Absorption du 86Rb et du 99Mo par deux algues marines: Le Laminaria digitata et le Fucus serratus

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Laboratoire de Physiologie Veghale, Faeulte des Seienees, Universite de Bretagne Oeeidentale, Brest, Franee

Absorption du 86Rb et du 99Mo par deux algues marines: Le Laminaria digitata et le Fucus serratus

86Rb and 99Mo Absorption by two Seaweeds: Laminaria digitata and F ucus serratus

MICHEL PENOT et CHRISTIANE VIDEAU

A vee 6 figures

Res:u le 29 Novembre 1974

Summary

The absorption of Rb and Mo was studied on two seaweeds living at different sea levels. The metabolie charaeter of the two ions uptake is demonstrated by sensitivity to low temperatures (O°C) and to metabolie inhibitors (KCN = 10-5 M and DNP = 10-3 M).

If, in the ease of Rb, the light dependent absorption is weH established, the absorption of Mo does not appear as a light dependent proeess.

In the last plaee, each al ga is eharaeterised by a preferential uptake of each miero-nutrient.

Key words: Sea'Uxeds, Rb and Mo uptake.

Introduction

A bien des egards l'etude de l'absorption minerale par des algues mannes est interessante; c'est sur ces vegetaux que les caracteres originaux de la permeabilite cellulaire ont ete mis en evidence tels par exemple: la selectivite ionique, l'accumulation contre le gradient de concentration, l'antagonisme ionique (OSTE RH OUT,

1910-1922-1936 in GIESE), l'epictese ou si l'on prefere l'osmoregulation (LAPICQUE,

1925; BIEBL, 1965) d'ou naquit la notion de transport actif. Apres une periode d'eclipse, au cours de laquelle les travaux ont davantage porte

sur la nutrition des vegetaux superieurs, en particulier chez des organes isoles (racines, organes de reserves, feuilles), un regain d'interh apparah pour ces vegetaux marins mais on peut dire, cependant, que tres peu de travaux portent sur la physio-

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logie et l'ecophysiologie des grandes algues brunes. C'est l'objet de ce travail qui se propose, dans un premier temps, de definir les modalites de l'absorption de quelques oligo-elements et, dans un deuxieme temps, d'accorder une attention toute particuliere aux phenomenes de l'osmoregulation chez ces memes algues.

Materiel et Methodes

Le choix porte sur deux algues des C8tes bretonnes appartenant ades etages differents d'une m&me zonation:

le Fucus serratus (L.), fucale de Ja zone intertidale; le Laminaria digitata (L.) Lamouroux, laminariale infralittorale. Les algues sont recoltees aux periodes de basses mers de vives eaux, transferrees au labora

toire et maintenues en survie en chambre de Culture d'Algues dans les conditions suivantes: t = 15° ± 1°C; photoperiode de 12/24 heu res de lumiere; 1500 lux).

Les mesures d'absorption sont faites a partir d'une population homogene de disques de 12 mm de diamhre, decoupes uniquement dans les tissus adultes du thalle des deux algues (fig. 1).

Fig. 1: Niveau de prelevement des disques dans le thalle de L. digitata.

Les etudes portent sur l'absorption de deux oligoeJements, le rubidium et le molybdene, ceci afin d'eviter que ne se superpose, aux processus de permeation, un metabolisme important. L'importance physiologique de ces deux oligo-elements, pour les Algues marines a deja ete soulignee (lWASAKI, 1967). Ces elements sont introduits, dans un volume d'eau de mer filtree (filtre Millipore a 0,45 /h de diametre), sous une forme radioactive:

- le 86Rb (entre 15 et 130 ,u Ci· 1-1);

- le 99Mo (entre 15 et 180 /h Ci· 1-1);

par ailleurs, ils se presentent, dans le milieu marin, sous les formes ioniques Rb+ et Mo04 -

(SILLEN, 1961). Toutes les mesures d'absorption sont faites a 15°C, a 1500 lux, et en milieu agite et

aere par insufflation d'air. Les resultats sont exprimes en Imp/l00 sec/d, mais peuvent &tre, en tenant compte des quantites d'oligo-eJements presentes (IVANOFF, 1972) et introduites cxperimentalement dans l'eau de mer, traduites en masse de Rb ou de Mo par gramme de matiere seche (/hg. g-1 MS).

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Resultats

1. Caracteristiques de I' absorption

a) Evolution en fonction du temps - Masses absorb~es

L'absorption du Mo ou du Rb, mesuree en fonction du temps, (Fig. 2 A et 2 B) sc pr es ente, chez les deux Algues, sous la forme de courbes classiques, de type diphasique, Oll la vitesse initiale elevee (duree 30 mn) fait place a une vitesse d'absorption en regime stationnaire qui peut se maintenir au dela de 50 heu res (VIDEAU, 1974).

Ces resultats montrent, en outre, une absorption plus importante de Rb par le F. serratus, alors que le molybdate est absorbe en plus grande quantite par le L. digitata.

Rb en j!9 / 9 M.S.

A

.-././.'

/ . .....-:'

Mo en j!9/9 'MS

B

0,5

...-. ...-.

FS

__ . .-lO

...-. ...-.

2 temps en heures

...-lD ....... '

/' /'

/' /'

./0"

,0'" ./

/' ~::"'-'o o_FS

2 temp. ,m heure.

Fig. 2 A et 2 B: Quantites de RB (A) ou de Mo (B), absorbees en fonction du temps, exprimees en flgfg M. S. pour F, serratus (F. S.) et L. digitata (L. D.).

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b) Influence des basses temperatures et des inhibiteurs metaboliques

Dans le but de souligner I'importance du metabolisme au niveau de l'absorption de ces oligo-elements, nous avons eu recours ades facteurs bien connus pour diminuer le metabolisme ceHulaire, a savoir:

les basses temperatures obrenues gr&ce a l'emploi d'un ultra-kryomat (0 °C ± 0.2 0C); les inhibiteurs metaboliques, le dinitrophenol (DNP), agent decouplant des

phosphorylations, et le KCN, inhibiteur de diverses reactions enzymatiques mez les Aigues marines (SCHONFELD et col!., 1973).

A cet egard, des etudes preliminaires ont montre que chaque inhibiteur avait une action inhibitrice maximale: 1O-5M pour le KCN et 1O-3M pour le DNP (VIDEAU, 1974).

Ces differents facteurs, basses temperatures (Fig. 3 A et 3 B) ou inhibiteurs metaboliques (Fig. 4 A et 4 B), entrainent, pour les deux ions et mez les deux algues, une diminution notable de 1 'absorption, de teHe sorte que l'on peut dire que la courbe

Rb en imp/l00s/d

1000

" ,/ I

Mo04 en imp/l00s/d

B

A

~ .. .... ,,'"

".

",," .... ; ..... ;; ..

.. .... .. 15'( ....

L. D .

____ ---------0'(

2

15°( -----

temps en heures

F.S.

----------r------ .

1001- ,. ................ ~ , ... ... "

",,"

----:-'-

~

2 3 4 5

temps en heures

Fig. 3 A et 3 B: Influence des basses temperatures. A - sur l'absorption du rubidium par L. digitata; B - sur l'absorption du molybdate, par F. serratus.



Rb en imp/l00s/d F.S.

Te

A

~ .. ",.-,-----------------.--.6" -_. ,Ne W' M

1000 /." ;{;'

-tY /

Mo04 on imp/l00s /d

B 1000

2 3 4 temps en heu res

L.D.

Te

• _._. __ ._------'-'--- KCN ",..' .

~ • lO- sM

/~

VI' i

~

2 :3 4 lemps ~ heu res

Fig. 4 A et 4 B: Influence des inhibiteurs metaboliques. A - absorption de rubidium en presence de DNP, par F. serratu5; B - absorption de molybdate, en presence de KCN, par L. digitata.

cim!tique traduit vraisemblablement, comme pour les autres vegetaux, (HELLER, 1969, 1974; LÜTTGE, 1969) deux proeessus: un processus initial rapide (30 mn au maximum) interprhe comme une mise en equilibre de concentration, double d'un echange isotopique superfieiel, et un processus plus lent, lie au metabolisme eellulaire, reflerant une penetration aetive des ions dans les differents compartiments de la cellule.

2. Influenee de la furniere

La lumiere represente, pour la cellule chlorophyllienne, la souree initiale de taute energie; nous avons done cherche apreeiser, pour le materiel etudie et pour les deux ions, l'importance de ce facteur.

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a) Influence de la lu miere sur l'absorption du Rubidium

Dans un premier temps l'influence de la lumiere a ete etudiee au cours de la phase d'absorption; a cet egard le tiers des disques est place a l'obscurite, les deux autres tiers a la lumiere, a 1400 ou 5000 lux, toutes conditions semblables par ailleurs. Dans un deuxieme temps, les disques ont subi un pretraitement de 24 heu res a l'obscurite, ceci afin de diminuer, par ce sejour a l'obscurite, le potentiel energetique des cellules; les disques temoins sont maintenus, dans ce cas, en survie a la lu miere.

Dans les deux cas envisages, on obtient une diminution significative de l'absorption du rubidium (Fig. 5 A et 5 B), que ce soit pour L. digitata ou F. serratus.

Rb en imp/l00s/d

A

1000+ ~,,~ ...... ~ N

Rb en imp/l00s/d

B

2

l.D.

1= 4000 lux

_Jt*.",._:-_ .... .",-·Obscurite'

_ ..........

4 5

2 temps en heu res

F.S.

1=5000 lux

1= 1400 lux

1= 0

temps en heu res

Fig. 5 A et 5 B: Influence de la lurniere sur l'absorption du rubidium. A - chez L. digitata a la lurniere ou a l'obscurite (0); B - chez F. serratus, apres un pretraiternent de 46 h a l'obscurite (v. texte). I = 4000 lux: absorption a la lurniere - Obscurite: pn:traiternent et absorption a J'obscurite.

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b) Influenee de la lumiere sur l'absorption du Molybdate

Les memes experienees realisees avee le molybdate eonduisent a des resultats differents. Nous n'avons jamais pu, au cours de diverses experienees, mettre en evidenee une interdependanee entre l'absorption du molybdate et le faeteur lumiere:

ni au eours de ['absorption (Fig. 6 A); - ni apres un pretraitement prolonge de 46 heures a l'obseurite (Fig. 6 B).

Mo04 en .imp/l00s/ d

L. D.

A

100

~,~-:;:'I;,;;;6'---' 1=50001u

...... ."... •• ;;;.- 1= 0 x

~::Y.;'-- ,~ ''''''" .~.

l' I 3 1 5 temps en h '

Mo04 en !mp/100s/d

B

1000

. ' .~ ,"'.

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~

.., ............ , ...

F.S.

.:-----

eures

1= 4000 lux

Obscurit •

2 ternps en heu res

Fig. 6: Influence de la lumiere sur I'absorption du molybdate. A - chez L. digitata a la lumiere ou a l'obscurite (0). B - chez F. serratus, apres un pretraitement de 46h a J'obscurite.

Conclusions

L'absorption du rubidium et du molybdate se pr es ente, chez les deux algues brunes etudiees, avee des earaeteristiques einthiques eomparables a eelles deja mises en evidenee chez de nombreux vegetaux superieurs. L'aetion des basses temperatures ou



des inhibiteurs metaboliques (DNP ou KCN) montre, dans tous les cas, que l'absorption de ces deux oligo-elements depend du metabolisme cellulaire. La lu miere represente, pour une cellule chlorophyllienne en particulier, la premiere source d'energiej elle est en general chez le~ algues, un facteur stimulateur de l'absorption minerale: les excmples ne manquent pas dans la litterature (MAc ROBBIE et DAINTY, 1958). Les faits sont, en realite, plus complexes, la mise a l'obscurite pouvant soit induire une reversibilite de flux ioniques, soit n'exercer aucune action que ce soit pour des flux anioniques (Br- ou CI-) ou cationiques (K+) (GUTKNECHT et DAINTY, 1968).

L'absorption de ces deux elements fournit un nouve! exemple de la pluralite des mecanismes utilises par la cellule pour une absorption metabolique et une accumulation des ions.

L'influence des inhibiteurs metaboliques et de la lumiere sur l'absorption du Rb+ laisse supposer que l'absorption active de ce cation trouve l'energie necessaire dans les phosphorylations oxydatives ou photosynthetiques. Ce processus serait donc lie a la production d'ATP. Cette eventualite est envisageable, en particulier si 1'0n admet que le Rb peut servir de marqueur au K chez les Algues, comme chez les Vegetaux superieurs (HIGINBOTHAM et HANSON, 1965j EpSTEIN, 1972) malgre les reserves qui ont pu ~tre faites a ce sujet (WEST et PITMAN, 1967).

Cette hypothese peut d'autant plus ~tre retenue que, chez les Algues marines, le CCCP (Carbonyl Cyanide m-chlorophenyl hydrazone), agent decouplant des photophosphorylations, inhibe aussi bien les flux de K (FINDLAY et coll., 1971) que de Rb (PENOT et PENOT, non publies).

Par contre l'absorption du molybdate, dont la premiere difference avec le Rb est bien enten du la nature de l'ion, qui est egalement liee au metabolisme cellulaire (sensibilite aux basses temperatures et aux inhibiteurs) trouve sa source d'energie dans d'autres processus (respiration - glycolyse) que les reactions photosynthetiques.

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