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NOTES DE MECANIQUE DES FLUIDES A. COLIN DE VERDIERE - SOMMAIRE - Chapitre I : Généralités Chapitre II : La cinématique Chapitre III : Les équations du mouvement Chapitre IV : Mouvements permanents Chapitre V : Champs de vorticité et de déformation - Théorèmes de vorticité Chapitre VI : l'écoulement autour d'obstacles Chapitre VII : Ecoulements avec circulation Chapitre VIII : Flots visqueux Chapitre IX : Ondes dans les fluides Quelques exemples Chapitre X : Thermodynamique Chapitre XI : Ecoulements compressibles Chapitre XII : Instabilité hydrodynamiques Chaptire XIII : Turbulences

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NOTES DE

MECANIQUE DES FLUIDES

A. COLIN DE VERDIERE

- SOMMAIRE -

Chapitre I : Généralités

Chapitre II : La cinématique

Chapitre III : Les équations du mouvement

Chapitre IV : Mouvements permanents

Chapitre V : Champs de vorticité et de déformation - Théorèmes de vorticité

Chapitre VI : l'écoulement autour d'obstacles

Chapitre VII : Ecoulements avec circulation

Chapitre VIII : Flots visqueux

Chapitre IX : Ondes dans les fluides – Quelques exemples

Chapitre X : Thermodynamique

Chapitre XI : Ecoulements compressibles

Chapitre XII : Instabilité hydrodynamiques

Chaptire XIII : Turbulences

1

Chapitre I

GENERALITES

L'objectif de la mécanique des fluides est de fournir les méthodes pour

comprendre la diversité et la grande richesse des écoulements réalisés dans la nature :

- Régime des vents ouest ou d'alizé dans l'atmosphère,

- Existence du Gulf Stream dans l'Océan le long des côtes américaines,

- Oscillation des Marées dans les ports,

- Vague déferlant sur une plage,

- Cheminée convective dans un cumulus (nuage)

- Ecoulement autour d'une aile d'avion, d'une voile de bateau, d'une hélice,

- Mélange turbulent du lait dans votre café,

- Ressaut hydraulique observé quand le jet d'eau issu d'un robinet tombe sur l'évier.

- et combien d'autres encore...

Newton a jeté les bases de la Mécanique dans ses "Principia" dès 1686 et les

2 siècles suivants ont vu l'émergence d'une mécanique rationnelle comme pouvant

expliquer le monde à partir de lois générales expliquant tant la chute des pommes que le

mouvement régulier des planètes autour du soleil. Depuis le début du 20ème

siècle de

nombreux physiciens tentant d'élaborer les théories décrivant les écoulements turbulents

ont progressivement remis en question le déterminisme glacé de Laplace. Le coup de

grâce fut donné par l'apparition du chaos, comportement irrégulier apériodique déjà

présent dans un système dynamique à 3 degrés de liberté seulement. Dans de tels

systèmes la sensibilité aux conditions initiales est telle que deux trajectoires initialement

voisines divergent fatalement au bout d'un temps fini. Dans ces systèmes non linéaires,

des causes "voisines" produisent des effets très différents à long terme. L'implication est

la perte du pouvoir de prédiction dont l'exemple le plus frappant est donné par la

difficulté de prévision du temps en Météorologie. Parallèlement cette nouvelle physique

permet d'analyser conceptuellement des comportements variés : les systèmes peuvent

bifurquer vers de nouveaux états de façon spontanée sous l'effet de petites perturbations

au voisinage de zones critiques. Que les équations de la Mécanique puissent permettre

une grande diversité est en accord avec ce que la nature offre quotidiennement à nos

yeux. Le renouveau actuel vient non pas d'une remise en cause des équations mais de

l'étude de leurs solutions dans des cas plus réalistes où les amplitudes et les interactions

des mouvements d'échelles variées sont plus grandes.

2

Propriétés physiques des fluides

Un fluide est caractérisé par sa facilité à se déformer, par son absence de

forme propre. En contraste avec un corps solide, la position relative des éléments fluides

change beaucoup avec les forces appliquées. On ira plus loin et on définira un fluide de

la façon suivante :

"Un fluide ne peut pas résister à une tendance à la déformation induite

par des forces appliquées qui laissent le volume fluide inchangé".

En d'autres termes, aussi petite que soit la force, il y aura

toujours écoulement. Les forces permettant ce changement de

forme sont des forces de cisaillement agissant parallèlement

aux facettes d'un élément de fluide :

Les solides peuvent aussi se déformer mais cette déformation est réversible tant que la

contrainte ne dépasse pas une certaine valeur appelée limite élastique. La rhéologie

concerne justement l'étude des lois entre la force ( ou contrainte )appliquée et la

déformation. Un solide élastique a ainsi une mémoire parfaite de sa forme alors qu'un

fluide n'en a aucune. Au-delà de la limite élastique du solide, une déformation

permanente apparaît qui peut conduire jusqu'à un écoulement et on parle alors de

plastification.

La figure ci-dessous résume quelques comportements :

Quand la relation déformation-contrainte est linéaire et part de l'origine on parlera de

fluide Newtonien. Le cas plastique ci-dessus peut être illustré par l'écoulement des

glaciers ou de la croûte terrestre où à chaque fois une certaine contrainte minimum est

nécessaire pour produire une déformation permanente. Dans d'autres fluides, la viscosité

(définie grossièrement comme le coefficient de proportionnalité entre contrainte et

déformation) varie avec la façon dont est appliquée la contrainte dans le temps ; elle

décroît en particulier avec le temps quand une contrainte est appliquée continûment pour

les fluides thixotropes (certaines peintures, le ketchup, la mayonnaise). D'autres

substances dites viscoélastiques ont un comportement intermédiaire entre fluide et

solides car leur structure interne dépend du temps caractéristique de la contrainte

appliquée. Quand celui-ci est faible, respectivement grand, elles se comportent comme

des solides ou des fluides (marchez plus ou moins rapidement sur le sable mouillé). Les

fluides étudiés ici seront newtoniens, en pratique des liquides ou des gaz présentant une

uniformité de composition.

F

Déformation

Fluide newtonien

Plastique

Contrainte

3

Les différences entre les liquides et les gaz dues à la densité ne sont pas très

importantes. Par contre la compressibilité différente entre un liquide et un gaz va induire

des comportements très différents quand les écoulements sont rapides.

Un fluide est composé de molécules animées de mouvements désordonnés

alors qu'à notre échelle quotidienne certains écoulements paraissent bien organisés. Une

hypothèse fondamentale de continuité du milieu va nous permettre de développer les

outils permettant de décrire l'aspect macroscopique des écoulements.

En l'absence de liaison chimique, la force entre deux molécules varie de la

façon suivante :

où d0 3.10-8

cm

La distance moyenne entre molécules est de

l'ordre de d0 dans les liquides et solides, et

de 10 fois d0 dans les gaz.

Bien que la densité ne change que de quelques % quand un solide fond, ceci

induit de grands changements dans la mobilité interne de la phase liquide. A l'échelle

moléculaire, la masse et la vitesse varient beaucoup et il paraît illusoire de vouloir

prédire la trajectoire de chaque molécule. Notre intérêt se porte sur des échelles

macroscopiques, visuelles, grandes par rapport aux échelles moléculaires.

Représentons la densité (masse volumique) mesurée par un instrument qui

fait une moyenne sur un volume de fluide proportionnel à la taille du capteur.

Quand le volume de fluide ne contient que quelques molécules, la densité

mesurée varie aléatoirement puis continûment si le volume de fluide est assez gros pour

contenir un grand nombre de molécules. Il ne doit pas être trop gros car sinon la densité

va varier avec l'échelle macroscopique que l'on veut décrire (par exemple, la largeur

F

répulsion

attraction

distance

d0

densité

Echelle de l'élément

de fluide vue par

l'instrument d0 L

4

d'une rivière si on étudie l'écoulement d'une rivière). La mécanique des fluides va tenter

de prédire le comportement fluide d'un volume intermédiaire dont l'échelle L >> d0 en

supposant les variables, vitesses, densité, température, pression, définies continues. On

assigne leurs valeurs à un point et (x, t) est une fonction continue de x et t.

L'hypothèse fondamentale de la mécanique des milieux continus est que le

comportement d'un fluide à une échelle macroscopique est le même que celui d'un fluide

à structure parfaitement continue. La structure des fluides tels que l'air et l'eau dans nos

expériences quotidiennes macroscopiques supporte à l'évidence l'intérêt dune telle

hypothèse.

Ce faisant on a oublié le "désordre" à l'échelle moléculaire, à l'échelle

inférieure au "point" précédemment défini. Dans un fluide réel (par opposition à un

fluide idéal) ce désordre est responsable de la viscosité et des phénomènes de diffusion.

On peut assez bien paramétriser ce désordre en fonction des échelles macroscopiques

mais on a besoin de mesurer un certain nombre de coefficients pour ce faire. [Ex. : si on

met de la teinture dans un fluide immobile tel que l'eau, la diffusion moléculaire tend à

étaler, diluer cette teinture dans le fluide avec une certaine rapidité que l'on peut mesurer

et qui traduit bien cet effet du désordre à l'échelle moléculaire].

Les différents types de forces :

- forces de volume (body force) :

Ce sont des forces externes qui agissent à grande distance et sur tous les

éléments du fluide (Ex. : la gravité, les forces d'inertie dans un fluide en rotation comme

les forces centrifuges ou Coriolis). Comme ces forces varient lentement, elles sont

proportionnelles au volume. La force sur un élément de volume V, de densité sera :

F(x,t) V

- forces de surface :

Elles ont une origine interne, moléculaire et décroissent très rapidement

avec la distance. Elles ne sont appréciables que pour des distances de l'ordre de la sépa-

ration des molécules et sont dépendantes d'un contact mécanique. La force agissant sur

un élément est proportionnelle à la surface de cet élément et l'on appellera contrainte le

coefficient de proportionnalité.

Cette contrainte dépend de l'orientation de la surface et un petit exemple

emprunté à la mécanique du solide suffit à le montrer. Soit une barre rectangulaire

homogène accrochée verticalement à un support.

T T '

Z

L

(a) (b)

5

Examinons les forces de contact dans les cas (a) et (b). Si la barre est homogène, les

contraintes sont uniformes sur la surface et équilibrées par le poids de la barre situé en

dessous :

en (a) F = T A = P z/l

où P est le poids de la barre et T la contrainte (ici une tension)

en (b) F' = T' A' = P z/l

mais A' = A/cos

si bien que T' = T cos

On va montrer ci-dessous comment calculer une contrainte sur une surface

d'orientation arbitraire si on connaît en un point le tenseur des contraintes.

Soit une surface plane séparant deux

régions, de normale n et d'élément d'aire A. La force

locale exercée par le fluide dans la région 2 sur le fluide

dans la région 1 sera spécifiée par :

A)t,x,n(

où est la contrainte exercée par 2 sur 1 quand la

normale n pointe vers 2. Ce vecteur dans le même sens

que n indiquera une tension pour le milieu 1 et dans le

sens opposé une compression.

La contrainte exercée par 1 sur 2 est )t,x,n( en vertu du principe

d'action et de la réaction, mais c'est aussi )t,x,n( .

On parlera tantôt d'une pression (ou d'une compression) quand la contrainte

est de signe opposé à la normale extérieure au volume considéré, et d'une tension dans le

cas inverse. A la différence des solides élastiques qui peuvent être soumis à compression

ou à tension, les forces de cohésion dans les fluides sont si faibles qu'elles ne peuvent

résister à une tension si petite soit-elle. Pour cette raison, les contraintes dans les fluides

sont toujours des compressions.

En mécanique du solide, on ne s'intéresse qu'aux forces de volume et aux

forces à la surface extérieure du solide car les positions relatives des éléments intérieurs

sont fixes. Il n'en est plus de même dans un milieu déformable où la distribution

intérieure des forces doit être considérée. Pour avancer il faudra aussi savoir comment

les forces de surface dépendent des propriétés locales du fluide et de son mouvement .ie.

se pencher sur ce que l'on appelle la rhéologie du fluide.

n

1

2

6

Le tenseur des contraintes :

On voudrait savoir comment la

contrainte ∑ qui est une force par unité de surface

dépend de l'orientation de la normale à la surface

sur laquelle elle agit. Pour cela on considère le

petit tétraèdre bâti sur les trois plans d'un système

d'axes a, b, c et sur la facette de normale n.

La somme des forces agissant sur ce

tétraèdre fluide est :

321 A)b(A)b(A)a(A)n(

Par projection de la surface A sur les plans des axes, on a :

A1 = a . n A

A2 = b . n A

A3 = c . n A

Notant le produit scalaire a.n ajnj (indice répété indiquant une somme) la ième

composante du vecteur contrainte ∑ peut donc s'écrire :

Anc)c(b)b(a)a()n( ji ji ji ji

Supposons maintenant que le tétraèdre diminue indéfiniment en gardant la

même forme. L'équilibre du tétraèdre dépend de la somme des forces de surface et des

forces de volume. Les forces de volume, proportionnelles au volume (comme les forces

d'inertie vx accélération) tendent vers 0 plus rapidement que les forces de surface ci-

dessus. A la limite, ces forces de volume sont négligeables (si les accélérations, densité

ont des limites finies) devant les forces de surface et donc dans cette limite le terme en

accolades ci-dessus est nécessairement nul. On en déduit que :

jijijijin)c(c)b(b)a(a)n(

(Ce premier résultat indique que si on veut obtenir un effet non nul des forces de surface

sur le tetraèdre élémentaire il faudra aller à un ordre d'approximation plus élevé et

considérer les variations spatiales de ces forces entre les différentes faces). Comme n et

sont 2 vecteurs qui ne dépendent pas du choix des axes, on en déduit que la quantité

entre crochets ci-dessus représente les 9 composantes d'un tenseur du second ordre,

également indépendant du choix des axes. On le note ij et on a :

jijin)n(

La contrainte locale du fluide sur n'importe quelle face d'orientation n peut se calculer

par la formule ci-dessus. ij est le tenseur des contraintes, quantité donc indépendante du

choix particulier d'une normale. ij est la ième

composante de la force par unité de surface

qui s'exerce à travers un élément de surface plane normale à la direction j. Son signe est

c

A1

A2

A3

b

a

n

7

positif quand la contrainte exercée par le fluide vers lequel n pointe, sur le fluide duquel

n s'éloigne, est du même sens que n.

Les 9 composantes de ce tenseur ne sont pas indépendantes. Si on considère

l'équilibre des moments des forces d'un petit volume de fluide par rapport à son centre,

on montre que ce tenseur est symétrique (Voir exercice).

ij = ji

Un tenseur d'ordre deux est une classe de matrices particulière. Rappelons qu'un vecteur

est défini comme une quantité qui change comme les composantes du vecteur position

dans une rotation des axes. On parle en particulier de transformation orthogonale quand

le repère orthogonal initial se transforme en un autre repère orthogonal sous l'action

d'une rotation. Si x' et x dénotent les composantes du nouveau et de l'ancien vecteur

dans le nouveau et l'ancien repère respectivement, on a :

x = P x'

et

x' = PT

x

où P est la matrice de passage de la transformation orthogonale entre le nouveau et

l'ancien repère. (Pour ces types de transformations, l'inverse est égale au transposé PT

).

Inversement on peut considérer que ces relations définissent le concept de vecteur.

De façon analogue on définit un tenseur d'ordre deux comme une matrice

qui se transforme sous l'effet d'une transformation orthogonale comme :

' = PT P

La propriété de symétrie et les coefficients réels indiquent que ce tenseur peut toujours

être diagonalisé. Il est possible donc de trouver des axes dits principaux où l'expression

du tenseur 'ij = 0 quand i j et ou donc dans ce système d'axes les composantes

tangentielles disparaissent [Dans cette diagonalisation la trace ii = 'ii se conserve].

Cas du fluide au repos - La Statique.

Considérons les forces de surface qui agissent sur une petite sphère fluide

dues au fluide extérieur :

Dans le système d'axes principaux on a :

On décompose le tenseur diagonalisé en une partie isotrope et le reste :

'11 = 1/3ii + ('11 – 1/3ii) etc…

8

En un point de la sphère de normale n, la force due à la première partie est 1/3ii n et est

en général une compression (ii < 0). Cette force est isotrope et le fluide peut y résister.

La deuxième partie du tenseur illustre des contraintes dont au moins l'une est une

compression et l'autre une tension (la troisième peut être l'une ou l'autre). Ceci tend à

déformer la sphère en un ellipsoïde sans en changer le volume. Il n'y a aucune façon de

pouvoir équilibrer ceci par des forces de volume plus petites. La déformation est donc

inéluctable. On en déduit donc que dans un fluide au repos cette partie anisotrope de la

contrainte ne peut pas être supportée par le fluide et elle est donc nulle. Dans un fluide

au repos, la définition que nous avons donné d'un fluide montre que le tenseur des

contraintes est isotrope et que les contraintes tangentielles de cisaillement sont nulles.

Les contraintes étant toujours normales (dans n'importe quel système d'axe),

le tenseur peut s'écrire :

ij = - p ij

(ij symbole de Kronecker = 1 si i = j, = 0 si i ≠ j)

p étant la pression et en général positive, le signe moins indique que les forces sont des

compressions. Dans un fluide au repos, la force de contact par unité d'aire qui s'exerce à

travers une surface plane de normale n est -p n. Les forces de pression statique agissent

donc de la même façon dans toutes les directions.

L'équilibre mécanique d'un fluide :

Un solide est en équilibre quand les résultantes des forces et des moments

extérieurs sont nulles. L'équilibre d'un fluide requiert que tous les éléments de fluide

soient simultanément en équilibre. Si F désigne les forces de volume, on doit donc avoir

pour un volume arbitraire :

0dAnPdVF

Le deuxième terme peut être transformé en intégrale de volume par un analogue du

théorème de la divergence s'appliquant à un scalaire p.

Si a est un vecteur, le théorème de la divergence donne :

dAnadVa

En appliquant ce théorème au vecteur pb où b est un vecteur constant arbitraire on

démontre que :

dVpdAnP

Et donc l'équilibre requiert :

0dVpdVF

9

Comme le volume d'intégration est arbitraire, ceci est nul si et seulement si l'intégrant

est nul :

F = p

En l'absence de couples liés aux forces de volume, la symétrie du tenseur

des contraintes assure que la résultante des moments est aussi nulle et la relation ci-

dessus est donc la condition nécessaire et suffisante pour l'équilibre d'un fluide.

Intéressons nous au cas particulier où F, la force de volume par unité de masse dérive

d'un potentiel :

F

étant l'énergie potentielle par unité de masse, on a:

- = p

En prenant le rotationnel :

= 0

Ceci indique que les surfaces de constant et constant coïncident. Quand c'est le cas,

ces surfaces sont aussi des isobares (Surface p = constante) et :

)(d

dP

Applications

1. gravité : = gz

La condition d'équilibre ci-dessus est appelée équilibre

hydrostatique :

gdz

dP

Soit une colonne fluide verticale d'un fluide homogène de

densité . Le fluide sera en équilibre si la pression p2 excède

p1 d'une quantité g H. Ainsi :

p2 - p1 = g H

où H est la hauteur de la colonne fluide. La pression augmente linéairement avec la

profondeur.

2. Qu'est-ce que la pression atmosphérique ? Dans l'expérience du

baromètre, lorsqu'on renverse un tube rempli de liquide dans

une cuve remplie du même liquide, on s'aperçoit que le niveau

dans le tube se stabilise à une hauteur h. Le volume en haut du

tube contient de la vapeur d'eau saturante du liquide considéré

de pression négligeable le. Les pressions en A et B étant les

mêmes, la pression de l'atmosphère en B est égale à g fois la

hauteur h de la colonne au-dessus de A.

P1

P2

H g

h B A

10

3. Cette relation est à la base de la mesure de

différence de pression statique lorsque l'on cherche

à mesurer la pression P dans une enceinte. La

pression étant la même à l'équilibre dans un plan

horizontal (et ce quelque soit la forme du récipient),

la mesure de la cote h fournit directement la

différence de pression entre l'intérieur du récipient

et l'atmosphère si celui-ci débouche à l'air libre :

P - Pa = gh

4. Supposons un océan de densité moyenne c. Si l'origine de l'axe z est à la surface, la

pression p, à une cote z, sera :

p = pa - cgz

où c est supposé constant, l'eau étant

peu compressible.

pa c 1 025 Kg/m3

La pression augmente donc de 1 bar

environ pour chaque dizaine de

mètres d'immersion.

Unités de pression : 1 bar = 105 Pascal

1 pascal = 1N/m2

Le bar est donc une pression considérable correspondant à une force au m2

appliquée par une masse de 10 tonnes !

5. Atmosphère : pour de l'air sec, l'équation d'état des gaz parfaits nous indique

comment la densité varie avec la pression :

p = RT

où R = 287.04 J/Kg/˚K

dans ce cas pour trouver la pression dans l'atmosphère :

dP / dz = - gP / RT

A 15 % près, l'atmosphère a une température relativement constante entre la surface

et 70 km, Tc ~ 250˚K.

On obtient : p = pa e-gZ/RTc

Hs = RTc/g (= 7.4 km) apparaît donc comme l'échelle de la variation de la pression et

de la masse volumique dans l'atmosphère.

P

Pa

h

p = pa

Z

Air

Ea

u p(Z)

11

L'équilibre d'un corps flottant :

Soit un corps solide plongé dans un liquide. La force résultante du fluide sur

le corps est Anp . Supposons que l'on remplace le corps solide par le fluide

environnant sans modifier les pressions. La force de volume agissant sur le fluide

"remplaçant" est V où et sont prolongées à l'intérieur par continuité à

partir de leurs valeurs à l'extérieur. Mais cette force est équilibrée par la résultante des

forces de pression sur la "frontière" qui valent donc V intégrée sur la

région occupée par le corps.

C'est la loi d'Archimède généralisée qui stipule qu' un corps solide immergé

est soumis à une flottabilité égale au poids du volume de liquide déplacé par le corps.

- bateau :

Analysons de façon élémentaire

son équilibre et les oscillations autour de

cet équilibre.

Nous supposerons pour simplifier que le bateau est un cylindre dont les

génératrices sont parallèles à 0y (axe perpendiculaire au plan de cette page). En G centre

de gravité s'applique le Poids P du navire tandis qu'en C, centre de carène ou centre de

masse du volume immergé de la carène, s'applique la résultante B des forces de

flottabilité, c'est-à-dire des forces de pression sur la surface mouillée. Soit d = ds dy un

élément de surface de la coque. La force de pression hydrostatique vaut gz d soit

gz d cos dans la direction verticale 0z si est l'angle entre 0z et la normale n.

Comme ds cos = dx, ceci est gz dx dy et la flottabilité est donc :

gVdydxzgB

V étant le volume du bateau. On vient de redémontrer de façon élémentaire la formule

d'Archimède. A l'équilibre C et G sont sur une même verticale, B équilibre le poids P du

bateau, et on retrouve ainsi directement le principe d'Archimède. Cette condition B = P

détermine le tirant d'eau du bateau.

Supposons maintenant que le

bateau roule, un cas fréquent, autour de

l'axe 0y. La forme de la carène immergée va

changer et le point C va se déplacer sur une

courbe dont le centre de courbure est appelé

métacentre M.

n

B

C

G

ds

n P

B

C G

M

P

12

Dans le cas de la figure il y a stabilité car le couple formé par P et B ramène le bateau

vers sa position d'équilibre. Cette stabilité est garantie si M se trouve au-dessus de G. La

distance MG = h est appelée hauteur métacentrique et permet de calculer la fréquence de

petites oscillations. Si J est le moment d'inertie du bateau autour d'un axe y la loi de la

dynamique appliquée aux mouvements de rotation est :

J d2/dt

2 + hP sin = 0

où est l'angle entre GM et CM.

Pour de faibles oscillations sin est environ et la fréquence de roulis est donné par :

= (hP/J)1/2

formule analogue à celle d'un pendule composé.

La recherche de la stabilité vise à augmenter la force de rappel et donc

augmenter h mais ceci aura tendance à augmenter aussi la fréquence de roulis. Pour

augmenter la stabilité on peut jouer sur la descente du centre de gravité le plus bas

possible mais aussi sur la forme du bateau. Ce dernier facteur est largement utilisé dans

les voiliers modernes dont la largeur augmente régulièrement au détriment du creux.

Un autre phénomène à considérer est la possibilité de résonance due au

champ de vagues externes. Pour assurer un bon confort il faudra essayer de placer la

fréquence propre du bateau en dehors de la gamme des fréquences majeures des vagues.

13

Chapitre II

LA CINEMATIQUE

Il existe plusieurs façons de décrire les champs de vitesse et d'accélération

dans un fluide. On peut par exemple, regarder le chemin tortueux suivi par une particule

fluide, noter le déplacement x (t) de cette particule et déduire l'accélération de la

particule fluide 2x/t

2. Une observation ordinaire (fumée de cigarette, cheminée, etc.)

nous montre rapidement da difficulté pratique de cette méthode à cause de la grande

complexité des trajectoires du fluide. Ainsi cette description dite "Lagrangienne" n'est

pas utilisée sauf dans des cas très simples. A celle-ci on préfère la description

"Eulérienne" qui consiste à spécifier à un instant t donné le champ de vitesse

u (x, y, z, t) partout dans l'espace. On oublie les trajectoires des particules. On définit les

lignes de courant comme étant les courbes tangentes en tous points au vecteur vitesse u.

Elles satisfont donc l'équation différentielle :

w

dz

v

dy

u

dx

On dit que l'écoulement est stationnaire ou permanent, si le champ de

vitesse u ne dépend pas explicitement du temps. Quand c'est le cas, une particule fluide

située à un instant donné sur une ligne de courant y reste puisque le vecteur vitesse (de

la particule) reste tangent à la courbe. Ainsi lignes de courant et trajectoires des

particules sont identiques quand u est indépendant du temps.

- lignes matérielles (ou encore filaments) : ce sont les lieux des particules qui ont

occupé une certaine région de l'espace à un instant donné. Par exemple, une ligne fluide

marquée de colorant est une ligne matérielle.

- accélérations d'une particule dans la représentation eulérienne

Si l'accélération d'une particule fluide est aisée à obtenir dans la description

lagrangienne, il n'en est pas de même dans le mode Eulérien. Soit une particule fluide

située en x à t où le champ de vitesse est u (x, t). A l'instant t plus tard la particule sera

au point x + x = x + u t où le champ de vitesse est u (x + x, t + t).

La variation de vitesse de la particule fluide est donc :

u = u(x + ut, t + t) – u(x, t) = t

u)u(

t

u + O(t

2)

et son accélération instantanée devient :

u)u(t

u

notée Du/Dt; le symbole D/Dt, appelée "dérivée matérielle" rappelle que l'on dérive en

suivant la particule fluide.

14

De même, la variation d'une autre propriété du fluide (comme la

température ou la concentration d'un polluant) le long de la trajectoire d'une particule

fluide se calculera comme :

u

tDt

D

En l'absence de diffusion et de sources ou de puits de , l'évolution de

dans le champ de vitesse u est gouvernée par l'équation différentielle partielle dite

d'advection :

0Dt

D

Cette relation signifie simplement que est conservée pour une particule fluide. Si le

champ de vitesse est donné, les problèmes de pollution (atmosphérique par exemple)

sont étudiés avec cette équation en calculant les nouvelles valeurs de à partir d'une

condition initiale donnée de . Mais il faut aussi rajouter au côté droit de cette équation

des termes de diffusion représentant le mélange turbulent de et les sources/puits de

Il est important de bien comprendre la signification et la façon de calculer

l'opérateur d'advection (u) u. Les parenthèses indiquent que l'on fait d'abord le produit

scalaire u , et que l'on applique l'opérateur scalaire ainsi obtenu sur le vecteur u.

Ainsi les 3 composantes de (u )u s'écrivent en coordonnées cartésiennes :

z

ww

y

wv

x

wu

z

vw

y

vv

x

vu

z

uw

y

uv

x

uu

Dans des systèmes de coordonnées orthogonales (polaire, cylindrique ou sphérique) des

termes métriques apparaissent qui ne contiennent pas de dérivées spatiales (ex : u2/r en

polaire).

La conservation de la masse

Localement, la conservation de la masse va nous fournir une équation

supplémentaire (en plus de la 2ème loi de Newton) qui est rendue nécessaire par

l'inconnue supplémentaire que représentent les forces de surface (ou de contact) au sein

du fluide. La masse d'un volume de fluide est V et quand on applique

l'opérateur D/Dt on doit donc avoir :

Dt

D(V) = 0

Soit encore en remarquant que les règles habituelles de dérivation d'un produit

s'appliquent :

VDt

D

V

1

Dt

D1

15

Considérons le petit cube élémentaire x, y, z. Il

se déforme au cours de son mouvement et :

zDt

D

z

1y

Dt

D

y

1x

Dt

D

x

1)zyx(

Dt

D

zyx

1V

Dt

D

V

1

Pour calculer chacun des termes ci-dessus évaluons l'élongation d'un

segment AB de fluide de longueur x dans la direction 0x.

A B A' B'

Des vitesses u différentes en A et B vont allonger le segment (si u/x est

positif) qui aura alors pour nouvelle longueur x + u/x x t dans l'intervalle de

temps t. Si bien que par unité de temps :

x

u

tAB

AB'B'A

Ceci n'est pas autre chose que la variation relative de l'élément x cherchée plus haut :

x

ux

Dt

D

x

1

avec 2 autres relations analogues sur les autres axes.

Ainsi uz

w

y

v

x

uV

Dt

D

v

1

La divergence du champ de vitesse est égale à la variation relative du

volume fluide au cours de son déplacement. Ainsi la conservation de la masse devient :

0uDt

D

2.1

que l'on peut aussi réécrire :

0ut

2.2

Cette dernière relation montre que l'on peut aussi dériver l'équation de la conservation

de la masse en prenant un volume fixe dans l'espace et en faisant le bilan de ce qui

rentre et de ce qui sort (voir exercice). Lorsque le mouvement est stationnaire, cette

relation traduit la conservation du débit de masse au sein d'un tube de courant.

xA

xB

x

16

Il s'agit d'une surface composée entièrement de lignes de courant :

Pendant un intervalle t, une masse S1q1t entre dans le tube, tandis qu'une

masse S2q2t en sort. Lorsque l'écoulement est stationnaire la conservation de la

masse dans le tube de courant implique 1 S1 q1 = 2 S2 q2 puisque aucun échange n'est

par définition possible au travers des parois latérales du tube. Si de plus la masse

volumique varie peu entre les positions 1 et 2, on voit ainsi que le long d'un tube de

courant, le produit Sq est constant ce qui est une traduction de la conservation du débit

en volume. En conséquence, les lignes de courant ne donnent pas seulement la direction

du flot mais aussi son intensité qui est inversement proportionnelle à l'écartement des

lignes. Ceci est très utile en pratique car on obtient ainsi bien plus rapidement l'image

d'un champ de vitesse qu'en regardant des milliers de petits vecteurs u

Hypothèse d'incompressibilité

La plupart des fluides sont compressibles dans le sens où une augmentation

de la pression augmente la densité. On montrera plus loin que le changement relatif de

densité / due à une variation de pression ∆ p s'écrit :

pC

12

où C = (pK)-1/2

est la vitesse du son dans le fluide et K le coefficient de compressibilité

p

1

.

Nous verrons aussi que les variations de pression dans un écoulement de

vitesse V sont de l'ordre de V2/2 . Ainsi on s'attend à des variations de densité dues à la

compressibilité de l'ordre de :

2

2

C

V

2

1

Pour bien des écoulements naturels ce rapport sera très petit puisque dans

l'eau par exemple ceau ~ 1 500 m s-1

. Dans l'air les vents atteignent rarement beaucoup

plus de 50 m/s induisant un rapport de 3 % ( cair ~ 300 m s-1

.)

Par contre pour les écoulements rapides dans l'air autour d'ailes d'avion, ou

de projectiles qui ont des vitesses de l'ordre de 1 000 km/h, le rapport / ne sera pas

petit et des phénomènes liés à la compressibilité telles que les ondes de choc

apparaîtront. Si on s'intéresse à des écoulements plus lents pour lesquels V/C << 1 une

approximation majeure dite d'incompressibilité peut être faite. L'ordre de grandeur de

chacun des termes de l'équation 2.1. peut être évalué si on suppose que l'écoulement

S1

S2

q2 q1

17

s'effectue avec une vitesse V sur une échelle de longueur L avec une variation de

densité . Il s'ensuit une échelle de temps advective naturelle L/V.

0z

w

y

v

x

u

Dt

D1

Ordre de grandeur

O(1) O(1) O(1) = 0

Dans les conditions où / est petit, la conclusion à laquelle on ne peut échapper est

que la somme des trois termes z

w

y

v

x

u

est beaucoup plus petite que chacun

d'entre eux pris individuellement. L'approximation du fluide incompressible consiste à

écrire que cette divergence est nulle en gardant à l'esprit que ceci est à O(/) près :

u = 0 2.3

Comme vu précédemment, cette relation traduit la conservation du volume . Un tel

champ de vitesse est dit solénoïdal.

Ceci est l'hypothèse d'un fluide incompressible : le champ de vitesse est

non divergent. Quand on utilise cette équation plutôt que l'équation complète de

conservation de la masse, on filtre des équations les ondes sonores. Ceci est raisonnable

car la dynamique des ondes sonores est "haute fréquence" et peu couplée aux

phénomènes "basse fréquence" auquel on va s'intéresser ; il serait extrêmement

maladroit de garder des équations qui contiennent les 2 dynamiques quand on étudie des

écoulements lents (Voir Chapitre 11).

18

Chapitre III

LES EQUATIONS DU MOUVEMENT

Les équations du mouvement pour un fluide traduisent très exactement la

2ème

loi de Newton :

(Masse) (Accélération) = Somme des forces

Nous allons l'écrire pour un volume matériel V

arbitraire. Pour un volume de fluide V limité par une

surface S, le premier terme Masse Accélération est

la somme sur le volume V de toutes les contributions

des volumes élémentaires dV. Pour un tel élément, la

masse est dV et l'accélération Du/Dt.

Donc dVDt

uD est le terme cherché.

Les forces de volume F effectuent une contribution dVF au terme de

gauche et les forces de surface, une contribution dAndA jiji … pour la

composante i.

L'équation du mouvement pour le volume V selon la composante i est donc :

dAndVFdVDt

Du

sjiji

i

le dernier terme à droite peut se réécrire dVx

ij

i

par application du théorème

de la divergence à chaque direction i. Par cette astuce, on transforme les forces de

surface en force de volume équivalente.

Comme la relation intégrale ci-dessus doit s'appliquer pour tout choix du

volume matériel V on en déduit que localement l'équation différentielle partielle du

mouvement dans chaque direction i (dérivée pour la première fois par Cauchy) est :

j

ij

ii

xF

Dt

Du

3.1

On ne peut progresser sans spécifier plus avant forces de volume et forces de

surface. Dans la plupart des cas les forces de volume F se réduisent à la force de gravité

due à l'attraction terrestre et aux forces d'inertie apparaissant dans les fluides en rotation.

dV

n

dA

U

19

Le tenseur des contraintes ij est plus complexe à déterminer car il englobe les réactions

internes du fluide et dépend du mouvement du fluide lui-même. Notons que les

contraintes de surface ne peuvent engendrer une accélération du fluide que si elles

varient spatialement dans le fluide de façon à ce que la divergence ij

jx

soit non

nulle. Si celle-ci est nulle, les forces de surface se borneront à déformer l'élément fluide

sans changer sa quantité de mouvement. C'est l'objet de la rhéologie que de fournir des

équations supplémentaires (généralement empiriques) reliant contraintes et

déformations.

Nous avons vu que dans un fluide au repos, le tenseur des contraintes était

isotrope, la pression étant définie par :

ij = - p ij 3.2

Dans un fluide en mouvement, les contraintes tangentielles sont, en général,

présentes, les contraintes normales dépendent de la direction de cette normale et donc la

relation (3.2) n'est plus valable. En analogie avec la notion de pression dans un fluide au

repos, nous allons définir mécaniquement la pression comme étant la valeur moyenne de

la composante normale de la contrainte :

p = -3

1ii

Quand on définit ainsi la pression, rien ne nous indique que cette "pression"

coïncidera avec la quantité pression introduite en thermodynamique (et nous aurons

pourtant besoin de cette coïncidence dont nous reparlerons quand nous discuterons de

l'équation de l'énergie). En thermodynamique la pression est définie à l'équilibre. Pour

avoir accord entre les définitions mécaniques et thermodynamiques de la pression il faut

supposer que l'on est toujours quasiment à l'équilibre et que l'ajustement

thermodynamique est rapide comparé à l'évolution de l'écoulement. L'expérience montre

que ceci est généralement le cas.

Avec ces définitions ij

dans un fluide en mouvement s'écrit :

ij = - p ij + dij

la partie non isotrope dij étant due entièrement au mouvement du fluide et restant à

déterminer.

L'expérience de Newton que nous allons maintenant décrire permet de

progresser dans la détermination de dij.

t

F x2 = a

2 1

x2 = -a

Profil de vitesse en fonction du temps depuis l'instant où la planche a commencé à bouger

Profil de vitesse en régime permanent après un temps assez long.

20

Newton (ou son assistant) exerce une certaine force F dans un fluide

initialement au repos à l'aide d'une grande planche traînée en surface à une vitesse U. Au

départ seuls les éléments fluides à proximité immédiate de la planche bougent à la

vitesse U. En raison de la friction interne du fluide à l'échelle moléculaire, la quantité de

mouvement va se transmettre lentement vers le bas (vers les x2 < 0). Au bout d'un temps

assez long on observe un régime de vitesse linéaire qui n'évolue plus. En re-faisant cette

expérience pour un même fluide mais en variant la profondeur du canal, la force et la

taille de la planche, Newton a montré expérimentalement que :

profondeur

U

A

F

A étant l'aire de la planche et µ un coefficient de proportionnalité caractéristique du

fluide considéré et appelé coefficient de viscosité moléculaire. Les fluides qui obéissent

à cette loi expérimentale sont depuis nommés fluides "Newtoniens". Pour cet

écoulement unidirectionnel, il semble donc que la partie "dij" des contraintes dépende

linéairement du cisaillement u1/x2 soit :

2

112

x

ud

(dij ne peut dépendre de la vitesse elle-même car il est nécessairement nul quand le

mouvement relatif est nul).

Dans l'expérience de Newton, en régime permanent la contrainte d12 est

indépendante de la profondeur et donc égale en haut (x2 = a) à la force appliquée par

unité de surface, soit F/A. En bas le fluide colle à la paroi immobile et donc la vitesse

tangentielle est nulle :

U1 (x2 = -a) = 0.

Dans ces conditions la vitesse en tous points du fluide est :

U1 ( x2) = d12 x2+ a) / µ

Notez que la vitesse en x2 = a est aussi égale à U, de sorte que le fluide colle aussi à la

paroi mobile. Dans cette expérience simple, nous apprenons que le tenseur dij ne dépend

donc que des dérivées premières de la vitesse. Nous devons remarquer aussi que dans un

fluide en rotation solide, les dij sont nuls puisqu'il ne peut y avoir de forces de friction

interne. Ainsi on cherche une expression des dérivées de la vitesse qui soit aussi

invariante par rotation et la combinaison i

j

j

i

x

u

x

u

satisfait cette propriété (On

pourra vérifier que cette combinaison est nulle pour un écoulement en rotation solide).

Quand le milieu est isotrope (pas de direction privilégiée) et le tenseur

symétrique, on peut montrer que le tenseur de rang 2 le plus général permettant de

déterminer dij pour une géométrie d'écoulement quelconque est :

dij = 2 eij + ij ell

µ et étant deux coefficients de viscosité, positifs, caractéristiques du fluide et fonction

de son état thermodynamique (température, pression) et eij le tenseur des déformations

21

égal à

i

j

j

i

x

u

x

u

2

1 (voir chapitre V). Cependant comme dii = 0 d'après notre

définition mécanique de la pression, on déduit de l'expression ci-dessus que :

2 + 3 = 0 (car ii = 3)

Cette relation constitue l'hypothèse de Stokes car elle découle entièrement de la

définition mécanique de la pression faite plus haut qui est généralement adoptée. Dans

ces conditions :

dij = 2 eij - 3

2 ij ell 3.3

On notera que ell = k

k

x

u

(soit la divergence de u), ce qui implique que lorsque

l'écoulement est supposé incompressible l'expression de dij se réduit au premier terme

du membre de droite de 3.3.

Le coefficient positif µ ne change pas de façon appréciable avec la

température et la pression et il est souvent pris constant dans les applications. [Ce n'est

pas le cas cependant pour l'étude des mouvements lents du manteau terrestre où les

variations de µ sont fondamentales pour le mouvement.]

Voici quelques valeurs de la viscosité à 20 ˚C pour les deux fluides

importants :

Viscosité (g/cm.s)

µ

Viscosité cinématique

(cm2.s

-1) = µ/

eau 0.01 0.01

air 1.810-4

0.15

glycérine 8.5 6.8

Les relations 3.1 et 3.3 permettent d'écrire l'équation du mouvement dite de

"Navier Stokes" sous forme vectorielle :

Dt

uD = - p + (

2 u +

3

1 (u)) + g 3.4

Dans le cas important où le fluide est incompressible, .u = 0 et 3.4 devient :

Dt

uD = - p +

2 u + g 3.5

Quand la friction interne dans le fluide est négligeable on obtient l'équation (ou le

modèle) d'Euler :

Dt

uD = - p + g 3.6

3.4, 3.5 et 3.6 sont des équations différentielles partielles que l'on ne peut tenter de

résoudre que si on connaît les conditions initiales (à t = 0) et les conditions aux limites

aux frontières. Les opérateurs différentiels faisant intervenir les dérivées premières et

22

secondes de la vitesse par rapport aux variables d'espace, il faut en effet préciser

comment les calculer au voisinage des frontières.

Conditions aux limites :

La première condition aux limites a une origine cinématique. Sur une

frontière solide immobile, le fluide doit avoir une vitesse normale nulle :

u . n = 0 3.7

Si la frontière est mobile, la relation précédente devient :

(u -us).n = 0 3.8

où us est la vitesse de la frontière.

Ce type de condition est en accord total avec la conservation de la masse du

fluide (ou du volume du fluide quand celui-ci est incompressible) enclose par les

frontières solides et on s'en rendra compte en intégrant l'équation de conservation de la

masse sur un domaine fluide. Cette première condition est suffisante dans le modèle

d'Euler. Pour ce qui est des conditions initiales, les opérateurs temporels étant du

premier ordre, il suffit de préciser les valeurs initiales des 3 composantes de la vitesse

pour les équations de quantité de mouvement, 3.4, 3.5 ou 3.6.

Une forme analogue à cette condition est quelquefois utile pour imposer la

condition aux limites sur une surface libre séparant 2 fluides immiscibles, par exemple

l'interface air-eau. Une telle surface est dite matérielle et le fait que les 2 fluides ne

puissent pas s'interpénétrer se traduit par la continuité de la vitesse normale

perpendiculairement à la frontière.

Supposons que la surface séparant les milieux (1) et (2) ait pour équation :

F (x, y, z, t) = 0

Si une particule initialement sur cette surface y reste à une nouvelle position x + x à t +

t, on peut écrire :

F(x + x, t + t) = 0

Après un développement limité pour t petit, on obtient :

F(x,t) + x F + t t

F

= 0

Compte tenu des conditions initiales on obtient finalement :

Dt

DF = 0 3.9

qui représente la condition aux limites cherchée.

1

2

Surface

matérielle Mouvement des

particules fluides

23

Les conditions de type 3.7, 3.8 ou 3.9 sont suffisantes dans le cadre du

modèle d'Euler sans friction. Le fluide dans ce modèle glisse sans frottement sur les

frontières solides. Pour cette raison les conditions sont aussi appelées conditions de

glissement.

Le milieu du 19ème

siècle fut marqué par des discussions assez longues entre

Navier, Stokes et Poisson pour savoir quelle était la condition aux limites additionnelle

en fluide visqueux rendue nécessaire par les dérivées secondes présentes dans les

équations de Navier-Stokes 3.4 et 3.5. Cette condition est une condition de

non glissement. En effet dans les fluides réels, on observe qu'un élément de fluide au

voisinage d'une frontière solide colle à la paroi et la condition supplémentaire est donc :

u.t = 0 3.10

(t vecteur unitaire tangent à la surface)

ou (u - us).t = 0

quand la frontière est mobile.

Les 2 conditions de type 3.7 et de type 3.10 sont donc nécessaires dans le

cadre du modèle de Navier-Stokes. Le vecteur vitesse total est nul à la paroi et on parle

de condition de non glissement.

Discutons brièvement de l'hypothèse d'écoulement idéal, sans friction du

modèle d'Euler. Considérons un écoulement au-dessus d'un obstacle. Si effectivement

on peut négliger la friction dans l'intérieur du fluide dans un grand nombre de situations,

au voisinage de la paroi, le fluide réel, lui, colle à la paroi. On a souvent un très grand

cisaillement ∂U/∂y au voisinage de la paroi et donc même si µ est faible la Force/Aire

risque d'être très grande à la paroi (µ x ∂U/∂y). Dans une couche mince dite limite on n'a

plus le droit de négliger la friction et la question est de savoir si la dynamique de la

couche limite n'a pas des effets sur l'intérieur du fluide supposé idéal. C'est tout le

dilemme de l'application du modèle d'Euler à des fluides réels, dilemme qui a occupé

tout le 19ème

et la moitié du 20ème

siècle !

Dérivation élémentaire du gradient de pression

On revient en arrière pour donner une introduction plus simple aux forces de

pression qui interviennent comme le gradient de p dans les équations du mouvement

3.4, 3.5, 3.6. Ceci est souhaitable car ces forces de pression constituent une des

nouveautés de la dynamique des fluides par rapport à la dynamique des solides.

Profil de vitesse

de couche limite

24

Considérons un petit cylindre dont les faces

coïncident avec les surfaces isobares p et p + dp et dont les

génératrices sont parallèles à la normale aux surfaces

isobares. La force sur le cylindre est :

S (p + dp) - Sp

orienté dans la direction où p décroît. [La contribution latérale est nulle car la pression

est la même à une hauteur donnée sur le cylindre].

La force par unité de volume est donc :

S dp/(S dn) = dp/dn

Pour un cylindre suffisamment petit :

dp = ∂p/∂n dn

p a une direction vers les p croissants et un module ∂p/∂n. On voit donc que :

z

y

x

p

p

p

pvolumedeunité

pressiondeforce

Cette forme permet de déguiser les forces de surface en forces de volume qui seule

permettent de calculer l'accélération des particules matérielles.

Bilan des équations et des inconnues

Les équations à notre disposition sont 3 équations du mouvement du

type 3.4, 3.5 ou 3.6 pour chacune des 3 directions d'espace et d'une équation de

conservation de la masse. Ce qui fait 4 équations. Les inconnues sont les 3 composantes

de la vitesse u, v, w, la pression p et la densité , soient 5 inconnues. Il nous manque

donc une équation. Cette équation manquante est l'équation de l'énergie interne : en effet

si la friction agit dans le fluide on peut penser qu'il y aura échauffement du fluide et que

sa température augmentera. Si de plus le fluide est chauffé par des sources de chaleur

externes, il nous faut cette équation de l'énergie interne pour préciser comment la

température va évoluer. La température apparaît donc comme une inconnue

supplémentaire. A l'équilibre thermodynamique, il y aura une équation supplémentaire,

l'équation d'état liant densité température et pression. Ces considérations énergétiques

sont essentielles quand on veut étudier la propagation de la chaleur dans un fluide

chauffé. Nous n'allons pas aborder ces problèmes tout de suite car ils sont complexes.

Nous supposerons que le fluide est "suffisamment" incompressible et que la dissipation

d'énergie par friction ne change pas appréciablement la température, donc la densité.

Dans ce cadre, l'équation d'état que nous allons utiliser est simplement :

= cste 3.11

qui décrit le cas d'un fluide dit homogène. Ainsi le nombre des équations est égal au

nombre des inconnues u, v, w et p.

Diffusion

Nous avons vu comment la friction d'origine moléculaire a été introduite

dans les équations de la mécanique des fluides par la relation liant contrainte et

p + dp

p

dn

25

déformation, mais il est nécessaire de comprendre plus en détail les processus de

diffusion (la friction étant un cas particulier de diffusion de quantité de mouvement).

L'état d'équilibre d'un système fluide est caractérisé par une distribution

spatiale uniforme des propriétés du fluide (exemple température, vitesse, vorticité),

chaque élément étant alors en équilibre mécanique et thermique avec son

environnement. Si tel n'est pas le cas, la matière à l'échelle moléculaire interagit pour

restaurer l'équilibre. Ceci est rendu possible par l'existence de transports moléculaires de

chaleur, d'énergie etc..., dirigés par exemple d'une région chaude vers une région froide.

Le transport est tel que la différence entre les valeurs d'une propriété de chaque côté

d'une surface diminue. Ceci est une donnée expérimentale d'évolution des systèmes

naturels qui est à la base du deuxième principe de la thermodynamique. Supposons que

la propriété soit notée C(x,t). Le transport de la quantité associée à C à travers un

élément de surface de normal n et d'aire A (et par unité de temps) est f n A où f est

le vecteur flux qui peut être fonction de x ou t. Comme on ne peut pas mesurer f à

l'échelle moléculaire, on fait l'hypothèse que f est due aux interactions moléculaires au

voisinage immédiat de l'élément de surface de sorte que C varie approximativement

linéairement sur une distance grande par rapport à l'échelle moléculaire. On postule

alors que les composantes de f sont :

fi = Kij jk

C

où Kij est un tenseur du second ordre caractéristique du fluide à déterminer

expérimentalement.

Quand il n'y a pas de direction privilégiée dans le milieu (isotropie),

Kij k ij , et f est parallèle à C et f = - kC. C'est le cas pour les fluides usuels.

Dans cette expression f est dirigé en opposition au gradient C(k > 0) de façon à lisser la

distribution de C .

Dans le cas de la friction, f est le flux de quantité de mouvement et k la

viscosité. De façon analogue la diffusion moléculaire agit aussi sur la vorticité et

transporte chaque composante de la vorticité de façon à essayer de l'uniformiser dans

l'espace.

La diffusivité se définit comme la quantité transportée par unité d'aire et de

temps divisée par le gradient de la même quantité par unité de volume. Les unités sont

L2 T

-1 (la viscosité cinématique = / est un exemple de diffusivité appropriée pour la

vitesse ou la vorticité).

Supposons que nous ayons une discontinuité de

vitesse qui correspond donc à l'existence d'une feuille de

vorticité, à t 0. On peut montrer que sous l'effet de la

diffusion, l'épaisseur de la feuille croît comme t 1 2

.

[L'analogie avec le lissage d'un saut de température dans

un solide est complète].

26

Chapitre IV

MOUVEMENTS PERMANENTS

Dans le cas des écoulements permanents en fluide homogène et non

visqueux on peut obtenir assez simplement une première intégrale du mouvement

analogue à la conservation de l'énergie en mécanique du solide. Dans les géométries à

une dimension (tuyaux etc..) cette intégrale jointe à la conservation de la masse fournit

toute la solution. Les applications pratiques sont considérables.

Intégrale ou théorème de Bernouilli

Considérons le modèle d'Euler en fluide idéal et stationnaire (ou permanent)

(u ) u = - p + F

Supposons que les forces de volume F dérivent d'un potentiel :

F = -

(ex : pour la gravité = gz)

L'identité remarquable :

(u)u = u + 2

1q

2, q = |u|, = u

où est le vecteur vorticité (voir chapitre V), permet d'écrire l'équation du mouvement

sous la forme :

H = u

p

2

qH

2

Ainsi donc H est normal à u et au vecteur vorticité :

u . H = 0

. H = 0

et H est donc constante le long d'une ligne de courant et (ou) le long d'une ligne de

vorticité (tangente en tous points au vecteur vorticité) la première de ces relations étant

la plus employée :

p + gz + 2

q 2

= cst 4.1

27

Alors que le deuxième terme est l'énergie potentielle par unité de volume et le troisième

l'énergie cinétique par unité de volume, le premier représente clairement le travail des

forces de pression. La pression a donc une signification énergétique. Quand la pression

augmente dans la direction de l'écoulement, les particules fluides effectuent du travail

contre les forces de pression et perdent de l'énergie cinétique.

On peut aussi obtenir le résultat 4.1 en se rappelant l'expression de

l'accélération le long d'une courbe fixe (ici la ligne de courant). L'accélération a une

composante s

qq

le long de la courbe et une composante normale q

2/R (où R est le

rayon de courbure) dirigé vers le centre de courbure. Ainsi l'équation du mouvement le

long de la courbe s'écrit :

0q2

1gzp

s

2

Si on définit l'excès de pression pe du au mouvement par pe = p + gz alors :

pe + 2

1 q

2 = cste

le long d'une ligne de courant. Selon la composante normale :

R

q

n

p 2e

où n est dirigé à l'opposé du centre de courbure : Un écoulement circulaire a

obligatoirement les plus basses pressions du côté du centre de courbure.

Quand la ligne de courant est droite, R ∞ et pe/n = 0, un résultat

quelque fois utile. On observera que les tourbillons formés après un coup de rame dans

l'eau présentent tous une dénivellation de la surface libre.

Remarque sur p :

Quand on introduit l'excès de pression p, la gravité disparaît du problème

quand le fluide est homogène . Elle ne disparaît totalement que si les conditions limites

ne la font pas réentrer. Lorsque le fluide est soit illimité soit contenu dans une enveloppe

solide les conditions aux limites sont de type vitesse et la gravité ne peut donc jouer

aucun rôle dynamique ! Quand les conditions aux limites font intervenir une surface

libre (par exemple à l'interface air-mer), on doit avoir continuité de la pression totale et

la gravité revient dans la dynamique. Si le fluide est stratifié en densité elle est bien sûr

présente à cause de l'existence des forces de flottabilité qui varient spatialement.

Remarque sur les flots irrotationnels

Par définition un flot est irrotationnel si u 0 partout. Dans ce

cas H = 0 et H = cst (même valeur dans tout l'espace). On retrouve la même valeur de

la constante sur toutes les lignes de courant.

28

Exemples :

Nous allons maintenant considérer plusieurs exemples d'application de cet

important théorème.

1) Vitesse d'un jet à l'orifice d'un container (Formule de Toricelli) :

Appliquons le théorème de Bernouilli

à une ligne de courant qui quitte la surface libre et

sort par l'orifice. Si le réservoir est assez grand, la

vitesse est négligeable en surface par rapport à la

vitesse en sortie. D'autre part une fois les effets

transitoires passés (après avoir retiré le bouchon)

le mouvement devient permanent. Ainsi entre les

points A et B, on peut écrire :

pa = pa + 2

1 q

2 - gh

et donc : q = 2

1

gh) (2

Ceci est la même vitesse que celle atteinte par un corps en chute libre tombant d'une

hauteur h. Dans un fluide, l'effet additionnel des forces de pression est simplement de

faire émerger le jet dans une direction perpendiculaire au mur sans changer sa vitesse

par rapport à celle de la chute libre.

2) Tube de pitot (anémomètre)

On veut déterminer la vitesse U d'un

écoulement en mesurant la différence de pression dans un

manomètre raccordé aux points A et B.

Si le tube de Pitot est assez petit, il modifie

peu l'écoulement en amont. Puisque les lignes

de courant sont rectilignes, la constante de

Bernouilli sur toutes les lignes de courant est

la même et on écrit :

p + 2

1 U

2 = pe +

2

1 q

2.

En A, le flot s'arrête, q = 0, et donc :

pe (A) = p +2

1 U

2

En B, après une certaine distance, le flot est à nouveau rectiligne et possède donc une

pression p (B) = P puisque toutes les lignes de courant non perturbées possèdent cette

propriété. La lecture de la différence de niveau entre C et D est donc proportionnelle à la

différence de pression ½ U2 entre A et B et permet donc de déterminer la vitesse.

3) Diagnostic sur la portance

A Z

B

h

D

B

A U C

29

L'écoulement sur une aile d'avion ou une voile de bateau a l'allure suivante :

Le flot accéléré au-dessus du profil est associé avec des différences de pressions par

excès p négatives alors qu'au-dessous la décélération fournit des vitesses plus faibles et

donc des pressions positives. Le résultat net est que les forces de pression du fluide

créent une portance, force normale à la direction de l'écoulement et dirigée ici vers le

haut.

4) Démonstration de Venturi

Les manomètres 1, 2, 3 indiquent des pressions fortes en 1 et 3 faibles en 2

quand le fluide circule dans ce tube. Comment peut-on expliquer cette expérience ?

Le théorème de Bernouilli fournit :

3232

221

12 pq

2

1pq

2

1pq

2

1

De plus la continuité fournit :

s1q1 = s2q2 = s3q3

On trouve facilement :

p2 – p1 =

22

22

12

S

S1

2

q

Quand S2 est plus petit que S1, la pression chute au point 2 quand le fluide accélère.

Si S3 = S1 on devrait récupérer la pression p1 au point 3. Dans l'expérience, ceci n'est pas

tout à fait réalisé à cause des pertes d'énergie par friction sur les bords du tube qui sont

négligées dans le théorème de Bernouilli. Comme il sera vu au chapitre VI, les pertes

sont importantes lorsque le flot diverge fortement (lorsque le tube s'élargit trop

brutalement).

1 3

2

30

5) L'écoulement au dessus d'un obstacle.

Il est nécessaire en hydraulique de connaître le débit d'un réservoir. On

positionne un obstacle large dans le lit de la rivière et on observe le niveau de la surface

libre en amont de l'obstacle :

Si q désigne la vitesse de l'écoulement

supposé uniforme selon la profondeur, le

débit est Q = qd, d étant la profondeur.

Pour des lignes de courant en

surface, la pression est toujours

atmosphérique et le théorème de

Bernouilli donne :

2

1 q

2 – gh = 0

où h est la déflexion de la surface libre. (On suppose ici qu'en amont le réservoir est

suffisamment grand pour que la vitesse y soit négligeable). Le débit est alors :

Q = (2 gh)1/2

d

et peut être calculé "en observant" h et d. On peut aller plus loin en calculant la

profondeur de l'obstacle d+h :

d + h = g2

q

q

Q 2

La courbe d + h en fonction de q a un

minimum obtenu pour q1 = (gQ)1/3

. Ce

minimum est obtenu au point le plus

haut de l'obstacle et en ce point :

h1 =

3/12

g

Q

2

1

d1 =

3/12

g

Q

Ainsi la seule mesure de h, (ou d) au point le plus haut de l'obstacle permet de

déterminer le débit Q. Nous verrons plus tard que la vitesse maximale des ondes de

surface dans un fluide de profondeur d est (gd)1/2

. Il n'est pas difficile de vérifier que la

vitesse du fluide q au point le plus haut de l'obstacle est juste égale à la vitesse

maximale des ondes de gravité. En amont, elle est inférieure (écoulement sous critique)

et en aval supérieure (écoulement super critique). Ainsi l'information (agitation de la

surface libre, vagues) existant en aval ne pourra pas être propagée en amont du point le

plus haut de l'obstacle : on y observe une eau plus tranquille.

Conservation de la quantité de mouvement

Dans la plupart des cas, la distribution des vitesses à l'intérieur du fluide est

l'inconnue majeure du problème considéré et on fait appel à la forme différentielle des

équations du mouvement pour les calculer. Il existe cependant des situations simples où

il n'est pas nécessaire de connaître la distribution des vitesses à l'intérieur du fluide pour

déterminer les forces exercées par le fluide sur des parois solides. Dans le cas particulier

du régime permanent, seule la distribution des vitesses en surface est requise, comme

nous allons le montrer.

Réservoir

h

d

d + h

d1 + h1

q1 = (gQ)1/3

q

31

Prenons un volume de fluide arbitraire fixe dans l'espace

et évaluons le bilan des forces et des accélérations si possible par une

intégrale sur la surface. Ceci nécessite une transformation de

l'accélération. Il n'est pas difficile de montrer que :

j

ij

i

x

uu

t

u

se réécrit :

j

j

i

j

jii

x

u

tu

x

uu

t

u

Or le terme entre crochets est nul d'après la conservation de la masse 2.2. Si on intègre

sur le volume V l'équation d'Euler, on obtient donc :

dAndApndAnuudvu

ti

s

i

s

jji

v

i

où on s'est permis d'écrire dans le cas où la densité est uniforme : g = - ()..

Dans le cas du mouvement permanent, le premier terme est nul, et on obtient

l'équation de conservation de la quantité de mouvement sous la forme d'une intégrale de

surface :

0dAnpnnuu iijji 4.2

Le premier terme représente la variation de quantité de mouvement à la frontière, ui

étant la composante i de la vitesse et uj nj ds, le taux de changement de la masse. Un

choix judicieux de la surface de contrôle A permet souvent de déterminer les forces de

pression sur la surface à l'aide de ce théorème qui s'énonce :

"Dans le cas du mouvement permanent d'un fluide homogène, non visqueux,

le flux de quantité de mouvement à travers une surface fixe limitant une

portion de fluide est égal à la résultante de la pression et du potentiel sur

cette surface."

Il faut aussi noter que le choix du référentiel dans lequel on applique le théorème est

important puisqu'il permet quelquefois de rendre stationnaire un écoulement.

Exemples :

1) L'exemple d'application le plus utile concerne les écoulements dans les tuyaux.

Ce faisant, on va redémontrer à partir de façon élémentaire le théorème précédent 4.2

(ainsi que 4.1).

Considérons un bloc de fluide L contenu

entre 2 sections de contrôle 1 et 2. Ce bloc

de fluide gagne un volume V2S2t à

l'avant et en perd V1S1t à l'arrière. La

conservation de la masse impose, S1V1 =

S2V2 et le fluide est donc accéléré quand il

entre dans la partie convergente du tube.

n

S

V

R

S2

P2

S1

P1

L

32

C'est la variation spatiale de vitesse le long du tube qui permet l'accélération, qui elle-

même doit être produite par des forces. Celles-ci sont les forces de pression en 1 et 2

plus la composante de la réaction R des parois, soit :

p1S1 – p2S2 – R

La variation de quantité de mouvement du bloc L est égale à la vitesse fois

le taux de changement de la masse entre 1 et 2 (soit 211VpS et 2

221 VSp respectivement).

Ainsi : 211

2222211 VSVSRSpSp

Notez qu'aucune hypothèse n'est faite sur la viscosité et que cette relation

s'applique aussi à un fluide réel. Cependant ces considérations sur la quantité de

mouvement montrent qu'elles sont insuffisantes pour déterminer R et p2 si les conditions

amont sont connues. La conservation de l'énergie doit aussi être considérée. Le taux de

changement de l'énergie est (S2V2) 22V

2

1 en 2 et (S1V1) 2V2

1 en 1.

Le travail des forces extérieures lui se réduit à p1S1V1 en 1 et –p2S2V2 en 2.

En effet comme u est perpendiculaire à R lorsque la viscosité est négligée, R ne

travaille pas. Ainsi :

112

12222222111 VSV

2

1VSV

2

1VSpVSp

Soit: 21

2221 V

2

1V

2

1pp

qui n'est pas autre chose que le théorème de Bernouilli. On peut alors calculer R :

R = P2 (S1 – S2) + 1

2212

2S

)SS(V

2

1

qui est donc la force exercée par les parois du tuyau sur le fluide. Si la décharge se fait à

l'air libre p2 = pa. Comme pa (S1 – S2) est aussi la force de pression exercée par

l'atmosphère sur l'extérieur du tuyau, la force que doit exercer un jardinier ou un

pompier pour tenir un tuyau d'arrosage se réduit à :

1

2212

2S

)SS(V

2

1

La question se pose de savoir si cette analyse non visqueuse donne des

résultats corrects en pratique. La réponse est affirmative quand le tuyau est convergent

et ne présente pas de variations abruptes de section. Dans le cas contraire les forces de

friction tangentielles aux frontières ne peuvent plus être négligées et une partie de

l'énergie cinétique sera dissipée en chaleur.

Dans ce cas :

aval

V2

1p

amont

V2

1p 2

222

11

33

et la chute de pression p1 p2 sera en réalité plus

grande que celle prédite par le théorème de Bernouilli.

C'est le cas en particulier pour un tuyau divergent. La

variation de section doit être tres douce pour

empêcher les couches limites de séparer sur les bords

et de générer de la turbulence et donc induire de la

dissipation d'énergie.

Cette séparation arrive car l'écoulement s'effectue dans une situation de

gradient de pression adverse. (Ceci sera un thème récurrent de la suite de ce cours.) Le

cas limite d'une expansion abrupte peut s'analyser et montre bien la relation entre la

séparation et la non-applicabilité du théorème de Bernouilli.

Quand les lignes de courant

pénètrent dans l'expansion elles sont à

peu près rectilignes si bien que la

pression sur le bord du jet est toujours p1. Plus loin du jet, près de la partie

coudée, le fluide est stagnant et donc la

pression reste proche de p1. Ceci permet

d'écrire le théorème de la quantité de

mouvement :

p1S1 + p1(S2 – S1) – p2S2 = S222V - S1

21V

ou p2 – p1 =

2

2

1

2

121

S

S

S

SV

Le saut de pression le plus grand 1/4 21V est obtenu quand S1/S2 = ½. Il est la moitié de

ce qui peut être obtenu dans un diffuseur idéal. La perte de charge 21

2 2vp vaut

alors ½ 21V (1 – S1/S2)

2.

2) Jet incident sur un mur

La force exercée par un jet de section S

sur un mur est égale à la variation de quantité de

mouvement soit ( S V)V dans le jet et 0 sur le mur.

Donc : R = SV2

(De la quantité de mouvement est évacuée latéralement mais

dans une direction perpendiculaire au jet incident).

Les excès de pression sur la paroi étant au maximum ½ V2, on en déduit

qu'ils contribuent à la réaction à R sur une surface sensiblement plus grande que de 2S.

3) Ressaut hydraulique

La valeur de cet exemple vient de sa réalisation pratique : vous avez

certainement observé l'apparition d'un bourrelet d'eau circulaire au fond d'un évier dans

lequel coule l'eau d'un robinet. Ce ressaut sépare une partie peu profonde où

S1

p1

p1 p2

p1 S2

V2

V1

S

34

l'écoulement est rapide avec des vitesses supérieures à la vitesse des ondes de gravité

[(gh)1/2

quand le fluide est très peu profond ce qui est le cas ici] d'une partie extérieure

où l'écoulement est plus lent (les vitesses étant inférieures à la vitesse des ondes de

gravité).

Si on introduit le nombre sans dimension de Froude, F = U/(gh)1/2

, celui-ci passe d'une

valeur "supercritique" supérieure à 1 à une valeur sous critique plus petite que 1 dans la

direction de l'écoulement. Aussi étrange que cela puisse vous apparaître à ce stade, le

phénomène est physiquement analogue à l'onde de choc créée par d'un avion volant à

vitesse supersonique (pour lequel les effets de compressibilité de l'air sont majeurs). A

faible coût vous pouvez d'ailleurs observer le sillage caractéristique en V d'un tel avion

en plongeant un clou dans la région supercritique du ressaut de votre évier ! Bien qu'au

ressaut lui-même les vagues déferlent et une zone turbulente de mélange apparaisse, le

théorème de la quantité de mouvement permet de relier les conditions amont et aval.

Pour simplifier considérons l'écoulement parallèle et uniforme dans la

direction X.

La conservation de la masse implique :

hU = h'U'

Appliquons maintenant le théorème sur la surface de contrôle en pointillés. Les forces

de pression sur AB et CD s'évaluent hydrostatiquement puisqu'il n'y a pas d'accélération

dans la direction verticale. Sur AB la pression moyenne vaut 1/2 gh2 fois la longueur

unité perpendiculairement à la figure. Si on néglige l'effet de la viscosité sur le fond du

canal le long de AD, le théorème de la quantité de mouvement donne :

U'2h' – U

2h = g

2

'h

2

h 22

h

ressaut

B

A

C

D

h' U'

U h

amont aval

x

35

Avec ces deux relations, on peut relier les conditions amont et aval :

2/1

2

)'hh(

'h

hg'U

et

2/1

2

)'hh(

h

'hg'U

vitesses U' et U respectivement inférieures à la vitesse des ondes de gravité en aval et en

amont, écoulement donc sous-critique en aval et supercritique en amont. Il est dès lors

impossible à une onde émanant de la région agitée du ressaut de remonter vers l'amont.

Si F le nombre de Froude amont U/(gh)1/2

est donné, la relation donnant U en fonction

de h et h' s'écrit :

gh'2 + ghh' – 2 U

2h = 0

équation dont la racine positive donne :

2

)F81(1

h

'h 2/1

montrant que si F > 1, h'/h est supérieure à 1.

La relation de Bernouilli est-elle valable dans cette situation ? Si on évalue

U2/2 + gh en amont et en aval on détermine une perte de charge (qui montre) que

l'énergie n'est pas conservée. Elle est dissipée au niveau du ressaut. Ces ressauts sont

utilisés en génie civil justement pour "détruire" l'énergie cinétique des chutes d'eaux en

produisant de la turbulence. A cette turbulence est associée une forte dissipation grâce

au transfert d'énergie très efficace vers les petites échelles où la viscosité moléculaire

devient prépondérante. L'énergie cinétique est ultimement transformée en énergie

interne et conduit à une augmentation de température.

36

Chapitre V

CHAMPS DE VORTICITE ET DE DEFORMATION

- THEOREMES DE VORTICITE

Analyse locale du mouvement d'un fluide

En mécanique du solide rigide, nous avons vu que

seuls les mouvements de translation et de rotation sont possibles.

L'objet ici est de montrer comment quantifier la nouveauté, la

déformation qui apparaît dans un fluide. On effectue une analyse

locale du mouvement au voisinage d'un point C.

La vitesse relative du du point M par rapport au point C s'exprime par un

développement limité au premier ordre au voisinage de C comme :

j

iji

x

udxdu

5.1

Décomposons cette expression en une somme

de parties symétrique et antisymétrique

relativement aux indices i et j :

où ijjsi edxdu

ijjai rdxdu

avec

i

j

j

iij

x

u

x

u

2

1e

i

j

j

iij

x

u

x

u

2

1r

Comme rij n'est déterminé que par trois éléments, il doit être assimilable à

un vecteur et ces 3 éléments ne sont autres que les composantes du rotationnel de u, le

vecteur vorticité = u. On peut vérifier que :

xd2

1dua

i 5.2

On reconnaît dans cette expression le mouvement de rotation solide du

point M par rapport à C autour d'un axe donné par la direction et à la vitesse angulaire

1/2.

C

M u + du dx

u

37

On peut montrer que le moment angulaire d'une sphère de fluide centrée en

C est le produit du moment d'inertie et de ½ (Lighthill).

Le reste, c'est-à-dire sidu , ne peut représenter qu'une déformation qui est

entièrement définie par le tenseur E d'éléments eij.

Une matrice symétrique réelle peut toujours être diagonalisée car ses valeurs

propres sont réelles. Dans un nouveau repère cartésien orthonormé où les coordonnées

x', y, z' sont reliées aux anciennes x, y, z par une matrice de passage orthogonale L, on

a :

3

2

1

3

2

1

3

2

1

3

2

1

u

u

u

L

'u

'u

'u

x

x

x

L

'x

'x

'x

La matrice orthogonale L peut toujours être trouvée et possède la propriété

que L-1

= LT.

Les constantes 1, 2, 3 étant les valeurs propres de E, la matrice de

déformation E' dans le système des axes principaux s'écrira :

3

2

1

1

00

00

00

LELE

On aura : sidu' = i dx'i.

Sur la figure ci-contre

une élongation dans la direction

x'i (1 > 0) une contraction

(2 < 0) dans la direction x'2, plus

une élongation ou une contrac-

tion dans la direction x'3, trans-

forment la sphère de rayon en

un ellipsoïde de longueur de

demi axe (1 + 1dt),

(1 + 2dt), (1 + 3dt). Les

axes de l'ellipsoïde sont appelés

les axes principaux de la défor-

mation. En fluide incompressible,

le taux de variation du volume de

l'ellipsoïde est nul car :

1 + 2 + 3 = u' = 0

dans les nouveaux axes. Vu d'une

autre façon les trois axes princi-

paux représentent les trois

directions qui restent mutuel-

lement orthogonales au cours de

la déformation.

38

Un exemple particulier important qui permet d'illustrer la décomposition

générale précédente concerne les écoulements cisaillés où :

u =

0

0

sy

s étant une constante

Dans ce cas : =

s

0

0

000

002/s

02/s0

Ret

000

002/s

02/s0

E

E peut être diagonalisé par une rotation de π/4 des axes avec :

000

02/s0

002/s

LELet

200

011

011

21L 1

Le cisaillement transforme la sphère en un ellipsoïde de demi-axes

(1 + s/2 dt), (1 - s/2 dt), .

Dans cette figure le courant de cisaillement peut être vu comme la somme

d'une déformation pure le long d'axes inclinés à π/4 et 3 π/4 et d'une rotation pure dans

le sens inverse trigonométrique à la vitesse angulaire s/2. Bien entendu cette

décomposition n'est valable que pour des temps assez faibles pour lesquels le

développement de Taylor à l'ordre 1 reste suffisant. Pour des temps plus longs l'ellipse

se déforme et un regard sur un colorant dans un fluide en mouvement montre la

complexité et la richesse des étapes ultérieures.

Cinématique et dynamique de la vorticité

Dans la présentation précédente, 2 champs vorticité et déformation ont été

introduits. La vorticité tient une place prépondérante en dynamique des fluides que nous

allons expliciter ici. Comme () = 0, le vecteur vorticité est dit solénoïdal. On peut, à

Mouvement

total Déformation Rotation

39

un instant t, calculer des lignes de vorticité dans le fluide, courbes tangentes en tous

points au vecteur vorticité. Si ces composantes sont 1, 2, 3, ces lignes obéiront à :

3

3

2

2

1

1 dxdxdx

Quand ces lignes s'appuient sur une boucle on peut définir un tube de

vorticité en analogie avec les tubes de courant :

Le théorème de la divergence appliqué à sur le

domaine L limité par le tube permet d'obtenir :

0dVdSn

LL

Comme la partie latérale du tube ne

contribue pas :

0dSndSn 21

(Normales dirigées vers l'extérieur du tube)

Si on réoriente les normales n dans le sens de , on obtient :

cstedSn

Appliqué à un tube fin de vorticité, ce résultat indique que le produit de la

surface de la section du tube par la vorticité est constant : si le tube s'amincit, on s'attend

à ce que la vorticité augmente. Ce produit, flux du vecteur vorticité, définira l'intensité

de la vorticité.

Circulation :

Le résultat précédent peut s'exprimer de façon complémentaire avec l'aide

du théorème de Stokes.

La frontière de la surface S qui s'appuie sur le

tube de vorticité est une courbe fermée C qui entoure le

tube 1 fois. Le théorème dit alors que :

CS

dludSn

C

dlu est la circulation autour de C, composée de la somme d'élé-

ments udx + vdy + wdz et prise dans le sens positif par rapport à n. (Si le pouce de la

main droite est aligné selon la normale dirigée vers l'extérieur n, en fermant la main on

obtient le sens positif selon C). La circulation autour d'un tube de vorticité est donc

invariante. Ceci implique en particulier que les lignes de vorticité peuvent soit se

refermer sur elles-mêmes, soit se terminer sur une paroi solide. Elles ne peuvent en

aucun cas avoir d'extrémité libre dans le fluide. Si c'était le cas, le flux de vorticité à

travers une surface s'appuyant sur le contour entourant la ligne de vorticité aurait deux

déterminations arbitraires selon que la surface coupe ou ne coupe pas la ligne de

vorticité et il en serait donc de même pour la circulation et la vitesse créée par la ligne

de vorticité qui n'auraient pas de valeurs bien définies.

s1

s2

n2

n1

C

n

40

Théorème de Kelvin :

Dans le cadre du modèle d'Euler,

fluide idéal, sans frottement, de densité

constante, nous allons démontrer un

remarquable théorème sur la persistance de la

circulation autour d'une courbe fluide constituée

de particules fluides. Considérons une telle

courbe C dite matérielle et formons la

circulation autour de C.

La position relative de 2 particules fluides est dx

et le taux de changement de leur position

relative donne leurs vitesses relatives :

Dt

D dx = du

Ainsi : Dt

Du dx = u

Dt

D dx +

Dt

uD dx

Soit : Dt

D u dx =

2

1d|u|

2 + +

Dt

uD dx

Quand on veut obtenir la circulation, on doit faire la somme de termes de

type u dx tout autour de C. La courbe C va être représentée paramétriquement par x =

x(s,t), chaque particule de la courbe matérielle C ayant une valeur particulière de s,

disons entre 0 et 1.

Alors :

1

0

1

0)t(C

dss

xu

tds

s

xu

dt

dxdu

dt

d

où maintenant le /t est effectué à s constant, s représentant le label d'une particule.

Après avoir dérivé le produit et identifié les termes, ceci se réécrit :

CC

2xd

Dt

uDud

2

1xdu

dt

d

Le premier terme à droite est nul puisque |u|2 reprend la même valeur après un tour.

Quand au deuxième, l'équation du mouvement permet de le réécrire :

0dp1

xdp1

xdDt

uD

CC

Car p dx est la différentielle de p, dp dont l'intégrale est aussi nulle puisque la

pression ne peut prendre qu'une valeur. On obtient le théorème de Kelvin :

0xdudt

d

C 5.3

La circulation autour d'une courbe fluide (se déplaçant avec le fluide) est un

invariant du mouvement.

C

x+d x

x

u

u + d u

41

Le mouvement des lignes de vorticité :

Nous allons tout d'abord démontrer que les

tubes de vorticité se déplacent avec le fluide

c'est-à-dire que les particules fluides

composant la surface du tube se déplacent

toujours de façon à continuer à former un tube

de vorticité.

A la surface du tube n = 0, n désignant la normale extérieure. Pour toute courbe C

tracée sur le tube (et qui n'en fait pas le tour) le théorème de Stokes montre que la

circulation autour de cette courbe est nulle. Quand les particules se déplacent, C est

déformée mais la circulation autour de cette courbe est toujours nulle d'après le

théorème de Kelvin. Quand C est une petite boucle élémentaire ceci implique que

u n est toujours zéro sur la petite surface sur laquelle C s'appuie. Ce qui démontre

que le tube de vorticité reste un tube de vorticité. La même propriété à savoir que les

lignes de vorticité se déplacent avec le fluide s'en déduit puisque une ligne est un tube

de section infinitésimale. Ce résultat, connu sous le nom de théorème de Helmhotz, est

important pour la direction du vecteur vorticité dont on vient de montrer qu'elle suit la

direction de la chaîne de particules alignées sur la ligne en question. L'intensité du

vecteur vorticité quant à elle augmente ou diminue proportionnellement à l'élongation

ou à la contraction de cette chaîne de particules. Pour montrer cela appliquons le

théorème de Kelvin à une petite courbe fermée autour d'un tube fin de vorticité. La

circulation autour de cette courbe fermée entourant la ligne est égale au flux de vorticité

S où est la vorticité moyenne sur la surface élémentaire S. Cette quantité est un

invariant du mouvement puisque la courbe, partie intégrante du tube de vorticité se

déplace avec le fluide. Si une section du tube voit sa longueur l changer (élongation ou

contraction) au cours du mouvement, le volume occupé l S doit rester constant (en

fluide incompressible). Il en résulte que :

l

= cste

et donc que l'intensité de la vorticité change en proportion directe avec la longueur de

l'élément de fluide considéré. Ce résultat rappelle la conservation du moment angulaire

en mécanique du solide où le produit du moment d'inertie et de la vitesse angulaire est

conservée.

Elongation d'un tube de vorticité

Ce n'est pas surprenant car en fluide idéal, les seules forces agissantes sont les forces de

pression. Agissant vers le centre de la particule fluide, leur moment est donc nul et le

moment angulaire pour une sphère de fluide est nécessairement conservé. Ainsi les

n

C

l

S

42

composantes de la vitesse angulaire autour des axes principaux de déformation changent

de façon inversement proportionnelle aux moments d'inertie autour des axes

correspondants et donc de façon proportionnelle aux changements de longueur selon

l'axe considéré (Lighthill).

L'équation de la vorticité :

Les considérations précédentes font apparaître des propriétés intégrales

montrant que la notion de vorticité est fondamentale pour utiliser les notions liées au

moment angulaire. Il est utile de les retrouver au niveau local.

Une équation pour le vecteur vorticité peut être facilement déduite de

l'équation de la quantité de mouvement. Pour une plus grande généralité gardons ici les

termes de friction appropriés au cas du fluide incompressible :

up

Dt

uD 2

,

(viscosité cinématique)

En réécrivant l'équation :

u2

up

1u

t

u 2

2

En appliquant l'opérateur , et en utilisant l'identité :

( u) = (u ) - ( ) u valable lorsque

0

0u

on obtient : 2u)(Dt

D 5.4

qui est l'équation de vorticité cherchée.

L'équation 5.2 nous montre que la vorticité locale n'est pas conservée en

suivant une particule fluide, même en l'absence de diffusion. Le premier terme à droite

représente les gains ou pertes liés à l'élongation ou à la contraction de la ligne vortex vu

précédemment. En effet . représente une différentiation dans la direction de .

Soit P et Q, 2 points sur la ligne de vorticité et u la vitesse relative de Q

par rapport à P.

( ) u = PQ

ulim

0PQ

S'il y a élongation, u > 0, la vorticité augmente.

S'il y a contraction, u < 0u 0 , la vorticité diminue.

P

Q

u

43

Regardons maintenant comment évolue la ligne matérielle PQ, où

x = xQ – xP :

Dt

D x = uQ – uP = u

Le développement de Taylor de u donne :

u = (x )u

Si bien que : Dt

D x = (x )u 5.5

Comparons les expressions 5.4 et 5.5. En l'absence de diffusion, si x est

parallèle à à t = 0, x restera parallèle à à t 0. En d'autres termes l'évolution de

l'élément matériel x est gouvernée par exactement la même équation d'évolution que le

vecteur vorticité. On retrouve donc par une approche différentielle locale le résultat

obtenu à partir du théorème intégral de Kelvin à savoir que les lignes de vorticité se

déplacent avec le fluide.

L'équation 5.4 est importante pour l'étude phénoménologique de la

turbulence à cause de cette analogie entre lignes matérielles et lignes de vorticité.Le

deuxième terme à droite représente l'effet de la friction ; sur la vorticité, elle apparaît

comme une diffusion, phénomène qui tend à lisser les anomalies de vorticité. Bien

évidemment quand la diffusion est présente, on ne peut plus dire que les lignes de

vorticité se déplacent avec le fluide.

L'équation 5.4 a un cas particulier important. Considérons un écoulement

bidimensionnel dans le plan xy. Dans ce cas la vorticité est dans la direction z et le

terme d'élongation – contraction ( )u est identiquement nul et 5.4 se réduit à :

Dt

D z =

2 z 5.6

indiquant la conservation de la vorticité dans la direction z (en l'absence de diffusion).

En fait 5.6 permet de déterminer entièrement le flot via l'introduction d'une fonction

courant permettant de satisfaire la continuité :

u = - x

, v =

x

Alors z = 2 et 5.6 devient l'équation du mouvement :

,...)(J...

t

2 =

4 5.7

où J est l'opérateur jacobien :

J(a,b) = axby - aybx

Les mouvements de grande échelle dans l'océan ou dans l'atmosphère sont

très influencés par la rotation de la terre et deviennent approximativement bi-

dimensionnels, dans le plan perpendiculaire à l'axe de rotation de sorte que 5.7 a été très

utilisé comme modèle prototype de la turbulence grande échelle de ces milieux (la terre

est sphérique donc un terme additionnel important doit aussi être inclus dans 5.7).

44

Quelques exemples de distribution de vorticité

Comme la vorticité est souvent concentrée, des distributions idéalistes vont

être très utiles.

Lignes de tourbillon

Considérons tout d'abord le cas où la vorticité est nulle à peu près partout à

l'exception d'une région au voisinage immédiat d'une courbe particulière. Ainsi tous les

tubes de vorticité du fluide sont concentrés dans un tube de rayon autour de la courbe

particulière. On appellera une telle région ligne de tourbillon pour la distinguer d'une

ligne de vorticité. Une ligne de tourbillon se déplace avec le fluide puisque qu'elle

représente un tube constitué de tubes de vorticité qui ont cette propriété.

Ligne tourbillon : seule la région

hachurée possède de la vorticité.

En analogie avec l'intensité d'un tube de vorticité, on définit l'intensité d'une ligne

tourbillon comme la circulation K dans le sens positif autour d'une courbe quelconque

fermée qui effectue un seul tour autour de la ligne tourbillon sans la traverser. Il n'est

pas difficile de voir que ceci définit la circulation de façon unique (on prend 2 courbes

C1 et C2 et on bâtit la surface latérale qui s'appuie sur C1

et C2. Finalement on applique

le théorème de Stokes à cette surface qui est immergée dans le fluide irrotationnel).

Si on prend une courbe C qui est un petit cercle de rayon autour de la

ligne de tourbillon, le théorème de Stokes montre que :

s

c

dsndxuK

L'intensité K de la circulation est une intégrale de la composante de la vorticité tangente

à la ligne de tourbillon sur la surface enclose par le petit cercle. C'est aussi la somme de

l'intensité de tous les tubes de vorticité concentrés dans la région en question. Le

théorème de Kelvin indique que K est un invariant du mouvement. (Le rayon peut lui

augmenter par diffusion de vorticité et diminuer par élongation de la ligne de

tourbillon.)

Si on prend la circulation autour d'un cercle Cr de rayon r > dans un plan

normal à la ligne de tourbillon, on a :

Kdxurc

et la vitesse tangentielle moyenne le long de Cr est :

u K

2r

u = r2

K

C

45

La vitesse augmente donc très rapidement quand on se rapproche de la ligne de

tourbillon. Il paraît paradoxal qu'un tel champ de vitesse soit irrotationnel bien que les

particules fluides tournent autour de l'axe r = 0 mais la vorticité associée avec la

rotation autour de l'axe est exactement annulée par celle due au cisaillement latéral de

l'écoulement.

Un tourbillon isolé de cette sorte reste immobile mais que se passe-t-il

lorsque 2 lignes de tourbillons sont en présence ? Les lignes tourbillons se déplaçant

avec le fluide, le champ de vitesse de l'une va faire bouger l'autre et réciproquement.

Soient 2 lignes tourbillons d'axe parallèle et d'intensité K1 et K

2.

- Si K1 + K2 = 0 : l'ensemble des 2 tourbillons effectue une translation à la vitesse

r2|K| perpendiculairement à leur séparation.

- Si K1 = K2 les 2 tourbillons tournent autour du centre C de vorticité situé au milieu

de la ligne de séparation.

Plus généralement on montre que si le centre de vorticité C est défini par

0CAK2

1i

ii

, les tourbillons tournent à une vitesse angulaire 221 r2)KK(

autour de C. Des configurations plus importantes de vortex ont été étudiées et dès N = 4

des régimes chaotiques apparaissent.

Une autre curiosité hydrodynamique concerne les anneaux-tourbillons

(vortex rings), une situation dans laquelle le tube de vorticité se referme sur lui-même

comme une chambre à air de bicyclette.

Il s'agit d'une structure stable qui se propage avec une

vitesse propre, perpendiculairement au plan de la boucle comme la

symétrie le suggère.

On peut les créer soit en faisant tomber des gouttes d'un

fluide coloré dans un bocal d'eau soit en s'exerçant à fumer la pipe.

Avec une certaine pratique, on pourra générer 2 anneaux

consécutivement et observer une interaction fort originale dans

laquelle chaque anneau passe successivement au travers de son

prédécesseur.

K1

A1

K2

K2

K1

A1

A2

A2

C

46

Feuilles de vorticité

Une feuille de vorticité (on devrait dire tourbillon mais il n'y a pas de

confusion possible ici) est une surface au voisinage de laquelle la vorticité est

concentrée. L'intensité H d'une feuille de vorticité est ici définie comme l'intégrale de la

vorticité au travers de l'épaisseur de la feuille.

0

zd H

Quand est très petit, seules les composantes de qui impliquent des dérivées par

rapport à z sont importantes. Soient:

(-Vz, Uz, 0)

et donc l'intensité H devient : H = (-[V], [U], 0)

z

0z représente le saut d'une quantité au travers de la feuille.

Souvent lignes de tourbillon et feuilles de vorticité sont modélisées comme

ayant une épaisseur nulle et une intensité bien définie.

z

47

48

Chapitre VI

L'ECOULEMENT AUTOUR D'OBSTACLES

De nouvelles applications de la mécanique de fluides font leur apparition

pour ce qui concerne les fluides de l'environnement, air et eau bien sûr présents dans

l'atmosphère et les océans, mais aussi pour les fluides terrestres intérieurs (laves

volcaniques, manteau terrestre, noyau liquide). Historiquement et en pratique

industrielle encore aujourd'hui, la mécanique des fluides s'est cependant surtout occupée

à résoudre le problème de l'écoulement d'un fluide autour d'un obstacle solide. Ce sujet a

évidemment de grandes applications en aérodynamique, hydrodynamique qui justifient

cet intérêt. Il s'agit pour un écoulement défini en amont de l'obstacle de prédire l'allure

de l'écoulement au voisinage et en aval de l'obstacle et de calculer les forces exercées

par le fluide sur l'obstacle. Le problème comme nous allons le voir est complexe et fait

l'objet d'actives recherches encore aujourd'hui. Les avions sont récents et les

mathématiciens avaient prévu au début du siècle que ceux-ci ne pourraient pas voler sur

la base d'une théorie inviscide (sans friction, ...) ! Nous voulons explorer pourquoi de

telles théories (donc basées sur le modèle d'Euler) ne sont pas directement applicables,

et comment convenablement modifiées elles peuvent encore être utiles.

Les conséquences du théorème de Kelvin

Une catégorie importante d'écoulements concerne les écoulements

irrotationnels pour lesquels le vecteur vorticité est nul en tous points. Un élément de

fluide n'est soumis dans ce cas qu'à une translation et à une déformation pure sans

rotation.

Le théorème de Lagrange établit que si est nul à t 0, est nul à tout

instant postérieur dans le cadre du modèle d'Euler sans friction. Pour le démontrer,

considérons un petit disque élémentaire dont la normale n est dans la direction de la

composante selon Ox de la vorticité, 1 .

La vorticité sur le disque ne diffère pas

significativement de la vorticité en P au centre du disque.

La circulation autour du périmètre du disque est donc :

Sdxu 1

Maintenant le théorème de Kelvin dit que la circulation autour de ,

consistant des mêmes particules fluides, est invariante au cours du temps. Si donc 1 est

nul à t = 0, la circulation reste nulle autour de et 1 reste nul sur le disque.

L'application de ce raisonnement aux trois composantes de la vorticité démontre le

n

S

P

49

théorème de Lagrange. Un cas spécial d'applications de ce théorème concerne les

mouvements de fluide qui démarrent d'un état de repos : Si u = 0, à t = 0, la vorticité

initiale est nulle et le flot est donc irrotationnel à tout instant ultérieur.

Considérons encore le cas suivant d'un écoulement stationnaire sur un

obstacle. Si le flot est uniforme en amont, la vorticité y est nulle. Si maintenant on

marque en amont un contour fluide autour d'une ligne de courant, ce contour est advecté

en aval et d'après le théorème de Kelvin la circulation et donc la vorticité est nulle

partout en aval. Sur la base de cet argument l'écoulement serait irrotationnel dans tout

l'espace. Cet argument est fallacieux car pour les lignes de courants qui passent le long

de la surface du solide, la circulation du petit contour n'est pas conservée à cause de la

génération de vorticité par diffusion à la frontière. A cause des conditions aux limites de

non glissement à la frontière d'un fluide réel, l'écoulement irrotationnel n'est pas la

réponse complète au problème, loin s'en faut, sauf dans certains cas particuliers très

importants en pratique !

Phénoménologie de l'écoulement autour d'un obstacle

Supposons un fluide au repos et un obstacle immergé qui se met en

mouvement. Immédiatement un flot irrotationnel est créé avec une composante de

vitesse tangentielle non nulle sur l'obstacle car l'accélération locale u/t répond au

gradient de pression. Ainsi d'après le modèle d'Euler et dans le référentiel lié à l'obstacle

une discontinuité apparaît entre la vitesse extérieure irrotationnelle et la vitesse nulle sur

l'obstacle (composante tangentielle). Il y a donc apparition d'une feuille de vorticité

attachée à l'obstacle, d'épaisseur nulle initialement mais qui va croître par diffusion.

Cette région à l'intérieur de la ligne pointillée est appelée couche limite. Deux processus

déterminent son évolution :

1) la diffusion qui tend à faire croître l'épaisseur comme (vt)1/2

;

2) l'advection de vorticité qui tend à transporter les lignes de vorticité en aval de

l'obstacle en un temps l/U typiquement, si l est la longueur de l'obstacle et U la

vitesse caractéristique dans la partie extérieure de la couche limite.

Ce deuxième processus limite donc la croissance de la couche limite à une

valeur = 0(vl/U)1/2

car la vorticité générée à la surface solide est balayée vers l'aval en

un temps l/U, durant laquelle elle a diffusé sur cette épaisseur . Cette vorticité balayée

doit être remplacée de façon régulière par de la nouvelle vorticité générée à la surface de

l'obstacle pour maintenir intact l'intensité de la feuille de vorticité et donc le saut de

l

U

50

vitesse subi par le flot "extérieur". L'épaisseur de la couche limite par rapport à la

longueur de l'obstacle peut s'écrire :

2

1

v

U

ll

où R = Ul/v est le nombre de Reynolds.

En adimensionnalisant les termes d'inertie de l'équation du moment par U2/L

et les termes de friction par vU/L2 dans un flot d'échelle U et L, le rapport :

lU

uv0

uu02

est justement le nombre de Reynolds*. Basée sur l'échelle extérieure des flots, le nombre

de Reynolds est généralement très élevé car les viscosités sont faibles et les échelles

grandes.

Dès que Re > 104, les couches limites sont minces au sens de 6.1 et les

régions où les phénomènes de friction importent sont très limitées ce qui semble justifier

l'approche par le modèle d'Euler. Mais est-ce bien vrai ? Bien que les couches limites

soient très minces, peut-on réellement négliger leur influence ?

Voici justement un exemple où une adimensionnalisation naïve ne donne

qu'une réponse bien partielle à cette question. Une couche limite peut devenir turbulente

(remplie de petits tourbillons aléatoires) dès que R est 0(106). La turbulence a pour effet

d'augmenter la diffusivité au-dessus de sa valeur moléculaire et d'accroître les transferts

de vorticité au travers de la couche limite qui peut alors être plus épaisse. En pratique

elle reste "mince" même si elle est turbulente.

Un effet beaucoup plus perturbateur concerne la séparation de la couche

limite qui décolle de la surface solide et pénètre dans l'intérieur rendant la solution

irrotationnelle tout-à-fait académique et dénuée de sens. Les conditions sous lesquelles

cette séparation est probable peuvent être précisées et sont d'un grand intérêt pratique

(Lighthill). La figure suivante montre l'écoulement permanent autour d'un obstacle

elliptique. De l'amont jusqu'au milieu de l'obstacle, les tubes de courant sont comprimés

et la vitesse croît, pour décroître ensuite en aval. Si la couche limite (CL) peut être

considérée comme une feuille de vorticité attachée à l'obstacle, son intensité V (qui est

aussi la vitesse de l'écoulement juste à l'extérieur de la CL) augmente jusqu'au milieu de

l'obstacle pour diminuer ensuite. L'advection de vorticité est plus grande en B qu'en A

dans la CL car l'intensité de la vorticité est plus grande en B et le flot y est aussi plus

rapide : la vorticité en B, disparaît par advection plus rapidement que la vorticité n'arrive

de A. Pourtant la vorticité en B doit rester constante et V égal à la vitesse à l'extérieure

de la CL.

* L'importance du nombre de Reynolds fut découverte non pas dans le contexte des couches limites

(l'œuvre de L. Prandtl) mais dans les écoulements dans les tuyaux par Reynolds qui montra que

l'écoulement passe de laminaire à "turbulent ou chaotique" quand R dépasse une valeur critique.

51

Fig. 33. Separation of a boundary layer for flow around an elliptic cylinder at rest in an oncoming stream of

velocity U directed along the major axis of its elliptic cross-section.

(a) Streamlines, calculated by a method described in Chapter 9, with the flow assumed irrotational in the region

outside the boundary layer. The broken line is the plane of symmetry of the flow.

(b) Distribution of the velocity V just outside the boundary layer, as given by the same irrotational-flow

calculation. The boundary layer, then, consists of a vortex sheet of strength V.

(c) Between A and B, this strength V is increasing, thus requiring the generation of new positive vorticity at the

boundary so that the distributions of vorticity and fluid speed q within the boundary layer are changed as

shown (with the boundary-layer scale normal to the body surface hugely exaggerated).

(J. Lighthill. "An informal introduction

to theoretical fluid mechanics")

52

De la nouvelle vorticité est donc nécessairement produite à la surface solide

de même signe que la vorticité en B de façon à rétablir le déficit. Cette nouvelle vorticité

est diffusée puis (et) advectée dans la CL.

Si on applique les mêmes arguments entre C et D on arrive à une conclusion

différente : le flot étant retardé, V est plus faible en D qu'en C. L'advection enlève moins

de vorticité en D qu'il n'en arrive en C. A un point tel que en D, de la vorticité de sens

opposé à celle présente dans la CL doit être générée à la frontière solide pour équilibrer

l'excès dû à l'advection et permettre à l'intensité V de rester constante en D. Si le flot est

faiblement retardé, la diffusion de la partie centrale de la CL de vorticité positive vers le

mur est plus grande que la diffusion de la vorticité négative du mur vers le centre et la

vorticité négative n'apparaît pas (voir figure (d)).

Si le flot est très retardé (entre D et E), la vorticité négative doit diffuser

beaucoup plus largement et un flot opposé se développe donc le long de la frontière

correspondant à cette vorticité opposée. Le flot direct vers l'aval et le flot opposé se

rencontrent quelque part entre D et E et se séparent de la surface (fig. (e)). Le flot direct

extérieur continue vers l'aval mais maintenant une région épaisse de flot opposé se

développe près de la frontière et l'idée d'une mince CL disparaît.

Ainsi la dynamique de la vorticité fournit la conclusion suivante :

- Quand un écoulement accélère, (le gradient de pression est favorable) les

couches limites n'ont pas tendance à se séparer et restent minces.

- Quand un écoulement ralentit (le gradient de pression est défavorable) le

flot se sépare de la frontière solide à cause d'une génération importante de

vorticité à la frontière, de sens associé avec celui d'un flot opposé à

l'écoulement principal. Quand Re est plus grand et que les CL deviennent

turbulentes, la diffusion augmente : une décélération plus importante sera

nécessaire pour produire la séparation n'arrive et celle-ci se produira donc

plus loin en aval.

Ainsi dans l'usage qui suivra du modèle d'Euler on peut penser que ses

prédictions pour l'écoulement extérieur seront correctes quand le flot accélèrera, les CL

restant minces. Rien n'est moins sûr quand le flot sera retardé et on pourra s'attendre

dans ce cas à des différences majeures entre l'écoulement des fluides réels et des fluides

idéaux.

Finalement dans le cas où les flots sont séparés, une feuille libre de vorticité

est injectée dans l'intérieur. Celle-ci est sujette à instabilité dès que Re est modéré. On a

donc génération de turbulence et forte dissipation associée, un cas que l'on cherche en

général à éviter en pratique.

53

54

Les flots irrotationnels

Comme nous l'avons vu, le flot extérieur autour d'un obstacle est

irrotationnel si la vorticité générée à la frontière solide reste confinée dans les couches

limites (qui sont minces si le nombre de Reynolds est élevé). Il y a donc toujours un

intérêt à étudier les flots irrotationnels (non nécessairement permanents).

Considérons la situation suivante d'un obstacle initialement au repos qui

atteint la vitesse u s en un temps très court . Le fluide reçoit une impulsion via les

forces de pression mises en jeu. Pendant ce temps très court, la diffusion ou l'advection

de vorticité présente à la frontière n'a pas le temps de pénétrer l'intérieur. La quantité de

mouvement acquise par une particule fluide est donc :

0

dtpu

p étant toujours l'excès de pression.

Dans un tel cas transitoire à partir du repos, on voit que u dérive d'un

potentiel :

u = , = -

0

dtp2

1

et le mouvement est donc irrotationnel puisque = 0.

Pour arriver à faire bouger le fluide de façon significative quand est très

petit, les forces de pression doivent être très grandes. Ces excès de pression sont de plus

générés dans tout le fluide de façon quasi-instantanée car la propagation d'un

changement de pression se fait à la vitesse du son, grande par rapport aux vitesses

fluides (en hypothèse incompressible, ceci est effectivement instantané).

Pour des écoulements qui n'ont pas été créés par le mouvement impulsif d'un

obstacle, nous montrerons plus loin qu'un potentiel existe sous certaines conditions -

la région occupée par le fluide devant être simplement connectée [Ceci signifie que si on

trace une courbe quelconque dans la région, l'aire de cette courbe contenue dans le

fluide peut être rendue nulle par déformation continue sans couper la surface solide]. Si

un tel potentiel existe, le flot est nécessairement irrotationnel. L'équation d'Euler peut

s'écrire :

2u

2

1p

t

u 6.1

équation dans laquelle les accélérations relatives ne sont plus négligées. Comme u = ,

ceci se réécrit :

,0t

q2

1p 2

q = |u| 6.2

Ainsi : p + 2

1q

2 +

t

= f(t) 6.3

un résultat qui généralise les résultats du chapitre 4 aux écoulements irrotationnels,

instationnaires.

55

6.3 redonne les 2 cas particuliers importants :

1) écoulement impulsif ; est nul à t = 0 et croît rapidement à de très grandes valeurs si

bien que l'équilibre s'effectue entre p et - t, une relation en accord avec ce qui a

été dit précédemment.

2) écoulement permanent : alors est indépendant du temps et on retrouve les résultats

du chapitre 4 :

p + 2

1q

2 = cste

3) la constante f(t) dans 6.3 n'apporte pas d'arbitraire gênant car ce qui importe pour la

dynamique est le gradient du potentiel que l'on peut toujours redéfinir

'dt)'t(ft

0

Dans le cas général, l'excès de pression est distribuée entre une partie –

1/2 q2, appelée pression dynamique et une partie - t, appelée pression transitoire.

Existence d'un potentiel

L'étude des flots irrotationnels est grandement aidée par l'introduction de ce

potentiel de vitesse car il simplifie grandement le calcul du champ de vitesse. S'il est

connu, la relation 6.3 permet alors de calculer le champ des pressions en tous points.

D'autre part, comme nous allons le démontrer, son existence garantit l'unicité du champ

de vitesse étant donné les conditions aux limites (u – us).n = 0 à la surface du solide.

Sous quelles conditions, l'intégrale x

x0

dxu prise le long d'un sentier de

x0 à x dépend-elle du sentier choisi ?

La différence de l'intégrale pour ces 2 sentiers est :

xduxdu)2(xdu)1(x

x

x

x 00

Mais la circulation autour de la courbe fermée

dans les conditions d'applications du théorème de

Stokes est :

0dSnxdu (en fluide irrotationnel)

la surface S devant s'appuyer sur sans sortir du fluide pour l'application du théorème

de Stokes. On dira si c'est le cas, que la région est simplement connectée.

Alors la fonction égale à x

x0

dxu ne dépend pas du chemin suivi. La

quantité d correspondant à 2 points voisins x et x + dx est simplement

xduxdudxx

x

et u est donc !

Dans une région multiplement connectée, on ne peut pas démontrer

l'existence d'un potentiel de cette façon. Un exemple de telles régions :

x

x0

(1)

(2)

56

U C

Soufflerie

On ne peut appuyer une surface S sur la courbe C sans sortir du fluide. Un autre cas est

celui d'un fluide enfermé dans une région torique (en forme d'anneau). Nous

retrouverons ces situations plus loin et nous allons nous concentrer pour l'instant sur le

cas simplement connecté.

Unicité du champ de vitesses

irrotationnel Commençons par démontrer le lemme suivant : dans une région simplement

connectée où les frontières solides sont au repos, l'écoulement irrotationnel est nul.

Démonstration :

Comme u.n 0 à la frontière, u n = 0 sur la frontière. Le théorème de la

divergence donne :

0dv)u(

Mais (u) = |u|2 quand u = 0 et u = . Ainsi :

0dvu2

ce qui n'est possible que si u = 0 partout.

Ce résultat qui est démontré ici pour un fluide contenu dans une région

limitée par des frontières solides se démontre aussi mais plus difficilement pour un

fluide infini entourant un solide (qui est le cas le plus courant en pratique). Nous

l'admettrons ici (Voir Lighthill ou Batchelor). Nous avons vu comment le mouvement

impulsif d'un obstacle génère un flot irrotationnel. Le théorème précédent montre que le

flot compatible avec le mouvement instantané de l'obstacle est unique. En effet, s'il y en

avait 2, leur différence satisfairait u.n 0 à la frontière et nous venons de démontrer

que ceci implique un écoulement nul.

Ainsi l'écoulement irrotationnel dans une région simplement connectée ne

dépend que de la vitesse instantanée de la frontière, (et en particulier pas de son

accélération). Si l'obstacle en mouvement s'arrête, l'écoulement irrotationnel s'arrête. On

dit parfois que l'écoulement irrotationnel est sans mémoire. Ainsi si un mouvement

persiste dans les observations après arrêt de l'obstacle, ce mouvement est nécessairement

associé avec de la vorticité présente dans les couches limites.

57

Quelques résultats pour des écoulements de vorticité donnée

Le théorème précédent donne directement quelques informations sur les

écoulements avec vorticité. On se place dans une région simplement connectée.

Supposons 2 écoulements de même vorticité dans un domaine D :

u1 = avec (u1 – us) n = 0 sur la frontière D

u2 = avec (u2 – us) n = 0 sur la frontière D

Le champ différence u u 1 u 2 satisfait à :

u = 0 et u n = 0 sur D

D'après le théorème précédent u = 0. Ceci établit l'unicité (u1 = u2) du champ

de vitesse de vorticité donnée , le mouvement des frontières étant prescrit.

Soit maintenant le champ u 0 satisfaisant à :

u0 =

et u0 n = 0 (frontières immobiles)

le champ u1 – u0 est irrotationnel et satisfait (u1 – u0) n = us n.

Nous savons que ce champ est unique et dérive d'un potentiel :

u1 – 0 =

Considérons l'énergie cinétique :

dVudVuu2

1dV

2

1dVuu

2

1000

2

11

Comme u0 = (u0) le dernier terme est nul après utilisation du théorème de la

divergence. Le résultat est exprimé sous la forme du théorème de l'énergie de Kelvin :

"Parmi tous les écoulements qui satisfont des conditions limites données aux

frontières, le flot irrotationnel est celui qui a l'énergie cinétique minimum."

Ce théorème montre l'intérêt de l'étude des écoulements irrotationnels vis-à-

vis du point de vue du mouvement d'un obstacle dans un fluide. En effet la perturbation

du fluide par l'obstacle sera minimale si l'écoulement irrotationnel est réalisé.

Quelques exemples :

Soit une ligne tourbillon

(concentration de vorticité), d'intensité K,

située à une distance h d'une frontière solide.

Le champ de vitesse en milieu est azimutal avec u = K/2r. Mais ce

champ ne satisfait pas la CL sur la frontière (u n = 0). Considérons la différence entre

le vrai champ (à trouver) et ce champ en milieu . Cette différence est irrotationnelle et

représente le champ dont la distribution de vitesse à la frontière doit exactement annuler

la composante normale du champ en milieu . Il n'est pas difficile de voir que ce champ

est produit par l'image dans un miroir (qui serait le plan) de la source de vorticité. En

h

58

effet il est bien irrotationnel dans la région au-dessus du plan et si l'intensité de l'image

est - K la composante normale de la vitesse sur le plan est égale et opposée à celle

produite par la source + K au-dessus du plan.

L'unicité permet de dire que l'écoulement est donc la somme du champ

produit par la source d'intensité K et de son image par rapport au plan d'intensité - K.

(L'idée sous jacente est que les flots irrotationnels dans des situations complexes

peuvent souvent se ramener à des combinaisons d'éléments plus simples).

Cependant tout n'est pas terminé car la ligne tourbillon ne va pas rester

immobile : le champ de vitesse de l'image va déplacer la ligne de vorticité vers la droite

à une vitesse K/4h. Ceci est tout à fait analogue à l'interaction de 2 vortex déjà

mentionnés. Notez que la direction de translation est opposée à celle qu'aurait une roue

roulant sur le plan dans le même sens que le tourbillon. Ceci peut se tester dans une

tasse emplie de votre boisson préférée : une cuillère génère deux petits tourbillons qui

s'autoadvectent. Quand ils arrivent près du bord de la tasse ils se séparent précisément

pour la raison que nous venons d'évoquer :

Les régions doublement connectées :

Elles ont une importance dans le traitement des écoulements

bidimensionnels. Considérons le cas d'un fluide compris entre deux cylindres coaxiaux ;

sur la courbe C qui entoure le cylindre intérieur, il est effectivement impossible

d'appuyer une surface qui reste dans le fluide. Mettons une ligne tourbillon d'intensité K

au centre du cylindre intérieur. Elle produit un champ azimuthal u = K/2r dans la

partie fluide qui satisfait u n = 0 sur les 2 frontières solides. Ainsi dans une région

doublement connectée on peut créer un champ irrotationnel non nul en présence de

frontières immobiles! On a donc perdu l'unicité. On a aussi perdu l'existence du

h

-K

+K

59

potentiel . En effet si on calcule l'intégrale x

x0

xdu selon 2 chemins

différents OPQX et OPRX on ne trouve pas le même résultat :

La contribution est nulle selon OP. Selon une partie

circulaire on a :

d2

Krd

r2

Kxdu

Selon le chemin OPQX,

2

Kxdu

x

x0

, = Angle (0 x0, 0x)

Selon le chemin OPRX,

2

KK)2(

2

Kxdu

x

x0

et donc n'existe pas. D'autres circuits faisant plusieurs fois le tour de l'origine

donneraient encore des valeurs différentes, multiples de K. Pour une région doublement

connectée, la circulation autour d'une courbe quelconque fermée peut se déformer en la

circulation autour de la courbe C1 prise n fois, C1 étant la courbe qui fait une fois le tour

de l'origine. Ainsi le long de la circulation K autour de C1 détermine la circulation

autour de n'importe quelle autre courbe. Pour retrouver l'unicité des écoulements

irrotationnels dans une région doublement connectée, il faut ainsi ajouter une condition

supplémentaire qui est justement la valeur K de la circulation autour de C1. Soient en

effet 2 champs de vitesse u1 et u2 avec la même valeur de K et mêmes conditions aux

frontières. Alors u1 - u2 (qui a K = 0) aura une circulation nulle autour de n'importe

quelle courbe fermée. Ce champ différence dérive donc d'un potentiel (qui existe) et le

même raisonnement que précédemment montre que ce champ différence est nul si les

frontières sont immobiles.

Ainsi deux écoulements u1 et u2 qui satisfont la même condition aux

frontières et la même condition supplémentaire sur la circulation K sont nécessairement

identiques.

Exemples de flots irrotationnels 3D

Les flots irrotationnels obéissent une équation différentielle partielle

linéaire ; comme u = 0 et u = , on en déduit :

2 = 0

6.4

équation à laquelle on assujettit les conditions aux limites sur des frontières solides :

u n = us n 6.5

ou /n = us n

6.4 et 6.5 impliquent la recherche d'une solution de l'équation de Laplace

sous des conditions aux limites dites de Neumann (dérivée normale imposée). L'unicité

de la solution et la linéarité de l'équation fait que l'on peut obtenir des solutions à des

problèmes difficiles en combinant linéairement les solutions de problèmes plus simples.

P

O

R

x0

X

60

Avant de considérer ces problèmes simples, il est utile de remarquer que le champ de

vitesse u est normal aux lignes équipotentielles = constante et que donc

équipotentielles et lignes de courant forment un réseau de lignes orthogonales.

1 - Le Puits

Etudions l'écoulement correspondant à l'expérience

suivante : un tube aspire de l'eau à un certain débit

J (volume/unité de temps). Si on néglige la présence du tuyau,

l'écoulement possède la symétrie sphérique et la vitesse est

radiale (vers le puits situé à r = 0), et donnée par J/4r2. Ainsi

= J/4r.

Cette solution décrit bien l'expérience car le flot

accélère le long du tuyau et les couches limites ne séparent pas.

La moitié supérieure de ce même champ de

vitesse suffit pour décrire l'écoulement par un petit

orifice dans le fond d'un bocal. A nouveau comme les

courants accélèrent vers le puit comme J/2r2, les

couches limites sur le fond en fluide réel ne séparent

pas et la solution irrotationnelle reproduit bien

l'expérience ordinaire.

De ces exemples on pourrait tirer hâtivement la conclusion que le cas de la

source est analogue. Si on change J en -J, le flot précédent décrit effectivement la

solution irrotationnelle au-dessus d'une source. Cependant l'expérience est loin de

confirmer cette prévision théorique :

Le fluide injecté a la forme d'un jet turbulent qui

n'a pas grand chose à voir avec la solution

théorique. Ceci ne doit pas nous surprendre. En

effet le fluide injecté décélère le long des parois

solides, induisant une séparation des couches

limites et une injection de vorticité et donc de

turbulence dans l'intérieur. La solution

irrotationnelle ne décrit pas la réalité et n'est donc

pas une solution asymptotiquement correcte du

problème de la source quand le nombre de

Reynolds tend vers l'infini.

2 - Ecoulements axisymétriques

L'écoulement irrotationnel autour d'un obstacle particulier va être obtenu en

partant des considérations (apparemment éloignées) suivantes.

Considérons la solution théorique irrotationnelle constituées de 2 parties

irrotationnelles suivantes :

1) le flot d'un point source en r = 0,

2) courant uniforme de vitesse U parallèle à l'axe 0z.

Séparation

61

Le potentiel résultant est la somme de ces 2 éléments :

r4

JUz

Le potentiel étant symétrique autour de 0z on utilise les coordonnées cylindriques

S = x2 + y

2)1/2

et z.

Les lignes de courant ont l'allure suivante :

Pour r petit, la source domine, pour r grand, le flot uniforme U domine. Au point S sur

l'axe (OS = J/2u)1/2

, les 2 écoulements s'opposent également et le point S est dit de

"stagnation". La ligne de courant part "normalement" à 0z de S. Cette ligne de courant

"divise" l'écoulement en deux : le flot axial incident s'éloigne de l'axe puis, quand l'effet

de la source devient faible, reprend une direction parallèle à 0z ; si on fait tourner la

figure autour de 0z la ligne de courant "séparatrice" génère un tube de courant séparant

le fluide qui vient de l'amont, du fluide qui vient de la source. A l'intérieur de ce tube, le

débit de la sourceJ (vol / temps) s'équilibre nécessairement par une sortie vers l'aval et à

grande distance de la source :

a2U = J

une relation qui donne le rayon du tube séparateur loin de la source.

L'idée excellente de "Rankine" a été de n'utiliser que la partie de

l'écoulement extérieur au tube séparateur pour décrire le flot irrotationnel autour d'un

obstacle solide ayant exactement la forme du tube séparateur. Si ce flot irrotationnel est

réalisé expérimentalement on aura alors construit une "forme" qui présente la résistance

minimale à l'écoulement de fluide (voir plus loin).

Pour calculer entièrement la forme en question, on procède comme suit :

On considère un disque de rayon s situé à z +, ainsi que la surface du cylindre

s'appuyant sur ce disque et allant jusqu'au point M du tube. Le débit à travers cette

surface est toujours J mais se répartit en 2 : le flot uniforme a un débit s2U qui sort par

62

le disque à l'infini et le point source génère un débit à travers la surface latérale du

cylindre qui est :

z

2

3

222

zdz)zs(s

2

Jdzs2

s

Ainsi :

r

z1J

2

1UsJ 2 6.6

Soit encore en fonction de a :

2

122

2

2

sa(a2

1Sz

6.7

Ceci est l'équation du tube de courant séparateur.

La même technique peut être utilisée pour calculer les lignes de courant à l'extérieur du

tube séparateur en remplaçant la partie gauche de 6.6 par des débits supérieurs à J(2J,

3J, etc). Le module de la vitesse q se calcule à partir du potentiel :

42

2

3

222

r16

J

r2

UJzUq

En utilisant les coordonnées 6.7 du tube séparateur qui est maintenant l'obstacle, la

vitesse sur l'obstacle devient :

4

4

2

222

a

s3

a

s4Uq

Cette solution montre que l'introduction d'un obstacle dans un écoulement

uniforme augmente la vitesse au-dessus de U , mais quand cet obstacle a la forme de

"Rankine", ce gain est faible d'environ 15 % seulement. Ceci implique que la

décélération sur la partie "aval" de l'obstacle est également faible. Comme le flot est

faiblement retardé, les couches limites restent minces et ne séparent pas. Cette intuition

est correcte et l'écoulement irrotationnel de Rankine décrit bien le flot extérieur observé

autour d'une telle forme.

3 - Traînée autour d'un obstacle de Rankine

Pour une forme "hydro ou aérodynamique" telle que la forme de Rankine

vue plus haut, la séparation des couches limitée (CL)) est évitée et la solution

63

irrotationnelle décrit correctement le flot à l'extérieur des CL. Pour un écoulement

permanent autour de telles formes il est important de calculer la résultante des forces de

pression (p) sur la surface solide, résultante qui représentera la traînée de forme exercée

par le fluide sur l'obstacle. On peut s'attendre en effet à ce que les contraintes

tangentielles dues à la friction soient faibles par rapport à l'effet des forces de pression

normales à la surface lorsque le nombre de Reynolds est élevé.

L'équation de Bernouilli va nous permettre de calculer l'effet de pression

quand toutes les lignes de courant partent de l'amont où la vitesse est U et l'excès de

pression p = 0 :

22 u2

1q

2

1p

En utilisant la valeur de q sur la forme de Rankine, on obtient :

4

4

2

22

a

s3

a

s41u

2

1p

Ceci représente la pression dans le flot à l'extérieur des CL. Ceci est probablement assez

proche de la pression sur la surface solide elle-même car si R désigne le rayon de

courbure de l'obstacle et l'épaisseur de la CL, l'équation du mouvement normale aux

lignes de courant donne :

Rq0p 2

qui est donc faible si les CL ont une épaisseur faible par rapport au rayon de courbure

des obstacles.

Pour calculer la force

de pression sur une surface A

dans la direction axiale 0z, on a :

p sin A = p 2 s ds

A étant la couronne de

périmètre 2 s et largeur dl.

La résultante totale dans la direction 0z est donc :

a

0 4

4

2

22

a

0e 0dss2

a

s3

a

s41U

2

1dss2p

Ainsi la traînée due aux pressions de l'écoulement irrotationnel est nulle. On a certes des

excès de pression positifs près du nez de l'obstacle mais ceux-ci sont compensés par des

parties négatives sur tout le reste de l'obstacle.

Ce résultat obtenu dans le cas d'un flot sur un obstacle s'applique sans

changement dans le cas pratique de l'obstacle se déplaçant dans le fluide à la vitesse U

puisque les mouvements relatifs du solide et du fluide sont les mêmes. Quand l'obstacle

de Rankine se déplace à la vitesse U dans un fluide (au repos très loin de l'obstacle), il

s

dl

64

ne rencontre donc aucune résistance de forme due aux forces de pression. Ce résultat

n'est pas particulier et reste vrai quelle que soit la forme de l'obstacle sur la base de la

théorie irrotationnelle. Il se démontre ainsi :

Si un corps se déplace à la vitesse U, le mouvement irrotationnel du fluide

associé avec les vitesses aux frontières du corps est unique et possède une

énergie cinétique bien définie. Si le fluide freinait le corps avec une force D,

alors une force égale et opposée serait nécessaire pour pousser le corps à

travers le fluide. Cette poussée effectuerait du travail sur le fluide au

taux D U et l'énergie cinétique du fluide croîtrait. Si le flot reste

irrotationnel, son unicité lui fait garder la même valeur et, donc la même

énergie cinétique. Cette contradiction conduit nécessairement à conclure que

la traînée D est nulle.

Cette conclusion importante connue sous le nom de paradoxe de

"d'Alembert" n'est intéressante que pour les corps "suffisamment fins hydro- ou

aérodynamiquement" de façon à ce que la séparation des CL soit évitée, auquel cas le

flot extérieur reste proche du cas irrotationnel.

Quand les CL séparent, le sillage est formé de lignes de vorticité de

longueur croissante et d'énergie croissante. La traînée D est alors positive, tet est alors

associée avec des excès de pression Pe d'ordre ½ u2 qui ne s'annulent pas globalement.

Dans ce cas une traînée résultante de l'ordre de ½ u2A est attendue, A étant la section

frontale du corps (dans un plan perpendiculaire à l'écoulement).

Nous concluons que les formes "fines" vont subir une traînée bien moindre

que cela, si la séparation est évitée, la seule traînée résiduelle étant alors due aux

contraintes tangentielles induites par la friction dont l'importance se borne alors à la

couche limite. On peut dire que ce résultat est des plus importants. En pratique les

ingénieurs vont essayer de trouver des formes qui évitent la séparation des CL. Cette

recherche peut être effectuée soit expérimentalement en soufflerie soit plus récemment

directement par des simulations numériques de l'écoulement à partir des équations

complètes de Navier Stokes.

Sur la figure 1, on montre la solution irrotationnelle autour d'un cylindre. La

courbe du bas montre le coefficient de pression calculée :

2U2

1

pCp

et mesuré (en pointillé). On voit que l'expérience s'éloigne de la solution théorique

derrière l'obstacle et les figures 4, 5, et 6 montrent pourquoi. Quand le nombre de

Reynolds est assez grand, les couches limites décollent et génèrent un sillage aval de

fluide assez stagnant derrière l'obstacle. Dans cette région la pression est beaucoup plus

faible que sa valeur irrotationnelle et ceci implique une traînée non nulle. La figure 2

montre la solution sur un obstacle elliptique. Au vu de la distribution de vitesse, on peut

s'attendre à ce que la séparation soit retardée tout à fait à l'arrière de l'obstacle. Sur la

figure 3, la terminaison en pointe de l'arrière de l'obstacle montre une distribution de

vitesse qui ralentit très doucement jusqu'au "bord de fuite" : la solution irrotationnelle

doit être assez correcte pour ce type de profil et la traînée minimum : d'où l'intérêt pour

cette forme largement observée dans la nature.

65

Fig. 1

Fig. 2

Fig. 3

66

Fig. 4 : Représentation graphique de l'écoulement autour d'un

cylindre circulaire, Re 26 d'après une photographie [5.1.].

Fig. 5 : Représentation graphique de l'écoulement autour d'un cylindre circulaire,

Re 200 d'après une photographie [5.1.].

Fig. 6 : L'écoulement autour d'un cylindre circulaire, Re 2000 d'après une photographie [5.1.].

67

Dernier commentaire

Si on mesure la traînée adimensionnalisée par 2A/2 sur des cylindres ou

des sphères en soufflerie en fonction du nombre de Reynolds, on obtient la figure 7.

Plusieurs remarques :

1) Le coefficient de traînée est 0(1) (en fait 3 ou 4) même pour des Reynolds 0(1).ie. le

résultat irrotationnel n'est pas bon.

2) Le coefficient chute rapidement à une valeur 10 fois plus faible pour des Reynolds

plus élevés de l'ordre de 2 105

Ce dernier point s'explique par l'apparition de turbulence dans la couche

limite. L'effet majeur de la turbulence est d'augmenter les "mélanges et la diffusion". En

particulier ici le coefficient de diffusion effectif de vorticité devient beaucoup plus

grand. Ainsi la paroi solide est elle capable de produire de la vorticité à un taux

beaucoup plus rapide retardant vers l'aval la zone de séparation des CL et donc l'étendue

du sillage et donc réduisant la trainée. Cet effet est mis à profit notamment sur les balles

de golf dont les petites aspérités contribuent à l'apparition de turbulence et donc à des

traînées moindres et donc des portées supérieures !

4 - Ecoulement irrotationnel à 2 dimensions

Une théorie très complète existe pour trouver les solutions irrotationnelles

quand l'écoulement est bidimensionnel. Si on veut étudier l'écoulement autour d'une aile

d'avion par exemple, on peut par exemple noter que si l'aile est "longue", les variations

de vitesse (et de pression) le long de la corde de l'aile sont probablement beaucoup plus

faibles que les variations perpendiculaires, à travers une section xy de l'aile. Ainsi on

peut commencer par étudier un flot plus simple autour d'une aile "bidimmensionalisée"

représentée par sa section :

Fig. 7

y

x

68

Pour laquelle, l'équation de Laplace devient :

xx + yy = 0

l'écoulement étant supposé sans variation le long de l'axe z. Un tel modèle peut être testé

en soufflerie en attachant une aile aux 2 parois de la soufflerie ; nous avons noté

précédemment que dans ce cas, la région fluide est doublement connectée et que

l'unicité ne peut être obtenue que si on prescrit la circulation autour d'une courbe

entourant l'obstacle. Nous montrerons plus loin que la capacité des écoulements à

générer des "portances" sur les obstacles (forces perpendiculaires à la direction générale

de l'écoulement) est étroitement associée avec ces solutions irrotationnelles avec

circulation. (Reste ensuite à intégrer la solution bidimensionnelle ainsi obtenue dans un

écoulement toujours tridimensionnel en pratique).

Exemples :

Un exemple de flot 2D est celui créé par une ligne de tourbillons

perpendiculaire à un plan d'intensité K : le module de la vitesse q = K/2r et les lignes

de courant sont des cercles centrés en r = 0. Cet écoulement n'a pas de potentiel et

l'écoulement ne peut être obtenu par le mouvement impulsif de frontières. Si on essaie le

potentiel = K /2, celui-ci n'est pas une fonction à valeur unique. Cependant il peut

l'être si on restreint à :

- <

est alors discontinu en = si bien que satisfait = u partout sauf sur cette ligne.

Un deuxième exemple est celui du flot créé par une source ligne (débit/unité

de longueur = j) dont la vitesse radiale est donnée par q = j/2r et qui possède le

potentiel bien défini :

rlog2

j

Notons que ces 2 types d'écoulement ont une énergie cinétique par unité de longueur

parallèlement à 0z qui est infinie (si on calcule dydxq2/1 2 sur un domaine non

borné) et cette "singularité" ne peut être supprimée que si on considère les effets

tridimensionnels.

Les méthodes de calcul des écoulements 2D sont dues à la propriété

suivante :

Soit une fonction analytique f(z) dans le plan complexe (c'est-à-dire qui

possède une dérivée en tous points du plan), où z = x + iy.

On a : x

fi'if

y

z

dz

df

y

f

De plus, la théorie des fonctions d'une variable complexe indique que si une

fonction est analytique dans une région elle est différentiable un nombre quelconque de

fois. Si donc on recommence l'opération, on obtient :

2

22

2

2

x

fi

y

f

et comme i2 = - 1, on voit que f satisfait l'équation de Laplace à 2 Dim.

69

Soit et les parties réelles et imaginaires de f :

f = + i

En égalant partie réelle et imaginaire de l'équation ci-dessus, on voit que et satisfont

séparément l'équation de Laplace et que :

xyet

xy

conditions dites de Cauchy-Riemann satisfaites par les parties réelles et imaginaires

d'une fonction analytique. Inversement pour toute solution de l'équation de Laplace on

peut trouver une fonction telle que f étant analytique, d = + i. En effet pour

trouver , on doit intégrer :

)y,x(by

),y,x(ax

ce qui est assuré si a/y = b/x, qui est justement l'équation de Laplace pour quand

les équations de Cauchy-Riemann sont satisfaites. La théorie des potentiels des

écoulements bidimensionnels irrotationnels est donc identique à la théorie des fonctions

analytiques dans le plan complexe.

Le potentiel est la partie réelle de f et la partie imaginaire n'est autre que

fonction courant :

uy

etvx

On définit aussi la vitesse complexe w égale à df/dz :

ivudz

dfw

Les équations de Cauchy-Riemann pour la partie réelle et imaginaire de w sont

u/y = v/x et u/x + v/y = 0 soit la condition d'irrotationnalité et de continuité

respectivement. Ainsi w est aussi une fonction analytique.A titre d'exemples pour la

ligne source, w = j/2z tandis que pour la ligne de tourbillon, w = -iK/2z.. Pour obtenir

le potentiel complexe f(z), il est nécessaire d'utiliser les propriétés du logarithme d'une

variable complexe :

log z = z

1 z

dz

70

L'origine étant un pôle

de

l'intégrant (résidu 1),

l'intégrale a plusieurs

déterminations

augmentant de 2i

chaque fois que le pôle

est entouré une fois de

plus dans le sens

positif. Sur le contour

de la figure quand z =

r ei z r e

i, on a :

irlogder

erirlog

z

dzzlog

z

r i

iz

r

r

1

En incluant n boucles supplémentaires autour de l'origine dans le sens positif cette

valeur de l'intégrale peut être augmentée de 2ni. Ainsi pour la ligne source :

f(z) = + i = 2

1(log r + i)

Ceci indique que ici le potentiel est bien défini mais que la fonction courant est définie à

un multiple de j près (les lignes de courant sont les courbes = cste). Inversement pour

la ligne tourbillon :

f(z) =

2

iK( log r + i)

la fonction courant est bien déterminée mais le potentiel ne l'est plus. Cependant la

fonction K/2 qui augmente de K chaque fois que le vortex est entouré a son gradient

une fois de plus égal à u.

Un autre exemple utile d'application concerne la famille f(z) = CAzn pour

laquelle = Ar2 cos n et = Ar

n sin n. Comme est nul, quelque soit r quand = 0

et = /n cette famille permet de représenter les écoulements irrotationnels n dans un

secteur limité par 2 plans se coupant sous un angle /n.

Transformations conformes

Une méthode très puissante, la transformation conforme, permet de

construire des solutions de l'équation de Laplace. L'idée est la suivante : supposons

connue une fonction analytique dans un domaine D. Si on applique à chaque point de D

une transformation analytique on transforme D en un domaine E qui sous certaines

conditions est relié à D de façon biunivoque. On montre que la transformation

"conforme" appliquée à la fonction analytique de départ dans D fournit une fonction

analytique dans E qui prend les mêmes valeurs aux frontières de E que la fonction de

départ aux frontières de D. En choisissant judicieusement la transformation conforme,

on peut construire des solutions autour de "formes" compliquées à partir de solutions

autour de formes simples.

1 r

Z

1

Z

|r|

71

D'après ce qui a été vu, un écoulement irrotationnel peut être calculé en

déterminant un potentiel complexe f(z) fonction analytique dans le domaine D occupé

par le fluide satisfaisant des conditions aux limites sur un obstacle et en amont de cet

obstacle, soit f '(z) = U - iV à grande distance |z| d'un obstacle quand l'écoulement en

amont a pour vitesse (U,V). Sur la frontière de l'obstacle D, la condition de vitesse

normale implique /n = 0 ou encore que la fonction courant soit constante sur D.

On dira que 2 domaines D et E se correspondent par transformation

conforme s'il existe une fonction Z(z) analytique dans D possédant les 3 propriétés :

i) La même valeur Z ne peut être obtenue pour 2 points distinctes de D.

ii) Les valeurs de Z couvrent entièrement le domaine d'intérêt E.

iii) La dérivée Z' n'est jamais nulle dans D.

Sous ces conditions, la fonction réciproque z(Z) est nécessairement une fonction

analytique dans E car sa dérivée ds/dZ = dzdZ

1 existe. On peut d'autre part montrer

qu'une telle transformation conserve les angles entre 2 droites se coupant en un point

intérieur.

Supposons maintenant que l'on connaisse un potentiel complexe f(z)

satisfaisant les conditions aux limites appropriées sur D. On peut alors écrire un autre

potentiel f(z(Z)) satisfaisant des conditions limites correspondantes dans E. Comme :

df/dZ = df/dz ds/d, ce nouveau potentiel est analytique. De plus si la partie imaginaire

de f est constante sur D, elle doit prendre les mêmes valeurs sur E. Pour s'assurer de

plus que la limite de f'(z) pour les grands |z| est la même que celle de df/dZ, il faut

simplement choisir une transformation telle dz/dZ 1 à l'infini.

Quelques exemples

Soit la transformation conforme :

Z(z) = z +z

a 2

avec a > 0

En coordonnées polaires r et pour z et si Z = X + iY, on a :

sinr

arY

cosr

arX

2

2

Ainsi un cercle de rayon c, z = cei

se transforme en une ellipse de demi axes A = c +

a2/c et B = c – a

2/c (du moment que x > a). La relation ci-dessus définit une

transformation conforme entre D (défini comme l'extérieur du cercle r = a pour les

points - < et c > a) et E où les points - < et c > a définissent des

ellipses le couvrant entièrement. E inclut tous les points du plan à l'exception du

segment –2a X 2a et Y = 0 qui représente le cas limite c a.

72

-a +a

D

-2a +2a

E

Nous allons maintenant utiliser cette transformation conforme

successivement entre les domaines D et E.

Notons tout d'abord que le potentiel f(Z) = UZ dans E décrit un écoulement

uniforme de vitesse complexe U non perturbé par une plaque plane. Par application de

la transformation conforme, on obtient dans D :

f(z) = U

z

az

2

Ceci représente directement l'écoulement irrotationnel autour d'un cylindre de rayon a

dans le même écoulement uniforme U. La vitesse sur le cylindre valant q = 2U |sin |,

l'écoulement accélère du point de stagnation à = jusqu'à une valeur 2U à 2

avant de subir un ralentissement très important qui va nécessairement conduire au

décollement des couches limites mentionné précédemment (figure 1).

Considérons maintenant un domaine D1 inclus dans D correspondant à

l'écoulement autour d'un cylindre de rayon supérieur c > a. La transformation conforme

transforme D1 en E1 extérieur de l'ellipse précédemment introduite. Le flot doit donc

décrire dans E1 l'écoulement autour d'un obstacle elliptique. Sa vitesse complexe

dans E1 vaut :

w = f '(Z) = U

2

2

2

2

Z

a1

Z

c1

En terme des demi-axes de l'ellipse, la vitesse q sur le profil vaut :

q = U(A + B) |sin | (A2 sin

2 + B

2 cos

2 )

1/2

Ceci explique la figure 2 et démontre que la séparation ne va se produire que sur la

partie arrière de l'ellipse réduisant considérablement le sillage perturbateur par rapport

au cas du cylindre.

73

74

Chapitre VII

ECOULEMENTS AVEC CIRCULATION

On pourrait intituler ce chapitre "Et pourtant ils volent", paraphrasant

Galilée, chapitre dans lequel nous allons tenter de réconcilier ce que nous avons vu en

théorie irrotationnelle et la réalité faites d'avions qui volent, de voiliers qui avancent

contre le vent etc...

La topologie de l'espace 3D autour d'un obstacle est d'être simplement

connectée, ce qui implique l'existence d'un potentiel susceptible d'être créé par le

mouvement des frontières. Dans cette circonstance nous avons montré que le fluide

n'exerçait aucune force sur les frontières solides en théorie irrotationnelle. En 2D, la

région est doublement connectée et l'argument précédent ne peut être appliqué. Pourtant

on peut construire de façon unique un flot irrotationnel correspondant à un mouvement

des frontières et une circulation donnée, mais ce flot ne peut plus être créé

instantanément par mouvement des frontières.

Nous montrerons phénoménologiquement (sans calculs théoriques) que

quand une aile se déplace avec un certain angle d'incidence dans un fluide, le flot qui se

développe au bout d'une certaine période de temps est proche d'un flot irrotationnel avec

circulation à l'extérieur de fines couches limites. Dans ce flot, le fluide agit sur l'aile

avec une force perpendiculaire à la direction du mouvement relatif, appelée la portance.

Nous regarderons le problème essentiellement de façon 2D et commençons par regarder

des problèmes plus simples.

Cylindres en rotation

Le problème est de voir comment on peut créer un écoulement avec

circulation puisque l'existence de cette circulation semble directement liée à la notion de

portance. Le flot autour de cylindres en rotation permet de montrer cela assez

simplement.

1) Nous avons déjà montré l'unicité du flot irrotationnel avec circulation

entre deux cylindres concentriques, donné par le champ de vitesse q = K/2r, K étant la

circulation.

On peut générer cet écoulement si chaque cylindre tourne avec la loi de

vitesse ci-dessus appropriée à son rayon. Cette rotation différentielle génère des

vorticités égales et opposées dans des couches limites sur chaque cylindre. Ces couches

limites grossissent en diffusant vers l'intérieur comme (t)1/2

. Quand cette distance

dépasse la séparation entre les 2 cylindres, la diffusion aura mélangé les 2 vorticités

opposées et le flot sera effectivement irrotationnel avec circulation selon la loi de vitesse

ci-dessus. La création de circulation est donc possible mais très lente avec ce processus

75

de diffusion. Nous allons voir par la suite qu'il existe des mécanismes beaucoup plus

rapides qui dépendent du temps d'advection et permettent de générer de la circulation

autour d'obstacles de façon très efficace.

2) Nous allons considérer l'écoulement d'un cylindre tournant avec une

vitesse angulaire dans le sens négatif. Son rayon est a.

Le potentiel complexe d'un tel flot est :

zlog2

iK

z

azU)z(f

2

obtenu en additionnant l'écoulement irrotationnel autour d'un cylindre et l'écoulement

autour d'une ligne tourbillon d'intensité K dans le sens négatif. Les lignes de courant

(partie imaginaire de f) sont données par :

rlog2

Ksin

z

arU

2

A partir de la vitesse complexe on peut calculer la vitesse q sur le cylindre :

aU4

KsinU2q

76

Les points de stagnation ( = 0 et = quand K = 0) se déplacent vers de nouvelles

positions = - et = + telles que :

aU4

Ksin

(On notera que la ligne de courant part perpendiculairement à la surface du corps aux

points de stagnation). On voit que les lignes de courant sont intensifiées au-dessus du

cylindre si bien que la pression p = ½ (U2 – q

2) prend des valeurs plus grandes sous le

cylindre qu'au-dessus. La force agissant sur le cylindre par unité de longueur dans la

direction y est :

zUKdasinpL

Une formule qui démontre bien le lien entre la portance L et la circulation K et qui a une

portée beaucoup plus générale. Cet écoulement donne de bonnes indications sur la

portance mais à nouveau indique qu'aucune traînée (dans la direction X) n'apparaît et ce

dernier point n'est évidemment pas réaliste. Incidemment la portance générée par le

cylindre tournant a été mise en œuvre pratiquement sur au moins un des bateaux du

commandant Cousteau. Le mécanisme est plus connu sous le nom d'effet Magnus.

Maintenant la question que l'on peut se poser est de savoir comment la circulation K

autour du cylindre tournant à la vitesse angulaire peut être créée en pratique.

L'écoulement autour d'un cylindre fixe subit une forte décélération en aval :

les couches limites séparent en 2 points symétriques par rapport à l'axe Ox. De la

vorticité d'intensité V (feuille de vorticité) est injectée dans le sillage en ces 2 points de

séparation. Cependant elle est injectée avec des signes opposés en ces deux points si

bien qu'il n'y a pas de vorticité nette qui apparaît. Si maintenant le cylindre tourne dans

le sens négatif, la vorticité au point de séparation supérieur et inférieur a une intensité

respectivement V - a et V + a puisque l'intensité dépend de la vitesse relative entre le

fluide et le solide. Le sillage recoit donc dans ce cas une nette quantité de vorticité

positive venant de l'excès associé avec le point de séparation inférieur. Le théorème de

Stokes appliqué au sillage (circuit Cw) indique que la circulation autour de Cw est

positive.

Considérons la grande courbe C qui se déplace avec le fluide, entourant

l'obstacle et tout son sillage. Cette courbe ne traversant pas les couches limites, la

viscosité y est négligeable et le théorème de Kelvin indique que la circulation autour

de C est nulle (comme à l'instant initial de repos). Par voie de conséquence une

circulation égale et négative doit apparaître autour du contour Cb entourant l'obstacle.

Cette circulation peut alors induire l'écoulement irrotationnel avec circulation discuté

Cb Cw

C

C

C

C -

+

77

auparavant. Cet écoulement asymétrique au-dessus et au-dessous du cylindre a une

portance normale à U à l'infini car les vitesses sont accélérées au-dessus et décélérées

en-dessous par rapport au cas sans circulation. Le théorème de Bernouilli associe donc

des pressions plus grandes au-dessous et plus faibles au-dessus, responsables de la

portance. Cet exemple contient l'information très importante que la création de

circulation dépend du taux de génération de vorticité dans le sillage. Dans cet

exemple l'écoulement modifié par la circulation peut complètement modifier cette

génération et éventuellement la stopper. Dans ce cas la circulation n'évolue plus.

Ainsi nous découvrons les principes suivants :

a) Un processus qui extrait de la vorticité positive d'un corps génère une

circulation négative autour de ce corps.

b) Ce processus peut agir rapidement dans le temps nécessaire pour que la

vorticité soit expulsée des frontières solides soit l/.U.

c) Le processus est autorégulateur : la génération de la circulation change le flot

extérieur de façon à éliminer l'expulsion de vorticité positive de sorte que la

circulation se stabilise.

Flot sur des profils à angle d'incidence

Tous les écoulements irrotationnels discutés ici se calculent bien avec la

transformation conforme dans le plan et vont être illustrés pour le cas de la plaque plane.

En remplaçant z par z e-i

dans la transformation z = z + a2/z, on obtient le

potentiel décrivant la solution irrotationnelle autour d'un cylindre sous incidence :

i

2i e

z

aezU)z(f

Les lignes de courants autour de la plaque en incidence sont tracées par les points de

coordonnées X,Y[r + a2/r) cos , Y(r – a

2/r) sin ] où r et sont liés par le fait que la

partie imaginaire de f(z), U(r – a2/r) sin( - ) f z est constante sur une ligne de

courant. La ligne = 0 approche la plaque à un point de stagnation et le quitte à un

autre respectivement sur la partie inférieure et supérieure de la plaque.

La figure 1 (p. 85) montre cette solution irrotationnelle autour d'une plaque

plane maintenue avec une incidence par rapport à l'écoulement. On observe 2 points de

stagnation de chaque côté de la plaque. De plus les vitesses deviennent infinies au bord

amont et aval de la plaque. Ceci peut se comprendre physiquement : quand on se

rapproche du bord de la plaque les lignes de courant ont un rayon de courbure qui tend

vers 0 (comme la plaque) et l'équilibre des forces dans une direction normale aux lignes

de courant produit des pressions et des vitesses infinies dans ce cas. On peut faire le

même calcul avec un profil elliptique dont le rayon de courbure ne tend pas vers 0 et les

vitesses restent finies. Dans ces conditions l'écoulement près du front de l'obstacle n'est

pas trop décéléré, si l'incidence n'est pas trop importante. Alors les CL restent minces

près du bord d'attaque.

Par contre l'effet est très différent au bord aval ou de fuite. On a une grande

vitesse au bord de fuite et un point de stagnation tout proche impliquant une forte

décélération et donc une séparation des CL. Dans ce cas il n'y a pas d'avantage à avoir

un bord de fuite "rond". Comme pour la plaque on aura une génération de vorticité dans

78

le sillage à l'arrière du profil de signe positif, et une bien moindre génération de vorticité

négative sur la partie supérieure du profil dû au retardement bien moindre.

Si on regarde maintenant la conséquence du décollement des CL près du

bord de fuite du profil sur la figure 3, on peut raisonner comme précédemment dans le

cas des cylindres en rotation : de la vorticité décolle du bord de fuite impliquant la

genèse de circulation autour du contour Cw entourant le sillage. Comme le théorème de

Kelvin impose que la circulation est nulle autour du grand contour C, une circulation

négative est forcément générée autour du profil Cb. L'effet de cette circulation est de

déplacer le point de stagnation S sur la partie supérieure du profil vers le bord de fuite T.

Quand la circulation est ainsi ajustée, (S étant en T ),les causes de la décharge de la

vorticité dans le sillage sont éliminées et il n'y a plus moyen de faire changer la

circulation qui reste à cette valeur. Quand on ajuste ainsi la circulation0, la vitesse au

bord de fuite est finie et différente de zéro. Ainsi l'effet de la viscosité dans la couche

limite est de causer l'établissement d'une circulation qui permet aux effets de la viscosité

d'être ignorés !

Connue originellement sous le nom d'hypothèse de Joukowski, cette

circonstance heureuse est maintenant mieux comprise à partir des études de couches

limites. La circulation demandée est proportionnelle à la vitesse U du profil. Si le profil

ralentit ou accélère, de la vorticité est produite dans le sillage qui change la valeur de la

circulation et l'adapte à la nouvelle vitesse. Ainsi la circulation K varie comme :

K = cU

où c est une constante de proportionnalité qui ne dépend que de la forme du profil et de

l'incidence du profil par rapport à l'écoulement. Cette constante peut être déterminée par

une analyse irrotationnelle en exigeant que le point de stagnation aval se déplace au bord

de fuite sous l'effet de la circulation. Comme nous allons le voir, la portance étant

proportionnelle à cette circulation, les études pratiques d'aéro ou hydrodynamique sont

largement concernées par la détermination de cette constante. La circulation ainsi

ajustée dans le cas de la plaque plane est montrée en figure 2. Les lignes de courant

serrées au-dessus du profil par contraste avec la partie inférieure indiquent une pression

plus faible

0 Le potentiel complexe approprié f(z) précédent auquel on ajoute une contribution iK/2 log(z e

-i)

permet d'ajuster la vitesse au bord de fuite en choisissant K = 4 a U sin .

79

qu'au-dessous et donc une portance vers le haut. Le théorème de Blasius démontre que

la portance L en théorie irrotationnelle avec circulation K a :

1) une direction perpendiculaire au flot à l’infini (non perturbée par le corps)

et

2) un module L = UK, L, Létant la force par unité de longueur normale à la

section du profil.

En pratique les ingénieurs qui calculent des avions ont un devis de poids et

de vitesse donnée. Ils doivent déterminer le profil qui fournit la portance nécessaire à la

vitesse de croisière choisie. Comme les avions décollent et atterrissent, les profils

doivent être capables de s'ajuster pour fournir la portance nécessaire à des vitesses plus

faibles. Ceci est possible en jouant sur la "cambrure" des profils. Il en est de même pour

les voiles de bateau pour lesquelles on joue sur le "creux" pour adapter la portance à des

conditions de résistance à l'avancement, différente.

Nous n'avons finalement décrit que des ailes bidimensionnelles. Qu'en est-il

en trois dimensions ? Le mécanisme qui génère de la circulation opère de la même

façon. Mais la circulation varie le long de l'aile et en particulier au bout des ailes elle

doit disparaître. Près de l'extrémité des ailes un autre effet apparaît : un écoulement est

possible des hautes pressions au-dessous de l'aile aux basses pressions en-dessus. Cet

écoulement est associé avec de la vorticité dans le sens de l'écoulement général U :

Bp

Hp

U

Les lignes pointillées représentent les lignes de vorticité qui tournent vers l'aval au bout

des ailes. Le résultat est une traînée induite par l'existence de cette vorticité dans le

sillage. Cette traînée induite s'ajoute aux effets de friction due à la viscosité dans les

couches limites.

Finalement pour clore cette première approche de l'écoulement autour

d'obstacles, vous ne manquerez pas de constater l'extraordinaire adaptation des animaux,

poissons et oiseaux pour se mouvoir dans les fluides. Que ce soit dans l'air ou dans l'eau,

il apparaît que l'évolution des espèces a maîtrisé les problèmes soulevés dans ce cours,

au cours de millions d'années d'améliorations successives : les formes sont rondes au

bord d'attache, fines au bord de fuites et les animaux semblent avoir totalement maîtrisé

comment rester en écoulement irrotationnel avec circulation pour se "porter ou se

déplacer" et minimiser ainsi leurs dépenses d'énergie.

80

Fig. 2

Fig. 1

Fig. 4

Fig. 3

*****

81

82

Chapitre VIII

FLOTS VISQUEUX

Nous allons considérer dans ce chapitre le type de flot qui apparaît lorsque

les forces de viscosité dominent sur les accélérations. Dans un problème particulier, les

conditions initiales et conditions aux limites permettent d’identifier des échelles de

vitesse U, de longueur L et de temps T sur lesquelles le flot va évoluer. On peut aussi les

visualiser par une expérience. On peut estimer l’ordre de grandeur des termes de

l’équation de Navier Stockes 3.5 en estimant l’ordre de grandeur d’une dérivée u/x

par U/L.

Ainsi : t

u

T

U, |u u|

L

U 2

, | 2 u|

2L

U

On n’estime pas le gradient de pression ; celui-ci s’ajustera à l’ordre de

grandeur des plus gros termes restant dans les équations. Les rapports entre les termes

fournissent les nombres sans dimensions :

u

uu2

= Re = UL/ le nombre de

Reynolds

u

tu2

= St = L

2/T le nombre de Stokes

Lorsque les nombres de Reynolds et des Stokes sont petits, c’est-à-dire pour

des flots lents de petite échelle, la viscosité domine et 3.5 se réduit à :

O = - p + 2 u 9.1

où la gravité a été introduite via son potentiel dans p. Une conséquence immédiate est

que la vorticité satisfait :

2 = 0 9.2

Les problèmes typiques sont ceux pour lesquels la vitesse est prescrite à l’

ou sur un obstacle et où l’on se propose de calculer le flot partout. La première remarque

évidente est que 9.1 est une équation linéaire.

Si on a une solution du flot correspondant à une vitesse imposée aux

frontières et si on change le signe des vitesses imposées alors la nouvelle solution est

simplement l’ancienne (vitesse et gradient de pression) changée de signe. Cette

réversibilité de l’écoulement est frappante dans le film de G.I. Taylor de la série du

83

MIT. On fait tourner un cylindre intérieur dans un sens de nombreux tours et une tache

initiale de colorant est cisaillée de façon à devenir presque invisible. Si maintenant on

renverse le sens de rotation du cylindre intérieur et que l’on effectue le même nombre de

tours, la tâche de colorant se reforme miraculeusement à l’endroit précis où on l’avait

mis initialement : un flot à faible nombre de Reynolds est quasi-réversible.

Bien que linéaires, les solutions de ces équations sont complexes à

déterminer et nous allons examiner des cas très simples.

Flot de Poiseuille (1839)

(i) plan

Il s’agit d’un écoulement plan x entre deux

frontières solides parallèles. L’écoulement étant uniforme

dans la direction x, la continuité prédit immédiatement que

la vitesse dans la direction y est nulle. Il n’est pas inutile

de re-dériver l’équation 9.1 dans ce cas très simple en

faisant le bilan des forces sur un rectangle fluide de côté

x, y :

Pour obtenir après un développement limité pour x et y petits :

Gx

p

y

u2

9.3

y = a

y = -a

p(x)y p(x + x)y

x)yy(y

u

x)y(y

u

Sens de rotation

du cylindre intérieur

84

Si u est indépendant de x, alors 9.3 indique que le gradient de pression l’est

aussi. Le flot est forcé par une différence de pression amont-aval mais la distribution de

p est linéaire en x. Avec les conditions de non glissement sur les parois, on obtient une

vitesse parabolique :

u = 2

G(a

2 – y

2)

On peut aussi calculer le débit :

3

aG2dyu

3a

a

(ii) tube circulaire

La physique est identique mais ce cas est un peu plus réaliste que le

précédent. Avec des coordonnées cylindriques, le flot u selon l’axe du tube de dépend

que de r. Le laplacien se réduit à :

Gr

ur

rr

1

avec maintenant u = 0 en r = a (le bord du tube).

On obtient :

)ra(4

Gu 22

dont le débit devient :

8

aGdrr2u

4a

0

Une telle mesure du débit dans un tube circulaire forcé par un gradient de

pression connu permet avec la relation précédente de décrire les premières instabilités

qui apparaissent lorsque le nombre de Reynolds dépasse O(103).

Ecoulement de Taylor- Couette (1890)

Il s’agit du flot entre 2 cylindres concentriques tournant à des vitesses

différentes. Si u est la vitesse azimutale l’équation 9.1 se réduit à :

0r

u

r

u

r

1

r

u22

2

dont les solutions possibles sont u = Ar + B/r

Les conditions de non glissement sur les parois des deux cylindres en r = r1

et r = r2 déterminent A et B :

A = (2 22r - 1

21r )/( 2

2r - 21r )

85

B = (1 - 2) 22r

21r /( 2

2r - 21r )

Cette expérience réalisée initialement par Couette est très intéressante car

sous certaines conditions le flot est instable. La prédiction théorique de ces seuils

d’instabilité par Taylor en accord avec les expériences peut être vu comme une des

validations importantes de l’équation de Navier-Stokes (voir Chapitre XIII).

Ecoulement de Stokes autour d’une sphère

Une des solutions historiquement les plus

fameuses de 9.1 est l’écoulement d’une sphère en translation

dû à Stokes. On prend des coordonnées sphériques

positionnées au centre de la sphère. La vitesse u normal au

plan de la figure est nulle (ainsi que les dérivées par rapport à

l’angle azimutal ).

La solution est compliquée et décrite dans Batchelor.

Si :

ur = sinr

12

u =

sinr

1 r

la fonction courant est au final pour une sphère de rayon a :

= U r2 sin

3

3

r

a

4

1

r4

a3

Les lignes de courants de la figure montrent que la perturbation due à la

sphère s’étend à de grandes distances de sorte que l’on s’attend à ce que l’interaction

entre plusieurs particules (par exemple en sédimentation) soit forte.

Malheureusement on peut aussi montrer que cette solution viole les

hypothèses d’accélération négligeables à grande distance de la sphère.

Pour trouver la force exercée par le fluide sur la sphère on évalue les

contraintes en r = 0. L’intégrale de surface qui donne la traînée est finalement :

D = 6 aU

r

U

86

Comme la traînée d’un obstacle est souvent mise sous la forme D= CD ½

U2A, où A est l’aire de l’obstacle projeté sur un plan perpendiculaire au flot incident,

on trouve que :

CD = 24/Re où Re = 2a U/

On peut alors calculer la vitesse terminale d’une sphère de densité

tombant par gravité en écrivant :

6a U = ga3

4 3

Soit : U =

1

ga

g9

2 2

En pratique cette vitesse de Stokes est suffisamment correcte pour des

Reynolds inférieurs à 1 (et non pas très inférieurs à 1 comme les hypothèses de départ le

suggéreraient).

Flot dans un film mince

On considère maintenant l’écoulement entre deux plaques rigides z = 0 et z

= h. Soient U et L vitesse et échelle dans le plan des plaques. On va supposer que :

h << L

Dans ces conditions, le terme visqueux est dominé par :

2u

2

2

z

u

On peut estimer les différents termes de l’accélération et des termes

visqueux comme :

u u L

U2

(1, 1, h/L)

2

2

z

u

2h

U(1, 1, h/L)

Les composantes selon z sont plus petites car w et O (Uh/L) d’après la

continuité. Ainsi le terme d’accélération est-il plus petit que le terme visqueux si :

UL(h/L)

2 << 1

Le nombre de Reynolds aura beau être grand, les forces de viscosité

domineront si h/L est assez petit. Dans ces conditions les équations 9.1 s’appliquent.

P = 2

2

z

u

87

Comme w est beaucoup plus petit que u et v, p/z est beaucoup plus petit

que p/x et p/y et on peut prendre P fonction de x,y seulement en première

approximation. On imagine un flot forcé entre les deux plaques par un gradient de

pression horizontal. Après application des conditions de non glissement, on a

effectivement un flot de Poiseuille entre les deux plaques :

u = x

p

2

1

z(h – z)

v = y

p

2

1

z(h – z)

Bien que u et v dépendent de z, le rapport u/v n’en dépend pas. De plus la

vorticité selon z :

z = y

u

x

v

= 0

Si on met un obstacle entre les deux plaques, le flot à un z donné est donc

l’écoulement irrotationnel autour de l’obstacle ! Des cellules dites de Hele-Shaw, sont

utilisées pour produire ces flots irrotationnels 2D expérimentalement.

Pour conclure notons que la géophysique des couches externes de la terre

appartient à ce régime dominé par la viscosité lorsque l’on considère les échelles de

temps de l’ordre du million d’années. Des applications récentes de ces régimes visqueux

ont aussi été faites récemment concernant les flots dans les chambres magmatiques

(sous les volcans) et le flot de al lave sur les volcans. Deux processus doivent être

inclus, les changements de phase liquide - solide, et les forces de flottabilité (la densité

varie).

88

Chapitre IX

ONDES DANS LES FLUIDES

Quelques exemples

Quand des particules matérielles sont soumises à des forces de rappel, un

écart à l'équilibre entraîne des oscillations périodiques. Si le milieu a une certaine

continuité matérielle, le mouvement d'une particule entraîne celui de ses voisines et

selon certaines conditions l'oscillation peut se propager dans le milieu. L'expérience

classique de Reynolds de pendules couplés en est une démonstration. On a affaire à un

phénomène ondulatoire capable de propager de l'information et de l'énergie sans avoir

recours à un net transport de masse. Dans le cas d'un fluide, quand la propagation

l'emporte sur l'advection, on est amené à définir deux grandes classes d'onde :

- les ondes non dispersives : leur vitesse de propagation ne dépend pas de la

longueur d'onde et un paquet d'ondes constitué d'une longueur d'onde dominante et de

quelques composantes de Fourier voisines reste intact au cours de sa propagation.

- les ondes dispersives dont les vitesses de phase et d'énergie (maintenant

différentes) sont fonction de la longueur d'onde, un paquet d'ondes ayant alors tendance

à s'étaler (se disperser) au cours de son mouvement.

La plupart des ondes dans les fluides géophysiques sont dispersives à la

différence des ondes électromagnétiques dans le vide. Elles sont aussi anisotropes

puisque les propagations sont différentes selon la direction considérée.

Les forces de rappel peuvent provenir des propriétés mécaniques du fluide

ou bien des forces extérieures : les ondes acoustiques ont leur origine dans les propriétés

mécaniques du fluide quand il résiste à un changement de volume. Puisqu'il n'y a pas de

direction privilégiée dans le fluide elles sont isotropes. Parmi les forces extérieures qui

sont considérées, on trouve la gravité (vagues, ondes internes) et les forces d'inertie liées

à la rotation du fluide (ondes d'inertie, ondes de Rossby etc...). Ces dernières sont très

importantes en météorologie et en Océanographie. Elles introduisent une direction

privilégiée dans le fluide et les ondes correspondantes sont anisotropes. La présentation

des ondes de gravité sera ici linéaire et on négligera tout effet du second ordre lié aux

amplitudes finies des ondes. Les phénomènes naturels océaniques sont rarement dans

cet état linéaire sauf justement les ondes de surfaces (vagues de mer) ou encore les

ondes de marée.

Cependant, l'observation de vagues déferlantes sur une plage ou du mascaret

dans les estuaires nous indiquent qu'au-delà d'une certaine amplitude les phénomènes

non linéaires doivent également être considérés.

89

L'équation d'onde en milieu non dispersif

A une dimension, l'équation prototype de propagation de la lumière ou des

ondes acoustiques ou mieux encore des vibrations sur une corde est :

0x

Uc

t

U2

22

2

2

9.1

où c est la vitesse de phase supposée constante.

Des conditions initiales doivent être imposées pour trouver la solution de

cette EDP (équation différentielle partielle) qui est de type hyperbolique.

Supposons que u représente un "pulse" f(x) à t = 0.

u(x,O) = f(x)

t

u

(x, 0) = 0

Si |u|2 est intégrable on peut prendre la transformée de Fourier (TF) de l'équation 9.1

pour obtenir :

2

2

t

U

(k,t) = -c

2k

2 U(k,t) 9.2

où U(k,t) =

)t,x(u e

ikx dx

9.2 est maintenant à résoudre avec les CI (conditions initiales)

U(k,O) = F(k) où F(k) est la TF de f(x)

t

U

= 0

et on trouve aisément : U(k,t) = f(k) cos (kct)

et donc : dkee2

)k(F

2

1)t,x(u )ctx(ik)ctx(ik

soit : )ctx(f)ctx(f2

1)t,x(u

Notre pulse se sépare en

2, une moitié allant vers les x > 0 et

l'autre vers les x < 0 à la même

vitesse c.

ou encore sur un diagramme caractéristique x, t :

t = 0

x

x

t x

x

90

Les 2 droites de pente x t c

sont les caractéristiques du système et

l'information se propage sur ces

caractéristiques.

Si on analyse la dérivation de ce résultat de propagation sans déformation on

s'aperçoit que la grande simplification provient de ce que c est une constante et ne

dépend pas de k , tous les harmoniques ayant la même vitesse de phase, le pulse initial

(concentré dans l'espace et donc constitué d'un grand nombre de composantes de

Fourier) se propage alors sans déformation.

Les ondes de gravité

Nous allons contraster le résultat précédent avec un modèle d'ondes

dispersives, assez simple, qui apparaît quand on veut décrire les ondes de gravité (les

vagues de mer) qui se développent à l'interface entre deux fluides de densité différente.

On néglige ici le mouvement dans l'air ce qui est justifié compte tenu de la grande

différence de densité entre l'air et l'eau.

Soit donc une déformation de la surface libre d'un fluide supposé homogène

:

Sous l'action de la gravité, le fluide veut retrouver son état d'équilibre horizontal et nous

allons étudier comment il y parvient.

En l'absence de rotation, de stratification et de viscosité, les oscillations sont

irrotationnelles. Ceci peut se voir en comparant les deux termes de l'accélération u/t et

(u)u. Le rapport du premier au deuxième pour une oscillation de fréquence , nombre

d'onde k et amplitude u0 est en effet /kU0. Comme /k est une mesure de la vitesse de

phase on peut dire que les termes non linéaires sont négligeables si la vitesse des

particules est plus petite que la vitesse de phase. Si c'est le cas, l'accélération est

proportionnelle au gradient d'un scalaire (p) et pour une oscillation périodique il en est

de même de la vitesse. Dans ces conditions le fluide est irrotationnel et u dérive d'un

potentiel . Le fluide étant aussi supposé incompressible on a :

u = 0

2 = 0 9.3

u =

t

x

Fond

z

x

91

obéit à l'équation de Laplace et le mouvement est donc déterminé entièrement par les

conditions aux limites en surface. La surface libre étant une surface matérielle

d'équation F(x,z,t) = z - (x,t) = 0 on doit avoir DF/Dt = 0 pour que la particule reste sur

la surface, soit :

w = Dt

D sur z = (x,t) 9.4a

A la surface de discontinuité entre l'eau et l'air, la contrainte normale des forces de

surface doit aussi être continue pour éviter des accélérations infinies. Cette condition

dynamique impose alors :

p = pa sur z = (x,t) 9.4b

où pa est la pression atmosphérique.

Sur le fond (supposé plat), la vitesse verticale doit être nulle :

w = 0 sur z = - d 9.4c

L'équation intérieure 9.3 est linéaire mais les conditions aux limites en

surface 9.4a et b ne le sont pas puisque les conditions aux limites sont imposées sur une

surface inconnue a priori. Toute la difficulté du problème est donc contenue dans la

condition aux limites sur une surface libre. Pour avancer, il nous faut faire des

approximations. En fluide irrotationnel, la fonction de Bernouilli :

gz2

up

t

2

est constante dans l'espace et ne peut dépendre que du temps t, variable que l'on peut

incorporer à la définition de sans problème.

A la surface libre on a donc :

en z = csteg2

p

t

2

a

soit encore si pa ne dépend pas du temps :

0gw2Dt

D

tDt

D2

9.5

La linéarisation de 9.5 implique de négliger les termes quadratiques.

Certains sont visibles directement dans 9.5 mais d'autres sont liés à l'application de

l'équation en z = . On suppose donc suffisamment faible pour ramener l'équation 9.5

en z = 0 grâce à un développement de Taylor (limité au premier terme) en z = 0. On est

conduit à :

0zen

0gt

z2

2

92

Le problème de valeurs propres à résoudre est donc :

2 = 0 (a)

z = 0, z = - d (b) 9.6

2

2

t

+ gz = 0, z = 0 (c)

Cherchons des solutions ondulatoires du type F(z)eikx-t

. Il n'est pas difficile de voir

que 9.6a et b déterminent F(z) = cos hk(z + d) où k = |k|. Pour satisfaire 9.6c une relation

appelée relation de dispersion doit exister entre et k :

2 = gk tanh (kd) 9.7

9.7 est le premier exemple de relation de dispersion que nous rencontrons, et qui résume

toute la dynamique linéaire de propagation des ondes. Elle indique déjà que la

propagation est isotrope puisque seul le module de k intervient dans (7). La vision des

ondes circulaires générées par la chute d'un caillou dans l'eau est donc expliquée ! 9.7 a

2 limites intéressantes :

- kd >> 1, tanh(kd) 1 et 2 = gk

qui est la limite en eau profonde où la longueur

d'onde est faible devant la profondeur. Ce cas est discuté

plus loin .

- kd << 1, tanh (kd) kd et 2/k

2 = gd

Cette limite en eau peu profonde montre des ondes non dispersives se propageant toutes

à la vitesse (gd)1/2

.

En eau profonde, il n'est pas difficile de montrer que les particules fluides se

déplacent sur des cercles, le mouvement décroissant exponentiellement en ekz

avec la

profondeur. Dans le cas peu profond les particules oscillent en bloc sur des segments

horizontaux. Examinons de plus près les deux limites concernées.

Ondes longues

Il est très instructif de retrouver le cas "peu profond" directement. En effet la

longueur d'onde étant très grande par rapport à la profondeur, on peut penser que la

pression est hydrostatique et que les équations linéarisées du mouvement sont

simplement :

ut = 0

xp

t = 0

yp

0 = - pz – g 0

(on suppose le fluide de

densité constante)

93

Les courants horizontaux sont alors indépendants de la profondeur puisque le gradient

de pression, la force génératrice, est indépendante de la profondeur. On peut alors

intégrer verticalement l'équation de continuité pour obtenir :

0)d(w)(wud

H

et dans le cas linéarisé qui nous intéresse :

t

+ du = 0 9.8

(Bien que les courants horizontaux soient indépendants de la profondeur, la vitesse

verticale w varie linéairement avec la profondeur : w = (z + d) u)

Comme : p = g0 - g0z + pa

0

p

= g

et les équations du mouvement dans les nouvelles variables u, v et sont :

ut = - g

t + du = 0

On élimine u pour obtenir : 2

2

t

= gd

2

Nous retrouvons directement une équation hyperbolique (à 2 dimensions) de la

forme 9.1 dans cette limite en eau peu profonde.

Cette limite de mouvement de grande échelle par rapport à la profondeur est

très importante pour les grands mouvements de l'atmosphère et des océans (cependant la

"grande échelle" force aussi à introduire les effets de la rotation terrestre dans la

dynamique ci-dessus). Telle quelle, la dynamique des ondes longues sans rotation

peut-être utilisée pour étudier les oscillations de petits lacs, la propagation de la marée

dans les estuaires, et plus généralement les oscillations de gravité de période assez

courte par rapport à la période de rotation de la terre, et de longueur d'onde assez grande

par rapport à la profondeur du fluide.

Ondes courtes et vitesse de groupe

Les ondes de surface en eau profonde fournissent un cadre concret idéal pour

étudier la propagation dans les systèmes dispersifs. Nous avons en effet trouvé que la

fréquence d'une onde sinusoïdale dépend non linéairement (en k1/2

) de son nombre

d'onde afin que les équations du mouvement soient satisfaites. Dans une théorie linéaire

la considération de ces solutions sinusoïdales est essentielle pour deux raisons :

- Une déformation arbitraire peut toujours être décomposée en séries (ou

intégrales) de Fourier.

- La somme des composantes de Fourier solutions des équations, est aussi

une solution des équations.

94

Ainsi supposons une tempête générant des vagues à la surface de l'océan. On

peut supposer que près de la source les effets non-linéaires seront peut-être importants

mais que à quelque distance, l'énergie par unité de surface sera assez faible pour que la

théorie linéaire puisse s'appliquer. La relation de dispersion indique alors que les

composantes de Fourier vont se déplacer à des vitesses différentes. Ainsi encore plus

loin de la source, on peut penser qu'à un instant donné, un observateur devrait voir des

ondes localement sinusoïdales, les effets de dispersion jouant l'effet d'un filtre spatial.

Pour introduire les différents concepts, nous allons analyser le problème à une

dimension, c'est-àdire considérer la propagation dans une direction 0x normale aux

crêtes du système. Cette situation s'applique directement au cas bi- ou tridimensionnel

quand la propagation est isotrope (ce qui est le cas des ondes de surface).

Nous allons partir de cette idée de trains d'ondes localement sinusoïdaux

dont les caractéristiques fréquence et nombres d'onde varient lentement. On va ainsi

considérer un mouvement ondulatoire de la forme :

= 1(x,t) ei(x,t)

(x,t) est la phase de l'onde (dont la valeur est un multiple de 2 sur une crête si par

exemple 1 > 0) qui varie lentement. Si la fonction amplitude varie aussi lentement,

sera approximativement sinusoïdal. En effet on peut développer au premier ordre en

série de Taylor autour d'un point x0 à l'instant t0 :

(x,t) = (x0, t0) + x

(x – x0) +

t

(t – t0)

Ce développement permet de définir la fréquence et le nombre d'onde au point x0, t0 :

k = - x

et =

t

9.9

étant entendu qu', k et peuvent varier lentement dans l'espace et le temps.

C'est-à-dire que par exemple k va varier d'une quantité très petite quand on se déplace

en x d'une longueur d'onde (2/k).

Les relations 9.9 impliquent :

xt

k

= 0 9.10

équation qui ressemble à une équation de continuité pour la phase. On peut d'ailleurs

montrer que 9.10 est analogue à une conservation du nombre de crêtes dans un petit

volume fixe. Dans cette approximation, de trains d'onde lentement variables, les crêtes

(ou les creux) ne peuvent soudainement apparaître ou disparaître.

Nous avons maintenant vu que pour une onde exactement sinusoïdale, la

relation de dispersion doit être satisfaite :

= (k) 9.11

Si, localement, les ondes sont sinusoïdales on peut penser que cette relation de

dispersion reste approximativement vérifiée pour un train d'onde lentement variable. La

substitution de 9.11 dans 9.10 donne :

95

x

k

dk

d

t

k

= 0 9.12

Relation dans laquelle d/dk apparaît comme une vitesse que nous appellerons la

vitesse de groupe U. 9.12 est une équation différentielle partielle du premier ordre qui

s'étudie par la méthode des caractéristiques. La fonction k est constante le long des

caractéristiques définies par :

Udt

dx

Mais comme U n'est fonction que de k, les caractéristiques sont donc des droites

d'équation x – Ut = cste.

Pour les ondes dispersives nous sommes ainsi amenés à la conclusion que

les ondes de nombre d'onde donné k se déplacent à une vitesse de groupe différente de

la vitesse de phase. De plus comme 9.11 associe une fréquence bien définie à chaque

nombre d'onde, une onde de fréquence donnée se déplace aussi à une vitesse de groupe

donnée :

Si on calcule t

:

t

k

dk

d

t

mais en utilisant 9.10, on obtient :

0xdk

d

t

9.13

ce qui démontre cette affirmation.

Cette vitesse de groupe est fort différente de la vitesse de déplacement des crêtes que

nous sommes mieux habitués à visualiser. [On peut également démontrer le résultat très

important que l'énergie moyenne du train d'onde se déplace à cette vitesse de groupe]

Appliquons ces résultats aux ondes de surface :

= (gk)1/2

La vitesse de déplacement des crêtes ou encore vitesse de phase vaut :

c = 2

c

k

g

k

2/1

tandis que la vitesse de groupe est :

2

c

k

g

2

1

dk

dU

2/1

soit la moitié de la vitesse de phase.

Imaginons un train d'onde de caractéristique (,k) partant de x0 = 0 à t = 0.

Nombre d'onde et fréquence se propageant à la vitesse de groupe, on peut écrire :

96

2

g

k

g

2

1

t

xx2/1

0

de sorte que : )xx(2

gt

0

2

0

2

)xx(4

gtk

Un observateur en un point fixe donné verra la fréquence augmenter

linéairement dans le temps alors q'une photographie montrera les longueurs d'onde

augmenter comme le carré de la distance à la source. Connaissant comment et k

varient, on voit que la phase = k x - t s'écrit :

(x,t) = )xx(4

gt

0

2

Les lignes de crêtes sont donc des paraboles.

Ces résultats sont illustrés sur la figure ci-dessous tiré de "Waves in fluids"

(J. Lighthill).

Les droites épaisses sont les caractéristiques d'autant plus rapides que k est

petit (grandes échelles) et le long desquels k et sont conservés. Les courbes fines

représentent les trajectoires des crêtes qui se déplacent plus rapidement : elles

apparaissent à l'arrière du groupe avec de petites longueurs d'onde et disparaissent à

l'avant du groupe, la longueur d'onde ayant augmenté. Les sillages de bateau sont

particulièrement appropriés pour "observer" ce phénomène où des crêtes apparaissent à

l'intérieur d'un groupe de vagues et remontent dans le groupe pour venir disparaître à

1'avant. L'utilisation de tels diagrammes caractéristiques est très utile pour rendre

compte de l'évolution des trains d'onde des ondes dispersives. Le concept de vitesse de

groupe permet aussi de comprendre la réponse du fluide à un forçage localisé oscillant

ou en translation.

97

98

Chapitre X

THERMODYNAMIQUE

Préliminaires

Les phénomènes naturels évoluent dans le temps d'une façon bien

déterminée impliquant que le signe du temps semble avoir une grande importance.

- Une balle lâchée d'une hauteur rebondit pour finalement se trouver au

repos sur le sol :

- Deux corps chauds et froids mis en contact évoluent de telle façon que la

chaleur passe du chaud au froid.

- Une tache de colorant dans un fluide au repos diffuse pour occuper tout

l’espace uniformément.

- N molécules de gaz initialement d'un côté d'une partition d'une boîte

remplissent uniformément la boite entière quand la barrière est retirée :

N molécules

N/2 N/2

Les processus naturels sont donc irréversibles. Ceci est paradoxal du point de vue des

équations de la mécanique qui sont, elles, parfaitement réversibles quand on néglige les

frottements. Si à un instant donné on renverse les vitesses de toutes les particules en

interaction, le système doit revenir précisément sur ses pas. Maintenant que les vitesses

de toutes les molécules du dessin de droite soient renversées à un instant donné à une

probabilité infime même si l’éventualité ne peut être exclue. D’ailleurs sans parler des

milliards de molécules dans la boite, même avec seulement 3 corps en interactions

gravitationnelles on sait que pour faire rebrousser chemin à l’évolution de ces 3 corps, il

faut connaître les positions et vitesses initiales avec une grande précision. Le système est

non linéaire et les trajectoires sont très sensibles aux conditions initiales. Si les valeurs

de celles-ci diffèrent tant soit peu des conditions du point de retour, les trajectoires

retour vont finir par diverger au bout d’un temps fini des trajectoires aller comme les

travaux récents sur le chaos l’ont rappelé. La thermodynamique a pour objectif de

prévoir l'équilibre de systèmes macroscopiques contenant un grand nombre de particules

99

en interaction entre elles. Ses principes ont été originellement découverts par Carnot se

demandant comment arriver à transformer de la chaleur en travail, l'inverse étant

particulièrement aisé à vérifier en frottant simplement votre doigt sur cette feuille de

papier. Ils ont été ensuite réinterprétés par la physique statistique au niveau moléculaire.

Celle-ci pose comme principes que :

1) Si un système isolé (car n'échangeant ni chaleur, ni travail avec l'extérieur) est en

équilibre, tous ses états accessibles sont également probables et réciproquement.

2) Un système isolé tend à atteindre avec une plus grande probabilité la situation

macroscopique dont le nombre d'états microscopiques accessibles est le plus grand

possible.

Ainsi dans l'exemple ci-dessus, il n'y a qu'une façon de placer les N

molécules d'un côté de la boîte mais 2N quand on se permet le choix de l’un ou l’autre

des côtés de la boite. La répartition de droite a donc une bien plus grande chance d'être

observée dès lors que N est significativement grand.

Une quantité S l'entropie mesure quantitativement ce nombre d'états

accessibles et le deuxième principe de la thermodynamique spécifie que lors d'un

changement d'état d'un système isolé, la variation de S est toujours positive.

Quand l'état thermodynamique d'un système n'évolue plus dans le temps il est à

l'équilibre et la thermodynamique décrit ces équilibres. En appliquant les résultats de la

thermodynamique à des systèmes fluides en évolution on fera l'hypothèse bien vérifiée

qu'un élément de fluide constitué d'un grand nombre de molécules animées de vitesses

considérables est toujours approximativement en équilibre thermodynamique et qu'il

transite donc par une succession de tels états d'équilibres. Ceci veut dire que le temps

pour atteindre l’équilibre thermodynamique est très petit devant les échelles de temps de

l’écoulement.

- L'équation d'état est une relation fonctionnelle entre les paramètres décrivant l'état d'un

système à l'équilibre. Ainsi si p, v, T sont ces paramètres, l'équation d'état f (p, v, T) = 0

réduit le nombre des variables indépendantes de 3 à 2.

- Une transformation thermodynamique permet un changement d'état. Si celui est un état

d'équilibre ceci ne peut venir que des conditions externes au système. Cette

transformation est dite quasi-statique si les conditions externes changent suffisamment

lentement pour que le système soit toujours en équilibre. Elle sera réversible si elle

retourne sur ses pas quand les conditions externes retracent leur histoire.

- Le travail W effectué sur un système dans une transformation infinitésimale au cours

de laquelle le volume diminue de dv est positif et vaut:

W = - pdv

- On définira la chaleur comme étant ce qui est absorbé par un système quand sa

température croit quand aucun travail n'est effectué. La capacité calorifique C est

donnée par :

TCQ

100

quand Q est la quantité de chaleur absorbée. Pour le même T, Q est différent selon

la manière de chauffer le système. On définit ainsi Cv et Cp capacités calorifiques

correspondant respectivement à un chauffage à volume et pression constante.

- Une transformation d'un système thermiquement isolé est appelée adiabatique.

- Le gaz parfait idéal est un système important car tous les gaz se comportent de cette

manière quand ils sont suffisamment dilués. Son équation d'état définit la température

absolue T :

PV = nRT

(n nombre de moles du gaz, et R = 8,315 Joule/degrés K)

1. Le premier principe de la thermodynamique

Soit Q la quantité de chaleur reçue par un système et W le travail effectué

sur le système, au cours d'une transformation arbitraire. Le premier principe indique que

la quantité E,

E = Q + W

est la même pour toutes les transformations d'un état initial donné à un état final donné.

Il définit ainsi une nouvelle fonction d'état, l'énergie interne E. Chaleur et travail sont

des formes d'énergie transitoires apparaissant à la frontière du système. L'énergie interne

réside au contraire dans la matière et est une mesure du mouvement aléatoire des

molécules.

Le travail peut être défini comme le transfert d'énergie tendant à donner aux

particules un mouvement cohérent alors que la chaleur est un transfert d'énergie qui

tend à donner aux particules un mouvement incohérent.

Dans une transformation infinitésimale, le premier principe se réduit à

indiquer que la différentielle dE est exacte, soit :

dE = Q + W 0 10.1

Une propriété qui n'est pas partagée par Q et W individuellement. Notons qu'une autre

variable d'état intéressante l'enthalpie H peut-être aussi définie à partir de E, p et v :

H = E + pv

Rappelons maintenant les conséquences de l'existence d'une variable d'état.

Considérons des systèmes à deux variables indépendantes (un gaz parfait

homogène par exemple). Un couple quelconque formé des paramètres p, v, T, E ou H

peut être utilisée comme variables indépendantes spécifiant complètement l'état du

système. Par exemple on peut choisir E fonction de p, v auquel cas :

dvv

Edp

p

EdE

PV

0 On considérera dans ce qui suit que les expressions pour l'énergie interne, le volume et toutes autres quantités

extensives sont ramenées à l'unité de masse. Dans ce cas le volume v qui apparaît est le volume spécifique, soit l'inverse de la masse volumique.

101

Connaissant dE, supposons que l’on veuille remonter aà E. On peut le faire uniquement

si dE est une différentielle exacte ce qui exige que les conditions suivantes soient

satisfaites :

VPPVv

E

pp

E

v

On peut aussi écrire de façon équivalente que :

0dE

pour tout sentier fermé dans le plan p, v.

De ceci, on peut déduire que : vv

vT

E

T

QC

et

PPPP

PT

H

T

vp

T

E

T

QC

L'expérience de Joule :

L'expérience de Joule définit l'énergie interne d'un gaz idéal. Il s'agit de

l'expansion d'un gaz idéal dans le vide :

Le bain est isolé avec l’extérieur. On trouve qu'à la fin de l'expérience T2=T1. D'une part

W = 0 puisque le gaz n'effectue aucun travail sur son environnement. D'autre part il n’y

eu aucun echage de chaleur et donc Q = 0 puisque T = 0 et finalement E = 0 d'après

le premier principe.

Ainsi 2 états de même température et de volume différent ont la même

énergie interne mais comme on peut prendre E comme fonction de 2 paramètres

indépendants v et T, on en déduit que l'énergie interne d'un gaz parfait ne dépend que de

sa température.

Ainsi dT

dECv et supposant Cv indépendant de T on déduit :

E = CvT + constante

Avant

Gaz Vide

Bain d’eau

T1 Après

Gaz

Bain d’eau

T2 = T1

Gaz

102

De même l'enthalpie d'un gaz idéal n'est une fonction que de T.

TRCpvEH v

Comme dT

dHCp , on obtient : Cp – Cv = R

Cette dernière relation montre qu'il est donc plus efficace de chauffer un gaz

à volume constant qu'à pression constante. Ceci est logique car à volume constant aucun

travail n'est effectué et toute la chaleur fournie augmente l'énergie interne.

2. Le deuxième principe de la thermodynamique

Il s'agit d'un postulat exprimé sous différentes formes qui permet à la

thermodynamique d'incorporer le résultat des faits expérimentaux comme ceux

mentionnés dans l'introduction : la balle sur le sol ne se refroidit pas spontanément pour

sauter au plafond convertissant ainsi la chaleur perdue en énergie potentielle.

Enoncé de Kelvin :

"Il n'existe aucune transformation thermodynamique dont le seul effet est d'extraire

une quantité de chaleur d'un réservoir de chaleur et de la convertir entièrement en

travail".

Enoncé de Clausius :

Il n'existe aucune transformation thermodynamique dont le seul effet est d'extraire

une quantité de chaleur d'un réservoir plus froid et de la délivrer à un réservoir

plus chaud.

Le mot seul effet est crucial. Il signifie que l’on ramène le système à son état initial après

un cycle. Supposons qu'un gaz idéal se détende de façon réversible et isotherme. Du

travail est effectué par ce gaz. Comme E = 0 dans ce processus, le travail produit est

égal à la chaleur absorbé par le gaz dans la détente et donc une certaine quantité de

chaleur est convertie en travail. Ce processus est permis par le deuxième principe car ce

n'est pas le seul effet de la transformation. En effet le gaz occupe un plus grand volume

dans l'état final : le cycle n’est pas fermé.

Dans le cadre du deuxième principe, une nouvelle fonction d'état, l'entropie

est introduite. Elle doit son existence au théorème de Clausius. Dans toute

transformation cyclique pour laquelle la température est définie, celui-ci stipule que :

0T

Q

Si la transformation est réversible, l'inégalité devient une égalité et alors on peut définir

l'entropie S(A) d'un état A comme :

103

A

o T

Q)A(S

où le chemin est n'importe quel chemin réversible d'un état de référence arbitraire 0 à

l'état A. Pour une transformation réversible infinitésimale :

TQdS

Les propriétés de l'entropie sont les suivantes :

a) pour une transformation arbitraire de l'état A à B :

B

A )A(S)B(S

T

Q

b) , conséquence de a) indique que l'entropie d'un système thermiquement isolé ne

décroît jamais.

S(B) S(A)

l'égalité ayant lieu si la transformation est réversible.

D'une façon générale l'irréversibilité est en général un processus peu

économique et l'entropie peut être vue comme une mesure de la non disponibilité

d'énergie réellement utilisable de l'état en question 2.

De la relation TdS = Q dans une transformation réversible on déduit que :

TdS= dE+pdV 10.2

Mais comme le deuxième principe introduit S comme variable d'état, la relation ci-

dessus qui ne lie que des variables d'état, reste aussi valable dans une transformation

irréversible. 10.1 et 10.2 sont les deux relations fondamentales dont nous allons avoir

besoin pour déduire les équations pour l’entropie et l’énergie interne en mécanique des

fluides. Explorons quelques unes des conséquences de 10.2. En exprimant dans 10.2, dE

en termes des variables v, T, on obtient :

dvv

EpdT

T

ETdS

Tv

2 On notera que la conduction de chaleur est un processus irréversible augmentant l'entropie totale. Si

une barre métallique conduit de la chaleur d'un réservoir T2 à un réservoir T1 (T2 > T1) au taux de Q

par seconde, l'augmentation d'entropie par seconde du système complet est :

0T

1

T

1Q

21

104

En divisant par T, on obtient l’expression pour dS. On écrit ensuite que les dérivées

secondes sont indépendantes de l’ordre des différentiations par rapport à T et v

respectivement et après un peu de calcul on obtient :

pT

pT

v

E

VT

Cette expression est l’une des relations thermodynamiques de Maxwell. En particulier

pour un gaz parfait, si on utilise l'équation d'état on déduit que le terme de droite est nul

et l'on retrouve ainsi le fait expérimental déduit de l'expérience de Joule que l'énergie

interne E ne dépend que de T. Ceci apparaît maintenant comme une conséquence du

2ème

principe et de l’existence de la fonction d’état entropie.

Par substitution et en utilisant la définition de Cv on obtient :

dvT

pTdTCTdS

V

v

10.3

En exprimant dans 10.2, dE et dV en terme des variables p et T, on obtient :

dpp

vp

p

EdT

T

vp

T

ETdS

TTPP

en exprimant à nouveau que dS est une différentielle exacte on obtient :

PTT

v

p

S

et donc : dpT

vTdTCTdS

P

p

10.4

En définissant les quantités expérimentalement mesurables :

PT

V

V

1

: coefficient de compensibilité thermique

T

TP

V

V

1K

: coefficient de compressibilité isotherme

S

SP

V

V

1K

: coefficient de compressibilité adiabatique

10.3 et 10.4 peuvent se réécrire :

dvK

TdTCTdS

T

V

10.5

TvdpdTCTdS P 10.6

105

Pour obtenir des expressions valables quand les quantités sont rapportées à l'unité de

masse, les capacités calorifiques Cp et Cv deviennent alors des chaleurs spécifiques, S

devient l'entropie par unité de masse et il suffit de remplacer v par 1/ dans les

expressions ci-dessus. C'est ce qui sera fait dans le paragraphe suivant.

Nous aurons également besoin d'une fonction auxiliaire l'énergie de Gibbs F

défini comme :

F = U - TS

F est particulièrement utile pour déterminer l'état d'équilibre d'un système qui n'est pas

isolé. Soit un système subissant une transformation arbitraire isotherme d'un état A à un

état B. Nous savons que :

ASBST

QB

A

ou puisque T est constant : ST

Q

Q représentant la quantité de chaleur absorbée pendant la transformation.

Ceci peut se réécrire : W - E + T S

W étant ici le travail effectué par le système :

soit W - F

l'égalité s'appliquant si le processus est réversible. Ainsi pour un système

mécaniquement isolé et gardé à la même température, l'énergie libre passe par un

minimum à l'équilibre.

3. Applications aux fluides en mouvements

Si on considère comme système thermodynamique, la particule fluide en

mouvement qui échange chaleur et travail avec son environnement en passant par une

succession d'états d'équilibre thermodynamique, les relations 10.2 et 10.6 deviennent par

unité de masse :

1

Dt

Dp

Dt

DE

Dt

DST 10.7

Dt

DPT

Dt

DTCp

Dt

DST

10.8

Après utilisation de la conservation de la masse :

u.1

Dt

D1

Dt

D2

1

106

auquel cas 10.7 se réécrit : u.P

Dt

DE

Dt

DST

10.9

Il nous reste maintenant à exprimer travail et chaleur échangé entre la

particule fluide et son environnement pour obtenir l'équation de l'énergie.

1. Le travail

Le travail effectué sur un volume de fluide par les forces de volume F et

les forces de surface est simplement :

dSnudvFu jijV S

iii

En particulier si la surface S est celle d'un solide immobile, le deuxième terme est

identiquement nul d'après les conditions aux limites sur une surface solide.

Avec le théorème de la divergence ceci peut se réécrire :

dvux

Fu iij

j

i

V

i

et le travail total sur un élément de fluide par unité de masse est donc :

j

iij

j

ijiii

x

u

x

uFu

En vertu des équations du mouvements les deux premiers termes contribuent au gain

d'énergie cinétique Dt

Duu i

i de l'élément de fluide. Le troisième terme est logiquement

interprété comme le travail effectué pour déformer l'élément sans changer sa vitesse. Il

doit donc apparaître comme une augmentation de l'énergie interne du fluide.

2. la chaleur

Les échanges de chaleur entre des éléments de fluide relèvent plus

généralement de ce qu'il est convenu d'appeler les phénomènes de transport dans la

matière. Celle-ci est en équilibre si les propriétés du matériau (comme la température

par exemple) ont une distribution spatiale uniforme, une situation d'homogénéité

spatiale. Si ce n'est pas le cas des échanges vont se produire à l'échelle moléculaire pour

restaurer l'équilibre thermique. Le problème est donc de déterminer la rapidité des

échanges en présence de non uniformité. Supposons que celle-ci soit mesurée par la

température. Dans ce cas un transfert de chaleur va exister à travers un élément d'aire

A de normale n que l'on définit à l'aide du vecteur flux f :

f n A

107

Comme le transport moléculaire effectue l'échange en question, le transport est dominé

par ce qui se passe au voisinage de A. Si la distribution de température T est

suffisamment lisse, c'est-à-dire évolue sur une échelle grande par rapport au libre

parcours moyen moléculaire, il est logique de supposer que f ne dépend que des

variations de T et ce d'une façon linéaire si celles-ci ne sont pas trop grandes, soit :

j

ijix

Tkf

Pour un fluide isotrope : kij = -kij et f = - kT indiquant que le flux de chaleur est

opposé au gradient (comme il se doit pour pouvoir l'affaiblir). Le coefficient de

conductivité thermique k est une caractéristique du fluide déterminée

expérimentalement. D'après cette loi de transport un volume de fluide échangera de la

chaleur à travers sa surface par conduction moléculaire comme :

dSnx

Tk i

Si

ou encore : dvx

Tk

x iV

i

Soit encore localement par unité de masse

ii x

Tk

x

1

Le premier principe pour un élément de fluide se traduit donc finalement

par :

iij

iij

x

Tk

xx

u

Dt

DE 10.10

En vertu de la symétrie de ij, on peut écrire :

ijij

j

iij e

x

u

En utilisant la loi de comportement

ijiiijijij e

3

1e2p 10.10 se

réécrit :

ii

2

iiijij

i

i

x

Tk

xe

3

1 e e2

x

up

Dt

DE 10.11

Le premier terme représente le travail effectué par la partie isotrope des contraintes (la

pression) pour déformer l'élément. Il représente l'énergie de compression et est capable

d'être rendu sans perte au système quand l'élément de fluide se détend 3. Le deuxième

dénoté est le travail effectué par les contraintes de cisaillement. Cette dernière

3 Ceci n'est possible qu'approximativement. Il existe une seconde viscosité dite d'expansion (dont nous

ne parlerons pas ici) qui peut être à considérer dans certains problèmes.

108

contribution est non négative et représente la part de l'énergie mécanique

irréversiblement perdue. Elle est équivalente à une addition irréversible de chaleur.

Maintenant l'équation de l'énergie mécanique s'obtient simplement en faisant

le produit scalaire de la vitesse par l'équation de la dynamique soit :

ii

j

ij

i

2

i Fux

u2

u

Dt

D

10.12

En combinant 10.10 et 10.12, on obtient l'équation de l'énergie totale :

ii

iiiji

j

2

i

x

Tk

xFuu

xE

2

u

Dt

D

10.13

Quand les forces de volume dérivent d'un potentiel fonction de position et

non du temps, F = - et :

Dt

DFu ii

et représente alors l'énergie potentielle du système (par unité de masse).

L’équation pour l’énergie totale, la somme de l’énergie interne, de l’énergie

cinétique et de l’énergie potentielle s’écrit :

ii

iji

j

i

i

2

i

x

Tk

xdu

xup

xE

2

u

Dt

D

10.14

où dij est la partie du tenseur des contraintes qui dépend de la viscosité,

cad : dij = 2 (eij – 3

1eii ij)

La relation générale0 )u()ρ(

tDt

est utile lorsqu’on cherche

l’énergie totale en intégrant 10.14 sur un volume. Si les vitesses aux frontières de ce

volume sont nulles, le travail total des contraintes est nul et si les parois sont des

isolants thermiques (le flux de chaleur est nul), il n’y a pas d’ajouts ou de pertes de

chaleur aux frontières et on obtient la conservation de l’énergie totale :

0dV]E2

u[

t

2

i

10.15

0 Utiliser la conservation de la masse pour la démontrer.

109

Finalement si on combine 10.11 et 10.9, on obtient l'équation pour

l'entropie :

ii x

Tk

x

1

Dt

DST 10.16

indiquant que celle-ci change à cause des irréversibilités dues à la dissipation et

l'addition de chaleur par conduction.

En utilisant 10.8, 10.16 se réécrit en fonction des variables T et p :

ii

px

Tk

xDt

DpT

Dt

DTC 10.17

Jointe à l'équation d'état, 10.17 est l'équation manquante qui permet de déterminer toutes

les variables dans un fluide compressible et conducteur thermique. Du fait de la

présence des opérateurs différentiels agissant sur T, des conditions aux limites sur T

sont à imposer aux frontières. Comme le flux de chaleur doit être continu à la frontière

pour éviter l'accumulation de chaleur, deux cas se présentent. Si la frontière est celle

d'un isolant thermique, le gradient normal de T est nul. Si au contraire le fluide est mis

en contact au travers d'une paroi conductrice avec un réservoir thermique, la température

sera imposée sur la frontière. On notera que le coefficient k/Cp a des dimensions de m2

s-1

et est donc la diffusivité thermique appropriée pour la température. Si on évalue

l'entropie totale sur un élément matériel de volume V,

dvDt

DSSdv

dt

d

VV

et 10.16 permet d'écrire après quelques manipulations :

dvT

Tkdv

TSdv

dt

d2

V

2

VV

10.18

où il a été supposé l'absence de transfert thermique à travers la surface frontière. Ainsi

l'entropie totale du fluide isolé croît car les deux termes à droite dans 10.18 sont définis

positifs en accord avec le deuxième principe de la thermodynamique. A l'inverse si on

pose le deuxième principe de la thermodynamique comme hypothèse de départ, ceci

justifie que les coefficients de viscosité et de conductivité thermique soient choisis

positifs.

110

Chapitre XI

ECOULEMENTS COMPRESSIBLES

Les phénomènes pour lesquels la compressibilité effective des fluides doit

être prise en compte sont nombreux. Les sons musicaux se propagent dans l'air comme

des ondes de compressibilité longitudinales et l'étude de leur caractéristiques constituent

une application fort agréable de la physique.

A l'autre extrême, les grandes vitesses des avions modernes ont montré la

situation critique qui se produit dans l'écoulement quand les vitesses atteignent la vitesse

du son. Des chocs (ou discontinuités) se produisent alors de façon analogue au ressaut

hydraulique déjà mentionné dans le contexte des ondes de gravité.

L'accent jusqu'à présent a été mis sur la physique incompressible des écoulements

fluides à un point tel que l'on a oublié que les liquides comme le gaz et les solides sont

aussi des milieux élastiques. A ce titre, tous subissent des changements de volume sous

l'effet d'une contrainte de pression. (Ils diffèrent par contre notablement les uns des

autres dans la façon dont ils répondent à des contraintes de cisaillement). Un coefficient

caractéristique du matériau, le module d'Young Ey mesure la variation de la pression

nécessaire pour une variation relative donnée du volume ou de la densité:

d

dpE y

Le coefficient de compressibilité étant lui défini par l'inverse dpd1

. Si une

compression sur de la matière est effectuée de façon graduelle, on peut supposer que

chaque élément de matière reçoit instantanément chaque incrément de compression.

Mais en fait, ces incréments se propagent dans les corps à une vitesse finie, celle des

ondes élastiques que nous devons déterminer. La définition des coefficients ci-dessus est

pour l’instant assez vague car ρ dépend non seulement de p mais aussi de la

température. La température serait-elle constante dans les écoulements compressibles ?

Nous allons voir qu’une bien meilleure hypothèse (qui explique beaucoup mieux les

observations) est que l’entropie des particules fluides est constante : les échelles de

temps sont rapides et la diffusion thermique n’ a pas vraiment le temps de jouer.

1) Théorèmes de Bernouilli

Nous les avons rencontrés pour le cas des fluides incompressibles et ils sont

généralisés ici. Si l'on repart de l'équation pour l'énergie totale (interne + cinétique)

111

10.14, on peut la réécrire après quelques lignes de calcul dans l'hypothèse isentropique

(les effets de dissipation par viscosité et de conductivité thermique sont négligeables) :

t

p1pE

2

u

Dt

D2

11.1

Ainsi si la pression ne dépend pas explicitement du temps on en déduit que

la quantité :

uqoù,p

E2

qI

2

11.2

est conservée le long d’une ligne de courant. Lorsque la pression ne dépend pas du

temps, l'écoulement est normalement stationnaire et on en déduit la généralisation du

théorème de Bernouilli:

"La quantité I est conservée le long d'une ligne de courant d'un écoulement

permanent "non visqueux et non conducteur de chaleur". Les deux derniers

qualificatifs impliquent d'après l'équation 10.16 que l'entropie S est également conservée

et on parle alors d'écoulement isentropique. Cependant les constantes I et S varient

généralement d'une ligne de courant à l'autre et nous allons examiner maintenant de

quelle façon. A un instant donné, la différence entre 2 éléments fluides d'entropie,

d'énergie interne est reliée par 10.2 :

1pEST

Si on élimine E au profit de I :

p1

q2

1STI 2

D'autre part, l'équation d'Euler permet d'écrire (voir chapitre 3).

p1

q 2

1 x u 2

et ainsi x u STI 11.3

une relation trouvée par Crocco (1937). Cette relation montre que l'uniformité de I et S

d'une ligne de courant à l'autre implique soit = 0, c'est-à-dire un écoulement

irrotationnel soit que u et et soient parallèles (un écoulement particulier dit de

Beltrami).

Un écoulement pour lequel S (respectivement I) est uniforme spatialement,

est appelé homentropique (respectivement homénergique). Lorsque l'écoulement est

112

homentropique, on voit que I est constant le long des lignes de vorticité et le long des

lignes de courant. Notons que la constance de I (11.2) peut se réécrire en fonction de

l'enthalpie H précédemment introduite :

pEH

Si de plus les variations de sont beaucoup plus faibles que celles des autres termes (et

ce sera le cas en dynamique des gaz), alors approximativement :

2q

21HI 11.4

est constant le long d'une ligne de courant.

Applications

a) Fluide incompressible

Dans ce cas, la densité d'un élément fluide n'étant pas affectée par la

pression, l'énergie interne ne pourrait changer que par conduction de chaleur ou travail

des forces de frottement. En leurs absences 10.11 et 10.16 indiquent que E et S sont

conservées à une particule fluide :

0Dt

DE et 0

Dt

DS

et on retrouve le théorème vu au chapitre III à savoir que

p

q2

1I 2 est

constant le long d'une ligne de courant.

b) Gaz parfait

Dans ce cas l'enthalpie H dans 11.4 est simplement Cp T. Si on suppose

comme c'est souvent le cas que Cp (et Cv) sont indépendants de la température sur la

gamme considérée (on parle alors de gaz polytrope), ainsi 11.4 devient-il :

TCq2

1I p

2 11.5

113

Si en particulier on définit l'enthalpie de stagnation CpT0 à l'endroit où la vitesse du gaz

est nulle on a :

0pp

2 TCTCq2

1

Le gaz est d'autant plus chaud que sa vitesse est lente. A entropie constante,

la différentielle dH vaut dp

et donc les variations d'enthalpie et de pression se font

dans le même sens. Ainsi quand la vitesse décroît, sa pression augmente ainsi que sa

température, résultat du travail lié à la compression qui modifie l’ énergie interne. La

vitesse la plus rapide est obtenue quand T = 0 auquel cas p est aussi zéro, et donc :

0pTC2q

Ceci est la vitesse maximale obtenue lors de l'expansion adiabatique d'un gaz dans le

vide. Si par exemple de l'air s'échappe d'une enceinte où la température est de 20°C vers

une autre enceinte maintenue à un vide parfait, on obtient une vitesse V=767ms-1!

(sachant que Cp à cette température vaut 1006 JKg-1 K-1).

2) Equations du mouvement d'un écoulement isentropique

Les écoulements pour lesquels les transports moléculaires de quantité de

mouvement et de chaleur sont absents, forment un cas particulier très important de la

dynamique des fluides qui permet d'aller assez loin dans les prédictions de façon

analytique. En pratique c'est toujours une approximation. L'équation de l'entropie 10-16

montre que sous ces approximations :

0Dt

DS

Dt

DpT

Dt

DTCp

11.6

Comme il a été également rappelée, la constance de l'entropie implique la notion de

réversibilité et les écoulements isentropiques devront être clairement non turbulents

pour satisfaire à cette exigence. La relation 11.6 qui lie alors constamment température

et pression permet de voir la densité comme donnée par l'équation d'état:

Sp , 11.7

où est une fonction différente de p pour différentes particules d'entropie différente (à

moins que le flot ne soit homentropique). La grande simplification vient de ce que les

échanges entre l'énergie interne et les autres formes d'énergie sont réversibles, l'énergie

interne (et donc la température) s'adaptant passivement à la compression de l'élément

fluide selon 11.6. Définissons arbitrairement pour l'instant c (une vitesse) comme :

114

S

pc2

que l'on peut toujours calculer à partir de l'équation d'état 11.7. Ainsi un écoulement

isentropique obéit à :

0

Dt

DSpuisque

Dt

Dc

Dt

Dp 2

et les équations d'un écoulement isentropique peuvent-elles s'écrire :

S,p

FpDt

uD

0uDt

Dp

c

1.2

11.8

* Cas particulier du gaz parfait polytrope :

Dans ce cas E - E0 = cv T et H - H0 = cp T

Comme dans ce cas on peut calculer S explicitement :

1d

T

p

T

dES

L'usage de l'équation d'état fournit :

v

pv0

p0

v0

c

cpcSS

pRTcSS

RTcSS

avec ln

ln ln

ln ln

-

Cette dernière relation permet de voir que p est dans ce cas proportionnel à γ lors d'un

écoulement isentropique. Alors après usage de l'équation d'état des gaz parfaits

(R' = R/M où M est la masse moléculaire du gaz).

T'Rp

c2

11.9

gaz monoatomique 5/3

gaz diatomique 7/5

gaz polyatomique 1.1-1.2

115

On notera que 1cEE

1cHH

2

0

2

0

et en fonction de la quantité c.

3) Ondes acoustiques

Supposons que l'on considère une masse de fluide au repos de densité 0 et

pression p0. Des forces extérieures existent en général induisant une distribution de

pression :

00 pF

Si on considère de petites perturbations autour de cet état de repos caractérisées par de

petits écarts 0101 ppp, , on obtient facilement l'équation du mouvement

linéarisée en négligeant les produits de petites quantités dans 11.8 :

0ut

p

c

1

pFt

u

1

2

0

110

(a )

(b )

11.10

où 22

0 cc est évalué à 00 ,p , de sorte que l’équation d’état est : 2

011 cp

Eliminant .u entre ces 2 équations :

2

0

111

2

2

1

2

2

0 c

pFFp

t

p

c

1

11.11

Dans le cas de la gravité, F = (g) est un vecteur constant, sa divergence s'annule et si la

pression varie sur des échelles L petites devant gc2

0 le dernier terme est négligeable.

Sous cette approximation, 11.11 est équivalent à l'équation d'onde classique de

propagation de la lumière dans le vide. La quantité c précédemment introduite apparaît

donc comme la vitesse de propagation de ces ondes acoustiques. Elles sont non

dispersives, isotropes et aussi longitudinales. Prenons en effet, une propagation dans

une direction x choisie arbitrairement. Il est alors facile de vérifier que les expressions

suivantes sont solutions de 11.11 ( après omission dernier terme à droite):

tcxf ou tcxfp 001

Ceci veut dire que la forme du signal est préservée lors de la propagation d’où le terme

non dispersif (toutes les composantes de Fourier se déplacent a la même vitesse).Après

usage de 11.10 on trouve aussi que seule la vitesse dans la direction x de propagation est

non nulle (d’où le terme longitudinal):

0

10

00

1 cc

pu

116

On notera :

1) que les fluctuations de pression de l'ordre de 0c0u sont très grandes dans une onde

acoustique, bien supérieures à la valeur 2

0u21 observée pour les écoulements

incompressibles.

2) quand les forces extérieures sont conservatrices en prenant le rotationnel de 11.10 (a),

on remarque que la vorticité obéit à :

0t

et donc qu'elle ne se propage pas ! Ainsi la partie rotationnelle du champ de vitesse

est indépendante du temps et seule la partie irrotationnelle (qui dérive d'un potentiel

de vitesse) est associée avec la propagation du son.

Newton découvrit très tôt les lois de cette propagation, à peu près en même

temps que les premières expériences pour déterminer l'équation des gaz étaient

réalisées. Il mesura assez bien expérimentalement la valeur de c ( en utilisant l'écho sur

les murs du cloître du Trinity College) mais crut que la propagation d'une onde

acoustique s'effectuait de façon isotherme. Dans l'air à 20°C, ceci implique

0

02 pc

soit 290 m s

-1, une valeur assez significativement plus basse que la valeur

expérimentale de 340 m s-1

. Laplace, un siècle plus tard, reconnut que dans une onde

acoustique les éléments de fluide sont comprimés et effectuent du travail qui augmente

l'énergie interne et donc la température de l'élément. Ces échanges s'effectuant de façon

réversible, la propagation n'est pas isotherme mais isentrope; dans ce cas la relation 11.9

fournit la valeur correcte pour un gaz parfait. De la connaissance de l'équation d'état de

l'eau, on peut également déduire la vitesse du son dans l'eau qui est de l'ordre de 1 400

m s-1

plus rapide certes, mais pas du tout dans le rapport des densités entre air et eau qui

est lui de l'ordre de 103. Les ondes acoustiques dans l’océan sont très utilisées pour

transmettre des signaux. A des fréquences assez basses (200 Hz) des portées de 1000 a

1500 Km peuvent être obtenues.

4 ) Dynamique des gaz

Étudions maintenant quelques propriétés des écoulements à grande vitesse pour lesquels

la considération des effets compressibles est fondamentale.

Ecoulement permanent compressible dans un tuyau de section variable

On va supposer que la section du tube A change lentement

de façon que l’écoulement reste à peu près 1D. De plus l’écoulement

est isentropique (pour l’instant). Les trois équations qui permettent de

prédire comment le flot évolue le long du tuyau sont les suivantes :

Masse : ρVA = cste

v

117

Euler : VdV = - dP/ (on néglige les forces de frottement sur les

parois).

Equation d’état :

S

2 Pc

d

dP

Si M = V/c est le nombre de Mach on obtient assez facilement:

)M1(V

dV

A

dA 2

et aussi : )M1(V

dp

A

dA 2

2

Nozzle and diffuser shapes as a function of initial Mach number.

(i) dA = 0 : deux possibilités : soit dV = 0, V ne change pas, soit M = 1 et donc V

= c.

(ii) Convergent (une buse) dA < 0. SI le flot est subsonique on voit que le flot

accélère (dV > 0). Comme le flot accélère, la pression diminue (d’après

l’équation d’Euler). Par contre si le flot est supersonique (M > 1), le flot

ralentit et la pression augmente.

Les cas opposés se retrouvent pour un divergent dA > 0 (voir figure). Si on

veut obtenir une poussée maximum pour une fusée, on a intérêt à éjecter les gaz à la

plus grande vitesse possible et donc à dépasser la vitesse du son.

Il faut d’abord accélérer le fluide dans le régime subsonique via un

convergent puis ensuite quand l’écoulement devient supersonique il faut un divergent.

A la section minimale de la tuyère on est dans le cas (i) et M = 1. La buse de Laval ci-

dessous est utilisée pour créer une soufflerie supersonique :

118

De façon assez remarquable l’expérience montre que ce passage subsonique

– supersonique est bien capturé par l’hypothèse isentropique mais par contre l’inverse,

(on renverse le sens de l’écoulement dans la figure ci-dessus) c'est-à-dire le

ralentissement d’un écoulement supersonique à subsonique génère des chocs, des

discontinuités, impliquant des irréversibilités (transfert de chaleur et dissipation).

Quelques définitions pour le gaz parfait

On peut réécrire la relation de Bernouilli en fonction de la vitesse du son

locale sous la forme :

2

1 q

2 +

1

c2

= cste

puisque H – H0 = c2/-1 où c est la vitesse du son (RT)

1/2 .Si on définit la constante de

Bernouilli pour les conditions de stagnation (q = 0) avec l’indice o, on a :

1

c

1

cq

2

12

0

22

11.12

Les conditions « dites critiques » pour lesquelles q = c (notées par *)

s’écrivent :

1

c

1

cc

2

12

0

22

dont on déduit :

2/1

01

2cc

De la relation de Bernouilli et des relations adiabatiques reliant T, p et , on peut

déterminer donc T, et p à n'importe quel point de la ligne de courant en fonction de la

vitesse q en ce point :

La buse de Laval.

119

1

2

0

2

0

11

2

0

2

0

2

0

2

0

C

q1

2

11pp

C

q1

2

11

C

q1

2

11TT

Maintenant tout ceci présuppose qu'aucune discontinuité ne se présente dans

l'écoulement. Pour certaines conditions amont-aval, ceci n'est pas vrai.

Les Ondes de choc

L’expérience la plus simple est celle où un piston accélère pour accélérer un

fluide initialement au repos. L’ajustement se fait par émission d’ondes acoustiques

représentées dans le diagramme caractéristique de la figure ci-dessous.

(a) Development of a shock wave by a piston accelerating into a gas-filled tube ;

(b) Development of a rarefaction wave by a piston accelerating out of a gas filled

tube

Comme la pression augmente par « derrière », les ondes acoustiques voient

leur vitesse augmenter. Les ondes émises plus tard rattrapent les ondes émises plus tôt et

le schéma montre comment au cours du temps le front de p se raidit pour devenir

vertical : un choc apparaît. La figure montre aussi le cas inverse (l’expansion) où le

piston se retire. Les vitesses des ondes dans le diagramme (x,t) forme un éventail et

aucun choc n’apparaît.

120

Nous n'analyserons que ce qui est couramment appelé le choc normal, le

vecteur vitesse étant dans ce cas normal à la surface de discontinuité. Celle-ci est très

mince, de l'ordre du libre parcours moyen des molécules et donc de très forts gradients

de propriétés existent au travers d'un choc conduisant à des états hors d'équilibre et des

irréversibilités posant beaucoup de problèmes difficiles.

En général ces chocs se propagent avec leur vitesse propre différente de la

vitesse locale du fluide. Si on se place donc dans un référentiel lié au choc l'écoulement

est stationnaire. Si on dénote par [ ] la différence entre les variables de part et d'autre du

choc, conservation de la masse, de la quantité de mouvement et de l'énergie au passage

du choc impliquent :

0q2

1Het

0pq

0q

2

2

Gaz 1 Gaz 2

p1

1 v1

h1

p2

v2 2

h2

choc

On considère que l’écoulement du côté 1 est connu et on se propose de

déterminer les propriétés de l’écoulement du côté 2.

La deuxième équation s’écrit : p2 – p1 = 1 V1 (V1 – V2)

La troisième est ré-écrite : H1 – H2 + ½ (V1 + V2)( V1 – V2) = 0

Soit en remplaçant au profit de p2 – p1 :

H1 – H2 + ½ (V1 + V2)11

12

V

)pp(

= 0

En utilisant la conservation de la masse 1v1 = 2V2 on élimine les vitesses

pour obtenir la relation de Rankine – Hugoniot :

H1 – H2 +

21

11

2

1 (p2 – p1) = 0

On l’appelle aussi adiabate dynamique du gaz. Comme l’enthalpie est connue en

fonction de p et de , pour le gaz parfait ce sera H = /( - 1) p/ on en déduit :

121

1

2

1

2

1

1

2

1

11

1

21

p

p

courbe tracée sur la figure ci-dessous :

Courbe de Rankine-Hugoniot d’un gaz parfait (γ = 1,4).

Maintenant à partir de l’équation de continuité et de la quantité de mouvement :

21

11

12 vvpP

En se servant de la relation Bernouilli (énergie) ré-écrite comme :

2

c

1

1v

2

1p

1v

2

1p

1

2

2

2

2

22

1

1

1

= cste

d’où : 1

1

2

11

1 v2

1

v

c

2

H

v

p

et 2

2

2

22

2 v2

1

v

c

2

H

v

p

Mais comme : v2 – v1 = 22

2

11

1

11

12

v

p

v

p

v

)pp(

on obtient au final : v2 – v1 = )vv(2

1

v

1

v

1c

2

112

21

2

Cette équation a une solution triviale v1 = v2 et une autre donnée par :

122

v1 – v2 = 12

122 ppc

Lorsque la vitesse 2 (en aval) est subsonique, la relation précédente montre que v1 est

alors supersonique. On peut vérifier que ceci est le seul cas possible en calculant la

variation d’entropie au travers du choc qui est dans ce cas positive. Si on renversait le

sens de l’écoulement, le 2ème

principe serait violé. Donc le choc ne se produit que lors

de la transition supersonique – subsonique. A partir des relations précédentes, on peut

calculer les rapports de toutes les quantités en fonction du nombre de Mach incident M1

= v1 /c1. Elles sont illustrées sur la figure :

Variation de p, , T, p0 et M à travers une onde de choc normale (γ = 1,4).

Lors d’un vol supersonique on voit que la vitesse diminue au voisinage du nez de

l’avion et un choc va se former lorsque M = 1. Plus près de la paroi l’écoulement

redevient subsonique. L’élévation soudaine de la pression lors du choc fait séparer la

couche limite, la traînée augmente dangereusement et l’écoulement devient turbulent.

Les premiers vols supersoniques après la fin de la 2ème

guerre mondiale se sont terminés

tragiquement.

Finalement il est intéressant de considérer l’avion comme source d’ondes acoustiques et

de voir comment celles-ci se propagent selon la vitesse de la source.

123

Propagation of sound waves from a moving source : The mach cone.

La figure résume la situation. Si v est supersonique les fronts d’onde sont contenus dans

un cône, le cône de Mach dont le demi-angle au sommet se détermine ainsi :

A

H

O

124

A t = 0 une onde est émise en A et arrive en H à t donc HA = c t. Mais dans le même

temps l’avion est en O donc OA = v t et sin =c/v = M-1

. Notez également que la

projection de la vitesse de l’avion sur HA est précisément égale à c.

De l’angle du « cône de bruit », on peut ainsi remonter à la vitesse. On a réalisé

expérimentalement que la traînée sur une aile supersonique pouvait être diminuée

considérablement en donnant aux ailes un angle inférieur à l’angle du cône de Mach.

Modèle idéalisé de formation de chocs

La formation de chocs est la marque des systèmes hyperboliques non

linéaires dont les équations de la dynamique des gaz forment un cas particulier. Des

phénomènes analogues existent pour les ondes de gravité. Il est possible de comprendre

physiquement ce qui arrive avec des exemples plus simples que ceux de la dynamique

des gaz. Mathématiquement, il faut aborder la théorie des caractéristiques qui permet

de trouver les solutions d'équations différentielles, partielles, du premier ordre quasi-

linéaires.

Considérons l'équation d'onde :

t + c0 x = 0

La solution = f(x – c0t) indique bien une propagation sans déformation de la condition

initiale f(x). On peut aussi observer que est constant le long de la courbe dans le plan

x, t donnée par:

000 xtcxou cdt

dx

Cette courbe est appelée caractéristique. Cette notion de caractéristique se généralise

pour résoudre des problèmes non linéaires du type :

0c xt 11.13

La nouveauté est maintenant que la vitesse de propagation c est fonction de l'amplitude.

Cette équation contient de façon surprenante les idées essentielles sur la propagation

d'ondes hyperboliques non linéaires. On peut voir que t + c()x est la dérivée totale

de la fonction (x, t) le long d'une courbe C de pente :

cdt

dx

Pour toute courbe C dans le plan x-t, x et peuvent être considérés comme fonction de t

et alors :

125

xdt

dx

tdt

d

On voit qu'il est possible de déterminer simultanément la courbe C et la solution sur

C à partir des 2 équations différentielles ordinaires :

cdt

dx

0dt

d

11.14

Dans ce cas particulier, comme est constant sur C , c() est constant et la courbe C

est une droite dans le plan (x, t) de pente c() correspondant à la valeur de sur cette

droite.

Supposons que = f(x), t = 0 sur - < x < + et construisons le diagramme

caractéristique :

Si une droite C coupe

t=0 en x = alors = f() sur cette

droite. Sa pente est c(f() = F(), et

F() est une fonction connue de :

la droite a alors pour équation :

x = + F() t 11.15

et sur cette droite la valeur de est

f(). Vérifions que ceci redonne la

solution quand est vu comme

fonction de x, t :

t = f ’()t et x = f ’()x

En utilisant 11.15 que l’on dérive successivement par rapport à x puis par rapport à t:

x

t

t'F11

t'F1F0

On obtient :

t'F1

'f

t'F1

'fFt

x

indiquant que 11.13 est bien vérifié ainsi que la condition initiale. Les droites en

question sont les caractéristiques de ce problème. Chaque caractéristique représente une

onde transportant de l'information sur la solution. On peut dire que différentes valeurs

de se propagent avec la vitesse particulière c(). La solution à un instant t peut être

construite en déplaçant chaque point de la courbe initiale d'une distance c()t à droite.

La grande nouveauté vient de ce que cette distance n'est pas constante. Supposons c'()

> 0, alors :

126

les valeurs fortes de se propageant plus vite que les valeurs faibles, un point de

déferlement est atteint en 2 pour atteindre en 3 une solution à 3 valeurs pour . Cette

singularité dans la solution (on parlera de choc) arrivera dès que x et t deviennent

infini. Soit pour :

B

B'F

1t

c'est-à-dire sur la caractéristique = B pour laquelle F'() < 0 et de valeur absolue

maximum. Dans le diagramme caractéristique ce choc apparaît comme la première

intersection des caractéristiques. A partir du moment où le choc arrive, la solution

mathématique cesse de représenter un processus physique et on doit retourner vers les

équations de départ pour rajouter ce qui manque : les processus de diffusion -

dissipation sont des candidats évidents pour guérir ces singularités. La formation des

chocs en dynamique des gaz ou en eau peu profonde est certes plus compliquée à étudier

que 11.13 mais la formation de choc dans les systèmes hyperboliques non linéaires vient

toujours de ce que la vitesse de propagation de l'onde dépend maintenant de l'amplitude

de la perturbation.

x

127

Ecoulement supersonique autour d’un profil mince

L’écoulement supersonique autour d’un profil mince ressemble à ceci :

Il n’y a aucune déformation de l’écoulement amont à l’exception de al zone entre les

lignes de Mach. Cherchons l’écoulement permanent, 2D, de petite amplitude autour

d’un profil mince. Comme pour les ondes acoustique on va linéariser autour de

l’écoulement uniforme :

u = U + u1

v = v1

p = p0 + p1

= 0 + 1

Comme précédemment, p1 et 1 sont reliés par :

P1 = 20C 1

L’équation d’Euler (2D) linéarisée devient :

0 U x

u1 = - p1

En éliminant la pression l’équation de vorticité devient :

0 U x

= 0

ce qui montre que la vorticité est indépendante de x, mais comme elle est nulle loin en

amont et loin en aval, elle est donc nulle partout et il existe un potentiel dont dérive les

composante de u1. On en déduit :

p1 = - 0 U x

D’autre part l’équation de conservation de la masse linéarisée devient :

C

E F

D

A B

128

0 u1 + x

1

+ à

Après substitution au bénéfice de dans cette équation, on obtient :

(1 – M2)

2

2

x

+

2

2

y

= 0

Considérons les conditions aux limites sur le profil. La surface supérieure est définie par

l’équation y = f(x), 0 < x < L et donc :

1

1

uU

v

= f ’(x) sur y = f(x)

Comme les perturbations sont petites devant U, on réalise que ceci n’est possible que si

| f’(x) | << 1 qui est donc la condition aux limites ci-dessus donne :

v1 = y

= U f ’ (x) sur y = O

+

Il y a bien sûr une condition similaire pour y = O-.

Lorsque M > 1, l’équation ci-dessus est une équation d’onde et les solutions sont de la

forme :

= F (x – By) + G (x + By)

où B = (M2 – 1)

1/2.

Les droites x – By = cst et x + By = cst sont les lignes de Mach et sra nul en amont de

AC et AE. Comme est continu sur AC :

O = F(O) + G (2x)

Ce qui montre que G est constant et l’on peut choisir G = 0. En aval de AC on a :

= F(x – By)

avec F(O) = 0

Pour déterminer la fonction F, on applique la CL en y = O+ :

- B F’(x) = U f’(x)

O < x < L

de sorte que F(x) = - U/B f(x)

et ainsi : = -U/B f(x – By) pour y > 0, 0 < x – By < L

129

et “en dessous” :

= -U/B f(x + By) pour y > 0, 0 < x + By < L

Ainsi est aussi zéro en aval de BD et BF. Notez que :

v1 = U f ’ (x – By) pour y > 0

Ceci veut dire qu’entre AC et BD la pente des ligne de courant (v1/U) est f ’ (x – By) qui

est constante sur x – By = cste. Ainsi entre les lignes de Mach les lignes de courant ont

la même forme que l’aile !

Le coefficient de pression Cp = 2

1

U2

1

p

devient :

Cp = U

u2 1 =

2/12 )1M(

)x('f2

La pression en un point du profil ne dépend que de la pente de la surface en ce point.

C’est une forte différence avec l’écoulement subsonique où une région du profil en

influence une autre. La portance L et la traînée D (par unité de largeur) sont :

L = -

dx)x('f

1M

2U

2 2

2

D =

dx)x('f

1M

2U

2 2

2

Les intégrales étant effectuées sur les surfaces supérieures et inférieures. Ces relations

montrent que la grande efficacité d’une aile en écoulement subsonique est perdue

quand le flot devient supersonique : en effet les pressions en régime supersonique

montrent une distribution antisymétrique pression positive en amont et négative en

aval, créant une « traînée de forme » non nulle.

La physique comparée ainsi décrite peut se comparer avec le cas incompressible :

+

-

130

Sur le dessin ci-dessus les lignes de courant du flot compressible sont plus déformées

(plus élargies) que celles du flot incompressible (pointillé). En effet à vitesse

supersonique, le tube de courant « doit » s’élargir lorsque la pression chute et que la

vitesse augmente. Ceci est une conséquence directe de l’élasticité du fluide dont le

volume augmente lorsque la pression diminue. On s’attend donc à ce que la déformation

créée par le profil s’atténue beaucoup moins vite avec la distance au profil.

131

Chapitre XII

INSTABILITES HYDRODYNAMIQUES

L'étude des processus conduisant aux instabilités d'un écoulement particulier

joue un rôle très important en Hydrodynamique. Ceci est logique, car les écoulements

stables ont les plus grandes chances d'être observés en pratique. Une tendance vers

l'instabilité peut se produire si des gradients d'énergie cinétique ou d'énergie potentielle

sont présents. D'une façon générale si ces gradients sont suffisamment forts,

l'écoulement deviendra instable. De petites perturbations sont alors amplifiées

rapidement conduisant parfois à une situation où les "échelles" de l'écoulement sont si

nombreuses et où les interactions entre ces échelles sont si fortes que le flot sera qualifié

de turbulent. Ces perturbations ont néanmoins toujours l'effet de lisser les gradients à

l'origine de l'instabilité et de restaurer une situation d'équilibre. Dans la plupart des

systèmes naturels, l'équilibre observé n'est pas celui d'un écoulement permanent isolé

mais, celui d'un écoulement en interaction non linéaire incessante avec des

perturbations. Ces situations sont très complexes et font l'objet de beaucoup de

recherches tant en Météorologie qu'en Océanographie. Le problème de l'équilibre du

climat terrestre par exemple, relève complètement du domaine de la stabilité

hydrodynamique.

1. Concepts de base

Si on considère un pendule rigide, l'étude de l'équilibre montre qu'il existe

deux positions d'équilibre, pour lesquelles la droite passant par le centre de gravité et le

point d'appui est vertical.

Seule une étude de la stabilité permet de dire laquelle sera observée en

pratique. Ecartons très légèrement le pendule de sa position d'équilibre.

A B

132

En A la perturbation s'amplifie alors qu'en B, le pendule revient vers sa position

d'équilibre et oscille autour de celle-ci : B représente donc une configuration stable

susceptible d'être observée : elle l'est.

Ce petit exemple contient tous les ingrédients nécessaires à l'étude de la stabilité

hydrodynamique. La première étape consiste à déterminer un écoulement de base U (x,t)

dans une situation d'équilibre cad qui satisfait les équations du problème. Ainsi il s'agit

de déterminer l'évolution temporelle des perturbations u (x,t)-U (x,t).

Définition :

On parlera de stabilité au sens de Liapunov si :

t,xUt,xu 0,xU0,xu ,0

traduisant le fait que si l'écart à l'écoulement moyen est petit initialement à l'instant

t = 0, il restera petit pour tout temps ultérieur. On parlera de stabilité asymptotique si :

t

0 t,x Ut,x u lim

On va se borner dans ce qui suit à étudier la stabilité linéaire d'écoulements

permanents. On considère un écoulement de base U (x) plus une perturbation u' (x,t).

Introduisant cette forme dans les équations du mouvement, on simplifie ensuite celles-

ci, en négligeant tous les produits de perturbations u'2, u'v' etc. Cette étape dite de

linéarisation implique que l'on va étudier la stabilité au regard de perturbations

infinitésimales de l'équilibre. *

On obtient alors un système d'équations différentielles partielles homogènes

à coefficients dépendant de l'espace mais pas du temps. On peut donc chercher des

solutions de la forme :

Re (p (x) e st) où s= i .

L'objectif est de déterminer valeurs et modes propres du système homogène (c'est-à-dire

s et p(x)). Quand le système a des symétries spatiales, on pourra utiliser des

transformées de Fourier spatiales pour exprimer p(x) sous la forme :

p (x) = p (k, l, m, s)e i(kx + ly + mz) dk dl dm

auquel cas les fonctions p eik. x sont les modes propres du système (encore appelés

modes normaux en Mécanique). Pour assurer la stabilité au sens de Liapunov, il faut

d'autre part que les modes soient complets pour qu'une déformation arbitraire puisse être

décomposée de façon unique sur ces modes. (C'est évidemment le cas des modes de

Fourier). Reportant l'expression pour un mode dans l'équation différentielle, on obtient

l'équation aux valeurs propres :

F (s, k, l, m) = 0

133

Dû à la linéarité de l'équation de départ, chaque mode apparaît indépendamment des

autres, ce qui simplifie considérablement l'étude de l'équation aux valeurs propres

(appelée aussi relation de dispersion).

Si = Re(s) > 0 le mode est instable

= 0 le mode est neutre

0 le mode est stable asymptotiquement.

Une notion importante est celle de stabilité marginale. La stabilité est en

effet gouvernée par des paramètres proportionnels aux gradients des quantités à l'origine

de l'instabilité. Si pour une valeur critique de ces paramètres, est nul alors que pour

une valeur infiniment voisine, est positif, la stabilité est dite marginale. La courbe ou

surface de stabilité marginale dans l'espace des paramètres indique alors le seuil

d'instabilité. Dans la majorité des cas l'objectif sera donc de déterminer ces surfaces de

stabilité marginale dans l'espace des paramètres.

D'autre part si 0 et =Im(s) 0, on parle alors d'instabilité oscillatoire

ou de sur-stabilité tandis que si = 0, l'instabilité apparaît comme un écoulement

secondaire également stationnaire. On parle alors dans ce dernier contexte "du principe

d'échange de stabilités". Ces différentes possibilités sont illustrées dans les exemples qui

suivent.

2. L'instabilité de Kelvin - Helmholtz

Il s'agit ici de déterminer sous quelques conditions deux fluides superposés

de densité différente peuvent glisser sans frottement l'un au-dessus de l'autre.

Le fluide léger (2 < 1) étant au-dessus du lourd, la situation représente par

exemple l'eau légère "Atlantique" rentrant en Méditerranée au-dessus de l'eau plus salée

et plus dense sortant par le détroit de Gibraltar. Le fluide étant initialement irrotationnel

(à l'exception de l'interface qui représente une feuille de vorticité), il reste irrotationnel

dans chacune des couches.

* Notons qu’un écoulement stable au regard de perturbations infinitésimales n’implique nullement la stabilité vis-à-vis de perturbations d’amplitude finie.

z

x

2

1

134

Dans l'hypothèse d'un fluide incompressible, on a dans chaque couche :

0i

2

z

U lim avec ii

L'interface est une surface matérielle Dt

D ,z i

iz , et la pression est continue. Le

théorème de Bernouilli donne :

i

i

ii2

i Cp

gzt2

1

Ces conditions se ramènent pour les perturbations linéarisées à :

xU

tDt

D où

gDt

Dg

Dt

D

Dt

D

ii

'

22

2

'

11

1

i'

iz

[On a utilisé le résultat que le flot de base satisfait aussi à l’écoulement de Bernouilli

pour obtenir 2

222

2

111 U2

1CU2

1C ]. Les coefficients des équations

différentielles étant constants, les modes normaux dans le plan horizontal sont des

modes de Fourier :

KZ

11

KZ

22

21

22

st +ly + kxi''

i

e A

e A

: aon ,lkK Si

eˆ , ,

135

En reportant dans les conditions aux limites, on obtient après quelques lignes de calcul,

l'équation aux valeurs propres :

Kg UU

k U U

iks2

1

21

212

212

2 1

212

21

2211

12-1

12-1 permet de conclure rapidement, quant aux valeurs réelles ou complexes de s.

La condition : 22121

22

2

2

1 UU k Kg

est une condition nécessaire et suffisante de stabilité pour le mode (k, l). En définissant

la gravité réduite g' par 21

21g

et le nombre de Froude F (sans dimension) par

21

21 L 'g/UU (L étant une échelle de longueur arbitraire), la courbe de stabilité

marginale est définie par :

221

212

.

2

. FcosKL

12-2

étant l'angle que fait le vecteur d'onde horizontal K avec l'axe Ox. 12-2 montre que les

modes les plus instables ont leur crêtes perpendiculaires à l'écoulement moyen ( = =

0). Pour cette valeur de et pour une valeur du cisaillement donné, il est toujours

possible de trouver une valeur de K suffisamment élevée pour être dans le domaine

instable. Ainsi comme le montre la figure ci-dessous, l'instabilité est plus favorable aux

ondes courtes. (Un effet négligé, ici "la tension de surface à l'origine de la capillarité"

stabilisera l'écoulement aux très petites longueurs d'ondes)

Le facteur déstabilisant dans l'instabilité de Kelvin Helmholtz est bien

entendu le cisaillement de courant, l'influence de la stratification étant par contre

stabilisant. Si on laisse agir les instabilités, celles-ci vont lisser les gradients de densité

et de vitesse de l'écoulement moyen.

instable

stable

F

kL

136

(a) (b) densité vitesse

Dans la situation en pointillé obtenue après un certain temps, l'énergie

potentielle de l'écoulement moyen a augmenté en (a) (le centre de gravité a monté) alors

que son énergie cinétique a diminué en (b). C'est donc bien cette dernière qui est à

l'origine de l'instabilité, une fraction ayant été également utilisée pour élever le centre de

gravité du système. Cet effet est à l'origine des différences de comportement du vent

entre la journée et la nuit. Le vent augmente généralement en altitude et est instable

particulièrement dans la journée où le sol chaud réduit considérablement les différences

de densité. Le refroidissement nocturne par rayonnement infrarouge crée à l'inverse une

stratification très stable (les météorologistes parlent d'inversion) et la turbulence générée

par le cisaillement est considérablement amortie. Les vents nocturnes sont beaucoup

moins turbulents.

On notera les limites intéressantes de 12-1 :

a) K'g0UU 2

21 relation de dispersion des ondes internes se

propageant le long de l'interface. Il s'agit de modes stables largement observés dans

l'atmosphère et l'océan dont la dynamique est ici proche de celle des vagues à l'interface

air-mer. Ce sont des ondes dispersives (leur fréquence varie non linéairement avec le

nombre d’onde).

b) 212121 UU k 2

1 UU iks C’est la situation d'une feuille

de vorticité qui est donc toujours instable. Le taux de croissance de l'instabilité est

d'autant plus grand que la longueur d'onde est courte. En pratique, une feuille de

vorticité a toujours une certaine épaisseur de transition causée par la diffusion et l'on

observe que les perturbations les plus instables ont une échelle caractéristique de l'ordre

de cette épaisseur.

137

138

3. Ecoulements parallèles

Puisque le cisaillement de courant est à l'origine de l'instabilité de Kelvin-

Helmholtz, sa distribution a fait l'objet de nombreuses études mathématiques pour tenter

de classer les différents profils quant à leur stabilité. Le problème peut s'étudier en

bidimensionnel car le théorème de Squire précise qu'à chaque perturbation instable 3D

correspond une plus instable 2D. Explorons la situation suivante d'un écoulement

parallèle dans un canal.

L'équation pour les perturbations d'un profil moyen U (y) est obtenue en écrivant

simplement que la vorticité d'une particule fluide est conservée en 2D :

0Dt

D 12-3

où ,dy

dU2 étant la fonction courant associée aux perturbations et la

composante de la vorticité perpendiculaire au plan de l'écoulement. Après linéarisation

pour de petites perturbations on obtient :

0U x

Ut

yyx

2

12-4

Les conditions aux limites associées à cette équation dite de Rayleigh sont simplement

que x est nul ce qui implique ici 0. 12-4 étant invariante par translation en x on

peut choisir ctxike y Re .

Décomposant c = cr+ici, on voit que l'étude se résume à déterminer les valeurs propres

de i en fonction de k :

Si ci > 0 : stabilité

ci < 0 : instabilité

ci = 0 : neutralité

139

L'équation aux valeurs propres est :

0yy avec

0 UkcU

21

yy

2

yy

12-5

Cette équation 12-5 est évidemment difficile à résoudre analytiquement (elle présente

notamment une singularité irrégulière lorsque U-c s'annule sur l'axe réel), mais Rayleigh

a pu dire beaucoup de choses sans calculer explicitement les modes et valeurs propres

d'un profil U (y) donné.

Si on prend le complexe conjugué de 12-5, on voit que si est un mode

propre associé à c pour une certaine valeur de k alors le conjugué * est associé à c*

pour la même valeur de k. Comme à chaque valeur positive de ci en correspond une

autre négative, la stabilité exige que ci soit nul.

Le théorème de Rayleigh

Supposons que 'l'écoulement soit instable (ci 0), alors U- c n'est jamais

nul et on peut réécrire 12-5 :

0cU

U k

yy2

yy

12-6

Multiplions 12-6 par * et intégrons sur l'intervalle [y1, y2]. Après quelques intégrations

par parties, on trouve :

0dy cU

U dy k 2

2y

1y

yy2y

1y

222

y

12-7

La partie imaginaire de 12-7 fournit :

0dy cU

U c

22y

1y 2

yy

i

12-8

Si l'écoulement est instable, 12-8 prédit que Uyy doit prendre des valeurs positives et

négatives sur l'intervalle [y1, y2] et qu'il existe donc nécessairement un point d'inflexion

yi pour lequel :

21iyy y ,y ypour 0U 12-9

En d'autres termes la vorticité de l'écoulement de base doit présenter un extremum pour

qu'il y ait instabilité. Si cela n'est pas le cas, l'absence de point d'inflexion dans le profil

fournit une condition suffisante pour conclure sur la stabilité de l'écoulement.

140

Théorème de Fjortoft

La considération de la partie réelle de 12-7 fournit une condition plus forte

d'instabilité :

0dy kdy cU

cUU

2y

1y

222

y

2

2

r2y

1yyy

Maintenant si (ci 0), 12-8 permet d'écrire :

0dy cU

U Uc

22y

1y 2

yy

ir

où Ui est la valeur de U au point d'inflexion en y=yi On en déduit :

0 dy cU

UU U 2

2

i

2y

1yyy

et donc la quantité Uyy (U-Ui) est nécessairement négative quelque part sur l'intervalle.

Considérons les profiles suivants :

(a) (b)

(c) (d)(e)

(a) et (b) sont stables puisque dénués de points d'inflexion. (c) a un point d'inflexion

mais les cisaillements maximum étant situés aux frontières, le théorème de Fjortoft

permet de conclure à la stabilité. Les profils (d) et (e) répondent aux 2 conditions

nécessaires de Raleigh et Fjortoft et sont donc potentiellement instables.

141

Pour juger de l'intérêt de ces résultats en pratique, il ne faut pas oublier que

l'on a toujours affaire à un fluide réel. Quand les effets de viscosité sont ajoutés 12-5

devient l'équation de Orr-Sommerfeld une équation différentielle du quatrième ordre qui

a été largement étudiée numériquement. Pour un profil U = U0 tanh ly

(qui ressemble

au profil (d) ci-dessus) la courbe de stabilité marginale à l'allure suivante.

klstable

instable

Ci=0

Re

Le paramètre Re est le nombre de Reynolds lUo qui gouverne l'étude de la stabilité.

Pour un nombre d'onde donné, il existe une valeur critique du nombre de Reynolds en-

dessous (en-dessus) de laquelle le flot est stable (instable). Notons que même quand le

nombre de Reynolds est très faible (viscosité dominante), l'écoulement est instable pour

les grandes longueurs d'onde. L'étude sur de nombreux profils montre qu'en général la

théorie non visqueuse présentée précédemment donne d'assez bons résultats.

4. Instabilités thermiques (ou convectives)

Parmi toutes les instabilités, celles qui sont causées par l'existence d'un

gradient de température, tiennent une place considérable du fait de leur applications si

diverses tant parmi les sciences de l'ingénieur que celles des fluides terrestres

(atmosphère, océan, intérieur de la terre). Dans le paragraphe 2 l'existence d'une

stratification en densité a déjà été rencontrée dans une configuration de stabilité

correspondant au cas où le fluide chaud est en haut et le fluide froid en bas. Dans bien

des situations le forçage du fluide se fait en chauffant par dessous et en refroidissant par

dessus auquel cas les forces de flottabilité joue un rôle déstabilisant : c’est le cas de

l’atmosphère chauffée par le sol, des couches externes de la terre plus froides que

l’intérieur, de l’océan soumis à refroidissement hivernal. Dans un fluide réel, viscosité

et diffusion vont s'opposer à cette déstabilisation et la question se pose de savoir qui va

l'emporter et dans quelles conditions. Le problème classique est celui dit de Rayleigh-

Bénard d'un fluide maintenu entre 2 plaques infinies, horizontales maintenues à

température constante T1 en haut (T2 en bas) avec T2 > T1. Il n'y a aucune échelle de

longueur dans le fluide si ce n'est l'épaisseur d'entre les plaques et une prédiction

importante va donc être de déterminer les échelles horizontales et verticales des

perturbations quand il y a instabilité. Une solution est de faire des expériences (ce qui

fut le cas de Bénard) et une poêle à frire remplie d'une mince couche d'huile sur laquelle

on aura saupoudré une poudre de cacao, montrera les belles structures convectives qui

apparaissent dès que le chauffage est suffisant. Malheureusement l’interprétation de

cette expérience simple avec surface libre fait aussi intervenir la variation de la tension

de surface avec la température (effet Marangoni). Rayleigh, quant à lui s'intéressa au

problème théorique, ce que nous allons faire avec lui.

142

Les paramètres physiques décrivant la situation sont :

: viscosité cinématique

k : diffusité thermique

gT : l'accélération liée aux forces de flottabilité (T = T2 – T1 >0 et le coefficient

de compressibilité thermique)

d : épaisseur du fluide

Avec ces 4 grandeurs on peut former 2 nombres sans dimensions :

k

le nombre de Prandtl

k

TdgRa

3

le nombre de Rayleigh

Expérimentalement, on s'aperçoit que le fluide reste au repos tant que Ra reste en-

dessous d'une certaine valeur critique Rac dont la détermination constitue l'objectif

essentiel de la théorie linéaire. Pour des valeurs croissantes de Ra (super critiques)

l'écoulement passe par un certain nombre de bifurcations correspondant à des structures

nouvelles avant de devenir complètement turbulent. Ces bifurcations font l'objet de

recherches actives sur le sujet depuis la découverte du "chaos dit déterministe" (voir

chapitre 13).

Lorsqu'une particule fluide est accélérée sur une hauteur h pendant un temps a par les forces de flottabilité on doit avoir :

2

a

h Tg

Z

T1

T2

T2 > T1 d

143

Par contre le lissage des gradients de vitesse par la viscosité et des gradients

de température par la diffusion thermique se fait sur des échelles de temps respectives

et T données par :

k

het

h 2

T

2

v

et le nombre de Rayleigh Ra s'exprime au moyen de ces échelles de temps comme :

2

a

TvaR

Si la viscosité et diffusion dominent, une particule échange sa vitesse et sa température

par diffusion avec ses voisines dans un temps court par rapport au temps qu'elle met

pour doubler sa vitesse sur une hauteur h. Le nombre de Rayleigh est alors petit devant

un et les fluctuations sont totalement amorties. Lorsqu'il devient supérieur à un, c'est

l'inverse et l'on doit s'attendre à des perturbations instables faiblement dissipées.

Les équations dites de Boussinesq permettent d'étudier la stabilité linéaire de

façon assez peu compliquée en négligeant la compressibilité du fluide :

ugp

Dt

Du 2

TkDt

DT 2 12-10

00 TT1

0u.

Comme dans tout problème de stabilité, l'écoulement de référence Ur doit

d'abord être défini. Ici il s'agit d'un état purement conductif : le fluide est au repos et le

transfert thermique entre la paroi chaude et la paroi froide est entièrement effectuée par

la diffusion moléculaire. Les équations 12-10 deviennent :

Ur = 0

- prZ - gr = 0 12-11

2Tr = 0

fournissant d

z.TTT 2r

144

Le profil de température de l'état de référence est donc linéaire. Considérons

maintenant l'équation verticale de quantité de mouvement selon 0z pour les fluctuations

autour de cet état de référence :

ggppDt

'Dw' rzrzr

où l'on a posé = r + ’ p = pr + p’ w = w’

En tenant compte de 12-11 cette équation se réécrit :

'g'pDt

'Dw'1 z

r

r

Si les perturbations de densité (d'échelle ) sont petites, on peut faire une

approximation supplémentaire qui consiste à écrire :

r

r

r

r ordrel' à '

1

Si de plus T est telle que T est petit devant 1 dans l'équation d'état, r n'est jamais

très différent de la densité constante 0 .Cette approximation est largement utilisée pour

l'étude des océans où mêmes pour de grosses perturbations en vitesse, les variations de

densité restent très faibles pour les conditions de températures rencontrées. Le cas de

l’atmosphère est plus compliquée car on ne peut pas négliger la compressibilité.

Sous cette approximation de Boussinesq, l'équation pour les perturbations

devient :

u'

gp

Dt

uD 2

00

12-12

et l'approximation revient donc simplement à ne prendre en compte les variations de

densité que dans le terme de flottabilité. Partout ailleurs la densité est prise constante et

égale à 0 .

Après linéarisation, les équations générales pour les perturbations sont les

suivantes (en négligeant les primes) :

0u.

Tkd

TwT

ukT gp

u

2

t

2

0

t

12-13

145

dans lesquelles k est un vecteur unitaire vertical dirigé selon 0z, vers le haut. Ces

équations peuvent être arbitrairement adimensionnalisées de la façon suivante :

2

0

2

2

d p'p

T

T'T

du'u

d

k.t't

d

x'x

les variables "primées" représentant maintenant les quantités adimensionelles. Quand on

effectue ce changement de variable dans 12-13, on obtient des équations pour les

variables adimensionelles suivantes (sans réécrire à nouveau les primes)

0u.

TwT

ukT Rapu

2

t

2

t

12-14

Dans ces équations on retrouve bien sur nos deux nombres adimensionnels

Prandtl et Rayleigh. Aux équations 12-14, il faut adjoindre des conditions aux limites.

Certaines sont évidentes :

w = 0 en z = 0,1 (vitesse normale nulle à la paroi)

T = 0 en z = 0,1 (perturbation de température nulle puisque l'on maintient les

parois à température constante).

Pour les autres variables u et v, on peut soit imposer la condition habituelle

de non glissement u = v = 0 soit supposer le glissement (frontières libres) auquel cas les

contraintes ne s'annulent que si uz = vz = 0. En termes de w, le non glissement impose

wz = 0 d'après la continuité. (En effet si u = v = 0 sur la paroi, les dérivées ux, vy sont

aussi nulles). Le glissement lui impose wzz = 0 pour les mêmes raisons. Le calcul

théorique pouvant être mené jusqu’au bout, Rayleigh choisit ces conditions de

glissement tout en sachant que les expériences, elles, présupposent le non glissement.

Pour référence ultérieure l'équation de vorticité obtenue en prenant le

rotationnel de 12-14 est :

2

tTxk Ra 12-15

Le premier terme à droite indique clairement que la vorticité ne peut

s'amplifier que s'il existe des couples des forces de flottabilité causés par les gradients

horizontaux de température et générant de la vorticité horizontale perpendiculaire à ces

146

mêmes gradients. Si par exemple la température diminue dans la direction y, alors de la

vorticité positive se crée dans la direction x qui correspond à des vitesses de rotation

dans le plan yz qui a tendance à ramener les isothermes dans la position d’équilibre

horizontal. Ces couples qui créent du mouvement sont en compétition avec le deuxième

terme à droite qui représente l'effet amortissant lié à la diffusion de vorticité.

Avant de déterminer les modes normaux, il est particulièrement indiqué de

réduire le système 12-14 à une seule variable dépendante w (ou T). En prenant le

Laplacien de l'équation verticale de quantité de mouvement, on obtient :

2wt 2 pz Ra 2T 4w

et en prenant la divergence des équations de quantité de mouvement :

2 p Ra Tz 0

Soit après élimination de p au profit de T et w :

2wt Ra h

2T 4w

Tt w 2T 12-16

En éliminant T dans 12-16 on obtient l'équation cherchée du sixième ordre.

w Rawtt

2

h

222

12-17

Reste à transformer la condition aux limites T=0 en termes de w. Ce qui est possible

grâce à 12.16 appliquée sur l’une ou l’autre des frontières z=0, 1:

ww 4

t

2

Les coefficients de 12-17 étant constants, on cherche les modes normaux sous la forme

de Fourier habituelle :

stxkiezww

En posant a2 k

2, 12-17 fournit l'équation ordinaire pour w (z) :

wa RawaDasDasD 2222222

12-18

équation dans laquelle on a posé : dz

dD

Il est possible de montrer à partir de 12-18 que lorsque Ra est positif, la

partie imaginaire de s est nulle. On parle alors du principe d'échange de stabilité. En

conséquence la stabilité marginale est déterminée par s = 0 et l’état de stabilité

marginale apparaît donc comme un régime permanent de cellules de convection. (Voir

Chandrasekhar (1961), Hydrodynamic and Hydromagnetic Stability, Dover).

147

Physiquement l'instabilité apparaît pour le gradient de température minimum

pour lequel un équilibre peut être maintenu de façon permanente entre la dissipation

d'énergie et sa production par les forces d'Archimède. Les équations gouvernant l'état

marginal s'obtiennent donc en imposant s = 0 dans 12-18 :

w a RawaD 2322 12-19

Dans le cas du glissement, les conditions aux limites sont satisfaites si :

znsinw

12-19 fournit alors la relation de stabilité marginale :

3

2

222

a

a nRa

2

Pour une échelle horizontale 1/a donnée, les plus petites valeurs de Ra sont

donnés pour n = 1 et le minimum de la courbe ci-dessus correspond à une demi longueur

d'onde de 2d . On s'attend donc à ce que les rouleaux convectifs au seuil de stabilité

marginale soient des modes graves de rapport d'aspect proche de 1. Le cas du non

glissement est un peu plus compliqué à traiter car les modes propres ne sont pas aussi

simples. Il conduit à un Rayleigh critique plus élevé Rac=(1708). L'allure de la courbe

marginale peut se rationaliser physiquement à partir de l'équation de vorticité 12-15.

Si on augmente a, (réduction d'échelles), la dissipation et diffusion

deviennent plus importantes et vont finir par stabiliser l'écoulement. L'équation de

vorticité montre clairement que si a diminue, les couples de flottabilité vont diminuer

comme les gradients de température. La source d'instabilité diminue et le flot doit à

nouveau se stabiliser pour les grandes échelles. Cette théorie linéaire prédit bien les

démarrages de l'instabilité de Rayleigh Bénard. En pratique la mesure du transfert de

chaleur entre plaques est effectuée. La courbe de variation de cette quantité en fonction

du nombre de Rayleigh présentant une discontinuité à Rc, le Rayleigh critique peut être

assez bien déterminé. D'autre part, le mode vertical le plus bas n = 1 est bien celui qui

apparaît en premier, le rapport d'aspect étant proche de 1 :

Ra

n = 1

instable

stable

657

a

148

(L'excitation de modes verticaux plus élevés est prévue théoriquement pour des

Rayleigh beaucoup plus élevés mais pour ceux-ci la théorie linéaire perd tout intérêt).

Par contre la comparaison avec la théorie de l'observation expérimentale de la forme des

cellules de convection s'est avérée très confuse. Ceci est dû au fait que les expériences

initiales de Bénard (1900) démontraient l'importance du beau pavage hexagonal (ci-

dessous). Réalisées avec des surfaces libres on sait maintenant que l'origine de cette

instabilité n'est pas due seulement aux forces de flottabilité mais vient de la variation de

la tension de surface avec la température. En convection pure entre 2 plaques rigides

dans un milieu infini, la forme des cellules dans un plan horizontal reste arbitraire. En

effet seul le module a, du vecteur d'onde intervient et il n'y a pas de points ou de

directions privilégiées dans le plan. Les rouleaux bidimensionnels sont communs mais

d'autres possibilités existent. Sous certaines conditions on peut paver le plan avec des

cellules polygonales à N côtés. L'angle interne étant de N

21 , le pavage uniforme

nécessite que N

212 M2 où M est un entier. Les seules solutions entières sont

N = 3, 4, 6 et donc M=6, 4, 3 correspondant à des triangles, carrés et hexagones. Dans

les expériences, la forme de la frontière détermine la forme des cellules : les rouleaux

bidimensionnels sont les structures les plus simples et souvent observés dans des boîtes

rectangulaires. En géométrie cylindrique des rouleaux toriques apparaissent sous forme

de cercles concentriques…

Pour des valeurs du nombre de Rayleigh de l'ordre de 105, la convection est

complètement turbulente et les jolies structures ordonnées ont disparu. La plupart des

réalisations géophysiques de ce processus ont des nombres de Rayleigh quasi infinis de

sorte que l’on est dans un régime complètement turbulent (nuages convectifs, formation

d'eaux profondes océaniques).

1/4 d

d

149

150

5. Instabilités de Taylor-Couette

Une instabilité remarquable, celle de l'écoulement de Couette, a été

énormément étudiée et du fait de la facilité de sa réalisation expérimentale sert de base

pour l'exploration des régimes non linéaires encore aujourd'hui.

a. L'écoulement de Couette

On s'intéresse à l'écoulement stationnaire entre 2 cylindres concentriques

tournant à des vitesses angulaires différentes, 1 et 2, respectivement pour le cylindre

intérieur et extérieur. Couette (1890) construisit initialement une expérience avec 1 = 0

et 2 0 pour mesurer la viscosité du fluide en mesurant le couple exercé par le

cylindre extérieur sur le cylindre intérieur par l'intermédiaire du fluide. Lorsque 2 est

faible il nota que le couple est proportionnel à 2, mais par contre croît beaucoup plus

vite lorsque 2 est grand. Dans le premier cas le régime est laminaire et il mesura ainsi

la viscosité du fluide. Le second régime découvert semblait donc ne pas obéir aux

équations de Navier-Stokes mais on comprend maintenant qu'il s'agit en fait d'une

transition vers un régime turbulent pour lequel la "viscosité effective du fluide" est au

dessus de la viscosité moléculaire.

Le régime laminaire à lignes de courants circulaires obéit à :

r

p1

r

u 2

12-20

22

2

r

u

r

u

r

1

r

up

r

1

t

u 12-21

r

p10

u étant la vitesse azimuthale dans un système de coordonnées cylindriques r, , z. Si u

n'est fonction que de r et t, il n'est pas difficile de montrer (avec 12-21) que p est

indépendant de et que l'équation d'évolution de u se réduit à :

22

2

r

u

r

u

r

1

r

u

t

u

Une phase transitoire de mise en régime est initiée lorsque les cylindres commencent à

tourner. Après un temps diffusif de l'ordre 2

12 RR le régime permanent est atteint

avec la solution générale :

r

BAru

151

La vitesse intérieure devant s'ajuster à la vitesse de chaque cylindre, on obtient :

2

1

2

2

2

2

2

121

2

1

2

2

2

11

2

22

rr

rrB

rr

rrA

b. L'instabilité de Taylor

Après Couette, Taylor (1923) examina la stabilité linéaire de cet écoulement

et montra que sous certaines conditions le flot est instable, l'instabilité prenant la forme

de vortex de Taylor régulièrement répartis :

Avant d'examiner cette solution, Rayleigh (1916) dans un autre contexte produisit un

remarquable critère non visqueux au sujet de la stabilité d'un flot circulaire régi par une

loi de vitesse angulaire r .

"En l'absence de viscosité, la condition nécessaire et suffisante pour qu'une

distribution de vitesse angulaire soit stable est que la quantité ddr r

2

2

soit positive partout dans l'intervalle considéré ; si la quantité est négative

quelque part alors il y a instabilité."

L'argument suppose que l'on perturbe le système de façon axisymétrique.

Dans l'état permanent :

r

p1

r

u 2

la force centrifuge équilibrant le gradient de pression radial. Déplaçant un anneau de

fluide de r1 (où la vitesse est u1) à r2 (> r1) (où la vitesse est u2), le moment angulaire est

conservé en l'absence de viscosité. L'anneau aura alors une vitesse u’1 telle que :

1211 urur

Taylor Vortices (reproduced by permission,

from Schlichting, "Boundary-Layer Theory"

McGraw-Hill, New York, 1968)

152

Le gradient de pression à r2 équilibre un anneau tournant à la vitesse u2 mais si 2

2

2

1 uu ,

ce gradient de pression sera trop faible pour équilibrer la force centrifuge de l'anneau

déplacé : celui-ci continuera vers l'extérieur et nous conclurons à l'instabilité si donc :

2

2

2

2

2

1

2

1 ruru

On peut se demander ce que ce critère inviscide implique pour la stabilité de

l'écoulement de Couette. Lorsque les cylindres tournent dans le même sens, il indique la

stabilité si :

2

2

1

1

2

r

r

L'analyse linéaire avec viscosité a été effectuée par Taylor et permet de juger de la

valeur de la prédiction non visqueuse de Rayleigh. Notez le parallèle de la

démonstration avec celle de la stabilité d’une particule fluide en fluide stratifie en

densité ou on déplace à nouveau une particule fluide sans changer sa densité ni le

gradient de pression de l’état de base.

Pour démontrer l'essentiel de l'instabilité sans sombrer dans les calculs, un

certain nombre d'approximations sont effectuées, la première d'entre elles étant de

postuler des perturbations axisymétriques (indépendantes de ) au seuil de l'instabilité.

Ceci est largement une intuition dictée par l'expérience. Ainsi on cherche des solutions

perturbées de l'écoulement de base U(r) :

zr u ,urU ,uu

les perturbations étant fonction de r, z et t seulement.

Après linéarisation, les équations du mouvement sont :

z

2z

2

2rr

2

rr

2r

uz

p1

t

ur

uu

r

Uu

dr

dUu

t

u

r

uu

r

p1

r

Uu2

t

u

12-22

0u

rurr

1 zr

153

2 étant l'expression du Laplacien en cylindrique :

2

2

2

22

zrr

1

r

Du fait de la géométrie cylindrique, les équations sont encore complexes et

l'approximation suivante est de considérer l'espace entre les 2 cylindriques très petit par

rapport au rayon du cylindre : d = r2 –r1 << r1. Ceci permet de négliger les termes

métriques en u/r devant u/r.

Si 2

tL

, les équations 12-22 deviennent :

0z

u

r

u )d(

z

p1Lu )c(

0Au2Lu )b(r

p1u

r

U2Lu )a(

zr

z

r

r

12-23

Après élimination de p et u entre (a), (c) et (d) :

L2ur 2U

r

2u

z2 12-24

12-24 et 12-23 (b) sont deux équations couplées dont on peut chercher les solutions en

modes normaux sous la forme :

st

re ,r e nz cos ru ,ruRuu

On suppose le cylindre infiniment long et négligeant les effets d'extrémité, on cherche

des solutions périodiques selon z. On obtient :

unr

U2unDsnD )b(

Au2usnD )a(

2

r

2222

r

22

12-25

avec dr

dD .

Les conditions aux limites de non glissement aux parois impliquent :

21zr r ,rr à 0uuu

La continuité 12-23 (d) implique aussi 0uD r et l'équation 12-25 )b( donne à la

frontière :

154

21r

22

r

4 r ,rr à 0uDs

n2uD

Les coefficients sont constants à l'exception du terme U/r qui est la vitesse angulaire de

l'écoulement de base. Si l'on fait l'hypothèse supplémentaire que 1 et 2 ne sont pas

très différents on peut sans doute remplacer U/r par la moyenne de 1 et 2 sans

faire d'erreurs très appréciables. Après élimination de u on obtient :

r

2

r

22222 unA4unDsnD 12-26

Si l'on suppose (comme en convection thermique) que l'instabilité apparaît lorsque

s passe d'une valeur négative à une valeur positive (ie sans partie imaginaire et donc

oscillations), l'état marginal est obtenu en insérant s = 0 dans 12-26 :

r

2

r

3

2

2

2

uTauadx

d

12-27

avec : 1,0x à 0udx

da2u

dx

du

dx

du r2

22

r4

4

rr

où drrx 1 , a = nd et T le nombre de Taylor :

1

2

32

22

2

11

r

drr2T

Le problème aux

valeurs propres 12-27

est très similaire au

problème de

convection de

Rayleigh-Bénard, le

Nombre de Taylor

remplaçant le nombre

de Rayleigh.

Calculated and observed conditions ofr instability in water between

two rounting cylinders. = 0.88 ; = 185. Also maked is the line separating unstable an stable conditions according to rayleigh’s criterion. After Taylor (1923).

1/n

50

100

150

2500

Stable

Unstable

-250 -200 -150 -100 -50 0 50 100 150 200

292.121R

22R

2

1

Observed points

Calculated points

155

Une analyse conduit à montrer que l'instabilité centrifuge se produit pour T > 1708, la

valeur critique de n étant 3,1/d. La hauteur des cellules dans l'état marginal est donc /n

= d/3,1, , démontrant le rapport d'aspect presque unité au seuil d'instabilité.

Taylor (1923) dans un papier monumental a également réalisé l'expérience en

augmentant progressivement la vitesse de rotation du cylindre intérieur 1 (2 = 0). Il

nota un excellent accord entre d'une part la valeur de , à la transition marginale et

d'autre part la forme des rouleaux toroïdaux. Ces expériences étaient réalisées dans de

longs cylindres avec un faible écartement pour se mettre dans le cadre des

simplifications théoriques. Au-delà de la stabilité marginale il montra l'existence de flots

ondulatoires dépendant du temps et non-axisymétriques. L'accord remarquable entre

théorie et expérience sur la figure ci-dessus (assez rare en Mécanique des Fluides pour

être souligné) fut considéré comme un élément important pour croire aux équations de

Navier-Stokes.

156

157

Chapitre XIII

TURBULENCE

La plupart des écoulements observés dans la nature ou dans des contextes

industriels (aérodynamiques) présentent une large gamme d'échelles temporelles et

spatiales. La composante de la vitesse près du centre d’un jet turbulent est montrée ci-

dessous:

La même expérience répétée quelques instants plus tard, montre que le

signal ne se reproduit pas exactement pareil. Par contre il a la même allure lorsqu’on

construit un histogramme de la vitesse (le nombre de fois ou la vitesse est observée

entre les valeurs u et u +du). Le signal manque de périodicité et semble multi-échelles :

on observe une large gamme de fréquences avec une certaine amplitude mais d'une

expérience à l'autre les phases de ces modes de Fourier semblent être choisies au hasard.

Ce type de comportement complexe est toujours observé dès lors que "l'amplitude" de

l'écoulement est suffisamment élevée. Le paramètre qui gouverne ce seuil est ici le

nombre de Reynolds. Le temps météorologique semble être d'une certaine façon

l'exemple quotidien d'un comportement turbulent que nous pouvons caractériser par les

158

propriétés qui seront illustrées :

- richesse d'échelles spatiales et temporelles,

- échanges d'énergie rapides entre ces échelles,

- forte dissipation d'énergie,

- mélange très efficace,

- prévision très limitée dans le temps,

- présence de vorticité.

L’aspect aléatoire d’un écoulement turbulent rend une approche déterministe

inappropriée. En effet si on change un tout petit peu les conditions initiales,

l’écoulement change beaucoup au bout de très peu de temps d’une simulation à l’autre.

Cependant si on moyenne les vitesses instantanées sur un temps assez long, on récupère

un profil du jet moyen comme sur la figure ci-dessous qui apparaît bien défini. Cela

fournit l’objectif d’essayer de déterminer plutôt le profil moyen que le jet instantané.

L’objectif d’une théorie de la turbulence est de prédire non pas les signaux eux-mêmes

mais leur statistique (moyenne, variance, histogramme, etc…).

Comme nous le verrons, ces théories se heurtent à des obstacles si

fondamentaux que ce qui est connu aujourd'hui de la turbulence provient largement de

l'analyse d’expériences. On pourrait penser que les difficultés théoriques résultent du

159

fait que les équations de Navier Stokes ne sont plus valables dans un régime turbulent.

Si on produit un écoulement dans un tuyau par un gradient de pression stationnaire, on

peut obtenir facilement les solutions exactes des équations de Navier Stokes (le profil

parabolique). Comme nous l'avons vu dans le chapitre "stabilité", pour être observé un

écoulement doit aussi être stable devant de petites perturbations. Dans le cas présent, O.

Reynolds a montré expérimentalement que dès que le nombre de Reynolds dépasse 104,

l'écoulement devient instable et la transition vers la turbulence inéluctable. C'est donc

l'aspect "instable" des solutions des équations dès lors que la viscosité est assez faible

qui est à l'origine de la turbulence. L'étude des dernières années des systèmes

différentiels non linéaires ont montré que des solutions de systèmes à petit nombre de

degré de liberté (au minimum 3) peuvent devenir extrêmement sensibles aux conditions

initiales dans le sens où une solution diverge exponentiellement rapidement d'une autre

ayant des conditions initiales voisines. C'est cette sensibilité aux conditions initiales

découverte dans ce qu'on appelle depuis, le chaos déterministe, qui est à l'origine de la

perte de prédictabilité (capacité de prédiction) associée aux comportements turbulents.

Même si, les recherches en physique non linéaire actuelles permettent de comprendre

maintenant quelques étapes de la transition entre un écoulement laminaire et turbulent,

la turbulence pleinement développée, dont il est question ici, reste toujours un des

piliers non résolus de la physique. En conséquence, les applications industrielles font

largement appel à l'étude expérimentale de fluides réels puis, depuis une vingtaine

d'années de fluides dits numériques.

1. Outils descriptifs

En turbulence, une variable observée est assimilée à une variable aléatoire

car on ne peut extrapoler le futur à partir d'un enregistrement du passé de cette variable.

Au lieu de s'intéresser à un enregistrement individuel d'une variable, on va faire porter

l'attention sur une famille d'enregistrements obtenus à partir d'un ensemble

d'expériences réalisés dans les mêmes conditions et ne différant que par les conditions

initiales

On définit alors la moyenne d'ensemble à un instant t, de la variable u (une vitesse

observée en un point) par :

N

1

iN tuN

1lim)t(u 13-1

Les propriétés importantes d'une telle moyenne d’ensemble de réalisations

sont les suivantes :

< A + B > = < A > + < B >

t

A

t

A

<< A > B > = < A > < B >

(et idem avec les

dérivées spatiales)

160

Bien souvent en nature l'observateur n'a

accès qu'à une expérience, et il lui faut alors remplacer

une moyenne d'ensemble par un autre opérateur.

Plusieurs choix sont possibles en général dictés par la

faisabilité des mesures ; dans le cas de l'écoulement

dans un tuyau, il peut soit mesurer en continu la

vitesse au point A et fabriquer la moyenne temporelle :

'dt 't uT

1limtu

Tt

tT0

0

0

13-2

soit "prendre une photo" de tout l'écoulement et moyenner par exemple la vitesse u le

long du pointillé dans la figure ci-dessus. On peut en effet penser intuitivement que la

moyenne ne dépend pas de la position longitudinale du point de mesure dans le tuyau

mais seulement de sa position radiale. En pratique on va donc remplacer l'opérateur de

moyenne d'ensemble par des moyennes spatiales ou temporelles. Bien entendu

l'enregistrement est fini et se pose le problème de la convergence de la moyenne

temporelle:

'dt 't uT

1T ,tu

tt

t0

0

0

13-3

De façon pratique, T ,tu 0 converge vers 13-2 et devient indépendante de T

si on moyenne sur une échelle de temps T supérieure à la plus longue période présente

dans le signal. La convergence implique donc que la bande de fréquence du signal soit

limitée. Lorsque l’on admet que moyenne d’ensemble et moyenne temporelle coïncident

on parle d’hypothèse ergodique. Une autre propriété très désirable est bien sur que u

soit indépendant de 0t , l'instant où l'on a commencé les mesures. Pour qu'il en soit ainsi

les effets transitoires associés à la mise en régime de l'écoulement doivent avoir disparu

et l'on parle alors de turbulence stationnaire. De même lorsque l'on fait des moyennes

spatiales dans une direction donnée, l'on désire que la moyenne soit indépendante du

point initial où l'on a démarré et la turbulence possédant cette propriété est alors

qualifiée d'homogène. Lorsqu'aucune direction n'est privilégiée dans le flot, et que les

moyennes sont indépendantes de la direction choisie, la turbulence sera qualifiée

d'isotrope.

Bien entendu la moyenne de la vitesse ne suffit pas pour décrire l’effet de la

turbulence. On peut construire un histogramme représentant la distribution relative des

valeurs de u comprises entre différents seuils qui permet d'introduire la notion de densité

de probabilité de la variable aléatoire u. La quantité p(u)du est définie comme la

probabilité de trouver u entre u et u + du. Elle satisfait les propriétés suivantes :

1du up

0up

La moyenne d'une fonction quelconque de u, f(u) se calcule alors comme :

A

161

du u p uf uf

Les quantités très utilisées, la moyenne et la variance sont les deux premiers moments

de p(u) à savoir < u > et < (u - < u >)2. En présence de 2 variables aléatoires u et v, on

définit de la même manière, la densité de probabilité jointe (u,v). Une quantité

particulièrement importante, la covariance entre les deux variables est alors définie

comme :

u v u v u,v du dv

On dira que les deux variables, (ramenées au préalable à une valeur moyenne nulle),

sont non corrélées si :

< u v > = 0

L'indépendance des deux variables est plus exigeante car elle requiert que :

(u,v) = u(u) v(v)

Lorsque l'on mesure un champ de vitesse u(t) en un point en fonction du temps, on va

construire l’auto-covariance de u mesurée a deux instants différents t et t’ :

R(t,t’) = )'t(u)t(u

En turbulence stationnaire, elle pourra se réécrire :

R() = )t(u)t(u

puisque l'origine des temps n'est plus importante. De plus :

R() = R(-)

L'inégalité de Schwartz implique également :

R() R(0)

De façon plus générale on définira les covariances spatiales et temporelles du champ de

vitesse de composante ui en turbulence homogène et stationnaire par :

)rx,t(u)x,t(u)r(R

)x ,t(u)x ,t(u)(R

ji

'

ij

jiij

Pour une variable particulière u, on définit le spectre comme la transformée de Fourier

de la corrélation :

162

de)(RS i 13-4

Si û()est la transformée de Fourier de u(t), on montre que :

2û*ûûS

(u* désignant le complexe conjugué de u). S()d représente aussi la contribution à la

variance de u provenant de la bande de fréquence comprise entre et + d. Ainsi :

dSu

0

2

R() et S() prennent en général la forme suivante pour un signal turbulent :

C’est le fait que R() décroisse rapidement avec qui rend compte du fait

qu’un signal turbulent n’est pas prévisible : la vitesses mesurée à un instant postérieur

suffisamment grand perd tout lien statistique ave »c la vitesse mesurée « avant ».

L'échelle intégrale de la turbulence li est définie lorsqu'elle existe, par :

d R0

il

Normalement en turbulence R() tend vers 0 suffisamment rapidement pour que li

existe. Ceci implique également une limite finie pour S(0) dans 13-4.

Le spectre est "large et continu" par opposition au cas d'un ensemble d'ondes

pour lesquelles le spectre serait constitué de pics discrets. En général il contient plus

d'énergie aux basses fréquences. La richesse d'échelles d’un écoulement turbulent est

parfaitement illustré par cette nature large du spectre.

L'échelle intégrale, le centre de gravité du spectre, le passage à zéro de la

fonction de corrélation sont autant de façons de caractériser l'échelle des tourbillons qui

contiennent l'énergie. Comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant d'autres

échelles beaucoup plus petites vont jouer un rôle primordial dans la dissipation de la

turbulence. Dans cette introduction élémentaire, mentionnons simplement que cette

définition du spectre se généralise au cas de plusieurs dimensions en prenant la

transformée de Fourier à trois dimensions de la corrélation Rij(r) du champ de vitesse.

R() S()

163

Turbulence de grille et ses trois zones, génération en amont, turbulence bien

développée au milieu et turbulence en déclin en aval:

164

2. Les cascades d'énergie

La turbulence est sur la figure ci-dessus générée par un écoulement à travers

une grille. On peut distinguer trois régions en allant de l’amont à l’aval. Une zone de

production de turbulence, une zone de turbulence pleinement développée puis une zone

où la turbulence est dissipée. La photo du bas correspond a une grille a mailles plus

fines. Appelons U la vitesse imposée en amont et l l’échelle de la grille. La taille des

tourbillons significatifs (c'est-à-dire les gros tourbillons) l0 et leur vitesse v0 varient

typiquement comme l et U les échelles externes imposées par l’expérimentateur.

Evidemment le nombre de Reynolds R0 = v0l0/ des gros tourbillons est très grand. On

va définir le temps de retournement d’un tourbillon (eddy turn over time) comme 0 =

l0/v0. Ce temps est très petit devant le temps de dissipation moléculaire v = l02/ car R0

= v/0 >> 1 par hypothèse, ainsi la dissipation est négligeable.

Les termes non linéaires u u fabriquent eux des petites échelles. Pour s’en

convaincre, prendre u = sin k0x où k0 est le nombre d’onde associé aux tourbillons

d’échelle l0 (k0 l0-1

). Ainsi le terme )xk2sin(2

k

x

uu 0

0

fabrique t-il du u à 2 k0 soit à

l’échelle l0/2. Il y a donc un transfert d’énergie vers les petites échelles qui doit être

indépendant de la viscosité. On va noter ce flux d’énergie (par unité de masse) vers les

petites échelles par . Maintenant il est observé qu’un tourbillon d’échelle l0 perd son

énergie (par interactions non linéaires) très rapidement typiquement en un temps de

retournement 0. On s’en convaincra en laissant tomber une goutte d’encre dans de l’eau

et en observant que la production de tourbillons toujours plus petits est très rapide. Ainsi

on observe que :

v0

2 /0 v0

3 l0

Considérons maintenant la gamme des tourbillons d’échelle l plus petits que

l0 mais pour lesquels Rl = vl l/ >> 1. On appelle cette gamme le régime inertiel car la

viscosité n’y est toujours pas importante. Par contre, ces tourbillons ont probablement

oublié les conditions externes de production de turbulence et l’hypothèse de

Kolmogorov est que cette turbulence inertielle est homogène et isotrope. Le flux

d’énergie à travers les échelles de tourbillons l0/2, l0/4 etc… doit être constant si

l’énergie totale est constante. On est ainsi amené à écrire aussi que :

ll

3v

et donc vl = ( l)1/3

= v0 (l/l0)1/3

Ce qui permet encore d’écrire : Rl = R0 0ll4/3

On illustre ce processus en parlant de cascade inertielle d’énergie vers les

petites échelles qui persiste tant que Rl >> 1. En fait il s’agit d’une cascade dans

l’espace des echelles et donc des nombres d’onde. Si E(k)dk est l’énergie cinétique

associée au module du vecteur d’onde comprise entre k et k + dk alors l’énergie

cinétique totale K est :

K =

0)k(E dk

165

Ainsi peut on écrire :

E(k) k (l)2/3

ou encore comme kl 1 : E(k) = C 2/3

k-5/3

où on a mis le signe = en introduisant C( 1.5) constante universelle (supposée

indépendante des particularismes d’une expérience donnée). Ceci est la fameuse

prédiction de Kolmogorov pour le spectre en k-5/3

. La figure ci-dessous montre cette

pente observée sur une grande variété d’expériences.

En pratique on observe plus facilement des spectres en fréquence qu’en

nombre d’ondes mais on peut dans certains cas passer de l’un à l’autre en disant que la

turbulence est simplement advectée par l’écoulement moyen (Taylor’s frozen turbulence

hypothesis).

Sur la figure on voit aussi que le spectre s’effondre aux grands nombres

d’ondes. Mais si l’échelle devient petite, on peut s’attendre à ce que la viscosité

redevienne importante et cela apparaîtra dès que le temps de retournement l devient

166

comparable avec l’échelle de diffusion v. Ceci définit l’échelle de dissipation de

Kolmogorov lk :

lk

2 1/ 3

lk

2

et donc : lk =

3 1/ 4

ou encore : 4/3

00k R ll

L’échelle lk définit donc la barrière au-delà de laquelle l’énergie est

complètement dissipée par les effets moléculaires. Cette échelle n’est pas fixe mais

dépend du transfert d’énergie à travers la région inertielle. Plus le Reynolds externe est

élevé et plus la cascade inertielle s’étend loin vers les petites échelles.

3. Transport turbulent

Une des propriétés majeures de la turbulence est sa capacité à mélanger très

efficacement un fluide à des taux supérieurs de plusieurs ordres de grandeurs au taux

moléculaire. Une remarquable relation découverte par Taylor en 1921 permet de

quantifier expérimentalement l'effet du mélange. Elle fournit le pivot autour duquel

s'articule toutes les études de transport d'un polluant dans un écoulement turbulent. Bien

que la plupart des flots réels soient souvent inhomogènes et instationnaires, nous allons

nous placer dans une situation où la turbulence est statistiquement stationnaire et

localement homogène.

En un point a on relâche des particules

marquées que l'on suit dans le fluide. Si leur

marquage ne différencie pas leur comportement de

celles de particules fluides, leur position au cours du

temps est donnée pour chaque composante i par :

'dt 't,auat,aXt

tiii

0

où ui est la vitesse lagrangienne de la particule lâchée au point a à l'instant t0. Si l'on

effectue un ensemble d'expériences de lâchers de particules au même point, on peut

construire la moyenne d'ensemble de la quantité :

< Yi uj > où Yi est le déplacement Xi - ai de la particule.

Comme : a

j

jt

Yt,au

On a : jiji YYdt

d

2

1u Y

Mais c'est aussi : 'dttu'tuuY j

t

t

ij i

0

Xi à t

a,

t = t0

167

La turbulence étant stationnaire, on peut choisir t0 = 0 et transformer

l'intégrale en posant = t – t’. Ainsi Taylor (1921) déduit il:

dRY Ydt

d

2

1u YK

t

0

L

ijjijiij 13-6

où L

ijR est la covariance des vitesses lagrangiennes le long de la trajectoire de la

particule lâchée en a avec :

aji

L

ij tutuR

13-6 représente le tenseur de diffusion turbulente Kij. Ainsi une quantité comme

2

11Ydt

d

2

1 représente le taux de dispersion de particules marquées au point a dans la

direction 1. Cette relation très générale 13-6 permet de prédire le comportement de Kij.

Lorsque t est petit, les vitesses de la particule a t et t-sont très bien corrélées de sorte

que:

Kij ui u j t 13-7

Cette croissance linéaire du coefficient de diffusion est associée avec une

dispersion < Yi Yj > croissant quadratiquement. Ceci ne peut persister très longtemps

car les vitesses des particules séparées par des temps de plus en plus long vont se

décorréler. Ainsi lorsque t tend vers l'infini on s'attend à ce que l'intégrale en 13-6 tende

vers une valeur constante que l'on écrira :

L

ijjiij Tu uK 13-8

Cette expression 13-8 définit l'échelle de temps intégrale Lagrangienne

comme :

d R

RT0 0ij

L

ij

L

ij

Dans cette limite, la dispersion croît donc linéairement en t et il est clair que

l'on retrouve à partir de considérations purement cinématiques, une limite où la

diffusion turbulente ressemble à la diffusion moléculaire mais, avec un coefficient de

diffusion beaucoup plus grand donné par 13-8. C'est le régime de dispersion associé

avec le mouvement brownien, une marche aléatoire consistant en une suite de

déplacements non corrélés les uns avec les autres. Expérimentalement dans les

applications, l'objectif majeur est donc de déterminer la valeur lorsqu'elle existe de cette

échelle de temps intégrale lagrangienne car c'est d'elle que dépend l'intensité de la

diffusion turbulente. Par exemple dans l’océan elle est de l’ordre d’une dizaine de jours

mais seulement d’un jour ou deux dans l’atmosphère.

168

4. Les équations de la turbulence

A défaut de pouvoir prédire les détails d'une réalisation d'un écoulement

turbulent, il apparaît logique de se tourner vers une théorie statistique et de tenter de

prédire les premiers moments de la distribution de probabilité de l'écoulement :

moyennes, variances etc…

Comme nous allons le voir cette approche se heurte à des difficultés

majeures liées au caractère nonlinéaire des équations. Considérons donc non plus une

réalisation mais un ensemble de réalisations d'une expérience particulière effectuée en

gardant constant les paramètres externes de contrôle. On peut définir une moyenne

d'ensemble permettant de décomposer chaque variable en une partie moyenne et une

perturbation. Ici j’omets les <…> pour alléger l’ écriture :

ui = Ui + u’i

p = P + p’

T = T + T’

Pour obtenir les équations gouvernant l'évolution des quantités moyennes, il

suffit d'introduire la décomposition ci-dessus dans les équations du mouvement et

d'appliquer l'opérateur de moyenne d'ensemble (qui commute avec les opérateurs

différentiels). Appliquée aux équations de Boussinesq d'un fluide incompressible (0)

(voir chapitre 12). On obtient :

a) T

ij

j

2

j

i

2

3i0

ij

ij

i0

xx

UTg

x

P

x

UU

t

U

b) 0x

U

i

i

13-9

c) T

j

j

2

j

2

j

j0 Qx

Tx

Kx

TU

t

TCp

On reconnaît dans les équations 13-9 pour l'évolution des quantités moyennes, deux

nouveaux termes :

'

j

'

i0

T

ij u u 13-10

et ''

jp0

T

j TuC Q 13-11

qui apparaissent par l'intermédiaire de leur divergence dans les équations 13-9. Le

premier représente le flux turbulent de quantité de mouvement qui est non nul dès lors

0 On supposera ici pour simplifier la présentation, que l'on a affaire à un fluide incompressible dont

l'équation d'état est du type 0 1 T T0 et dont la diffusivité thermique est constante. Bien

entendu le même formalisme peut s'appliquer aux équations plus générales des fluides compressibles.

169

que des corrélations entre deux composantes de vitesse des fluctuations apparaissent. De

même une nette contribution au bilan de chaleur moyen se développe si il existe des

corrélations turbulentes vitesse-température impliquant le flux turbulent de chaleur T

jQ .

Ainsi les équations pour la moyenne (moment d'ordre 1) ne sont elles pas

fermées puisqu'elles font apparaître les moments d'ordre 2. De même, si on essaie

d'obtenir des équations pour les moments d'ordre 2, celles-ci feront apparaître les

moments d'ordre 3 etc. On se heurte ici au problème majeur à savoir que les équations

pour les différents moments ne sont pas « fermées ». Cela a été la tâche des théories

statistiques de la turbulence que de proposer des hypothèses de « fermetures » reliant les

moments d'ordre plus élevés aux moments d'ordres inférieurs. D'une certaine façon ces

fermetures visent à déterminer la « rhéologie » d’un fluide turbulent. En effet comme les

tensions turbulentes T

ij et flux turbulents de chaleur T

jQ sont inconnus, tout se passe

dans ces théories comme si l'on voulait connaître le comportement d'un fluide sans

connaître sa viscosité ou sa conductivité thermique moléculaire.

Avant de présenter la plus classique et la plus discutable de ces fermetures, il

est intéressant de regarder aussi l'équation d'énergie pour les fluctuations. Pour cela on

retranche des équations complètes, les équations pour la moyenne et on multiplie

scalairement les équations de quantité de mouvement pour les fluctuations ainsi

obtenues par la vitesse des fluctuations :

i

i''

3

j

i'

j

'

i

j

jx

FT ug

x

Uu uq

xU

t

13-12

a b c d

L'énergie cinétique turbulente 2'

iu2

1q est produite par 2 mécanismes :

- le terme a qui représente l'échange entre l'énergie cinétique moyenne et

celle des fluctuations. Il est positif si les corrélations sont dirigées contre le gradient

moyen. Bien entendu ceci est complètement en accord avec ce qui a été vu dans le

chapitre "Instabilités" sur le rôle "déstabilisant" du cisaillement moyen,

- le terme b qui représente un terme d'échange entre énergie potentielle et

énergie cinétique. Si les corrélations entre température et vitesse verticale sont positives

(le chaud monte ou le froid descend), l'énergie potentielle de la distribution moyenne est

transformée en énergie cinétique des fluctuations. C'était la situation précédemment

décrite de l'instabilité convective de Rayleigh-Bénard,

- le terme c représente la dissipation des fluctuations

2'

ije 2

'

ije étant le tenseur de déformation turbulent.

- quant au dernier terme d (où

2'

j

'

i0'

ij

'

j

'

i

'

i0 u u2

e uu pF )

170

il représente quant à lui, un terme de transport d'un endroit à un autre et

peut-être de n'importe quel signe. Il fait apparaître des corrélations triples, comme il se

doit pour l'équation d'évolution d'un moment d'ordre 2. Il ne produit pas d'effet net sur

13-12 : puisque il apparaît par sa divergence, l’ intégrale de celle-ci sur un domaine clos

par des frontières immobiles est nulle.

5. La viscosité turbulente

Le problème central restant est donc de paramétriser les effets de la

turbulence pour fermer les équations 13-9 pour l'écoulement moyen. L'idée la plus

ancienne proposée par Boussinesq est d'écrire qu'en analogie avec ce qui apparaît à

l'échelle moléculaire, l'effet de la turbulence se borne à ramener l'écoulement moyen

vers la stabilité grâce à une "dissipation turbulente" dont il suffit dès lors de mesurer (ou

d’imposer) le coefficient de diffusivité.

Si la turbulence est isotrope les seules composantes non nulles du tenseur

13-10 sont sur la diagonale et l'effet de la turbulence sur la moyenne dans 13-9 (a)

apparaît sous la forme d'une force conservatrice

2'

i

i

ux

qui sera incapable de

modifier la vorticité des grandeurs moyennes. Par contre en présence d'un écoulement

moyen cisaillé la turbulence ne peut pas rester isotrope et on s'attend à voir apparaître

des corrélations à l'extérieur de la diagonale du tenseur T

ij . Considérons la situation

simplifiée suivante d'un écoulement plan cisaillé :

Soit une particule fluide en x1, à l'instant t = 0 et

ayant une vitesse U1(0) + u1(0).. Elle se retrouve à

une distance x2 = quelque instant plus tard avec

un déficit de quantité de mouvement M par

rapport à l'écoulement qui existe en x2, qui est :

0uxu0UxUM '

12

'

1121

Si x2 est petit devant l'échelle LM de l'écoulement moyen un développement de Taylor

du premier terme fournit :

2

120

x

U x M

expression dans laquelle on a négligé volontairement le deuxième terme. Le flux de

quantité de mouvement selon x1, par unité d'aire et de temps est donc :

2

12202

x

Uu xu M

En analogie avec la formule de Taylor précédemment discutée on s'attend à ce que la

corrélation < x2 u2 > soit forte initialement lorsque le déplacement x2 de la particule est

petit puis décroisse pour devenir nul à une distance . Cette distance appelée longueur

de mélange par Prandtl permet d'écrire qu'en ordre de grandeur :

rms'

222 u u x

x2 (x2) U1

x1

171

(rms signifiant root mean square ou racine carrée de la moyenne des carrés, urms

est une

caractéristique de la vitesse).

On écrit alors : 2

1rms'

20

T

12x

U cu

expression dans laquelle rms'

2u c joue le rôle d'un coefficient de diffusivité turbulente de

quantité de mouvement :

rms'

2T u c

Notons que < x2 u2 > est aussi le coefficient K22 de diffusivité lagrangienne introduit en

13-6 et plutôt que la longueur de mélange on peut donc utiliser l'échelle intégrale

lagrangienne pour déterminer T. Ces considérations fournissent la base d'une fermeture

turbulente empirique particulièrement simple calquée sur ce qui se passe à l'échelle

moléculaire. Cependant à la grande différence du coefficient de viscosité moléculaire

qui est une caractéristique du fluide, le coefficient de viscosité turbulente est une

caractéristique de l'écoulement et doit donc être adapté par des considérations ad-hoc à

chaque nouvelle situation.

Pour conclure il faut dire que la venue des gros calculateurs scientifiques est

en train de modifier assez sérieusement l'approche de l'étude de la turbulence. Ceux-ci

permettent de reculer de plus en plus loin les limites spatiales à laquelle la turbulence

doit être paramétrisée. Avec une résolution spatiale de plus en plus fine, les échelles qui

contiennent l'énergie commencent à être calculées numériquement de façon de plus en

plus convaincantes sans pour cela que l'on s'affranchisse des hypothèses à l'échelle de la

maille élémentaire. Celles-ci se bornent souvent à mettre un coefficient de viscosité

turbulent numérique le plus faible possible pour fournir le minimum de dissipation (et

maximiser le nombre de Reynolds) de façon compatible avec le schéma numérique

d'intégration des équations. Des considérations analogues sont appliquées pour

l'équation de conservation de la chaleur.

Appliquons cette idée de diffusion turbulente à l’étude de la couche limite

turbulente sur une plaque plane. On va s’intéresser à la turbulence pleinement

développée, stationnaire, et on va supposer que le gradient de pression P/x est nul.

Cela veut dire qu’on est loin du bord d’attaque et que la couche limite est assez épaisse

pour développer de la turbulence sur une large gamme d’échelles. Sur la plaque (y = 0),

le flot s’annule. Là on va caractériser le flot moyen par son cisaillement U/y ou encore

la friction à la paroi *.

0y0 y

U*

En effet les tensions de Reynolds sont nulles. Malheureusement il est impossible d’aller

mesurer ce cisaillement à la paroi. Définissons une vitesse de frottement v* telle que :

2

0

**

172

On peut ainsi construire une échelle de longueur y* = /v* de sorte qu’on peut

adimensionaliser y et U par :

y+ =

*y

y et U

+ =

*v

U

Près de la plaque dans ce qu’on appelle la sous-couche visqueuse, le cisaillement moyen

domine la friction mais ce cisaillement décroît rapidement quand y croît de sorte qu’on

se retrouve rapidement dans une région où les tensions de Reynolds dominent les

tensions moléculaires. Modélisons les tensions de Reynolds par une viscosité turbulente

T(y) :

xy /0 u'v' T

U

y

L’équation pour l’écoulement moyen se réduit avec les hypothèses faites à :

0y

xy

et donc

y

UT

= cste

où la constante est la tension au mur */0. Reste à définir T. Comme v* et y sont les

deux échelles dont on dispose, on va écrire en suivant l’idée du paragraphe précédent :

T = v* y

où est la constante dite de Von Karman. Sous ces hypothèses :

U

y

1

v *

y

et donc U(y) =

v *

lny + cste

ou encore U+(y

+) =

1

ln y

+ + C

C’est l’observation de cette loi logarithmique qui justifie l’hypothèse proposée et les

expériences fournissent :

0,41 et C 5,2

constante universelles (sous ces hypothèses). La région « où cela marche » est la couche

limite dite inertielle. Près de la plaque, cette loi ne marche pas puisque le log diverge.

Mais dans cette région de la sous-couche limite visqueuse on a :

y

U

=

0

*

et après intégration, on trouve : U+ = y

+

173

On s’aperçoit expérimentalement que cette loi linéaire est valable pour y+ < 3 et la loi en

log pour 3 < y+ < 40. Pour les trop grand y, la loi en log diverge aussi ! Cette loi doit

s’ajuster au flot extérieur U pour y > t où t est l’épaisseur de la couche limite

turbulente. Dimensionnellement on doit avoir :

y

U

=

tt

yf

*v

Pour ajuster cette expression avec celle plus haut, valable dans l’intérieur, on va écrire :

)y(f

1

y où

t

yy

lorsque y << 1. Dans la région extérieure, U se détermine par :

U

y

v *

y

et donc

U(y) U v *

lny

où U = U pour y = 1. Seul le domaine y t nous intéresse et on va écrire « the

velocity defect law » comme :

U U U(y)

v *

1

ln(y )

Ces lois permettent notamment de trouver comment varie le coefficient de friction

2U2

1* en fonction du nombre de Reynolds.

174

Bibliographie :

Tennekes and Lumley, 1987 : A first course in turbulence, The MIT press

Manneville P. , 2004 : Instabilities, Chaos et Turbulence, Imperial College Press

(existe en francais)

Lesieur, M : Turbulence (en francais)

Pope S. B., 2000, Turbulent flows, Cambridge University Press.

Atkinson, Turbulence (titre exact ?)

Van Dyke, M., 1982 : An album of fluid motions, Parabolic Press.