ABERCROMBIE_1990_ethnogenèse Et Domination Coloniale

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  • 7/24/2019 ABERCROMBIE_1990_ethnogense Et Domination Coloniale

    1/11

    Thomas Abercrombie

    Ethnogense et domination colonialeIn: Journal de la Socit des Amricanistes. Tome 76, 1990. pp. 95-104.

    Abstract

    Ethnogenesis and colonial dominationAfter summarizing the theoretical pros and cons of the concept of ethnicity, the author

    demonstrates how in the Andes today an ethnic unity is being built up through a double articulation with relation to State

    power and autochtony.

    Resumen

    Etnognesis y domination colonialDespus de revisar las implicaciones toricas del concepto de etnicidad, el autor muestra

    como en la regin andina se construye hoy una unidad tnica a t ravs de una doble articulacin en relacin con los poderes

    del estado y de la autoctona.

    Citer ce document / Cite this document :

    Abercrombie Thomas. Ethnogense et domination coloniale. In: Journal de la Socit des Amricanistes. Tome 76, 1990. pp.

    95-104.

    doi : 10.3406/jsa.1990.1359

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1990_num_76_1_1359

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_jsa_458http://dx.doi.org/10.3406/jsa.1990.1359http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1990_num_76_1_1359http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1990_num_76_1_1359http://dx.doi.org/10.3406/jsa.1990.1359http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_jsa_458
  • 7/24/2019 ABERCROMBIE_1990_ethnogense Et Domination Coloniale

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    ETHNOGENSE ET DOMINATION

    COLONIALE

    Thomas ABERCROMBIE

    Aprs avoir rappel les enjeux thoriques du concept d'ethnicit, l'auteur

    montre

    comment

    dans les Andes

    contemporaines une unit

    ethnique se construit

    travers

    une

    double

    articulation

    par

    rapport

    aux

    pouvoirs

    de

    l tat

    et

    de

    l autochtonie.

    Etnognesis y domination

    colonial

    Despus de revisar las implicaciones toricas

    del

    concepto de etnicidad,

    el

    autor

    muestra como en la regin andina se construye hoy una

    unidad

    tnica a t

    raves

    de

    una

    doble articulacin

    en

    relacin

    con los

    podere

    del

    estado

    y de la autoctona.

    Ethnogenesis

    and

    colonial

    domination

    After summarizing the theoretical pros

    and cons of

    the

    concept of

    ethnicity, the

    author

    demonstrates how

    in the

    Andes

    today an ethnic unity is

    being

    built up

    through a double articulation with relation

    to

    State

    power and

    autochtony.

    Les dbats ouverts rcemment sur la

    relation entre reproduction et

    transfor

    mations des

    socits

    andines

    ont montr

    que

    les

    catgories employes manquaient

    de prcision thorique. C est le cas notamment du concept d ethnicit sur

    lequel

    je

    voudrais rflchir ici,

    suivant une

    approche la

    fois

    historique

    et

    ethnographique.

    Ce

    concept

    est

    d'origine relativement rcente. Dans une rvision de la littrature

    sur le thme, Ronald Cohen (1978) signale qu il n a fait son

    apparition

    dans les

    travaux

    anthropologiques que

    dans

    les annes

    1970

    Soudain, sans prambule, l'ethnicit

    a

    acquis le

    don d'ubiquit. Un

    coup

    d'oeil

    aux titres

    des

    livres et

    des

    monographies

    de ces dix

    dernires

    annes indique

    la large

    diffusion des

    termes

    ethnicit

    et ethnique

    pour

    se

    rfrer

    ce

    qui

    auparavant tait

    compris comme

    'culture',

    'culturel'

    ou

    tribal ... Toute unit socio-culturelle,

    ou presque,

    en

    vrit

    tout

    Universit de Miami, Coral Gables.

    J.S.A.

    1990,

    LXXVI

    p.

    95

    104.

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    SOCIT DES

    AMRICANISTES

    terme dcrivant

    des

    structures particulires rgles par le flux des rapports sociaux peut

    prsent se

    dnommer comme ethnique (Cohen, 1978

    378).

    Selon Cohen,

    le dplacement vers l

    ethnicit

    consisterait

    pour

    une part en un

    simple changement de vocabulaire,

    par

    limination de termes dprciatifs comme

    tribu

    (qui

    drive

    du latin

    tribus ,

    appliqu aux

    barbares

    situs

    la

    priphrie

    de l Empire).

    Les etymologies ont

    cependant

    une valeur limite

    quand

    il

    s'agit

    de comprendre le refus des catgories

    appliques par

    les cultures

    colonisat

    rices

    pparemment

    adopte comme

    alternative

    neutre (et pauvrement dfinie)

    des termes

    aux

    etymologies malheureuses, la notion d'ethnicit

    elle-mme

    possde

    des

    origines

    douteuses la signification

    de

    ce terme grec,

    proche

    de nation

    ,

    race ou

    peuple

    (mme applique des non-grecs), a pris au xvie sicle le sens

    de gentil (c'est--dire ni chrtien ni juif ), paen ou idoltre (voir les

    dictionnaires

    de Corominas ou de la Real Academia Espaola).

    Cohen

    suggre

    aussi que ce dplacement rcent dans la

    terminologie accompa

    gne

    n

    changement substantiel

    dans

    les

    proccupations

    empiriques

    et

    thoriques

    de

    l anthropologie.

    Il

    correspond

    la

    volont de dpasser la perspective

    structuralo-

    fonctionnaliste,

    implicite dans l usage

    du

    terme

    tribu , qui

    considre les groupes

    tudis comme des systmes auto-reproductifs isols,

    statiques

    et

    ferms,

    et

    non

    comme des

    parties

    historiquement

    actives

    de

    systmes plus vastes, seul contexte

    o elles ont

    pu merger

    comme

    communauts.

    Cohen attribue

    galement

    le

    dplacement terminologique la reconnaissance croissante

    de

    la nature htrogne

    (ou multi-ethnique ) des chefferies

    complexes comme celles d Afrique

    ou

    des

    Andes

    et

    de

    l'indtermination

    de

    groupes

    comme

    les

    Nuer

    et

    les

    Dinka sur leurs

    marges d'interaction.

    Surtout,

    Cohen

    suggre

    que, du fait du colonialisme

    et

    de

    l expansion

    d un

    ordre

    capitaliste

    global,

    les

    peuples

    contemporains

    sont

    ncessa

    iremententrans

    vivre dans un

    monde complexe,

    dans

    lequel les

    rapports

    entre

    ces

    groupes

    dans des contextes ruraux,

    urbains et industriels

    au sein

    des

    tats-nations, de

    mme que

    les

    rapports entre ces tats,

    sont

    un lment-cl,

    peut-tre lment-cl

    de

    leur survie... {Id

    384).

    L enthousiasme

    initial pour les recherches

    sur l'ethnicit

    s'est

    focalis sur des

    minorits

    ou des immigrants (l

    autre

    interne) au sein

    d'tats-nations ;

    de ce fait,

    le terme

    a

    t

    utilis de

    prfrence

    pour

    signifier l'insertion

    ou la subordination de

    groupes culturellement distincts dans un tat hgmonique. Par

    dfinition, les

    groupes ethniques

    n'existent

    pas isolment,

    mais

    galement, par

    dfinition,

    ils

    ne

    constituent

    pas

    le

    segment

    dominant

    de

    l tat.

    De

    la mme

    manire que, durant

    la

    Renaissance,

    les

    autres

    paens et

    idoltres en marge

    des

    empires ont

    t

    assimils/intrioriss comme communauts populaires locales,

    superstitieuses et

    htrodoxes

    dans

    une Europe

    de plus en plus orthodoxe,

    l

    ethnique

    est

    devenu

    antonyme

    du

    catholique

    , comme le

    local oppos

    au global, ou

    le

    populaire au

    canonique.

    Dans

    les Andes, comme

    ailleurs,

    on a appliqu le terme

    d'ethnicit

    des

    phnomnes

    divers.

    Dans

    ses

    usages

    historiques,

    il a remplac des termes comme

    royaume

    et fdration

    ,

    tout

    en servant galement dcrire

    la relation entre

    le noyau

    dominant de tels

    groupes avec

    des

    entits culturelles

    subordonnes comme

    les Uru,

    Puquina, etc 2. Dans

    le

    contexte contemporain, l

    ethnicit

    est

    utilise

    pour

    dcrire

    le

    rapport

    entre

    des

    catgories

    values

    asymtriquement

    selon

    la

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    ETHNOGENSE

    ET

    DOMINATION COLONIALE

    97

    perception

    des diffrences culturelles drives de la situation coloniale, comme

    indien

    , mtis , ou crole (et autres classifications

    similaires)

    ; par ailleurs,

    le

    terme sert

    dsigner un

    ensemble de

    formations

    politiques

    circonscrites,

    ayant

    un

    statut plus ou

    moins

    quivalent celui d'units administratives subordonnes

    l tat.

    Il

    est

    indispensable

    d'expliciter

    ces

    diffrentes

    utilisations

    et

    de

    reconstituer

    leurs

    rapports

    mutuels afin de comprendre la nature des diffrences culturelles ainsi

    que

    la dfinition des

    units

    d analyse dans les tudes andines.

    Les

    divers usages du terme

    d'ethnicit recouvrent

    une autre faille mthodolog

    ique/thorique

    que nous

    sommes

    peut-tre aujourd hui enfin en mesure de

    combler.

    Une

    des proccupations centrales

    de l anthropologie

    des

    annes

    1980

    a

    t

    la recherche d'alternatives aux modles thoriques dominants. D un

    ct,

    il s'agit

    de transcender les limitations de l approche statique-fonctionnaliste de reproduct

    ionynchronique

    qui

    traite

    les socits

    natives

    comme

    des

    corps

    isols ferms sur

    eux-mmes.

    De

    l'autre,

    d chapper l'unilatralit de l approche

    matrialiste

    du

    sys

    tme

    mondial

    ,

    laquelle

    partage avec

    les

    anciennes

    thories

    de

    modernisation/

    acculturation l'ide

    que les

    structures des

    formations

    politiques

    priphriques

    sont directement dtermines par leur

    insertion

    comme classe dans l tat et/ou

    l'ordre

    capitaliste

    mondial.

    Dans ces perspectives,

    les socits

    indignes

    ou

    priphriques continuent d'exister

    cause ou en dpit des pressions exerces

    depuis l'extrieur

    ;

    leurs structures sont ou bien dtermines

    par

    le systme global,

    ou

    bien

    perdurent

    dans la

    clandestinit.

    Cependant, comme l explique Jean

    Comaroff

    en

    rapport

    une autre socit

    coloniale

    (les

    Tschidi d Afrique du Sud),

    les systmes

    locaux

    autant

    que

    les systmes

    globaux

    sont

    la fois

    systmatiques

    et

    contradictoires

    ;

    ils s'imbriquent en des

    rapports mutuels

    faits

    la fois

    de

    symbioses et

    d'affrontements

    (1985 3).

    Ce

    dont

    nous avons

    besoin,

    donc, c'est

    d une approche

    qui s'inscrive

    dans

    l'troit espace

    ouvert entre

    ces tendances

    thoriques opposes, et

    qui ne se laisse

    absorber ni

    par

    l'une ni

    par l'autre. Dans un

    expos

    prsent lors

    d un

    symposium

    consacr ce thme, John

    Comaroff

    posa

    quelques uns

    des problmes fondament

    uxu il nous

    faudra

    aussi aborder

    [L'ethnicit] est-elle

    un

    objet

    d'analyse,

    quelque chose

    qui

    doit tre expliqu ? Ou bien

    s'agit-il

    d'un

    principe

    explicatif

    capable

    d'clairer des aspects significatifs de

    la vie

    humaine

    ?

    Elle

    a

    certainement t

    considre de

    ces

    deux

    faons,

    parfois simultanment. En

    consquence, il semble

    exister une

    absence notable

    d'accord, y

    compris sur les points les plus

    fondamentaux qu'est-ce l'ethnicit ? [Se rfre-t-elle ]

    une seule

    chose

    ou

    plusieurs ?

    Peut-elle

    dterminer

    la

    pratique

    sociale

    et

    matrielle

    ou

    est-elle

    un

    produit d'autres

    forces

    et

    structures? Ses racines rsident-elles dans une suppose conscience

    primordiale

    ou

    rpondent-elles

    des

    circonstances historiques

    particulires ? Et

    de

    quelle

    manire s'articule-

    t-elle,

    dans les deux

    sens

    de

    ce

    terme,

    la race,

    la

    classe et au

    nationalisme? (1987

    301-2).

    John

    L. Comaroff prsente une srie de propositions

    gnrales

    en

    rponse

    ces

    questions,

    propositions qui fourniront le

    point

    de dpart de ma

    propre

    analyse.

    Il suggre en premier

    lieu

    que l'ethnicit n'est pas,

    comme le veut

    la tradition

    wbrienne, fonction de liens primordiaux,

    mais

    plutt que

    sa gense

    repose

    toujours

    sur

    des forces historiques spcifiques, forces

    qui

    sont la fois structurelles

    et

    culturelles

    (Id

    302).

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    98

    SOCIT

    DES AMRICANISTES

    La seconde proposition

    est

    qu il

    existe une opposition entre

    deux composantes

    constitutives

    de

    la conscience ethnique. L une rside dans la classification

    subjective du monde

    par

    les membres

    d une

    socit en

    agrgats

    sociaux

    selon

    des

    diffrences culturelles

    (ibid 304),

    trait que l'ethnicit partage avec

    le

    totmisme

    dcrit

    par

    Lvi-Strauss.

    C'est,

    bien

    sr,

    le

    processus

    universel

    de

    la

    classification

    sociale

    telle qu elle s'exprime dans les

    situations

    de non-subordination complte

    d une entit

    sociale par une autre. La seconde composante

    est

    la

    forme

    spciale

    que

    prennent

    de telles

    classifications quand les groupes se trouvent

    des

    places

    hirarchiquement

    assignes

    dans

    la division

    sociale

    du

    travail (ibid

    304).

    Pour

    John

    L.

    Comaroff,

    le

    caractre particulier de l'ethnicit repose dans la conjonction

    de

    ces deux composantes.

    La

    faon dont

    la

    [conscience

    ethnique] est ressentie

    et exprime

    varie

    d'une entit sociale

    l'autre selon

    sa position dans la structure des relations de pouvoir existantes.

    Pour les

    groupes dominants..., elle permet

    l'affirmation

    agressive d'une idologie

    protectionniste,

    et

    une

    lgitimation de

    contrle

    de

    l'conomie

    et

    de

    la

    socit

    ;

    cela

    revient

    refuser des

    titres

    semblables aux autres

    en raison de ces diffrences culturelles supposes, allant

    jusqu

    remettre

    en question leur

    commune

    humanit.

    Pour les

    groupes

    subordonns,

    l'affiliation

    ethnique

    peut correspondre

    une identit

    collective attribue

    par les

    autres,

    cette

    incorporation impliquant

    l'alination et

    une perte d'indpendance.

    De

    temps autre,

    comme

    nous le verrons, la cration

    de

    telles identits n'est

    pas

    fonde

    dans une

    ralit sociologique

    ou culturelle existante.

    De

    fait, elle

    peut

    renvoyer

    ce qui

    a

    t appel

    l'invention de

    la

    tradition'

    (Hobsbawm

    y Ranger 1983).

    (John L.

    Comaroff

    1987 304-305).

    Comaroff

    soutient

    par ailleurs que, si

    le

    totmisme

    rsulte

    de la

    cration

    de

    relations

    symtriques entre des entits sociales semblables

    groupements

    qui peuvent

    ou

    non

    tre intgrs

    dans

    une

    communaut

    politico-sociale

    unifie

    l'ethnicit, elle,

    a

    ses

    origines dans

    l'incorporation

    asymtrique de

    groupements structurellement

    dissemblables

    dans une

    conomie politique

    unifie

    (ibid

    307).

    Dans le

    cas andin, les units ethniques modernes furent incorpores dans une

    conomie politique plus ample

    accompagne

    de l alination

    et

    de la perte

    d indpendance correspondantes nous pourrions les

    dsigner

    comme

    groupes

    ethniques plutt

    que

    comme groupes totmiques . Au cours du processus dans

    lequel les formations politiques andines luttent pour

    s'auto-dfinir,

    elles formulent

    ainsi leurs

    caratres distinctifs et

    se

    reproduisent elles-mmes

    sous les contraintes

    du contrle tatique. Mais elles le font travers des variations sur le code

    symbolique dominant

    qui

    est

    leur

    porte,

    savoir,

    la

    classification ethnique

    de

    indios/vecinos/q

    aras

    3 que

    tous

    partagent.

    UN

    CADRE D ANALYSE LA DOUBLE

    ARTICULATION

    Dans

    les Andes, l'hgminie espagnole s'est nourrie

    et

    reproduite en imposant

    de nouveaux districts

    administratifs

    (bourgades

    et

    postes

    d'autorit civile

    copis du

    modle espagnol

    et

    maintenus

    l'cart), et

    en

    crant

    de

    nombreuses formes

    de

    thtre public

    et

    de

    rituels,

    travers lesquels la

    population

    andine

    devait

    exprimer

    publiquement

    sa

    soumission

    au

    pouvoir

    colonial

    (et de

    cette

    faon,

    se

    civiliser

  • 7/24/2019 ABERCROMBIE_1990_ethnogense Et Domination Coloniale

    6/11

    ETHNOGENSE

    ET

    DOMINATION COLONIALE

    99

    elle-mme).

    Ma thse est que

    les

    units ethniques

    modernes telles

    que nous

    les

    connaissons

    aujourd hui,

    comme

    les Macha ou les K ulta,

    sont issues

    de la prise en

    main par leurs anctres des stratgies administratives imposes, comme la rduction

    et

    les institutions de doctrine, pour

    reconstruire un systme d articulation

    qui

    servait

    autant

    leurs

    propres

    fins

    que

    celles

    de

    leurs

    dominateurs.

    Dans

    ce

    processus,

    ils

    dtournrent les vhicules de

    l'hgmonie pour

    en faire un moyen de rsistance

    tactique,

    d o jaillissent

    l occasion

    des pousses de

    rbellion.

    De la

    mme faon que

    l image coloniale de

    l

    Indien paen

    chthonien est

    requise pour

    la

    reproduction

    et la lgitimation de l'ordre

    hgmonique,

    les

    structures

    et

    les dieux de

    la

    conqute, toujours dfinis comme pouvoirs

    extrieurs,

    sont requis prsent pour la reproduction

    d un ordre indigne. Autrement

    dit,

    dans

    ce systme

    de

    double articulation, et malgr le dni

    rciproque

    d'humanit, la

    conception

    que

    chacun

    des partenaires

    a

    de l'autre est essentielle

    pour

    l auto-

    dfinition

    de celui-ci.

    Ce problme oblige

    repenser

    nos concepts de culture

    et

    de

    systme social.

    tant donne la

    dtermination

    mutuelle

    mise

    en

    jeu dans

    le rapport

    colonial,

    l'unit

    d analyse

    pertinente

    n'est

    pas

    donne

    de

    manire

    vidente,

    sa

    dtermination

    reste

    problmatique. Cet aspect a

    t

    trait

    parfois

    dans

    une

    approche

    centre sur

    les

    conditions

    de

    la

    conjonction du global

    et

    du

    local

    (lite/englobant, subordonn/englob). L'intrt d une

    telle

    approche a

    t

    de

    mettre

    en lumire des systmes culturels par le biais de

    leur

    dplacement par

    d'autres systmes. Sahlins a

    suggr que la

    reproduction

    et la transformation

    simultane

    d une

    socit

    comme systme historique

    apparaissent clairement dans

    leur

    conjonction avec d'autres socits, dans la mesure o

    le

    changement

    et

    la

    rsistance peuvent

    se convertir en faits explicites dans le processus de confrontation

    entre des

    ordres trangers l'un

    l'autre

    (Sahlins 198 1 68

    ;

    cf.

    Jean

    Comaroff

    1985 6).

    Dans

    le

    cas

    andin,

    notre

    image

    des

    vnements initiaux

    de

    la

    conqute

    et

    de

    la

    conversion au catholicisme est dforme

    et

    trouble par

    la

    distance temporelle

    et

    par

    la

    mentalit

    pr-Lumires de ceux qui les enregistrrent. Nous sommes,

    par

    consquent, obligs de porter

    notre

    attention

    la fois sur la reconstruction

    historiographique des

    vnements

    au cours desquels de supposes

    totalits

    culturelles furent

    violes (ou

    dstructures

    )

    et sur

    les

    processus par

    lesquels

    des

    ordres

    coloniaux

    sont

    reproduits et leurs segments

    constitutifs transforms

    ; cette

    analyse-l

    doit

    se concentrer

    sur

    les points d articulation

    interculturels dans des

    institutions collectives telles

    que le rituel

    public ou le choix des

    autorits,...

    Je dvelopperai donc la

    thse

    suivante ce

    que

    l on nomme les rituels

    syncrtiques

    ,

    comme

    par

    exemple

    les

    systmes de

    charges

    festives

    {cargos)

    permet de

    rsister

    l'hgmonie

    tout en la reproduisant. Dans les socits

    coloniales, la conqute

    n'est

    pas

    un vnement

    singulier. La

    confrontation

    de

    systmes culturels distincts est rgulirement recre

    sur des formes

    rituelles

    en tant

    que

    locus de

    leur articulation historique.

    Elle

    prserve

    les

    formes

    de

    l'intervention

    coloniale tout en

    produisant

    les individus qui dfinissent les termes de l articulation

    entre

    les ordres

    locaux et

    globaux.

  • 7/24/2019 ABERCROMBIE_1990_ethnogense Et Domination Coloniale

    7/11

    100 SOCIT DES AMRICANISTES

    DU ROYAUME

    PRECOLOMBIEN

    AU DISTRICT ADMINISTRATIF COLONIAL

    4

    Quand

    les Espagnols arrivrent dans le Haut-Prou, la plupart des villages et

    groupes ethniques actuellement prsents dans la rgion n'existaient pas. Les

    nombreuses

    formations

    politiques de la rgion,

    et

    les groupements de

    type

    phratrie

    appels

    ayllus , se trouvaient alors intgrs dans des royaumes tendus,

    organiss

    sur

    le modle dualiste, comme les

    Killaka,

    Asanaqi,

    Charka et

    Lupaqa, gouverns

    par

    des maisons

    complmentaires

    de

    seigneurs hrditaires dans chaque

    moiti

    5.

    Des

    politiques territoriales

    successives imposrent

    la division des

    royaumes

    originels

    en districts administratifs (avec une bourgade nuclaire de type

    espagnol au

    centre)

    appels

    reducciones.

    partir

    du

    vice-roi

    Toledo

    (1575),

    chaque

    rduction comptait son propre corps d diles

    locaux

    en

    principe lus et abritait un

    cur charg d clairer les natifs de sa doctrine. Et ce sont bien

    sr

    ces bourgades,

    et

    non

    les royauts hrditaires, qui ont

    perdur

    jusqu aujourd hui.

    Cette

    stratgie de rorganisation spatiale

    servait non seulement

    rationaliser

    le

    recrutement

    pour

    le travail

    mais aussi

    implanter des foyers

    d vanglisation. En

    mme temps, fixer les Indiens dans des bourgades structures

    selon un

    plan en

    damier tait indispensable pour

    leur civilisation .

    C est

    seulement dans l espace

    domestique d une bourgade,

    et non

    dans

    un

    espace ouvert

    et

    sauvage,

    que

    pouvait

    s'exercer

    une

    bonne police

    (au

    sens de

    bonnes administration et murs ),

    sous

    la

    constante vigilance

    des autorits.

    LE COSMOS DE

    LA

    CONQUTE. POUVOIR GNRATEUR

    ET

    HIRARCHIE

    Dans les

    rites calendaires

    de

    K ulta,

    les titulaires

    des

    cargos 6

    viennent

    la

    bourgade

    et

    l'glise diocsaine pour adorer

    un

    ensemble de

    divinits apparem

    ment

    hrtiennes, lesquelles rsident dans YAlaxpacha (le ciel). Ici se

    trouvent

    le

    Christ

    (qui

    est identifi

    avec

    le

    soleil),

    la

    Vierge

    (identifie

    avec

    la

    lune)

    et un

    ensemble de saints,

    rfractions

    du soleil

    et

    de

    la

    lune qui incarnent le pouvoir

    reprsent par l'clair (comme mdiateur

    entre

    le

    ciel,

    cette terre et Manxapacha,

    le

    monde

    souterrain).

    Un mythe de K ulta dcrit

    l'arrive

    de ce

    Christ

    solaire

    dont

    le caractre de

    dominateur

    tranger

    aux autochtones andins lui permit de

    fonder le cosmos

    actuel,

    rendant ainsi possible une humanit compltement sociale 7. Le mythe identifie les

    anctres prchrtiens

    d autres

    groupes autochtones (appels Chullpa) qui vivent

    dans l'obscurit, sans troupeau ni

    cultigne,

    dans des conditions atemporelles

    et

    pr-sociales. Le

    Christ

    solaire arrive sous

    forme

    d homme les

    Chullpa

    chouant

    le tuer et l'enterrer,

    il

    monte au ciel,

    dessche

    ou brle les Chullpa, et les rlgue

    dans

    le

    monde

    infrieur

    rcemment

    cr

    {manxapacha). Le

    mythe dcrit

    donc

  • 7/24/2019 ABERCROMBIE_1990_ethnogense Et Domination Coloniale

    8/11

    ETHNOGENSE ET DOMINATION COLONIALE 101

    l'affrontement de forces qui aboutit l expulsion centrifuge des Chullpa

    vers des

    zones de l'autre monde, ouvrant par cette

    tension un espace vide

    dans

    lequel

    la

    socit

    aymara

    peut-tre reconstitue.

    La conqute dcrite dans le mythe

    ne

    signale ni

    la complte limination des

    Chullpa

    comme

    tres

    chthoniens

    ni

    l ascension

    du soleil

    et

    des

    dieux

    chrtiens

    clestes comme des forces toutes puissantes,

    mais

    plutt

    le

    dbut

    d une

    alternance

    hirarchiquement

    rgule.

    Dans le

    mythe, une opposition entre

    obscurit

    et

    lumire,

    parallle celle entre

    humidit/froid

    et scheresse/chaleur, est

    transpose

    et tendue

    des zones opposes de l'autre

    monde.

    prsent,

    les

    habitants

    de

    K ulta doivent

    vivre

    dans un

    entre

    deux zones de ce cosmos

    hirarchiquement

    rgl.

    premire

    vue le

    mythe semble

    se

    rfrer

    des alternances quotidiennes

    entre

    le

    jour et la nuit ou

    entre

    les saisons, mais

    il dcrit en

    fait

    un

    processus

    irrversible. Relevons

    ce stade que le

    bannissement

    de ces forces

    opposes

    du

    monde de K ulta se

    rapporte aussi

    au

    processus d'attribution d'identit

    ethnique

    l Indien paen

    du

    pass,

    maintenu pour l'auto-dfinition

    de

    la

    socit dominante,

    et

    l'tranger

    conqurant chrtien,

    le Viracocha 8 espagnol difi,

    image

    de

    l hgmonie

    tatique qui sans

    cesse

    domestique les Chullpa.

    L'affrontement mutuel

    de ces

    pouvoirs ngatifs

    est

    au cur de l'identit locale, mais aucune de

    ces

    identits

    ne

    dcrit

    elle-seule l habitant de

    K ulta. La reproduction

    de

    la formation politique

    comme

    lieu

    de rencontre

    entre

    ces identits dpend

    plutt

    du contrle du processus

    de domestication dcrit dans le

    mythe.

    Le rituel public

    au

    niveau

    de

    la bourgade,

    o se rencontrent les deux

    moitis

    ,

    lie la

    reproduction de

    la formation politique

    comme

    un tout et non

    comme

    jonction entre

    l tat

    et la formation

    native

    ; et

    il

    oppose cet

    ordre total aux

    groupes

    sociaux

    fragmentaires des

    sous-moitis disperss travers le

    territoire

    (comme

    l'unit

    domestique,

    le

    hameau,

    le

    patrilignage

    et

    Vayllu).

    Ceci

    se

    voit

    trs

    clairement

    dans

    la

    division

    entre

    les rites excuts dans

    la

    bourgade orients

    vers

    les

    divinits

    chrtiennes du ciel

    et ceux

    des

    hameaux

    rsidentiels

    tourns vers

    les

    divinits

    de Manxapacha. Dans

    cette perspective,

    la structure squentielle

    des

    rituels au niveau des

    moitis

    peut tre perue comme modelant (et

    dfinissant)

    la structure de

    la confrontation entre

    l'ordre

    indigne et

    l tat colonisateur.

    CENTRE ET PERIPHERIE

    La socit de K ulta

    est

    sans doute priphrique l tat

    et

    au systme

    capitaliste mondial dans

    lequel

    elle se trouve insre, mais elle

    dispose

    elle-mme

    d un centre symbolique, situ aussi bien dans

    l espace que

    dans le temps, o se fait

    l'articulation

    avec l'ordre

    hgmonique. Et

    au regard

    de

    ce

    centre

    la

    bourgade

    de Santa

    Barbara

    de Culta

    fonde par

    les Espagnols

    les

    hameaux

    rsidentiels

    disperss constituent une

    priphrie.

    Cette opposition

    entre

    bourgade

    centrale et

    priphrie, qui enrichit le scheme cosmologique d ensemble, renvoie une notion

    de

    formation

    politique

    et sociale

    apparemment partage par les habitants

    des

    Andes pr-hispaniques

    et par

    les conqurants.

    Des

    sources linguistiques anciennes

    attestent

    en

    effet

    l'identification par

    les

    Aymara

    du

    peuple

    autochtone

    (les

  • 7/24/2019 ABERCROMBIE_1990_ethnogense Et Domination Coloniale

    9/11

    102

    SOCIT

    DES AMRICANISTES

    Chullpas) ses descendants

    supposs,

    les chasseurs et pcheurs

    uru

    et choquela,

    assimils aux

    animaux sauvages et

    aux oiseaux

    et vivant

    tous

    en

    dehors des

    frontires

    de la communaut hirarchique de seigneurs

    et vassaux

    . Ici, les

    notions indignes et espagnoles

    de

    civitas paraissent donc converger 9.

    PRODUCTION DE SUBSISTANCE,

    PRODUCTION

    SOCIALE

    ET

    RINTGRATION DU

    POUVOIR

    GNRATEUR

    Le contraste

    entre les libations qui

    ont lieu dans la

    bourgade

    et celles faites dans

    les

    hameaux

    durant les

    ftes

    rvle

    une

    division

    entre

    deux aspects du pouvoir

    gnrateur

    qui

    est

    la base

    tant

    de l organisation sociale

    que

    des stratgies de

    subsistance.

    De

    ce

    point

    de

    vue,

    deux modles

    d levage

    de

    lamas

    peuvent

    tre

    assigns aux

    ples opposs

    du

    spectre

    cosmologique.

    Dans le domaine infra-social

    on trouve les

    divinits

    des montagnes avec

    leurs

    troupeaux d animaux sauvages,

    domestiques pour elles ; au plan supra-social, se dploie le Christ

    solaire,

    pasteur d un troupeau

    humain. Alors que

    la

    fertilit

    (sorte

    de production

    naturelle)

    des troupeaux et

    de

    la

    famille humaine dcoule

    en grande partie

    des pouvoirs

    chthoniens tels

    que

    les

    uywiris

    des collines (les dieux qui lvent les troupeaux),

    l aptitude de l homme

    contrler

    les troupeaux animaux

    afin

    de matriser

    la

    hirarchie

    ncessaire pour s'approprier la nature des fins culturelles drive

    du

    modle solaire.

    Il n'est

    donc

    pas

    surprenant

    que

    les

    autorits

    et

    les titulaires de

    charges

    rituelles

    soient dots

    du titre awatiri,

    conducteur

    d hommes

    ,

    issu

    d une

    longue

    chane

    d quations

    la fois mtaphoriques et sacrificielles entre les

    lamas,

    les hommes et

    les dieux. Le

    contrle

    hirarchique des

    hommes

    se gagne

    moyennant

    l acquisition

    d une

    qualit possde par

    le

    Christ solaire (appel Tata Awatiri, Pre

    Pasteur

    ),

    mais aussi

    l'uvre dans le

    monde

    animal (les Hantirus,

    les

    lamas guides

    du

    troupeau) la qualit de celui qui englobe de nombreux individus.

    En

    rsum, lors

    des

    ftes

    calendaires,

    les

    rites commencent

    par un sacrifice de

    lamas llantiru

    (de

    l espagnol devancier ), offert principalement

    aux

    divinits

    du

    manxapacha

    avec leurs

    pouvoirs de fertilit

    et

    de production

    naturelle (les

    uywiris

    et

    mallkus).

    Par

    le

    biais

    de

    ces

    sacrifices

    et

    par

    le

    fait

    de

    prsider

    la

    rencontre des

    moitis

    et des zones cosmiques dans le cadre

    du

    banquet et

    du tinku

    10, le

    titulaire

    de

    la

    charge

    devient llantiru

    du

    troupeau

    humain dont le pasteur

    est Tata

    Awatiri,

    le

    Christ

    solaire.

    S'offrant lui-mme

    en sacrifice symbolique aux

    dieux

    de

    Y Alaxpacha, il devient quivalent du

    saint

    et du

    Christ solaire, dont

    le saint est

    lui-mme un

    fragment.

    Le sacrifice final est celui

    de

    la statue

    du

    saint,

    auquel

    les

    membres

    du cortge

    tent la douzaine

    de pices de

    vtement

    pour les poser

    sur

    leurs

    propres

    paules lors du retour de la statue au hameau.

  • 7/24/2019 ABERCROMBIE_1990_ethnogense Et Domination Coloniale

    10/11

    ETHNOGENSE

    ET

    DOMINATION COLONIALE 103

    HGMONIE ET RSISTANCE

    Si

    les rituels

    d'investiture des autorits reprsentent un type

    de

    soumission

    l'hgmonie tatique,

    ils

    ne

    sont

    pas

    conus comme

    tels

    par

    les

    excutants

    ;

    et

    le

    contrle local sur ces rituels exprime une hgmonie au service

    de

    finalits locales.

    Ainsi,

    en ralisant

    la

    mdiation d une

    part

    entre les

    zones

    cosmiques,

    d'autre part

    entre

    la

    formation

    socio-politique indigne

    et

    l tat, les titulaires de charges

    s'approprient dans chacune

    de

    ces

    instances,

    moyennant l'intercession de son

    contraire, ce qui est ncessaire

    pour

    la reproduction de

    l ensemble

    de la socit. Des

    lointains anctres et

    du monde

    infrieur, auquel les hommes accdent par la mort,

    ainsi que

    des

    intermdiaires

    silvestres , les

    hommes obtiennent

    les pouvoirs de

    croissance

    et

    de

    nutrition.

    L aptitude

    matriser ces

    pouvoirs,

    en

    les assujetissant

    au

    sein

    d un ordre

    hirarchique rversible,

    procde en revanche

    des

    dieux clestes,

    accessibles

    grce

    aux

    rites

    imposs

    de l'extrieur.

    Dans

    tous

    les

    cas,

    l appropriation

    par

    la

    socit

    de pouvoirs

    chthoniens gnrateurs et

    de pouvoirs

    coloniaux

    hirarchiques reste incomplte, et leur

    mainmise dpend

    de la

    rptition

    de la

    mdiation sacrificielle.

    L hgmonie

    coloniale (et rpublicaine)

    reprsente

    pour les

    habitants

    de K ulta

    le

    caractre intgral

    de

    la

    totalit sociale

    constitue.

    L orientation ambivalente

    envers

    les

    divinits indignes d un ct, envers les divinits clestes chrtiennes de

    l'autre,

    rend

    bien

    difficile

    une totale identification

    l'une

    d'entre elles tout comme

    son rejet absolu. L opposition entre des lments

    du

    cosmos

    qui ne sont pas

    seulement des parties

    distinctes mais galement

    les partenaires d un dialogue entre

    groupes ethniques et

    pouvoirs hgmoniques,

    gnre une dialectique

    complexe

    par

    laquelle

    la

    socit

    se

    dfinit

    elle-mme.

    LE

    FACTIONNALISME

    COMME ETHNOGENSE

    CONTINUE

    De tels processus n'ont, bien sr, jamais cess

    et

    la cration

    continue

    de nouvelles

    proto-formations indignes caractrise

    la dynamique interne

    K ulta.

    Dans les

    dernires

    annes,

    K ulta a connu des

    scissions.

    Trois

    de ses ayllus ont

    pris

    des

    chemins

    spars.

    Et

    chacun s'est

    divis son tour en moitis distinctes.

    Ainsi

    Yanaqi

    s'est converti en Haut-Yanaqi et

    Bas-

    Yanaqi,

    segments

    territoriaux

    qui

    alternent dans

    la

    charge d'amphitryon

    d une

    fte votive et dans

    l lection

    par

    l-mme

    de

    leurs

    autor

    its. Ce qui

    pourrait

    premire

    vue apparatre comme

    un

    processus de

    factionnalisme

    et

    de

    dstructuration est en

    fait

    un signe

    de rsistance prolonge

    l hgmonie tatique.

    Dans

    ce

    processus de division

    en

    moitis

    ponctu

    d un cycle

    festif

    et

    de

    luttes

    pour

    tablir

    de nouvelles bourgades,

    chaque nouveau

    fragment de K ulta se construit

    lui-

    mme grce la

    reproduction de

    la double

    articulation , d une

    part avec

    l tat,

    et

    de

    l'autre avec

    les

    divinits chthoniennes

    *.

    Manuscrit

    reu

    en

    mars

    1990,

    accept

    pour

    publication

    en

    juin

    1990.

  • 7/24/2019 ABERCROMBIE_1990_ethnogense Et Domination Coloniale

    11/11

    104

    SOCIT

    DES AMRICANISTES

    NOTES

    l'exception des

    notes

    4, 7, et 9, les

    notes

    sont

    du

    traducteur Thierry Saignes. Je remercie

    Antoinette

    Fioravanti-Molini

    et

    Anne-Christine Taylor

    pour leur

    aide

    la mise

    au

    point de

    cette

    version

    franaise.

    1. En franais, le terme d ethnicit est un

    nologisme

    rcent qui renvoie la notion d identit

    ethnique.

    2.

    Noms

    d'anciens peuples

    de

    l'ai

    tiplno soumis

    par les

    Aymara et

    les

    Incas (voir

    le

    numro

    sur les

    Andes

    des Annales

    ESC 5-6,

    Paris,

    1978).

    3.

    Indiens

    nom attribu

    aux habitants des communauts villageoises ;

    voisins

    nom que

    se

    donnent les occupants mtis des

    bourgades; q'aras nom

    aymara donn aux Blancs.

    4. L'histoire

    du

    royaume

    Killaka et

    l'analyse des rituels politiques de

    K'ulta

    est examine

    de

    manire

    dtaille

    dans Abercrombie (n. d.).

    5.

    Sur

    l'organisation dualiste des chefferies et des rductions dans

    les

    Andes, voir le numro spcial

    des Annales ESC dj

    cit.

    6.

    L'auteur

    (qui emploie l'expression d' amphitryon pour

    le

    titulaire lu annuellement) fait ici

    rfrence au

    systme

    des charges festives

    prsent bien connu

    tant

    en

    Mso-Amrique que

    dans les

    Andes.

    7. Ce mythe est analys en

    dtail dans

    Dillon et Abercrombie, 1988.

    8. Nom d'une divinit pr-inca dote du pouvoir

    d'animation,

    attribu ensuite aux

    Espagnols

    lors de

    la

    Conqute.

    9. Le dictionnaire

    de Bertonio fournit

    les termes

    de puruma

    jaqi,

    pampa

    jaqi, suri

    jaqi et larilari

    qui

    dsignent des individus isols,

    sauvages

    vivant hors du village et donc

    de

    l ordre social.

    10.

    Tinku

    bataille rituelle

    entre

    communauts.

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