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L’adoption internationale du point de vue Africain

A a - Resource Centre | Save the Children's · Le travail de AcPf est basé sur le droit, ... sont essentielles dans le contexte africain, ... en matière de soutien familial et l'échec

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L’adoption internationaledu point de vue Africain

L’AfricAn chiLd PoLicy forum (AcPf)

AcPf est une institution pan-africaine indépendante, vouée à instaurerpolitiques et dialogues sur l'enfance en Afrique.

Elle a été créée avec la conviction qu'il est nécessaire de placer les enfantsau premier plan de l'agenda public, quant au respect de leurs droits et deleur bien-être, avec comme finalité le progrès économique et social del'Afrique.

Le travail de AcPf est basé sur le droit, inspiré de valeurs universelles, touten s'appuyant sur une expérience et une connaissance mondiales, avecpour fils conducteurs la convention des nations unies sur les droits del'enfant, la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant, ainsique d'autres instruments régionaux et internationaux relatifs aux droitshumains. AcPf a pour objectif de contribuer en particulier à l'améliorationdes connaissances sur les enfants d'Afrique, à suivre les progrès accomplispuis à les consigner dans des rapports, à identifier les différentes optionspolitiques, à fournir une plate-forme de dialogue, de même qu'à collaboreravec les gouvernements, les organisations inter-gouvernementales et lasociété civile quant au développement et à la mise en œuvre effective depolitiques et programmes « pro-enfant », mais également à promouvoir unevoix commune pour les enfants d'Afrique et d'ailleurs.

The African child Policy forum (AcPf)B.P. 1179, Addis Abeba, Ethiopie Téléphone: +251 (0)116 62 81 92/96/97/99Télécopie: +251 (0)116 62 82 00courriel: [email protected] Site internet: www.africanchildforum.org

www.africanchild.info

© 2012 AcPf

citation suggérée: AcPf (2012). l’adoption internationale du point de vue africain. Addis Abéba:The African child Policy forum.

i iL’adoption internationale du point de vue Africain

rEmErciEmEnTSAcPf voudrait adresser ses sincères remerciements à toutes lespersonnes ayant participé à l'élaboration de ce rapport. Tout d'abord,nous tenons à remercier nigel cantwell pour son rôle dans larédaction de ce rapport. nos remerciements vont aussi à hervéBoechat, au dr Benyam dawit mezmur et à l'équipe d'AcPf pour leurprécieux soutien technique.

nous aimerions également remercier mark nunn pour l'édition etSylvie mathis pour la traduction française de ce rapport.

Pour finir, ce rapport n'aurait pas pu voir le jour sans le soutien financierd’icS. nous leur sommes reconnaissants de nous avoir soutenus sansrelâche dans notre travail.

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rEmErciEmEnTS ......................................................................................... i

PréfAcE ....................................................................................................... ii

inTroducTion ............................................................................................. iv

1. JuSTifiEr L’AdoPTion inTErnATionALE ............................................. 1

2. LES PrinciPAux AxES dES normES inTErnATionALE ....................... 3

3. LES AdoPTionS inTErnATionALES En AfriquE ................................ 7

3.1 mesure et ampleur ...................................................................... 7

3.2 Principes et engagements ........................................................... 11

3.3 Suspensions and moratoires ....................................................... 12

4. inTErcounTry AdoPTionS from AfricA: dAngEr SignS .............. 15

4.1 croissance rapide ......................................................................... 15

4.2.Bas-âge des enfants à l'adoption ................................................ 16

5. ProBLèmES ET défiS ............................................................................ 20

5.1 Pression de la part des pays adoptants ................................... 20

5.2 quand l’argent entre en jeu ......................................................... 21

5.3 ignorance du rôle des mécanismes traditionnels de survie ...... 25

5.4 L'assistance aux personnes aux mains du privé ........................ 26

5.5 L’adoption indépendante, ou le potentiel de pratiques illicites... 28

5.6 Les agences d’adoption ou le manque de vigilance

des gouvernements ...................................................................... 30

5.7 inadéquation du système ............................................................. 31

6. Pour unE ProTEcTion PLuS EfficAcE dES EnfAnTS ..................... 33

7. VErS unE PoSiTion PAn-AfricAinE Sur L'AdoPTion inTErnATionALE ................................................................................... 37

TABLE dES mATièrES

i iiL’adoption internationale du point de vue Africain

PréfAcEL'Afrique étant devenue la nouvelle frontière d'adoption internationale,elle a vu, entre 2003 et 2010, le nombre de ses enfants adoptés,multiplié par trois. cependant, on y relève de nombreuses carences enmatière de droit, de politique et de pratiques, pour pouvoir offrir à sesenfants suffisamment de garanties en vue de leur adoptioninternationale. La liste des problèmes mettant en péril le consensus,en matière d'adoption internationale en Afrique, est longue. on compteen effet, la rupture culturelle à laquelle les enfants sont soumis lorsde la procédure d'adoption qui soulève des préoccupations importantes.de plus, la définition d'un environnement familial selon les termes dela charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, mais aussi dela convention des nations unies sur les droits de l'enfant, en ce quiconcerne l'adoption qui est controversée. Viennent ensuite lesquestions fondamentales d'adoptabilité et du « qui peut adopter », quisont essentielles dans le contexte africain, en raison de diversesinterprétations, tout comme le fait d'envisager l'adoption internationaleen tant que mesure de dernier ressort, générant des complexitésjuridiques et éthiques au niveau des pays africains. dans la pratique,l'adoption internationale souffre d'un manque de réglementation, avec,là où elle existe, une application insuffisante.

En plus des lacunes existantes, aucune documentation complète surl'adoption internationale n'existe au niveau régional. ce rapport metdonc en lumière les lacunes juridiques et politiques, exposant lesenfants adoptés, à l'abus et l'exploitation, mais aussi les optionspolitiques d'adoption internationale. ce rapport présente aussi laposition d’AcPf en matière d'adoption internationale en Afrique.

AcPf tient à mettre l'accent sur l'importance de développer et soutenirdes mécanismes communautaires de prise en charge des enfants,

iiii L’adoption internationale du point de vue Africain

privés de leur milieu familial – une obligation que doivent remplir lesgouvernements africains. Les enfants doivent être autorisés à grandirdans leur propre famille ou communauté afin d'assurer la continuitéde leur éducation, le tout, dans une atmosphère pleine de bonheur,d'amour et de sécurité.

ce rapport plaide donc pour l'adoption internationale comme mesurede tout dernier ressort et uniquement dans des circonstancesexceptionnelles, guidées par l'intérêt supérieur de l'enfant, concernantceux qui ont besoin d'un environnement familial en Afrique.

david mugawedirecteur exécutif , AcPf

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ivL’adoption internationale du point de vue Africain

inTroducTionEncourager les perspectives économiques africaines, ces dernièresannées, a permis aux pays, des investissements plus conséquents etsoutenus, quant aux efforts visant à réduire la pauvreté. Bien quel'impact du développement à long terme de cette croissanceéconomique ne soit pas encore visible, on note une tendance àl'amélioration du bien-être familial à différents endroits du continent.

cependant, l'Afrique, toujours hantée par les séquelles de la famine, dela maladie et des conflits récents, compte encore des millions d'enfantsorphelins, et plusieurs millions d'autres laissés à la merci des systèmesde plus en plus fragiles de soutien traditionnel. La carence constanteen matière de soutien familial et l'échec flagrant des politiquespubliques à renforcer les familles et les communautés, a fait de l'Afriquela nouvelle frontière d'adoption internationale. Ainsi, l'exode d'enfantsdestinés au nord riche, tel qu'il est palpable dans la plupart desaéroports africains, est devenu un spectacle quotidien, au grand damde nombreux africains et non-africains, comme si l'adoptioninternationale était la seule option restante à l'enfant africain.

cependant, il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'une preuve degénérosité humaine de la part de ces nombreux parents adoptifs ayantagi en toute bonne foi, avec le plus noble des motifs. Le problème estque l'adoption internationale devient une option intéressante, remettantainsi en question la crédibilité même des valeurs africainestraditionnelles, ainsi que la conscience collectivité et la solidaritéafricaines, si souvent portées aux nues.

ce qui devait n'être qu'une exception, un ultime recours, en matière dedroit international s'établit désormais comme une règle ordinaire, où lesintérêts commerciaux ont remplacé l'altruisme, en faisant des enfantsla matière première de ce monde de plus en plus sombre et immoralqu'engendre l'adoption internationale, d'où notre inquiétude et notreintérêt pour ce sujet.

i 1L’adoption internationale du point de vue Africain

1 Justifier l’adoption internationale

L'adoption n'est que l'une desnombreuses conventions mises aupoint par les sociétés, à travers lemonde, pour qu'un enfant privé deses parents, et ce quelle qu'en soitla raison, puisse grandir dans unenvironnement familial stable. detelles conventions sous-entendentdes arrangements informels, desréponses ordinaires et des placementslégalisés. on les considère avanttout et majoritairement comme desmesures de protection de l'enfance.

Parmi ce panel de solutions adresséesà des enfants privés de protectionparentale, la particularité de l'adoption(dans sa forme la plus « complète »,à savoir, celle qui caractérise la grandemajorité des adoptions internationales),tient à ce que l'on décide, par voiejudiciaire, de rompre définitivementtous les liens biologiques existantsentre l'enfant et sa famille pour lestransférer à ses parents adoptifs.

cependant, dans la plupart dessociétés, dont celles d'Afrique, cetterupture légalisée avec les liens dusang est soit interdite, soit totalementméconnue. de ce fait, le placementd'enfants chez un tuteur, qu'ils'agisse d'un parent, d'un ami, d'unétranger ou d'un « orphelinat », est

loin d'être perçu comme une solutionfinale qui coupe les ponts avecl'enfant.

L'adoption « plénière » formelle restedonc un concept étranger à unemajorité de communautés africaines,et n'est plus guère utilisée, voire pasdu tout, au niveau national. Ainsi,bien que ce soit là une option prônéepar nombre de facteurs extérieurs,comme étant la plus avantageusequant à la protection et l’intérêtsupérieur de l’enfant, la questionfondamentale demeure, à savoir : àquel point l'adoption internationaleest-elle nécessaire et appropriéepour les enfants d'Afrique d'aujourd'hui ?

Ses défenseurs avancent que,précisément en raison de sa naturelégalisée et formelle, elle offre unegarantie de « permanence » dans unenvironnement familial aimant, quel'on ne peut trouver dans des contextesinformels.

En général, les familles et lescommunautés font de leur mieuxpour protéger les enfants privés deleurs parents. Les états, ont biensûr, accepté de se conformer à cetteexigence absolue, en ratifiant laconvention relative aux droits de

i2 L’adoption internationale du point de vue Africain

l'enfant (crc), et, dans le cas del'Afrique, la charte de la région surles droits et le bien-être de l'enfant(cAdBE). Les situations justifiant duretrait d'un enfant pour des soinspermanents dans un autre pays - paropposition, notamment, à défendrel'accès aux soins nécessaires dans lepays si besoin - doivent par conséquentêtre considérées comme exceptionnellesou, selon les termes de la charteafricaine, « comme le dernier recours ».

c'était là et c'est toujours là, laconception théorique de l'adoptioninternationale. mais dans les faits, cen'est cependant pas toujours le cas.Ainsi le recours à l'adoptioninternationale constitue l'une desquestions les plus sensibles etvivement débattues, en ce quiconcerne la protection des enfants,et cela est vrai non seulement dansles pays d'origine mais aussi dans denombreux pays d'accueil.

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i 3L’adoption internationale du point de vue Africain

L'adoption internationale constituel'une des mesures de protection del'enfance, qui, selon les normesinternationales, « peut être envisagée »pour les enfants sans protectionparentale. À noter que l'usage du terme« peut », plutôt que « doit » ou « devrait »,est important ici, et ceci pour deuxraisons :

• la première est qu'il n'estaucunement question d'imposerd'une quelconque manière lareconnaissance ou l'adoption, quece soit sous sa forme nationale ouinternationale, chaque pays esten effet libre de décider de sapolitique religieuse, socio-culturelleou autre

• la deuxième, est que là où elle estreconnue, elle ne doit pasnécessairement s'imposer danschaque cas, ni même du tout. onpeut donc ainsi parfaitement imposerdes conditions et restrictions quantaux caractéristiques des enfantspour qui cela est envisagé, ainsique quant au statut de l'adoptantet autres facteurs. compte-tenude ces limites, cela reste aussil'une des nombreuses solutionspossibles pour un enfant dont lesresponsables à qui il incombe dedécider de la mesure de protectionla plus appropriée à son égard,pourront examiner celle-ci, si elles

le jugent souhaitable, sans toutefoisaucune obligation.

La décision d'adoption d'un enfantimplique quelque chose qu'aucunautre enfant ne connaîtra : on vachoisir ses parents à sa place. cegenre de décision ne doit donc pasêtre prise à la légère et doit fairepasser le bien-être de l'enfant avanttout, en se demandant si cetteadoption est vraiment nécessaire, etsi tel est le cas, par qui et dansquelles conditions ?

A l'échelle internationale, l'adoptionn'est pas seulement synonyme deprotection parentale et de nouveaupatronyme, mais aussi d'un changementsoudain, radical et, en principe, définitifquant au type d'environnement danslequel l'enfant va grandir. il en résultedonc une énorme responsabilité dela part du « on » qui va désigner lesparents adoptifs. A ce titre, on ne peutdonc pas confier cette responsabilitéà des personnes, aussi bien-intentionnées soient-elles mais n'étantni préparées, ni qualifiées et lesautoriser à organiser, planifier et gérercomme il faut, les conséquences d'uneétape aussi décisive dans la vie d'unenfant. on ne saisit en général lesimplications d'une telle réalité qu'aufur et à mesure, alors qu'elles devraientl'être entièrement et d'un seul coup.

2 the main thrust of international standards

i4 L’adoption internationale du point de vue Africain

À la lumière des rapports recelant deplus en plus de fautes professionnellesgraves, concernant l'adoptioninternationale, les rédacteurs desprincipaux instruments de lacommunauté internationale - la CRCet la Convention de 1993 de La Haye- étaient davantage préoccupés parla nécessité de préserver les droitsde l'homme des enfants étant, oupouvant être, l'objet d'une procédured'adoption, que par la promotion decette procédure en tant que telle. Letitre de la Convention de La Haye estdéjà évocateur en lui-même : « de laprotection des enfants et coopérationen matière d'adoption internationale ».

La convention des droits de l'enfantsert, en effet, de base normative. Elleexige, notamment, que l'intérêt supérieurde l'enfant soit « la considérationprimordiale » dans toute décisiond'adoption, et définisse le principed'adoption internationale commeétant secondaire vis à vis des optionsnationales pouvant convenir àl'enfant. dans la même optique, cetteconvention stipule également quetoute décision de placement doit «absolument tenir compte ... desorigines ethniques, religieuses,culturelles et linguistiques de l'enfant», tout en veillant à ce « qu'aucun gainfinancier occulte » ne profite à unepersonne impliquée dans l'adoptioninternationale.

Pour sa part, la convention de Lahaye énonce principalement « établirdes garanties pour que l'adoptioninternationale se déroule dans lemeilleur intérêt de l'enfant et dans lerespect de ses droits fondamentaux,tels que reconnus en droit international »et « établir un système de coopérationentre les états contractants pourfaire en sorte que ces garantiessoient respectées et ainsi prévenirl'enlèvement, la vente ou la traited'enfants ». Elle est donc conçue pours'appuyer sur les obligationsfondamentales énoncées dans lacrc, en mettant en place des garanties,des procédures et des mécanismespermettant aux états, le respectindividuel et collectif de ces obligations.

cette convention prévoit notammentles procédures relatives à :

• la définition d'une « adoptabilité »légale de l'enfant avec obtentiond'un consentement libre etéclairé d'adoption

• la nécessité de s'assurer qu'uneadoption à l'extérieur du paysd'origine, soit déterminée enconformité avec le « principe desubsidiarité », de même, elle prévoitque l'adoption internationale nepuisse être envisagée que si «les possibilités de placement del'enfant dans son pays d'origine

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i 5L’adoption internationale du point de vue Africain

ont été dûment prises enconsidération »

• la validation des candidats àl'adoption.

Elle interdit surtout implicitement lesadoptions menées de façonindépendante ; tous les futursadoptants devant s'adresser à leurAutorité centrale voire un organismeaccrédité - ainsi que toute interdiction« abusive ou autre forme de gainsfinanciers ».

Le système de coopération, établi parcette convention, est axé sur une «autorité centrale » gouvernementale,dans chaque pays visant à superviserl'adoption et servir de point centralconcernant l'adoption internationaleet les problèmes avec ses homologuesdans d'autres états. Les agencesd'adoption, dûment accréditées parl'Autorité centrale du pays d'accueil,sont habilitées à gérer les adoptions,notamment en ce qui concerne l'aideaux parents adoptifs avant, pendantet après la procédure. Lorsqu'il y estautorisé par l'Autorité centrale dansle pays d'origine, l'organisme d'adoptionest également habilité à fournir uneassistance directement sur place.

une commission spéciale, comprenanttous les états ayant adhéré à laconvention de La haye, est chargée

de surveiller la mise en œuvre dutraité, de faire des recommandationspour l'améliorer, mais aussi d'aborderdes problématiques définies. Jusqu'àprésent, elle s'est réunie trois fois,en 2000, 2005 et plus récemmenten juin 2010.

Les questions soulevées par cettecommission sont révélatrices de lanature et de l'étendue des problèmesqui entourent encore l'adoptioninternationale, aujourd'hui, commepar exemple :

• l'approvisionnement en enfantsdestinés à l'adoption

• la nécessité de déterminer descritères d'adoption transparentset indépendants

• le besoin d'une séparation totaleentre l'adoption internationaleet les contributions, dons etaides au développement perçus

• le respect des garanties de laconvention (y compris l'interdictiondes adoptions indépendantes,par exemple) par un étatadhérent lors de ses relationsavec des tiers non-adhérents.

Tous ces problèmes touchentévidemment l'Afrique de très près.Bien qu'elles ne fassent pasofficiellement partie du cadre législatifinternational, ces recommandationset d'autres constituent un potentiel

i6 L’adoption internationale du point de vue Africain

important pour tenter de mieuxréglementer le recours à, et lagestion de, l'adoption internationaleémanant du continent

d'importance égale au niveau régional,est la position adoptée dans lacharte africaine. même si ellereprend majoritairement les termesde la crc, la charte africaine montreparfois une approche un peu plusradicale, illustrée par ses référencesà l'adoption internationale (tel quementionné ci-dessus), étant « ledernier recours », un panel de mesuresde prévention du trafic et du gainfinancier occulte, et l'obligation de «

mettre en place un mécanismechargé de surveiller le bien-être del'enfant adopté » une fois qu'il estdans son pays d'accueil.

En somme, les normes internationalessont elles beaucoup plus centrées surla protection des enfants et leurs droits,lors d'une adoption internationale,que sur la promotion d'une adoptioninternationale, en tant que mesurede protection des enfants.

comme le montre ce document, endissipant tout doute possible, unetelle approche défensive estparfaitement justifiée.

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i 7L’adoption internationale du point de vue Africain

Le portrait actuel de l'adoptioninternationale en Afrique constitue,sans surprise, une mosaïque deréalités très différentes, allant despays qui ne l'ont ni adoptée, nireconnue, à ceux qui l'ont autorisée,

sans les garanties offertes par lesnormes convenues au niveauinternational. La carte dessous estl'illustration de ces différentessituations.

AFRICTUS OF AATUS OF STSTA

AN COUNTRIES OF ORIGIN AFRIC

T MARCH 2012AAT MARCH 2012AS AN COUNTRIES OF ORIGIN

T MARCH 2012

nonetheless practiced Countries wher

Countries not par

Countries not par

Countries par

Countries par

___________________________________________________

1 Sauf indication contraire, les données statistiques sur les adoptions dans cette sectionet les suivantes, sont basées sur, ou compilées et / ou provenant de, sources officielles.Elles concernent notamment les adoptions en france, http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/enjeux-internationaux/adoption-internationale-2605/le-service-de-l-adoption/statistiques-de-l-adoption/, en italie : http://www.commissioneadozioni.it/it/per-una-famiglia-adottiva/rapporto-statistico.aspx, aux Etats-unis: http://adoption.state.gov/about_us/statistics.php, mais également la principale source de données sur lesadoptions dans d'autres pays, également compilées à partir des statistiques officielles, àsavoir, l'archive du réseau adoption internationale australienne :http://www.aican.org/statistics.php

3 les adoptions internationales en afrique

3.1 mesure et ampleur 1

i8 L’adoption internationale du point de vue Africain

L'adoption internationale, avec toutel'importance qu'elle revêt, est assezrécente en Afrique comparé au restedu monde. Son statut actuel sur lecontinent ne peut être compris qu'enexaminant d'abord comment etpourquoi elle s'y est développée.

dans les années 70-80, tandis qu'ellesconnaissaient un développement rapideailleurs, il y avait peu de demandesd'adoption d'enfants africains, àl'exception de la france, où unnombre important d'enfants avaientdéjà été adoptés à la fin de cettepériode, notamment (en 1990) enéthiopie (78) et à madagascar (123).

En dehors de cela, par exemple, c'estseulement en 1986 que l'association« les Américains pour les Adoptionsen Afrique » (AfAA) a été créée, devenantainsi le premier organisme agrééd'adoption aux états-unis à êtrereconnu par le gouvernement del'éthiopie. L'AfAA a également lancéun petit programme d'adoption aumali, lequel a été développé seulementbeaucoup plus tard ailleurs sur lecontinent, à savoir, en Sierra Leoneen 1995 et, plus récemment, auLesotho et en ouganda2. dans lesannées 1990, cette pratique a

commencé à se répandre, à la fois entermes de nombre d'enfants adoptéset de pays concernés. L'éthiopie aété de loin le principal pays à l'originedes adoptions sur le continent, et ledemeure, avec plusieurs centainesd'enfants adoptés à l'étranger déjàchaque année depuis le début dusiècle. mais n'oublions pas que déjàplus de 200 enfants malgaches, demême environ 60 au Burkina faso etau mali, ont été adoptés seulementen france en 2000. depuis, oncompte également plus de 20 paysafricains tout autant impliqués.

En ce qui concerne les pays d'accueil,vers la fin des années 1990, lesadoptions en provenance d'Afriquecommençaient tout juste às'implanter en france, en représentantdéjà 17 % de l'ensemble des adoptionsdans le pays en 1997, tandis queseulement 4 % au danemark3 en1999, c'est à dire à peu près pareilque pour l'italie. A cette époque, celareprésentait moins de

1 %, rapport aux adoptionsinternationales aux états-unis et enEspagne (qui commençaient toutjuste à adopter en Afrique en 1998).

____________________________________________________________

2 http://www.africanadoptions.org/ 3 “Enfants reçus entre 1999 et 2009”, consulter :

http://www.adoptionsnaevnet.dk/english/statistical-information/

i

i 9L’adoption internationale du point de vue Africain

mais c'est au cours de la premièredécennie du 21ème siècle que lepaysage africain s'est considérablementmodifié, et ce fut en grande partie,mais pas seulement, en raison dedeux facteurs. Tout d'abord, un nombrecroissant de pays dans d'autres partiesdu monde, a commencé à placer desrestrictions sur l'adoption internationale,voire a dû la suspendre, à chaquefois souvent après avoir ratifié laconvention de La haye, ce qui signifieque les demandeurs étrangers etleurs agences devaient chercher desalternatives. deuxièmement, très peud'états africains étaient contraints parle règlement de La haye. Par exemple,

jusqu'en 2003, seul le Burkina faso,le Burundi et l'île maurice y avaientadhéré, laissant presque tout lecontinent potentiellement ouvert àdes accords ad hoc et, dans de tropnombreux cas, à ce qui s'est avérédans la pratique, une procédured'adoption impossible à mettre enœuvre, bien qu'il n’y ait pas pénuriede preneurs. Aujourd'hui, le nombrede pays receveurs a augmenté (voirla carte ci-dessous). dorénavant, plusdes trois-quarts des pays africainsont mis en place l'adoption, aveccertains pays d'accueil, comptant surles pays d'origine les plus favorisés.

ICA RECEIVING COUNTRIES FROM AFRICA IN 2011

Number of adoptions from Africa in 2011

< 500 adoptions/year

< 100 adoptions/year

more than 1500 adoptions/year

< 1000 adoptions/year

i10 L’adoption internationale du point de vue Africain

Ainsi, pour la france, où plus d'untiers des adoptions internationalesen 2011 concernait des enfantsafricains, pas moins de huit paysafricains faisaient partie du « Top 20» des pays d'origine, avec par ordred'importance, l'éthiopie, le mali, lardc, la Tunisie, madagascar, lecameroun, djibouti et la côte d'ivoire.L'éthiopie est le deuxième pays d'originele plus important aux états-unis depuis2009, de même la rdc, le nigeria etl'ouganda ont également figuré parmises 20 principaux pays d'origine en2011. En ce qui concerne l'italie cetteannée-là, l'éthiopie était à la 5ème

place et la rdc à la 11ème sur un totalde 51 pays, dont 15 africains.L'adoption internationale de l'Afriquevers l'italie, a par ailleurs, fait un bondde 10,7 % par rapport au total en2010 pour atteindre 13,1 % en 2011.

figure 1 : évolution des adoptionsinternationales depuis l'Afrique versla france et les états-unis, de 1990à 2011

figure 2 : Top 5 des pays africainsd'origine vers les uSA, la france,l'italie et la Suède, en 2011

il est inquiétant de constater quel'augmentation rapide du nombred'adoptions internationales enprovenance d'Afrique est presqueentièrement due à son développementdans des pays n'ayant pas adhéré àla convention de La haye: dans lafigure 2 ci-dessus, pas un seul descinq premiers pays africains d'origineparmi les principaux pays d'accueilen 2011 n'avait ratifié le traité (voirle tableau 1).

c'est un constat à la fois sanssurprise et très inquiétant. ce n'estpas surprenant car, à l'échelle mondiale,lorsque des pays ont adhéré auxprincipes de La haye, il en a résultéune diminution drastique de leurnombre d'adoptions approuvées.mais c'est en même tempsprofondément troublant car, pourrépondre à cette tendance, la «

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!

!!!!!!

i 11L’adoption internationale du point de vue Africain

demande » est transférée vers d'autrespays où les protections de La hayen'existent pas et où, trop souvent, lesautorités ne sont absolument paspréparées à faire face à l'affluxsoudain de demandes et se voientincapables de déployer uneprotection de base pour les enfants.

3.2 Principes et engagements

Actuellement, seuls treize paysafricains ont ratifié la convention deLa haye - ainsi moins d'un tiers deceux du continent d'où les adoptionsinternationales ont lieu.

Tableau 1: Statut de la ratification dela convention de La haye dans lesétats africains

En 2010, alors qu'on ne comptaitque 10 états africains adhérents,seulement quatre d'entre eux étaientparmi les 10 principaux pays d'originesur le continent. Trois d'entre eux (leBurkina faso, madagascar etl'Afrique du Sud) ont vu leur nombred'adoptions internationales baisser,au cours de la période 2004-2010,tandis que le mali (le plus « jeune »état adhérent des quatre) a, lui,connu une légère augmentationglobale de 60 %, avec toutefois unediminution de manière significativeà la fin de la période.

En revanche, cinq des six autrespays (non-adhérents à La haye) ontconnu des augmentations importantesau cours de cette période, à savoir,le nigeria (250 %), l'éthiopie (300 %),la côte d'ivoire et le ghana (400 %)et de la rdc avec une haussephénoménale de 1500 % ; la seuleexception étant le Libéria qui, aprèsun grand quadruplé entre 2004 et2006, a commencé à prendre desmesures unilatérales dynamiques,en réponse aux craintes d'irrégularités(bien-fondées), entraînant ainsi unebaisse globale de 40 % jusqu'en2010.

yEAr counTry

1996 Burkina faso

1999 ile maurice, Burundi

2003 Afrique du Sud

2004 guinée, madagascar

2006 mali

2007 Kenya

2008 Seychelles

2009 cap Vert

2010 Togo

2011 Sénégal

2012 rwanda

i12 L’adoption internationale du point de vue Africaini

Tableau 2 : évolution des adoptionsinternationales à partir des dixprincipaux pays africains d'origine,entre 2004 et 2010 (Pays adhérentsà La haye en rouge)

counTry 2004 2010

éthiopie 1 527 4 396

Afrique du Sud 242 190

Liberia 87 52

nigeria 94 259

madagascar 335 55

mali 82 132

Burkina faso 93 79

rdc 12 188

ghana 32 129

côte d'ivoire 26 105

Source: Selman, P. ‘The rise and fall ofintercountry Adoption in the 21st century:global Trends from 2001 to 2010’ in J. gibbonsand K. rotabi, (eds.), intercountry Adoption;Policies, Practices, and outcomes, farnham:

Ashgate, 2012

La grande vulnérabilité des paysnon-adhérents à La haye, et donc deleurs enfants, aux ouvertures,« encouragements » et pressions dela part des pays d'accueil peutdifficilement apparaître plus clairement.En soi, la ratification de la convention

de La haye par un pays d'originen'est bien sûr en aucun cas unepanacée, à l'image des expériences demadagascar et du guatemala, parexemple, qui l'ont amplementdémontré, mais elle a cependanttendance à placer l'adoptioninternationale dans la perspectivedes droits de l'enfant, ce qui doitdemeurer son objectif fondamental.Plus précisément, le fait d'obliger lespays d'accueil à désormais respecterles dispositions du traité, amélioreconsidérablement la surveillance et latransparence des processusd'adoption internationale, lesquelspâtissent autrement d'un manquede transparence en dehors du cadrede La haye.

3.3. Suspensions and moratoires

même en étant pleinement conscientsde ce genre de problème, les paysd'accueil n'ont à ce jour toujours pasdéclaré, comme cela a parfois été lecas ailleurs, de moratoire sur lesadoptions, et ce quelque soit le paysafricain concerné (même si certainsont intensifié les contrôles et adoptéd'autres mesures dissuasives). Pourleur part, un certain nombre de paysafricains - comme c'est le cas pourde nombreux pays d'origine surd'autres continents - ont dû recourirà la suspension de toutes ou

i 13L’adoption internationale du point de vue Africain

presque toutes, les adoptionsinternationales, à un moment donnéces dernières années, tandis quedes efforts ont été faits pour résoudrele problème. Bien que la nature deces problèmes ait été largementidentique, les circonstances et lesrésultats ont eux considérablementvarié.

Ainsi, le Togo a suspendu les adoptionsinternationales en 2008, quand il adécouvert que, entre autres, lesdéclarations de critères d'adoptionn'étaient pas soumises à desvérifications adéquates alors que lesenfants ont quand même été placés.une fois qu'un certain nombred'initiatives juridiques et autresvisant à répondre à ces questions,ont été mis en place, non seulementla suspension a été levée, mais lepays a pu envisager de ratifier laconvention de La haye, ce qui futchose faite en 2010.

En revanche, madagascar a étécontraint d'imposer un moratoire en2006, deux ans après la ratification dela convention de La haye, comptetenu de son impossibilité d'assurerque les adoptions internationales laconcernant avaient été menées enconformité avec le traité. depuis lerétablissement des adoptions

internationales, 18 mois plus tard,on compte toujours un nombre limitéde cas traités, par rapport à la périodede pré-suspension, cependant, avecpour objectif de maintenir un contrôleactif sur la procédure.

En 2007, le Lesotho (un pays n'ayantpas adhéré à La haye) a égalementsuspendu les adoptions internationalesaprès avoir eu la preuve de pratiquesillicites. Après avoir renforcé soncadre juridique et politique, il a levéla suspension 18 mois plus tard,pour seulement quatre pays : lecanada, les Pays-Bas, la Suède etles états-unis et concernant un seulorganisme d'adoption dans chacund'entre eux.

Le moratoire sur les adoptionsinternationales, adressé par lePrésident du Libéria (un autre paysn'ayant pas adhéré à La haye), début2009, a répondu non seulement auxallégations de corruption de longuedate, concernant l'adoption dans sonensemble, mais aussi à un rapportdatant de 2007, lancé par la missiondes nations unies au Libéria (minuL),qui « a confirmé que de nombreusesadoptions clandestines, outre-mer,avaient lieu dans des orphelinats, enraison des carences du gouvernementen matière de procédures d'adoption4 »

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4 un news centre, 28 march 2007: http://www.un.org/apps/news/story.asp?newsid=22051&cr=liberia&cr1=

i14 L’adoption internationale du point de vue Africain

(irin) et détaillant aussi lesrecommandations de la commissionspéciale sur l'adoption, mise enplace en 2008. des inquiétudes ontégalement plané concernant desvides d'adoption et leurs ramificationsaux états-unis, où la grande majoritédes enfants libériens adoptés ontdisparu. Le Libéria n'aurait d'ailleurstoujours « pas recours à l'adoptioninternationale comme option stablepour les enfants5 » (JcicS) - en d'autrestermes, en tant que règle générale,il n'accepte pas de nouvelles demandes,mais il traite néanmoins des cas quiétaient en cours avant le moratoire.

dans le sillage des arrestations,d'octobre 2007, concernant lepersonnel de l'Arche de Zoé ayanttenté de transporter des enfants horsdu Tchad vers la france illégalement -un acte qui, il convient de le noter,n'a que peu ou rien à voir avec lesprocédures d'adoption internationaleen tant que telles, même si l'adoptionen était l'objectif déclaré - larépublique du congo et la Zambie(deux pays n'ayant pas adhéré à Lahaye) ont, tous deux, annoncé qu'ilssuspendaient toutes les adoptionsinternationales, ostensiblement à

titre de mesure préventive. cela dit,lorsque l'interdiction a été levée aucongo, 4 mois plus tard, unfonctionnaire aurait constaté que :« de nombreuses procédures d'adoptionpassées n'étaient pas en conformitéavec les règles ; que de nombreuseschoses faites ne l'étaient pas dansl'intérêt des enfants adoptés6 ».

mais le pays africain ayant le plussuspendu l'adoption internationaleest le Sénégal. cela a été le cas endécembre 2011, mois où la conventionde La haye est entrée en vigueurdans le pays ; la raison invoquéeétant qu'il fallait laisser passer dutemps afin que les mécanismes etles procédures se mettent en placeafin d'être conformes au traité.

cette annonce démontre, entre autres,qu'il y a deux raisons principales assezdifférentes invoquées pour établir unmoratoire : dans certains cas, il s'agitde réagir à une faute professionnellegrave et répandue en dehors ducadre de La haye, et dans d'autresde respecter les procédures de Lahaye ; la première cause étant àéliminer en priorité.

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5 Joint council on international children’s Services, uSA:http://www.jointcouncil.org/news-info/country-pages/liberia/?submit=go, du 18avril 2012.

6 irin, 5 mars 2008.

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i 15L’adoption internationale du point de vue Africain

de plus, à ce jour, du taux deratification dangereusement bas dela convention de La haye par lespays africains, les tendancesactuelles mettent en lumière deuxprincipaux risques au niveau desadoptions internationales respectantscrupuleusement les droits desenfants, qui touchent de nombreuxpays sur le continent : l'augmentationapparemment incontrôlée et rapidedu nombre d'adoptions internationaleset le bas âge des enfants pouvantêtre adoptés à l'étranger.

4.1 croissance rapide

Entre 2003 et 2006, les adoptionsinternationales du Liberia vers lesétats-unis (comptant pour au moins95 % de l'ensemble de ces adoptions)ont augmenté de 27 à 353, soit uneaugmentation fulgurante 13 foissupérieure, en l'espace de seulement36 mois. des inquiétudes ontcommencé à surgir, concernant lesorigines et circonstances entourantces adoptions d'enfants, de mêmeque l'intégrité des procédures, ouencore ce qu'il advenait de cesenfants, ce qui a finalement donnélieu à un moratoire imposé en 2008.

moins spectaculaire mais plusimportant en termes de chiffres, a

été cette augmentation en éthiopie,passant de 500 au début du siècleà un pic presque dix fois supérieur (4565) en 2009. A nouveau desinquiétudes ont plané, poussant unenouvelle fois les autorités à réagir,cette fois en limitant le nombre dedossiers pouvant être validés,pendant une période donnée.

il convient également de mentionnerl'évolution de l'ouganda. En effet, lenombre d'adoptions aux états-unis aconnu une ascension de 62, en2010, à 207, en 2011, à savoir plusde trois fois supérieure d'une annéeà l'autre. En outre, alors que 95 % deces adoptions devaient êtreconclues aux états-unis, le comitéde la crc a exprimé son inquiétudeface aux délivrances d'ordonnancesde tutelle juridique, au lieu dedocuments définitifs d'adoption,visant à y permettre aux adoptantsétrangers de contourner lesprocédures d'adoption internationale.

À l'heure actuelle, la situation la pluspréoccupante à cet égard, pourraitbien être celle de la rdc. En effet,on y est passé de seulement 12adoptions internationales en 2004,à une ascension fulgurante de 62l'année suivante, pour ensuite se

4 adoption internationale depuis l’afrique :

des signes de danger

i16 L’adoption internationale du point de vue Africain

stabiliser, avant de passer à 149 en2009. Bien que les chiffres de 2011soient encore incomplets, lesadoptions en rdc de ses troisprincipaux pays d'accueil, semontent à eux seuls à 296 (france40, italie 123, états-unis 133), etont plus que doublé en l'espace dedeux ans.

Plusieurs problèmes importants sontsouvent associés à une croissanceaussi rapide du nombre d'adoptionsdans un pays.

Premièrement, on constate souventdans ce cas, un débordement desinstances officielles et judiciaires (ensoi compréhensible), comptant avecun personnel insuffisant et malformé à qui l'on confie la gestion dedossiers, avec pour responsabilitéde s'assurer que les procéduressoient bien respectées.

deuxièmement, une croissancerapide est souvent synonyme delacunes ou flous au niveau législatifet / ou procédurier, en plus del'absence de politiques, permettantà un nombre d'adoptions incontrôléet certainement dépourvu degaranties, d'avoir lieu.

Troisièmement, cela peut refléterdes relations particulières entre lesagences et les établissements desoins résidentiels ou d'autres «

intermédiaires » dans le butd'identifier - et dans le pire des casde fournir- un nombre sans cessecroissant d'enfants.

Pour finir, la combinaison desfacteurs ci-dessus est un terrain trèspropice aux gains financiers, lesquelspoussent et influencent l'adoption,soit en falsifiant des documents ouen les « expédiant », ou encore endonnant les « bons » contacts, enfournissant des enfants, ou demanière regrettable, en donnant lieuà tout un tas d'autres activitésillicites ou non-éthiques.

4.2. Bas-âge des enfants à l’adoption

L'un des facteurs de risque les plussouvent cités est celui de l'adoptionde bébés par les étrangers.

S'il est vrai que de nombreux paysd'origine (allant, par exemple, del'ukraine aux Philippines) ont fixédes âges minimum pour l'adoptioninternationale, leur placement auniveau national étant possible, lesbébés et enfants en bas-âge,demeurent toutefois les plusdemandés par les parents désireuxd'adopter, tant à l'étranger que dansle pays même, d'où les craintes quece type de demande insatisfaite àl'étranger, ne débouche sur despratiques contraires à l'éthique ouillicites.

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i 17L’adoption internationale du point de vue Africain

En ce qui concerne le placement desenfants devant être adoptés parl'étranger, du point de vue des droitshumains, il existe deux certainesexigences quelque peu contradictoires.Tout d'abord, certains efforts sontnécessaires afin de s'assurer qu'unenfant trouve une famille d'accueilstable le plus vite possible. Ensuite,on doit d'abord vérifier le réel bien-fondé du besoin d’adoption de l’enfantet examiner toutes les solutions localespossibles avant de décider d'uneadoption internationale, en applicationdu principe de subsidiarité, et enfin,une série de mesures de protectiondoivent être prises en amont,lesquelles ont trait à la compatibilité,à certaines vérifications cruciales, enplus d'avoir obtenu un accord légal.il s'agit bien sûr là d'obligationssystématiques, mais cependantprenant beaucoup de temps.

A cet égard, les états-unis semblentêtre le seul pays d'accueil à publierdes informations sur la durée de laprocédure (et non, il faut souligner,sur le temps d'attente des parentsdésireux d'adopter), même si cela neconcerne que les pays ayant adhéréà la convention de La haye. En cequi concerne l'Afrique, en 2011, onnote que l'un des dossiers traités àmadagascar n'aura demandé que

71 jours avant d'être réglé, tandisque 3 dossiers à gérer en Afrique duSud ont pris environ 6 mois et 2autres dossiers au Burkina faso àpeu près 1 an. La procédure demadagascar dans ce cas, s'est enfait avérée la plus rapide du mondeentier, venait ensuite celle de l'Estonie(154 jours), tandis que la plupartnécessitent en principe plus de 250jours, dont un tiers plus d'un an7.cela définit en principe, le genre dedélais généralement nécessairespour une adoption internationale,tout en soulevant inévitablement desquestions, pour le moins, au sujetdes procédures anormalement rapidespermettant les adoptions de bébés.

relativement peu d'états, publientmalheureusement des données surl'âge des enfants adoptés à l'étranger,du moins de façon suffisammentdétaillée pour être utile et déterminers'il peut y avoir des causes potentiellesd'inquiétude, à ce sujet, par rapportaux pays d'origine donné. Lesinformations disponibles quoiquelimitées, font néanmoins ressortir,de prime abord, un besoin d'éluciderla situation du mali (un paysadhérent à La haye) et de la rdc(non-adhérent à La haye) commeétant une priorité particulière àl'heure actuelle.

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7 http://adoption.state.gov/content/pdf/fy2011_annual_report.pdf

i18 L’adoption internationale du point de vue Africaini

En effet, près d'un tiers (19 sur 61)des enfants maliens adoptés enfrance en 2011 étaient âgés de 6mois voire moins, avec un total de46 (75 %) de moins d'un an (voir lafigure 3 ci-dessous). Pour sa part,l'italie - dont les citoyens démontrentla volonté inhabituelle d'adopter desenfants plus âgés et d'autres ayantdes besoins spéciaux - situe l'âgemoyen des enfants adoptés au malià 1,5 an, c'est à dire, parmi les plusbas du monde et seulementcomparables à la chine, à la coréedu Sud et au Vietnam. En Afrique, lepays le plus proche du niveau dumali dans le listing de l'italie est lenigeria, cité comme ayant unemoyenne d'âge d'adoptioninternationale de 2,5 ans, tandis quetous les autres pays affichent un âgemoyen de 3 ans et plus (voir letableau ci-dessous).

figure 3 : Enfants provenant du mali,adoptés en france en 2011, par âge

Tableau 3 : Âge moyen des enfants provenant d'Afrique,adoptés en italie, en 2011

Togo 5,9 ans cameroun 5,4 ansrdc 5,1 ansBurundi 4,4 anséthiopie 4 ansBénin 4,3 ansKenya 3,9 ansmadagascar 3,6 ansBurkina faso 3,6 ansguinée Bissau 3,4 ansnigéria 2,5 ansmali 1,5 an

La manière dont les adoptions ontévolué récemment de la rdc, versles états-unis, est pour le moinsrévélatrice. Lorsqu'on ne comptaitque peu d'enfants impliqués dans ceprocessus (seulement neuf en2008), la plupart d'entre eux (6)avait plus de 3 ans. mais lorsque cesadoptions ont augmenté de façondrastique, on a assisté à unrevirement complet de situation.d'après les chiffres de 2011, deux-tiers des 133 enfants adoptés auxétats-unis, étaient âgés demaximum 2 ans, avec 36 % (soit 48)du nombre total âgés de 12 moismaximum.

i 19L’adoption internationale du point de vue Africain

En outre, « l'âge moyen » ne reflètepas nécessairement très bien lesplus bas âges d'adoption de certainsenfants dans un pays donné, car il netient pas compte de l'effet « boule deneige », qui devrait nous alerter sur lefait que la sonnette d'alarme doivesans doute retentir aussi ailleurs.Ainsi, par exemple, en dépit de l'âgemoyen relativement élevé d'adoptionen éthiopie, les états-unis et lafrance indiquent que près d'un quartdes enfants éthiopiens qui lui ont étéconfiés, étaient âgés de moins de 1an en 2011 (respectivement 26 % et24 %), avec aussi la norvège où lesdeux tiers des enfants éthiopiens

adoptés étaient âgés de 0 à 2 ans en2010. cette même année, d'ailleurs,la norvège a également enregistréque chacun des 22 enfants adoptésen Afrique du Sud était âgé de 0 à 2ans .

on peut donc légitimement se poserdes questions quant à cettesituation. cela soulève, en effet, laquestion de savoir si le principe desubsidiarité a été dûment respecté,de même tous les aspects de laprocédure concernant l'adoption d'unbébé à l'étranger, avant qu'il n'aitatteint au moins 1 an, voire plutôt 18mois à deux ans8.

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8 http://www.ssb.no/english/subjects/02/02/10/adopsjon_en/tab-2011-06-08-04-en.html

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i 20L’adoption internationale du point de vue Africain

une série de questions doit êtreposée, afin de s'assurer que, dansles pays qui décident que l'adoptionde certains enfants à l'étrangerreflète au mieux les intérêts despersonnes concernées, cetteadoption est effectuée de façon àrespecter pleinement les droitshumains de ces enfants. cettesection se penche sur certainsproblèmes-clés à traiter, ainsi queles défis à relever par les paysafricains, quant à leurs efforts pourrépondre à ces conditions.

5.1 Pression de la part des pays adoptants

Le rappor t d 'une réunionintergouvernementale sur l'Afriquedu sud et de l'est, organisée par legouvernement d'Afrique du Sud enfévrier 20109 , stipule que « denombreux délégués ont reconnu queles pays d'accueil avaient du mal àgérer la pression croissante concernantl'adoption de plus en plus d'enfants». Plus tard dans l'année, lors de lacommission spéciale chargéed'examiner la mise en œuvre de laconvention de La haye de 1993,

plusieurs délégués africains ontégalement exprimé de très sérieusespréoccupations au sujet de la façondont leurs pays ont été « priésinstamment » de fournir plus d'enfantspour l'adoption internationale. Tantqu'une pression est exercée,l'expérience a montré que lesperspectives d'adoptions dans desconditions convenables, c'est à dire,en fournissant toutes les garantiespossibles aux enfants concernés,pouvaient être très gravementcompromises.

cette pression peut revêtir desaspects différents. Parmi les plusactifs, on compte l'offre de l'aide audéveloppement, souvent dédiée àcertains aspects de la protection del'enfance, en vue de l'améliorationpotentielle d'un programme d'adoptioninternationale.

dans la même lignée, il peut s'agird'inviter des responsables concernésdans la capitale du pays d'accueil,ou d'organiser des missions dans lespays d'origine, pour discuter d'unecoopération d'adoption internationale.A noter, par exemple, le ton un peu

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9 cross-frontier child protection in the Southern and Eastern African region: the roleof the hague children’s conventions, Pretoria, South Africa, 22 – 25 february2010

5 problèmes et défis

i21 L’adoption internationale du point de vue Africaini

maussade du rapport de l'une deces missions, émanant de l'Agencefrançaise de l'AfA au Burkina fasoen Juin 2008, stipulant que le paysd'origine « avait voulu poursuivre sacoopération avec l'AfA, mais enayant indiqué que le nombred'enfants proposés aux adoptantsfrançais n'augmenterait pas, aucours des années à venir », en raisonde la volonté de promouvoir lesadoptions nationales. « Ainsi, lesbébés de moins d'un an seraientdésormais proposés en priorité » auxressortissants10.

un autre type de pression exercéepar les pays d'accueil est desoumettre bien plus de demandesque l'on ne peut en gérer, dans lepays d'origine. Pas plus tard qu'ennovembre 2011, les autoritésfrançaises ont annoncé que pasmoins de 800 demandes avaient étéenvoyées par la société AfA à sonhomologue malien, lesquelles étaienttoujours en attente. Pourtant, lenombre d'adoptions internationalesen provenance du mali vers lafrance en 2011, n'était que de 61,en diminution pour la troisièmeannée consécutive ...

chaque fois que le nombre dedemandes, émanant de parentsadoptifs étrangers, à gérer, dépassecelui des enfants adoptés l'annéeprécédente, cela devrait alerterl'ensemble des personnes concernées.L'un des indicateurs correspondantest l'augmentation de la moyenne «des temps d'attente » entre laréception de la demande et laprocédure de vérification decompatibilité enfant-parents adoptifs.Pour aborder les choses de façonplus constructive, les pays d'accueilne devraient jamais transmettre dedemandes, ou leur permettre d'êtretransmises, à moins d'y avoir étépréalablement convié par le paysd'origine.

5.2 quand l’argent entre en jeu

il de notoriété publique que lesquestions financières constituent unobstacle majeur à faire en sorte queles adoptions internationaless'effectuent de manière éthique et,en particulier, que les enfants nesoient pas entraînés dans cetteprocédure, plus en raison du gainfinancier potentiel en jeu, que parcequ'ils ont vraiment besoin d'adoptionà l'étranger.

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10 http://www.agence-adoption.fr/home/spip.php?article267

i 22L’adoption internationale du point de vue Africain

Si argent rime avec influence, ladisparité flagrante entre la situationéconomique de la plupart desgouvernements, des organismes etdes individus en Afrique, rapport àleurs homologues des paysindustrialisés, crée bien sûr déjà desconditions conférant à ces derniersun avantage du fait de la vulnérabilitédes premiers à atteindre leurs objectifs.mais au-delà du phénomène despaiements illicites visant à renforcerdes décisions ou documents, dans uncontexte où personne n'est encoretout à fait certain de savoir déterminerce qui constitue un « bon » ou «mauvais » gain financier, deuxpratiques particulièrement inquiétantesdoivent, en tout premier lieu, êtreréglées par les autorités de tous lespays concernés.

La première concerne le montantdes frais d'agences d'adoption auniveau national, que celles-cifacturent à leurs clients, à savoir, lesdépenses soi-disant engagées dansle pays d'origine en ce qui concernele processus d'adoption, mais

également les frais d'agence basiquesne comprenant pas le voyage etl'hébergement.

ces frais varient considérablementd'un pays à l'autre et d'une agence àl'autre, atteignant cependant tousplusieurs milliers de dollars auminimum par adoption. Par exemple,l'agence française Lumière desEnfants ne demande pas moins de7450 euros (env. 9700 $ uS) pourune « procédure locale » au nigeria11.A l'inverse, au Burkina faso, ceschiffres descendent à la moitié decette somme (3586 euros), soit plusprès des 4500 $ uS réclamés parl'agence américaine AdoptionAdvocates International, dans cemême pays12. il est d'ailleurs unesituation intéressante au ghana :alors qu'un certain nombre d'agencesmentionnent leurs frais, Children’sHouse International, elle, par exemple,fixe ses « frais étrangers » pour leghana à 5900 $ uS13 – tandisqu'une autre agence américaineprécise : « à la demande des autoritésdu ghana, nous ne publions pas nos

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11 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/enjeux-internationaux/adoption-internationale-2605/les-acteurs-de-l-adoption/operateurs-de-l-adoption/organismes-autorises-pour-l/article/lumiere-des-enfants

12 http://www.adoptionadvocates.org/Africa/Burkina/index.php13 http://childrenshouseinternational.com/14 http://www.adoptionadvocates.org/Africa/ghana/fees.php

i23 L’adoption internationale du point de vue Africaini

frais sur internet.14 » il serait doncintéressant de clarifier les raisons detelles disparités.

En ce qui concerne le record de fraisd'adoption nationaux pour uneadoption en Afrique, il pourrait bienêtre détenu par Wasatch InternationalAdoptions en rdc. En effet, quandLifeline Children’s Services fixe ses« frais officiels » en rdc (« comprenantun certificat de naissance de l'enfant,le passeport, et les démarches) à lasomme déjà non-négligeable de4000$ uS15, Wasatch annonce, elle,la somme faramineuse de 14 500 $uS comme frais nationaux en rdc,dont on précise qu'ils sont « requispar le pays étranger16. » inévitablement,des sommes de cet ordre, si ellessont vraiment versées « dans le pays »et surtout lorsqu'elle sont multipliéespar des dizaines, voire des centainesd'adoptions par an dans certains pays(y compris la rdc, bien sûr), génèrentdes possibilités de revenus quebeaucoup cherchent, naturellement,à préserver et développer,indépendamment de tous lesbesoins réels d'adoption des enfantsà l'étranger.

La seconde, et peut-être encore plusinquiétante, pratique est la nécessitéabsolue des adoptants à apporterune contribution au titre de la « lagarde d'enfants », des « projets d'aidehumanitaire » ou autres, dans lecadre de la redevance globale verséeà l'agence d'adoption.

Par exemple, Les « frais duprogramme en éthiopie », se montantà 9000 $ uS facturés par children’shouse international, comprend «l'aide humanitaire et les dons àl'orphelinat » à hauteur d'au moins44 %, soit 4000 $ uS - sans compterun supplément de 8 % pour «l'élaboration de programmes17. » Surles 7500 $ uS de frais nationauxfacturés par Adoption Advocates auBurkina faso, 1000 $ sont consacrésà « l'élaboration de programmes » et2000 $ uS à un « don à l'orphelinat18 ».de même, pour une adoption aughana, Faith International Adoptionsexige un « don caritatif » de pasmoins de 3000 $ uS19. En cela, les500 $ uS au titre d'une « aidehumanitaire » exigés par Lifeline enrdc, font figurent de pauvre en

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15 http://lifelinechild.org/wp-content/uploads/2012/05/congo-fee-Sheet.xlsx.pdf16 http://www.wiaa.org/congo.asp17 ibid.18 ibid.19 http://faithadopt.org/adoptions/ghana/

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11 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/enjeux-internationaux/adoption-internationale-2605/les-acteurs-de-l-adoption/operateurs-de-l-adoption/organismes-autorises-pour-l/article/lumiere-des-enfants

12 http://www.adoptionadvocates.org/Africa/Burkina/index.php13 http://childrenshouseinternational.com/14 http://www.adoptionadvocates.org/Africa/ghana/fees.php

i 24L’adoption internationale du point de vue Africain

comparaison20, des 100 $ uS par moisque demande Wasach pour s'occuperde l'enfant « après acceptation de lasaisine », ceci venant s'ajouter à lasomme faramineuse précédemmentmentionnée de 300 $ uS par moisqu'elle réclame, au titre de « familled'accueil » en éthiopie. cela dit, danstous ces cas et dans beaucoupd'autres, dans la mesure où lessommes citées sont effectivementversées dans le pays d'origine,l'objectif de désinstitutionnalisationde la protection de remplacement enAfrique, et de la promotion desolutions visant à ne pas transférerles enfants à l'étranger, ne peutqu'être fortement compromis par lesintérêts financiers de ces « orphelinats» et des projets concernés.

Pourtant, à certains égards, celasemble être encore pire. En effet, leschiffres de certaines agences nefont aucune distinction claire entreles prétendus « frais» et « l'aidehumanitaire ». Par exemple, des «

frais de placement » de, trèsprécisément, 9050 $ uS en ougandaqui « comprennent le passeport, tousles services de garde légale, l'aidehumanitaire [et] les coûtsadministratifs » constituent unamalgame que l'on pourrait aumieux qualifier d'opaque21. demême, pour l'éthiopie (maiségalement pour le ghana), l'agenceAll God’s Children facture des « fraisde prise en charge de l'enfant » de4500 $ uS, destinés à « s'occuper devotre enfant dans son pays denaissance ». on y trouve égalementdes frais concernant la prise encharge habituelle des orphelins,ainsi que le « paiement de la visitemédicale de votre enfant pour le testVih / Pcr22. » Toutes ces sommes nefaisant l'objet d'aucun détail quant àvérifier leur bien-fondé. de plus, denombreuses agences ne fournissenttoujours pas le minimum d'informationsrequises concernant les frais etsommes engagées dans les adoptionsqu'elles organisent.

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20 http://lifelinechild.org/wp-content/uploads/2012/05/congo-fee-Sheet.xlsx.pdf21 http://www.adoptionadvocates.org/Africa/index.php22 http://www.allgodschildren.org/adoption/our-adoption-programmes/ethiopia-adoption

i25 L’adoption internationale du point de vue Africaini

En somme, la combinaison degrandes quantités d'argent et dumanque de transparence quicaractérisent un trop grand nombred'adoptions internationales enAfrique aujourd'hui, prédisposent àla continuité, pour ne pas direl'exploitation accrue, du statu quo. L'argent ne détermine pas seulementla façon dont ces adoptions sontréalisées, mais aussi les raisonspour lesquelles beaucoup sont initiées.L'argent n'est pas seulement enenjeu important, il est le facteur-cléauquel on doit s'attaquer pour queles droits de l'homme, en regard del'adoption internationale des enfantsafricains, soient efficacementprotégés.

5.3 ignorance du rôle des mécanismestraditionnels de survie

L'organisation de soins alternatifsinformels reste une référence dansles pays africains. Se déclinant sousune grande variété de noms à traversle continent, et avec des nuancesquant à leur organisation et leurseffets, ces mécanismes d'adaptationtraditionnels sont souvent dénomméscollectivement « adoption coutumière» et « soins informels d'accueil ».

Les arguments avancés en faveur del'adoption internationale, sont d'ailleurs

souvent fondés sur l'idée que, enraison de son aspect légal, seulel'adoption peut fournir des garantiesde « durabilité » à l'enfant et doit doncêtre une option privilégiée à long-terme par rapport aux famillesd'accueil, voire d'autres arrangementsinformels, ne constituant pas une «solution appropriée ». il est doncessentiel de couper court à de telsarguments, à partir d'au moinsquatre points de vue principaux.

Tout d'abord, il s'agit bien sûr làd'une approche très « occidentale »du problème car, non seulementc'est ignorer le fait que l'adoptionlégale est presque complètementméconnue de ces sociétés, maisc'est aussi supposer que toutesolution non-formelle et légale, nereprésente pas au mieux l'intérêt àlong terme de l'enfant.

deuxièmement,l'adoption n'offrepas de garantie de durabilité, étantdonné que certaines adoptionsprennent fin. Au Liberia, par exemple,une augmentation significative dunombre de cas où les parentsadoptifs ont décidé de mettre fin àleur relation avec les enfants libériensadoptifs, est citée comme facteurimposant un moratoire sur le sujet.

i 26L’adoption internationale du point de vue Africain

Troisièmement, du point de vue d'unenfant, la question n'est pas tant la« durabilité » en tant que telle - unconcept que peu de gens saisissent- mais la nécessité de se sentir ensécurité dans un environnent. dansla plupart des cas, cela sera d'autantmieux garanti par des moyenstraditionnels d'adaptation.

c'est enfin l'idée que l'adoptioninternationale doit être subsidiairesauf à l'adoption nationale légalisée,laquelle repose sur une visionsingulière de la « convenance » desservices de garde qu'elle cherche àimposer dans les contextes oùd'autres visions peuvent prévaloir.

Mais remettre en cause cesarguments, n'est toutefois passuffisant. En effet, les familles et lescommunautés de nombreux paysafricains jugent de plus en plusdifficile ces dernières années des'acquitter de leurs responsabilitéscoutumières envers les enfants sansprotection parentale. Il s'ensuit que,s'il est « justifié » le recours à l'adoptioninternationale, de même lesplacements institutionnels, doiventêtre contrés dans la pratique, afinque ces familles et communautéssoient habilitées et autorisées à

jouer leurs rôles traditionnels. Celasignifie donc que cette priorité doitêtre établie par les autorités nationaleset locales, par les organisationsde la société civile, ainsi que lesgouvernements étrangers etorganismes d'aide au développement,quant à soutenir leurs efforts plutôtque de permettre ou promouvoir dessolutions « formelles » de rechange,étrangères au contexte africain.

5.4 L'assistance aux personnes aux mains du privé

dans la grande majorité des paysafricains, le secteur de l'assistanceà la personne est essentiellement leseul type de soins formels offert, etl'un des facteurs-clé derrière laviolation des droits des enfants enmatière d'adoption internationale,autorisé à régner dans ce secteur.

de plus, tandis que le recours auxgrandes structures (institutions)dans les pays industrialisés a étéconsidérablement réduit au coursdes 30 ou 40 dernières années, enraison d'inquiétudes quant à leurimpact négatif sur le développementdes enfants, elles ontconsidérablement augmenté dansde nombreux pays africains au coursde cette même période. Assez

i27 L’adoption internationale du point de vue Africaini

paradoxalement, ce développementa été largement financé par lesbailleurs de fonds de ces mêmespays industrialisés, où les soins enétablissement sont progressivementsupprimés. d'ailleurs, il est bien établique, par enfant, un établissementd'accueil, est généralement beaucoupplus coûteux que le soutien familial,dans la prévention de l'abandon oul'aide aux familles et communautésà élever des enfants privés de leursparents. L'incohérence à ce niveauest donc flagrante.

il en résulte, en effet, une certaineironie, pour employer un euphémisme,dans le fait que « les placementsinstitutionnels » soient doncsimultanément financés et décriéssouvent par les organes mêmes oupersonnes parlant « d'enfants quicroupissent dans les orphelinats »,précisément, comme un argumenten faveur de l'adoption internationale.

comme dans de nombreux paysd'origine ailleurs, le placement eninstitution est, invariablement,complètement ou en grande partieaux mains du secteur privé, dans laplupart des cas avec une surveillanceofficielle moindre, et sans autorisation,ni déclaration officielle dans la plupart

des cas. Ainsi, à titre d'exemple, uneétude gouvernementale au ghanaen 2009 a révélé que seulementhuit orphelinats « connus » (5 %)avaient reçu l'autorisation d'exercer23.

La plupart des enfants dépendantde ces structures, lorsqu'ils sontrepérés en vue d'être adoptés, onvoit surgir des préoccupationsmajeures, ayant trait à l'adoptioninternationale, lesquelles sont : lemanque de contrôle, l'absence dedonnées les concernant, de mêmequ'un laxisme flagrant à essayer demaintenir un lien avec leur famillebiologique (existante dans la plupartdes cas) ; des problèmes accentuéslorsque ces structures sont financéespar, ou ont des liens privilégiés avec,des organismes étrangers.

un certain nombre de ces organismestend à essayer de démontrer qu'ilssoutiennent l'assistance fournielocalement (notamment lesstructures d'assistance à la personne)en même temps qu'ils facilitent lesadoptions à l'étranger, mais il nefaudrait pas confondre les rôles. desrelations privilégiées entre orphelinatset agences ont toujours révélé unpotentiel élevé d'irrégularités. Lesexemples ci-après illustrent la façon

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23 http://www.irinnews.org/report/84582/WEST-AfricA-Protecting-children-from-orphan-dealers

i 28L’adoption internationale du point de vue Africain

dont « les orphelinats » (entretenantdes liens ou pas avec des agencesd'adoption) en Sierra Leone,auraient (2006) enfreint la loi ou seseraient livrées à des pratiquesillicites ou douteuses en matièred'adoption internationale :

• recherche active de bébés etenfants en bas-âge dans lesfamilles vulnérables de lacommunauté

• mauvaise tenue des dossiersd'admission ou refus departager ces documents avecles autorités compétentes

• description erronée descritères d'adoption d'un enfantaux familles désireusesd'adopter

• fausse déclaration de décèsou de disparition des parentsd'un enfant, aux autoritéscompétentes

• obtention du consentement àl'adoption des parentsbiologiques ou autresmembres de la famille autresen leur mentant sur lesconséquences de l'adoption

• falsification ou contrefaçon dedocuments (formulaires de

consentement, par exemple) etobtention de documentsfalsifiés ou de faux (y comprisde pièces d'identité)24.

c'est sans aucun doute, un problèmed'ordre général sur le continent.certains pays, dont le Libéria et lanamibie (sans que cette dernièren'ait un lien avec l'adoptioninternationale), ont mis en place uneréglementation plus systématiquemais également un contrôle desstructures privées. dans la mesureoù l'on doit se reposer sur cettedernière alternative, cette meilleurevue d'ensemble est un pré-requis àla protection des droits des enfantsconcernés.

5.5 L’adoption indépendante, ou lepotentiel de pratiques illicites

Les adoptions indépendantes ou «privées » sont celles définies commene faisant pas appel à une agenced'adoption, ou à la supervision directedes autorités d'adoption du pays derésidence. Parce qu'elles échappentaux contrôles et impliquent souventdes programmes pour parents adoptifstravaillant directement avec despersonnes ou des entités non

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24 Assessment for unicEf, 2006 : monograph.

i29 L’adoption internationale du point de vue Africaini

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25 Séminaire francophone relatif à la convention de La haye du 29 mai 1993 sur laprotection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, Lahaye, du 22 au 26 juin 2009

immatriculées, leur permettant ainsid'être plus influentes et de mieuxcontrôler les procédures, les adoptionsindépendantes sont bien connuespour générer un niveau particulièrementélevé de risque de violations desdroits de l'enfant. Elles sont parconséquent implicitement interditespar les procédures énoncées dans laconvention de La haye, avec certainspays d'accueil (comme l'italie, la Suède)ainsi que des pays d'origine ayantémis une interdiction générale lesconcernant, même lorsque le processusd'adoption est effectué dans le cadrede ce traité. un séminaire francophonesur la convention de La haye en Juin200925, où plusieurs gouvernementsafricains étaient représentés (Burkinafaso, Burundi, côte d'ivoire, guinée,madagascar, mali, maurice, lesSeychelles et le Togo) a recommandéaux deux pays d'accueil et d'origineen place, d'interdire les adoptionsinternationales privées etindépendantes.

néanmoins, celles-ci demeurent uneréalité quant aux arrangements quecertains pays d'accueil ont mis enplace avec les pays d'origine, n'ayantpas adhéré à la convention de Lahaye, dont plusieurs en Afrique. Lafrance et les états-unis autorisent

tous deux les adoptions indépendantesdans des pays n'ayant pas adhéré àLa haye, et en ce qui concerne la franceles pays africains représentaient plusd'un tiers (35,5 %) du total en 2011.cette même année, les 83 adoptionsen france provenant du gabon, de laguinée, du Sénégal et de la Tunisieétaient de nature indépendante, demême que la quasi-totalité de cellesen provenance du cameroun (29 sur31), du congo (16 sur 18), de la côted'ivoire (28 sur 29) et de larépublique centrafricaine (18 sur19), entre autres. En tout, plus de220 enfants africains ont étéadoptés « indépendamment » rienqu'en france en 2011, avec desgaranties limitées quant aux principesde la procédure.

de telles situations sont doncextrêmement inquiétantes, étantdonné que les risques de pratiquesillicites sont multipliés lorsque lesadoptions ne sont pas suivies demanière systématique du début à lafin. Exclusion faite des adoptionsindépendantes en vertu de laconvention de La haye, il n'existeaucun argument légal, justifiant demaintenir cette pratique, et ce,quelque soit l'endroit.

i 30L’adoption internationale du point de vue Africain

5.6 Les agences d’adoption ou lemanque de vigilance desgouvernements

il existe des agences d'adoption detoutes sortes et tailles, allant despetites associations bénévoles locales(souvent créées par des parentsadoptifs) disposant de peu de moyens,aux grandes organisations traitantdes centaines de cas d'adoptionchaque année. celles gérant lesadoptions dans le cadre de La hayedoivent être accréditées par leurpays d'accueil de base et approuvéespar le pays d'origine avec lequel ellestravaillent. cependant, en fonction dupays concerné, il peut y avoir desrègles beaucoup moins strictesrégissant les organismes d'adoptiondes pays d'origine non-adhérents àLa haye.

Le recours aux services d'une agenced'adoption, même dûment approuvéeet accréditée, n'offre malheureusementpas la garantie absolue de mener àbien une adoption de façon tout àfait éthique, tel qu’illustré ci-dessus.cependant, celles œuvrant en vertudes règles de La haye offrentnéanmoins la garantie de réduire lesrisques de comportement abusif.

un certain nombre de pays d'origineà travers le monde demeurent, en

effet, méfiants quant aux motifs desagences privées gérant des adoptionsinternationales, ne leur permettantpas d'intervenir sur leur territoire.Ainsi en Afrique, cela concernenotamment la républ iquecentrafricaine, la côte d'ivoire, lemalawi, le Swaziland, l'ouganda et laZambie. ces craintes concernentleurs réelles motivations, dont onsoupçonne qu'elles soient plusd'ordre financier que véritablementaxées sur la protection des enfants.Et pour cause : dans de nombreuxcas, ces craintes se sont avéréesjustifiées.

malheureusement, les systèmes misen place comme alternative, voire lacarence en la matière, sontinvariablement beaucoup moinsadéquats quant à la protection lesdroits et intérêts supérieurs des enfantspour lesquels l'adoption à l'étrangerpeut être envisagée. il peut s'agir,par exemple, de « prestataires » pasnécessairement contrôlés ni mêmeimmatriculés, de contacts directsavec « orphelinats », le fait de confierdes tâches et des responsabilitésnon-adéquates à des notaires oudirecteurs d'établissements, voire detenter de faire gérer ces procéduresdirectement par des fonctionnaires.Les possibilités de contrôle efficace

i31 L’adoption internationale du point de vue Africaini

dans de telles conditions sontnettement moindres, comparé à unpetit nombre d'organismes agréésconnus en activité.

Si les risques liés aux fait de passerpar des agences doivent être réduitsau minimum, de toute évidence lapremière exigence est de s'assurerque les processus d'accréditation etd'approbation des organismesrespectent des critères stricts,notamment leur bien-fondé financier(frais facturés dans le paysd'établissement des coûts desservices) , la fiabilité des agents oudu personnel locaux, et la qualité etl'exactitude des renseignementsfournis aux parents désireux d'adopterquant aux besoins en matièred'adoption et les règles des paysd'origine concernés.

mais il est également essentiel delimiter le nombre d'agences approuvéesdans un pays donné d'origine austrict nécessaire, rapport au nombreattendu d'enfants qui pourraientavoir besoin d'adoption à l'étranger.Les pays d'origine, bien souvent, neréalisent pas que, sans cela, unclimat de concurrence malsaine estsusceptible d'émerger entre lesorganismes, débouchant sur traqueacharnée d'enfants qui peuvent être

« adoptables ». certains pays s'enremettent entièrement au paysd'origine quant à déterminer lenombre d'agences nécessaires. Parexemple, début 2010, plus de 70agences étrangères opéraient enéthiopie, dont 15 américaines,créées après 2005, alors que lesdemandes d'adoption étaient déjàen déclin, ce qui laisse supposerqu'elles avaient été crées pour tirerprofit de l'augmentation rapided'adoption dans ce pays là. cettepériode coïncidait en outre avecl'existence d'un nombre croissantd'orphelinats non-agréés et de"maisons de transition", principalementgérés par des organismes étrangers,d'où les enfants peuvent être placésdirectement chez des parentsadoptifs étrangers, avec tous lesrisques mentionnés ci-dessus.

5.7 inadéquation du système

dans la sphère d'adoption, commedans tout autre domaine d'activitéhumaine, des individus cherchentsans arrêt à contourner ou ignorer laloi, montrant clairement un besoinconstant de vigilance afin deprévenir et répondre efficacement àde tels actes.

cependant, la plupart des problèmesmajeurs et violations des normes

i 32L’adoption internationale du point de vue Africain

rencontrées dans le processus del'adoption internationale n'émanentpas toujours d'actes illégaux de lapart de personnes isolées, mais sesont au contraire quasi-généralisés -jusqu'à devenir endémiques - enraison, notamment, de carences enmatière de législation et systèmesen place. de telles lacunessystémiques, vont des simplescarences à l'absence totale deréglementation en matière juridiqueou administrative qui minentlittéralement, voire vont à l'encontredes normes internationales. Lesexemples suivants en sont l'illustration

• Le système sur lequel le processusrequis pour déclarer l'adoptabilitéd'un enfant, se fonde n'est nitransparent, ni approfondi

• Les systèmes permettant lesadoptions indépendantes

• Les systèmes ne prévoyant pasde prestataires de dépistage etautres intermédiaires dans leprocessus d'adoption

• Les systèmes ne recherchant pasles compatibilités entre un enfant

et ses futurs adoptants, mais aucontraire, mettant en relationdirecte ces parents ou leursagences avec des structuresd'accueil pour enfants, afin deleur permettre, plus ou moinsdirectement, de « sélectionner »un enfant

• Les systèmes dans lesquels lesfuturs adoptants ou les agencesdoivent faire des dons àl'établissement s'occupant del'enfant, ou bien fournir toute autreassistance humanitaire voireaide financière à la protection del'enfance.

Lorsque des systèmes de cettenature existent, il est presqueinévitable que la situation financièredes adoptants et de leurs agences,par rapport à celle des gens du paysd'origine, incitera à une activitéillicite. ceci est bien sûr aggravé parle fait que le nombre de candidatsétrangers à l'adoption estconsidérablement plus élevé que lenombre d'enfants « adoptables ».

i

i 33L’adoption internationale du point de vue Africain

c'est pourquoi, la protection efficacedes droits des enfants, en matièred'adoption internationale, doitclairement avoir lieu dans le paysd'origine, avec la coopération activede toutes les parties concernées etce, avant que le processus d'adoptionne commence. cela consiste àempêcher d'accéder aux demandesd'enfants, à vérifier leur adoptabilitéjuridique, à s'assurer de l'aptitudedes futurs parents adoptifs à adopter,à vérifier que les professions desparents leur permettent d'êtredisponibles, de même à vérifier si unlien se créé avec l'enfant en question.c'est grâce à ces paramètres etprocédés que l'on est à même degarantir la protection de l'enfant. denombreux pays d'origine, cependant,semblent être dans le déni de cetteréalité, préférant mettre indûmentl'accent sur le suivi des rapports quantà la situation, le développement et lebien-être de leurs enfants, déjà étéadoptés à l'étranger comme mesure-clé de protection. inconsciemmentou non, ils détournent ainsi l'attentionde la nécessité vitale d'exiger etmettre en œuvre des garanties,durant la phase de pré-adoption.

ces rapports de suivi, pris dans leurensemble, peuvent en effet donner

un aperçu global du degré de réussitede la mesure d'adoption des enfants,à un pays d'accueil donné, ainsi quemettre en évidence des problèmesdans certains cas (par exemple ledétail de la relation adoptive).cependant, il est extrêmement rareque des rapports de suivi soientutiles à la protection de l'enfantconcerné, et il est essentiel qu'il n'yait pas d'attentes à ce niveau. Eneffet, l'expérience montre qu'un tropgrand crédit accordé à ces rapportspost facto, en tant que mesure deprotection, se révèle une approchedangereuse.

qu'il soit ou non adhérent à laconvention de La haye, aucun paysn'est soumis à l'obligation de« permettre » à ses enfants d'êtretransférés à l'étranger pour adoption,en vertu d'un principe général ounon. certains états adhérentsl'autorisent sur une base au cas parcas, dans les cas relativement rareset rigoureusement fondés légalement.

il n'existe aucune trace, à ladisposition du public du moins,prouvant que les autorités d'un paysafricain aient déjà fait appelspontanément aux gouvernements,organismes ou individus provenant

6 pour une protection plus efficace des enfants

i34 L’adoption internationale du point de vue Africaini

d'autres pays, dans le but d'adopterleurs enfants. il y a en revanchetrace des préoccupations exprimées,au sujet des circonstances danslesquelles «des programmesd'adoption » ont été mis en place, demême que les résultats d'adoptionde certains enfants concernés.

Sauf cas exceptionnels, le fait queles enfants africains soient adoptésà l'étranger découle donc del'acceptation d'offres faites, ou depressions exercées de l'extérieur,des faits implicitement reflétés dansles déclarations de certainsorganismes exprimant leur gratitudeaux autorités d'un pays x d'avoir «permis » d'organiser l'adoption deses enfants à l'étranger. il incombedonc dorénavant aux pays d'origine,d'adopter une attitude plus concrète,certains diront même plus agressive,vis à vis de l'adoption internationale,car l'existence de graves problèmesgénéralisés, que certains qualifieraientmême d'inhérents à la protection desenfants adoptés internationalement, nefait plus aucun doute.

dans le même temps, les principauxfacteurs qui, seuls ou en combinaisonavec d'autres, génèrent ces problèmesont été identifiés et documentés. Eneffet, dans de nombreux cas, ils ontmême été largement reconnusdepuis de nombreuses années,comme en atteste le texte de la

convention de 1993 de La haye elle-même, et les préoccupationsexprimées par les personneschargées d'examiner sa mise enœuvre. non seulement lesproblèmes et les facteurs sous-jacents sont connus, dans la plupartdes cas, mais en outre, commeindiqué précédemment, un certainnombre d'indicateurs de risqueclairement identifiés, montrent qu'ilsse matérialiseront.

Pourquoi donc, la plupart desréponses d'aujourd'hui, dans lamesure où elles sont mises en œuvre,sont encore tout simplement réactives,face à des abus, plutôt que préventivesdans leur orientation? Pourquoi, parexemple, certains pays d'origine etd'accueil, même, ne serait-ce quepassivement, continuent à promouvoirles adoptions indépendantes ?Pourquoi les agences d'adoptionsont en mesure de mettre en placeet / ou de financer des « orphelinats »généralement soumis à unesurveillance minime voire nulle, àtravers laquelle les enfants peuventêtre adoptés à l'étranger ? Pourquoienfin, d'année en année constate-t-on une augmentation du nombred'adoptions tolérées quand il estévident que ceux qui sontresponsables de veiller à ce que desgaranties soient respectées, sontcomplètement dépassés ?

i 35L’adoption internationale du point de vue Africain

Les gouvernements des pays d'origineet des pays d'accueil ont à la fois besoinde se demander - et de répondre - àdes questions telles que celles-ci. Eneffet, d'aucun ne peut lutter efficacementcontre ces problèmes seul. Bien qu'ilappartienne naturellement aux paysd'origine de déterminer leur politiqued'adoption internationale, dans lamesure où elle est en conformitéavec les obligations générales en

vertu de la crc, le respect de cettepolitique dans la pratique nécessitela pleine coopération des paysd'accueil concernés, une co-responsabilité qui a été « endosséeet encouragée » lors du Séminairefrancophone de 2009, pré-cité,lequel a reconnu la responsabilitéconjointe « de développer des garantieset des procédures qui protègentl'intérêt supérieur de l'enfant ».

AdoPTion inTErnATionALE : AcTionS SPécifiquESLes états doivent évaluer et examiner de près la nécessité del'adoption internationale, ainsi que son rôle, en tant que mesure deprotection des enfants dans leur pays, comparé au principe de l'intérêtsupérieur de l'enfant, avant de se lancer dans une telle pratique.

concernant les pays le permettant, les états doivent veiller à ce quecette procédure vise, à tous les niveaux, à trouver une famille pour unenfant en besoin d'adoption internationale, et non à trouver un enfantpour une famille. cela nécessite donc de veiller à ce que le principe del'intérêt supérieur de l'enfant soit la considération primordiale.

Les organes conventionnels, tels que le comité des nations unies surles droits de l'enfant et le comité africain d'experts sur les droits et lebien-être de l'enfant, devraient à ce titre, réexaminer de près lapolitique d'adoption internationale et sa pratique, non seulement dansles pays d'origine mais aussi dans les pays d'accueil. ils devraientégalement accorder une attention particulière à l'évolution de laprestation de soins alternatifs en général, dont la prévention de lanécessité de tels soins et leur surveillance comme il se doit.

Les gouvernements des pays d'accueil devraient, entre autres mesures :

1. Strictement et systématiquement adhérer aux principes de Laconvention de 1993 de La haye dans leurs relations avec tousles pays d’origine, qu’ils soient ou non adhérents,

Voir suite page suivante...

i36 L’adoption internationale du point de vue Africaini

2. de même, empêcher les actions pouvant déboucher sur une «demande effective » trop importante vis à vis des enfantsadoptables, et ce, dans n’importe quel pays d’origine ainsi queprendre des mesures afin d’assurer la bonne application desprincipes de subsidiarité et d’adoptabilité et / ou le respectrigoureux de toutes les étapes du processus d’adoption,

3. mais encore s’efforcer de prendre position et de faire des remarquesconjointes, lorsque surviennent des situations préoccupantes, oùil existe une preuve a priori flagrante de violation grave etgénéralisée des droits des enfants, rapport à l’adoption, dans paysd’origine donné,

4. Et enfin rechercher tous les moyens possibles, grâce à la coopérationbilatérale ou multilatérale, d’aider les pays réels ou potentielsd’origine, à développer des services préventifs et réactifs au niveaunational, pour les enfants privés de soins parentaux, dans le cadredes directives sur les soins de remplacement pour les enfants(ungA , 2009).

Les gouvernements africains devraient, entre autres mesures :

1. procéder à un réexamen complet des dispositions législatives etprocédurières relatives à l’adoption internationale, afin de s’assurerqu’elles répondent efficacement aux normes internationales (enparticulier à la charte africaine, à la crc et à la convention de 1993)et, en particulier, à des indicateurs de risques identifiés dans leprésent rapport, ainsi que pour assurer le respect des Lignesdirectrices en matière de prise en charge alternative des enfants(ungA, 2009),

2. de même mettre en place des garanties supplémentaires telles quela limitation du nombre d’agences d’adoption autorisées opérantdans le pays et du nombre de pays d’accueil avec qui coopérer, deplus renforcer la surveillance des organismes axés sur l’enfant,interdire les adoptions indépendantes et privées, réglementer deprès tous les aspects financiers liés à l’adoption internationale,

3. pour finir, demander une aide bilatérale et / ou multilatérale pourle développement de services de prévention et de contrôle del’accès, afin de réduire le nombre d’enfants entrant dans desstructures d’accueil, et de promouvoir et soutenir les aidesinformelles traditionnelles, en conformité avec les lignes directricesci-dessus évoquées.

i 37L’adoption internationale du point de vue Africain

on compte aujourd'hui près de 58millions d'orphelins en Afrique, c'est-à-dire, autant que les populationsadditionnées du Botswana, duLesotho, de l'Afrique du Sud et duSwaziland. malgré les débutsprometteurs de l' Africa rising (leréveil de l'Afrique), comme on peutle voir d'après les taux de croissanceimpressionnants de ces dernièresannées, la pauvreté dans les zonesrurales et urbaines demeureendémique. En effet, la pandémiedu Vih / SidA, même si elle est deplus en plus maîtrisée, est toujoursomniprésente avec son lot deconséquences inconnues quant à lasurvie et aux moyens de subsistancede millions de familles et leursenfants, y compris d'enfantsconvertis en chefs de famille. Ainsi,le triangle d'incompatibilité famine -sécheresse - conflits, parfois enrecul et à d'autres moments faisantrage, conjointement avec ladissémination des ressourcescommunales et traditionnelles desoutien, ont décimé les famillesafricaines, en fragilisant sociétés etenfants. cette combinaison defacteurs a ajouté à l'attrait del'adoption internationale commealternative au déficit en matière de

prise en charge familiale et d'échecde la politique publique. Au-delà del'Afrique, les politiques de plus enplus restrictives ou rigoureuses deprotection en cours d'adoption enAmérique latine et Asie, d'une part,et la demande croissante del'Europe et de l'Amérique du nord «d'enfants à adopter », de l'autre, ontstimulé la demande pour les enfantsd'Afrique. Le résultat combiné detous ces facteurs a résulté en uneaugmentation spectaculaire, d'aumoins 15 fois supérieure danscertains pays, du nombre d'enfantsadoptés en Afrique, et ce, en un lapsde temps très court.

Les circonstances entourant leprocessus d'adoption et le bilanmitigé du bien-être des enfantsafricains adoptés en dehors ducontinent, ont généré de sérieusesquestions et, parfois, des débatshouleux quant à la sagesse del'adoption internationale. cependant,il ne fait aucun doute, qu'il s'agit làd'une preuve de générosité humainede la part de ces nombreux parentsadoptifs ayant agi en toute bonne foi,avec le plus noble des motifs. maisla réalité est aussi que l'adoptioninternationale a trop souvent étémarquée par de nombreux défis,

7 Vers une position pan-africaine sur l'adoption

internationale

i38 L’adoption internationale du point de vue Africaini

risques et abus, à la fois ici enAfrique et dans les pays d'accueil.

En effet, trop de parents africains ontété contraints, ou manipulés en vue,d'abandonner leurs enfants, souventsans en comprendre pleinement lesconséquences juridiques, tout envoyant les tuteurs de substitutionconfier leurs enfants dans desconditions contraires à l'éthiquevoire illicites. de même, certainsgouvernements ont également perduleur obligation légale et morale et,par conséquent, leurs fonctions deréglementation ou de surveillanceface aux comportements d'agentspeu scrupuleux, en faisant desenfants la matière première, de cemonde de plus en plus sombre etimmoral qu'engendre l'adoptioninternationale. c'est dans cescirconstances déplorables que desmilliers d'enfants africains, déjàtraumatisés par la perte de leursparents naturels, ou abandonnéspar eux, sont ensuite jetés dans cequi semble être le monde incertainet intimidant des étrangers issusd'un milieu, lui aussi, totalementétranger. La souffrance de nombreuxenfants, généralement, en dépit desmeilleurs efforts de leurs nouveauxparents adoptifs, et parfois auxmains mêmes personnes ou descommunautés à qui ils ont été

confiés, n'est donc pas surprenante.En dépit de toute la volonté et desefforts du monde, il est despréoccupations réelles au sujet de ladéconnexion psychologique etculturelle, alliée à l'impactpsychologique indélébile de cesenfants africains, si vulnérables etsensibles, traumatisés en coursd'adoption dans un environnementtotalement étranger.

n'ayons donc pas peur de ressasserce qui semble évident, afin de rendrece qui pourrait être perçu comme uneconclusion controversée. Les enfantsdoivent grandir dans leur proprefamille, à défaut de grandir auprèsde leurs parents naturels, parmi leurfamille par alliance, à défaut, dansleur communauté, et si celle-ci faitégalement défaut, alors, dans lagrande famille africaine. il se peutqu'un jour, il existe un monde au-delà de la race, de l'origine ethniqueet de l'exclusion, mais ce n'estmalheureusement pas celui danslequel nous vivons aujourd'hui. nousavons donc le devoir de fournir cequ'il faut à nos enfants afin qu'ilsgrandissent dans leurs proprescommunautés et en Afrique, entoute sécurité sans faim, ni privation.Et dans cette tâche, il incombe auxsociétés africaines et, surtout, auxgouvernements africains d'assumer

i 39L’adoption internationale du point de vue Africain

la pleine responsabilité de fournirune base juridique et matériellenécessaire pour élever les enfantsd'Afrique avec dignité. La charteafricaine des droits et du bien-être del'enfant, fait écho à la convention desnations unies sur les droits del'enfant, en affirmant ainsi : « Lorsquel'on considère la prise en chargefamiliale et l'intérêt supérieur del'enfant, on doit s'attarder lanécessité d'une continuité quant àson éducation, ses origines ethniques,religieuses ou linguistiques. » [Article25 (3)].

L'adoption internationale ne doitdonc pas être considérée commeune solution facile et pratique, maisau contraire, être découragée partous les moyens. Elle devrait êtreconsidérée en dernier recours, commeune exception plutôt que comme lasolution qui s'impose pour desenfants en situation difficile, comme

cela semble être devenu le cas. Ellene devrait jamais avoir lieu, sauf à ceque tous les autres efforts de fournirà l'enfant un environnement familialadéquat dans son pays d'origine,soient vains. Elle doit être utiliséedans des circonstances vraimentexceptionnelles, en considérant l'intérêtsupérieur de l'enfant commeprimordial (crc Art 21) et avec lesgaranties qui s'imposent.

nous disons donc non et nous nousérigeons donc contre l'adoptioninternationale des enfants africainssauf pour des motifs exceptionnels etdans des circonstancesexceptionnelles. Les gouvernementsd'Afrique et l'Afrique toute entière,doivent assumer et peser leur pleineresponsabilité morale, juridique etpolitique pour que l'Afrique s'adapteà tous ses enfants.

i40 L’adoption internationale du point de vue Africaini

AdoPTion inTErnATionALE : PoinTS-cLES• Le triangle d'incompatibilité famine - sécheresse - conflits a privé

des millions d'enfants de leurs parents• Beaucoup de parents ont été contraints par la pauvreté à renoncer

à leurs devoirs habituels d'éducation des enfants, et ont parfoissuccombé à la tentation du gain en abandonnant leurs enfants àl'adoption

• Les adoptions internationales en provenance d'Afrique sont enaugmentation à un rythme alarmant, créant ainsi un sentimentgrandissant de malaise chez les Africains

• de graves préoccupations surgissent également quant à ladéconnexion psychologique et culturelle régnant parmi les enfantsafricains et la rupture des liens du sang avec leurs famillesbiologiques

• Les sommes d'argent importantes et le manque de transparencequi caractérisent les adoptions internationales trop nombreusesaujourd'hui, vont contribuer à en renforcer la pratique

• il est de la responsabilité de chacun d'inverser la tendance actuelle,visant à se reposer sur l'adoption internationale comme une optionfacile et pratique

• La prise en charge et la protection des enfants en Afrique est avanttout une responsabilité africaine. Les enfants doivent grandir dansleur propre famille, à défaut de grandir auprès de leurs parentsnaturels, parmi leur famille par alliance, à défaut, dans leurcommunauté, et si celle-ci fait également défaut, alors, dans lagrande famille africaine

• où qu'elle soit appliquée comme une mesure de dernier recours,et ce, à n'importe quel moment, l'adoption internationale doit êtreeffectuée sur la base du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant.