À trop courber l'échine N°16

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    A trop courber l'chineBulletin acrate

    N16 mai 2005

    Rupture

    En terrain ennemi

    Le proltariat est une invention conomiste. Cest partir du moment o le capitalisme seconstitue quil constitue en mme temps les classes sociales. Par consquent, la lutte de classes aconsist demble mener la bataille partir de cette invention et elle a contribu donner une

    orientation particulire la rvolte. Il savre quen formulant lorigine, lexpression etlaboutissement souhaitable de la rvolte en des termes de gestionnaires et dconomistes, elleimprime une orientation qui, depuis son principe de dpart (le constat de linjustice questlexploitation du travail) jusqu son but (la reprise en main de lappareil de production par lestravailleurs eux-mmes) se cantonne donc dans lactivit propre au capitalisme. Se faisant, elleborne lhorizon, elle fige le prsent et elle touffe tous les possibles de la rvolte.

    Le progrs reprsente aussi bien les avances technologiques (au premier plan desquellesnous trouvons les amliorations de la productivit) que les conqutes sociales et dmocratiques.Quant on parle du progrs en gnral, on entend cet ensemble premire vue disparate mais quiest runi par le jugement de valeur positif quon en fait. Ainsi se retrouvent glorifi dans unmme mouvement les congs pays et le droit de vote, la scurit sociale et le tlphone portable,

    la chirurgie esthtique et les comits dentreprises. Les partisans acharns de la lutte de classesapplaudissent quand on permet aux travailleurs de bien gagnerleur vie, de consommer toutes cesmarchandises quils produisent. Les dmocrates de toute obdience apprcient de pouvoirchoisir leurs reprsentants voire mme de pouvoir briguer eux-mmes un sige. Enfin, tout cebeau monde runi savoure la possibilit illimite dtre tenu inform de tout ce qui ce passe dansle monde par des journalistes pays pour a. Bien entendu, pour parachever le tableau, il convientdajouter que des discordes apparaissent, des conflits dintrts se jouent ici et l, et que tout celaest tolr et mme encourag puisque si on chipote sur les dtails et les modalits de la gestion,on prserve lessentiel : lacceptation de la gestion.

    La gestion et lconomie finissent par se confondre. Elles dsignent une faon de voir lemonde et les tres qui le composent. Se faisant, elles rduisent nos activits aux seuls impratifsque ncessite leur maintien : la production et la consommation. Si le capitalisme se caractrise parlargent, lexploitation salariale et lEtat, une conomie qui se voudrait non capitaliste adopteraitencore cette vision dforme du monde qui fait de chaque chose du capital ou de la richesse et dechaque moment vcu une composante de lconomie. Or, nous ne voulons pas de cerductionnisme. Il nous faut dpasser le stade de la gestion. Cest pourquoi nous souhaitons quenotre activit soit synonyme de matrise de soi, dauto-organisation, o les actes quotidiens nesont pas des dclinaisons de la production ou de la consommation (que manger ne soit pasconsommer des denres, que faire pousser des lgumes ne soit pas du travail). Voil pourquoi letravail, les modalits dassociation et de communication entre nous sont des questions essentielles

    dont nous devons dbattre. Le monde que nous souhaitons accomplir, et la voie que nousempruntons dans cette optique, nous les appelons communistes. Ce mot indique une partdhritage des expriences passes, dont les victoires comme les dfaites nous ont formes. Il dit

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    galement que notre dmarche est collective,quelle inclut le libre dbat et laconfrontation et quelle se reconnatdemble des ennemis.

    Pour navoir pas voulu ou pu sortirdu monde de la gestion et de lconomie, ceque lon a appel mouvement ouvrier sy esttotalement enlis. Lidologie du progrssest impose en imposant en mme tempsune fausse alternative : choisir entre leprogrs ou la conservation du vieux mondequil fallait effectivement achever. Il savre

    que cette idologie est bien le point quiunifie les deux parties qui saffrontent dansla lutte de classes. Bien videmment, au seinmme de ces clans, des oppositions se fontjour. Du ct du proltariat, diversesidologies et pratiques se sont confrontes etsaffrontent encore. Cest pourquoi parler demouvement ouvrier na pas vraiment desens : dabord parce que tous les proltairesne sont pas a proprement parler desouvriers, ensuite parce que cette ide de

    mouvement sous-entend un regroupementthoriquement homogne. Par mouvementouvrier il nous faut entendre un ensemblehtrogne et parfois mme contradictoire,mais qui nanmoins se caractrises par desanalyses et des prtentions qui se rejoignent.Or, au sein du parti du proltariat, leslibertaires (eux-mmes diviss dailleurs et sitant est quune telle appellation puissedfinir correctement quelquun) ont, parcertains cts, introduit des ides

    intressantes plus dun titre. Par exemple,le fait de prendre comme sujet de la rvolte

    lindividu qui soppose lautorit et non passeulement le travailleur ou le proltaire quisoppose au patron et au salariat, ce quipermet dj dattnuer laspect purementconomique de la rvolte. Lide de lauto-

    organisation et de laction directe commemthode pour exprimer sa rvolte estgalement primordiale quand on veut briserles modles dominants dassociation. Maisforce est de constater que tout cela nest passuffisant pour construire une force collectivequi vise llaboration de mondesrellement libres.

    La dfaite camoufle en victoire

    En termes de rsultats, pouremployer une formulation chre auxgestionnaires, tout ce qui se prsente sous lestraits de la victoire pour les classeslaborieuses de loccident savre tre leursplus cuisants checs. Les acquis sociaux ontcertes permis dadoucir pour une bonne partlexploitation salariale, mais celle-ci sentrouve davantage conforte en tant queprincipe essentiel et incontournable. Parconsquent, on comprendra aisment

    pourquoi nous jugeons dsute la dfense detels acquis. Dautant plus que le rsultat leplus marquant obtenu dans la marche duprogrs est la lgalisation de tout ce qui avaitpu passer pour subversif dans le pass : il en

    va ainsi de la grve, trs bien encadrejuridiquement. Dans le mme sens, toutesles revendications affrentes la scurit, aurepos ou au pouvoir dachat se sontretrouves inscrites dans le droit, donnant l lEtat loccasion de mieux matriser encore

    les conflits en fixant les limites convenues.Mais le vrai triomphe de lconomierside dans lmergence, au sein des paysoccidentaux, de la classe moyenne. La classemoyenne, appele parfois classe intgre, estle signe de la dictature de la marchandise etdu progrs. Cette classe ne dsigne pas unensemble cohrent de personnes. Ellerassemble des individus divers et cest laraison pour laquelle elle ne ressemble pasaux classes telles quelles taient identifies

    auparavant. Sy retrouvent des riches et desmoins riches, des pauvres et des moins

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    pauvres, des serviteurs de la domination plusou moins serviles, des victimes de ladomination plus ou moins dociles, tousrunis par le mode de viemoderne occidental,lequel se caractrise par la religion de la

    marchandise, le respect et la tolrance detout ce qui ne nuit pas ce mode de vieconsumriste, une neutralit et une passivit- parfois dguise en contestation - face ladomination et ses nuisances, le rejet de la

    violence, de la radicalit et du ngatif. Sonlot quotidien est fait dindiffrence face auxrels enjeux de lpoque, ses discussionsportent le plus souvent sur les tracas etproccupations lis son confort. De ce fait,le plus pauvre peut applaudir limage

    dominante du plus riche et admirer ceux quiont russi, parce quils reprsentent pour luila possibilit virtuelle de sortir de sa proprecondition, alors que cest prcisment ce quily maintient. Quand la marchandise prendune forme humaine, les rapports humainsprennent une forme marchande. Ditautrement, cette classe sociale incarne ce quedes amis ont si bien nomm : le libralismeexistentiel, le fait que l'on admette dsormaiscomme naturel un rapport au monde fond

    sur l'ide que chacun a sa vie, que chacunest un moi-je parmi les autres moi-je.Surtout, la partie dite politise de ce magmaincohrent de genssait bien se repatre de larvolte quand celle-ci a perdu la bataille entransformant les questions souleves par lesrvolts en problmes rentables pour lesgestionnaires (voyez par exemple ce quelle afait de la lutte contre le gnie gntique)Cette classe moyenne reprsente la faussersolution de lancienne contradiction entre

    les classes et symbolise la pacification socialegnralise.Lorsque lon sort des conflits et

    revendications lies au monde du travailsalari nous constatons le mme processus luvre, avec les mmes rpercussions.Depuis un peu plus de trente ans, une bonnepartie des organisations se rfrant lancienmouvement ouvrier interviennent sur desterrains o ils napparaissaient pasauparavant. Exemple le plus significatif :

    lcologie. Prtendant contrer lEtat et lesmultinationales, ces organisations nont fait

    quentriner l aussi le principe du dialogue,de la ngociation et donc, au final, de lagestion de ces problmes. Rares ont t ceuxqui ont fait un lien entre le travail salari et lapollution qui en dcoule. Nanmoins, ne

    voulant pas sortir du schma conomiste,refusant de dire clairement aux travailleursque leur fonction dans cette socit taitnocive (pas seulement pour les autres maisaussi pour eux-mmes puisquils sont enpremire ligne) et devait donc tre abolie, etsurtout restant aveugls par la religion duprogrs, ces derniers nont pas pousslanalyse jusquau bout pour enfin tenter desortir du monde de lconomie.

    Il serait vain de prtendre pouvoir

    sparer au sein de la socit marchande lesaspects conomiques des aspects politiques.La forme adopte par le capitalisme pour sefaire accepter et respecter partout est ladmocratie. Nous nallons pas revenir sur lesdiffrentes formes que cette dmocratie peutrevtir (dmocratie reprsentativedmocratie directe, participative, etc.)sachant pertinemment quelle peut dsignerdes ralits ou tout du moins des modlesidaux diffrentes. Il nen reste pas moins

    que la dmocratie induit des comportementsqui, au final, nuisent la cause dun mondelibre. La dmocratie, cest encore une faonde grer les choses et les corps. En ce quinous concerne, il sagit en fait dun problmede communication et de prise de dcision ausein mme du parti de la rvolte. Nousavons pu voir maintes reprises comment la

    volont toute dmocratique desquiver lesconflits et de prserver une unit et une paixde faade empche la prise de dcision,

    interdit aux assembles qui adoptentscrupuleusement une organisationdmocratique de trancher et de faire claterla vrit des enjeux du moment. Ce par quoinous pouvons mesurer lampleur delinfluence des valeurs dmocratiques (lerespect, la tolrance, la sparation du priv etdu public) qui savrent incompatibles avecun rel assaut contre le monde de lamarchandise. Trancher, attaquer lamarchandise, signifie briser ces valeurs qui

    servent dalibi la domination. Il ne sagitpas seulement dtre irrespectueux ou

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    iconoclastes (tout pouvoir ses fidlesbouffons) mais dachever un monde.Rellement et totalement.

    Avec la lutte de classes et la critiquede lconomie capitaliste, le camp du

    proltariat fait de lconomie et de lagestion lenjeu central, sa proccupationprincipale. Avec lcologie, cest encore lagestion et lEtat qui en sortent grandis. Lamme mthodologie charrie les mmesconsquences : le renforcement de lennemisolidement assis sur ses principes de basedont on a seulement critiqu les modalitsplutt que le bien fond. Ainsi, on arpondu aux attentes du parti adverse enadoptant ses critres comme lorsquon on

    oppose lconomie sociale et solidaire lconomie librale, la dcroissance lacroissance et que lon parle de gestion desrisques, de commerce quitable, etc. ; on arglement lexploitation, fix des seuils etdes normes, bref, cadenass la rvolte. Notretche actuelle est de briser ce carcan.

    Affirmons le ngatif

    Comme lont trs bien crit quelques

    camarades, quand le pouvoir tablit sapropre lgitimit, quand sa violence devientprventive, il ne sert plus rien davoirraison contre lui. Il faut tre plus fort et plusrus. Cest pour cela que nous nousorganisons.

    Sorganiser, cest penser et agir. Nouslaborons une critique du monde dans lequelnous vivons, nous chafaudons deshypothses et des thories que nousexprimentons en pratique. Cela signifie que

    cette pense est mise quotidiennement lpreuve du dbat, du conflit et de la ralit.Elle est donc en tout oppose aux idologieset religions. Elle est vivante, va vers lesautres et revient sans cesse sur elle-mme.

    Un premier acte sur le chemin dungatif est de sortir des impasses thoriques,de la vision bipolaire qui suit et impose dansun mme mouvement le dogme conomiste.

    Nous ne voulons plus nous laisser mettre

    en classes. Nous navons pas reprendre

    notre compte une classification qui sert lesintrts de lennemi parce quelle rduit nos

    vies de pauvres proccupations degestionnaires. Nous entendons les voix qui,du ct des militants libertaires, se lventpour nous dire que tout cela nest pasincompatible, que leur lutte de classes induit

    forcment une lutte contre la domination engnral. Nous rtorquons que la lutte contrela domination se passe trs bien des vieuxclivages qui ne mnent rien, dans la mesureo ils nous font dvier en permanence denos objectifs. Une fois encore, nous ne

    voulons pas grer ni auto-grer la socit.Nous ne voulons pas tre des proltairessans patrons ni tat, nous voulons briser toutce qui permet de nous dfinir commeproltaire. Nous ne voulons pas tre des

    travailleurs libres et des consommateursavertis mais nous voulons tre libres toutcourt. Grer, cest utiliser ce qui est l, cestdonc rduire ce qui est l un objet, cest aufinal rendre autonome cette activit degestion par rapport notre vie. Dans lemme sens, nous ne critiquons pas lepouvoir sur sa gestion. Nous critiquons lepouvoir pour ce quil est : lexercice de ladomination.

    Luddites luvre

    Notre critique adopte donc un pointde vue global. Nanmoins, nous nousarrtons sur quelques aspects particuliers dece monde, non pas pour en faire des pointsde spcialistes mais parce quils reprsententpour beaucoup des solutions. La technologie

    et lindustrialisation en livrent un exempleparfait. Nous avons dj crit de

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    nombreuses reprises sur ce thme parce quedaucun considre que la technologiepourrait nous dbarrasser du travail et nouspermettrait de communiquer librement.Cest oublier que la technologie est le fruit et

    le moteur de lexpansion capitaliste : ellepermet dune part daccrotre la productivitet, dautre part, avec son aspectternellement novateur, elle trouve unargument supplmentaire pour imposer sesmarchandises. Qui plus est, elle matrialise leprogrs, selon elle, sa critique ne peut qutrele fait de conservateurs voire deractionnaires. En somme, la technologie estune religion elle seule. Historiquementimbrique dans le monde marchand, elle

    parvient sen manciper : voyez cestechnophiles qui pensent sincrement quetout ce qui peut techniquement tre conudoit tre ralis, par got du dfi, du record,du progrs mme si cela ne peut pas se

    vendre, mme si lconomie nen tire aucunbnfice. Quant croire que toutes cesmachines induiraient dautrescomportements si elles taient entre desmains anti-capitalistes, nous avons djrpondu quune telle conception fait fi de

    laspect inhumain de la technologie, de sasurdimension, de ses besoins normes ennergie, de la sorte de sociabilit quelleimpose, etc. De nombreux progressistes,parmi lesquels se comptent des cologisteset des critiques des mdias, voient ainsi enInternet un outil nous permettant decommuniquer librement. Il faut tre aveuglepour ne pas voir le gigantisme desinfrastructures ncessaires aufonctionnement de ce rseau informatique :

    depuis les kilomtres de cbles jusquaucentrales qui produisent llectricit enpassant par les ordinateurs, laddition estlourde en termes de pollution, de saccage delenvironnement par lextraction intensivedes matires premires et en exploitation dutravail.

    Internet reste un mdia comme lesautres, cest--dire un intermdiaire, mmesil donne limpression dune plus grandelibert. En vrit, la surveillance lectronique

    est dsormais une arme de prdilection pourle pouvoir qui peut recueillir ainsi une

    multitude de preuves contre ses ennemis. Lacensure existe aussi sur le rseauinformatique, de nombreux exemples entmoignent. Enfin, Internet permet toutesles manipulations et tricheries : si lanonymat

    relatif quil autorise peut savrer bnfique,il peut tout aussi bien permettre linfiltrationennemie et la dsinformation.

    La critique anti-industrielle passesouvent pour une idoltrie du pass. Ce quinous intresse dans le pass, ce sont lescoups donns la domination. Noustchons den comprendre le sens, de tirerprofit de leurs techniques, de leursarguments, de leurs raisons et surtoutdanalyser leur chec. Pour reprendre

    nouveau une formulation faite par descamarades, ce nest pas le pass qui nouspousse mais prcisment ce qui en lui nestpas advenu. Il nen reste pas moins quedune certaine manire nous sommes desconservateurs : nous dsirons conserver ennous ce qui rend possible la rvolte. Carnous observons que les conditions modernesdexistence parviennent briser cettecapacit de se rvolter. La technologie nestpas innocente dans cette entreprise de

    domestication puisque chacune des sesavances est une servitude supplmentairedguise en libration dmocratique.

    Autonomie vaincra !

    Puisque les conditions modernesdexistence sont les mots dordre imposspar la domination, nous sommes rsolus nous doter de tout ce qui pourra contribuer nous assurer la plus large autonomie

    matrielle et intellectuelle. A maintes reprisesnous avons voqu la rappropriation desavoirs et de techniques que nous pouvonsmatriser sans entrer dans le systmedinterdpendance gnralise quest lemonde de la marchandise.

    Laffirmation du ngatif est dautantplus pertinente et efficace quelle nesobstine pas rpondre aux sollicitations delennemi. En dclarant ne pas vouloirsadresser au parti de la domination en

    fonction de ce quil fait ou veut faire denous, nous nous dlivrons dj dune

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    premire entrave. En refusant le rythme quilimpose, nous pouvons lattaquer au momentqui nous semble le plus opportun et crerplus facilement un effet de surprise qui ledstabilisera. Par consquent, nous

    nattendons pas que lactualit nous dicte ceque nous devons dire et quand nous devonsle dire. Le rythme de la domination cestlurgence. Quand on rpond pareillesollicitation, on entre en dpendance parrapport lennemi qui aura la matrise de latemporalit et surtout qui aura toujours uncoup davance. Notre rythme, cest lequotidien. Nous ne partageons pas notreexistence entre des moments de lutte et lereste, lordinaire, lhabituel. Notre hostilit

    contre ce monde est permanente, elle peutse manifester tout moment.Dans le mme sens, nous tchons de

    lier le fond et la forme de nos interventions.Nous avons abord cette question avecnotre critique de la dmocratie. Nous

    voulons signifier par l que la rvolte, pourtre efficiente, exige de notre part uneattention permanente cette liaison du fondet de la forme. Une critique qui ne seconfronte pas au rel est illusoire (et mme

    confortable pour ceux qui la font). Unepratique qui ne pense pas, qui ne prend pasle risque du dbat public, est une autreillusion, une simple agitation ougesticulation.

    Sitt ralises, les actions du parti dungatif sont livres au public. Les actes etleur publicit ne font souvent quun. Lidal

    voudrait que les gestes livrent deux-mmesleur sens au monde, mais nous savons biencomment linformation dominante se chargede les dtourner ou de les rcuprer afin demieux dfendre lordre tabli. Lautonomie,

    cest faire sa propre loi, commander etmatriser sa propre conduite. Bienvidemment, les forces autonomes hostiles la socit marchande totale ne peuvent faireabstraction de cette dernire et descontraintes quelle impose. Raison de pluspour ne compter que sur nos propres forces.Il convient donc de mener le dbat demanire intelligente, en rpondant toutesles sollicitations, en sachant aussi mettrehors dtat de nuire la btise et les

    mensonges de ladversaire.Nous ne cherchons pas dcrter lesbons ou les mauvais moments pour agir.

    Aucune rvolte, aucune meute ouinsurrection, et encore moins aucunervolution, ne se dcrte ni ne sattend. Onest seulement plus ou moins capable de syprparer, on est plus en moins en mesure desaisir les meilleures occasions. La critique dese monde se rpand avec ses propresmoyens, elle est destine tre critique

    son tour afin dtre renforce, amende ouabandonne sil le faut. Surtout, elle estadresse tous ceux et toutes celles qui ontforcment un intrt sen emparer, quandbien mme elle est mal comprise. Ainsi peut-elle identifier clairement ses ennemis etlaisser tout naturellement se manifester sesallis.

    A lheure o les nuclocrates remontent de plus belle au front afin denfoncer plus loin le clou de ladomination, lheure o ils ressortent leurs armes de prdilection (mensonge, manipulations, discoursdexperts) le 14 mars 2005, un groupe dindividus anonymes a interrompu ds son ouverture le sminaireeuropen SAGE qui se tenait Paris. Les nuclocrates prsents ont t copieusement arross dufs

    pourris, de purin et de peinture. Juste retour dexprience, videmment trop symbolique, pour rpondre leur travail de dfense de lindustrie nuclaire. Le texte suivant t laiss sur place :

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    Retour dexprience

    Aux experts nuclaristes europens et leurssuppltifs runis au CNAM pour finaliser leprogramme SAGE*

    Parce quil est inconcevable pour tout pouvoirdassurer lvacuation des zones contamines, lacatastrophe de Tchernobyl a produit 8 millionsde cobayes condamns survivre sur desterritoires dvasts jamais.Mais elle a aussi produit une nouvelle gnrationde nuclocrates, VOUS, tout entiers ddis aucontrle social.

    Vous dclarez : () vivre sous Tchernobyl, cestrapprendre vivre, vivre autrement, intgrer auquotidien la prsence de la radioactivit comme

    composante nouvelle de lexistence et vousorganisez linvisibilit du dsastre.Avec les programmes ETHOS* et CORE*,conduits par lindustrie nuclaire, vous avez, enBilorussie, aid les populations fairecomme si elles pouvaient vivre normalementdans des conditions qui les tuent.

    Vous appelez cela le dveloppement durable souscontrainte radiologique.

    Arms de compteurs Geiger et puant la bonneconscience, vous tes alls jusqu expliquer auxfemmes enceintes quelles devraient se

    rapproprier leur environnement.

    Riche de votre exprience, la Commissioneuropenne a maintenant besoin de vous pouren appliquer les conclusions ici. Car les Etatseuropens se sont rendus lvidence : ledveloppement actuel du nuclaire imposedenvisager lventualit dun tel accident.Le projet SAGE que vous finalisez vise anticiper une telle surprise en formant leshabituels relais du pouvoir (professionnels delducation et de la sant) une culture de

    protection radiologique, vritable guide de conduitepour apprendre crever en comptant lesbecquerels.

    Votre sale boulot prend tout son sens une foismis en relation avec les dernires dcisions de

    lEtat : en effet, les illusoires mesures de seuils deradioactivit viennent dtre revues la hausse,normalisant une alimentation et une agriculture

    irradies.Vous ntes quun rouage de cette vasteentreprise de camouflage qui consiste accoutumer les esprits au fait accompli. Et, danscette scnographie, il ne manque pasdcologistes collabos (ACRO), descientifiques marginaliss (Belrad), pour jouer lesfaire-valoir de ce projet ngationniste.Toute cette affaire vise organiser lacceptationet la confiance sociale ncessaires la relanceactuelle des programmes nuclaires, civils etmilitaires (EPR, ITER, uranium appauvri, laser

    mgajoule).

    Pour tre pleinement efficace, votre travail dedissimulation experte se double dun spectacletlgnique o figurent gyrophares, blousesblanches et tenues NRBC, la simulation.

    Aujourdhui, dans une station de RER, dans lacour dun hpital, sur une base militaire, dans le primtre dune centrale, dans les champs, lessimulations sont partout. La mise en scnemilitaire de la dfaillance et de sa rsolution pardes praticiens efficaces sont les deux faces

    dun mme projet de domination.Farde dimages et barde dexperts, lacatastrophe peut alors seffacer dans u quotidienininterrompu dincidents significatifs, de disparitions [de sources radioactives] dans lenuclaire de proximit, d actes de malveillance, de retour dexprience, d accidents domestiqus, dedistribution de pastilles diode et d amliorationdes mthodes dinteraction avec les populations.

    Bien sr, cette habituation laquelle voustravaillez na pas pour finalit dempcher une

    catastrophe que larme est dsormaisofficiellement la seule habilite grer. Enralit, elle est l pour ajuster les rapportssociaux au dsastre existant et aux suites descatastrophes venir.

    Comme le conseille lillusionniste prestigieux Jacques Lochard, nous devons occuperle terrain . Nous avons tenu cette fois suivre son conseil et venir couronner, comme il

    se doit, votre travail de maquillage en faisant notre retour dexprience .

    Paris, les 14 et 15 mars 2005-04-22Lonesome cobaye not so far away from Belarus

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    Correspondance

    Jean Picard, auteur du texte Sur la nef des fousdont nous avons propos une critique dansle prcdent numro, nous crit :

    La question qui nous proccupe nest pas la ncessit de dtruire le systme actuel car nous sommes daccord.Reste que pour arriver cela, il faut des luttes. Jobserve que de votre propre aveu, la problmatique desrevendications immdiates des sans-papiers agence une attitude radicale. Au sujet de lItalie des annes 70, lesluttes dites autonomes prsentaient un aspect radical autour de revendications (logement, lectricit, bouffe,transports, etc.) Ces luttes crrent un climat insurrectionnel mais min par le travail des marxistes-lninistes,lattaque de la droite et du PCI, sans projet socital et sans doctrine commune, elles seffondrrent. Quant lEspagne de 1936, force est de constater que le travail syndical effectu en amont par la CNT permis de forger uncourant rvolutionnaire dans le proltariat, sachant au moment propice passer de la dfensive linsurrection. Ce

    fut pour nous le seul exemple bnfique dune rvolution libertaire. Comme en matire sociale les choses sontcontingentes, le contexte historique ne doit pas tre lud. En consquence, les anarcho-syndicalistes de la CNT

    dclarrent que gagner la guerre cest gagner la rvolution et vice versa. Hlas, la donne interne et internationale,quils ne pouvaient nier, produisit des divergences tactiques. []Les questions de mode opratoire tant tactique que stratgique et doctrinal sont crment poses. Bref, comment

    passer de la rsistance lattaque, de la dfensive loffensive, des revendications immdiates une transformationsociale ? Le syndicat de chmeurs de Caen, tout en dfendant des revendications immdiates pour les exclus, pose les

    germes dune critique du systme, de la consommation, du malaise existentiel. Ainsi, revendications, pratiquesrupturistes, globalisme sont lis. La CNT avance lide de rpartition galitaire des richesses et dune productionsocialement utile. [] Loptique des revendications immdiates dans le prisme de lanarcho-syndicalismenimplique pas de dfendre tout et nimporte quoi : certaines revendications sont trop corporatistes, trop social-dmocrates et ne nous intressent pas. Mais rejeter lide que par le biais revendicatif un processus deconscientisation, de rupture, de jonction des luttes dans la contestation puis le rejet du systme ne puisse exister est

    lourd de consquences. Car si limaginaire et lutopie sont ncessaires leur seule logique discursive ne peut suffire, ellene reste quun exercice de style rhtorique si elle ne se confronte pas la ralit, au sociologique. La CNT-AIT,selon son option globaliste, ne nglige aucun terrain daction, aucune lutte des exploits/opprims, tente dunifier lescombats, de proposer une alternative, cela sans dogmatisme, tideur ni compromis. Il me semble quaucunchangement ne peut avoir lieu sans laction du proltariat, sans la force des salaris et a fortiori contre eux. []

    La question cruciale du moment est bien la ncessit de la destruction du systme actuel.Et comme nous sommes daccord, cest bien cette question que nous devons tcher de rgler. Il ya certes beaucoup de prtention parler de cette manire, mais le penser petit et la modestie nemnent pas trs loin. Au contraire, ils ont tendance nous paralyser sitt quune brche estouverte dans lhorizon. Bien sr, les grandes prtentions, la manifestation de dsirs si intenses ne

    sont pas confondre avec de limprudence. On peut trs bien agir subtilement pour une causenorme.Aussi, la rupture avec ce systme est-elle une revendication immdiate. Le terme

    dexigence est dailleurs plus adapt que celui de revendication qui comporte une notion dedemande, de dolance au pouvoir. Or, nous ne qumandons rien au pouvoir. Nous posons nosactes, parce quil nous semble ncessaire de les poser. Parfois, nos actes rpondent ceux dupouvoir. Le problme avec les revendications, c'est que, formulant des besoins dans des termes qui les rendentaudibles par les pouvoirs, elles ne disent d'abord rien de ces besoins, de ce qu'ils appellent de transformations rellesdu monde. Ainsi, revendiquer la gratuit des transports ne dit rien de notre besoin de voyager et non de se dplacer,de notre besoin de lenteur Mais aussi, les revendications ne font le plus souvent que masquer les conflits rels dontelles noncent les enjeux. Rclamer les transports gratuits ne fait qu'ajourner dans un certain milieu la diffusion des

    techniques de fraude. En appeler la libre circulation des personnes ne fait qu'luder la question d'chapper,pratiquement, au resserrement du contrle. (Appel)

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    Tu parles galement de contextehistorique et tu voques lEspagne de 1936et lItalie des annes 70. En Espagne, lemouvement rvolutionnaire a longtemps tillgal. Avant 1936, les rvolutionnaires

    notamment les anarcho-syndicalistes de laCNT jouaient du revolver contre lespistoleros la solde du pouvoir. Il est vrai quelorganisation mise sur pied par les libertairesespagnols, qui dvelopprent un rseaudathnes, dcoles, de coopratives, etc.(tout ce qui nest pas proprement parlersyndical) permis de construire les solidaritsncessaires et de prparer une bonne partiede la population linsurrection. Il nen restepas moins que celle-ci na pas t dcrte

    quand les rvolutionnaires ont jug lemoment opportun. Cest le soulvementmilitaire des fascistes qui les y a pousss. Tuparles ensuite de divergences internes au seinmme de la CNT. Voil bien le signe de lalimite de toute rfrence idologique, de toutmilitantisme avec ses luttes dinfluences etses rivalits de pouvoir. Enfin, la CNT sestdemble pose comme un gestionnaire de lasocit et cest sans doute lune des raisonsqui expliquent aussi ces divergences. Que

    lon relise les protestations devant leslibertaires faites par un incontrl de lacolonne de fer, et lon verra tout ce quispare le dsir de rvolution de celui degestion. Pour lItalie des annes 70, lencore, braquer le regard uniquement surlaspect revendicatif te fait manquer ce quily avait dessentiel dans cette poque :lintensit du combat, lirrespect du pouvoir,le courage et la dtermination des rvolts. Ilest vrai que les politiciens ont tout mis en

    uvre pour enrayer ce mouvement. Cestlassassinat de Moro qui en dclenchera ledclin. Le pouvoir et son information nendemandaient pas tant pour justifier encore larpression et finir de ramener ceux quiprtaient encore attention quelques valeursdmocratiques dont nous parlons plus haut.

    Tu dis quaucun changement ne peutavoir lieu sans le proltariat. Cela est peut-tre vrai des changements qui vont dansnotre sens, parce que pour le reste, tout

    change sans que nous ayons notre mot dire. Mais encore faut-il savoir ce que nous

    appelons proltariat. Nous avons dj ditque la vieille sparation entre proltariat etbourgeoisie ntait plus oprante. Aussi, ceque nous entendons par proltaire est-ilsensiblement diffrent de lancienne

    dfinition selon laquelle il sagit duntravailleur louant sa force de travail contreun salaire. Il nen reste pas moins que noussommes daccord pour affirmer que ce sontbien les proltaires, ou les pauvres, ou lesgueux, ou la plbe qui peuvent se soulever,qui fomentent des meutes et desinsurrections dfaut de rvolutions comme rcemment encore en Algrie, en

    Argentine ou aujourdhui en Bolivie et enEquateur. Enfin, toujours au sujet de cette

    distinction entre classes, un compagnonargentin, membre de la FORA (la sectionargentine de lAIT) nous disait que sonorganisation a toujours considr cettesparation comme tant le fait descapitalistes et que, par consquent, sil fallaitdistinguer deux camps, se serait plutt entrecelui qui est partisan de lautorit et celui quiest anti-autoritaire

    Ce qui nous spare encore, cest lefait que tu te manifestes en tant que militant.

    Bien videmment, nous ne te ferons pasloffense de te comparer tous les militantspolitiques et syndicaux. Si nous comptonsdes amis au sein de ton organisation, cestbien parce que la solidarit et la convergencede point de vue sur des questions essentiellesexistent. Dailleurs, vos dtracteurs disent de

    vous que vous ntes pas de vraissyndicalistes, ce quoi nous rtorquons quecest la raison pour laquelle nous pouvonsfaire des choses avec vous. Nous avons

    assez dit que nous ne voulions pas grer cemonde (en loccurrence, nous ne voulonspas grer le dsastre quest ce monde) et quenous rcusons la faon de voir ce mondeadopte par les militants. Ces derniers nousmontrent du doigt. Pour eux, nous sommesdes ultra-radicaux, nous narriverons jamais rien car nous resterons toujours minoritaires.Cela nous fait rire car les militants sont desminoritaires, mme sils sefforcent de croirele contraire. Il est vrai que parler en lieu et

    place des gens leur permet de se donner cegenre dillusion. Cette trange habitude de

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    parler pour les autres leur fait mme croireque chacun peut endosser une tiquettepolitique particulire, comme sil suffisait depiocher parmi toutes les idologiesdisponibles sur le march. Aussi, linverse

    du militant, nous ne courrons pas derrirelurgence dcrte par le pouvoir, nousnallons pas dune lutte une autre que cesoit pour la soutenir ou la dvier de son but.Nous agissons l o nous sommes, profitantparfois doccasions qui nous sont donnes :une manifestation, une grve ou uneassemble. Lactivisme dprimant desmilitants est fatigant car il opre toujours enterrain ennemi. Certes, il prtend parfois

    vouloir en sortir, mais comme selon lui a

    nest jamais le bon moment, il senfermedans ce terrain, rsign au rformismeradical. Spuisant aller de lutte en lutte,participant ds lors au saucissonnage dupolitique en sphres spares, il dfinit lasocit tantt comme capitaliste, tanttcomme raciste, et aussi bien un autre jour illappelle patriarcale ou policire, quand detoute vidence il suffit de dire ce quelle esttout simplement : marchande et industrielle.Or, il faut remettre les choses dans le bon

    sens : partir de lapathie gnralise, dumanque de conscience et de labsence desolidarit pour affirmer quil faille en passerpar les petites luttes parcellaires pour esprerarriver limprobable grand soir est faux.Nous pensons au contraire que cest lemilitantisme acharn des professionnels desluttes partielles qui conduit cette apathie etce manque de solidarit. Quant vouloirrpartir de faon galitaire les richesses ettravailler utilement, pour ne pas retomber

    dans lconomie, il conviendrait dabord de

    sinterroger sur ce que lon appelle richesseset sur ce quon appelle travail.

    Toujours est-il que nous ne voyonspas en quoi notre dmarche ne seconfronterait pas la ralit. Au contraire,

    nous partons du monde sensible qui est l.Plutt que dchafauder des projets degestion alternative, nous laborons uneforce, nous construisons des solidaritstangibles, nous prenons position. Et a,aucun militant ne parvient le comprendretant il est obsd par le dveloppement deson organisation qui prfigure la socit dedemain telle quil la voit. Ce mme militantqui nous accuse dtre en dehors du relreste en tous les cas incapables de construire

    quoi que ce soit partir dun acquis, ayantpresque honte parfois de rver dun avenirradieux. Ce faisant, lespoir dun futurpassionnant sefface encore un peu plus(seules les religions semblent encorecapables de recruter sur cette base l) devantles impratifs de la gestion et de la real-politik.

    Nous profitons de cette occasionpour revenir sur Kaczynski. Tu nous dis quetu restes perplexe sur son utopie et que tu nepenses pas quil soit anarchiste. Soit. Dans le

    mme temps, nous avons reu une critiquede La socit industrielle et son avenirfaites par lesyndicat CNT-AIT de Paris. Si cette critiquepointe du doigt les contradictions etquelques ides avec lesquelles nous sommesen dsaccord dans ce texte, elle rate ce quien fait lintrt pour nous : la critique duprogressisme et du rgne de la technologie.Par ailleurs, il convient de rappeler que notrehostilit lindustrialisation ne saurait treconfondue avec une admiration bate pour

    Kaczynski, sa prose et ses bombes.

    Le tract suivant t distribu lors du forum social libertaire qui sest tenu Rouen le 12 mars.Les dbats auxquels nous avons particip furent loccasion de confronter assez vivement notre penseau vide idologique sidral et sidrant des militants libertaires prsents. Une lettre ouverte cesderniers suivie des changes suite sa diffusion au sein du mouvement anarchiste officiel sont disponiblessur simple demande (merci denvoyer des timbres pour lexpdition)

    A NOS CAMARADES PRESENTS ET A VENIR

    Ce monde est un dsastre. Il semblerait que mme nos ennemis ne puisent plus sesoustraire cette vidence si commune. Face ce constat, ce qui parat le plus trange, cest la

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    faiblesse de la contre-attaque. De notre contre-attaque. Pour qui sattache encore lide dendcoudre avec une telle poque, il nest plus question de prolonger les ternels pugilats dechapelles o saffrontent dans le ciel des ides les diffrentes orthodoxies idologiques. Car celamme est un dispositif qui nous affaiblit.

    Nous voulons laborer la force qui pourra dfier et vaincre le capital. Que nous y

    parvenions ou non, les cyniques et les moqueurs auront a ravaler leurs gloussements car lpoqueveut quil ny ait rien entre la domination ou nous.Parmi ce qui nous paralyse, il y a ce que nous pourrions appeler le dispositif Temps. Alors

    que le pass se vide en devenant une mythologie bien lointaine, il nous crase contre un futur grand soir non moins confortable. Ce quimplique cet touffement dans lhistoire, cest unedisposition se perdre dans un prsent o plus rien ne se joue, dans une existence devenue, elleaussi, force de ne saccrocher rien, de rellement se concilier tout, librale. Notre tche,aujourdhui, est donc de faire consister ce prsent, de ressurgir. Maintenant.

    Nous ne voulons plus entendre parler danarchismeni de transitionvers le communisme.Nous voulons vivre le communisme et rpandre lanarchie. Encore une fis, maintenant. Et ceuxqui voient dans cette nuance u jeu de langage ou une malice rhtorique ne disent que trop quils

    ne veulent finalement ni de lun ni de lautre.Cest en cela que nous ne voulons plus de sparation entre la lutte et la vie. Le politiquenous le voyons justement comme une manire de vivre qui concide avec une manire de lutter.Et il ny a que cette articulation qui puisse tenir distance du militantisme dpressif et dumensonge des modes de vie alternatifs .

    Vivre-et-lutter, cela consiste pour nous, aujourdhui, dserter tout en nous rendantoffensifs. Dans des squatts, dans des maisons collectives, dans des fermes et mme parfois dansdes arbres, nous dsertons la misre et la tristesse de la vie individuelle afin de recomposer cedont nous avons t si intensment dpossd : du commun. Nous faisons consister des contre-mondes au sein desquels nous pouvons nous rapproprier les moyens de notre autonomiecomme de nos assauts. Tout ce qui peut concourir constituer un tissu thique ennemi de celui

    du capital lentame. En cela nous pouvons dire que faire pousser des carottes est un acte aussioffensif que dfensif. Les conditions de cette dsertion, cest ce quil est pressant de discuterensemble.Nous devons inventer une forme de guerre telle que la dfaite de lEmpire ne sera plus de devoir noustuer, mais de nous savoir vivants, toujours plus VIVANTS.

    De contre-mondes en contre-mondes, laborer une circulation des corps, des affects, desides et des rves qui soit si intense quaucun retour en arrire ne soit plus jamais souhaitable. Desabotages en meutes propager les techniques et les pratiques qui entament lennemi tout en nousrendant plus forts. Rendre plausible un nousindlimitable et inassignable, le nous duneposition.Cette position, cepartipris dans la guerre en cours, nous les voulons anonymes, pour des raisonsstratgiques mais aussi pour en finir avec ce quil y a de gauchisant vouloir se fairelinterlocuteur de la domination. Si nous reconnaissons lennemi, ce nest pas pour lui discuter les

    modalits de notre alination, mais pour le dtruire. Cest en cela quune telle position se place au-del de toutes les prtentions de management de la misre : dune gestion plus quitable oudcroissante de lconomie la revendication des transports gratuits ou autre revenu minimumgaranti. Le citoyennisme, aussi libertaire quil puisse se prtendre, revient toujours prolongerlEtat de notre dpendance. Il ny a pas trouver sa place au sein du libralisme des idologies. Justeune guerre livrer. En tchant de ne pas la perdre.

    Certes, ce chemin que nous empruntons nest pas sans risque et savre troit. Il exige denotre part une volont dtermine de ne plus retomber dans les piges du pass mais aussi etsurtout de communiser les lieux, les moyens et les pratiques. Il ny a d intelligenceque collective.Nous sommes trs peu intresss par la clbration du folklore anarchiste et de sa culture, cestpour cela que nous venons ici en camarades et non en militants. Ceci est un appel. Un appel

    discerner une ligne de front. Le temps est venu de trouver les amitis comme les inimitis.

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    A lire

    Coordination Nationale de Rpression du Scientisme : Etats gnraux de la servitude,Irresponsabilit et ignominie du milieu scientifiquesuivi de Totem et tabousCe recueil de textes et de documents a pour objet dexposer le point de vue de quelques opposants aux tats

    gnraux de la recherche, aboutissement du mouvement des chercheurs de lanne 2004. Il ne prtend pas rendrecompte de la totalit des manifestations dhostilit qui ont eu leu pendant une semaine lencontre de ce jubil de ladomination techno-marchande. Les auteurs de cette brochure faisaient partie des indsirables qui se sont introduitsdans le Centre Alpes Congrs Grenoble pour y perturber la premire journe des Assises nationales de larecherche, le 28 octobre 2004, et tenter dy briser linvraisemblable consensus qui avait entour jusque-l le motdordre Sauvons la recherche ! Sils se sont donn la peine dcouter, sans se mettre hurler, les horreurs

    profres par le maire de Grenoble et les ministres prsents cette occasion, cest quils tenaient faire savoirpubliquement et bruyamment que les chercheurs ont des ennemis. Et ceux-ci, bien sr, ne sont nullement chercherau sein du pouvoir dEtat ou du patronat, mais dans les fractions quinont pas perdu tout espoir de sopposer demanire cohrente la socit marchande totale.

    A commander ACNM B.P. 178 75967 PARIS cedex 20 ou directement notre adresse.

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    Vous pouvez envoyer des timbres, des enveloppes, des sous (chques lordre de STA Rouen CCP 6 591 39 J) mais aussi vos ides, vos tracts, journaux, dessins et autres. Echange depublication bienvenu. Si vous connaissez des lieux ou des librairies dans lesquels ce bulletin peuttre dpos, faites-le nous savoir.

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