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À propos des subdivisions de la population argienne

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Page 1: À propos des subdivisions de la population argienne

Marcel Piérart

À propos des subdivisions de la population argienneIn: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 109, livraison 1, 1985. pp. 345-356.

RésuméL'apparition, après 338, d'un nouvel élément d'origine topographique dans la façon de distinguer les citoyens n'a pas eu pour butde distinguer deux catégories de citoyens qui n'ont jamais existé. — Édition, en appendice, d'une double dédicace d'époqueimpériale votée par des tribus.

περίληψηΉ χρησιμοποίηση μετά τό 338 νός νέου στοιχείου διάκρισης τν πολιτν σύμφωνα μέ τή τοπογραφική προέλευση τους, δένποβλέπει στή διάκριση δύο διαφορετικν κατηγοριν πολιτν φο ατές δέν πρξαν. — Σέ παράρτημα, δημοσίευση μις διπλςφιερωματικής πιγραφς ατοκρατορικν χρόνων πού ψηφίστηκε πό φυλές.

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Piérart Marcel. À propos des subdivisions de la population argienne. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 109,livraison 1, 1985. pp. 345-356.

doi : 10.3406/bch.1985.1828

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1985_num_109_1_1828

Page 2: À propos des subdivisions de la population argienne

A PROPOS DES SUBDIVISIONS

DE LA POPULATION ARGIENNE*

Nec historicos, nec commentatores varia dicentes imperitiae condemnare debemus : nam antiquitas ipsa creauit errorem...

(Servius, ad Aen., VII, 678)

Les polémiques qui opposent des historiens ou des philologues sur un sujet donné sans qu'aucun argument vraiment nouveau vienne renouveler le débat m'ont toujours paru stériles. L'intérêt du lecteur pour ces controverses n'est pas inépuisable et les questions que leurs auteurs prétendaient éclairer deviennent, d'obscures qu'elles étaient, tout à fait désespérées. Cette pratique peut trouver quelque excuse lorsque l'enjeu en vaut la peine, comme c'est le cas, par exemple, des discussions qui portent sur la chronologie des décrets attiques du ve siècle : là c'est toute notre vision de la pentekontaétie qui est en cause. Or ni le sens d'/G IV 6161, ni le nom des subdivisions de la population argienne ne sont des problèmes majeurs. Si je me suis pourtant résolu à rouvrir le dossier des phratries et des kômai, c'est parce qu'en présentant une communication au Congrès d'Athènes sur cette question, je n'avais nullement l'intention, dans le quart d'heure dont je disposais, d'épuiser le sujet. J'ai simplement voulu expliquer le fait que des phratries et des kômai portent des noms morphologiquement identiques en supposant deux réformes successives dont j'ai établi la chronologie. Le long article que P. Charneux vient de consacrer aux subdivisions de la population argienne est beaucoup plus ambitieux2. Dans l'examen de cette question difficile, il importe de distinguer soigneusement l'évolution de la nomenclatio cîvium, la nature des institutions qu'elle suppose et le nom porté par ces dernières.

(*) Une première rédaction de cet article a été communiquée à P. Charneux, que je remercie de ses remarques. Il va de soi que j'endosse la responsabilité des opinions émises ici.

(1) M. Piérart, BCH 106 (1982), p. 119-138; conlra P. Charneux, BCH 107 (1983), p. 256-262. - P. 133, dans le résumé du récit de Diodore de Sicile, mon texte a été rendu incompréhensible par le saut de quelques lignes. Il fallait lire :

35, 1 (316/5) : Cassandre est en train d'assiéger Tégée lorsqu'il apprend le retour d'Olympias et l'exécution de Philippe et d'Eurydice. Il lève le siège et se rend en Macédoine. 53-54 (31615): Cassandre pénètre dans le Péloponnèse par Êpidaure et s'empare d'Argos. 58-60 (31514): Sur ordre d'Antigonos, Aristodèmos se rend dans le Péloponnèse. (2) M. Piérart, BQH 107 (1983), p. 269-275. P. Charneux, BCH 108 (1984), p. 207-227.

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346 MARCEL PIÉRART [BCH 109

I

Contrairement à P. Gharneux, je suis convaincu que l'apparition des adjectifs phratronymiques un peu avant le milieu du ve siècle reflète un changement dans les institutions argiennes. Voici à peu près ce que je disais à ce sujet en avril 1983 3.

Aussi loin que l'on remonte dans le temps et aussi bas que l'on descende, Argos a connu les trois tribus doriennes célèbres4. Nous ignorons quand une quatrième tribu, celle des Hyrnathioi, vint se joindre aux trois autres5, mais son éponyme, Hyrnethô, vénérée à Argos autant qu'à Épidaure, se rattache au même système légendaire6. A cela s'ajoutent les φάτραι argiennes, subdivisions des tribus reconnues par W. Vollgraff7 et que des découvertes récentes nous ont fait mieux connaître. Au premier plan viennent deux inscriptions trouvées par Gh. Kritzas. La première a été publiée dans les mélanges offerts à la mémoire de N. Kondoléon8, la seconde, présentée au VIIIe congrès international d'épigraphie grecque et latine d'Athènes, en octobre 19829. Grâce à ces textes, deux progrès essentiels viennent d'être faits dans le domaine qui nous occupe.

1. Il est quasiment assuré désormais (ou du moins hautement probable) qu'à

(3) Dans une communication présentée sous le titre « Les traditions épiques et leur rapport avec la question dorienne : Argos et l'Argolide » au colloque organisé par D. Musti sur le thème : « Dori e mondo egeo. I termini délia questione dorica » (Rome, 11-13 avril 1983). — Cf. D. Musti (éd.), Le Origini dei Greci (1985), p. 282-283.

(4) Cf. D. Roussel, Tribu et cité (1976), p. 247-250. Le matériel est commodément rassemblé par M. Wôrrle, Untersuchugen zur Verfassungsgeschichte von Argos im 5. Jahrhundert vor Christus (1964), p. 11-31. — La tribu des Πάμφυλοι est connue à Argos sous la forme Παμφυλαι : IG IV, 517, BCH 77 (1953), p. 395 (Παμφύλας); ΣΤΗΛΗ (Mélanges Kondoléon), p. 498 (Παμφυλαι); IG IV, 597-599, SJSGXI, 293 (Παμφυλδόν).

(5) La tribu est connue dès le ve siècle. A mon avis, on ne peut tirer argument d'Éphore, FGH, 70 F 15 Jacoby (Etienne de Byzance, s.v. « Δυμανες ») : καί προσετέθη ή Ύρναθία, pour prouver que cette dernière est postérieure. Mais, dans l'état actuel de nos connaissances, l'idée qu'on est passé de 3 à 4 tribus est la plus satisfaisante pour l'esprit. D'autres cités voisines d'Argos paraissent avoir substitué, à un moment donné, un modèle de 4 tribus à un modèle de 3 tribus très largement répandu dans les pays doriens : Sicyone (Hérodote, V, 68, 2. Cf. P. J. Bicknell, GRBS 23 [1982], p. 193-201) ; Épidaure (IG IV2, 28 etc. ; cf. K. Latte, Gnomon [1931], p. 115) ; Trézène [SI G3 162, cf. G. Busolt,-H. Swoboda, Gr. Staatsk. I» [1920], p. 131). Il resterait à savoir de quand date la réforme argienne. N. G. L. Hammond, CQ N.S. 10 (1960), p. 33-36, se réfère à l'inscription archaïque SEG XI, 336 qui contient une liste de 9 damiurges qui pourraient être choisis dans les trois tribus doriennes. Mais l'argument est assez fragile. Une autre inscription mentionne 6 damiurges (SE G XI, 314). La datation de ces documents a été abaissée par L. H. Jeffery, Local Scripts (1961), p. 156-158 : la première daterait du début du vie, la seconde du milieu du même siècle. Sur cette magistrature et les problèmes posés par la combinaison des documents, cf. M. Wôrrle, op. cit., p. 61-70.

(6) Pausanias, II, 23, 3 (Argos) ; 28, 3-7 (Épidaure). Par-delà le jugement personnel du Périégète on voit ici la trace de prétentions rivales entre les cités voisines.

(7) W. Vollgraff, BCH 33 (1909), p. 182-200 ; Mnemosyne 44 (1916), p. 53-59. Cf. M. Wôrrle, op. cit., p. 11-31 ; D. Roussel, op. cit., p. 154-155.

(8) Ch. Kritzas, « ΣΤΗΛΗ », Mélanges Kondoléon (1980), p. 497-510. Cf. M. Piérart, BCH 105 (1981), p. 611-613.

(9) Voir le résumé de la communication de Ch. Kritzas dans les 'Ανακοινώσεις Communications du VIIIe Congrès international d'épigraphie grecque et latine, p. 84.

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l'époque classique, il y avait 12 phratries par tribu, soit 48 en tout. Nous en connaissons aujourd'hui 40 par leur nom10, peut-être même davantage11.

2. L'inscription présentée à Athènes nous donne la composition complète de la tribu des Hyrnathioi. On la considérait naguère comme composée d'éléments non-doriens intégrés dans la Cité, peut-être déjà à l'époque du roi Pheidon12.

Je ne voudrais pas priver Ch. Kritzas d'un commentaire qui lui revient ; je me contenterai de rappeler une observation qu'il a faite en publiant la première inscription qui nous donne des informations sur la répartition des phratries en tribus : « II est notable, disait-il, que la phatra des Téménides, qu'on pourrait être tenté, d'après la tradition, de rapporter à l'une des trois anciennes tribus d'Argos, appartient à la nouvelle tribu des Hyrnathioi. Cela renforce peut-être l'hypothèse d'une réforme de la répartition des citoyens vers le milieu du Ve siècle13. La nouvelle inscription présentée à Athènes donne corps à cette théorie.

Beaucoup de choses s'expliquent le plus simplement du monde si l'on voit dans les « phratries » un système artificiel lié au développement de la démocratie argienne. En particulier, la disparition plus ou moins brutale des tribus, puisque, les unes étant les subdivisions des autres, il suffisait pour assurer l'identité du citoyen de mentionner les premières. Je ne pense donc pas que l'apparition de cet élément dans la nomenclature du président « doit être l'indice de quelque réforme qui l'aura fait choisir,

(10) Depuis la liste dressée par M. Wôrrle, op. cit., p. 17, n. 32, les noms suivants ont été publiés : Άρκωΐδαι (Ch. Kritzas, ΣΤΗΛΗ p. 497-510; cf. M. Piérart, BCH 105 [1981], p. 611-612), Δωριέες (M. Piérart-J. P. Thalmann, El. Arg., BCH Suppl VI [1980], p. 261-269; cf. BCH 105 [19811, p. 612-613), Εύαλκίδαι [Et. Arg., p. 261). L'inscription présentée au congrès d'Athènes comprend trois nouveaux noms. Deux corrections doivent être apportées à la liste de M. Wôrrle. Le nom qui se cache sous les lettres ΛΓΙΔΑΙ est Όφελλοκλεΐδοα : cf. EL Arg., p. 272-273 ; BCH 106 (1982), p. 127, n. 22. D'autre part on ne peut, jusqu'à preuve du contraire, maintenir la phratrie des Ποιμωνίδοα. Le nom figure dans la liste dressée par W. Vollgraff, BCH 33 (1909), p. 189-190 avec le commentaire suivant : « La φάτρα s'appelle ΓΙοιμωνίς, d'où l'on a dû tirer Ποιμωνίδοα ou Ποιμωνέες (η. 1) ». Cette hypothèse, fort vraisemblable en soi, n'a pas encore reçu de confirmation dans nos textes. Elle date, on le voit, d'une époque où W. Vollgraff ne distinguait pas encore clairement les deux systèmes. Les ΓΓοιμωνίδοα se retrouvent dans la liste publiée dans Mnemosyne 44 f 19161 p. 56, dans celle de M. Guarducci, V Istituzione délia Fratria... (1938), p. 125 et dans celle que dresse M. Mitsos, Πολιτική Ιστορία τον "Αργούς (1945), p. 66, η. 5. P. Amandry, Hesperia 21 (1952), p. 219, parle du couple Ποιμωνίδαι-Ποιμωνίς, ainsi que P. Charneux, BCH 77 (1953), p. 394 : « ce texte nous révèle un nouveau lieu-dit d'Argos Κεραμίς : ce nom est évidemment tiré de l'activité artisanale qui s'exerçait à cet endroit : il fait pressentir l'existence d'une phratrie des Κεραμίδαι ou des Κεραμέες puisque au lieu-dit Ποιμωνίς correspond une phratrie des Ποιμωνίδαι, etc. ». BCH 80 (1956), p. 603, il propose de restituer [Ποΐμ]ωνίδ[ας] ou [Αίθ]ωνίδ[ας], dans IG IV 560, 1. 14. Il faut attendre que les inscriptions en attestent l'existence avant d'inclure ce nom dans la liste des phratries ou de le restituer dans une inscription.

(11) Aux quarante noms mentionnés dans la note ci-dessus, il faut peut-être ajouter les - - οδαμειοι (W. Vollgraff, Mnemosyne 57 [1929], p. 245-246 ; cf. P. Charneux, BCH 82 [1958], p. 6 et n. 5). En outre, je crois reconnaître un nom de phratrie dans la mention Άμφισέες d'une stèle funéraire publiée par J. Papachristodoulou, AAA (1971), p. 92-94 (cf. J. et L. Robert, BullÉp. [1971], 309). — W. Vollgraff s'est demandé avec raison si les Σαλαμίδαι de Mycènes [IG IV, 500) étaient argiens ou mycéniens. La ressemblance de ce texte avec les lamelles argiennes trouvées à Némée (S. G. Miller, Hesperia 48 [1979], p. 81-82 cf. BCH 105 [1981], 612) fournit une présomption en faveur d'Argos. Nous aurions alors 43 noms sur 48.

(12) Cf. D. Roussel, op. cit., p. 247-249. Comme lui, je ne crois pas à l'existence d'une tribu qui aurait regroupé des éléments non-doriens de la population. Mais rien n'oblige à faire remonter au vne siècle la création de la quatrième tribu.

(13) Ch. Kritzas, op. cit., p. 506 (Je traduis).

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sans plus de référence aux tribus, εκ πάντων Άργείων (ρ. 208) », ni que les tribus d'Argos « semblent disparaître presque complètement de la scène à partir du milieu du ve siècle (p. 208 n. 12) »14.

Car il ne faut pas confondre deux choses. Les phylétiques, les démotiques et tous les autres noms de subdivisions qu'on voudra former sur ce modèle peuvent bien le cas échéant nous instruire — comme ils informaient les anciens — du fonctionnement des rouages politiques, ils servent d'abord et avant tout à établir l'identité de leur porteur. Si l'on veut insister sur les organes responsables, on le dit explicitement. Entre la liste IG IV, 517, où les hiéromnémons sont désignés par leur nom et leur phylétique et l'intitulé de la liste d'affranchissement IG IV, 530, où ils portent le « phratronyme », je ne vois pas de différence formelle. Mais dans la dédicace trouvée près de Némée, il s'agit d'autre chose : les noms de tribus n'appartiennent pas à la nomenclature des ilarques : ils sont au génitif, parce que ces officiers sont, comme les phylarques athéniens, des chefs de bataillons dont la base de recrutement est la tribu15. Ce qui disparaît de la scène vers 460-450, aussi bien dans la nomenclature des présidents du conseil et des magistrats que des particuliers, c'est le phylétique.

P. Gharneux (p. 213-214) me reproche d'avoir dit que les travaux de Gh. Kritzas ont permis d'établir que les phratries sont des subdivisions des tribus. Mais tout le monde sait qu'à Athènes, après les réformes de Glisthène, les phratries n'appartiennent plus au même système que les tribus. D'ailleurs, tellement de pans de notre savoir se sont écroulés avec de fausses évidences qu'il n'est pas inutile d'insister sur les maigres certitudes que nous possédons. Cependant je reconnais que, malgré les doutes rhétoriques de M. Guarducci et ceux, plus réels, de K. Latte, l'idée ne m'était jamais venue de remettre en cause l'identification qu'a opérée W. Vollgraff entre les adjectifs patronymiques qui précisent le nom des Argiens et la deuxième des subdivisions mentionnées par le décret pour Alexandros de Sicyone. Or, si nous avons affaire à un système artificiel, on peut raisonnablement se demander si les subdivisions qui apparaissent avant le milieu du Ve siècle ne sont pas des πεντηκοστύες. C'est, en effet, une question qu'il faudrait creuser.

II

Passons au second élément de la nomenclatio ciuium, qui nous retiendra davantage. La position de P. Charneux peut être résumée comme suit :

1. Le nom de kômè était l'appellation officielle dans l'Antiquité. 2. Son apparition dans la nomenclature n'est pas liée à la création d'une nouvelle

subdivision de la population : avant comme après 338, les citoyens ont été répartis ένς φυλαν και φάτραν και πεντηκοστύν.

3. Les variations dans la nomenclature des citoyens s'expliquent notamment par des différences de statuts, les nouveaux citoyens n'ayant pas été incorporés dans les phratries.

(14) Voir ci-dessous l'appendice. (15) Ce fait est reconnu par P. Gharneux (p. 209) : il s'agit selon lui d'une nomenclature indirecte.

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4. L'emploi de « kômétiques » correspondant au territoire classique de l'Argeia est dû à un souci de symétrie.

A l'appui de sa thèse que les nouveaux citoyens n'ont pas été incorporés dans les phratries, P. Gharneux cite l'exemple des Oropiens, qui n'ont pas reçu de démotique à Athènes (p. 223). Il est fort mal choisi. Si les gens d'Oropos n'ont pas reçu de démotique, c'est parce qu'ils n'ont pas été intégrés dans la population athénienne. L'Oropie est purement et simplement un territoire soumis et annexé16. Au ive siècle, ce sont des Athéniens qui administrent le sanctuaire et la région17. L'absence des Oropiens est si flagrante que Fr. Gschnitzer s'est demandé ob sie ùberhaupi im Lande bleiben durflen18. Nous savons maintenant qu'une partie au moins de la population, celle de la ville, fut dispersée lors d'une des mainmises athéniennes sur le pays19.

Au contraire de ces malheureux, nous voyons les nouveaux citoyens d'Ârgos occuper des fonctions politiques importantes, comme Λέαιθος Κλεωνού, qui fut président du conseil ou Έρπέας de Ζάραξ, qui fut secrétaire20. Ils ont donc dû bénéficier des mêmes droits et des mêmes devoirs que les Argiens de souche et il est déraisonnable d'imaginer qu'ils aient été exclus des rouages qu'énumère le décret pour Alexandros de Sicyone et parmi lesquels figure sûrement celui dans lequel W. Vollgrafï a reconnu, à tort ou à raison, la phratrie21.

Car pour sauver l'hypothèse de P. Gharneux, il faudrait admettre tout d'abord que l'appartenance à l'institution qui correspond au premier élément de la nomenclature du citoyen argien, dont nous savons maintenant en toute certitude qu'elle est une subdivision de la tribu, qu'elle existe dès le Ve siècle et qu'elle survit à la disparition du second élément au ne siècle, n'est pas une condition nécessaire à l'exercice des droits du citoyen, ou, au moins, qu'on a privé Λέαιθος de Gléonai et ses compatriotes, qui étaient des citoyens actifs, de privilèges qu'on n'hésitait pas à accorder à des personnes qui recevaient la citoyenneté à titre purement

(16) ... τήν μέν Ώρωπίαν (...) 'Αθηναίων κατά τό ύπήκοον εϊναι (Thucydide, IV 99). (17) On partira désormais de l'étude de L. Robert, Hellenica XI-XII (I960), p. 189-203. (18) Fr. Gschnitzer, Abhàngige Orte (1958), p. 85. (19) Cf. l'inscription publiée par M. Mitsos, ArchEph (1953-1954), p. 158-161 (J. et L. Robert, BullÉp

[1958], 251), avec le commentaire de L. Robert, op. cit., p. 202 : « Ce nouveau décret se placerait très bien, je pense, juste après la fin de la période de domination athénienne qui commença en 303. Il n'est pas exclu qu'il se place juste après 322. En tout cas, consécutif à l'une de ces deux périodes de domination athénienne, il semble jeter une lumière assez crue, mais non pas inattendue, sur les procédés de la domination athénienne : les murailles de la ville avaient été détruites et les habitants — en tout cas ceux de la ville — dispersés ».

(20) Λέαιθος : Et. Arg., BCH Suppl VI (1980), p. 261. Έρπέας : BCH 82 (1958), p. 7. PourP.CHARNEUx, p. 222-223, Έρπέας ne serait pas un ancien Ζαράχιος, mais un colon argien établi sur place. De même, Θιόκριτος Κολουρίς serait un nouveau citoyen, mais Πολυχάρης Ήραιεύς Κολουρίς, un colon : p. 222, n. 88. On remarquera qu'aucune de nos sources ne fait état de colonies argiennes dans les territoires annexés. Cette hypothèse ne peut d'ailleurs servir à expliquer, par exemple, ΜναΜμαχος Πρόσυμνα, à côté de Τιμοκλής Φολυγάδας Πρόσυμνα ni, à plus forte raison, Όρθαγόρας Πυθίλα Στιχέλειον, à côté de Όρθαγόρας Πυθίλα Κλεοδαΐδας Στιχέλειον. Plutôt que d'assigner des causes multiples à des effets identiques, je préfère continuer à prendre Έρπέας Αίσχιάδας Ζάραξ pour un habitant de ΖάραΕ appartenant aux Αίσχίαδαι.

(21) II est évident que les Argiens se sont aussi comportés, dans certaines circonstances, avec la même cruauté que les Athéniens. Ainsi lors de la conquête de Mycènes, les habitants furent dispersés : Pausanias, VII 25, 6. Mais ces expulsions ne nous intéressent pas ici, non plus que la question des périèques (cf. Fr. Gschnitzer, Abhàngige Orte [1958], p. 68-81) : dans les décrets, nous avons affaire à des citoyens.

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350 MARCEL PIÉRART [Β Cil 109

honorifique. Il me paraît plus simple d'admettre que Λέαιθος et ses compagnons ont été inscrits dans les « phratries », comme les autres Argiens22.

Y eut-il lors des agrandissements du territoire des remaniements de cette institution? Rien ne permet de le croire. Il existe en revanche au moins un indice en faveur du contraire : Έρπέας de Ζάραξ appartient à une phratrie qui est attestée à l'époque classique, celle des Αισχιάδαο23. Ce témoignage isolé ne suffirait peut-être pas à créer une certitude, s'il ne s'insérait tout naturellement dans un ensemble de documents qui nous informent sur les procédures suivies lors de l'incorporation de nouveaux citoyens dans les cités : souvent, ils sont répartis dans les subdivisions existantes. Dans la belle série des décrets du Delphinion de Milet — qui n'est pas un cas à part24 mais où nous voyons mieux comment les choses se déroulent — Γέπικλήρωσις a lieu tantôt dans les tribus que l'assemblée désigne25, tantôt, comme le précise le traité avec Héraclée, προς μέρος εφ* έκάστην φυλήν26. Cette opération est indispensable pour que le nouveau citoyen bénéficie de la μετουσία27.

Je crois donc que lorsqu'on a incorporé des nouveaux citoyens après 338, ils ont été répartis entre les phratries existantes. L'absence du premier élément dans la façon de désigner les Argiens obéit à d'autres causes.

Le deuxième défaut du système de P. Gharneux est son impuissance à expliquer les variations qui concernent les Argiens de souche. La multiplication des hypothèses différentes destinées à rendre compte d'un phénomène unique est en soi un aveu de faiblesse : elle fait violence au principe d'économie qui est une règle de méthode éprouvée28.

Il suffit d'un coup d'œil sur le tableau dressé par P. Gharneux (p. 216) pour voir que les variations interviennent à l'intérieur d'un même décret pour désigner les citoyens impliqués dans la procédure (XII, XIII, XXII29, XXIV). D'un décret à l'autre, on les observe dans la nomenclature de personnes qui ont exercé les mêmes fonctions, dans la façon de désigner des gens qui appartiennent à la même kômè (XII, XVI, XXIV) et jusque dans la manière de citer le même personnage30.

(22) Comme dans la formule des décrets de Samos : και άναγράψαι καθότι καΐ τους άλλους Σαμίους (Chr. Habicht, AM 72 [1957], ρ. 263-266).

(23) Elle est dans l'inscription publiée par Ch. Kritzas, ΣΤΗΛΗ, ρ. 498 (SE G XXIX [1979], 361). (24) E. Szanto, Das griechische Bûrgerrecht (1892), p. 53-56. Cf. L. Robert, BCH 57 (1953), p. 495-496

(= Op. min. sel. I [1969], p. 439-440). (25) A. Rehm, Delphinion (1914), 143,28. (26) A. Rehm, op. cit., 150, 49-50. La formule milésienne προς μέρος έφ' έκάστην φυλήν répondait

d'avance à l'objection de P. Gharneux (p. 222, n. 88) qui se demande si tous ceux d'une même kômè n'auraient pas été attribués à la même phratrie : ce sont des questions qu'on réglait selon les cas.

(27) Par exemple, dans le décret Delphinion 150,50 : εΤναι δέ αύτοΐς των μέν λοιπών πάντων παραχρήμα τήν μετουσίαν. . .

(28) Dans son ouvrage The Logic of Scienlific Discovery (1959), Karl Popper développe l'idée qu'en toute rigueur une théorie ne peut jamais être vérifiée et qu'on peut tout au plus montrer qu'elle est fausse. Pour évaluer une théorie, on se fonde sur des critères comme sa valeur explicative, sa cohérence interne, sa compatibilité avec les hypothèses émises dans les disciplines voisines, et enfin sa simplicité et son élégance. (J'emprunte ma formulation de ces notions à N. Ruwet, Introduction à la grammaire générative [1967], p. 13-14).

(29) Dans le décret XXII, Κολωνός doit figurer dans la colonne des kômai. (30) II n'y a pas lieu, dans le décret XXX, d'écrire Κλεοδαΐδας Στιχέλειον puisque seule la kômè était

mentionnée là.

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On notera d'emblée qu'une certaine liberté dans l'usage des formules a toujours été naturelle à Argos comme ailleurs. Le fait qu'à peu d'années d'intervalle la même personne, Orthagoras, fils de Pythilas, puisse être désignée par le seul élément toponymique ou par la jundura phratrie + kômè prouve que l'on ne peut pas demander aux rédacteurs d'autrefois la rigueur que les philologues modernes s'efforcent de mettre en pratique de nos jours. Ceci posé, je crois qu'en prenant les choses par le bon bout, il est possible d'introduire un peu de cohérence dans ce désordre apparent.

Nous y verrions sans doute plus clair si nous pouvions classer nos textes chronologiquement. Il existe heureusement des décrets qu'on peut dater à l'aide de critères externes.

1. L'arbitrage entre Kimolos et Pholegandros (IG XII 3, 259) date des années qui ont suivi immédiatement Chéronée.

2. Une inscription inédite (inv. Ε 67) contient, face A, un arbitrage des Quatre-vingts impliquant Nikostratos Sphyréis, l'entrepreneur, et face B, un règlement de culte. Elles sont de la même époque31.

3. Le décret pour Pallantion date du temps où Polyperchon était actif dans le Péloponnèse (318-316 ?)32.

4. Le décret pour Pamphilos de Xypété date des années 318-316 ou de la fin du siècle33. 5. Le décret pour les Rhodiens date de la fin du ive ou du début du ine siècle34. G-7. Deux décrets proposés par Orthagoras, fils de Puthilas peuvent être datés grâce à des

rapprochements prosopographiques : — Le père de Théogénès de Myndos, proxène du décret Mnemosyne 43 (1915), p. 366-367, a été juge étranger à Samos vers 280, ce qui nous renvoie au milieu du siècle35. — Le proxène de Mnemosyne 43 (1915), p. 366-367 A est un Πτολεμαιεύς άπδ Βάρκης. On attribue la fondation de cette colonie à Ptolémée III, ce qui porte le terminus a quo à 240 environ36. — W. Vollgrafï a déjà noté qu'il fallait reconnaître dans Πυθίλαος Όρθαγόρου 'Αθηναίος, qui fut vainqueur aux Panathénées vers 190, le fils d'Orthagoras37. On ne risque guère de se tromper en datant ces textes des environs de 240-230. De toute manière, nous ne sommes pas à quelques années près.

8. Le décret publié par P. Gharneux, BCH 80 (1956), p. 599-600, n° II est de la même année que les précédents : le président et le secrétaire sont les mêmes.

9. Orthagoras, fils de Puthilas, qui a dû être un personnage important, a encore proposé, mais une autre année, le décret pour le Béotien Démétrios, BCH 82 (1958), p. 13, n° III.

(31) Inv. E. 67, face A (cf. BCH 106 [1982], p. 127, n. 22 ; 107 [1983], p. 264, 272, n. 23). - L'inscription qui figure sur la face Β (cf. BCH 106 [1982], p. 127, n. 22i est postérieure à la réforme. Le président est désigné par sa phratrie, mais l'auteur de la proposition l'est par la kômè : Θηράνειον (nouvelle).

(32) Voir en dernier lieu P. Charneux, BCH 107 (1983), p. 251-256. (33) M. Piérart-J.-P. Thalmann, Et. Arg., BCH Suppl VI (1980), p. 261-269. (34) Voir en dernier lieu R. Stroud, Hesperia 53 (1984), p. 215-216. (35) Cf. Ch. Habicht, AM 72 (1957), p. 258, n. 145 (P. Charneux, BCH 108 [1984], p. 218). (36) C. H. Kraeling, Ptolemais. Cily of the Libyan Pentapolis (1962), p. 6. Cf. P. Charneux, BCH 90

(1966), p. 235, n. 3 et 6. — Je ne sais sur quoi repose la date proposée par \V. Peremans, E. Van't Dack, L. Mooren, W. Swinnen, Prosop. ptol. VI (1968), 14928 a : « avant 267 ».

(37) IG II», 2313, 58-59. W. Vollgraff, Mnemosyne 43 (1915), p. 367.

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352 MARCEL PIERART [BCH 109

Ces textes nous fourniront un point de départ solide pour reconstituer l'évolution de la nomenclatio ciuium. Je rassemble les données dans le tableau suivant :

Patronyme Phratrie » « Kômè

Vers 335

1. Président — Secrétaire —

2. A. Prêtre — Entrepreneur — Président des 80 — Secrétaires —

Témoins ( ?) —

B. Président — Rogator —

Vers 320-300

3. Président — Rogatores —

4. Président — Secrétaire — Rogator —

5. Président — Secrétaire — Rogatores —

Vers 240-230

6-7 Président + Secrétaire + Rogator -f-

8. Président + Secrétaire -+-

9. Président — Secrétaire + Rogator -+-

+

Page 10: À propos des subdivisions de la population argienne

1985] À PROPOS DES SUBDIVISIONS DE LA POPULATION ARGIENNE 353

Entre les deux périodes considérées, le contraste est flagrant :

1° On constatera tout d'abord que le patronyme est omis dans la série haute et normalement présent dans la série basse. Le fait est si régulier que je n'hésiterais pas à faire de la présence systématique du patronyme dans le même décret un indice en faveur de son caractère récent.

2° L'autre trait qui oppose les deux séries est la nette prédominance dans la première période de la junciura nom + kômè (13 cas) contre celle qui était d'usage avant 338 (nom -f- « phratrie » : 3 cas) et la combinaison nom + « phratrie » + kômè (3 cas).

3° Par contre dans les décrets de la série basse, les nomenclatures binaires sont largement prédominantes.

Je crois qu'on est autorisé à déduire de ces tableaux que, dans un premier temps, l'emploi du nouveau système, qui consistait à désigner les citoyens par l'élément toponymique a tendu à être général. Mais il n'a jamais réussi à supplanter totalement l'ancien38. A cause de la force de l'habitude, peut-être, mais aussi, je pense, parce que les « phratries » demeuraient l'un des rouages essentiels de la vie politique. C'est ainsi que j'expliquerais le fait que des nomenclatures binaires apparaissent assez tôt : elles concernent d'ailleurs toujours le président ou le secrétaire39. Cependant, dans l'ensemble, le goût des rédacteurs était à la sobriété. C'est plus tard seulement que l'usage se répandit de multiplier les indications d'un bout à l'autre du décret, sans qu'aucune règle fixe s'imposât définitivement.

Pourquoi a-t-on tenté d'imposer, vers 338, une nouvelle manière de désigner les Argiens? Hypothèse pour hypothèse, je continue à croire que la constitution de nouveaux ληξιαρχικά γραμματεία à partir des groupements topographiques est encore le moyen le plus simple d'expliquer l'apparition du dernier élément de la nomenclature et le fait que, dans un premier temps, le groupe nom + élément toponymique ait été dominant40. Nous ne savons pas si ces nouvelles circonscriptions avaient d'autres fonctions politiques. Il est certain qu'elles n'eurent pas pour but l'abolition des tribus et des « phratries ».

Si le doute subsiste sur l'appellation des éléments de la nomenclature du citoyen argien (le nom de πεντηκοστύς ayant pu s'appliquer aussi bien au premier qu'au

(38) Je ne puis décider si l'absence de « kômè » dans l'inscription relative aux travaux de réfection au sanctuaire d'Apollon (W. Vollgraff, Le sanctuaire d'Apollon Pythéen à Argos [1956], p. 109-116 ; J. Pouilloux, REA 60 [1958], p. 50-66, avec bibliographie p. 51, et considérations sur la date p. 64-65) et dans le décret de proxénie Et. Arg., BCH Suppl VI (1980), p. 259, n° 2 est due à leur date, qu'il faudrait remonter quelque peu, ou à d'autres causes.

(39) Ma théorie n'est pas infirmée par la publication, par R. Stboud, Hesperia 53 (1984), p. 193-216, d'un décret argien pour Aspendos trouvé à Némée et qu'il date, de façon tout à fait convaincante, de la même époque que le décret en l'honneur des Rhodiens (ci-dessus, n. 34) : Πο[λυ]χάρης Ήραιεύς Κολουρίς y figure comme président du conseil.

(40) A Athènes les registres de population étaient tenus dans les dèmes et tous les citoyens y figuraient. Cf. Lycurgue, Contre Lêocrate, 76 ; Eschine, Contre Timarque, 18, 103, Aristote, Alh. pol., 42, 1 (avec le commentaire de P. J. Rhodes), voir G. Busolt-H. Swoboda, Gr. Staatsk. II3 [1926], p. 965. Nous savons qu'à l'occasion on a procédé à des révisions des registres : ainsi en 346/5 cf. G. Busolt-H. Swoboda, op. cit., p. 949. Enfin on ne perdra pas de vue que les gens d'Épidaure ont développé un système de répartition de la population fondé sur des subdivisions territoriales et qu'il a pu influencer les Argiens.

23

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354 MARCEL PIÉRART [BCH 109

second)41, l'évolution des usages en la matière peut être reconstituée avec assez de précision. La disparition des phylétiques dans le second quart du ve siècle est due à la mise en place d'un nouveau système dont tout porte à croire qu'il est lié au développement du régime démocratique. Après 338, apparaît un nouvel élément d'origine clairement topographique. Son but n'était pas de distinguer deux catégories de citoyens qui n'ont jamais existé ; peut-être est-il lié à l'établissement de nouveaux ληξιαρχικά γραμματεία. Dans un premier temps, on s'est contenté le plus souvent de désigner les citoyens par la jundura nom + toponyme. Comme la subdivision dans laquelle W. Vollgraff reconnaissait la phratrie n'a pas disparu, on a pu, à l'occasion, continuer à utiliser la jundura classique nom + adjectif « phratronymique » et, dans quelques cas, employer la combinaison nom + « phratonymique » + toponyme. Ce dernier usage devait se généraliser par la suite, pour aboutir dans la deuxième moitié du 111e siècle à la nomenclature complète non -f- patronyme + « phratronymique » + toponyme.

Marcel Piérart.

(41) M. Piérart, BCH 107 (1983), p. 274-275 ; contra P. Charneux, BCH 108 (1984), p. 210-212.

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1985] A PROPOS DES SUBDIVISIONS DE LA POPULATION ARGIENNE 355

Appendice

Deux dédicaces de tribus d'époque impériale

A l'époque impériale, les tribus continuent à jouer un rôle dans l'organisation de la cité à Argos, comme dans tant d'autres cités. Nous possédons une série de textes émanant de ces subdivisions et honorant des bienfaiteurs42. C'est parmi elles qu'il convient de ranger une inscription trouvée en 1964 et que je dois à l'obligeance d'Y. Garlan de pouvoir publier ici.

Inv. Ε 30. Bloc de calcaire gris trouvé dans un champ au Sud de la Larissa en octobre 1964. Il est brisé à gauche (sauf dans la partie supérieure). Hauteur : 0,88 m. Largeur : 0,60 m. Épaisseur : 0,28 m. Il porte deux inscriptions. La première est complète à droite. La seconde se poursuivait sur un autre bloc situé à droite. Les lettres sont étroites et pourvues d'apices marqués. Hauteur des lignes : environ 3,8 cm. Interlignes : environ 2 cm. Le style de l'écriture et la façon du bloc rappellent la triple dédicace du IIe siècle en l'honneur de trois frères trouvée au Sud des Thermes A, dans le champ Bakaloyanni et déposée actuellement dans la pièce à abside dudit monument43 (fîg. 1).

Fig. 1. — Dédicaces de tribus d'époque impériale.

(42) IG IV, 596 (Hylleis) ; 597, 598, 599 (Pamphylai) ; 600, 601, 602 (Hyrnathioi). (43) L'inscription est publiée par P. Charneux, BCH 80 (1956), p. 610-614, n° VII.

Page 13: À propos des subdivisions de la population argienne

356

[Γ.] Κλαύδιον Τιβ. δίου Τυχικου υίον Τυ- [χικον εί]σαγωγέα γενό-

4. [μενο]ν 'Ηραίων έπι άγω- [νοθ]έτου Σωσιπάτρου [και δ]όντα παντι έ- [λευθ]έρω δηνάριον ή

8. [φυλή] των Ύλλέων τον [εύε]ργέ[τη]ν

MARCEL PIERART

Γ. Κλ[α [δί]ου ΤνΜκ γενό έπι άγ σιπάτ τα παν δηνάρ. των Ι εύεργ

ύδιον Τιβ. Κλαυ-] [Τυχικου υίον] [ον εισαγωγέα] [μενον Ηραίων] [ωνοθέτου Σω-] [ρου και δόν-] [τι έλευθέρω] [ιον ή φυλή] [ρναθίων τον] έτην

[BCH 109

Le personnage honoré, G. Claudius Tychicus, appartient à une famille d'Argos bien connue à l'époque impériale. Un Tiberius Claudius Tychicus est connu par d'autres inscriptions. Il a exercé notamment les fonctions d'hellanodice et d'agonothète et promis des thermes à la ville d'Argos. Ce vœu fut exécuté après sa mort par sa fille Claudia44.

La fonction d'εîσαγωγεύς était déjà connue à Argos par deux inscriptions : une dédicace de date incertaine45 et la triple dédicace en l'honneur de trois frères que des rapprochements prosopographiques permettent de fixer sous le règne des Antonins. Mais notre texte présente une singularité. En général, les magistrats exercent leurs fonctions pour deux concours à la fois, les Sebasteia et les Nemeia ou les Heraia et les Nemeia. C'est le cas des agonothètes et, comme P. Gharneux l'a établi, des Hellanodices, du xystarque, mentionnés dans une liste dont le secrétaire est αμφοτέρων των αγώνων46. Le rédacteur de notre texte a-t-il, pour faire bref, omis de mentionner les Nemeia ou faut-il supposer que cette fonction était attribuée à deux personnes différentes ?

A l'occasion de sa magistrature, G. Claudius Tychicus a donné à chaque homme libre un denier, selon un usage fréquent à cette époque, à Argos47 comme ailleurs. C'est ce qui lui a valu la reconnaissance des tribus de la cité.

(44) Cf. P. Charneux, BCH 80 (1956), p. 610 ; 107 (1983), p. 251-252. (45) IG IV, 594. (46) A. Boethius, Der argivische Kalender (1922), p. 59-62 ; P. Charneux, BCH 80 (1956), p. 609. (47) Cf. IG IV, 597, 9-11 : καΐ δόντα επί δίς τοις μέν πολείταις κατ' άνδρα δην(άρια) δ', τοις δέ λοιποΐς

έλευθέροις ά"ν[α] δην(άρια) β'.