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4 actualités Actualités pharmaceutiques n° 508 Septembre 2011 Pour le président du Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française, le Pr Claude Dreux, c’est en développant des actions de prévention et d’éducation thérapeutique que le pharmacien conservera le monopole de la dispensation des médicaments. Actualités pharmaceutiques : Qu’est-ce que le Cespharm et à qui s’adresse-t-il ? Claude Dreux 1 : Le Comité d’éducation sani- taire et sociale de la pharmacie française (Cespharm) est une commission perma- nente de l’Ordre des pharmaciens qui existe depuis de nombreuses années et qui a récemment beaucoup évolué, sous l’impul- sion du docteur Fabienne Blanchet, sa direc- trice. Son but est de développer l’action des pharmaciens dans le domaine de la santé publique en leur donnant les moyens d’agir selon trois axes : la prévention, l’éducation à la santé et l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Il s’adresse à tous les phar- maciens inscrits à l’Ordre, en particulier ceux étant en contact avec le public comme les pharmaciens d’officine ou les biologistes médicaux, mais aussi les pharmaciens hospitaliers, les professionnels de l’industrie pharmaceutique ou de la distribution. AP : Quels sont les liens entre le Cespharm et l’Ordre national des pharmaciens ? CD : Le Cespharm est une commission per- manente de l’Ordre et nous sommes direc- tement rattachés à la présidence du Conseil national de l’Ordre. Nos moyens de fonc- tionnement, notre budget, nos locaux, notre personnel proviennent exclusivement de l’Ordre, ce qui nous donne une grande liberté d’action vis-à-vis d’influences extérieures. AP : Comment fonctionne le Cespharm ? CD : Le Comité, constitué de toutes les forces vives de la profession avec les présidents des différentes sections de l’Ordre, des représentants des syndicats, des facultés, de la Direction générale de la santé, etc., se réunit environ deux fois par an. Il propose des actions à soutenir. Cette commission comprend un président et trois vice-présidents, représentant l’offi- cine, l’hôpital et la biologie. Par ailleurs, la structure fonctionne avec six salariés : une directrice, Fabienne Blanchet, docteur en pharmacie et docteur ès sciences, deux autres pharmaciens chargés de missions et trois assistantes. Nous avons la chance de siéger au rez-de-chaussée de la rue Margueritte à côté de la direction en charge du dossier pharmaceutique avec qui nous travaillons étroitement. Il s’agit donc d’une entité très unie et très motivée. AP : Quels sont vos partenaires ? CD : Nos partenaires sont des organismes officiels comme l’Institut national de pré- vention et d’éducation pour la santé (Inpes), l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), la Haute Auto- rité de santé (HAS), la Direction générale de la santé (DGS), l’Institut national du cancer (INCa), les Académies de médecine et de pharmacie, mais également des associa- tions de patients et des associations profes- sionnelles comme la Fédération française de cardiologie, la Ligue contre le cancer, l’Alliance contre le tabac… Ils sont pré- cieux, notamment parce qu’ils nous four- nissent des documents que les pharma- ciens remettent au public car notre budget ne nous permet pas d’éditer nous-mêmes ces plaquettes en dehors des fiches techni- ques ou des dossiers thématiques que nous réalisons en interne. AP : Le Cespharm reçoit-il des finance- ments de l’industrie pharmaceutique ? CD : Nous ne percevons aucun finance- ment de l’industrie. Ceci est le gage de notre objectivité et de notre liberté. Notre financement est uniquement apporté par l’Ordre. Cette indépendance fait notre réputation. Nous sommes, de ce fait, très sollicités pour participer à des actions de santé publique. AP : Quelles sont les priorités actuelles du Cespharm en terme de santé publique ? CD : Nos actions s’articulent autour de trois objectifs : la prévention primaire (lutte contre le tabac, l’alcoolisme, les dro- gues, la promotion des vaccinations…), l’éducation à la santé des enfants et des adultes, et l’éducation thérapeutique des patients atteints de pathologies chroni- ques, qui est actuellement notre priorité. AP : Le thème de l’éducation thérapeu- tique est très présent depuis le vote de la loi Hôpital, patients, santé et territoi- res (HPST) sans que le pharmacien de ville soit vraiment impliqué. En quoi le Cespharm peut aider les officinaux à s’investir dans ce domaine ? CD : La loi HPST prévoit le rôle du phar- macien dans l’éducation thérapeutique. Ce thème est évoqué très largement par l’Ordre, les syndicats, les académies, avec, cependant, parfois des analyses très diffé- rentes. L’éducation thérapeutique va au-delà de la dispensation de simples conseils. Elle s’organise autour d’un groupe de profes- sionnels de santé qui ont pour but d’aider le patient à connaître sa maladie, à compren- dre son traitement, à en assurer le suivi… Le Cespharm s’emploie à expliquer de quoi il retourne, à aider les pharmaciens à s’y former et à leur donner des outils pour leur permettre de participer à des actions. Actuellement, l’éducation thérapeutique émane souvent de services hospitaliers. D’ailleurs les programmes agréés par les agences régionales de santé (ARS) compor- tent assez souvent des pharmaciens hospi- taliers. De notre côté, nous nous efforçons que les pharmaciens de ville puissent parti- ciper à l’éducation thérapeutique, qui ne doit pas être conçue comme une affaire de spé- cialistes mais comme une spécialisation des professionnels de santé. Pour être autorisé, un programme d’ETP doit être mis en œuvre par au moins deux professionnels de santé dont un médecin. Le deuxième peut donc être un pharmacien, à condition qu’il ait suivi une formation d’au moins 40 heures. Avec l’Académie nationale de pharmacie, nous insistons pour que les jeunes pharmaciens Entretien À l’officine, priorité à la prévention, l’éducation à la santé et l’ETP © DR

À l’officine, priorité à la prévention, l’éducation à la santé et l’ETP

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4actualités

Actualités pharmaceutiques n° 508 Septembre 2011

Pour le président

du Comité

d’éducation

sanitaire et sociale

de la pharmacie

française, le Pr Claude Dreux,

c’est en développant des actions

de prévention et d’éducation

thérapeutique que le pharmacien

conservera le monopole de la

dispensation des médicaments.

Actualités pharmaceutiques : Qu’est-ce que

le Cespharm et à qui s’adresse-t-il ?

Claude Dreux1 : Le Comité d’éducation sani-taire et sociale de la pharmacie française (Cespharm) est une commission perma-nen te de l’Ordre des pharmaciens qui existe depuis de nombreuses années et qui a récemment beaucoup évolué, sous l’impul-sion du docteur Fabienne Blanchet, sa direc-trice. Son but est de développer l’action des pharmaciens dans le domaine de la santé publique en leur donnant les moyens d’agir selon trois axes : la prévention, l’éducation à la santé et l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Il s’adresse à tous les phar-maciens inscrits à l’Ordre, en particulier ceux étant en contact avec le public comme les pharmaciens d’officine ou les biolo gistes médicaux, mais aussi les pharmaciens hospitaliers, les profes sionnels de l’industrie pharmaceutique ou de la distribution.

AP : Quels sont les liens entre le Cespharm

et l’Ordre national des pharmaciens ?

CD : Le Cespharm est une commission per-manente de l’Ordre et nous sommes direc-tement rattachés à la présidence du Conseil national de l’Ordre. Nos moyens de fonc-tionnement, notre budget, nos locaux, notre personnel proviennent exclusivement de l’Ordre, ce qui nous donne une grande liberté d’action vis-à-vis d’influences extérieures.

AP : Comment fonctionne le Cespharm ?

CD : Le Comité, constitué de toutes les forces vives de la profession avec les

présidents des différentes sections de l’Ordre, des représentants des syndicats, des facultés, de la Direction générale de la santé, etc., se réunit environ deux fois par an. Il propose des actions à soutenir. Cette commission comprend un président et trois vice-présidents, représentant l’offi-cine, l’hôpital et la biologie. Par ailleurs, la structure fonctionne avec six salariés : une directrice, Fabienne Blanchet, docteur en pharmacie et docteur ès sciences, deux autres pharmaciens chargés de missions et trois assistantes. Nous avons la chance de siéger au rez-de-chaussée de la rue Margueritte à côté de la direction en charge du dossier pharmaceutique avec qui nous travaillons étroitement. Il s’agit donc d’une entité très unie et très motivée.

AP : Quels sont vos partenaires ?

CD : Nos partenaires sont des organismes officiels comme l’Institut national de pré-vention et d’éducation pour la santé (Inpes), l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), la Haute Auto-rité de santé (HAS), la Direction générale de la santé (DGS), l’Institut national du cancer (INCa), les Académies de médecine et de pharmacie, mais également des associa-tions de patients et des associations profes-sionnelles comme la Fédération française de cardiologie, la Ligue contre le cancer, l’Alliance contre le tabac… Ils sont pré-cieux, notamment parce qu’ils nous four-nissent des documents que les pharma-ciens remettent au public car notre budget ne nous permet pas d’éditer nous-mêmes ces plaquettes en dehors des fiches techni-ques ou des dossiers thématiques que nous réalisons en interne.

AP : Le Cespharm reçoit-il des finance-

ments de l’industrie pharmaceutique ?

CD : Nous ne percevons aucun finance-ment de l’industrie. Ceci est le gage de notre objectivité et de notre liberté. Notre financement est uniquement apporté par l’Ordre. Cette indépendance fait notre réputation. Nous sommes, de ce fait, très sollicités pour participer à des actions de santé publique.

AP : Quelles sont les priorités actuelles du

Cespharm en terme de santé publique ?

CD : Nos actions s’articulent autour de trois objectifs : la prévention primaire (lutte contre le tabac, l’alcoolisme, les dro-gues, la promotion des vaccinations…), l’éducation à la santé des enfants et des adultes, et l’éducation thérapeutique des patients atteints de pathologies chroni-ques, qui est actuellement notre priorité.

AP : Le thème de l’éducation thérapeu-

tique est très présent depuis le vote de

la loi Hôpital, patients, santé et territoi-

res (HPST) sans que le pharmacien de

ville soit vraiment impliqué. En quoi le

Cespharm peut aider les officinaux à

s’investir dans ce domaine ?

CD : La loi HPST prévoit le rôle du phar-macien dans l’éducation thérapeutique. Ce thème est évoqué très largement par l’Ordre, les syndicats, les académies, avec, cependant, parfois des analyses très diffé-rentes. L’éducation thérapeutique va au-delà de la dispensation de simples conseils. Elle s’orga ni se autour d’un groupe de profes-sionnels de santé qui ont pour but d’aider le patient à connaître sa maladie, à compren-dre son traitement, à en assurer le suivi… Le Cespharm s’emploie à expliquer de quoi il retourne, à aider les pharmaciens à s’y former et à leur donner des outils pour leur permettre de participer à des actions. Actuellement, l’éducation thérapeutique émane souvent de services hospitaliers. D’ailleurs les programmes agréés par les agences régionales de santé (ARS) compor-tent assez souvent des pharmaciens hospi-taliers. De notre côté, nous nous efforçons que les pharmaciens de ville puissent parti-ciper à l’éducation thérapeutique, qui ne doit pas être conçue comme une affaire de spé-cialistes mais comme une spécialisation des professionnels de santé. Pour être autorisé, un programme d’ETP doit être mis en œuvre par au moins deux professionnels de santé dont un médecin. Le deuxième peut donc être un pharmacien, à condition qu’il ait suivi une formation d’au moins 40 heures. Avec l’Académie nationale de pharmacie, nous insistons pour que les jeunes pharmaciens

Entretien

À l’officine, priorité à la prévention, l’éducation à la santé et l’E TP

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Actualités pharmaceutiques n° 508 Septembre 2011

aient tous suivi ces heures d’enseignement à l’issue de leurs études. Les pharmaciens déjà installés devront, quant à eux, suivre des formations spécialisées dans le cadre du dévelop pement professionnel continu.

AP : Comment les officinaux peuvent-ils

commander des documents distribués

par le Cespharm ?

CD : Cela est extrêmement simple. Depuis deux ans, nous disposons d’un site inter-net (www.cespharm.fr) ouvert à tous mais sur lequel seuls les pharmaciens inscrits à l’Ordre peuvent commander les docu-ments qui les intéressent. Près de 95 % des commandes sont effectuées ainsi, ce qui est gage de rapidité. Les envois sont gratuits jusqu’à 4 kg. Ce site fait l’unani-mité, en particulier grâce aux actualités qui y sont régulièrement publiées. D’ailleurs, je recommande vivement aux pharmaciens de le consulter 5 minutes chaque matin afin de se tenir informés des campagnes nationales et internationales, des dates des manifestations concernant la santé… Nous proposons aussi un programme “Vitrines” dont le succès est grandissant. C’est, là encore, un service totalement gratuit qui consiste, pour les officinaux, à recevoir un support d’affiches puis, tous les deux mois, des affiches soutenant des actions de santé publique menées en partenariat avec l’Inpes, l’INCa… En 2010, le Cespharm a distribué environ 650 000 documents, le plus gros succès étant les carnets de suivi des anticoagulants antivitamine K diffusés à

près d’un million d’exemplaires depuis 2004 (120 000 en 2010). Ces carnets permettent de délivrer des recommandations de bon usage mais aussi d’assurer le suivi du trai-tement en impliquant les médecins, les pharmaciens et les biolo gistes. Nous sou-haiterions réaliser le même type d’outil sur d’autres thèmes.

AP : Des pharmaciens menant des

activités dans un domaine particulier

peuvent- ils se rapprocher du Cespharm

pour en faire profiter leurs confrères ?

CD : Tout à fait. Cela arrive d’ailleurs assez souvent. Nos objectifs sont nationaux, inté-ressant tous les pharmaciens du territoire, voire ceux installés dans différents pays de la francophonie. Si un pharmacien mène une action en province dont il est pressenti qu’elle peut avoir une diffusion nationale, nous pouvons tout à fait la proposer.

AP : En quoi consiste le prix remis

chaque année par le Cespharm ?

CD : Il s’agissait, jusqu’à présent, d’un prix de l’Académie. La présidente de l’Ordre a souhaité le rapatrier et proposer un jury composé du président du Cespharm, de membres de l’Ordre et d’anciens lau-réats. L’objectif est de récompenser un pharmacien de moins de 45 ans, impliqué dans des actions d’éducation à la santé, d’éducation thérapeutique ou de préven-tion. Les personnes souhaitant postuler doivent déposer leur candidature avant le 30 septembre 2011.

AP : Quel sera, selon vous, le rôle du

pharmacien d’officine à l’avenir ?

CD : Les pouvoirs publics font des efforts considérables pour réduire le coût de la santé et, en particulier, celui des médicaments. S’il veut conserver son rôle de profession-nel de santé de proximité et que les officines soient harmonieusement réparties sur le ter-ritoire, le pharmacien va devoir s’impliquer dans la prévention, l’éducation à la santé et l’ETP, un peu comme au Canada. C’est à cette condition qu’il conservera le monopole de la dispensation des médicaments. Nom-bre de pharmaciens l’ont bien compris et développent des actions originales. C’est le cas de ceux qui proposent des dispensations à domicile pour les patients en difficultés ou les personnes âgées, en y associant évidem-ment des messages pour promouvoir le bon usage des médicaments, prévenir les effets secondaires et assurer la pharmacovigilance. Nous avons également mis en place, avec l’UTIP-FPC, dans toute la France, des forma-tions (ostéoporose, asthme…) pour que le pharmacien puisse, à son tour, éduquer les patients et leur entourage. �

Propos recueillis par

Sébastien Faure

Maître de conférences des universités,

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

Note1. C. Dreux est professeur émérite de l’université Paris-

Descartes, doyen honoraire de la Faculté des sciences

pharmaceutiques et biologiques de Paris-Descartes, et

membre des Académies de pharmacie et de médecine.

S ur le front de la rougeole, 2010

avait été catastrophique avec

5 000 cas, 8 complications neuro-

logiques, 287 pneumopathies graves et

2 décès. L’année 2011 s’annon ce pire

puisqu’au premier trimestre, près de

5 000 notifications auraient été reçues

par l’Institut national de veille sanitaire

(InVS) et 6 décès ont été déplorés

depuis janvier.

Au printemps dernier, la semaine

de la vaccination a été large-

ment consacrée à rappeler

l’impor tance de vacciner contre

la rougeo le. Il avait été évoqué

la possibilité de rendre obligatoire plu-

sieurs autres vaccinations, quand seule

l’immunisation contre la diphtérie, le

tétanos et la poliomyélite revêt ce carac-

tère. L’Académie nationale de pharma-

cie, dans des recommandations publiées

récemment1, estime que « compte tenu de la situation épidémiologique actuelle concernant la rou-geole » et de « la persis tan ce de cas sporadiques de rubéole chez la femme enceinte et le fœtus », la vaccination par le

ROR devrait devenir obligatoire.

Pour les pharmaciens membres

de l’Académie, le caractère facultatif

de cette vaccination tient en effet pour

beaucoup dans l’absence de couverture

vaccinale optimale quand peuvent être

avancés des arguments concernant

la prétendue dangerosité du vaccin.

Or, l’Académie rappelle que « toutes les études ont réfuté la responsabilité du ROR dans la survenue d’effets secon-daires graves ». �

Léa Crébat

© www.jim.fr

Santé publique

L’Académie de pharmacie pour une vaccination contre la rougeole obligatoire

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lia.c

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Note1. Séance du 1er juin 2011

(http://www.acadpharm.org/dos_public/Recommandation_

concernant_la_vaccination_anti_rougeole_VF.pdf).