux contractuel et extra contractuel des Travaux Publics.

Parfois, le Conseil Constitutionnel a joué un rôle dans cette répartition ; ainsi, on a une décision relative au Code de la Concurrence (décision du 23 Janvier 1987) et qui transfert la compétence au juge judiciaire. Ici, le Conseil Constitutionnel a mis en avant l’idée qu’il existe :

- Un contentieux appartenant par nature au juge judiciaire

- Un contentieux relevant du juge administratif

Le Conseil Constitutionnel a posé ici un principe constitutionnel : il s’agit de la compétence du juge administratif à l’occasion des actes administratifs qui ont été pris dans l’exercice de prérogatives de puissance publique.

Dans cette perspective, il y a un contentieux qui relèverait de la compétence du juge judicaire.

C) Le contentieux relevant du juge judiciaire

Cela concerne principalement trois types d’actes :

Actes relatifs à la fonction juridictionnelle : jugements, mesure d’application, mesures d’instruction.

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Actes administratifs touchant à la liberté individuelle : ils portent gravement atteinte à la liberté (surtout le cas en matière de détention).

Actes de l’Administration touchant à la propriété privée

1) Actes relatifs à la fonction juridictionnelle :

Le système français n’est pas unitaire. Il y a d’une part une autorité judiciaire qui a pour mission d’exercer une fonction judiciaire et, en même temps, un service public de la Justice qui revêt un caractère administratif.

L’organisation de ce service public de la Justice dépend des organes exécutifs de l’Etat (Président, Ministre de la Justice). A la clé, on retrouve une répartition des compétences entre juge administratif et juge judiciaire.

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Principe

Le critère de distinction est fonctionnel ; en effet, on se pose la question de savoir si l’acte contesté est l’expression de l’exercice de la fonction juridictionnelle ou non. Ce principe a été posé par le TC (« Préfet de la Guyane, 27 Novembre 1952). Ici, le Préfet a élevé le conflit suite au recours des officiers ministériels en raison du retard de la nomination du magistrat ce qui a conduit à la paralysie du service.

En l’occurrence, le TC opère une distinction entre :

- L’organisation du service public de la justice (ce qui est le cas en l’espèce) : la compétence appartient au juge administratif

- La mise en œuvre de la Justice qui relève du juge judiciaire

Cette règle est toujours applicable.

A ce titre, on a une décision du Conseil d’Etat (« Molline et autres », 19 Février 2010) qui attribue la compétence du juge administratif concernant la contestation liée à la réforme de la carte judiciaire. Pour le Conseil d’Etat, il s’agit du domaine de l’organisation du service public qui implique la compétence du juge administratif.

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a) Actes d’organisation du service public de la Justice

Ils relèvent de la compétence du juge administratif ; on y retrouve :

- Les mesures créant, supprimant ou mettant en activité une juridiction

- Les mesures règlementaires ou individuelles concernant le recrutement et la carrière des magistrats : notamment en cas de mesure disciplinaire

- Mesures concernant la constitution et la mise en activité du CSM : y sont incluses les décisions de nomination de personnes siégeant au CSM. Ce principe a été mis en exergue par le CE (« Falco et Vidaillac », 17 Avril 1953).

b) Actes d’exercice de la fonction juridictionnelle

Principes

On entend par là tout ce qui touche aux jugements, arrêts, et ordonnances rendus par les juridictions. Pour ces actes, le juge administratif est incompétent.

On y trouve aussi les actes préparatoires à ces décisions, mais aussi les actes d’exécution relatifs au fonctionnement de la Justice. C’est par exemple le cas des mesures de saisine des Tribunaux.

En revanche, le refus d’une autorité administrative de poursuivre est considéré comme relevant du juge administratif. Il y a là une abstention fautive de l’Administration faisant intervenir la responsabilité de l’Etat sur le fondement du droit administratif.

Concernant les mesures d’exécution des juridictions judiciaires, par principe, la compétence revient au juge judicaire.

Exceptions

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- Le Conseil d’Etat considère que certains actes sont détachables de la fonction judiciaire. Cela a été illustré de manière jurisprudentielle :

o CE, 30 Novembre 1923, « arrêt Cuiteas » : en l’espèce, il est question d’une décision par laquelle une personne publique refuse de prêter la force publique pour permettre l’exécution d’un jugement. Ce refus est une exception à la règle de la compétence judicaire. Dès lors, la compétence revient au juge administratif. Le Conseil d’Etat considère que le refus est justifié par des conditions particulières (expulsion de 8000 autochtones). Ainsi, le CE retient la responsabilité sans faute de l’Administration.

o On trouve aussi le cas de l’application des peines où entre en jeu le service public pénitentiaire. Pour le CE, le fonctionnement administratif du service public pénitentiaire relève de la compétence du juge administratif.

2) L’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles

L’autorité judiciaire est compétente à l’égard des actes administratifs touchant à la liberté individuelle. Cette compétence a une fonction constitutionnelle. Par ailleurs, il semble que le législateur a prévu des cas où il donne compétence au juge judiciaire. Notamment, on trouve la loi relative à l’hospitalisation d’office. En cas de contestation, c’est le juge judiciaire qui est compétent.

Fondements constitutionnels

La référence se trouve à l’article 66 de la Constitution : « nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, en tant que gardienne de la liberté individuelle assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

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Il y a donc une mission constitutionnelle donnée au juge judiciaire ; cela concerne :

- La liberté d’aller et de venir : le Conseil Constitutionnel est venu à l’appui de la Constitution (arrêt du 25 Février 1992, « Zone de transit »). Pour le Conseil Constitutionnel, relève de la compétence du juge judicaire, toute prolongation, au-delà de 24h, de la rétention d’étrangers de la part de l’Administration qui n’a pu procéder à une expulsion.

- Protection du domicile : là encore, le Conseil Constitutionnel (décision du 29 Décembre 1983, « recherche des infractions fiscales ») a posé le principe de la compétence du juge judiciaire dès lors qu’il s’agit d’établir une infraction en entrant dans un domicile.

Le juge lui-même (notamment le TC) a fondé la compétence du juge judiciaire en cas d’atteinte aux libertés individuelles. Notamment, le TC (arrêt du 18 Décembre 1947, « Hilaire, Dame Cortesi ») consacre la compétence du juge judiciaire. Ici, il y a consécration de la « Théorie de la voie de fait » : il s’agit d’une atteinte grave à une liberté fondamentale, à la propriété et qui résulte d’une mesure manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir quelconque appartenant à l’autorité administrative.

Il y a là une violation forte d’une liberté individuelle ; son caractère excessif est tel qu’on ne peut la rattacher à l’action administrative.

Cette théorie a été illustrée par la jurisprudence.

Droit Administratif

Mme Rainaud Séance 4 Mardi 5 Octobre 2010

Certaines matières relèvent, par nature, de la compétence du juge judiciaire ; il s’agit des actes portant atteinte aux libertés fondamentales.

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Théorie de la voie de fait

Elle résulte d’une mesure manifestement insusceptible de se rattacher à une décision de l’Administration ; ce genre d’actes relève de la compétence du juge judiciaire. La gravité de la mesure entraîne une dénaturation de l’acte pour faire en sorte que cet acte puisse être apprécié par le juge judicaire comme étant une violation des droits de la personne, expliquant ainsi la compétence du juge judicaire.

Arrêt TC, 8 Avril 1935 « action française » : la théorie de la voie de fait est exposée par le TC. En l’espèce, il est question d’une atteinte à la liberté de la presse. Le Préfet de Police de Paris avait fait saisir un journal à connotation politique (« l’action française »). Le Préfet prend une mesure en vue de saisir ce journal à Paris et dans tous le département de la Seine. La justification est la prévention d’une atteinte à l’ordre public sachant qu’il y avait un risque d’émeutes violentes à connotation révolutionnaire. La conséquence est une mesure attentatoire à la liberté de la presse.

Le législateur est intervenu pour protéger cette liberté. Dès lors, cette restriction doit être proportionnée par rapport au but poursuivi.

En l’occurrence, le TC a estimé que la mesure du Préfet était excessive ; elle est donc considérée comme une voie de fait. Du coup, la compétence est dévolue au juge judiciaire qui applique les dispositions issues du Code Civil.

L’intérêt de cet arrêt montre les limites dans l’exercice du pouvoir de police administrative. Il y a en l’occurrence un excès de zèle provoquant une grave atteinte aux libertés. Cette violation est illégale. Le TC considère que la décision du Préfet est insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l’Administration.

L’autre intérêt est de montrer que l’exécution de la décision peut être constitutive d’une voie de fait : le Préfet avait fait faire saisir d’office alors qu’il n’y avait aucune urgence.

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La doctrine (Hauriou) a synthétisé la constitution de la notion de « voie de fait ». Celle-ci peut être constituée :

- Par manque de droit : c’est la décision elle-même qui est illégale

- Par manque de procédure : l’exécution est gravement illégale. On peut imaginer que des décisions légales peuvent avoir une exécution illégale.

Très souvent, ce sont les exécutions qui sont constitutives de voie de fait. Notamment, c’est le cas quand il n’y a aucune urgence justifiant cette exécution.

Exemples :

o expulsion d’un fonctionnaire de son logement de fonction : TC 25/11/63 « époux pelé »).

o Destruction d’un véhicule en stationnement irrégulier, TC 1991.

o TC, 30 Juin 1969 « société civile immobilière des praillons » : deux communes déversent leurs ordures ménagères sur la propriété privée d’un particulier.

o TC, « Commissaire de la République de la Région Alsace » ; 9 Juin 1986 (Jurisprudence EUCAT) : retrait par le Préfet d’un passeport à un particulier qui était débiteur des impôts. L’Administration va porter atteinte à la liberté de circulation.

o CE, 18 Octobre 1989, « Madame B » : internement en hôpital psychiatrique suite à un passage aux urgences. Cet internement s’est fait contre le grès de Madame B et sans que la famille n’ait pu faire un placement volontaire. Les médecins ne pouvaient maintenir en hôpital psychiatrique la patiente ; ils devaient saisir le Préfet qui pouvait engager une procédure respectant le Code de la Santé Publique.

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o TC, 21 Juin 1993 « Préfet de la Corse » : il n’y a pas de voie de fait lorsque l’Administration appose des scellés sur un bâtiment devant accueillir des touristes alors que l’arrivée du public est imminente.

Au regard de cette théorie, on peut dire que la compétence du juge judiciaire est entière ; les tribunaux judiciaires peuvent :

- Constater la voie de fait (malgré la séparation des deux juridictions).

- Indemniser les particuliers victimes de l’action de l’Administration.

Il se peut que, du fait des erreurs de compétence, le juge administratif soit sollicité par les requérants. Dans ce cas, le juge administratif est compétent uniquement pour constater l’existence ou non de la voie de fait. La question de la réparation du préjudice relève du juge judiciaire (sur renvoi).

Le juge administratif peut quelque peu intervenir, mais seulement de manière périphérique.

Atteinte à la propriété privée

Là encore, la compétence revient aux juges judiciaires.

Le Conseil Constitutionnel a reconnu la compétence de la juridiction judiciaire en matière de dépossession (décision du 13 Décembre 1985 : servitude en matière de télévision). Le Conseil Constitutionnel ne fait que reprendre un principe implicite issu de divers textes :

- Dès 1810, il y a reconnaissance de la compétence du juge judiciaire en matière d’expropriation et d’indemnisation du particulier concerné.

- Le TC, dans sa jurisprudence, avait déjà relayé cette reconnaissance : 17 Mars 1949, Société Hôtel du Vieux Beffroi. Dans un considérant de principe, le TC avance

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l’idée selon laquelle « la protection de la propriété privée rentre essentiellement dans les attributions de l’autorité judiciaire ». Il était question ici de l’occupation d’un Hôtel par des services ministériels dans l’immédiat après-guerre.

Dans le même cadre, a été développée une autre théorie.

Théorie de l’emprise

Elle concerne l’emprise de la personne publique sur la propriété privée. Dès lors qu’elle est irrégulière, il y a compétence du juge judiciaire ; le TC a posé des conditions pour qu’il puisse y avoir reconnaissance d’une emprise :

- Atteinte à la propriété privée : cela concerne les seuls biens immobiliers (servitude, concessions funéraires). Elle peut résulter de l’occupation du terrain par une personne publique, mais également par une personne privée intervenant dans le cadre d’une mission publique.

- Véritable dépossession : elle se distingue de la simple gêne.

Parfois, ce contentieux est prévu par les textes ; en effet, dans le cas de l’occupation temporaire des propriétés privées pour l’exécution de travaux publics (loi 29 Décembre 1892) : ce texte donne compétence au juge administratif. C’est donc une exception au principe.

D’autres textes (notamment concernant la réquisition) attribuent une compétence au juge judiciaire.

Néanmoins, le juge judiciaire est compétent pour la seule question de l’allocation des dommages et intérêts ; lorsqu’il est confronté à ce type de contentieux, le juge judiciaire ne peut apprécier si l’emprise est régulière ou non. On dit qu’il doit « surseoir à statuer ». Il saisit le juge administratif pour lui demander de statuer sur la question de la régularité de l’emprise.

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Juge judiciaire=> réparation

Juge administratif=> régularité de l’emprise

On a là des aléas incontestables ; parfois, le fait de surseoir à statuer permet au juge administratif de confirmer son incompétence. D’où un allongement des durées : CE, « Madame A. » : le juge judiciaire avait été saisi d’un litige entre Mme A contre EDF ; une ligne électrique surplombait le terrain de Mme A alors qu’aucune convention ne le prévoyait. Le tribunal administratif a été saisi pour trancher sur la question de la régularité. Le CE estime que le juge administratif n’est pas compétent. Au final, Mme A retourne devant le juge judiciaire au terme d’une longue procédure.

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Première Partie : L’action administrative

Quels sont les moyens de l’action administrative ?

Quelles sont les formes de l’action administrative ?

Sous-partie 1) Les moyens de l’action administrative : les actes administratifs.

Classiquement, on les distingue en deux catégories :

- Acte unilatéral : c’est la volonté de l’Administration qui s’impose aux administrés. C’est le symbole de la souveraineté de l’Etat relié par les différents maillons de l’Administration.

- Le contrat : il reflète normalement un accord de volontés. Il y a rencontre d’intérêts mutuels entre l’Administration et les cocontractants. Néanmoins, le contrat administratif diffère du contrat de droit privé ; il y a notamment un déséquilibre entre les deux parties (domination de l’Administration). Toute la question est de déterminer quand on se trouve dans le cadre d’un contrat administratif.

En pratique, cette distinction vacille ; en effet, on peut rencontrer des contrats n’impliquant pas de négociations. A contrario, certaines décisions unilatérales peuvent avoir fait l’objet de négociations (notamment au moment de l’économie dirigée où certains prix étaient imposés par l’Etat).

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Chapitre 1 er ) l’action unilatérale de l’Administration

Ici, on va faire le tour des différents types d’actes unilatéraux. De même, on abordera les actes de gouvernements souvent qualifiés d’actes « politiques ». Dans ce cas, le juge a peu d’emprise.

Section 1) les différents types d’actes administratifs unilatéraux

L’acte unilatéral est théoriquement édicté par une personne publique. Il a vocation à s’imposer à d’autres personnes (privées ou publiques). Ici, l’acte peut s’adresser à une ou plusieurs personnes désignées par leur nom (actes unilatéraux individuels). L’acte peut également s’adresser à une catégorie de personnes ; il a alors une vocation générale. On parle dans ce cas d’actes unilatéraux impersonnels ou règlementaires.

Par exemple : - permis de construire

- Acte interdisant la pêche ou la chasse d’une espèce

L’acte unilatéral se présente comme une décision unilatérale faisant grief. Elle va donc avoir un impact ; dès lors, il pourra faire l’objet d’une contestation devant le juge. Il y a alors un intérêt à agir.

Néanmoins, tous les actes unilatéraux n’ont pas un effet juridique. En effet, pour le bon fonctionnement des services, l’Administration peut adopter des actes ayant pour but d’éclairer les différents services sur la manière d’administrer. Ces actes unilatéraux sont généralement peu perceptibles pour les administrés. Il y a donc une distinction à opérer entre :

- Actes décisoires

- Actes non décisoires

§1) Actes non décisoires

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Le problème vient du fait que certains actes non décisoires peuvent être considérés comme susceptibles d’un recours en annulation et ce, de manière exceptionnelle.

A) Actes préparatoires à une décision

Les Administrations sont parfois amenées à prendre des décisions unilatérales suivant une procédure imposant l’émission d’avis. On trouve également les mesures votées par les différents Conseils (généraux, municipaux) pour préparer une décision finale. Ceci est fréquent dans les législations relevant du droit de l’urbanisme ou pour la législation sur les monuments historiques. Dès lors, ces décisions se basent sur différents avis d’experts ; certaines autorités intermédiaires doivent, au préalable, donner leur accord.

Le droit administratif évoque aussi la notion d’actes complexes : il s’agit des différentes mesures préparatoires précédant une décision. Ce terme permet d’éviter que les particuliers ne fassent des recours contre ces actes ; la politique publique n’est donc pas freinée. Par exemple, en matière d’urbanisme, il existe un acte administratif prévoyant l’aménagement du territoire : c’est le Schéma de Cohérence Territoriale ; ici, le seul acte pouvant faire l’objet d’un recours est la délibération approuvant ce Schéma de Cohérence Territoriale. En revanche, la régularité de la procédure peut faire l’objet d’une contestation.

Notons que la tendance du juge administratif est d’admettre la recevabilité des recours contre des actes intervenant en amont de la décision finale. Toutefois, si la jurisprudence admet les requêtes des demandeurs (dans un souci d’accès au juge), cela ne préjuge pas de l’issue de la décision.

B) Mesures d’ordre intérieur

Pour Hauriou, « elles régissent la vie intérieur des services ». Elles ont essentiellement vocation à s’appliquer aux agents des administrations et des services publics : il s’agit notamment du pouvoir d’organisation du service, de l’expression d’un pouvoir

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hiérarchique sur les agents. Parfois, elles sont qualifiées de mesures de police interne.

La caractéristique de ces mesures est qu’elles ne peuvent faire l’objet d’une contestation puisque n’ayant pas de répercussions sur les administrés.

Souvent, leur portée est limitée. L’usage veut que le juge n’ait pas à s’occuper d’éléments mineurs. Théoriquement, ces mesures échappent au contrôle du juge. Cependant, la tendance est de reconnaître que ces mesures peuvent avoir des conséquences importantes ; dès lors, leur champ d’application tend à se restreindre.

Une des premières illustrations de ce phénomène concerne la mise en œuvre du pouvoir hiérarchique ; ainsi, quand la décision s’assimile à une sanction, il pourra y avoir contestation devant le juge.

CE, 23 Novembre 1962, « Camara » : il s’agissait du contrôle de la notation d’un fonctionnaire.

Notons que les exemples jurisprudentiels les plus révélateurs de ce phénomène concernent trois domaines :

L’établissement pénitentiaire : jusqu’en Juillet 2003 (Arrêt du CE, 30 Juillet 2003, Ministre de la Justice contre Remli), les décisions de placement à l’isolement étaient qualifiées de mesures d’ordre intérieur. Depuis 2003, ces décisions ne peuvent plus être considérées comme telle eut égard à leurs effets. Toutefois, les mesures minimes font partie des mesures d’ordre intérieur.

L’établissement militaire : si les sanctions revêtent un certain niveau de gravité, le CE admet la recevabilité des recours. CE, 17 Février 1985, Hardouin : une sanction impliquant dix jours de mise aux arrêts peut faire l’objet d’un recours.

L’établissement scolaire : avant 1992, les règlements intérieurs étaient généralement considérés comme des

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mesures d’ordre intérieur. On observe un revirement avec l’arrêt CE, 2 Novembre 1992, « Kherouaa » : l’affaire concerne un problème de foulard islamique ; le règlement n’est pas considéré comme une mesure d’ordre intérieur. La décision peut donc faire l’objet d’une contestation.

Notons que cette tendance est à mettre en parallèle avec la crainte d’une sanction de la part de la CEDH.

C) Les circulaires administratives

C’est le moyen traditionnel de communication dans l’Administration ; c’est notamment par leur biais que circule l’information en interne. Généralement, ce sont les administrations centrales qui vont diffuser des informations aux services subordonnés. Le but est de guider ces services dans la mise en œuvre des textes.

Théoriquement, les circulaires sont interprétatives ; parfois, elles peuvent poser un problème d’application. Elles ont néanmoins une force obligatoire à l’égard de leur destinataire (agents de l’Administration). En revanche, elles n’ont pas d’effet à l’égard des administrés. Par conséquent, le juge a tendance à considérer qu’ils ne sont pas susceptibles de recours.

Néanmoins, le CE a admis que certaines circulaires n’étaient pas uniquement de nature interprétative. CE, 29 Janvier 1954, « Notre Dame du Kreisker » : ici, le CE opère une distinction :

- Circulaire interprétative

- Circulaire ajoutant une règle au texte : dès lors, le CE admet la recevabilité du recours. En général, les particuliers obtiennent gain de cause. En effet, l’autorité qui émet ce genre de circulaire n’est pas compétente pour émettre une règle de droit.

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Cette jurisprudence a été confirmée et renforcée par les autorités administratives. Le décret du 28 Novembre 1983 tend à améliorer les relations entre l’Administration et les administrés : tout intéressé peut se prévaloir, devant le juge, des circulaires dès lors qu’elles ont été régulièrement publiées.

D)Les directives

Ce sont des actes d’orientation adressés par une autorité administrative supérieure à un service subordonné afin de le guider dans ses choix futurs.

La directive indique les buts à atteindre et laisse un pouvoir d’appréciation dans l’application au cas par cas. Les subordonnés peuvent prendre des décisions individuelles inspirées des directives. D’après le CE, la directive doit permettre ce pouvoir d’appréciation.

Néanmoins, la Haute Cour a admis que certaines directives avaient une nature décisoire ; elles devenaient donc contraignantes.

CE, 11 Décembre 1970, « Crédit Foncier de France » : un service a refusé une aide financière au profit des particuliers. Pour le CE, si la directive ne laisse pas un pouvoir d’appréciation, elle peut alors être contestée. On peut donc soulever l’illégalité de la directive puisqu’elle est créatrice de règles impératives.

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§2) Les décisions administratives

Ce sont des actes décisoires dotés d’une force obligatoire. Ils modifient l’ordonnancement juridique en créant des droits et des obligations. L’appellation des décisions varie en fonction de leur auteur :

- Décret : du Président ou du Premier Ministre.

- Arrêté : des Maires ou des Préfets.

Au sein de ces décisions administratives, on peut distinguer :

- Les actes individuels

- Les actes règlementaires

A) Actes individuels et actes règlementaires

1) Critères de distinction

Il s’agit en réalité du destinataire de l’acte.

Actes individuels

Ils s’adressent à une ou plusieurs personnes déterminées individuellement. C’est le cas par exemple des permis de construire ou des procès verbaux de résultat de concours.

Ces actes répondent généralement à un besoin précis. Ils ont donc un aspect particulier et un impact limité dans le temps ou dans l’espace. Certains droits peuvent d’ailleurs se périmer.

Actes règlementaires

Ils ont un caractère général et impersonnel ; ils concernent toutes les personnes entrant dans le cas de figure prévu par l’acte administratif. Ils ont vocation à une relative stabilité.

Souvent, ils s’adressent à des catégories de personnes. C’est notamment le cas des arrêtés pris par une Commune pour appliquer un tarif préférentiel pour ses habitants.

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2) Diversité des règlements

Il en existe de différentes catégories.

Règlement d’exécution des lois

Souvent, pour être applicable, la loi nécessite des mesures d’application. Le pouvoir règlementaire peut être tenu par un délai fixé par le législateur lui-même. C’est donc une obligation qui s’impose. Pour le CE, « l’Administration est tenue de prendre le règlement d’application dans un délai raisonnable ». Le refus est alors constitutif d’une illégalité fautive.

Notons que cette obligation a été renforcée en 1995 ; en effet, le législateur accorde un pouvoir d’injonction au juge administratif à l’occasion des recours en annulation des décisions administratives. Depuis 1995, il peut donner un effet contraignant à sa décision (souvent par une astreinte).

CE, 28 Juillet 2000, « Association France, Nature et Environnement » : il est question d’un recours de l’association contre le refus du Premier Ministre d’édicter des décrets d’application de la loi littorale. Pour réaliser une mise en application de cette loi, le Premier Ministre devait dresser la liste des communes concernées. Le CE rappelle qu’il y a obligation, pour le Premier Ministre, d’adopter ces mesures « tant que la loi n’est pas abrogée ». Il s’agit là d’une compétence liée de l’Administration. En conséquence, le CE annule le refus du Premier Ministre et pose une injonction dans un délai de six mois avec une astreinte de 1 000 Francs par jour de retard.

CE, 19 Mai 2006, « Syndicat National des Ostéopathes de France » : Ici, le Commissaire du Gouvernement va rendre compte de l’état d’esprit : « vous avez une fois de plus à connaître de la carence […] ». Cela témoigne de la banalité du phénomène.

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Une loi de 2002 reconnaissait l’activité d’ostéopathe ; un des articles renvoyait à un décret permettant de fixer le contenu de la formation, la liste des actes susceptibles d’être pratiqués, etc. Le CE sanctionne ici le non respect d’un délai raisonnable.

Notons que parfois, les astreintes sont volontairement élevées pour augmenter l’effet incitatif (CE, 2005, « Syndicat National des Pharmaciens » : astreinte de 500€ par jour).

En outre, les préjudices découlant de l’inaction doivent être réparés.

CE, 27 Juillet 2005, « Association Bretagne Atelier » : ici, il était question de la participation de l’Etat à la rémunération de travailleurs handicapés. Or, l’Etat s’est dérobé à son obligation. Il a donc été condamné.

Règlements autonomes de l’article 37 de la Constitution

La conséquence est un recours contre un décret du Premier Ministre qui serait éventuellement incompétent compte tenu de l’acte.

C. les circulaires

Elles constituent le moyen de communication interne de l'administration. Par elles les administration centrale diffuse des information/orientation aux services extérieur ou subordonnée.But : guider ses services dans la mise en oeuvre de texte.Elles sont interpretatives et on une force obligatoire a l’égard des agents mais n'en on pas pour les administrés. Les recours ne sont donc pas possible.Cependant le Conseil d’Etat a admis que certaines n'était pas seulement 'interpretatives.

29/01/54 Notre dame de Kreisker certaines circulaire par exception ajoutent une règle au texte : le recours est alors possible contre la circulaire comportant une décision règlementaire.

Dans ces cas particuliers souvent gain de cause car celui qui prend la circulaire n'a pas la

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compétence pour prendre une règle il y a donc annulation pour incompetence de l'auteur.Cette jurisprudence a été confirmée et renforcée par le décret du 28/11/83 qui tend a améliorer les relation entre l'admnistration et les administré : il permet a tout interessé de se prévaloir devant le juge des circulaire interpretatives dès lors qu'elles ont été réguliérement publiées.

D. Les directives Elles sont considérées comme un acte d’orientation adressé par une autorité administrative à ses subordonnés afin de pouvoir les guider dans leurs choix futurs quand a la mise en oeuvre des pouvoirs qu'ils tiennnent des textes. Elles indiquent les objectifs a atteindre et laisse un certain pouvoir d'appreciation dans l'application au cas par cas des mesures devant être appliqué par l'administration.Les subordonnés pourront prendre des decisions individuelles sur la base de ces directives de l'administration qui doivent théoriquement leur laisser un pouvoir d'interpretaiton. Le Conseil d’Etat a admis qu'il pouvait y avoir un recours quand elles deviennent contraignantes pour les subordonnés qui ne peuvent plus interpreter au cas par cas (CE, 11/12/1970 Crédit foncier de France).Si la directive n'a plus la dimension d'un document d'orientation elle peut faire l'objet d'un recours pour exces de pouvoir car la decision est alors prise sur des directives impératives.

§2 les décisions administratives

Dotée d'une force obligatoire , modifie l'ordonnancement juridiqueSont d'appellations variable celons l'auteur : décret = président/ ministre , arrête = préfet/maireDans ces décision il existe les actes individuels et les règlementaire mais ils sont assujettit a un régime commun

A. différence entre décision réglementaire et individuelle

critère de distinction : destinataire de l'acte :individuel = personne détermine ou si + chacune est individualiséex : permis de construire , proces verbal de concours avec énumération des reçusces actes repondent à un besoin précis avec parfois un impact limité dans le temps (certains droit peuvent se périmer ex premis de construire =2 ans) ou géographiquement.

Les actes règlementaire on une vocation général et impersonnelle ils s'appliquent a toute personne entrant dans le cas de figure prévu par l'acte administratif. Souvent adressé a des catégorie de personneex arrête au niveau d'une commune avec un tarif préférentiel pour le habitants pour une inscription dans une ecole de musiquetout les personne dans le k précis seront soumises a la réglementation qui a vocation une certaine permanence.

1 le règlement dans sa diversité : matérielle et organique

-matérielle :

règlement d'exécution des loi : la loi nécessite des mesures d'application surtout quand elle renvoie elle même a des décret d'application. Le pouvoir règlementaire est parfois tenu par un délais fixer par le législateur : il y a donc une obligation impérative pour le pouvoir règlementaire. Resta que le législateur n'est pas rigoureux : il peut ne pas y avoir de delais preciser pour la mise en oeuvre de la loi.

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CE : « l'administration est tenu de prendre les decrets d'application dans un delais raisonnable. » le refus ou silence de l'administration pour prendre cette mesure est une faute constitutive d'illégalité. Cette obligation a été renforcé en 95 par …..(desolé) qui vient accorder un pouvoir d'injonction et d'astreinte au pouvoir administratif. Grace à ça une date butoir peut être fixer par le juge quand il y a n recours et donner un effet contraignant : quand le delais et dépasser il y a une compensation financière par jour .EX : CE 28/01/200 Assoc france nature environnement , recours face au refus du premier ministre d'edicter les décret de la loi litorral de 86, competence au 1er ministre pour établir la listes des communes y étant soumis . LE CE rappellera l'obligation pour le pouvoir execuif d'adopter des decrets. L'administration est liée par le texte de loi surtout quand les decres sont une condition necessaire. Le reufs est annulé et assorti d'une injonction dan un delais de 6 mois avec astreinte de 1000fr/jrCE 19/05/2006 syndi nat des ostéopathes de france : recours pour la loi de 2002 reconnaissant cette activité ou un des articles renvoyé à un décret pour fixer le contenu des programmes d'études, modalités de la formation.... La carence des pouvoirs publics a été sanctionne. Ils on un minimum de marge pour faire ces décrets et les affaires sont a voir au cas par cas.Globalement quand la mesure d'exécution se réalise dans un délais inférieur à 18 mois = delais raisonnable passé ça sauf exception l'inexécution est fautive ,source d'illégalité et peut on peu voir la responsabilité pour faute de l'administration. Les astreintes peuvent etre elevé pour etre incitatives.CE 27/07/05 assoc BRETAGNe ateliers : question d'emploi aidé de la presence de personne handicapé une mesure d'application devait etre prise pour la renumération partagé. L'astreinte a été de 500euros par jour.Si pendant le recours le décret est pris on ne statue plus sur les ccl mais sur l'allocation de dommage et intérêt.

Règlement autonome de l'article 37 : question de la délimitation de l'acte en fonction de l'article 34 et 3 : recours contre un décret du premier ministre qui est incompetent car la mesure aurait du etre prise par le législateur ex : en matière d'nevironnemnt

Art 38 ordonnance : moyen de méconnaitre la répartition normative entre le parlement et l'exécutif adoptées par le gouvernement à l'occasion d'une délibération du conseil des ministre et signé par le président (article 13 C°)Il faut une habilitation ,pour que l'ordonnance puisse être prise ,du parlement qui peut la refuser. Il peut aussi contrôler la teneur d'une ordonnance et la reduire.Le parlement à 3 attitudes : il peut refuser accepter , exercer un contrôle par rapport à la duré ou la porté.Le parlement autorise le gouvernement à prendre une ordonnance quand il veut réaliser un programme ( notion flou qui pernet de prendre des mesures dans des domaines variéés)l'habilitation ne peut etre accordé que sur les matière de l'aricls 34 , pas pour lesl ois organique ou de finances , seul les lois ordinaires .Cette loi doit indiquer les dispositions d'ordre legislatives sur lesqulles le gouv. Veut intervenir, ne doit pas renvoyer à lk'aricle 3 : il fau spécifier a quoi ce rattache l'ordonnance. Le gouv. Doit préciser ma finalité de sa demarche .La loi doit aussi fixer le terme de l'ordonnance .L'ordonnance à une valeur réglementaire tant qu'il n'y a pas une loi de ratification et il peut donc

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y avoir des recours pour excesde pouvoir dans un delais de 2 mois .Avec la ratificaiton la nature legisaltive est adopté on ne peut plus faire de recours. La loi de ratificaiton peut etre controler par le Conseil constitutionnel qui par contre coup pourra controler la constitutionnaliter de l'ordonnance ratifié.Cette ordonnace n'aura même qua,nd elle sera ratifié une valeur legislative que pour les dispositions de valeur legislative. D'ans l'ordonnance il ya des dispositions réglementaire. La ratification n'est pas globale.Si le projet de ratification n'est pas déposé par le gouvernement dans les délais l'ordonnance devient caduque pour l'avenir. Depuis la révision de 2008 le parlement est obligé de ratifier expressément.

Le pouvoir réglementaire des chefs de services : création jurisprudentielArrêt Jamart 7/02/1936 existence d'un pouvoir réglementaire pour les chefs de services pour prendre les mesures nécessaires à l'organisation de leur services : il peut prendre des sanctions pour le bon fonctionnement, ce sont donc des actes administratifs susceptible de recours. Les nécessité de l'organisation suscitent la prise de ces actes qui atteignent les agents et dans une moindre mesure les utilisateurs.

Le pouvoir réglementaire sans texte pour motif d'ordre public :Reconnu par la jurisprudence au chef d'état et de gouvernement d'un pourvoir de police administratrice afin d'assurer l'ordre public (sécurité salubrité tranquillité)Arrêt LABONNE 8/8/1919 3°république décret présidentielle imposant l'ancêtre du permis de conduire mais sans loi qui fonder en droit sa compète pour prendre ce type de mesure. Les préfets ont pris les décrets et Mr l’abonne a vu son permis retiré il invoque donc l'incompétence de l'auteur. Le CE crée une mesure au profit du chef de l'état pour donner + de contenu il a reconnu que le président pouvait prendre des mesures de police pouvant être appliqué sur l'ensemble du territoire sur le fondement de la protection de l'ordre public même sans texte juridique.Evolution du principe avec les modifications constitutionnelles. Reconnaissance au chef de gouvernement même sans texte : CE 13/05/1960 SARL restaurant Nicolas pour un décret de commerce de gibier pris par le premier ministre : salubrité.

2 Diversité organique :

Est titulaire du pouvoir réglementaire au niveau national le président de la république via l'art 13 sinon par principe c'est le chef du gouvernement (art 21)Les ministres nan on pas en principes mais par exception suit e a une habilitation administrative écrite et précise. Cependant ils participent par le contre seing qui est une condition de validité de l'acte.Au niveau local : art 72 représentants des collectivité e oint e pouvoir de règlement qui est encadré par la loi mais ils en on un pour l'exercice de leur compétence.Il y a les arrêté municipaux et les délibération des conseil qui sont susceptible de recours. En + des matières transféré ils ont un pouvoir en matière d'ordre public (comme pour président et ministre)Le préfet détient aussi un pouvoir réglementaire au niveau département+/ région souvent via un texte de loi dans un domaine précis ex : certains types d'industrieIl peut y avoir un chevauchement entre les autorités : concours de police C’est l'autorité qui a le plus grand territoire qui impose ses décisions a l'autre mais il n'y a pas d'interdiction faite au maire de prendre des mesures aggravant celle du préfet (il faut qu'il soit justifier d'un intérêt public et de circonstances locales) CE 18/04/1902 com damne de Neris les

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bains.Le pouvoirs réglementaire existe pour des personnes prives qui dans certaines conditions peuvent adopter des actes administratif à partir du moment où elles sont en charge d'un service publicCE 5/03/1948 Marion théorie du fonctionnaire de fait : comité constitué dans une commune qui du fait d'un pouvoir de fait a pu prendre des décisions qui aurait pu l'être par un conseil municipal : acte administratif du fait des circonstances exceptionnellesCE ass. 31+007/1942 Monpeur organisation provisoire de comité pour une meilleur utilisation des matières première. LE CE a estimé que la législateur avait entendu crée un service public, ces comités pouvaient donc imposer des décisions réglementaire au industrie et celles ci pouvaient contester.Arrêt Bougen 2/014/1943Conseil supérieur de l'ordre des médecins : interdiction d'ouvrir plusieurs cabinets : la décision a été prise dans un cadre d'organisation d'un concoure à un service public le recours peut donc être reçuArrêt Magner 13/01/61Possibilité pour des associations / fédération de lutter contre les insectes en pouvant pratiquer des travaux et fixer un prix imposer aux agriculteurs + majorations en cas de non paiement. Contestations de ce pouvoir. Le Ce estime que création d'un service public donc possibilité de prendre des actes administratifs et de fixer les prix et donc possibilité de recours.

B. régime des décisions administratives

1auteur de l'acte

si il y a non respect des règles de compétences l'acte pourra être annuler pour incompétence de l'auteur. Cette annulation peut etre differer dans le temps pour que l'autorité competent eintervienne et prene un décret.Au niveau national : quastion par rapport au decisons signé par le président dans délibération préalable du conseilCE arret SICARD 27/04/62le décret est valable si il est signé par le premier ministre et les minsitres competents (art 19C°) il n'est donc pas annuler du fait qu'il n'est pas état pris celon l'article 13. il est considére come un décret du premier ministre , la signature du président est surabonsante.Arret MEYET : décret delibére en conseil des in et signé alors qu'aucune disposition n'imposé la signture. Ils sont ocnsidéré comme des decrets presidentielles : le président peut elargir sa dompetence normative.Quabd c'est u acte presidentiel il faut respecter le parallélisme des formes : toute abrogation retrait ou lodification devra respecterles même regles suivit par l'adoption (sauf si disposotions contraitre prevu par le décret)CE27/04/94 Allamigeon et PageauxAU niveua local les reglement des regroupement communaux peuvent entainé de problement au niveau del a repartition des compétences.(aaaah...Et ? )

2 forme de la decision

peut etre impliciete : silence gardait par l'administration signifie qu'une decision est priseou explicite (ecrite)Peut y avoir un pb contentieu pour la quesiton du fiormalisme .

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Si il u a non resect l'acte sera annuler.Au niveau loacl si un acte municpal est signé mais qu'il n'ya pa s le nom du maire = annulatioTout surcoit de formalisme dans la formation doit s'imposer dans la modifications ou abrogation de l'acte.Ex :quand un décret mentionne que le Ce a été entendu pour avis il devra egalment l'etre si il y a abrogation ou autre.Pour les decision implicite : loi de 12/04/2000 qui precise les ocnditions d'intervention des dcisons implicites . Une decison de rejet est acquise lors du silence de l'administation apres un elais de 2 mois à partir de la demandesauf si letexte precisce que le silence vaut acceptation. Existe une liste de cas depuis 2007

3proincipes de motivation

il concerne les décisions administratives : il faut exposer par ecritles decisons de fait et de droit qui justifie la decisions.Jusqu'en 79 c'était une regle jurisprudentielle pour certaine catégorie d'acte.Loi du 11/07/79 n'oblige pas une obligation général de motivaitonc'est obligé quand necessaire : 2 types de decisiosn : les dérogatoire et les individuel defaorablesla loi du 17/01/86 a ajouté les refus d'autorisation.Sont donc axclus qde la motivation lesactes reglementaires ,par principes , de même que les actes comme les declarations d'utilité publique. Toute mesure restreignat la liberté individuel necessite une motivaiton mais dcertains textes disenqu que ce ,n'es pas obligaoite ex refus de visaPeut y avoir une dispence pour les cas d'urgence.

Droit Administratif

Mme Rainaud Séance 6 Mardi 12 Octobre 2010

Régime des actes administratifs

1) Motivation des décisions administratives

Cette obligation est à l’origine jurisprudentielle. Elle a été reprise par le législateur. Cela concerne deux types de décisions :

- Décisions dérogatoires : éviter l’arbitraire.

- Décisions individuelles et défavorables ainsi que les refus d’autorisation

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2) Cas de dispense de motivations

C’est notamment le cas en cas d’urgence. En effet, s’il est justifié par l’urgence ou par l’urgence absolue, le défaut de motivation n’entache pas d’irrégularité la décision. Il est possible de demander à l’Administration la communication des motifs de ladite décision. Ils devront être motivés dans un délai de deux mois après la demande de l’administré.

Le refus de communication peut justifier un recours au juge administratif. C’est le cas par exemple dans des cas d’hospitalisation d’office ; un Maire peut prendre un arrêté provisoire d’hospitalisation pour éviter un trouble à l’ordre public. Dans ces conditions, la sauvegarde de l’ordre public peut être considérée comme un cas d’urgence.

De même, on trouve la question de l’expulsion de personnes présentant un caractère dangereux (terroriste, menace de la sûreté de l’Etat). Dès lors, il est possible de prononcer des expulsions sans justification.

Le CE est amené à apprécier les circonstances :

- Atteinte à l’ordre public

- Circonstances de la prise de la décision administrative : exemple contexte d’actes terroristes.

Il y a la Théorie des Circonstances Exceptionnelles : pris en période normale, ces actes pourraient être entachés d’illégalité. Ce n’est pas le cas dans le cadre de circonstances précises.

2) Non motivation des décisions implicites

Une décision implicite n’est pas forcément illégale du seul fait de l’absence de motivation. L’intéressé peut toujours demander (délai du recours contentieux : 2 mois) à l’Administration quels sont les motifs de sa décision de refus.

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L’Administration dispose d’un délai d’un mois pour répondre après la formulation de la demande. Il sera alors éventuellement possible d’attaquer la réponse donnée en estimant que les motifs ne sont pas réguliers (délai de 2 mois). En cas de silence, il est possible d’attaquer la décision de refus de motivation ; le juge constate l’illégalité de la décision.

Le législateur a cherché à réduire le champ de la décision implicite. A contrario, en matière d’urbanisme, les décisions implicites sont productrices de droit : le silence vaut acceptation.

3) Contenu de la motivation

- Ecrite : énoncer les considérations de droit ou de fait qui constituent le fondement de sa décision. L’Administration ne peut se borner à énoncer l’existence d’un texte et de circonstances particulières ; elle doit être précise quant aux références textuelles auxquelles elle se base. De même, la décision ne peut se fonder sur des formules générales et ne donnant aucun renseignement précis. Par exemple, quand un particulier se voit refuser une autorisation, la motivation doit expliquer en quoi l’intéressé ne peut bénéficier d’un droit. Parfois, le juge attend des preuves de la part des services (ex : expulsion). Arrêt Beslari, CE 24/7/1981 : expulsion d’un étranger. « La présence de cet étranger est de nature à compromettre l’ordre public » ; il manque notamment des éléments de fait. Ici, le CE constate que les pouvoirs publics n’ont pas apporté les éléments de fait précis. Arrêt Abi, 1988.

IV) Décisions exécutoires

C’est la caractéristique des décisions administratives ; elles ont une force juridique qui s’impose aux particuliers. Pour être exécutoire (opposabilité), l’acte doit avoir une certaine

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publicité et doit être porté à la connaissance des administrés concernés.

Les règlements sont publiés : la publication se fait au JO. Lorsqu’il émane d’un Ministère particulier, il est publié au bulletin officiel ministériel compétent (ex : Education Nationale). On trouve également le recueil des actes administratifs dans un département donné. On trouve aussi une publication dans les journaux locaux qui se font en // avec un affichage en Mairie (double publicité de l’acte). Ces doubles publicités relèvent d’une obligation substantielle ; l’intérêt porte notamment sur la question des délais de recours (à compter de la publication de l’acte). Ce genre de problème a tellement été invoqué que le législateur est intervenu pour fixer une seule publicité (exemple : permis de construire, affichage unique sur le terrain).

Les décisions individuelles sont notifiées : elle se fait par lettre simple ou recommandée.

Un exemple jurisprudentiel montre le caractère complexe de ces règles de publicité : Arrêt CE, 7 Novembre1986, « Jouffre de la Pradelle » : le particulier a contesté la décision du CE sur un problème d’interprétation du délai de recours. Il est allé à la CEDH. Il s’agit d’une réglementation sur la classification de certains sites et espaces naturels. Le décret procédant au classement fait l’objet d’une publication ; la législation prévoie qu’il peut y avoir des notifications complémentaires aux habitants les enjoignant de n’utiliser les lieux d’une certaine manière (restrictions). Dans cet arrêt, il y a eu cette double publicité (publication et notification). Le particulier a pris comme point de départ la notification et non la publication ; le CE a estimé qu’il était forclos. La CEDH a sanctionné la France : « il y a des règles de délai applicable qui ne sont pas d’une clarté suffisante ».

Cela crée de l’aléa quant aux solutions retenues et donc de l’injustice.

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Concernant l’exécution des décisions administrations, celles-ci doivent être respectées par les particuliers.

Quelle conséquence en cas d’inexécution ?

L’Administration peut ordonner des sanctions pénales en cas d’inexécution. Il peut également y avoir des sanctions administratives.

Dans de rares cas, l’Administration peut recourir à l’exécution forcée ; elle est en principe interdite car l’Administration doit saisir le juge pour faire exécuter ses décisions.

Arrêt de 1902, conclusions du commissaire Romieu, TC « Société immobilière de Saint Juste », 2 Décembre 1902.

Quand peut-on recourir à l’exécution forcée ?

- Lorsque l’Administration est confrontée à un refus caractérisé d’exécuter l’acte.

- La loi peut autoriser le recours à l’exécution forcée :

o Réquisitions militaires ou la mise en fourrière d’un véhicule

o urgence caractérisée : il y a des justifications liées à la sauvegarde de l’ordre public.

o Quand il n’existe pas d’autres voies de droit pour faire exécuter la décision.

V) Disparition des décisions administratives

Il existe trois cas où une décision administrative peut disparaître :

- L’acte peut prévoir une durée de validité ; passé ce délai, l’acte devient caduque. Par exemple, les permis de

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construire ont une durée limitée à 3 ans puisqu’ils dépendent du POS (par définition mouvant).

- Une décision de Justice : elle peut venir annuler l’acte y compris de manière rétroactive.

- Sur décision de l’Administration : on trouve deux hypothèses ;

o Abrogation de la décision : l’Administration met fin aux effets d’un acte pour l’avenir sans remettre en cause les effets produits avant la décision d’abrogation.

o Retrait de la décision : l’Administration met fin globalement aux effets de l’acte tant en amont qu’en aval de la décision retirée. Se pose alors le problème de la sécurité juridique.

Dans ces deux hypothèses, il y a un certain parallélisme au niveau des compétences et procédures :

- La décision de retrait ou d’abrogation est prise par l’autorité compétente pour prendre la décision. Il y a des règles dérogatoires dans le cadre de la fonction publique (le supérieur hiérarchique peut se substituer à son subordonné).

- Les procédures suivies pour l’élaboration de la décision doivent également être respectées dans le cas du retrait et de l’abrogation.

L’Administration retire ces décisions souvent au nom du principe de légalité. Cette irrégularités peut apparaître dès le départ ou après l’adoption de l’acte.

Parfois, il y a une question d’opportunité motivé par l’intérêt général. Le but est d’offrir un meilleur service aux particuliers.

Règles de l’abrogation

Acte légal créateur de droit

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L’abrogation d’un acte légal est toujours possible par un acte contraire ; le nouveau règlement abroge l’ancien (pratique fréquente). Il s’agit ici d’une abrogation expresse ; la règle est qu’il n’y a pas de droit acquis au maintien d’un règlement. Cela est vrai même si le règlement en question a été prévu pour une certaine durée de validité et que l’Administration l’a abrogé avant terme. Dans ce cas, c’est souvent dans un but d’intérêt général, au non du principe de mutabilité des services publics.

CE, Arrêt Vannier, 27 Janvier 1961: modalité de la réception de la télévision. Les pouvoirs publics passent à un autre mode de réception obligeant certains particuliers à renouveler leur matériel. L’abrogation est acceptable même si la responsabilité de l’Etat pourra être mise en jeu.

Acte non créateur de droit

Lorsque les actes sont non créateurs de droit, l’Administration est libre de les abroger.

A forciori, lorsqu’une décision de Justice annule un acte individuel pris sur le fondement d’un acte règlementaire entaché d’illégalité : l’Administration doit abroger tout règlement illégal dès lors qu’un particulier fait une demande en ce sens. La base juridique est illégale (par exemple : violation d’un principe général du droit). La condition est qu’il n’y ait pas eu de droit créé à l’égard des tiers.

Il s’agit là d’une obligation lorsque la demande émane de particuliers ; théoriquement, l’Administration devrait le faire d’office. Cette obligation résulte de la hiérarchie des normes. Ainsi, lorsque des traités sont intégrés dans le droit interne (à la source d’actes dérivés), il y a obligation pour l’Administration d’abroger les règlements illégaux.

Arrêt CE, 13 Février 1989, Compagnie Alitalia : abrogation d’un règlement illégal suite à l’adoption d’un acte communautaire.

Bilan

Les actes n’ont pas vocation à être figés.

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Actes individuels

On les distingue selon qu’ils créent du droit ou non.

- Non créateur de droit : ils peuvent être abrogés par l’Administration. Par exemple, cela concerne le droit d’occupation du domaine public.

- Créateur de droit : ils ne peuvent en principe pas être abrogés. Il y a une intangibilité de ces actes. Néanmoins, la loi ou le règlement peut prévoir la possibilité d’abrogation. Par exemple, il y a le fait d’abroger la nomination d’un fonctionnaire pour insuffisance professionnelle dans l’intérêt du bon fonctionnement des services publics.

Règles de retrait

Lorsqu’il y a retrait d’un acte administratif, il est mis fin aux effets de celui-ci à partir du moment où cet acte est intervenu dans l’ordre juridique. Il y a alors annulation de cet acte.

Il convient d’opérer une distinction basé sur le rôle créateur de droit.

o Actes créateurs de droit : la jurisprudence du CE est intervenu très tot. CE, Dame Cachet, 3 Novembre 1922 : ici, le retrait ne peut intervenir qu’à deux conditions :

Acte illégal

Retrait intervenant dans les délais du recours contentieux (2 mois à compter de la publication ou de la notification).

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Après quelques hésitations, il y a eu fin à une période d’imprécision jurisprudentiel :

CE, Arrêt Ternon, 26 Octobre 2001 : l’Administration peut retirer une décision inividuelle explicite, créatrice de droit, si elle est illégale et dans le délai de 4 mois suivant la prise de décision.

Avec cette jurisprudence, on a les différents critères opérants.

Apport législatif

La loi du 12 Avril 2000 avait prévu que les décisions irrégulières, créatrices de droit et implicites peuvent être retirées dans le délai de 2 mois à compter du jour où elles étaient intervenu.

En cas de recours, le retrait peut se faire pendant la durée de l’instance.

A contrario, les décisions obtenues par fraude peuvent être retirées à tout moment et sans condition de délai.

Pour les actes non créateurs de droit, le retrait peut toujours avoir lieu sans condition de délai ou d’auteur de la demande.

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Section 2) Les actes de Gouvernement

Ils constituent une catégorie spécifique d’actes administratifs. Ils dérogent aux principes généraux des actes administratifs. Notamment, ils sont insusceptibles de recours devant le juge administratif.

Néanmoins, le juge administratif n’a eu de cesse de réduire cette catégorie d’actes au profit des libertés des citoyens.

§1) Présentation académique de la notion

Le juge administratif (notamment CE, « Prince Napoléon », 1875) va mettre un terme à la notion d’actes politiques qui permettait de justifier l’incompétence du juge administratif pour apprécier cette catégorie d’actes.

A partir de 1875, le juge administratif s’estime compétent même si le pouvoir exécutif justifie, sur un fondement politique, la prise de décision. Cet arrêt est symbolique du rejet de l’incompétence invoquée par l’Administration.

Au cours du XIX° siècle, le CE avait admis cette «Théorie du Mobile Politique » ; par exemple, arrêt Duc d’Omal (1867), est intervenu la saisie d’ouvrage du Duc d’Omal. Ce dernier a fait un recours devant le CE. Celui-ci s’est déclaré incompétent. On a aussi « l’arrêt Lafitte » où un banquier réclame le paiement d’une dette. Le pouvoir en fonction a refusé de faire droit à sa requête.

Dans l’arrêt Prince Napoléon (cousin de Napoléon 3), le Général demande une réintégration. Un refus est avancé par le Ministère de la Guerre ; le CE prend en considération la requête et observe le fondement de la décision. Il rejette que l’exécutif invoque l’incompétence du juge (contemporaine de la loi de 1872). Le mobile politique n’est plus un argument permettant d’écarter la compétence du juge administratif.

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L’acte de Gouvernement sera par la suite présenté par le CE de manière peu synthétique ; il se borne à établir une liste permettant d’affirmer ce qui relève de la notion d’acte de Gouvernement. Il y a globalement deux grandes catégories d’actes de Gouvernement :

- Actes relatifs au rapport du pouvoir exécutif avec le pouvoir législatif :

- Actes mettant en cause la conduite des relations extérieures de la France :

Il y a donc une définition casuistique des actes de Gouvernement. Le but est de donner une certaine souplesse à cette notion. La définition se fait au cas par cas.

A) Les actes relatifs aux rapports entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif

On trouve notamment la procédure législative : par exemple, le

- refus du PM de déposer un projet de loi.

- De même, on trouve le refus du PM de proposer au Président de soumettre un référendum. Il s’agit là d’un acte de Gouvernement (CE, 26 Février 1992, Allain).

- En outre, le décret de promulgation d’une loi est considéré comme un acte de Gouvernement.

- Décret soumettant un projet de loi à référendum

- Exercice de l’article 16 de la Constitution

Dans tous ces cas de figure, il ne peut y avoir contestation devant le juge administratif.

B) Actes relatifs à la conduite des relations internationales

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Le CE estime que certains actes relèvent de cette conduite des relations extérieures. Ils ne peuvent donc faire l’objet d’une contestation devant le juge administratif ; on trouve :

- La procédure d’élaboration, signature et ratification de traités internationaux. Ce sont des actes de Gouvernement.

- Décisions de suspension d’un Traité ou d’une Convention internationale.

Par exemple, en 1995, le CE s’est estimé incompétent pour juger de la décision du Président Chirac quant aux essais nucléaires. Le CE a considéré qu’il s’agit là d’une suspension d’un moratoire international interdisant les essais nucléaires (CE, 29 Septembre 1995, Association Green Peace France).

- Décisions en vue de prendre position dans une organisation internationale : exemple, suspension de toute coopération avec l’Irak pendant la Première Guerre du Golfe. CE, 23 Septembre 1992, Arrêt Gisti : des étudiants irakiens se sont vus refuser l’inscription dans les Universités françaises

- Décision du Ministère des Affaires Etrangères refusant de délivrer un titre de séjour à un ressortissant étranger présent par la voie diplomatique.

Toute cette série d’actes ne peuvent être contestés devant le juge

Mais, il y a eu une tendance à admettre de plus en plus facilement des recours contre certains actes administratifs liés à la conduite des relations internationales. Il y a donc une politique jurisprudentiel tendant à restreindre cette catégorie d’actes de Gouvernement.

b) admission des recours de certains actes liés aux relations internationales

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- Le CE va recevoir les recours contre les actes administratifs dont il est allégué leur contradiction avec un traité ou avec un acte de droit dérivé de ces traités. Ceci est particulièrement affirmé dans la jurisprudence du CE ; dans l’arrêt Nicolo, le CE respecte la hiérarchie des normes (article 55) : « les traités ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserves de son application par l’autre Partie ». C’est la condition de réciprocité. Ici, le CE va contrôler les modalités d’introduction du traité dans le droit français (arrêt Villa) : acte de ratification, conditions régulières de publication. L’enjeu est la condition d’opposabilité du traité. Notons que la question de réciprocité n’est pas appréciée par le CE ; ce dernier renvoie cette question devant le Ministre des Affaires Etrangères (question préjudicielle). En fonction de la réponse du Ministre, le CE prendra une décision.

A ce tire, il convient de souligner l’Arrêt d’Assemblée du 9 Avril 1999, Arrêt Chevrolle-Benkeddach : ici, il s’agissait en l’occurrence de l’appréciation de l’application d’une coopération scientifique entre la France et l’Algérie. La requérante se prévalait d’un titre de Docteur en Médecine acquis en 1969 par une décision de l’Université d’Alger. En1962, des accords de coopération interviennent entre la France et l’Algérie comprenant une reconnaissance de diplôme.

La requérante porte sa question au CE ; celui-ci renvoie la question de récirpocité devant le Ministre des Affaires Etrangères. Pour ce dernier, le titre émis en 1969 ne relevait pas de la coopération : le CE renvoie la requérante à ses prétentions et s’abstient d’interprétation de ces considérations relevant des relations internationales.

- Question de l’interprétation des traités : si, dans les temps anciens de l’Histoire de la juridiction administrative, les juges se déclaraient incompétent, le CE estime désormais

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qu’il est compétent pour interpréter les traités dès lors qu’ils ne posent pas de doute. Il y a donc mise en avant de la Théorie de l’Acte Clair ; dès lors, le CE apprécie l’acte administratif par rapport au Traité.

Arrêt Wong Yu Kong : si l’acte est clair, le CE apprécie la régularité de l’acte par rapport à une norme d’ordre international.

A contrario en cas d’ambiguïté, le CE opère un renvoi préjudiciel. Il pose alors une question préjudicielle au Ministre des Affaires Etrangères. L’inconvénient est que la résolution d’une question de droit va dépendre de l’interprétation d’une autorité politique.

Ceci a donné lieu à une saisine de la CEDH (Arrêt de la CEDH, 24 Novembre 1994, Arrêt Beaumartin contre France) : la CEDH condamnera la France pour ingérence du pouvoir politique dans un processus juridictionnel (article 6 de la C°EDH).

Le CE va avoir une position évolutive sur cette question de l’interprétation des traités. Il a cherché à interpréter les actes internationaux qui comportaient des zones d’obscurité. S’il renvoie devant le Ministre des Affaires Etrangères, le CE ne s’estime pourtant pas lié par cet avis.

Concernant le droit européen, là aussi se pose le problème de l’interprétation des dispositions obscures. Théoriquement, l’interprétation des Traités relèvent de la CJCE. Il y a eu un conflit entre le CE et la CJCE : le CE a quelque peu renaclé à saisir la CJCE alors même qu’il aurait dû le faire au regard des traités constitutifs.

Néanmoins, la politique actuelle du CE est de renvoyer devant la CJUE si un problème sérieux d’interprétation se présente. Sur ce point, on constate une jurisprudence constante.

Jurisprudence « Arcelor Atlantique et autres » du 8 Février2007 : en transposant le droit communautaire, l’Administration peut copier mot pour mot la disposition

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communautaire. Dans ces conditions, et si l’acte communautaire est considéré comme violant les libertés fondamentales, le CE doit apprécier in fine la régularité de la directive européenne. Or, ce point relève théoriquement à la CJUE.

La directive contestée viole-t-elle les principes généraux partagés par l’Etat-membre et l’Union ?

C’est une question épineuse.

Si c’est le cas, le CE peut alors interpréter les dispositions. Ce n’est seulement qu’en cas de doute que le CE fait appel à la CJUE.

- Appréciation des Conventions internationales par rapport aux normes constitutionnelles :

Le CE va faire prévaloir, dans le contrôle des actes administratif, la Constitution par rapport à des normes internationales. Cela ressort dans l’Arrêt Koné, 3 Juillet 1996. Il permet d’empêcher d’extrader un particulier pour des mobiles politiques. En l’occurrence, l’interessé contestait un arrêté visant à l’extrader. L’arrêté d’extradition est attaqué par rapport au respect de la Constitution. Bien que touchant aux relations internationales (Conventions Internationales signées par la France), le CE va apprécier la requête de la personne en phase d’être extradé par rapport aux normes constitutionnelles.

Le CE a invoqué un élément contenu dans le Préambule de la Constitution de 1946 : pas d’extradition pour mobile politique.

A l’occasion de cet arrêt, le CE a fait sortir de ces textes datant de la III° République le principe de l’interdiction de l’extradition pour mobile politique. Le CE constate que l’acte relevant des relations internationales contrevient aux PFRLR.

Le CE conclut à l’annulation de l’acte à valeur international.

- Théorie de l’Acte Détachable des Relations Internationales :

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Certes, l’acte est pris dans le cadre des relations internationales ; toutefois, sur le plan intelectuel, il peut être détaché des relations internationales : le recours peut s’effectuer devant le juge administratif.

Il s’agit par exemple des actes administratifs d’occupation de territoire au profit d’ambassades et de Consulats.

Arrêt ? (ambassade du Viet Nam) : même s’il s’agit de relations diplomatiques, les actions de l’Ambassade n’échappent pas au droit français. Le Ce considère qu’il s’agit d’un acte détachable des relations diplomatiques. La requête peut donc être accueillie par le CE.

De même, ont été détachés des relations internationales, les décrets d’extradition. Depuis 1937, le CE estime que ne font pas parties des actes de Gouvernement les décrets accordant, à un Etat étranger, l’extradition d’un de ses ressortissants.

Ici, l’idée est de pouvoir défendre les droits de la personne ; le particulier à extrader sera soumis à la rigueur du droit du pays dont il est ressortissant.

A contrario, le CE a considéré comme un acte de Gouvernement le refus de l’extradition. En effet, pour le CE il s’agit là d’éléments appartenant au jeu des relations internationales. Le CE a estimé qu’il n’a pas à interférer.

Mais, il y a eu une évolution en 1993 : CE, 15 Octobre 1993, R-U, Irlande du Nord, Colonie de Hong Kong. Ici, le CE s’est rendu compétent pour connaitre d’un recours contre un refus d’extradition opposé par la France aux autorités étrangères. Ces actes sont considérés comme détachables du jeu des relations internationales.

En revanche, tous les actes intervenant en amont de la décision d’extradition, relèvent de la catégorie d’actes de Gouvernement.

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§2) Le Président de la République et les actes de Gouvernement.

Il s’agit des actes de Gouvernement dans le cadre de l’exercice de l’article 16 de la Constitution.

Droit Administratif

Mme Rainaud Séance 8 Mardi 19 Octobre 2010

Deuxième critère : deux éléments peuvent convaincre de la nature administrative du contrat :

- Existence d’une clause exorbitante : c’est celle qui ne se trouve pas dans les contrats de droit privé. L’Administration dispose d’un grand nombre de prérogatives ; notamment, elle peut résilier, orienter le cocontractant. Elle conserve un droit de regard pour diriger l’autre partie.

On note un élargissement de la clause exorbitante. La Jurisprudence apprécie le « climat » qui encadre le contrat (Arrêt 10 Mai 1963 : Société Prospérité Fermière).

Par ailleurs, il peut y avoir des éléments extérieurs au contrat et qui lui donne une empreinte administrative. C’est notamment le cas concernant la Défense Nationale (CE, 23 Décembre192, « Société Générale d’Armement ».

Le CE est allé plus loin en reconnaissant le caractère administratif du contrat par référence à un régime juridique qui lui est applicable et qui est exorbitant (CE, 19 Janvier 1979, « Société d’exploitation électrique de la rivière du Sant »).

Ici, il s’agissait d’un contrat passé par EDF avec des producteurs privés d’électricité. En vertu du cahier des charges, EDF avait l’obligation de rachat de la production et, en cas de

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litige, le Ministre doit préalablement trancher le conflit. Pour le CE, du fait du régime exorbitant caractérisant ce contrat, celui-ci ne pouvait avoir qu’une nature administrative (compétence du juge administratif).

B) le lien avec le service public

La Jurisprudence a exprimé le rapport pouvant exister entre le contrat et le service public. Deux arrêts emploient des formules qui soulignent ce lien.

a) « Le contrat a pour objet de confier l’exécution même d’un service public »

« Arrêt époux Bertun » : pour le CE, le contrat permet de confier l’exécution même du service public à des particuliers (pourvoir à l’alimentation de rapatriés). Cette formule n’a jamais été remise en cause.

b) « le contrat constitue l’une des modalités d’exécution du service public »

CE, Arrêt Grimoire, 20 Avril 1956 : l’Administration procédait elle-même à des opérations de reboisement sur des terrains privés moyennant un contrat qu’elle passait avec des personnes privées.

Il y a, non pas une participation de personnes privées à l’exécution d’un service public ; le contrat est l’une des modalités d’exécution du service public. C’est une forme d’association des personnes privées sans qu’elles interviennent directement.

Cela a permis de consacrer à nouveau le principe de service public.

c) « les contrats comportant une participation directe du cocontractant à l’exécution du service public »

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TC, Dame Veuve Mazerand, 25 Novembre 1963 : litige entre elle et une commune l’ayant embauché pour deux types de fonctions (femme de service dans une école et rôle de garderie). Lorsqu’elle intervient, les deux contrats sont-ils identiques ?

Pour le TC, non : les deux fonctions ne relèvent pas d’une mission de service public. La compétence revient au juge judiciaire.

Cet arrêt a été contesté.

On n’a pu assister à un revirement qu’à partir de 1996 avec l’affaire Berkani, TC, 25 Mars 1996 « préfet de région Rhône Alpes contre Berkani.

Désormais, tous les agents des services publics administratifs ont la qualité d’agents publics quelque soit l’objet du contrat. En cas de litige, la compétence revient au juge administratif.

Cette Jurisprudence a été étendue au travail temporaire (TC 2 Mars 2009, Madame Desbordes contre Ministre de la Défense). Compétence du juge administratif.

Section 2) Régime des contrats administratifs

En pratique, on s’intéresse à leur exécution. Ici, il y a une spécificité : l’Administration dispose de pouvoirs particulièrement étendus et qui n’ont pas lieu d’être dans des contrats de droit privé.

L’Administration peut se délier et modifier les clauses. Ici, les conventions ne tiennent pas forcément lieu de lois à l’égard des parties. L’Administration peut prendre certaines libertés. Ces pouvoirs sont justifiés par l’intérêt général du service public.

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Toutefois, l’Administration doit apporter un certain nombre de contreparties : notamment, il existe des droits que peuvent faire prévaloir les cocontractants.

§1) Etendue des pouvoirs de l’Administration

A) Prérogatives de l’Administration sur l’exécution des contrats

L’Administration détient par principe quatre pouvoirs principaux même si aucune clause ne les mentionne. Ils sont inhérents aux contrats administratifs. L’Administration ne peut y renoncer (CE, 2 Février 1983, « Union des Transports Publics Urbains et Régionaux).

1) Le pouvoir d’exiger l’exécution personnelle du contrat par le cocontractant

Le cocontractant doit exécuter lui-même le contrat. En conséquence, cela peut poser des problèmes pour l’Administration s’il y a des changements de personne notamment du fait de la cession d’une partie du capital de l’entreprise.

CE, 31 Juillet 1996, Société des Téléférique du Mont Blanc » : du fait du changement de capital, l’entreprise est contrôlée par la commune voisine. Pour le CE, il y a un risque de conflit d’intérêt. La société ne présente plus les mêmes garanties qu’à la signature du contrat.

Cette règle signifie que le « commerce » des marchés publics est strictement réglementé même si des assouplissements sont prévus en cas de sous-traitance. Une des difficultés est qu’il y a une immixtion du droit communautaire. La CJCE, 94, considère que la mise à l’écart d’un candidat au motif qu’il n’avait pas l’intention d’exécuter lui-même le contrat, est contraire au droit communautaire (règles de libre concurrence)

2) Pouvoir de direction et de contrôle

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A tout moment, l’Administration peut intervenir pour donner des « ordres de service » ; ce sont des directives à mettre en œuvre quant à la manière d’exécuter le contrat. Ces ordres de service doivent être respectés même s’ils contreviennent aux stipulations du contrat. Le cocontractant a donc des obligations de résultat et de moyen. C’est une sorte de « pouvoir hiérarchique » qui se manifeste.

Ce pouvoir de surveillance est illustré par l’existence d’un cahier des charges qui peut être de deux types :

- Cahier des charges générales :

o Administratives

o Techniques

- Cahier des charges particulières

o Technique : précision sur les matériaux par exemple.

Dans certains cas, ces cahiers des charges sont totalement imposés aux cocontractants. Notamment, c’est le cas lorsqu’il est rédigé par l’Administration et rendu obligatoire par un décret Ministériel.

Ici, le cahier des charges est tellement directif que le juge considère qu’il s’agit d’une décision administrative ; le cocontractant pourra faire un recours en annulation comme pour un acte administratif règlementaire (CE, 2 Juillet 1982, « Conseil National de l’ordre des Architectes »).

3) Pouvoir de modification unilatérale du contrat

Ce pouvoir appartient à l’Administration quelque soit le type de contrat (concession, marché public, contrat de partenariat). Il y a une controverse doctrinale sur ce point. La spécificité de concession est de s’échelonner sur une longue période ; la personne privée investit des fonds importants. On pourrait penser qu’il lui faut un temps suffisant à l’amortissement ; d’où ce pouvoir.

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Pour la Jurisprudence, ce pouvoir concerne tous les types de contrat.

CE, 21 Mars 1910, Compagnie Générale Française des Tramways : l’autorité concédante a modifié les horaires du concessionnaire. A partir de cet arrêt, est reconnu le pouvoir de modification unilatérale des obligations contractuelles par l’Administration. Le fondement est la satisfaction de l’intérêt général pour assurer la continuité du service public.

L’Administration est seule à apprécier l’intérêt général et le bienfondé de la modification.

Ce principe de modification se traduit par l’idée de mutabilité des contrats administratifs. Elle correspond à la mutabilité du service public.

Atténuation de ce pouvoir

- Il ne peut s’exercer que sur les clauses intéressant le service public et les besoins du service public. En effet, cette considération justifie les modifications des obligations. Il existe une contrepartie financière permettant de préserver l’équilibre (« équation financière » Rapporteur Blum).

- Utilisation raisonnable : à défaut, un usage immodéré serait fautif et conduirait à dénaturer le contrat primitif.

- Exercice dans l’intérêt général

Lorsque certains contrats sont entièrement déterminés par la voie législative et règlementaire, le pouvoir de modification unilatérale ne peut se faire que si, préalablement, les règles législatives et règlementaires sont elles-mêmes modifiées au nom de la hiérarchie des normes.

CE, 6 Mai 1985, Ministre des PTT contre Ricard : les modifications n’entrent pas dans le cadre du Code des PTT. L’Administration est limitée par le cadre juridique préexistant au contrat.

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4) Pouvoir de sanction de l’Administration

Il est significatif des pouvoirs exorbitants de l’Administration. Ce pouvoir de sanction intervient en cas de mauvaise exécution. Il existe même lorsque le contrat ne le prévoit pas (CE, 31 Mai1907, Déplanque).

Ce pouvoir peut se réaliser d’office sans passer par un juge. Ce pouvoir se manifeste nonobstant l’existence d’un autre type de sanction. Rien n’empêche l’Administration de choisir une sanction extérieure à celles prévues dans le contrat. Ces sanctions doivent néanmoins être prononcées dans une certaine limite :

- Respect des droits de la défense

- Mise en demeure adressée par l’Administration

Le cocontractant doit pouvoir faire valoir des arguments expliquant l’inexécution du contrat. Si rien n’évolue, il y a alors possibilité d’exercer la sanction. Celle-ci peut être de deux natures :

- Pécuniaire : c’est une forme d’amende, des dommages et intérêts.

- Coercitive : elle exprime une contrainte (ex : mise sous séquestre, mise en régie du service public). Il peut également y avoir une déchéance ; celle-ci impliquera nécessairement le recours au juge.

B) Pouvoir de l’Administration sur la durée du contrat

Traditionnellement, le contrat prend fin lorsque l’ensemble des obligations sont réalisées ou conformément aux conditions du contrat. Dans la très grande majorité des cas, l’extinction se fait sans qu’il y ait de problème particulier.

1) La résiliation-sanction

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Elle constitue la sanction la plus grave. Il faut alors qu’il y ait une faute lourde de la part du cocontractant (volonté caractérisée de ne pas assurer l’obligation contractuelle). Cette déchéance ne peut être prononcée d’office ; elle suppose que l’Administration s’adresse au juge.

Cette résiliation peut parfois s’accompagner de sanctions pécuniaires en cas de préjudice pour l’Administration.

L’intérêt du recours au juge est la vérification de l’absence de faute de la part de l’Administration quant à cette décision.

Parfois, l’Administration résilie le contrat en invoquant la carence du cocontractant. Or, celle-ci peut s’expliquer par le retard du paiement de la part de l’Administration. Dès lors, l’attitude fautive préalable de l’Administration explique le non respect du contrat. Ainsi, la résiliation sera reconnue au tort de l’Administration (CE 2 Janvier 1957, Société Lancerey).

2) Intérêt général

Il peut justifier la résiliation. Dans ce cas, il y a une résiliation du contrat alors même qu’aucune faute du cocontractant n’est à mettre en exergue. Il y a là le souci de satisfaire l’intérêt général.

CE, 2 Mai 1958, Distillerie de Magnac Laval : économie des fonds publics= but d’intérêt général.

Ici, le cocontractant sera intégralement indemnisé.

Cette résiliation existe toujours même si elle n’a pas été prévue dans une des clauses du contrat. L’Etat ne peut contractuellement renoncer à cette faculté.

Cette décision n’a pas à être motivée.

Toutefois, une contestation est possible devant le juge ; dès lors, celui-ci vérifie l’existence de l’intérêt général (CE, 2 Février 1987, Société TV6 et autres). Le CE estime que le fondement de la décision de l’Etat n’est qu’un projet de loi ; en conséquence, l’Etat se voit sanctionné par cette résiliation abusive.

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3) Résiliation pour inexécution non fautive des obligations contractuelles

Le cocontractant ne peut honorer ses obligations ; c’est le cas par exemple en cas de dépôt de bilan ou de liquidation judiciaire (CE, Société des Téléfériques du Mont Blanc).

4) Résiliation pour force majeure

La durée du contrat s’abrège en cas de survenance d’un cas de force majeure ; il s’agit d’un événement irrésistible, imprévisible et extérieur à la volonté des parties.

CE, 29 Janvier 1909, Compagnie des Messageries Maritimes : ici, la grève des états-majors de la Marine Marchande était la cause de l’inexécution du contrat. Or, la Compagnie était totalement extérieure à la grève (le CE admet rarement la force majeure).

CE, 5 Novembre 1982, Société Propétrole : La société a invoqué la Théorie de l’imprévision (différente de la Force Majeure). Avec cet arrêt, on a une illustration de la réticence du CE de reconnaître la force majeure. Si l’Administration a des pouvoirs, a contrario, les particuliers ont également des droits.

§2) Droits des cocontractants

Globalement, l’Administration est astreinte à des obligations financières qui se manifestent pour respecter l’équilibre du contrat. En outre, l’Administration doit assurer à son cocontractant le paiement du prix pour la prestation qu’il doit assurer. De plus, en cas d’obligation nouvelle à l’initiative de l’Administration, il faut indemniser le cocontractant.

A) Le droit du cocontractant au paiement du prix

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Le cocontractant a droit au paiement du prix initial tel que convenu. L’Administration doit honorer une obligation.

Cependant, le paiement du prix peut se manifester de manière variable en fonction du type de contrat en cause :

- Marché de fourniture, marché de service : la situation est comparable à celle du droit privé. L’Administration paye le prix une fois la prestation réalisée.

- Marché de travaux publics : ils impliquent un investissement important de la part du cocontractant. Ici, deux éléments sont à considérer :

o La règle de la comptabilité publique : le paiement se fait après que le service soit rendu

o Spécificité des marchés publics : parfois le cocontractant est amené à réaliser des prêts bancaires. Il est alors logique qu’il répercute sur le prix les frais liés à ces prêts. Pour éviter ce genre de situation, l’Administration peut procéder à des règlements partiels (acomptes, avances). Cela permet d’aider le cocontractant.

- Concessions de service public : ici, il y a une rémunération qui se fait grâce à la redevance prélevée sur les usagers (exemple : autoroute). La concession suppose une durée importante de manière à ce que l’entrepreneur puisse amortir son investissement. D’où de longues concessions (50 ans). Si l’Administration veut mettre un terme à la concession avant la fin du contrat, elle va devoir déterminer un prix au prorata des années restantes, les investissements effectués. C’est une question délicate.

B) L’obligation d’indemniser le cocontractant

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L’Administration doit remédier à un déséquilibre consécutif à une modification du contrat. Cette obligation se retrouve dans deux hypothèses :

- Suite à un déséquilibre imputable aux cocontractants

- Suite à un déséquilibre extérieur aux cocontractants

1) Obligation d’indemniser du fait des parties

Théorie des travaux supplémentaires

Cette théorie ne vaut que pour les travaux publics. En effet, on observe une augmentation de la charge des obligations pour plusieurs raisons :

- L’Administration exige des travaux supplémentaires dans l’intérêt général. Le cocontractant est tenu de réaliser ces travaux. Bien entendu, l’Administration assurera financièrement cette augmentation.

- Travaux spontanément réalisés par le cocontractant de l’Administration : ces travaux sont indispensables pour réaliser l’ouvrage dans les règles de l’art. Dans ce cas, on note l’exigence de travaux réellement indispensables.

CE, 17 Octobre 1975, « Commune de Canary » : de sa propre autorité, l’entreprise réalise des travaux supplémentaires. Le CE renvoie l’entreprise à ses prétentions en considérant que les travaux n’étaient pas indispensables.

Théorie des sujétions imprévues

Il s’agit des difficultés matérielles rencontrées pour l’exécution du marché. Trois conditions sont requises pour retenir ces difficultés :

- Exceptionnelles

- Imprévisibles

- Extérieures aux parties

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CE, 2003, Commune de Lens : ici, on constate qu’il n’y a pas réunion de ces conditions. La Fédération Française de Football exige des prestations supplémentaires ; en outre, le Conseil Régionale y ajoute de nouvelles exigences. Toutefois, le CE estime que la cause n’est pas extérieure aux parties.

Théorie du fait du prince

Ici, c’est le cas où des charges contractuelles sont aggravées par l’Administration au titre de prérogatives autres que celles tirées du contrat. Par exemple, du fait du pouvoir de réglementation de l’Administration, celle-ci peut prendre des décisions aggravant la charge du cocontractant. Deux conditions sont exigées :

- L’aggravation doit résulter d’une décision prise par la même personne publique ayant contracté.

- Cette mesure ne doit concerner qu’un nombre réduit de personnes (spécialement le cocontractant) ; on parle de « spécialité » du dommage.

2) Obligation d’indemniser résultant de faits extérieurs aux parties

Ici, a été développée la Théorie de l’imprévision dont l’application reste très rare (en cas de guerre, guerre civile, émeute). Avec cette théorie, la personne publique souhaite, malgré les difficultés extérieures, maintenir l’exécution du service public.

Dès lors, les cocontractants vont devoir continuer à assurer leurs obligations. Cela justifie une indemnisation. Notons que cette théorie a été systématisée dans le prolongement de la Seconde Guerre Mondiale.

CE, 30 Mars 1916 : Compagnie Générale d’éclairage du Gaz de Bordeaux. Le CE met en avant la théorie de l’imprévision en

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vertu de laquelle l’Administration doit aider le cocontractant à maintenir sa prestation. Il pose trois conditions :

- Les circonstances excèdent les aléas économiques et commerciaux normaux. Ces circonstances revêtent un caractère :

o Imprévisible

o Excédant la prévision des parties

- Etranger aux cocontractants

- De bouleversement du contrat

Dès lors que sont réunies ces conditions, la conséquence est l’indemnisation par l’Administration. Celle-ci est extracontractuelle et liée à l’imprévision.

Pour déterminer le montant de l’indemnisation, il va falloir évaluer la durée de l’imprévision. En outre, il faut calculer le surcoût financier qui est lié. Enfin, il existe un partage entre l’Administration et l’entreprise bien que l’Administration assume généralement la grande majorité du surcoût (90%).

L’Administration ne peut se défaire contractuellement de cette obligation.

Enfin, cette théorie suppose que l’imprévision est limitée dans le temps. A défaut, on retombe dans le cas de la force majeure (CE, 1932, Compagnie des Tramways de Cherbourg).

CE, 14 Juin 2000, Commune de Staffelfelden : il était question de la pollution de la source de captage des eaux pluviales. Cette pollution ayant conduit une interdiction d’exploiter de 200 ans, le CE a retenu la force majeure.

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Sous- partie 2) Les formes de l’action administrative : la police administrative et le service public

Ces deux formes d’action administrative reflètent chacune une conception de l’interventionnisme de l’Etat.

Dans le cas de la police administrative, il s’agit de la conception de l’Etat-gendarme dans laquelle l’Etat aurait pour mission de réglementer les différentes activités humaines.

En ce qui concerne le service public, l’Etat est également interventionniste. En effet, par le biais des services publics, il assure des prestations de manière à satisfaire des créances dont les citoyens seraient débiteurs. Il y a également des services publics se développant du fait de la conception de l’Etat par les pouvoirs publics (en fonction des couleurs politiques).

Néanmoins, ces deux formes ne sont pas forcément antagonistes ; ainsi peut-on considérer que la police administrative est également un service public de l’Etat. On peut toutefois rapprocher la notion de service public à celle de contrat alors que la police administrative témoigne d’une prérogative de puissance publique (surtout en période de tension).

Ce pouvoir de police administrative vise à garantir l’ordre public ; il risque d’y avoir une certaine atteinte aux libertés fondamentales. Dès lors, le juge peut intervenir afin de garantir un équilibre entre ces deux objectifs. Il doit pouvoir apprécier le contexte dans lequel sont prises certaines mesures de police administrative.

Il apparait ainsi que la police administrative est un pouvoir extrêmement fort de l’Etat. Ceci a conduit le CE (CE, 17 Juin 1932, Ville de Castel Nodary) à affirmer qu’un tel pouvoir ne peut être confié à des personnes privées.

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L’application des mesures de police administrative ne saurait faire l’objet d’un contrat (CE, 8 Mars 1985, « Association les amis de la Terre »).

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Chapitre 1 er ) la police administrative

Droit Administratif

Mme Rainaud Séance 9 Mardi 2 Novembre 2010

Section 1) lien entre police administrative et ordre public

En effet, le but de la police administrative est d’éviter une atteinte à l’ordre public. Or, ces mesures de police peuvent porter elle-même atteinte aux libertés. D’où un contrôle de ces mesures (section 2).

Le juge administratif a admis depuis longtemps que le pouvoir exécutif pouvait prendre des mesures règlementaires générales pour sauvegarder l’ordre public. En même temps, on sait que la Constitution de 1958 fait du législateur l’autorité qui doit protéger les libertés publiques (article 34 de la Constitution).

Ainsi, on pouvait imaginer qu’un parallélisme des formes soit nécessaire pour toute mesure venant limiter les libertés publiques. La Constitution n’a pas remis en cause le pouvoir de police administrative reconnu à l’exécutif (CE,17/02 1978, Arrêt Association dite Comité pour léguer l’esprit de résistance) : l’article 34 de la C° n’a pas retiré au Président les attributions de Police qu’il exerçait antérieurement.

Il est vrai que nombre de textes de lois ont été développés ; par exemple, on trouve un texte concernant la prévention des actes de terrorisme. L’exécutif détient de larges prérogatives concernant la prévention des actes de terrorisme (soutien de la majorité politique).

Ainsi, deux éléments importants sont à relever :

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- Caractère préventif de l’intervention de l’exécutif : la Police Administrative est caractérisée par son caractère préventif.

- Finalité d’ordre public : elle a une dimension extrêmement large. Cela permet de justifier beaucoup de mesure de police administrative.

§1) Le caractère préventif de la Police Administrative

Elle cherche à prévenir la manifestation d’un trouble à l’ordre public. C’est une action en amont de l’événement. On trouve de nombreuses illustrations dans des secteurs pertinents (terrorisme). Mais, on trouve aussi le trouble « banal » ; par exemple, on peut imposer des règles de limitation de vitesse pour éviter des accidents de la route. Le but premier est la sécurité. De même, le fait d’imposer un examen de permis de conduire fait partie des mesures de police administrative. Il n’y a aucune infraction qui n’est prise en compte à ce niveau.

A contrario, lorsque l’opération de police vise à constater une infraction (rassembler des indices, rechercher les auteurs), la mesure de Police est répressive ; elle intervient en aval de l’infraction. Dans ce cas, on parle de police judiciaire. Ceci a une conséquence sur le plan de la répartition de compétence et de l’application du droit.

Police Administrative compétence du juge administratifdroit administratif

Police Judiciairecompétence du juge judiciaire droit privé

En cas d’hésitation, le juge saisi recherche quelle est la finalité poursuivie par la mesure de police en question, quelles sont les intentions de l’auteur de la mesure. Le juge peut parfois être amené à vérifier la base juridique sur laquelle se fonde les pouvoirs publics pour agir. Il ne suffit pas d’invoquer un texte

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pour en déduire la nature de la mesure de police ; le juge se livre à une appréciation des circonstances de l’espèce et de la motivation poursuivie par les agents.

CE, 24/06/1960, Société Frampar : à l’occasion de saisie de journaux en Algérie, le Préfet a pris sa décision sur la base d’une décision ministérielle basée sur le droit pénal ; elle permet de poursuivre des malfaiteurs portant atteinte à la souveraineté et à la sécurité de l’Etat. Sur ce fondement, la tradition a été de donner compétence au juge judiciaire.

Dans cet arrêt, le CE remet en cause ce fondement. Il va se mettre dans les conditions de l’espèce ; en l’occurrence, il ne s’agit pas d’une mesure de police judiciaire. Certes, les journaux ont été saisis pour prévenir une émeute. Ainsi, le CE estime que le but étant préventif, il s’agit d’une mesure de Police Administratif dont la compétence revient au juge administratif. Au final, les arrêtés du Préfet sont annulés.

Dans certains cas, le doute n’est pas permis.

Néanmoins, dans certaines circonstances, la situation est moins claire. Une même opération de police peut changer de nature en fonction de la survenance de circonstances.

Arrêt Demoiselle Motche, TC, 16/12/1977 : il y avait eu ici une opération de Police Administrative (contrôle de police). L’individu force le barrage et blesse quelqu’un. Cette victime doit s’adresser au juge judiciaire ; en effet, la commission d’une infraction permet un changement de la nature de la mesure de police. Il est question de répression et non plus de prévention. La compétence revient au juge judiciaire.

c/c : une même opération peut changer de nature.

Ce cumul de nature des mesures de police : pour le TC, il faut tenir compte de l’opération de police ayant joué un rôle primordial (incidence sur les dommages et intérêts)/

TC, 12/6/1978, Arrêt Société le Profil : il y a recherche de l’opération essentiellement à l’origine du dommage. Ici, une

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société transportant des fonds était escortée par des forces de police qui intervenaient en tant que police administrative. A l’occasion d’un braquage, une des personnes se trouve blessée. Se pose alors la question des dommages et intérêts.

La société souhaite engager la responsabilité de l’Etat pour la mauvaise organisation de l’opération ; en outre, était contestée l’inaction des forces de police après la survenue du braquage.

Pour le TC, il faut s’intéresser à la mesure la plus déterminante ; en l’occurrence, il estime que la dimension prévention a été déficiente. Dès lors, c’est le juge administratif qui est compétent pour déterminer la question des dommages et intérêts.

§2) La garantie de l’ordre public

Il s’agit du but fondamental de la mesure de police administrative.

Les distinctions faites par la suite concernent :

- Les mesures de police générale

- Les mesures de police spéciale

A) Le contenu de la notion

Cette notion d’ordre public comprend historiquement trois composantes :

- La sécurité :

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- La salubrité :

- La tranquillité publique :

Cette conception s’est dégagée au cours du XIX° siècle ; notamment, elle a été inscrite dans la loi municipale de 1884 concernant l’organisation communale. Cette conception s’est maintenue ; elle est retranscrite dans le Code Général des Collectivités Territoriales. Il donne une illustration des nombreuses compétences du Maire à propos de la notion d’ordre public.

En effet, le Maire va donc être compétent pour tout ce qui intéresse la sécurité et la commodité de passage ; cela amène une compétence pour le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements et dépôts. Il y a également une compétence pour les édifices menaçant ruines sur la commune. En outre, il y a une compétence pour interdire d’exposer aux fenêtres des objets pouvant engendrer dans leur chute des dommages.

Outre ces éléments, on trouve la compétence pour maintenir la tranquillité publique ; le but est d’éviter les rixes, les rassemblements nocturnes, etc. D’où des arrêtés municipaux qui vont dans ce sens.

La notion d’ordre public permet de règlementer très largement.

De même, on trouve les règlementations touchant à la question de la salubrité et de la qualité des marchandises vendus(marchés, foires). On trouve la règlementation concernant la fermeture annuelle des boulangeries.

Ces compétences basiques ont de nombreuses déclinaisons. On trouve la prévention des risques naturels. D’où une règlementation d’urbanisme qui s’en inspirent.

L’ordre public permet d’avoir une compétence extrêmement large au profit de l’autorité municipale. Cette compétence se manifeste aussi bien au niveau local que national ; en effet, à l’occasion des émeutes de 2005, le Gouvernement a adopté

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l’état d’urgence par décret. Au-delà de 12 jours, le législateur a dû se prononcer sur cette prolongation en tant que garant des libertés individuelles. Cette mesure a fait l’objet d’une contestation en référé ; le Conseil d’Etat a été saisi par un collectif demandant au Président de la République de faire cesser l’état d’urgence. Pour le Conseil d’Etat (ordonnance 9/12/2005, Madame Allouache et autres), le Président de la République pouvait maintenir cet état d’urgence notamment dans le souci d’éviter une reprise des événements de contestation à l’occasion des fêtes de fin d’année (31 Décembre). Le refus du Président de la République n’était pas manifestement illégal au regard de ces attributions.

Le Conseil d’Etat a souligné que les circonstances ayant accompagné la décision d’état d’urgence n’étaient plus réunies ; néanmoins, l’intérêt de l’ordre public a justifié le maintien de ces mesures.

L’ordre public est une notion permettant d’appréhender un grand nombre de risques auxquels la société est confrontée ; par exemple, la prévention contre la grippe se rattache à cette notion de prévention. De même pour les règlementations concernant l’implantation d’antennes-relais pour la téléphonie mobiles, ou encore pour prévenir l’encéphalite spongiforme bovine, ou pour l’implantation des organismes génétiquement modifiés.

On voit qu’un grand nombre de questions relèvent de cette notion d’ordre public. Le champ n’a que très peu de limites en l’absence d’un texte de lois.

Illustrations des nombreuses finalités de l’ordre public

- Mesures visant l’esthétique : à travers la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques, ont pu être prises ces mesures. Notamment, c’est le cas de la construction d’immeubles dans des zones protégées (monuments historiques, lieux protégés). Ne sera sanctionnée par le juge que la mesure éloignée de l’objectif d’ordre public.

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Par exemple, un maire avait règlementé le type de monuments et de plantations dans un cimetière sous couvert d’objectifs de salubrité. L’arrêté s’est vu être annulé de par l’éloignement par rapport à l’ordre public.

- Mesures intégrant la notion de moralité : certaines activités peuvent menacer la tranquillité publique (émeutes par exemple). CE, diffusion de films. Des arrêtés municipaux, au nom de la moralité, ont interdit cette diffusion. Localement, des associations ont pesé sur le pouvoir municipal local. En l’occurrence, à Nice, on a eu un Arrêt Société Film Nutécia (CE, 18/12/1953) : ce film choquait la moralité publique. Ce sont ici les circonstances locales ont déterminés la décision d’interdiction : le Maire évoquait un « relâchement de la moralité ». Le Conseil d’Etat a reconnu la légalité de cet arrêté. Ce point de vue se justifie dans les lieux de pèlerinage. CE, 26/7/1985, Ville d’Aix en Pce contre Gaumont : il était question de l’interdiction de la diffusion du film « l’homme au pull over rouge ». L’affaire étant en cours de jugement, le film a été interdit dans la ville.

Arrêt Commune de Morsang sur Orge , CE, 27/10/1995 : appréciation de la légalité d’un arrêté municipal interdisant une attraction (lancer de nains) au nom de la dignité humaine. Le CE retient la légalité de l’arrêté sans se fonder sur la moindre circonstance locale. L’objectif de protection de la dignité humaine suffit à justifier la légalité de la mesure. Le Commissaire de Gouvernement souligne bien que le Maire va au-delà de ses pouvoirs ; cela dénote de la conception extensive de l’ordre public. Il s’agit d’un des buts à laquelle peut prétendre une mesure de police administrative.

Par tradition, le juge ne permet des interdictions limitées que dans la mesure où il y a une atteinte locale à la tranquillité publique.

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La Jurisprudence a régulièrement pu admettre la régularité d’arrêté au-delà de la triptyque ; sur ce point, on note plusieurs illustrations :

- CE, Chambre Syndicale des Marchands de vin : fermeture de lieux de débauche.

- Arrêt Boger : règlementation de la tenu des baigneurs

- Dénomination de lieux

- Interdiction de se promener torse nu à Nice

Lorsque le juge se prononce sur ce type de mesures, il doit tenir compte des arguments portés par la partie défenderesse. Dans l’Arrêt Morsang sur Orge, les personnes interdites de représentation alléguaient la liberté d’industrie et de commerce ; cette mesure porte atteinte à une liberté garantie par la loi. Ici, le principe de dignité humaine l’a emporté sur la liberté de commerce et d’industrie. Le juge est amené à faire une proportion.

CE, 22/6/1951, Arrêt Daudignac : ici, il est question de la contestation d’un arrêté Municipal nécessitant une autorisation pour exercer l’activité de photographe filmeur. L’Arrêté était si contraignant pour les requérants que le Conseil d’Etat a considéré que la mesure de police administrative ne pouvait atteindre à la liberté de commerce et d’industrie protégée par la loi. Pour le CE, l’arrêté était entaché d’illégalité.

La question s’est posé en ce qui concerne le port du casque ou le port de la ceinture.

- L’ordre public peut également revêtir une dimension économique. En effet, des mesures de police administrative peuvent avoir des impacts économiques et donc fausser le libre jeu de la concurrence. CE, 22/11/2000 : le CE a rendu un avis concernant la combinaison d’une mesure de police administrative avec des préoccupations d’ordre économique. Pour le CE, les autorités locales, lorsqu’elles règlementent, doivent en

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même temps apprécier la prise en compte de la conséquence économique de cette règlementation. Dans certaines zones urbaines (comme le centre ville), la règlementation restrictive de l’affichage peut avoir des conséquences sur le plan économique. Dès lors, le juge estime qu’il doit vérifier si l’autorité municipale a bien combiné l’impact de la mesure d’ordre public de police administrative. A défaut de cette prise en compte, le CE estime que la mesure de police administrative pourra être régulièrement annulée.

Notons l’influence croissante du droit communautaire sur ce point.

La mesure de police administrative est volontairement large et peut donc toucher de très nombreux secteurs d’activités ; ainsi, certaines d’entre elles ont pu faire l’objet de dispositions spécifiques.

D’où une distinction :

- Police administrative générale :

- Police administrative spéciale : on prend en charge un point particulier de l’ordre public. Par exemple, une mesure de police administrative d’un Maire peut concerner la pollution. Mais, certains aspects ont fait l’objet d’une règlementation spécifique ; c’est le cas par exemple des établissements industriels. Ainsi, il existe une police administrative spéciale pour les installations classées pour la protection de l’environnement. En général, on trouve des autorités compétentes spécifiques désignées par les textes.

B) Distinction entre police administrative générale et police administrative spéciale

La police administrative générale concerne l’ordre public dans ses très nombreuses facettes.

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A l’inverse, la mesure de police administrative spéciale est ciblée sur un aspect particulier ; par exemple, elle peut concerner certaines catégories de population (police administrative spéciale des étrangers, des nomades), certains lieux (gare, aéroport, stades de football), certaines activités (chasse, pêche, cinéma). La compétence échappe au Maire.

Notons qu’il y a un accroissement du nombre de polices administratives spéciales. Entre autre, l’abatage rituel dépend de la compétence du Ministre de l’intérieur.

Le problème juridique qui se pose est celui de la combinaison de ces polices.

Par principe, dans le cadre de la police spéciale, c’est l’autorité expressément désignée qui est compétente. En l’absence de l’autorité compétente, l’autorité de police administrative générale peut agir (par substitution). En dehors de cette hypothèse de carence, une autorité de police administrative générale peut intervenir de manière surabondante uniquement dans le sens d’une restriction ou d’une interdiction.

Arrêt Film Lutécia : la diffusion des films passent préalablement par un visa ministériel. Toutefois, de manière surabondante, le Maire a pu intervenir dans la mesure où des circonstances locales justifient l’interdiction.

CE, Commune de Vesoules, 10/03/1995 : ici, un arrêté municipal modifie le calendrier scolaire. L’arrêté attaqué était présenté comme irrégulier au sens où les textes prévoient un calendrier fixé par le Ministre. Or, le Maire prend un arrêté fermant les établissements scolaires. Le CE valide l’arrêté sur le fondement des circonstances locales (ramassage scolaire). Il s’agit d’une mesure plus sévère.

Avec cette combinaison de police spéciale et générale, c’est qu’une multitude d’autorités sont titulaires de ce pouvoir tant au niveau national que local.

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Au niveau local, cet enchevêtrement est complexe ; concernant la question de la circulation sur la voie publique, il existe une triple compétence :

- Maire

- Président du Conseil Général

- Préfet (en cas de carence des autres autorités)

Ces trois autorités peuvent intervenir sur cette même question. Parfois les Maires peuvent transférer leur compétence à l’autorité intercommunale.

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Section 2) Le contrôle des Mesures de police administrative

Il s’agit de l’équilibre délicat à trouver entre :

- L’ordre public

- Les libertés individuelles

En cas de contestation en ce qui concerne la légalité et les conséquences financières, le juge va exercer un contrôle en examinant les différents éléments caractérisant la décision de police administrative. Il se livre à l’analyse de l’ensemble des mesures constituant le contexte.

- Eventuelle atteinte des libertés : le juge s’interroge au niveau de la protection de cette liberté (loi, Constitution).

- Atteinte à l’ordre public : ici, il va opérer une distinction entre :

o Atteintes graves : terrorisme, atteintes aux biens, aux personnes, à la sûreté.

o Atteintes de moindre gravité : par exemple, se balader torse nu dans la rue.

- Nature des mesures de police administrative : il s’agit des moyens employés pour prévenir l’atteinte à l’ordre public. Ici, le juge se penche sur la proportionnalité par rapport au but poursuivi.

- Circonstances de fait : là encore, le juge opère une distinction entre :

o Une période « normale »

o Une période d’exception : notons que cette notion témoigne d’une tendance à l’élargissement (exemple : plan Vigipirate).

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§1) Illégalité des interdictions générales et absolues

Il convient de souligner le contrôle de la proportion entre :

- Le but poursuivi par la mesure de police administrative

- La liberté individuelle des citoyens

CE, 19 Mai 1933, « Arrêt Benjamin » : selon le Commissaire du Gouvernement, « la liberté est la règle, la restriction de police administrative l’exception ». Ici, le Maire avait purement et simplement interdit la tenue d’une conférence suite à de nombreuses protestations.

Le Conseil d’Etat annule cette mesure générale portant atteinte à une liberté de réunion protégée par le législateur. Les troubles allégués à l’ordre public ne justifiaient pas une telle interdiction. Le Maire aurait pu envisager de faire appel à la force publique pour contenir les contestations.

« Arrêt Action Française » : le Préfet de Police a pris une mesure trop générale (saisie d’un journal). Pour le Tribunal des Conflits, cette mesure était disproportionnée. D’autres mesures auraient pu être adoptées.

CE, 4 Mai 1984, « Arrêt Guez » : la règlementation empêchait les attractions musicales partout excepté dans cinq espaces. Le Conseil d’Etat était saisi pour une interdiction trop large. Il a sanctionné cet arrêt municipal tout en reconnaissant que cette mesure de police administrative était possible. Les dérogations n’étaient que trop limitées.

Le juge prend également en compte les circonstances.

§2) L’appréciation des circonstances de l’affaire

Le juge est amené à apprécier au cas par cas. Ces circonstances évoluent en fonction des lieux et des périodes.

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Dès 1919, le Conseil d’Etat (« Arrêt Dame Dom et Lanet) a mis en avant la Théorie des Circonstances Exceptionnelles. Ici, il s’agit de la contestation d’un arrêté municipal de la ville de Toulon. L’arrêté en question limitait l’accès de prostituées dans le but de protéger les militaires.

Une telle atteinte à la liberté de circulation était importante ; le Conseil d’Etat a avancé la Théorie des Circonstances Exceptionnelles (guerre, état de siège). Dès lors, les limites à la police administrative ne sont pas les mêmes.

CE, 19 Février 1909, « Arrêt Abbé Olivier » : cet arrêt s’inscrit dans un contexte de conflit religieux (séparation de l’Eglise et de l’Etat étant intervenue en 1905). Ici, on note une contestation d’un arrêté municipal interdisant toute manifestation religieuse sur la voie publique à l’occasion d’un enterrement. Or, l’abbé a tout de même mené un convoi religieux entre l’église et le cimetière en violation de l’arrêté municipal.

Le Conseil d’Etat apprécie la mesure de police administrative en fonction des faits ; ainsi, il a affirmé qu’il ne se prononcerait que sur la base des événements et des circonstances. Ainsi, le Conseil d’Etat considère :

- Comme légale la partie interdisant toute manifestation religieuse

- Comme devant être annulée l’interdiction de la procession à l’occasion d’un enterrement (référence à des « usages immémoriaux »).

Cette position se justifie de par les circonstances.

CE, 24 Octobre 1984, Arrêt Diabaté : il y est question de l’interdiction faite par un Maire d’exercer un commerce ambulant pendant une période limitée dans un périmètre délimité.

Le Conseil d’Etat va examiner s’il y a ou non une atteinte à la liberté de commerce et d’industrie. Au final, le Conseil d’Etat

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valide cet arrêté puisque certaines parties des rues sont ouvertes à la circulation et qu’il faut protéger les nombreux touristes.

CE, 8 Juin 2005, Arrêt Commune de Ouilles : il s’agit de l’implantation d’un sex shop contestée par une partie de la population. En effet, à proximité de ce commerce se trouvait des installations destinées à recevoir des enfants.

Néanmoins, la législation prévoyait que l’implantation devait respecter une distance limite de cent mètres par rapport aux établissements scolaires (en l’occurrence, c’est le cas).

Toutefois, pour le Conseil d’Etat, les circonstances locales permettent de justifier l’interdiction d’une telle implantation.

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Chapitre 2) Le Service Public

Le service public est une notion fondamentale du droit public. Pour la doctrine (Pr. Duguit), c’est une notion clé du droit administratif ; elle se justifie notamment quant à l’application d’un régime dérogatoire du droit privé. Ceci a conduit certains auteurs à conclure que le droit administratif est le droit des services publics.

Arrêt Banco du Tribunal des Conflits : le Tribunal des Conflits y fait référence pour justifier une responsabilité spécifique de l’Etat du fait des personnes qu’il emploie dans le cadre du service public. C’est l’occasion d’affirmer la compétence du juge administratif appliquant un droit dérogatoire.

Qu’est ce qu’une activité de service public ?

Le service public obéit à ses propres règles, on parle ainsi de « lois du service public ». Cette question amène à s’interroger sur les modalités d’exercice du service public.

Une personne privée peut-elle participer au service public ?

Cette notion de service public est-elle compatible avec le droit communautaire ?

Section 1) identification du service public

Le terme de « service public » doit être entendu au sens fonctionnel ; il s’agit d’une mission, d’une activité. Par extension, on désigne un établissement de service public. Cela amène à confondre l’activité et l’organe (SNCF, Poste, Air France).

Parfois, le législateur désigne une activité comme relevant du service public (exemple : Légifrance).

Néanmoins, lorsque ce n’est pas le cas, le juge intervient pour opérer cette qualification. Pour la Jurisprudence, trois critères cumulatifs se sont dégagés :

- Une mission correspondant à l’intérêt général

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- Un contrôle opéré par une personne public (directement ou non)

- Un régime issu du droit public : souvent caractérisé par des prérogatives de puissance publique.

CE, 28 Juin 1963, « Arrêt Narcy » : le Conseil d’Etat y met en exergue ces conditions.

§1) Une activité d’intérêt général

Le service public doit relever de l’intérêt général tant sur le plan local que national ; notons que cette notion est éminemment relative.

A) Une relativité de la notion

Cette idée varie dans le temps et dans l’espace. Ainsi, l’intérêt général n’impliquera pas forcément l’existence d’un service public.

L’intérêt général peut relever d’une personne privée. Cette notion va être appréciée par le Conseil d’Etat à l’occasion de contestations. Notamment, on se pose la question de la compétence.

CE, Arrêt Bossouit : l’organisation de course de chevaux ne relève pas de l’intérêt général.

En revanche, les activités sportives en font partie. On voit donc le caractère fluctuant de cette notion.

Il en va de même pour les décisions de loteries ; en effet, si le Conseil d’Etat a pu considérer (Arrêt Angrand, 14 Décembre 1948) que l’activité de vente de billets de loterie nationale pouvait être considérée comme relevant du service public, il a

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néanmoins estimé (Arrêt Rolin) que la mission de la Française des Jeux n’a pas le caractère d’un service public.

Il y a également appréciation des circonstances.

CE, Arrêt Ville de Royan : la construction et l’exploitation d’un casino est considérée comme relevant d’un service public en raison de sa participation au développement économique de la commune.

La personne publique dispose de trois possibilités :

- L’intérêt général est exercé par une personne privée de manière convenable

- L’initiative privé est encadrée par une règlementation de police administrative

- La personne publique intervient directement sur l’activité.

B) Le service public, reflet d’une conception volontariste de l’intérêt général

Droit Administratif

Mme Rainaud Séance 10 Mardi 9 Novembre 2010

Exam du 5 Janvier 2011 : commentaire d’arrêt ou cas pratique.

B) Le service public, reflet d’une conception volontariste de l’intérêt général

L’intérêt général correspond à ce que les personnes publiques considèrent comme répondant aux besoins de la population.

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C’est l’expression de la volonté générale formalisée par la puissance publique.

L’intérêt général reflète un certain parti pris de la part des élus (conception subjective). Il doit correspondre à la volonté de satisfaire des besoins.

Dès lors que l’intérêt général procède la volonté des personnes publiques, on peut constater de la permanente évolution de la notion. Certains services publics n’ont pas vocation à disparaître : Justice, Armée, Représentation Internationale. En revanche, certains services publics peuvent évoluer ou encore disparaître du fait de l’évolution économique et sociale d’une société (exemple : bains-douches municipaux).

A contrario, certains services publics peuvent apparaître comme dépendant de l’innovation technologique (télécom, internet). On retrouve aussi des services publics liés à des préoccupations nouvelles (comme l’environnement). Les services publics sociaux peuvent tendre à une réduction dans un contexte de rigueur budgétaire de l’Etat.

L’intérêt général ne suffit pas.

La mission doit également être exécutée par une personne publique ou sous sa surveillance.

§2) Une mission sous le contrôle d’une personne publique

Lorsqu’il y a un contrôle de la personne publique, cela signifie que la collectivité publique (nationale ou locale) ne souhaite pas abandonner la mission à l’initiative privée. La personne publique peut décider la gestion directe du service public (notamment par le mécanisme de la régie : CGCT).

Certaines missions de la personne publique sont aussi exclusives d’initiative privée. Ceci s’explique par la nécessité de maintenir intacte la souveraineté de l’Etat (exemple : service public de l’Armée).

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Le service public peut toutefois être confié à un organisme privé. Pour que la mission soit qualifiée de mission de service public, il faut que la personne publique conserve un droit de regard sur l’exercice de cette mission. L’illustration de ce lien peut varier selon les types de contrats ou selon les modalités de participation des personnes privées.

Illustrations

Par exemple, en cas de contrat, celui-ci doit contenir des clauses de supervision de l’activité (pouvoir de direction de la personne publique).

En outre, la personne privée peut être organiquement liée à la personne publique. C’est le cas lorsque la personne publique est à l’origine de la création de la personne privée.

CE, « Arrêt Narcy » : le législateur avait autorisé le Ministère de l’industrie à créer des centres techniques industriels (statut de droit privé) pour promouvoir le rendement et la qualité de l’industrie française. Dans ces conditions, il y a un droit de regard dans la constitution de ces groupements privés (Conseil d’Administration comprenant des représentants de l’Etat).

Par ailleurs, l’organisme privé peut être sous la tutelle d’un représentant de l’Etat. Dans « l’arrêt Narcy », le représentant de l’Etat est un Commissaire du Gouvernement disposant d’un droit de véto.

La personne publique peut posséder une partie du capital et peser sur les orientations de la personne privée (minorité de blocage).

La personne publique peut subvenir aux besoins financiers de la personne privée ; c’est le cas pour certaines associations. Ce lien financier conduit le juge administratif à considérer qu’il existe un contrôle de la personne privée.

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De même, la personne privée agissant dans la mission de service public peut disposer de prérogatives de puissance publique.

§3) existence de prérogatives de puissance publique

Dans le principe, l’existence de ces prérogatives montre que la mission de service public pourra être exercée selon un régime dérogatoire du droit commun. En vertu de la délégation ou de l’association au service public, la personne privée va disposer des prérogatives relevant normalement de la seule personne publique.

La personne privée pourra jouir de prérogatives d’action pouvant se manifester de diverses manières :

- Par exemple, la personne privée pourra prendre des décisions unilatérales.

- Dans le cadre de l’aménagement, un concessionnaire pourra mettre en œuvre une expropriation sur le fondement de cette gestion du service public.

- Une entreprise privée de TP peut décider d’entreposer du matériel sur des terrains privés.

- On trouve également le droit de fixer le prix de cotisation de la part de fédération chargée de mener à bien une mission de service public.

- Les personnes privées peuvent aussi disposer d’un pouvoir de sanction venant interdire l’accès aux stades pour certains usagers par exemple.

- Un pouvoir de sanction est reconnu à certains organismes à l’égard du domaine boursier.

Parfois, si un texte le prévoit, la personne privée peut bénéficier de la capacité de recouvrement de ses créances et imposer le

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versement de la contravention au même titre que pourrait le faire une personne publique.

Missions de service public témoignant d’une situation de monopole

Historiquement, le critère d’identification de service public est la situation de monopole pouvant bénéficier à certains organismes (exemple : pompes funèbres, FDJ).

Parfois, la Jurisprudence, par exception de l’existence de prérogatives de puissance publique, reconnait qu’un service public peut être identifié en l’absence de prérogatives de puissance publique si le système mis en place révèle la présence de la personne publique. Dès lors, le juge recherche une série d’indices permettant de témoigner de cette situation

CE, 20/07/1990, « Ville de Melun » : une association est chargée d’une mission de service public culturel. Le CE a estimé que l’association, au regard des différents indices, n’était qu’un démembrement de l’association. Parmi les critères retenus, on trouve :

- La création de l’association par la Commune

- L’intérêt général de la mission est manifeste : le but n’est pas la réalisation de profits mais de mener des missions culturelles.

- Le budget de cette association était fortement dépendant des aides de la ville qui représentait la part substantielle des recettes. Elle correspond à la totalité des dépenses de la Commune dans le domaine culturel.

- Le Président de l’association est le Maire de la Commune. Des Conseillers Municipaux font partie du Conseil d’Administration.

Même si l’association ne met pas en exergue des prérogatives de puissance publique, elle relève tout de même d’un régime de droit public.

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On note que c’est la même démarche, de la part du CE, dans l’appréciation de la nature du contrat administratif (régime dérogatoire du droit privé, « Sé des exploitants de la rivière du Sant).

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Section 2) distinction au sein du service public

§1) Différenciation en fonction de la nature du service public

Service public administratif et SPIC

Les services publics administratifs sont dominés par le droit public. Le juge administratif a considéré que le service public administratif se caractérise par une gestion publique ; par conséquent, la compétence revient au juge administratif. A l’époque de l’interventionnisme étatique, on a un élargissement de cette notion.

TC, Arrêt Société Commerciale de l’Ouest Africain : consécration de cette distinction entre service public à gestion publique et service public à gestion privée. L’exploitation étant assimilable à celle d’un industriel ordinaire, la compétence revient à l’ordre judiciaire.

A partir de cet arrêt est née cette distinction. C’est une source de crise du critère de service public.

Parfois, il se peut que le juge prenne appui sur l’intervention préalable du législateur. Celui-ci peut qualifier une mission de service public comme relevant de la gestion privée ou publique. Cette intervention du législateur est fort rare.

Le juge a alors recours à une méthode : « méthode du faisceau d’indices ». Le juge examine des indices. Lorsqu’ils convergent vers un même sens, ils permettent d’éclairer la qualification du service public.

Par principe, un service public est de nature administrative.

Néanmoins, un service public peut être qualifié d’industriel et commercial si trois indices convergent démontrant que l’activité est assumée selon les procédés de gestion privée :

- Objet du service : ici, le juge tient compte de la finalité du service en prenant en considération les opérations par lesquelles se concrétise l’exécution de la mission. Lorsque

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l’objet est la réalisation d’un bénéfice et que les opérations se rapprochent de celles d’une entreprise privée, le service public a plutôt tendance à se rapprocher d’un SPIC. A contrario, si l’idée de profit est absente et que les opérations correspondent à celles généralement suivies par l’administration, il y a une forte probabilité pour qu’il s’agisse d’un service public administratif.

- Financement du service : ici, le juge considère l’origine des ressources permettant de faire fonctionner le service public. S’il s’agit de redevances perçues sur l’usager du service public, le juge estime que l’activité concerne un SPIC. En revanche, quand le service public fonctionne grâce à des subventions, le juge administratif estime qu’il s’agit d’un service public administratif.

- Mode de fonctionnement du service : le juge va examiner les modalités de fonctionnement et notamment les procédés de gestion. Si le service fonctionne conformément à une entreprise privée, il s’agira d’un SPIC. Le juge se livre à une appréciation des plus concrètes des procédés de gestion.

De manière générale, rentre dans le cadre des services publics administratifs les cantines scolaires, les transports scolaires, les piscines municipales, les bibliothèques publics. A contrario, on a des activités de SPIC dans le cas de la distribution de l’eau, de l’électricité, les transports urbains, les ports de plaisance, les remontées mécaniques.

Si ces trois éléments montrent un parallèle avec l’entreprise privée, le juge pourra qualifier la mission comme relevant d’un SPIC.

Toutefois, il peut y avoir des fluctuations quant à cette appréciation des trois conditions.

Démarche du juge

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Il convient d’évoquer trois éléments :

- Présomption d’administrativité des services publics : le service public n’est, par principe, un service public administratif que si les trois éléments évoqués ne révèlent pas une gestion privée. Avis du 20/10/2000 du CE : le juge administratif doit se prononcer sur la nature impartie à l’établissement français du sang. Ici, le CE a considéré que celui-ci gérait un service public administratif notamment parce que l’objet même est une mission de santé publique.

- Cet objet a permis d’emporter la qualification de service public administratif quand bien même son fonctionnement serait semblable aux rapports constatés dans les entreprises privées. En outre, son mode de financement était largement dépendant à la vente des produits sanguins. Toutefois, l’objet de ce service concerne la santé publique ; à partir du moment qu’un critère est manquant (nature du service), la mission concerne un service public administratif.

- L’intérêt contentieux de cette distinction est de déterminer les règles de compétence. L’impact est donc important.

§2) Rattachement à la personne publique responsable : Service public étatique et Service public local

Cette distinction permet de savoir quel est l’autorité compétente.

En outre, cette distinction permet de déterminer la catégorie à laquelle appartiennent les agents du service public. On note une distinction entre :

- La fonction publique de l’Etat

- La fonction publique territoriale

Malgré un rapprochement, on note une distinction de corps et de statut permettant de faire prévaloir des droits différents.

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Enfin, la distinction permet de révéler le mode d’organisation. Ainsi, lorsque les services publics nationaux sont prédominants, cela cache une dimension centralisatrice (éventuelle déconcentration). A contrario, lorsque les services publics locaux se développent, cela témoigne d’un mouvement de décentralisation.

A) Les services publics nationaux

Ils relèvent de la compétence de l’Etat auquel ils sont rattachés. Cela ne signifie pas systématiquement que l’Etat gère directement ce service public. En effet, il peut parfaitement confier cette mission à une personne qu’il va créer (un établissement public) qui aura pour mission de prendre à sa charge un service public identifié (exemple : enseignement pour l’Université).

Ces services publics nationaux peuvent aussi être confiés à des personnes privées. Il s’agit de services publics facultatifs témoignant d’une volonté interventionniste de l’Etat (fondement= éviter la lourdeur).

Ces services publics nationaux se subdivisent en :

- Services publics obligatoires : ils ont une dimension constitutionnelle ou au regard des engagements internationaux contractés par la France. Il s’agit ici de principes découlant de la Constitution elle-même et, plus largement, dans le bloc de constitutionnalité. On y trouve notamment le service public de la police, de la défense nationale, de la Justice, des Affaires Etrangères, de l’Enseignement, de la Santé, de l’Aide Sociale. Ces services publics de nature constitutionnelle se caractérisent par le fait qu’ils ne peuvent être privatisés. Ainsi, l’Imprimerie Nationale est un service public n’ayant pu faire l’objet d’une privatisation dans le contexte de la nouveauté du passeport électronique (refus du Conseil d’Etat : Arrêt 3/3/2006). On trouve aussi les services publics de nature conventionnelle résultant

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d’engagements internationaux de l’Etat Français (exemple : service public de navigation aérienne : obligation de sécurité). Il en va de même pour le service public des demandeurs d’asile (Convention de Genève de 1951).

- Services publics facultatifs : par principe, ils peuvent être librement créés ou supprimés par la personne publique (législateur ou pouvoir règlementaire). Par exemple, la création de tout nouvel ordre de juridiction dépend du législateur (liberté individuelle dont le Parlement est le garant). Le législateur a créé des services publics par l’intervention du législateur (hospitalier, de la radiodiffusion, de l’enseignement supérieur). Dans ces conditions, on note la nécessité de respecter les règles constitutionnelles notamment les principes à valeur constitutionnelle (bloc de constitutionnalité). De même, le législateur est assujetti à la hiérarchie des normes (notamment droit communautaire) ce qui limite la capacité du législateur de créer des services publics. Les services publics peuvent également être supprimés ; les usagers d’un service public n’ont aucun droit au maintien de ce service (administratif ou SPIC)

B) Services publics locaux

Ils relèvent de la compétence des collectivités territoriales avec des possibilités de regroupement (coopération intercommunale).

Ces services peuvent être assurés directement par la personne publique locale (mécanisme de régie) ou par association de personnes privées pouvant se voir déléguer une mission de service public par la voie de concession.

Service public obligatoire

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Les services publics locaux peuvent avoir un caractère obligatoire ; c’est le cas lorsque la loi impose ce caractère obligatoire. Par exemple, on trouve le service public des archives communales. Ainsi, les départements ont ainsi les services départementaux de secours ; il en va de même pour les services sociaux. Tout dépend de la répartition des compétences pour déterminer le niveau approprié de l’intervention locale.

Service public facultatif

Il peut être créé volontairement par une collectivité territoriale. Toutefois, la liberté n’est pas générale et absolue. Plusieurs points ont à vérifier :

- Les collectivités doivent agir dans le respect réciproque de leur autonomie : commune, département, région. Cela ne signifie pas que les compétences attribuées par le législateur soient exclusives.

Ainsi, les communes doivent-elles participer financièrement à un service public se rattachant à la compétence d’une autre autorité (département, autre commune). C’est le cas notamment dans le domaine sanitaire et social.

A contrario, le service public de distribution d’eau (relevant de la Commune) a pu être assuré par le département. Ceci témoigne d’une plasticité du service public.

En outre, quand il y a création d’un service public local, cela ne doit pas porter atteinte à la liberté de commerce et d’industrie. Le juge administratif a été hostile à toute interventionnisme local visant à prendre en charge des activités traditionnelles exercées par les personnes privées (CE, 29 Mars 1901, Arrêt Casanova) : « seules des circonstances exceptionnelles » peuvent justifier un interventionnisme du Conseil Municipal (ce n’est pas le cas en l’espèce).

Le juge exige un but d’intérêt général manifestant une défaillance de l’initiative privée. La Jurisprudence évoluera dans

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un contexte économique aggravé (Crise économique de 1929) ; un certain nombre de communes ont essayé de réguler le prix des matières premières.

On note toutefois un revirement en la matière.

CE, 30 Mai 1930, Arrêt Chambre Syndicale du Commerce en détail de Nevers : ici, le Conseil d’Etat montre une inflexion par rapport à l’hostilité à l’interventionnisme. Ainsi, « si les entreprises restent en général réservée à l’initiative privée, elles peuvent cependant être érigées en service public en raison de circonstances particulières de temps et de lieu si un intérêt public le justifie ».

A partir de cet arrêt, le Conseil d’Etat sera plus tolérant en ce qui concerne l’interventionnisme : il est possible de créer un SPIC à partir du moment où l’initiative privée est insuffisante.

On note qu’il existe une double appréciation sur ce point :

- Appréciation quantitative : par exemple, on a pu admettre la création d’un camping Municipal en raison de l’absence de camping privé.

- Appréciation qualitative : le Conseil d’Etat a pu admettre, en raison du prix élevé du secteur privé, la création d’un cabinet dentaire Municipal (CE, Ville de Nanterre) ou d’une boucherie Municipale (CE, Arrêt Zenard) afin de favoriser la régulation des prix.

Le juge administratif a également admis des services publics locaux notamment quand une nouvelle mission constitue le prolongement d’un service public déjà constitué.

CE, Arrêt Delansorme : création d’une station service dans le prolongement d’un parc de stationnement.

CE, Arrêt Société Unipain : création d’un service de boulangerie pour un service pénitentiaire.

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Malgré les différences entre ces services publics, il existe un régime commun ; ils sont en effet tous assujettis aux grandes règles de fonctionnement.

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Section 3) Les lois du service public

Il s’agit des principes généraux du service public ayant été développé sur le plan doctrinal par le Professeur Barthélémy puis par Louis Rolland si bien qu’on a pu parler de « lois de Rolland ». On trouve en outre des principes plus récents complétant les objectifs récents de transparence et de gratuité.

§1) Les lois de Rolland

A) Le principe de continuité

Le service public doit fonctionner sans interruption autre que celle prévue par les textes fondateurs. Les responsables du service public doivent prendre les mesures qui s’imposent.

De plus, le service public doit fonctionner correctement sur le plan quantitatif et qualitatif. Ce principe vaut pour l’ensemble des services publics. Ainsi, la Jurisprudence a tiré un ensemble de conséquences de ce principe de continuité.

Position quant au droit de grève

Cette hypothèse vient troubler le principe de continuité. Sur ce point, on constate une évolution jurisprudentielle :

- CE, Arrêt Winkell, 7 Aout 1909 : la grève est jugée illicite au regard du principe de continuité

- CE, Arrêt Deheme : l’Administration peut imposer un service minimum pour respecter le principe de continuité. Le droit de grève est un droit devant s’exercer dans le cadre des lois ; en même temps, il y a eu une carence législative en la matière. En effet, on note que le premier texte n’est intervenu qu’à partir de 1953. Ainsi, à défaut de textes législatifs, le Conseil d’Etat a-t-il estimé qu’il appartient au Gouvernement et à chaque autorité administrative gérant un service public de règlementer le droit de grève.

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- Conseil Constitutionnel, 1979 : on déplore la reconnaissance du droit de grève comme ayant une valeur constitutionnelle.

Domaine des contrats administratifs

Le principe de continuité implique que le concessionnaire doit continuer à assurer un service public. Cela pose la question de l’application de la Théorie de l’imprévision (Arrêt Compagnie Générale de l’éclairage de Bordeaux). La personne publique est tenue d’indemniser le concessionnaire.

La prestation doit toujours être assurée alors qu’en droit privé, le cocontractant peut invoquer la force majeure.

B) Principe d’adaptation

Il y a là l’idée de mutabilité du service public.

En effet, l’Administration peut changer les règles relatives aux conditions d’exploitation du service public. Il s’agit là d’un pouvoir de modification unilatérale.

CE, Arrêt Compagnie Générale Française des Tramway, 21 Mars 1910 : la personne publique peut imposer de nouvelles rotations de manière à pouvoir desservir de nouvelles stations. Ceci se justifie par le souci d’assurer une meilleure prestation au nom du principe de mutabilité.

CE, 27 Janvier 1961, « Arrêt Vannier » : la personne publique décide l’abandon de la transmission télévisée de l’époque pour passer à un nouveau format. Ceci conduit au remplacement de nombreux téléviseurs. Au nom du principe d’adaptation, il n’y a pas de droit acquis au maintien d’une technologie.

C) Principe d’égalité

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Droit Administratif

Mme Rainaud Séance 11 Mardi 16 Novembre 2010

C) Principe d’égalité

Ce principe d’égalité devant le service public est une loi fondamentale qui n’est qu’une illustration du principe général du droit d’égalité entre les citoyens.

De nombreuses illustrations jurisprudentielles y font référence :

- CE, 9 Mars 1951, « Société des concerts du conservatoire » : principe de l’égalité de tous à prétendre concourir à une mission de service public, du moins à compétence égale. Ici, il s’agit d’une société philarmonique exclue de la possibilité à des retransmissions de concerts philarmoniques. Or, cette Société des Concerts du Conservatoire avait une dimension de service public (diffusion de la culture). Le CE annule la position des pouvoirs publics en ce qu’ils refusent la prestation.

- Egalité devant le service public ; il doit y avoir exclusion de discriminations tendant, pour des motifs politiques, d’empêcher l’accès au service public. CE, A, 28 Mai 1954, Arrêt Barel. M. Barel a été empêché de participer au concours de l’ENA en raison de son affiliation au Parti Communiste. Cet arrêt a eu un retentissement important quant à la protection de la liberté d’opinion.

- Discriminations religieuses ; CE, 10 Avril 2009, Arrêt el Haddioui. L’intéressé s’est vu poser des questions relatives à ses opinions religieuses à l’occasion d’un concours. Les résultats sont annulés par le CE en raison des discriminations.

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Néanmoins, il n’y a pas une égalité absolue devant le Service Public ; ainsi, la pratique jurisprudentielle va dans le sens d’un traitement de la même manière les personnes se trouvant dans la même situation. On parle d’ « égalité catégorielle ». En revanche, il existe une égalité pour les personnes situées dans la même catégorie.

- CE, Société du Concert des Conservatoires : la société était dans une situation d’égalité sur le plan de ses compétences par rapport aux autres grandes sociétés philarmoniques. A compétence égale, cette société est dans la même condition de concurrence. Ainsi, la mise à l’écart n’est pas justifiée.

- CE, 10 Mai 1974, Dénoyez et Chorques : contestation de tarifs pratiqués lors du passage du bac pour accéder du continent à l’île de ré. Le Conseil Général des Charente Maritimes fait une distinction en fonction de l’origine des usagers. Trois tarifs étaient appliqués :

o Tarif réduit pour les habitants de l’île de ré

o Tarif moyen pour les habitants du département

o Tarif supérieur pour les étrangers

Des habitants du département contestent cette différence de tarif. Le CE annule partiellement cette délibération du Conseil Général en ce qu’il distingue les deux dernières catégories : cette discrimination n’a pas de raison objective d’existence. En revanche, la CE valide le tarif préférentiel pour les habitants de l’île de Ré.

- CE, 13 Mai 1994, Commune de Dreux : le CE admet la légalité de limitation d’accès à un service public communal mais non obligatoire. En l’occurrence, le Conseil Municipal a limité l’accès à l’école municipale de musique aux habitants de la Commune. Pour le CE, il y a possibilité d’instaurer des limitations d’accès. Le CE annule tout de

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même cette décision en ce qu’elle exclue les non résidants de la ville mais dont les enfants sont scolarisés à Dreux.

Cet arrêt a permis la conciliation entre l’égalité et la libre administration des collectivités locales. Cela justifie par le fait que le service public est facultatif et financé par le budget de la Commune (contribuables de la Commune).

- CE, 5 Octobre 1984, Commissaire de la République de l’Ariège, différence tarifaire pratiquée par les Communes concernant la cantine scolaire. Il y a la justification du lien communal par la résidence dans la Commune.

Notons la tendance globale d’admission des différences devant le service public. Ainsi, la loi du 29 Juillet 1998 (lutte contre les exclusions) admet que les tarifs des services publics administratifs à caractère administratif pouvaient être fixés en fonction des revenus des usagers.

De même, il existe une politique de discrimination positive développée par Tonton Sarkozy. Ce phénomène s’est illustré notamment en matière économique dans la politique d’aménagement du territoire pour corriger des inégalités de développement ; notamment, on observe une distribution de prime pour faciliter l’installation d’entreprises dans certains quartiers (zone franche).

En outre, on trouve un traitement catégoriel avec l’attribution de bourses, « école de la seconde chance ». On trouve aussi des modalités différentes d’accès à Science Po. Paris (avec des lycées situés en ZEP).

- CE, Arrêt Bobart, 3 Juillet 1936 : interdiction d’accès à des fonctions du Ministère de la Guerre sur le fondement du bon fonctionnement du service public. Cela constitue une remise en cause du principe d’égalité.

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Ces principes traditionnels admettent l’existence de principes plus récents qui ont complété la présentation du service public.

§2) Principes de seconde génération

On y trouve des principes de valeurs variables.

A) Principe de gratuité

Ce principe ne s’applique pas dans les SPIC. Cela concerne les principes traditionnels de l’Etat : état-civil, police. Notons que l’accès à la Justice n’est que partiellement gratuit.

Dans certains services, le service public n’est pas totalement gratuit mais il prévoit une participation des usagers (ex : droit d’inscription à l’Université).

B) Principe de transparence

Les gestionnaires des services publics doivent informer les usagers ou les futurs candidats aux missions du service public des conditions d’accès, des conditions d’octroi des prestations, des processus de décision.

Cela correspond à la volonté de clarification entre l’Administration et les usagers.

Diverses lois sont intervenues dans cette optique ; ainsi, la loi favorisant l’accès aux documents administratifs, loi sur la motivation des actes administratifs, loi favorisant le respect des libertés individuelles notamment en rapport avec la CNIL. Celle-ci doit pouvoir orienter l’action des pouvoirs publics en cas d’atteinte aux droits des individus du fait des informations qui concernent les citoyens.

Le contexte de lutte contre le terrorisme en témoigne, tout comme les domaines concernant les personnes interdites d’accès à des armes et des munitions, et également les personnes interdites de stade.

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On trouve aussi un devoir d’information relatif aux OGM : les communes ayant autorisé une telle implantation doit donner toute information.

C) Principe de neutralité du service public

Orientation du législateur pour donner une dimension laïque au service public.

Le CE assez tôt a été amenée à concilier la liberté d’opinion et l’impératif de neutralité des services publics. Plusieurs décisions importantes portent sur les droits et obligations des agents publics :

- CE, Arrêt Barel : liberté d’opinion des agents publics.

Néanmoins, cette liberté doit être limitée dans l’intérêt du service ; cela s’exprime par le biais du devoir de réserve.

Ainsi, un avis a été rendu par le CE (Mademoiselle M., 2000) : service de l’enseignement public. Le principe de laïcité fait obstacle au droit de manifester sa croyance religieuse dans le cadre du service public.

CE, arrêt 15 Octobre 2003, Arrêt Odent : le CE sanctionne le fait pour un agent public de manifester ses croyances religieuses notamment par le port d’un signe permettant de marquer son appartenance à une religion. Le port de ce signe ostentatoire constitue un manquement aux obligations de réserve.

CE, De même, sera sanctionné un agent public faisant apparaitre son adresse électronique professionnel sur un site religieux alors même qu’il ne s’est pas livré à des actes de prosélytisme.

Ordonnance des référés du CE, 16 Février 2004, il a été jugé que le refus opposé à un agent du service public de s’absenter pour lui permettre de fréquenter des lieux de culte, n’est pas une atteinte manifestement illégal à la liberté de pratiquer ses obligations religieuses.

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CE, 27 Juillet 2005, Commune de Sainte Anne : Au-delà des agents publics, ce principe de neutralité s’impose aux services publics en général. Ce principe s’oppose à ce que soit apposé sur des édifices publics des signes symbolisant des revendications de position philosophique, politique ou religieuse : affichage d’un drapeau correspondant à des revendications indépendantistes.

CE, ordonnance des référés du 6 Juin 2008, M. B : le rôle des gestionnaires de service public peuvent être amenés à mettre en œuvre le principe de laïcité au regard de l’objectif de bon fonctionnement. En l’occurrence, le CROUS, dans le cadre de gestion des bâtiments, doit assurer le bon fonctionnement en concurrence avec la liberté d’opinion. En l’espèce, le CROUS a fait fermer une salle sur le fondement d’aménagements nécessaires à la sécurité (fermeture de la salle). Or, cette salle était utilisée en tant que salle de prière. Pour le CE, il n’y a pas violation de la liberté de conscience.

Le CE s’intéresse à cette question de la neutralité religieuse. Le principe de laïcité a également été développé par le CE notamment dans le cadre de la loi du 15 Mars 2004 encadrant le port de signes ostentatoires dans les établissements scolaires publics. Ce texte a été intégré dans le Code de l’Education Nationale.

Ainsi, une circulaire d’application de cette loi est venue en Mai 2004. Elle a été attaquée devant le CE notamment en rapport à sa mise en œuvre. Le CE rejettera la requête formulée : en effet, il a estimé que le Ministre pouvait rappeler l’obligation légale en donnant des exemples (voile islamique, kippa, croix de dimension excessive).

Pour le CE, il n’y a pas de violation à la CESDH qui garantit la liberté de conscience et de religion, « au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi par le Ministre en assurant le respect du principe de laïcité » (CE, 8 Octobre 2004, Union française pour la cohésion nationale).

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CE, 5 Décembre 2007 : le CE a développé une sorte d’orientation pour apprécier le caractère ostentatoire ou non des signes religieux. Pour le CE, il s’agit d’éléments objectifs. Il peut aussi s’agir du comportement de l’élève même si le port des signes et tenues n’est pas contestable (éléments subjectifs).

Le CE a prononcé des décisions plus accommodantes

- CE, A, 14 Avril 1995, Consistoire Central des Israélites de France : le CE a admis que les élèves des établissements publics d’enseignement secondaire pouvaient bénéficier des autorisations d’absence pour l’exercice ou la célébration de fêtes religieuses « dans la mesure où ces absences sont compatibles avec l’accomplissement des tâches inhérentes à leurs études » et dans la mesure ou il y a « respect de l’ordre public dans l’établissement ».

Cela laisse un pouvoir d’appréciation au profit du directeur de l’établissement scolaire.

- CE, 2 Novembre 1992, affaire K. : pour le CE, le motif d’interdiction admis est le trouble au fonctionnement normal du service public et au bon déroulement de certains cours.

D’autres règles concernent la laïcité et l’accès à la nationalité française.

CE, 27 Juillet 2008, Mme M. : refus de naturalisation française de la requérante ayant une pratique radicale de sa religion. En l’occurrence, cette pratique est « incompatible avec le principe de légalité des sexes ». Pour le CE, l’intéressée ne pouvait remplir la condition d’assimilation posée par le droit français ; le Gouvernement pouvait légalement s’opposer à l’accès à la nationalité française.

CE, 15 Décembre 2006, Association United Sikhs et Mansing : D le CE a validé des arrêtés ministériels imposant le fait que, sur

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les permis de conduire, figure une photo d’identité tête nue. Certaines personnes refusaient de retirer un bandeau conformément à leur conviction religieuse. Pour le CE, cette obligation vise à éviter des risques de fraudes ; il ne s’agit donc pas d’une atteinte manifestement illégale à la liberté de religion.

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Section 4) Les modes de gestion des services publics

On a des modes de gestion diversifiés. Cette compétence est de plus en plus requise dans le domaine du recrutement ; en effet, bon nombre de collectivités territoriales ont besoin de compétence dans ce domaine (;-)).

Globalement, on distingue :

- Gestion par une personne publique

- Gestion par une personne privée

Cette dichotomie apparait dans les modes de gestion. En effet, la personne publique créant un service publique peut ne pas nécessairement le gérer. Elle se repose sur des prestataires de services ayant une capacité financière conséquente.

En même temps, en cas de transfert de missions à des personnes privées, cela ne constitue pas un abandon. En effet, la puissance publique exerce toujours un contrôle.

§1) Gestion par une personne publique

Deux possibilités sont possibles :

- Assurée par la personne publique créatrice du service : on parle du mécanisme de la régie. Ici, il y a utilisation des ressources de la personne publique créatrice. La régie est complètement dépendante de la personne publique créatrice. Il ya donc absence de la personnalité juridique distincte de celle de la personne publique. Le budget de la régie est compris dans celui de la collectivité. Il existe parfois des régies autonomes, qui témoignent d’une plus grande indépendance par rapport à l’autorité créatrice. Dans ce type de configuration, il peut y avoir un budget spécial mais qui est annexé à celui de l’autorité créatrice. Ces régies permettent de gérer notamment des services publics administratifs ayant une dimension régalienne (police, justice, défense nationale). Plus accessoirement, certains SPIC peuvent être assurés en régie. Ainsi,

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certaines communes peuvent souhaiter assurer en régie certains services (dimension socialisante).

B) Gestion confiée à un établissement publique : établissement ad hoc. L’établissement public est également un mode de gestion classique par la création d’une personne morale de droit public . Celle-ci dispose d’une certaine autonomie. Elle est chargée d’une mission spécifique d’intérêt général. On parle de principe de spécialité des établissements publics. Dès lors, il a une capacité d’action juridique (signer des contrats, emprunter, agir en justice, répondre de ses actions). Ces établissements restent néanmoins soumis au contrôle de la collectivité qui les a créés. Cela se rapproche d’un contrôle de tutelle.

Notons une grande diversité. On distingue :

- Etablissement Public Administratif

- Etablissement Public Industriel et commercial

Le CE procède éventuellement à la requalification de l’établissement public à l’occasion d’un litige. Il n’est donc pas tenu par la détermination préétablie de l’établissement public.

Les établissements publics sont gérés par des conseils avec une Assemblée en générale orientée par l’action d’un Président.

- Un organe délibérant collégial représentant les différents membres. A sa tête, on retrouve un Président (exemple : Marouani).

On peut assister à un phénomène de recherche d’autonomie de la part de ces conseils (au nom de leur caractère démocratique). A contrario, dans d’autres établissements publics, on assiste à une nomination de la part de l’Etat.

Cela peut s’expliquer par la volonté de la part des collectivités de contrôler ces établissements.

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Il y a également des établissements publics ayant une dimension locale : Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI). Ils sont représentés par les représentants de communes. Ici, il y a un contrôle localisé avec un mode de recrutement permettant d’instaurer une certaine « aristocratie locale » : les Maires des Communes sont partie prenante dans l’EPCI. En général, le Président est le Maire de la plus grande Commune (exemple : Estrosi).

En même temps, les établissements publics sont soumis au même régime de tutelle que les collectivités territoriales elles-mêmes. A l’exception de certains établissements publics, ils sont soumis :

- Contrôle de légalité des actes (par le Préfet).

- Contrôle budgétaire de leurs finances (Cour Régional des Comptes).

§2) Gestion par une personne privée

Elle peut être déléguée à une personne privée. Dans certains domaines d’action, il est interdit d’associer des personnes privées ; c’est le cas pour les services publics régaliens.

Néanmoins, il y a une certaine tendance à faire participer des entreprises privées notamment dans le domaine de la sécurité et de l’ordre public.

Ainsi a été créé un délégué interministériel à la sécurité privé (créé le 10 Septembre 2010). Son rôle est de favoriser la complémentarité des sociétés privées de sécurité avec l’action des pouvoirs publics. En outre, ce délégué a pour mission de définir les principes d’un partenariat officiel entre les entreprises de sécurité privées et les Ministères concernés par ces activités.

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Le recours à une personne privée est relativement fréquent. Il y a en effet une plus grande souplesse de gestion. L’habilitation peut découler de deux formules :

- Mission confiée par la voie d’un acte unilatéral : la loi peut charger une personne privée de la mission de service public.

- Mission confiée par le biais d’un contrat : c’est souvent le cas pour les services publics locaux. On en distingue quatre catégories principales

o Concession : ici, il y a une collectivité publique (le concédant) qui confie à un concessionnaire le soin de gérer un service public. Dans cette hypothèse, le concessionnaire est associé durablement à la mission de service public. En principe, il est amené à construire lui-même les ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public (exemple : concession d’autoroute). Le concessionnaire se rémunère en prélevant une redevance sur les usagers. Il assume les éventuelles pertes financières liées à l’activité. A la fin de la concession, la personne publique récupère les biens et ouvrages fournis par le concessionnaire.

o L’affermage : c’est une variante de la concession. La personne publique va faire gérer le service public par une personne privée (le fermier). Celui-ci est amené à gérer le service public dans des conditions proches de la concession : il est rémunéré par une redevance perçue sur les usagers. On trouve une dimension économique de l’activité puisqu’il assure les éventuelles pertes. Cependant, il n’a pas à financer les ouvrages nécessaires à l’exploitation du service public. Il verse une redevance à l’Administration (le fermage).

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o Régie intéressée : ici, elle est utilisée pour permettre à une personne privée (le régisseur) d’agir pour le compte d’une personne publique. Le régisseur n’a plus le rôle d’un entrepreneur ; il reçoit sa rémunération directement de la collectivité territoriale. Elle varie en fonction des résultats de l’exploitation du service. Elle est garantie par un minimum et plafonnée.

o Contrats innommés : ce sont les contrats « simples » par lesquels une personne publique charge une personne privée de l’exécution d’une mission ponctuelle de service public (ex « Arrêt Epoux Bertun »).

On trouve également le recours à des entreprises publiques. Ce sont des personnes morales menant une activité économique soumise à l’influence dominante de la personne publique (surtout au niveau national). Certaines entreprises ont été créées par l’Etat (la Poste, France Télévision).

Certaines ont été créées suite à des lois de nationalisation (EDF/GDF) après la Seconde Guerre Mondiale ou après 1981.

Les statuts juridiques varient. La part de droit public ou privé dépend du statut juridique de ces entreprises publiques.

Enfin, notons que l’action menée par l’UE se place dans une position réfractaire quant aux services publics menés par des personnes publiques. L’UE a imposé l’idée de transparence, de libre concurrence pour permettre à des entreprises ou des prestataires européens de candidater sur des contrats locaux afin d’éviter des situations monopolistiques. Le droit communautaire a développé l’idée de droit public universel : dans la mesure où les pouvoirs privés n’interviennent pas, l’UE reconnait l’activité par un opérateur exclusif au motif que cette activité n’est pas spécifiquement rentable (obligation de prestation).

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Certains monopoles ont été remis en cause ; la jurisprudence communautaire a pu annuler une règlementation accordant des droits exclusifs à la poste interdisant tout service spécifique (notamment services expresses de transmission du courrier par des prestataires privés).