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www.nrp–college.com
La sélection 2016-2017
Prix nrPnouvelle revue Pédagogique
de Littérature jeunesse
Vous trouverez dans les pages qui suivent une présentation détaillée des quinze ouvrages en compétition pour l’attribution du prix NRP 2016-‐2017. Cette année, la sélection du prix nous offre un bel aperçu de la littérature jeunesse actuelle qui combine simplicité dans l’écriture et inventivité. Les ouvrages sont très variés et recouvrent presque tous les genres littéraires. Ce savoureux millésime a rendu le travail des membres du jury aussi passionnant que compliqué ! Nous espérons vous donner envie de lire ces romans et de les faire lire à vos élèves. Pour chacun d’eux, un avis de lecture rédigé par un membre du jury vous permettra de connaître l’avis de vos collègues. Des interviews des trois lauréats seront à découvrir dans le numéro de janvier.
LE JURY DU PRIX NRP 2017 SANDRINE BESSENET Professeure de lettres modernes au collège Saint Pierre à Montrond-‐les-‐Bains (42) JEROMINE DECOURT Enseignante de lettres modernes au collège Paul Éluard de Gauchy (02)
NADIA DELCI Documentaliste au collège Jardin des Plantes de Poitiers (86) ELISE GIRARD Professeure des lettres modernes au collège Alphonse Allais à Honfleur (14) ISABELLE GRENIER Professeure documentaliste au collège Vincent Van Gogh de Clichy (92)
PAULINE JUNIER-‐GAUTEYROUX Professeur documentaliste au collège Marthin Luther King à Moins (69)
CHARLOTTE SPIELEWOY Professeure de lettres modernes au collège Denis Poisson de Pithiviers (45)
Prix NRP
La sélection 2016-2017
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
Une dizaine d’enfants apparaissent. D’autres les rejoignent en marchant lentement. Et puis d’autres encore, sortis d’on ne sait où. Ils sont quarante, cinquante… et viennent se mettre en ligne, serrés les uns contre les autres, comme Mourad leur a dit de faire. […]
D’un geste de la main, Haroun indique aux policiers de s’aligner avec les enfants. Étrange image. Battue improbable. Personne ne parle. Mourad lève un bras, vérifie que chacun est à sa place, puis le baisse le long du corps. À pas lents, la longue colonne s’ébranle. Très concentrés, les enfants avancent en regardant le sol.
Les enfants ont chaud et soif, mais aucun d’entre eux ne bronche. À la dérobée, Haroun les regarde et ne peut s’empêcher de trouver la scène qui se déroule sous ses yeux belle et singulière. Après vingt minutes de marche, l’un des enfants lève les deux bras en l’air à la manière d’un champion de boxe, en criant :
– Je l’ai ! Je l’ai ! p. 139-‐141
© Syros 2016
Twist again Sylvie Allouche
Sylvie Allouche se partage entre la photographie (expositions, publications) et l’écriture. Elle est photographe pour l’agence internationale Bridgeman-‐Giraudon, spécialisée en histoire de l’art. Elle commence sa carrière d’écrivain en rédigeant vingt-‐six volumes de la collection « Il était une fois l’homme », et participe à plusieurs ouvrages documentaires spécialisés en histoire des civilisations. Depuis une dizaine d’années, elle se consacre à la fiction jeunesse. Son roman Brothers a obtenu le prix Margot 2014 au Salon du polar de Pau.
L’AUTEUR
L’HISTOIRE Mené comme une enquête policière, Twist again nous emmène sur les traces de Twist et Mourad, unis par une amitié à toute épreuve. De nombreux autres personnages croiseront leur chemin, de près ou de loin. Tout commence un matin, où Twist trouve un revolver dans les décombres d’un immeuble démoli. Il le ramasse en espérant le revendre à la bande des Iris, les immeubles voisins, contre l’avis de son copain Mourad. Twist ignore qu’il va être accusé de meurtre, car l’arme a servi pour tuer une jeune fille… qu’il connaît bien malheureusement. C’est le début d’événements dramatiques, entre la cité des Fleurs et Paris. Les choses se présentent très mal pour Twist, et Mourad fera tout pour l’aider à s’en sortir. En parallèle, on suit les aventures de Juliette à Paris et de Souad à la cité : les deux adolescents devront faire face à des dangers inattendus. Toutes ces histoires se croisent et s’enchevêtrent à un rythme soutenu.
Sylvie Allouche campe le décor de la cité de façon réaliste et équilibrée. Elle ne verse pas dans l’angélisme, et même si les liens d’amitié et de solidarité qui unissent les habitants sont mis en avant, l’auteur nous montre aussi les trafics de drogue, les bandes soumises à leur chef, la violence familiale entre frère et sœur, et même un meurtre… Les personnages sont vivants, les dialogues sonnent justes sans être caricaturaux. On a l’impression d’entendre Yaya, la grand-‐mère, rien qu’en lisant ses paroles ! Le style est vif, percutant. On est tenu en haleine comme dans un bon thriller, mais Twist again est surtout une étude de cette microsociété qu’est la cité de banlieue, avec ses caïds, ses dealers, ses gamins guetteurs, ses familles modestes mais honnêtes, qu’on oublie souvent… Bref, un roman palpitant, haletant, qu’on ne lâche pas avant la dernière page.
Isabelle Grenier, professeure documentaliste
au collège Vincent Van Gogh de Clichy (92)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
– Soif d'amour... fait-‐elle d'une voix sourde. Est-‐ce que cela évoque quelque chose pour l'un d'entre vous ?
Une majorité de crânes plonge davantage dans le ruisseau des pages, histoire de se faire oublier. De rares visages se lèvent pour la fixer, étonnés qu'elle ose leur poser à nouveau la question et de manière si personnelle. Elle rêve ou quoi, la prof ? Leurs sentiments profonds sont ici classés secret défense. Elle n'imagine tout de même pas qu'ils vont lui ouvrir leur cœur, raconter leur vie amoureuse ou leurs espoirs devant tout le monde ? Bosser Le Diable au corps, OK, si ça lui chante, après tout, c'est elle la prof ; mais faut pas pousser l'intimité au-‐delà. Énoncer un avis trop personnel sur un sujet pareil, ça serait prendre le risque de se choper une honte absolue – et un commentaire bien senti, dans l'heure, sur Facebook. Ce qui galope le plus vite dans ce bahut, ce ne sont pas les meilleurs sprinters des cours de gym mais les rumeurs, les réputations et les caricatures assassines qui vont avec.
p. 21-‐22 © Flammarion Jeunesse 2016
La Fille quelques heures avant l’impact
Hubert Ben Kemoun
Hubert Ben-‐Kemoun vit à côté de Nantes. Auteur reconnu dans l’édition jeunesse, il a publié plusieurs albums au Père Castor dont Les Bouteilles à la mer, le remarqué L’épouvantail qui voulait voyager et Arlequin ou les oreilles de Venise. Il est également l’auteur de plusieurs romans chez Castor Poche (Bouffon du roi, roi des bouffons et L’Ogre du sommeil) ainsi que chez Flammarion jeunesse (Blues en noir, La Gazelle, Seuls en enfer dans la collection « Tribal », La Fille seule dans le vestiaire des garçons).
L’AUTEUR
L’HISTOIRE C'est le dernier cours de la semaine avant le week-‐end de la Pentecôte et il fait une chaleur étouffante. Ce soir-‐là doit avoir lieu un concert pour dénoncer les idées extrémistes de la nouvelle municipalité. La jeune professeur de français, Isabelle Etcheverry, a du mal à intéresser ses élèves au Diable au corps de Raymond Radiguet. Elle-‐même semble davantage intéressée par son portable et l'attente d’un SMS que par son propre cours. Des moqueries et des propos racistes éclatent alors : elle a du mal à les mal à canaliser. Cet incident est le catalyseur d’un événement traumatisant : un concert qui tourne au drame. Quelques heures avant l’impact, ou comment la fiction est rattrapée par la réalité…
Les points de vue alternés permettent d'assister à une montée en puissance de la haine des adolescents aux caractères, aux origines sociales, aux aspirations diamétralement opposés. Cette multiplication de perceptions rend parfois la narration un peu hachée, discontinue, mais contribue à rendre le suspense insoutenable face à la montée en puissance de l'horreur. Heureusement, le personnage d'Annabelle nous rappelle qu'il faut se battre pour les valeurs auxquelles on croit, résister face à l’obscurantisme, ne jamais lui laisser gagner du terrain. Alors bien sûr, une salle de concert et la catastrophe qui s'y passe font écho à des événements pas si lointains. Hubert Ben Kemoun nous annonce pourtant que l'écriture de son roman est antérieure au 13 novembre 2015. Pour lui « les auteurs d'aujourd'hui éclairent des réalités de demain ». Mais cela fait quand même froid dans le dos...
Pauline Junier-‐Gauteyroux, professeure documentaliste au collège Marthin Luther King à Moins (69)
L’AVIS DU JURY
Les passages en italique qui ponctuent le récit sont bouleversants. Annabelle est face à la mort et retranscrit sa rencontre avec elle. L'auteur utilise des mots poignants qui nous plongent dans les pensées et les souffrances de la jeune fille : nous avons l'impression que le sol se dérobe sous nos pieds... Mais heureusement, Annabelle tient bon et la suffocation laisse place à une grande inspiration.
Elise Girard, professeure des lettres modernes au collège Alphonse Allais à Honfleur (14)
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
Jeanne ne voit que les fils qui les lient, la chaleur qu’ils en tirent.
Leur beauté, notre force. Elle se dit : Je suis chez moi. Elle les regarde tous un par un. Ils ne se connaissent pas
depuis si longtemps et pourtant ils s’aiment, ça ne fait aucun doute. Ils se sont choisis. Son cœur à elle est grand ouvert comme un passage sans porte. Le leur aussi. Il ne s’agit pas seulement de Basile et des papillons qu’il fait grésiller dans son ventre. Non ; elle les aime, tous. Elle sait qu’ils sont son futur, son présent précieux, ses compagnons du jour le jour, surtout la nuit.
Leurs mots recouvrent et déroulent en même temps l’ampleur que prend ce lien. Ils parlent, parlent, parlent, ne font que ça, et chacun espère trouver dans l’oreille de l’autre la voix qui chante avec la sienne. Ils font une putain de symphonie.
p. 77 © Sarbacane 2016
Dans le désordre Marion Brunet
Marion Brunet publie son premier roman, Frangine, en mars 2003 dans la collection « EXPRIM’ ». Depuis, en deux ans seulement, elle s’est imposée comme un des auteurs les plus passionnants du secteur jeunesse, aussi à l’aise dans le thriller (La Gueule du loup) que dans le roman d’enfance loufoque (L’Ogre au pull vert moutarde et L’Ogre au pull rose griotte). Couronnée de plus de trente prix pour ses différents romans, conteuse intarissable, elle ose tout, essaie tout… avec talent et réussite, puisqu’un public de lecteurs toujours plus nombreux la suit de salon en salon, où elle se déplace toute l’année. Pour Sarbacane, pas de doute : c’est « l’auteur phare » de ces prochaines années !
L’AUTEUR
L’HISTOIRE Jeanne, Basile, Marc, Tonio, Alison, Lucie et Jules : ils sont sept à refuser le monde actuel et à s’unir pour le transformer. Ces inconnus se rencontrent lors d’une manifestation et se découvrent une envie commune : celle de construire quelque chose ensemble. Étudiant(e), jeune travailleur ou vieux routard, ils décident d’abandonner leur mode de vie pour former un squat dans une ancienne maison bourgeoise et tout mettre en commun. Pour Jeanne et Basile, le partage sera aussi amoureux, d’un amour aussi brûlant qu’évident. Mais cette bulle de bonheur semble bien fragile pour résister à la pression du monde contre lequel ils sont en lutte.
Le désordre de Marion Brunet, c’est d’abord celui qui s’oppose à l’ordre établi, à la société de consommation, de conventions et de répression que les personnages dénoncent. C’est ensuite celui qui va caractériser leur vie dans le squat, faite de bric et de broc, de désillusions après la fête et d’instants magiques autour d’un café ou d’un flocon de neige. C’est enfin celui qui gagne les cœurs de Jeanne et de Basile, dont l’amour va tellement de soi qu’ils craignent de le (dé)ranger en l’exprimant. L’écriture étonne par sa justesse, crue ou poétique. À l’image de ses protagonistes, qui veulent bousculer leurs contemporains, le roman nous chahute. Il crie la révolte comme l’amour, et ces deux sentiments ont la force de la jeunesse. Bien qu’elle n’échappe pas à une certaine idéalisation de l’altermondialisme et de l’anarchisme, l’auteur réussit à en pointer les limites grâce aux sept personnages qui nous entraînent dans leur passé pas toujours glorieux, dans leurs envies présentes et leurs espoirs futurs. Ce roman, fortement marqué et parfois rattrapé par l’actualité, ne manquera pas de toucher ceux qui préfèrent passer la nuit debout, qui ne trouvent pas le sommeil à cause de leur conscience qui les questionne, de leur corps ou de leur cœur qui les travaillent. À recommander aux lecteurs qui veulent faire chanter leurs lendemains à partir de la 3e.
Charlotte Spielewoy, professeure de lettres modernes
au collège Denis Poisson de Pithiviers (45)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT Shahryar est saisi d’admiration. Il respire à peine, ébahi par sa conteuse, la scrute. Son visage est le manuscrit de sa mémoire. Elle le feuilleté pour lui. Chaque phrase dessine un trait nouveau, et cette métamorphose laisse le roi interdit. – Une vie ne peut contenir qu’une seule vie, s’étonne-‐t-‐il, toujours plus intrigué par la faconde de son épouse. Comment fait-‐elle provision de tant de merveilles ? En naviguant sur l’eau des rêves ? Elle visite des continents perdus, des peuples indigènes… et son cœur consigne cet éphémère disparu ? Les nuits passent, et les jours fébriles d’impatience. Quand il la retrouve le soir, quand il l’aime, il oublie sa haine, se laisse pétrir, ensemencer.
p. 127 © Le Livre de Poche Jeunesse 2016
Les Mille et Une Nuits Jacques Cassabois
Jacques Cassabois aime donner corps aux personnages qui résistent, qui sont capables de secouer l’ordre des choses, de lever les énergies de chacun, autant de porte-‐parole des plus hautes qualités de l’homme : Sindbad le marin, Gilgamesh le Sumérien, Tristan et Iseut, la lumineuse Antigone, Jeanne d’Arc, les enfants de 1212, Héraclès et aujourd’hui Shéhérazade.
L’AUTEUR
L’HISTOIRE Shahryar décide de s’éloigner de son royaume pour retrouver son frère Shah Zaman et apaiser son cœur meurtri par vingt années de séparation. Lors de leurs retrouvailles, Shah Zaman fait à son frère des révélations fracassantes qui remettent en cause la fidélité de sa femme. Grâce à une ruse savamment orchestrée par les deux frères, celle-‐ci est prise en flagrant délit. Fou de rage, Shahryar la tue et prend une terrible décision : se marier chaque soir avec une femme et l’exécuter au petit matin après la nuit de noces. Sa soif de vengeance ternit sa réputation : de roi idolâtré, il devient un tyran détesté. Seule une femme à la beauté saisissante et à l'intelligence inégalée, Shéhérazade, va échapper à sa fureur meurtrière. Le pouvoir de la lecture et l'enchantement des contes se révéleront d’improbables atouts.
À la lecture des Mille et Une Nuits, le lecteur est transporté par la richesse et la diversité des contes orientaux revisités par Jacques Cassabois. Tenu en haleine comme Shahryar, il assiste à la renaissance d'un homme bafoué que seules la lecture et l'écoute des contes réussissent à apaiser. Chaque conte regorge de métaphores que même les plus jeunes pourront aisément interpréter. Le cadre oriental dépayse et plonge le lecteur dans un ailleurs qui, grâce à la variété des histoires contées par Shéhérazade, résonne avec notre monde. La barbarie de Shahryar cède à la finesse d'esprit de la jeune femme qui prouve que les mots et les fables ont un pouvoir qui surpassent même ceux que l'on confère aux plus grands rois et gouverneurs. La richesse du vocabulaire et la beauté du style ornent ces histoires savoureuses que le lever du soleil vient trop tôt interrompre.
Élise Girard, professeure des lettres modernes
au collège Alphonse Allais à Honfleur (14)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
– Je me méfie du bonheur. Je l’ai connu autrefois, à Pétersbourg ou à la campagne, au milieu des miens. Un seul poème écrit par mon père et tout s’est effondré, j’avais douze ans à peine. Alors je ne crois plus à la félicité. C’est un état trompeur, trop merveilleux et trop fragile. Quand j’étais prisonnier, j’ai pensé constamment à ma joie passée, si bien que peu à peu je suis devenu indifférent. Tu m’as réveillé de ce sommeil qui ressemble à la mort. Ne me laisse pas m’endormir de nouveau. Permets-‐moi de m’en aller, Piotr.
– Nous nous sommes enfuis pour être libres, Evguéni. De quel droit pourrais-‐je t’interdire quoi que ce soit ? chuchote-‐t-‐il, me délivrant enfin par ses mots.
Ses traits se sont creusés en quelques minutes, comme si notre conversation avait épuisé sa vitalité. Un léger sourire traverse cependant son visage alors qu’il me contemple avec une vive curiosité.
– Tu es plus courageux que tu ne le penses. Je te souhaite bonne chance, camarade. Car nous sommes des camarades à présent. Cela ne peut en aucun cas être défait.
p. 185
© L’École des loisirs 2016
Camarades Shaïne Cassim
Shaïne Cassim est née à Madagascar en 1966. D’origine indienne, elle vit en France depuis l’âge de sept ans. Après des études de lettres, elle devient traductrice de livres pour enfants et publie des romans pour les adolescents et un roman pour adultes, Qui a tué Héloïse Van Hool. Elle estime « qu'on peut parler de tout aux adolescents, il faut simplement respecter une certaine fragilité syntaxique quand il s'agit d'aborder certains problèmes plus difficiles que d'autres ».
L’AUTEUR
L’HISTOIRE 1869, veille de la guerre franco-‐prussienne. Quatre adolescents, deux filles et deux garçons, prennent chacun une décision qui marque un tournant dans leur vie. Evguéni et Gisèle fuient : l’un le bagne enneigé de Russie auquel un poème de son père l’a condamné, l’autre un père violent qui rend sa vie misérable. Eulalie et Eddie, quant à eux, refusent une destinée toute tracée : elle dans l’exploitation d’un verger en Normandie, lui derrière un comptoir au pays de Galles. Par frustration, par peur ou par espoir, ils quittent le monde de leur enfance et suivent des routes différentes qui se croiseront souvent. Autour d’eux gravitent des femmes et des hommes magnétiques, qui tendent entre les jeunes gens des fils qui vont les rapprocher, de Varsovie à Paris, et faire d’eux des camarades.
Dans ce roman choral, aux trois périodes distinctes, chaque chapitre suit l’itinéraire d’un des adolescents, qui prennent en charge la narration à tour de rôle. Les quatre héros sont d’abord « seuls au monde » : les récits s’alignent sans autre écho que le basculement commun à ces quatre destinées. Vient ensuite le moment d’assumer la décision qu’ils ont prise : de partir vers un avenir « où la vie [les] roue[ra] de coups et [les] rend[ra] très braves ». Bien que les conditions de cette initiation soient différentes d’un personnage à l’autre, leur cheminement intérieur va les rapprocher. Finalement, grâce aux adultes engageants et engagés qui veillent sur eux, ils parviennent à leur point de convergence à Paris, autour de la figure du typographe révolutionnaire Garaï, qui mettra fin au récit. Il faut cependant noter que l’histoire diffère quelque peu du texte proposé en quatrième de couverture. Celle-‐ci présente quatre jeunes aux prises avec le pouvoir de Napoléon III. Le contexte historique n’apparaît en effet qu’en filigrane et ce n’est que tardivement que les personnages principaux se retrouvent. L’auteure a néanmoins su rendre singulier chacun des quatre adolescents, sans cacher leurs défauts et leurs limites, nous incitant ainsi à les suivre tout au long de leur chemin jusqu’à la rencontre finale. Et c’est parce que le lecteur s’attache à ces différentes personnalités qu’il aimerait les voir davantage interagir. La construction du roman et la langue le destinent aux bons lecteurs à partir de la 4e.
Charlotte Spielewoy, professeure de lettres modernes
au collège Denis Poisson de Pithiviers (45)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
Une fois qu’on a les maamouls en tête, il est inutile d’essayer de se distraire en pensant à autre chose. J’ai bien essayé d’évoquer les biceps de Poséidon, il m’a même traversé l’esprit de lui envoyer un message dans le genre : « Kiss ! » Mais je me suis souvenu qu’il était à la piscine. Ou alors, au tir à l’arc. Peut-‐être à l’escalade ? Un de ses trucs épuisants.
J’étais seule, abandonnée au désir obsédant des maamouls. C’est utile, les dictons. C’est riche d’enseignements. Comme
celui qui affirme : « On n’est jamais mieux servi que par soi-‐même. » Pouvant être également exprimé de cette manière : « Qui veut manger des maamouls fait des maamouls. »
La solution était à portée de main – et de ma bouche –, depuis le départ ! Tous les ingrédients avaient été achetés par Teta, ils attendaient simplement dans la cuisine l’experte (moi) qui allait les assembler pour les rendre ultradélicieux. D’enthousiasme, j’ai manqué jeter mon téléphone en l’air, et j’ai sauté sur mes pieds. Les maamouls ! Les maamouls !
p. 19
© Magnard Jeunesse 2016
La Fée des maamouls
Jean-‐François Chabas
Né en 1967, Jean-‐François Chabas vit en Provence, il a exercé différents métiers avant de se consacrer à l’écriture à partir de 1995. Il est l’auteur de nombreux livres parus essentiellement chez Casterman et à L’École des loisirs, qui ont reçu le Tam-‐Tam et le Grand Prix de la PEEP, le Prix de la Télévision Suisse, le Prix de la Nouvelle Revue Pédagogique, le Prix Jeunesse Rhône-‐Alpes, le Prix du Mouvement des Villages d’Enfants, et le Prix Sorcière (T. Magnier). Une dizaine de ses ouvrages figurent sur la liste de l’Éducation nationale. Il publie un album en octobre 2016 chez Magnard Jeunesse : Le Lézard de Pem Pem.
L’AUTEUR
L’HISTOIRE Razane est une jeune fille de douze ans d'origine libanaise. Elle a hérité de sa mère son caractère de tigresse et sa personnalité bien trempée. Elle aime s'afficher aux côtés de son petit ami, Poséidon, aussi beau que stupide, et tente de supporter un chat fourbe et ingrat nommé Prince Carotte. Sa grand-‐mère, Teta Lamia, est la reine incontestée des maamouls, de délicieux gâteaux orientaux. Or, un jour, après une dispute avec sa grand-‐mère (il faut dire que ni l'une ni l'autre n'a sa langue dans sa poche...), Razane décide, pour se consoler, de préparer elle-‐même ses gâteaux préférés. Trop gourmande mais aussi trop impatiente de se réconcilier avec sa grand-‐mère, elle décide de ne pas suivre à la lettre la recette familiale et de réduire le temps de repos de la pâte en soufflant dessus. Lorsque les gâteaux de Razane sont prêts, une espèce de fée apparaît : la fée des maamouls, du joli nom de Nissou. Cette fée inconnue apparaît lorsqu’une recette de maamouls est particulièrement réussie, c’est-‐à-‐dire à peu près tous les quatre-‐vingts ans ! Elle ne se montre pas plus de vingt minutes, et propose alors un vœu à Razane juste avant de disparaître aussi vite qu’elle est venue... N’ayant pas le temps de faire son vœu, Razane fera tout pour revoir Nissou…
Ce roman sans prétention n’a qu’un objectif : faire sourire – et même rire aux éclats tant l’écriture fait vivre la drôlerie de Razane ! Les personnages sont attachants... y compris Prince Carotte, le chat qu’il vaut mieux ne pas trop caresser. Grâce à ce court roman, le lecteur se détend et se divertit sans effort. La lecture est aisée et facilitée par un vocabulaire quotidien. À mettre entre les mains des lecteurs amateurs, voire même des lecteurs réfractaires ! L’histoire fonctionne : on se prend à regarder différemment les gâteaux tout juste sortis du four... La Fée des maamouls a aussi le mérite de nous plonger dans une culture méconnue : recettes libanaises, langue, mœurs, le lecteur est charmé par cet Orient merveilleux. L’écriture très imagée de Jean-‐François Chabas nous plonge dans l’ambiance colorée d’une famille où la tradition et la modernité se côtoient avec quelques frictions mais toujours de la bonne humeur, où l’arabe et les expressions du pays ne sont jamais loin et ensoleillent le texte. L’histoire de Razane est un moment inattendu de bonheur, une parenthèse enchantée et magique : une vraie bonne surprise !
Sandrine Bessenet, professeure de lettres modernes au collège Saint-‐Pierre à Montrond-‐les-‐Bains (42)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
Ça m’ennuierait que vous ayez une opinion de moi mauvaise : la brute de fille tout le temps en train de vouloir sortir ses poings pour cogner tout ce qui bouge. C’est pas du tout comme ça que je suis dans ma vie. Juste, je raconte les événements importants pour faire comprendre que je suis pas du genre à me laisser traiter sans réagir ni rien. J’ai jamais accepté de me faire écraser par des faux caïds qui donnent des ordres alors qu’ils valent peau de zob niveau courage quand on les chope tout seul sans leur bande, alors c’est pas maintenant que je vais commencer à me dégonfler.
Sinon, ça m’arrive d’être une enfant calme, mais la cour du collège, elle est pire que celle de l’école primaire alors faut se débrouiller, quoi.
p. 15 © Éditions Thierry Magnier 2016
Jan Claudine Desmarteau
Claudine Desmarteau est née le jour de l'hiver 1963. Après des études à l'École Supérieure des Arts Appliqués Dupérré, elle travaille dans plusieurs agences de publicité où elle sévit en tant que directrice artistique, entre 1986 et 2000. Elle commence à dessiner pour la presse et publie son premier album au Seuil Jeunesse en 1999. Sept autres titres suivront. Elle exerce les deux métiers en parallèle pendant plusieurs années et dit adieu à la pub en 2001. Elle se consacre aujourd'hui entièrement à son activité d'auteur-‐illustratrice et poursuit des collaborations régulières avec la presse.
L’AUTEUR
L’HISTOIRE
Elle s'appelle Jan, diminutif de Janis. Attention ! N'essayez pas de l'appeler autrement : « Je ne suis pas le genre de personne qu'il faut chercher avec des noises », affirme-‐t-‐elle, fière et menaçante dès la première phrase du livre. Et nous voici plongés, la tête la première, dans l'histoire bancale d'une gamine de 11 ans... Sauvage et solaire, préado agressive mais adorable, spontanée mais la tête sur les épaules, elle est la tornade qui nous entraîne au fil des pages. Elle dévore la vie, arrache les instants de bonheur, y pose un regard sans compromission. Jan n'est pas un ange, ni même une poupée de porcelaine. Il ne faut ni la chercher ni lui mentir. Elle ne connaît que l’affrontement : son monologue tente simplement de mettre K.O une réalité terrible, une situation familiale oppressante. Jan retrace ses journées au collège, nous présente ses amis, ses profs, en particulier le professeur de français, se remémore sa découverte d’Antoine Doinel et des 400 Coups de Truffaut. Elle nous montre comment à 11 ans elle tente de survivre à une réalité familiale poisseuse... Car Jan et son jeune frère, avec lequel elle enlève (un peu) son masque, sont un jour arrachés à leur père qui boit plus qu’il ne devrait et à leur mère qui a fini par le quitter. Commence alors la vie des foyers, des familles d’accueil, jusqu’à la fugue.
Comment parler de ce roman ? Comment retranscrire l’émotion palpable entre les pages ? Jan est un roman d’une densité incroyable. L'écriture de l'auteur nous brusque, nous secoue, nous bouscule par sa rapidité incroyable. Le rythme est tellement décapant qu'il est presque impossible de souffler. L’écriture agit comme un long monologue : la narratrice nous entraîne dans différents épisodes de sa vie, dans une langue parfois crue mais jamais vulgaire, qui se construit au fil des digressions. Jan est un diamant, dur et lumineux, infiniment sensible, qui trace à traits appuyés la peine, la souffrance d'une enfant qui découvre la vie à travers le prisme de la violence sociale. En attendant, sa voix nous guide, urgente, bouleversante, à bout de souffle parfois : la langue, la syntaxe sont piétinées, comme l'âme et le cœur de Jan. L'intrigue, noire, oscille entre larmes et rires. La vie est là, cachée. Au bout du compte, Jan parvient jusqu'à la mer, comme dans Les 400 Coups qu'elle a vu en cours de français et dont elle se repasse en boucle les images. Truffaut s'en est bien sorti. Pourquoi pas elle ? Un roman à lire, à mettre entre toutes les mains les yeux fermés, sans hésiter. Personne n'en sortira indemne.
Sandrine Bessenet, professeure de lettres modernes
au collège Saint Pierre à Montrond-‐les-‐Bains (42)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
Une lettre de Mme de La Fayette couvre les autres. Non décidément, elle n’arrive pas à fouiller comme une voleuse. Elle s’échappe honteuse, quand bien même personne ne sait ce qu’elle a fait, quand son regard est attiré par un papier à moitié brûlé dans la cheminée. Elle le sort des braises encore rougeoyantes, se roussit les doigts.
– Aïe ! C’est une lettre ! Il n’en reste qu’un tout petit morceau
lisible, avec un rond brûlé au beau milieu, qui empêche de tout lire : … us rappelle pas cela pour vous gêner, chère amie, ma… …mander de me confier votre propre diamant.
Et la lettre est signée… « Fouquet » ! C’est bien celle-‐là ! « Votre propre diamant » : est-‐ce d’elle qu’il s’agit ?
p. 157 © Castelmore 2016
Les Lettres volées Silène Edgar
Silène Edgar est professeure de français et anime le site Callioprofs à destination des professeurs de collège. Elle est l’auteure des romans Adèle et les noces de la reine Margot ainsi que Les Lettres volées pour lecteurs à partir de dix ans et publiés chez Castelmore. Silène Edgar et son complice Paul Beorn se sont vus décerner le Prix Gulli du Roman 2014 pour 14-‐14 ainsi que le Prix des Incorruptibles 2015-‐2016 (5e-‐4e) et le Prix Tatoulu 2016.
L’AUTEUR
L’HISTOIRE Françoise, la fille de Madame de Sévigné, est persuadée que sa mère a un grand secret. En effet, Madame de Sévigné semble peu à l’aise dès que l’on mentionne le nom de Fouquet, l’intendant de Louis XIV. Voulant élucider ce mystère, Françoise rêve de rencontrer celui qui est peut-‐être son père et de faire ainsi son entrée au sein de la noblesse parisienne. Bien que sa première apparition en société soit un véritable échec, sa mère acceptera de la confier aux bons soins de son cousin Bussy-‐Rabutin pour un séjour de trois mois au château de Vaux-‐Le-‐Vicomte. La marquise de Sévigné espère ainsi éloigner sa fille d’un paysan, compagnon de jeu, tombé amoureux d’elle. Mais ce dernier est employé par son cousin comme valet et sera de ce fait aux côtés de Françoise pour découvrir ce que cache sa mère.
À travers la vie quotidienne de Françoise, fille de Mme de Sévigné, l’auteur nous fait découvrir la vie de la noblesse avec ses complots, ses médisances. Elle aborde les questions des convenances, de la condition féminine et des inégalités entre les classes sociales au XVIIIe siècle. C’est aussi l’occasion pour l’auteur d’évoquer de nombreuses personnalités des arts et des lettres : Madame de La Fayette, Corneille, Molière, Le Nôtre, Bussy-‐Rabutin, Fouquet… Ce livre se lit d’un trait tant le style est agréable, la narration bien rythmée et le suspens savamment entretenu. Françoise est-‐elle ou non la fille de Fouquet ? Va-‐t-‐elle réussir à briller en société comme le lui enseigne sa mère ? Un bon moment de lecture en perspective. Ce livre pourrait bien être le point de départ d’un travail de recherche interdisciplinaire avec la documentaliste (histoire, lettres et disciplines artistiques) où les élèves pourraient réaliser divers dossiers sur les personnalités évoquées, sur la condition féminine à travers les âges, sur la société française au XVIIe et au XXIe siècle (inégalités sociales, éducation, place de la femme…). Cela pourrait aussi être l’occasion d’un travail en cours de français sur la préciosité, sur la biographie des auteurs du XVIIe siècle cités dans le roman, sur leurs œuvres : L’Astrée d’Honoré d’Urfé (p. 53), Le Songe de Vaux, poème de Jean de la Fontaine (p. 54), Clélie de Mme de Scudéry (p. 55), Les Origines de la langue française de Ménage (p. 62)… Un excellent dossier pédagogique, disponible sur le site de l’éditeur Castelmore, propose diverses activités organisées en parcours (écriture, culture, travail personnel, etc) à mener en classe avec les élèves.
Nadia Delci, documentaliste au collège du Jardin des Plantes à Potiers (86)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
Dernièrement, j’ai appris par hasard que Léo, un copain de classe de l’an dernier, se trouve dans un de ces groupes de harceleurs. Quand je lui ai demandé ce qui l’animait, il m’a répondu qu’il était persuadé de ne rien faire de mal.
– J’aime bien cette impression d’être du côté des forts. De régner sur les autres, c’est tout.
– Et tu n’as jamais de remords ? – Non, hier on a coincé l’Africain, le con, il a voulu se
défendre. – Quel Africain ? – Celui qui s’appelle Kenia, un truc comme ça… – Tu parles de Kenz ? C’est un Syrien, pas un Africain – Peut-‐être. C’est pareil, bon, il est pas d’ici. Et d’abord,
pourquoi j’aurais des remords ? Mes parents sont sur mon dos et me gonflent à longueur de temps. Moi, ça me fait du bien de brimer les autres.
Il dit aussi que persécuter les plus vulnérables décuple sa confiance en lui, et qu’il n’a pas l’impression, le soir, de souffrir seul dans son lit comme avant.
p. 32 © Rouergue 2016
Le Regard des autres Ahmed Kalouaz
Ahmed Kalouaz, né en 1952, vit dans le Gard. Auteur pour les adultes (dans la collection « La Brune »), il a aussi publié plus de dix romans jeunesse au Rouergue.
L’AUTEUR
© Opale – Patrice Normand
L’HISTOIRE Laure, 14 ans, est victime de harcèlements par un groupe de filles mais n’ose pas en parler et espère que cela va finir par se dissiper. Or, il n’en est rien. Le temps passe et ses bourreaux la pourchassent sans cesse jusqu’au jour où enfin elle parvient à en parler avec sa tante et ses parents. Même si elle craint ce qui peut lui arriver, Laure aura cependant le courage de défendre un jeune Syrien en dénonçant auprès de la CPE le harcèlement dont il est victime, tout simplement parce qu’il est étranger.
À travers ce court roman, Ahmed Kalouaz dénonce le harcèlement scolaire en posant un regard intimiste sur les victimes qui souffrent en silence sans oser à en parler à un adulte. Dans un langage simple, où se mêlent douleurs, poésie et envie de vivre, l’auteur décrypte le quotidien d’une victime et raconte la souffrance endurée, la solitude, l’incapacité de parler, le repli sur soi Il fait comprendre au lecteur l’enfer que peuvent vivre certains élèves, en montrant que le harcèlement peut avoir de multiples causes : qu’il soit moral, verbal, physique, il fait tout autant souffrir les victimes. L’auteur tente d’expliquer le comportement de ceux qui n’osent pas prendre la défense de ses camarades mais aussi de ceux qui deviennent harceleurs. Ce phénomène de société doit être pris au sérieux dans nos établissements et en dehors car les agressions peuvent aussi se poursuivre après l’école. L’institution, les parents doivent pouvoir y mettre fin. C’est sur ce constat que s’achève cette fiction si proche du réel. On ne peut que regretter que les enseignants, les surveillants et l’infirmière soient présentés comme des personnes peu disposées à écouter les élèves qui sont victimes de harcèlements (« Ils sont là pour être tranquilles, pas pour nous remettre en place. »). Ce roman peut faire l’objet d’une lecture cursive puis être commenté lors des sessions de vie de classe avec le professeur principal afin d’en éclairer le contenu. Face à de tels agissements, seule une volonté commune permettra à la fois de protéger les victimes et d’aider les harceleurs à comprendre le mal qu’ils font. Il me semble important de faire comprendre aux élèves que, si ce phénomène perdure dans nos établissements, c’est parce que les harceleurs peuvent compter sur le silence de tous. « Passer pour une balance » pour dénoncer une mauvaise action et éviter que d’autres puissent en souffrir doit être reconnu par tous comme une bonne action pour une vie harmonieuse et saine en milieu scolaire.
Nadia Delci, professeure documentaliste
au collège du Jardin des Plantes à Potiers (86)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
Un tourbillon de pensées claque dans ma tête mais je ferme la porte pour tenir et ne pas me laisser déborder par tout ce qui m’envahit. Peut-‐on être opaque aux yeux des autres, ne pas leur laisser de prise ? J’essaie depuis des mois de garder le mur intact en ne parlant pas, de tenir ma ligne sans dévisser, hold the line, hold the line. Et soudain je me fais rattraper par mon frère qui nage plus vite que moi et a compris que j’étais au cœur de l’histoire. Il faut que je lui dise, il faut que je raconte tout, mais par où commencer ? Il me tend la perche pour que je saute enfin mais je suffoque déjà comme un poisson hors de l’eau. […]
Je ne peux pas finir ainsi. Muré, mutique. Violent. Des poings pour cogner au lieu de tendre la main. Et un paquet de colère, comme dit Céu. Il faut que j’en finisse, me dis-‐je en pleurant doucement. J’enterre ma mère en reprenant vie mais c’est dans l’ordre des choses. Sans doute comme elle l’aurait voulu. Le deuil doit prendre fin et la parole comme un secret tapi au fond de moi doit se libérer.
p. 214-‐216 © Fleurus 2016
Le ciel est la limite
Anne Lanoë
Après avoir publié de nombreuses histoires pour les plus jeunes aux éditions Fleurus (Le Livre des contes de mon enfance, L’Iliade et l’Odyssée d’Ulysse racontées en histoires, 24 histoires merveilleuses pour attendre Noël…) Anne Lanoë signe son premier roman pour adolescents, d’une écriture d’une grande finesse. Son style littéraire poétique avait déjà été remarqué lors du Printemps des Poètes : avec son groupe Lili Brik, elle avait été finaliste de l’édition 2013 de cette grande manifestation.
L’AUTEUR
L’HISTOIRE Samuel est un jeune homme qui refuse de parler depuis que sa mère a perdu la vie dans un accident de voiture dont lui-‐même est rescapé. S’il a choisi de garder le silence, c’est parce qu’il se sent coupable de la mort de sa mère et ne veut pas raconter comment se sont passées les dernières heures avant l’accident. Samuel n'arrive plus à vivre le présent, obnubilé par ses blessures psychiques, victime presque complaisante d'un traumatisme qu'il veut faire payer à ceux qui tentent de l'amadouer. Ne sachant plus quoi faire pour qu’il aille mieux, son père et son grand-‐père, Eugenio, décident de l’envoyer à Rio pour participer à l’élaboration d’un jardin botanique dans une des favelas. Samuel comprend vite que ce projet est en fait thérapeutique : il réunit plusieurs jeunes qui vont mal. Sa rencontre avec le groupe de jeunes va être pour le moins explosive... Mais c'était sans compter le charme de Céu : cette jeune fille pétillante apporte une véritable bouffée d'air frais au roman !
Ce premier roman d'Anne Lanoë est tout simplement magnifique : la plume est limpide et simple, elle nous emmène en voyage avec délicatesse et nous offre l'opportunité de découvrir un Brésil haut en couleur. Au delà de l'histoire personnelle du narrateur, les questionnements de Sam sont universels : cesser de souffrir, est-‐ce trahir ? La réponse d'Anne Lanoë est une ode à la fraternité : pour alléger ses souffrances, il faut les confronter à celles des autres, ouvrir son cœur et son âme... Bien sûr, cette perspective peut sembler fade et bien peu originale, mais l'auteur parvient à tisser un émouvant va-‐et-‐vient entre les sentiments amoureux naissants de Sam et ses réflexions sur la culpabilité. Au delà d'une intéressante réflexion sur le choc des cultures avec des jeunes de milieux et d'horizons différents, jaillit le thème de la résilience. Certes, la romance qui se crée entre Samuel et Céu est tout sauf inattendue et frôle même le cliché. Mais leur duo fonctionne. Peu à peu, le lecteur se prend au jeu et attend avec impatience de savoir si Céu va trouver en Sam l’incarnation de celui qu’elle cherche depuis si longtemps. L’objet-‐livre lui-‐même est particulièrement plaisant avec une superbe couverture qui donne envie d'ouvrir le roman pour la décoder. Bref, à lire absolument !
Sandrine Bessenet, professeure de lettres modernes au collège Saint Pierre à Montrond-‐les-‐Bains (42)
L’AVIS DU JURY
Ce beau roman, écrit du point de vue de Samuel, décrit de façon très juste la complexité de l'adolescence, ses contradictions, ses difficultés et les moments particuliers qui n’appartiennent qu’à cet âge. On ressent parfois de l'agacement face à l'entêtement du personnage, mais aussi une grande empathie devant sa souffrance.
Isabelle Grenier, professeure documentaliste au collège Vincent Van Gogh de Clichy (92)
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
Liberté et Camille avaient prévu de se retrouver le dimanche à l'aérogare centrale de Larispem. Son nom officiel était l'aérogare Jacques Vilain mais, en général, on l'appelait la cathédrale. On ne pouvait pas ignorer que le bâtiment, immense, était l'ancienne cathédrale Notre-‐Dame. Certes, ses deux tours étaient à présent des points d'attache pour les dirigeables long-‐courriers ; certes, la structure de verre et d'acier qui s'élevait au-‐dessus du toit ajoutait plus de soixante mètres de hauteur à l'édifice et lui donnait un air futuriste. Malgré cela, Notre-‐Dame était toujours là. Les trois de Larispem s'étaient opposés à sa destruction, préférant la transformer plutôt que la faire disparaître.
p. 63-‐64 © Gallimard Jeunesse 2016
Les Mystères de Larispem Lucie Pierrat-‐Pajot
Lucie Pierrat-‐Pajot est née en 1986 à Nevers et grandit dans la campagne bourguignonne. Elle aime un temps grimper aux arbres et vivre des aventures imaginaires en compagnie de sa sœur, puis tombe dans l’addiction à la lecture. Aujourd’hui installée dans l'Yonne, elle travaille comme professeur-‐documentaliste dans un collège. Elle participe au concours du premier roman jeunesse Gallimard-‐RTL-‐Télérama avec Les Mystères de Larispem et en sort grande lauréate parmi les trois finalistes.
L’AUTEUR
L’HISTOIRE 1899. Nous suivons les aventures de Liberté, Carmine et Nathanaël à Larispem (Paris). Quelques années plus tôt, en 1871, la révolution des communards leur a permis de prendre le contrôle de Paris et d'en faire une Cité-‐État. La noblesse n'existe plus et les bouchers font partie de l'élite. Dans cette uchronie pleine de trouvailles, Carmine, apprentie bouchère, et Liberté, mécanicienne surdouée, vivent de petits larcins : des vols d'objets appartenant à la noblesse déchue et qu'elles cherchent ensuite à revendre. Une nuit, dans une vieille demeure noble, les deux amies découvrent un livre crypté qui semble très convoité par la mystérieuse confrérie des Frères de sang. De son coté, Nathanaël, un orphelin pris en charge par l’État, ne sait pas encore ce qu'on lui attribuera comme métier mais découvre qu'il a un singulier pouvoir. Les trois jeunes héros vont se retrouver au cœur d'une machination fomentée par les mystérieux Frères de sang.
Ce premier tome permet de planter le décor et de mettre les différents protagonistes en relation. L'auteur a été capable de donner vie à Larispem, une Cité-‐Etat indépendante vouée à l’égalité et au culte du progrès personnifié par la figure de Jules Verne. Cette uchronie n'est pas sans rappeler les romans feuilleton de la fin du XIXe siècle où les progrès de la technologie faisaient imaginer aux écrivains les récits les plus visionnaires. Dans ce récit emporté par le souffle de l'imaginaire, Paris est entièrement réinventée, en particulier dans ses monuments et leurs fonctions, pour notre plus grand bonheur. Le lecteur est transporté par cet univers rétrofuturiste pourtant si familier. L’argot des bouchers qui, lui, a pourtant réellement existé, est particulièrement savoureux.
Pauline Junier-‐Gauteyroux, professeure documentaliste
au collège Marthin Luther King à Moins (69)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
Le souvenir de son existence lui paraissait déjà si flou, si dérisoire. L'émotion le submergea lorsqu'il pensa à Fanette, Aza, son père, sa mère et tous ces êtres encore prisonniers de la terre. Il aurait voulu redescendre pour leur annoncer que tout allait bien, que la vie n'était pas sérieuse et la mort pas si méchante. Mais il savait que c'était impossible. Il se dit alors que ses parents ne pourraient s'empêcher de pleurer à son enterrement et toute l'énergie qui lui restait se dissipa dans un sourire attendri. Une voix chuchota au fond de sa tête.
– Tu sais, Hugo... Il faut du temps pour apprendre à quitter...
p. 90 © Grasset Jeunesse 2016
Hugo de la nuit Bertrand Santini
Bertrand Santini est scénariste et auteur jeunesse. Chez Grasset Jeunesse, il a écrit notamment Le Yark et Jonas, le requin mécanique, tous deux en cours d’adaptation au cinéma, et traduits dans de nombreux pays. Portés par une langue précise, des dialogues savoureux et une construction rigoureuse, ses ouvrages, à la fois drôles et sombres, créent un univers qui fait passer du rire aux larmes, et abordent sans détour des thèmes à la profondeur universelle.
L’AUTEUR
L’HISTOIRE C’est l’histoire d’une mort, celle du héros Hugo. Celui-‐ci vit paisiblement avec ses parents sur la propriété de Monliard qui a la particularité d’accueillir le vieux cimetière de la demeure. Un jour, on y découvre du pétrole et ce lieu devient alors très convoité. La veille de son anniversaire, Hugo voit le malheur et l’horreur arriver à sa maison. Sans savoir ni comment ni pourquoi, le jeune garçon a perdu la vie mais est toujours présent dans le monde des vivants sous une forme fantomatique. Il va donc affronter ses peurs et son passé familial pour comprendre ce qu’il lui est arrivé ainsi qu’à ses parents. Il sera accompagné dans sa quête nocturne par une étrange et joyeuse communauté de fantômes aussi immatures que loufoques.
Hugo de la nuit aborde la question de la mort avec une certaine ambiguïté (Hugo est-‐il vraiment mort?) et une certaine distance pour nos plus jeunes lecteurs puisque les morts ont vraiment l’air d’être plus heureux et sains d’esprit que les vivants. Les références littéraires sont nombreuses et sous-‐jacentes. Le clin d’œil à J.-‐K. Rowling est bien appuyé grâce à la mère de Hugo, auteur d’une série livres à succès. Le récit se situant principalement dans un cimetière avec sa petite communauté, il nous rappelle L’Étrange Vie de Nobody Owens de Nail Gaiman qui décrivait les relations entre les fantômes. Et on retrouvera l’atmosphère des films de Tim Burton où la mort peut être tour à tour, fantaisiste, consolatrice et surtout extrêmement vivante. Un texte qui mélange le burlesque mais aussi la poésie au tragique pour aborder tout en subtilité le mystère de la mort.
Pauline Junier-‐Gauteyroux, professeure documentaliste
au collège Marthin Luther King à Moins (69)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
En regardant tout autour, je notai que tout ce qui était entreposé n’avait rien à voir avec ce que je pouvais trouver chez moi, ou même chez mes amies.
– On a tout perdou en venant. On essaie de mélanger vie de chez nous et confort français. Rencontre parfois difficile.
– Comme dans tous les domaines, lui répondis-‐je en souriant.
Je ne comprenais rien des écrits que je voyais sur la table. Je me rendis compte d’une chose à laquelle je n’avais jamais pensé. La lecture devait être encore une autre difficulté à surmonter. J’avais sous-‐estimé la force de caractère de Waël. Il était un héros sans super pouvoir, un illustre anonyme. C’était un survivant.
On sentait la présence de son père et de son frère dans ces quatre murs qu’ils n’eurent jamais vus. J’imaginais certains longs soirs, où la mère et le fils parlaient des racines, en se demandant si un jour, ils pourraient rentrer chez eux.
p. 60-‐61 © Éditions du Dahu 2016
Les hirondelles se posent sur les filles électriques
Gaëtan Serra
Gaëtan Serra est professeur des écoles et auteur jeunesse. Son insatiable appétit d'écrire l'amène tout d'abord au genre de la nouvelle. Il s'essaie ensuite aux romans « pour les grands » avant d'entrer dans l'univers jeunesse en 2012. Après sa première publication en 2013 suivront plusieurs albums pour enfants (Nul ne connaît le jour qui naîtra, Halte-‐là Omega, Les Cercles des fées, Partager quelques étoiles). Trois ans plus tard, Les hirondelles se posent sur les filles électriques, son deuxième roman jeunesse, est publié aux éditions du Dahu.
L’AUTEUR
L’HISTOIRE Abigail vit au rythme du collège et de ses petits tracas quotidiens. C'est une jeune fille déterminée, avec un caractère bien trempé. La meneuse, c'est elle ! Sa rencontre avec Waël, le nouveau du collège, est électrique... Cette scène lui vaut une punition formidablement inattendue qui bouleversera son quotidien : Abigaïl doit passer du temps avec Waël, dont la culture est bien différente de la sienne, pour l'aider à améliorer sa connaissance et sa maîtrise de la langue française. Peu enthousiaste, elle vit cette punition comme une double peine : Abigail estime perdre du temps et souffre également de voir ses amies s'éloigner peu à peu d'elle et colporter des ragots à son sujet... Comment va-‐t-‐elle gérer sa sanction sans perdre sa réputation ?
Chaque mot de ce court roman délivre un message de tolérance. Les thèmes qui y sont abordés sont au cœur de notre actualité et ne peuvent que toucher un très large public, de tout âge : l'amitié, la naissance de l'amour, l’immigration, les rumeurs, l'acceptation de l'autre, etc. Les deux adolescents appartiennent à des mondes très différents, et pourtant, une relation enrichissante se tisse entre eux. Ils apprennent ensemble et se nourrissent des connaissances de l'un de l'autre. L'auteur dévoile l'évolution de cette amitié avec simplicité. Grâce à leur complicité, les préjugés s'envolent vers le ciel, telles des hirondelles... C’est une belle histoire d’amour, d’amitié et surtout de tolérance.
Elise Girard, professeure des lettres modernes
au collège Alphonse Allais à Honfleur (14)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT
– Entends-‐moi bien, Méduse. Aucun sacrifice, aucune offrande, aucune prière ne peuvent expier le crime qui fut le tien. Rien ne peut rendre à mon temple la pureté que ta conduite impie lui a ôtée. Jeune sotte, hautaine et prétentieuse ! Ta culpabilité ne fait aucun doute, et c’est pourquoi je te châtie. Iras-‐tu encore admirer ton visage, maintenant qu’il est transformé en un masque abominable ? Quant à tes boucles dorées, vois ce que j’en fais !
Aussitôt que la déesse a parlé, la chevelure de Méduse prend vie et s’agite en tous sens. Ses cheveux ondulent et se hérissent sur sa tête. Bientôt cette couronne affreuse sursaute en mouvements désordonnées et hideux : les boucles de Méduse se sont métamorphosées en autant d’horribles serpents qui s’entremêlent et dressent la tête en dardant leur langue fourchue dans toutes les directions.
p. 37-‐38 © Nathan 2016
Méduse, le mauvais œil
Anne Vantal
Anne Vantal est née en 1956, à Paris. Après un baccalauréat classique latin-‐grec, elle étudie le chinois, l’anglais et les lettres modernes. Pendant deux ans, elle enseigne l’anglais et le français à l’étranger. Elle devient ensuite critique littéraire pour le magazine Lire, puis journaliste pour la presse culturelle et scientifique. Parallèlement, elle travaille dans l’édition : révision de manuscrits, lexicographie entre autres. En 2003, Anne Vantal publie son premier roman pour la jeunesse, Pourquoi j’ai pas les yeux bleus ?, chez Actes Sud Junior.
L’AUTEUR
L’HISTOIRE Dans un coin reculé aux confins du monde vivent les trois Gorgones : Méduse et ses sœurs Euryale et Sthéno. Méduse se distingue de ses deux sœurs car elle est la seule à être mortelle. Elle est en outre extrêmement belle : ses sœurs lui envient son corps parfait, ses beaux yeux et ses cheveux blonds. Mais, dans leur grotte isolée, aucun homme pour l’admirer. Mal lui prend pourtant de souhaiter être regardée car c’est le dieu Poséidon qui jette son dévolu sur elle et la poursuit dans un temple dédiée à Athéna. La déesse ne peut fermer les yeux sur cet affront et décide donc de punir… la victime ! S’ensuit la métamorphose de Méduse en un monstre terrifiant, à la large bouche, aux crocs pointus, à la chevelure de serpents et au regard assassin. Autrefois insouciante, la jeune fille cherche dorénavant à être vue pour tuer. C’est à Persée que reviendra la mission de l’arrêter.
Si la figure monstrueuse de Méduse est bien connue, il n’en est pas de même pour son passé de belle jeune fille, dont l’occupation principale est de s’admirer. Le récit d’Anne Vantal nous permet de le découvrir tout en mettant en avant l’injustice coutumière des dieux grecs : Poséidon viole Méduse sans aucun scrupule, tandis qu’Athéna choisit de punir la jeune fille sous prétexte qu’elle se sait attirante. Ce passage, qui suscitera on l’espère des réactions indignées, pourra éventuellement servir de point de départ à une discussion sur le droit de chacun à disposer de son corps. Métamorphosée par Athéna, Méduse devient vilaine, conformément à nos représentations habituelles, non pas seulement en apparence mais aussi dans son cœur. Il faudra suivre tout le parcours de sa tête avec Persée pour qu’elle retrouve la paix sur l’égide de la déesse, prise de scrupules. Tous les éléments du mythe sont présentés, sans pour autant perdre le lecteur, même non initié à la mythologie grecque. Le dossier figurant à la fin de l’ouvrage permettra de travailler sur les différentes facettes de cette figure à travers les âges et les arts. L’ouvrage trouvera parfaitement sa place au sein d’une séquence sur « Le monstre, aux limites de l’humain » en 6e.
Charlotte Spielewoy, professeure de lettres modernes
au collège Denis Poisson de Pithiviers (45)
L’AVIS DU JURY
Prix NRP
La sélection 2016-‐2017
EXTRAIT La porte s’ouvrit avec fracas. Elia sursauta et laissa tomber sur le carrelage la seringue qu’elle venait d’utiliser. Elle n’était jamais dérangée d’ordinaire. Un Défenseur, la visière de son casque relevé et le blouson en cuir de son uniforme taché, poussa à l’intérieur de la salle un brancard, sur lequel un adolescent au visage en sang et visiblement évanoui avait été attaché. Le Défenseur passa la main sur son front qui ruisselait de sueur. Il faut que tu passes en priorité celui-‐ci, ordre du capitaine. Elia hésita, surprise. – Pourquoi est-‐il attaché ? Je n’ai pas le droit de faire passer une âme sans l’accord préalable du directeur de l’hôpital. – C’est un Nosoba, dit-‐il d’un ton autoritaire, il est condamné à mort, signe ici. L’homme lui tendit une feuille froissée et Elia reconnut un acte de décès. – Mais, s’il n’est pas encore mort, je ne peux pas signer un acte de déc… – Pas de « mais », signe, il est déjà à moitié mort de toute façon. […] Un inexprimable malaise envahit Elia, mais elle le chassa d’un haussement d’épaules. Il fallait qu’elle apprenne à contrôler ce genre d’émotions déviantes. Elle prit une grande inspiration. Elle ne faisait qu’exécuter les ordres. Elle n’avait pas de sentiments.
p. 24-‐25 © Pocket Jeunesse 2016
Elia, la passeuse d’âmes Marie Vareille
Marie Vareille a eu son premier coup de foudre à six ans et demi, le jour où elle a lu un roman pour la première fois. Écrivain un brin geek et accro à son smartphone, elle fait aussi de la communication sur le web et s’intéresse beaucoup à l’aspect marketing et commercial des métiers de l’écriture. Elle est aussi l’auteur de deux comédies romantiques : Ma vie, mon ex et autres calamités (juin 2014,City Éditions), Je peux très bien me passer de toi (juin 2015, Éditions Charleston). Fan de chick-‐lit et de comédies romantiques, elle partage aussi tous ses coups de cœur littéraires sur son blog : Fan de chick-‐lit.
L’AUTEUR
L’HISTOIRE L’héroïne du roman, Elia, a la chance d’être née Kornésienne, une caste supérieure. Pourtant, elle ne se sent pas à sa place. Le métier qui lui a été attribué grâce à la génétique – passeuse d’âmes – ne semble pas lui être destiné. Cette fonction implique de n’éprouver aucun sentiment et d’avoir même un goût prononcé pour le fait de donner la mort, mais Elia éprouve des sentiments et l’idée de la mort la rebute. Son empathie la pousse à commettre un acte qui va bouleverser son existence : sauver un Nosoba, homme de caste inférieure, condamné à mort. Après cela, elle doit disparaître au plus vite en prenant l’identité d’une Nosoba. Elle travaille à la mine de phosnium, un métier dur et éreintant. Pourtant, dans cette caste qui n’est pas la sienne, elle se sent beaucoup plus à sa place. Elle y rencontre Tim qui l’aide en la logeant et en lui expliquant le fonctionnement de la Ville Éphémère, sans poser de question sur sa véritable identité. Entre aventures et mystères, Elia fera tout pour retourner à sa Cité et enfin revoir sa sœur Edeline et son père Narvik.
Elia est un personnage très attachant, notamment pour sa détermination, son courage et sa gentillesse. J’ai beaucoup apprécié que, pour une fois, le personnage aussi fort physiquement que moralement soit une femme. Bien que certaines références fassent penser à des périodes de notre histoire (les castes hiérarchiques, les mines de « phosnium», le Conclusar, la red moon, etc.), il a été très plaisant d’être immergée dans un monde nouveau, futuriste mais pourtant extrêmement bien expliqué et plausible. J’attends avec impatience la suite de ce premier tome, que j’ai dévoré en moins de deux jours et que je recommanderai avec plaisir !
Jeromine Decourt, enseignante de lettres modernes
au collège Paul Éluard de Gauchy (02)
L’AVIS DU JURY