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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 1 43 RUBRIQUE PRATIQUE À quoi sert le nerf obturateur ? Et, si nécessaire, pourquoi faut-il le bloquer ? Denis Jochum (photo), Hervé Bouaziz Ces dernières années, le nerf obtura- teur bénéficie d’un regain d’intérêt dû à l’inconstance du résultat obtenu après un bloc 3 en 1. Cette technique est réalisée à l’aide d’une seule injec- tion au niveau inguinal. Malheureuse- ment, la terminologie adoptée par Winnie et coll. (1) il y a plus de 30 ans, le bloc « 3 en 1 », correspond à un objectif impossible à atteindre en pratique. La réussite de ce bloc pour le nerf fémoral, cutané latéral de la cuisse et obturateur, ne peut pas être affirmée par une simple évaluation de la sensibilité. Lors de l’évaluation d’un bloc fémoral, le signe le plus fréquent et le plus précoce est la perte de sensation à la face médiale de la cuisse (2). Cette zone cutanée ne correspond pas au territoire du nerf obturateur (3). Pour authentifier un bloc du nerf obturateur, il est important de se fier plutôt à une évaluation de la force motrice (3). Cependant, la question se pose de savoir à quoi sert ce nerf obturateur et de l’inté- rêt d’un bloc de ce nerf pour l’anesthésie et l’analgésie du membre inférieur. ANATOMIE Les branches du plexus lombal (lombaire) ont des rapports anatomiques communs. Toutes émergent du muscle psoas, toutes sortent en effet du bassin, mais par des chemins dif- férents. Les branches collatérales longues sont au nombre de quatre : les nerfs iliohypogastrique et ilioinguinal, le nerf cutané latéral de la cuisse et le nerf génitofémoral. Les branches terminales sont au nombre de deux : le nerf fémo- ral, branche la plus volumineuse du plexus lombal et le nerf obturateur (4). Trajet du nerf obturateur Le nerf obturateur, formé des branches antérieures de L2, L3, L4, est issu du plan antérieur du plexus lombal (figure 1). Il émerge au bord médial du muscle grand psoas. Il passe au-devant de l’aile du sacrum pour rejoindre la paroi latérale du bassin. Il chemine sur le muscle obturateur interne et son fascia. Il est en rapport en dedans avec la paroi inférolatérale de la vessie. Il sort de la cavité pelvienne par le canal obturé (canal sous-pubien) pour rejoindre la région supéro-médiale de la cuisse. Les deux branches du pubis, l’une supérieure (branche horizontale) et l’autre infé- rieure (branche descendante), limitent en avant et en bas le foramen obturé (trou ischio-pubien). La membrane obtura- trice s’étend sur presque tout le foramen. Dans ce conduit ostéofibreux, le nerf obturateur est accolé aux vaisseaux et situé dans un plan supérieur. Il parcourt ce canal oblique en avant et en dedans. Il répond en haut à la gouttière creusée à la face inférieure de la branche supérieure du pubis, en bas au bord supérieur de la membrane obturatrice interne sur laquelle vient se perdre le fascia pelvien, au bord supé- rieur de la membrane obturatrice externe et enfin à l’arcade du muscle obturateur externe. Le contenu du canal est entouré de tissu cellulo-graisseux. Les vaisseaux se divisent dans le canal et abandonnent le nerf. Ce dernier, après avoir donné un rameau au muscle obturateur externe se divise en ses deux branches terminales (figure 2). La division se fait dans ce canal dans 75 % des cas mais le nerf peut se séparer soit au-dessus (10 %) soit au-dessous (15 %) (5). Sa contribu- tion pour l’innervation de la hanche est variable. Fréquem- ment, il émet ses branches pour la région antéro-médiale de la capsule articulaire avant l’entrée dans le canal obturé (6). La branche antérieure glisse à la face profonde du muscle pectiné et se situe en avant du muscle court adducteur. La branche postérieure glisse entre les muscles court et grand adducteurs. Figure 1. Plexus lombaire.

À quoi sert le nerf obturateur ?

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Page 1: À quoi sert le nerf obturateur ?

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 1 43

R U B R I Q U E P R A T I Q U E

À quoi sert le nerf obturateur ? Et, si nécessaire, pourquoi faut-il le bloquer ?Denis Jochum (photo), Hervé Bouaziz

Ces dernières années, le nerf obtura-teur bénéficie d’un regain d’intérêtdû à l’inconstance du résultat obtenuaprès un bloc 3 en 1. Cette techniqueest réalisée à l’aide d’une seule injec-tion au niveau inguinal. Malheureuse-ment, la terminologie adoptée parWinnie et coll. (1) il y a plus de30 ans, le bloc « 3 en 1 », correspondà un objectif impossible à atteindre

en pratique. La réussite de ce bloc pour le nerf fémoral,cutané latéral de la cuisse et obturateur, ne peut pas êtreaffirmée par une simple évaluation de la sensibilité. Lors del’évaluation d’un bloc fémoral, le signe le plus fréquent etle plus précoce est la perte de sensation à la face médialede la cuisse (2). Cette zone cutanée ne correspond pas auterritoire du nerf obturateur (3). Pour authentifier un blocdu nerf obturateur, il est important de se fier plutôt à uneévaluation de la force motrice (3). Cependant, la questionse pose de savoir à quoi sert ce nerf obturateur et de l’inté-rêt d’un bloc de ce nerf pour l’anesthésie et l’analgésie dumembre inférieur.

ANATOMIE

Les branches du plexus lombal (lombaire) ont des rapportsanatomiques communs. Toutes émergent du muscle psoas,toutes sortent en effet du bassin, mais par des chemins dif-férents. Les branches collatérales longues sont au nombrede quatre : les nerfs iliohypogastrique et ilioinguinal, le nerfcutané latéral de la cuisse et le nerf génitofémoral. Lesbranches terminales sont au nombre de deux : le nerf fémo-ral, branche la plus volumineuse du plexus lombal et le nerfobturateur (4).

Trajet du nerf obturateurLe nerf obturateur, formé des branches antérieures de L2,L3, L4, est issu du plan antérieur du plexus lombal(figure 1). Il émerge au bord médial du muscle grand psoas.Il passe au-devant de l’aile du sacrum pour rejoindre la paroilatérale du bassin. Il chemine sur le muscle obturateurinterne et son fascia. Il est en rapport en dedans avec la

paroi inférolatérale de la vessie. Il sort de la cavité pelvienne

par le canal obturé (canal sous-pubien) pour rejoindre la

région supéro-médiale de la cuisse. Les deux branches du

pubis, l’une supérieure (branche horizontale) et l’autre infé-

rieure (branche descendante), limitent en avant et en bas le

foramen obturé (trou ischio-pubien). La membrane obtura-

trice s’étend sur presque tout le foramen. Dans ce conduit

ostéofibreux, le nerf obturateur est accolé aux vaisseaux et

situé dans un plan supérieur. Il parcourt ce canal oblique en

avant et en dedans. Il répond en haut à la gouttière creusée

à la face inférieure de la branche supérieure du pubis, en

bas au bord supérieur de la membrane obturatrice interne

sur laquelle vient se perdre le fascia pelvien, au bord supé-

rieur de la membrane obturatrice externe et enfin à l’arcade

du muscle obturateur externe. Le contenu du canal est

entouré de tissu cellulo-graisseux. Les vaisseaux se divisent

dans le canal et abandonnent le nerf. Ce dernier, après avoir

donné un rameau au muscle obturateur externe se divise en

ses deux branches terminales (figure 2). La division se fait

dans ce canal dans 75 % des cas mais le nerf peut se séparer

soit au-dessus (10 %) soit au-dessous (15 %) (5). Sa contribu-

tion pour l’innervation de la hanche est variable. Fréquem-

ment, il émet ses branches pour la région antéro-médiale de

la capsule articulaire avant l’entrée dans le canal obturé (6).

La branche antérieure glisse à la face profonde du muscle

pectiné et se situe en avant du muscle court adducteur. La

branche postérieure glisse entre les muscles court et grand

adducteurs.

Figure 1. Plexus lombaire.

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 144

La branche antérieure ou superficielle du nerf obturateur

Elle se ramifie en formation anastomotique variable avec lesbranches du nerf fémoral, le nerf cutané médial fémoral etle nerf saphène (7). Ce rapport avec les rameaux cutanésétendus du nerf fémoral dans le territoire médial de lacuisse explique les variations retrouvées dans les ouvragesd’anatomie (figure 3).

De nombreux auteurs (4, 7-13) décrivent des anastomosesentre la branche antérieure du nerf obturateur et les bran-ches du nerf fémoral (nerf cutané médial fémoral et nerfsaphène). De ces différentes anastomoses résulte la forma-tion d’un petit plexus, d’où s’échappent de nombreuxramuscules, destinés aux téguments de la partie médiale dugenou (10). C’est une véritable disposition plexique auniveau de la face médiale du tiers inférieur de la cuisse et

du genou (14, 15) et il faut souligner l’abondance desrameaux sensitifs à la partie médiale du genou (11). Concer-nant l’innervation médiale du genou, la terminaison du nerfcutané médial fémoral est la branche superficielle la plusconstante (16). La branche antérieure du nerf obturateur aété retrouvée cinq fois sur 45 dissections et contribuait defaçon significative au plexus subsartorial mais aucunebranche articulaire directe n’a été identifiée (16).

Le territoire cutané du nerf obturateur correspond classi-quement à la face médiale de la cuisse (10, 12-14). Cepen-dant, lors de l’atteinte du nerf, la perte de sensibilité seretrouve dans une portion très réduite du territoire cutané(15). Pour les anatomistes allemands (10, 11), le territoirepropre correspond à une petite zone entre le muscle gracileet le muscle grand adducteur. Cette zone propre est pres-que exclusivement située au tiers distal de la face médialede la cuisse (8). Ce rameau cutané, quand il est représenté,se trouve toujours à la partie médiale de la face postérieurede la cuisse et du genou (8, 11, 15). Après un bloc sélectifdu nerf obturateur, le territoire cutané n’est pas retrouvéchez 17 patients sur 30 (57 %). Pour les 13 autres patients,une hypoesthésie est notée dans 23 % (7 cas) à la partiesupérieure et médiale de la fosse poplitée et dans 20 %(6 cas) à la face médiale du genou (3) (figure 4).

Implication pratique

Le bloc du nerf obturateur est difficile à affirmer et il ne fautpas se contenter d’une évaluation sensitive à la face médialede la cuisse. Le territoire cutané propre de ce nerf corres-pond le plus souvent à une petite zone postéro-médiale autiers inférieur de la cuisse.

La branche postérieure ou profonde du nerf obturateur (figure 5)

Elle glisse sur le muscle grand adducteur, l’innerve et donnedes branches sensitives qui accompagnent l’artère fémorale à

Figure 2. Anatomie du nerf obturateur gauche à la sortie du foramenobturé. L’injection de 7 ml de colorant atteint les deux branches dunerf obturateur.

Figure 3. Territoire cutané du nerf obturateur d’après trois ouvraged’anatomie. A) d’après Gray (14). B) d’après Rouvière (15). C) d’aprèLang, Wachsmuth (8).

Figure 4. Territoire cutané du nerf obturateur d’après (3).

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 1 45

travers le hiatus tendineux de l’adducteur pour se rendre àl’articulation du genou (17). Les rameaux articulaires chemi-nent tout d’abord à la face antérieure du muscle grand adduc-teur, puis, perforant ce muscle, arrivent dans la fosse poplitéeet finalement se perdent à la partie postérieure de l’articula-tion du genou (10). Lazorthes (13) décrit un filet vasculairequi va sur l’artère poplitée participer à la constitution duplexus périvasculaire poplité. La branche postérieure donneparfois un rameau articulaire pour la face postérieure de lacapsule articulaire du genou (8, 9). La division postérieure dunerf obturateur est retrouvée dans le canal des adducteurs etpénètre dans l’espace poplité par le hiatus de l’adducteur, lenerf se ramifie formant le plexus poplité (16).

Implication pratiqueLe nerf obturateur par sa branche postérieure intervientdans l’innervation profonde du genou.

L’adductionLes muscles adducteurs déterminent l’adduction de la cuisse(13). L’adduction est un mouvement très limité qui nedépasse pas 20

° dans la posture verticale en raison de la ren-

contre des deux cuisses. Le mouvement est d’autant plusimportant que la cuisse est fléchie. Les muscles adducteurssont nombreux. Ce sont d’abord les trois adducteurs (mus-cles dits des cavaliers) : grand adducteur (4,8 kg), longadducteur (2,6 kg), court adducteur (2,1 kg) soit au total9,5 kg sur un maximum de 21 kg (45,2 %) auxquels on peutajouter les faisceaux inférieurs du grand glutéal (5 kg), lepiriforme (0,9 kg), l’iliopsoas (1,2 kg). Moins importants,l’obturateur externe, le sartorius, le semitendineux, le semi-membraneux et le biceps fémoral (15). Par ordre décroissant,les muscles agissant comme adducteurs sont le grand adduc-teur, les long et court adducteurs, le grand glutéal, le gracile,le pectiné, le carré fémoral, l’obturateur externe et le semi-tendineux (18). En partant d’une position d’abduction,l’amplitude du mouvement d’adduction est de 50° plus 20°soit 70° pour une force totale de 99,4 m/kg (8). Le nerf obtu-rateur commande les muscles qui assurent près des 2/3(56,1 %) de la force d’adduction [55,8 m/kg : grand adduc-teur (28 m/kg), long adducteur (12,2 m/kg), court adducteur(9 m/kg), obturateur externe (3,7 m/kg), gracile (2,9 m/kg)].Le nerf fémoral participe pour 9,6 % à l’adduction (9,5 m/kg)par l’innervation des muscles iliopsoas (5,8 m/kg) et pectiné(3,7 m/kg). Le nerf sciatique y prend part pour 17,8 m/kg(17,9 %), assurant l’innervation d’une partie du grand adduc-teur (faisceau inférieur), du semitendineux (3,9 m/kg), dusemimembraneux (8,4 m/kg) et du biceps fémoral (5,5 m/kg).Le nerf glutéal inférieur assure 16,3 m/kg (16,4 %) par legrand glutéal (12,5 m/kg), l’obturateur interne et les jumeaux(1,6 m/kg) et le carré fémoral (2,2 m/kg).

Implication pratiqueL’absence de contraction des muscles adducteurs à la facemédiale de la cuisse est le meilleur moyen d’évaluer la qua-lité d’un bloc du nerf obturateur (Tableau 1).

Le nerf obturateur accessoireSa fréquence n’est pas très grande (11 % sur 534 plexus)(4). Il suit le même trajet que le tronc du nerf obturateurmais passe en avant de la branche supérieure du pubis. Engénéral, il se divise en un rameau communicant pour le nerfobturateur, en une branche pour l’articulation de la hancheet en une branche pour le muscle pectiné (7). Pour Bon-niot, il s’agit de filets erratiques provenant soit du nerffémoral, soit du nerf obturateur et qui n’ont de constantque leur partie pelvienne (4).

EN RÉSUMÉ, À QUOI SERT LE NERF OBTURATEUR ?

Les indications classiques du bloc du nerf obturateur sont letraitement de la douleur localisée à la hanche et lescontractures spastiques des muscles adducteurs de la cuisse

Figure 5. Anatomie du nerf obturateur. 1. Nerf fémoral. 2. Nerf obtu-rateur. 3. Branche antérieure (n obturateur). 4. Branche postérieure(n obturateur). 5. Muscle long adducteur. 6. Muscle court adducteur.7. Muscle grand adducteur. 8. Muscle gracile.

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 146

(5, 19-21). Les résections transurétérales de tumeur vésicalesituée sur la paroi latérale ou inféro-latérale opérée sousrachianesthésie ou sous anesthésie générale en l’absence decurares constituent une indication classique du bloc du nerfobturateur en raison de la stimulation directe du nerf obtura-teur par le résecteur (22-24). Pourempêcher cette possible stimulationdirecte, le bloc du nerf obturateur estréalisé en aval, au niveau inguinal.Tout comme les nerfs fémoral et sciati-que, le nerf obturateur participe àl’innervation du membre inférieur. Auniveau osseux, il innerve une partie dufémur et des articulations de la hancheet du genou. La partie antérieure de lacapsule articulaire de la hanche estinnervée par un rameau du nerf fémoral (L1-L4) longeant lemuscle iliopsoas. La région antéro-médiale est sous la dépen-dance d’une branche du nerf obturateur (L1-L4). Des ramifi-cations du nerf sciatique se rendent sur la zone capsulairepostéro-supérieure. Un rameau nerveux du muscle carré

fémoral (L5-S2) couvre le territoire postéro-médial alors quedes rameaux du nerf glutéal supérieur (L4-S1) innervent lapartie postéro-latérale (25). Les branches profondes du nerffémoral ont sous leur dépendance les régions antérieure etantéro-médiale de l’articulation du genou. Les faces posté-rieure et inféro-latérale sont innervées par le nerf sciatique.Les rameaux articulaires de la branche profonde du nerf obtu-rateur cheminent tout d’abord à la face antérieure du musclegrand adducteur, puis, perforant ce muscle, arrivent à la fossepoplitée et finalement se perdent à la partie postérieure del’articulation du genou (8). L’intérêt croissant pour le bloc dunerf obturateur s’observe essentiellement dans la chirurgie dugenou.

QUEL INTÉRÊT Y-A-T-IL À BLOQUER LE NERF OBTURATEUR ?

En chirurgie urologique, la stimulation du nerf obturateurpeut constituer un problème lors de la résection de tumeur

localisée à la paroi inféro-latérale de lavessie. Ainsi, lors de l’électrorésectiond’une tumeur de vessie, une contrac-tion violente des adducteurs a été sui-vie d’une perforation vésicale et d’uneplaie de l’artère obturatrice responsa-ble d’un tableau de choc hémorragi-que qui a nécessité le recours à unelaparotomie d’urgence (26). Le blocréalisé sous rachianesthésie ne pou-vant être correctement évalué, il sem-

ble plus judicieux de privilégier la réalisation du bloc avantla rachianesthésie. Dès les premières minutes, le blocmoteur des muscles adducteurs de la cuisse limite considé-rablement l’adduction de la cuisse, seul critère signant l’effi-cacité du bloc du nerf obturateur.

Tableau 1Muscles (M.) adducteurs de la cuisse.

Anciennedénomination

Dénominationinternationale

Origineradiculaire

Innervationpériphérique

M. obturateur externe

M. obturateur externe

L3-L4 Nerf obturateur

M. pectiné M. pectiné L2-L3 Nerf fémoral, nerfobturateur

M. droit interne M. gracile L2-L4 Branche anté-rieure du nerf obturateur

M. petit adducteur

M. court adducteur

L2-L4 Branche anté-rieure du nerf obturateur

M. moyen adducteur

M. long adducteur

L2-L4 Branche anté-rieure du nerf obturateur

M. grand adducteur

M. grand adducteur

L3-L5 Branche postérieuredu nerf obturateuret nerf tibial

Figure 6. Innervations osseuse et articulaire (fémur, hanche, genou).

L’absence de contraction des muscles adducteurs

à la face médiale de la cuisse est le meilleur moyen d’évaluer

la qualité d’un bloc du nerf obturateur.

Page 5: À quoi sert le nerf obturateur ?

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 1 47Le bloc du nerf obturateur présente un intérêt surtout dansla chirurgie du genou. Cependant, il reste un bloc complé-mentaire de ceux des nerfs fémoral et sciatique. Le blocobturateur doit être étudié pour la phase peropératoire etses avantages doivent être discutés par rapport aux blocspérinerveux associés. Il faut distinguer le bloc fémoral eninjection unique de l’administration continue par cathéterfémoral. De plus, la technique plexique lombaire posté-rieure peut être comparée aux blocs périphériques desnerfs fémoral et obturateur. En postopératoire, il faut analy-ser son rôle analgésique pendant les six premières heureset son éventuel impact sur les premiers jours après arthro-plastie du genou. En effet, le mode d’anesthésie, anesthésiegénérale ou rachianesthésie, peut interférer sur la prise encharge de la douleur des premières heures postopératoires.

Il est possible de réaliser une chirurgie telle qu’une arthros-copie du genou sous blocs combinés fémoral et sciatique(27, 28). Pourtant 29 % des patients acceptent mal ces tech-niques (29). Dès 1912, Perthes observait des douleurs pero-pératoires chez des patients opérés du genou malgré unbloc effectif des nerfs fémoral et sciatique avec une aboli-tion sensitive complète au niveau du membre inférieur(30). L’adjonction d’un bloc obturateur peut augmenter laqualité de l’anesthésie. Sur 30 patients, 36 % ont besoind’un complément d’anesthésie si un bloc obturateur estajouté aux blocs fémoral et sciatique contre 70 % enl’absence de bloc obturateur (31).

La très grande majorité des études concernant le bloc 3 en 1n’a intégré que l’évaluation sensitive et non motrice commecritère d’anesthésie du nerf obturateur. Toutes ces études nepermettent pas de définir la place du bloc obturateur. Dansune étude comparant le bloc 3 en 1 et le bloc iliofascial chezl’adulte (32), après injection d’un volume de 35 ml la solu-tion ne diffusait à l’origine du plexus lombaire que dans 5 cassur 92 (soit 5,4 %), ce qui montre l’impossibilité de bloquerle nerf obturateur en injection unique, même avec un grosvolume. De plus, pour cette équipe expérimentée, à30 minutes, l’absence de bloc complet du nerf fémorals’observe dans 10 à 12 % sur le plan sensitif et dans 20 à 24 %sur le plan moteur. Cette même équipe montre qu’un cathé-ter n’est mis en place en position plexique que dans 23 % descas (33). Les résultats globaux à 30 min n’objectivent que83 blocs moteurs du nerf fémoral sur 100 patients. Avec lebloc ou le cathéter 3 en 1 (ou iliofascial) chez l’adulte, noussommes déjà confrontés à un certain taux d’échec du blocfémoral avant même de s’intéresser à la diffusion au nerfobturateur. C’est pourquoi, un bloc séparé du nerf obtura-teur est utile pour améliorer les résultats surtout lors de laphase peropératoire.

L’abord plexique lombaire postérieur peut être choisi pourl’arthroplastie du genou car il assure avec une grandeconstance l’anesthésie du nerf obturateur (34-36). Cepen-

dant, cette technique peut être responsable de complica-tions sérieuses qui nécessitent de bien évaluer le rapportbénéfice-risque (37). De plus, après prothèse de genou sousrachianesthésie, l’analgésie semble similaire entre l’adminis-tration continue par voie lombaire postérieure ou par voiefémorale (36). La douleur est sévère pendant plus de 2 à3 jours après chirurgie majeure du genou et encore pluslors de la mobilisation de cette articulation. Le cathéterfémoral bien qu’insuffisant pour une analgésie de l’ensem-ble du genou est devenu la référence car il améliore la récu-pération fonctionnelle après chirurgie prothétique (38, 39).

Pour améliorer l’analgésie, un bloc associé du nerf sciatiquepeut supprimer les douleurs à la face postérieure du genou.Certains groupes proposent soit une injection unique(35, 40) soit la mise en place d’un cathéter utilisé en fonc-tion du déroulement postopératoire (41). Pour simplifier laprise en charge de ces douleurs du compartiment posté-rieur, une équipe a proposé l’injection peropératoire d’anes-thésiques locaux faite par le chirurgien en arrière duligament croisé postérieur (42). Si l’intervention est réaliséesous anesthésie générale, le bloc obturateur peut parfairel’analgésie postopératoire. Associé aux blocs fémoral et scia-tique, le délai de première demande d’analgésique est aug-menté et la dose totale de morphine est réduite (43).Combiné au bloc fémoral, un meilleur soulagement des dou-leurs est relevé pour la période des 6 premières heures (44).

En conclusion, il semble que le bloc obturateur apporte unbénéfice complémentaire aux blocs fémoral et sciatique pourla chirurgie du genou. Cependant, il ne faut pas espérer obte-nir une anesthésie du nerf obturateur par diffusion lors del’abord parasacré du nerf sciatique (45). La technique au pliinguinal est de réalisation aisée et permet de bloquer le nerfobturateur à la racine de la cuisse (46). Pour les équipesentraînées, le bloc lombaire postérieur a non seulement laconstance du bloc obturateur, mais également procure uneanesthésie plus proximale de la cuisse, indispensable pour leconfort peropératoire dans l’arthroplastie du genou. Aprèschirurgie majeure du genou, la technique de référence pourl’analgésie reste le cathéter fémoral qui améliore la récupéra-tion fonctionnelle. Le bloc ou le cathéter sciatique peut êtreindiqué en fonction du terrain et surtout dans les cas deflexum préopératoire, source de douleurs postérieures dugenou. Si l’intervention est réalisée sous anesthésie générale,le bloc obturateur peut être un complément intéressant dansl’approche multimodale de l’analgésie incluant les premièresheures postopératoires.

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Tirés à part : Denis JOCHUM,Service d’Anesthésie-Réanimation.

Groupe Hospitalier Privé du Centre Alsace.5, avenue Joffre, BP 20129,

68003 Colmar Cedex.