15
académique mondialisation de l'enseignement supérieur d'en haut, d'en bas Comment se souvient- En débat octobre novembre 2006 165 Rentrée L'UCL veut relever le défi de la Mémoire souvenirs on d'événements comme les attentats du 11 septembre ou la mort du roi Baudouin ? Les citoyens choisissent-ils réellement ceux qui vont gouverner leur commune ? Revue bimestrielle - Ne parait pas en août-septembre. Adresse d'expédition: Place de l'Université 1, 1348 Louvain-la-Neuve. Bureau de dépôt: Bruxelles X. LE RET OUR DE LA géopolitique BIMESTRIEL DE L’UNIVERSITÉ C A THOLIQUE DE L OUV AIN

académique géopolitique - UCLouvain · Thème Le retour de la géopolitique La maîtrise de l’espace ... tabagisme à l’université, ce crochet (ci-dessous) était suspendu,

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académique

mondialisation de l'enseignement

supérieur

d'en haut,

d'en bas Comment se souvient-

En débat

octobre novembre 2006

165

Rentrée

L'UCL veut relever le défi de la

Mémoire

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11 septembre ou la mort du roi Baudouin ?

Les citoyens choisissent-ils

réellement ceux qui vont gouverner leur

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LE RETOUR DE LA

géopolitique

B I M E S T R I E L D E L’ U N I V E R S I T É C A T H O L I Q U E D E L O U V A I N

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Hôtel Mercure //// Louvain-la-Neuve //// 9 novembre 2006

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SOMMAIRE

Rentrée académique L'UCL face à la

mondialisation de

l'enseignement

6

En débat Élections

communales: quelle

est l'influence réelle

de l'électeur?

Thème Le retour de

la géopolitique

La maîtrise de l’espace

demeure un facteur de

puissance. Ce paradigme

espace-puissance

s’appelle la géopolitique.

Elle fait aujourd’hui

un retour en force, après

plusieurs décennies

d’ostracisme.

16

36

165 octobre-novembre 2006

4 Éditorial • L’esprit « Louvain »

4 Instantanés

6 Rentrée académique • L’UCL veut relever le défi de

la mondialisation de l’enseignement

• L’avenir de la société passe

par l’université

10 Recherche • Mémoire « d’en haut »,

souvenirs « d’en bas »

• Mentir, en toute honnêteté

12 Écho des labos

13 Chercheurs • Ces espèces qui nous envahissent

14 Culture • Maîtres de musique

• « L’Université m’a permis d’innover »

15 Livres

16 Thème • Le retour de la géopolitique

36 En débat • Les citoyens choisissent-ils

réellement ceux qui vont gouverner

leur commune ?

38 Itinéraire • La triple vie de François J.

39 Rendez-vous

octobre / novembre 2006 Louvain 165 • 3Louvain 165 • 3

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INSTANTANÉS

honoris causa,

en de L

:

L’esprit « Louvain »

ÉDITORIAL

Il y a quelques années, lors d’un mémorable doctorat le professeur Testard – je ne sais toujours pas si c’était par lapsus ou par chaleureuse provocation – s’est adressé à l’assemblée du 2 février remerciant « l’Université libre Louvain ». ’applaudissement qui a suivi l’éclat de rire en disait long quant à

l’enthousiasme de celles et ceux qui se reconnaissaient joyeuse-ment dans cette permutation alphabétique où le « c » de catholique devenait synonyme du « l » de liberté. L’esprit « Louvain » dit bien ce chemin escarpé d’une liberté tou-jours à conquérir, si proche de la vérité dont parle François Cheng dans ses « méditations sur la beauté »

« Le vrai toujours Est ce qui tremble Entre frayeur et appel Entre regard et silence. »

L’esprit « Louvain » espère, même un peu, se raconter « entre regard et silence », à travers une « revue » qui deviendra de plus en plus « magazine » puisque vous tenez entre les mains une publi-cation qui entend dire une vérité « qui tremble » dans les mots et les images d’une communication aussi vivante que possible. Trois mots suffiront à exprimer l’intention du nouveau « Louvain ». Présence. Car, plus que jamais, l’université veut rencontrer la société, expliquer ses choix, offrir son expertise, mais sa lecture aussi, son regard critique, son engagement. Écriture. Par les mots, par l’image, en redessinant son graphisme, en repensant ses rubriques, « Louvain » veut parcourir toute la gamme journalistique, de la « brève » au dossier le plus élaboré. Diversité. Et donc complémentarité puisque le «Louvain » 2006 célèbre les noces du papier et de l’électronique. À la revue, le recul, l’approfondissement. À la Louvain Newsletter, la souplesse, la proximité. Mais dans les deux cas, il s’agit de relier, de jeter des ponts entre générations, d’encourager une communauté universitaire colorée et multiple à marcher de plus en plus vers ce qu’un journaliste laïque appelait un jour le « lovanisme ». Un esprit « Louvain » qui, depuis 1425, avec des hauts et des bas, ne cesse de redire cette chose simple, ambitieuse, et toujours à reconquérir : notre identité, c’est notre ouverture. Pr Gabriel Ringlet, prorecteur à la Communication

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Il n’y a pas de fumée sans débat Un crochet de porte pour invi­ter à la discussion. Tabac ou pas ? Où fumer ? Quand ? Conçu dans le cadre d’une vaste campagne contre le tabagisme à l’université, ce crochet (ci-dessous) était suspendu, à la rentrée, aux 5 000 portes des logements étudiants de l’UCL. Pas d’in-terdiction mais de la préven­tion ; puisque vivre ensemble, cela se discute. L’opération était pilotée par le Service des logements et Univers santé, en collaboration avec le Service d’aide aux étudiants et l’Assemblée générale des étudiants de Louvain.

s’est dédoublé

Nous vous l’annoncions en

Louvain a changé. Outre une maquette entièrement revue – nous espérons qu’elle vous plaira – et l’apparition de nouvelles rubriques, un grand change­ment est intervenu dans la

nique est apparu aux côtés du Louvain imprimé. Baptisé Louvain Newsletter, ce nou­veau média vous informera chaque mois de manière dyna­mique et colorée de la vie de l’Université et de ses Alumni.

des rubriques que vous aviez l’habitude de trouver dans

prix et distinctions, les agen­das, les sortis de presse,…- et, plus généralement, toutes les informations de type événe­

voir (gratuitement) ce

suffit de vous rendre sur le

d’y compléter une fiche d’identification. Chaque mois, un mail vous informera de la parution du nouveau numéro. Rappelons que le Louvain

imprimé paraîtra, lui, tous les deux mois. Bonne

Votre Louvain

juin ; vous le découvrez aujourd’hui : votre

formule : un Louvain électro­

Vous y retrouverez certaines

votre revue « papier » - les

mentiel. Vous souhaitez rece­

Louvain électronique ? Il vous

site Web des Alumni de l’UCL (www.uclouvain.be/alumni) et

découverte !

D.R

.

4 • Louvain 165 octobre / novembre 2006

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Une belle

reconnaissance

de l'Europe

de qualité ECTS décerné par la Commission européenne. Depuis la création du label en 2004, seuls 20 établissements d’enseignement supérieur en

se l’effort de l’UCL pour se conformer aux exigences des normes ECTS, notamment dans l’utilisation des crédits1 , ainsi que dans la clarté et la précision des descriptifs de cours et de programmes, dis­ponibles en français et en anglais. Le label récompense

développée par l’UCL dans la gestion de la mobilité des étu­diants.

les fonts baptismaux Pôle de compétitivité créé dans le cadre du Plan Marshall, le Pôle Agro-indus-trie a été lancé le 11 sep­tembre à Louvain-la-Neuve. À l'instar des quatre autres pôles, son ambition est de renforcer la dynamique de

développant des projets inno­

(photo), responsable de l'Unité de biochimie de la nutrition de l’UCL, en occupe la vice-présidence, aux côtés du président en exercice de la Fédération de l’industrie ali­mentaire wallonne. Baptisé

2006 est une bien belle année pour l’IAG-Louvain School of

Management. Après avoir reçu le très envié label Equis en mai (lire Louvain n°164, juin 2006), l’IAG se hisse aux 2e et 15e

places du classement des écoles de gestion européennes établi par le . La 2e place a été conquise par

Il y a dix ans paraissait dans la revue Nature l'article annonçant le séquençage complet du génome de la levure. Un anniversaire que le père du séquençage, le Pr André Goffeau (photo ci-des-sus), de l'Institut des sciences

séquençage du génome de la levure nécessita la collabora­tion de 641 scientifiques répartis dans 96 laboratoires dans le monde. Il fut coor­donné par seize généticiens

le Master in European

Management proposée dans le cadre du réseau CEMS. La 15e

place récompense le program­me d’ingénieur de gestion en cinq ans proposé par l’IAG-Louvain School of

Management seul.

le pôle s’est fixé quatre axes de travail: aliments «santé», technologies innovantes de production ou de conserva­tion, bio-emballage et déve­loppement de filières d'indus-trie alimentaire durables. À côté des recherches, le pôle développera aussi des forma­tions destinées aux entre­

sous la supervision d'André Goffeau. À l'occasion de cet anniversaire, un colloque a réuni ces coordinateurs, venus raconter ce qu'ils ont fait durant leurs dix années

La levure reste à l’avant-garde

PUBLICS SERONT EN DROIT

Phrase prononcée par le recteur

Bernard Coulie dans son discours

d’ouverture de l’année académique,

(lire en pages 6, 7 et 8)

D.R

.

L’UCL a obtenu cet été le label

Europe se le sont vus décerner. L’octroi de ce label récompen­

aussi la démarche « qualité »

1. Valeur numérique exprimant

la charge totale de travail de

l'étudiant pour un cours.

Wagralim porté sur

croissance du secteur, en

vants. Le Pr Yvan Larondelle

Wagralim (www.wagralim.be),

Financial Times

de la Vie, a célébré début sep­tembre. Travail titanesque, le

> www.uclouvain.be/iag

L’IAG dans le « Top European Business Schools »

prises du secteur.

d' « après-séquençage ».

« CE DONT LES UNIVERSITÉS ONT

BESOIN TIENT EN TROIS MOTS :

VISION, AUTONOMIE, MOYENS.

EN RETOUR, CE QUE LES POUVOIRS

D’ATTENDRE DE LEURS

UNIVERSITÉS TIENT AUSSI EN

TROIS MOTS : QUALITÉ, ÉQUITÉ,

EFFICACITÉ. »

le 18 septembre dernier.

Louv

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Louv

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octobre / novembre 2006 Louvain 165 • 5

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L

octobre / novembre 2006

la mondialisation de l’enseignement

Dans le concert mondial des universités, quelle

recteur Bernard Coulie, cette place dépendra autant des choix de l’université que de ceux des pouvoirs publics dont elle dépend. C’est le sens du message qu’il a adressé lors de la rentrée académique.

Imag

ella

n

breux experts et plusieurs réseaux et associations d’universités, ce qui leur donne une vraie légitimité.

Que retenez-vous principalement de ces documents ? J’en retiens d’abord le fait que, de plus en plus, les uni-versités seront comparées entre elles. La Commission souhaite organiser les universités européennes en trois catégories : les institutions de réputation mondiale orientées vers la recherche - en Europe, seules Cambridge et Oxford peuvent actuellement prétendre à ce statut -, celles de niveau international mais à voca-tion avant tout nationale et régionale, et celles qui se consacreront prioritairement aux formations courtes. ’UCL, c’est clair, doit viser le premier « chapeau ». Les

rapports montrent également que les systèmes d’en-seignement supérieur européens souffrent tous des mêmes maux : fragmentation, sous-financement, manque d’autonomie, déficit de démocratisation dans l’accès à l’enseignement supérieur.

Le paysage des universités est-il à ce point fragmenté en Europe ?

Le problème vient surtout du fait que trop d’institutions en Europe prétendent être des universités de recherche.

Cette année, vous avez choisi d’ouvrir votre discours par un long développement consacré à l’espace européen de l’enseignement. Pour quelles raisons ?

L’Europe et le monde constituent le cadre général dans lequel l’UCL de demain va devoir se positionner. La glo-balisation place aujourd’hui toutes les universités sur le même pied. Elles constituent de la sorte un gigan-tesque marché mondial dont les « clients » ne sont plus des clients locaux mais des clients internationaux qui iront là où l’offre correspond le mieux à leurs attentes. Qu’on le veuille ou non, qu’on le regrette ou non, c’est un fait. C’est l’évolution du monde qui, aujour-d’hui, guide l’évolution des universités.

La Commission européenne a une analyse très sévère de l’état des universités du Vieux Continent…

Effectivement. Pour la Commission, au retard qu’accu-se depuis longtemps l’Europe sur l’Amérique s’est ajou-té, ces dernières années, un retard croissant vis-à-vis de l’Asie et de l’Australie. L’espace européen de l’ensei-gnement supérieur est en passe de n’être plus que le troisième dans le monde. J’ai évoqué dans mon dis-cours deux rapports récents de la Commission. Le pre-mier appelle à une transformation en profondeur des universités et de la recherche universitaire, le second souligne l’importance qu’il y a à stimuler, au cours des études, l’esprit d’entreprise. Ces rapports, il faut le relever, ont été élaborés en concertation avec de nom-

RENTRÉE ACADÉMIQUE

L’UCL VEUT RELEVER LE DÉFI DE

sera, demain, la place de l’UCL ? Pour le

6 • Louvain 165

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Jack

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elor

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Les universités constituent un gigantesque marché mondial dont les « clients » internatio-naux iront là où l’offre corres-pond le mieux à leurs attentes.

Nous nous battons donc toutes pour les mêmes fonds, ce qui aboutit à du saupoudrage. Or le saupoudrage ne favorise pas la qualité.

Que voulez-vous dire quand vous dites que les universités manquent d’autonomie ?

Tout simplement qu’elles sont trop contrôlées. Il est bien sûr normal que nous soyons contrôlés dans la mesure où nous utilisons des fonds publics. Mais ce contrôle s’effec-tue trop en amont de notre travail, au travers de règles de plus en plus contraignantes. Ce type de contrôle est paralysant et rend les universités très peu réactives aux besoins de la société. En outre, il impose à chaque insti-tution de faire la même chose alors que nous avons cha-cune nos spécificités. Enfin, nous sommes obligés de consacrer énormément de ressources au respect de ces règles, ressources qui sont ainsi détournées de nos mis-sions de base, l’enseignement et la recherche.

Le financement des universités européennes est souvent comparé à celui de leurs consœurs américaines. La situation est-elle si grave que cela ?

Je ne citerai qu’un chiffre : en Europe, les dépenses publiques par étudiant dans l’enseignement supérieur sont en moyenne la moitié de ce qu’elles sont aux États-Unis. Je parle bien des dépenses publiques. Il est clair que nous souffrons d’un sous-financement chronique par rapport à nos deux grands marchés concurrents que sont l’Amérique du Nord et l’Asie. En Communauté française, nous ne sommes pas les plus mal lotis d’Europe, mais du fait de l’envahissement de la bureau-cratie, les ressources qui nous sont allouées ne sont pas forcément bien utilisées.

Quant au côté « élitiste » de l’enseignement supérieur, vous relevez que, là encore, il est plus marqué en Europe qu’ailleurs.

Les chiffres sont éclairants : moins du quart de la population européenne adulte est passée par l’ensei-

gnement supérieur, alors que cette proportion dépasseles 36% aux États-Unis et au Japon. Or on connaît le prixdes études aux États-Unis. Ce résultat montre que lesystème d’accès gratuit aux études que nous connais-sons n’est pas la panacée. Nous devons réfléchir àd’autres types d’incitants.

Excès de bureaucratie, sous-financement, élitisme. Ces maux sont aussi ceux dont nous souffrons enCommunauté française. Dans votre discours, vous avezproposé des solutions concrètes pour y remédier.

Oui, car ce que nous voulons pour l’UCL, nous le voulonsaussi pour l’ensemble de la Communauté française, quidoit être une région de premier plan en matière d’en-seignement supérieur et de recherche scientifique.Parmi les propositions que j’ai faites, il y a notamment

entend lancer la réflexion autour d’une révision de la loi de financement des universités. • Augmentation de l’enveloppe globale attribuée aux universités. • Sur le modèle des universités du nord de l’Europe (notam-

ment flamandes), modification des critères de financement, qui combine une augmentation de la part fixe de chaque insti-tution universitaire par rapport à la part variable avec l’intro-duction d’autres critères que le seul nombre des étudiants (par exemple des critères liés à la performance en recherche).

• fonction de la situation sociale des étudiants (plutôt qu’une augmentation linéaire du minerval, qui n’aurait pour effet que de pénaliser davantage ceux qui ont déjà des difficultés à accéder à l’enseignement supérieur).

• Adoption de mesures fiscales facilitant des financements alternatifs.

Voici les quatre propositions par lesquelles le recteur Coulie

Variation du montant des droits d’inscription, par exemple en

Quatre propositions pour mieux financer les universités

octobre / novembre 2006 Louvain 165 • 7

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Abordée dans son discours par le recteur Coulie, la délicate question du déficit de démocra-tisation dans l’accès à l’ensei-gnement supérieur a été au centre de l’intervention du pré-sident de l’Assemblée générale des étudiants (AGL), Damien Delépine. Après avoir rappelé que le prédécesseur de Bernard Coulie, Marcel Crochet, en avait fait le sujet de son dis-cours de rentrée il y a quatre ans, le président de l’AGL a regretté que, depuis lors, aucun progrès n’ait été réalisé sur ce plan en Communauté française. « Pourtant », a-t-il affirmé avec force, « nous sentons, nous,

étudiants, que rien n’est

perdu. » Il a dès lors plaidé pour un renforcement de la visibilité de l’UCL dans son bas-sin démographique et pour une affectation plus harmonieuse des moyens entre les trois cycles des études universi-taires. Il s’est d’ailleurs attaché à souligner combien l’encadre-ment du 1er cycle était capital dans l’aménagement de l’égalité des chances entre des étudiants qui sortent d’écoles secondaires dont les niveaux sont parfois très différents. Il a assuré que l’AGL serait très attentive à ce que les réformes en cours dans le paysage universitaire ne se fassent pas au détriment du premier cycle.

Les discours insistant sur l’im-portance de la recherche se multiplient actuellement et le président du Corps scienti-fique (Corsci) s’en est réjoui dans son discours de rentrée.

le refinancement annoncé ne portera pas ses fruits sans une meilleure valorisation du doc-torat. « Une enquête a en effet

montré le scepticisme de

nombreux chercheurs quant à

la plus-value que leur appor-

tera le titre de docteur », a -t-il expliqué. La difficulté est double. D’une part, les places académiques deviennent de plus en plus rares. D’autre part, hors du monde acadé-mique, l’engagement universi-taire est souvent perçu comme le signe d’un manque d’esprit

d’entreprise. « de sens à inciter des jeunes

universitaires à se lancer

dans un doctorat, puis un

post-doctorat, si les compé-

tences acquises ne sont pas

exploitées ». C’est pourquoi le Corsci a estimé indispensable que l’UCL mette mieux en évi-dence les mérites de ses cher-cheurs en organisant, par exemple, une cérémonie solennelle des nouveaux doc-teurs. « Il est également essen-

tiel que le secteur public

reconnaisse ce titre dans ses

barèmes et les années d’expé-

riences professionnelles », a-t-il ajouté. Quant au monde poli-tique, il pense qu’il pourrait songer à des incitants encou-rageant les entreprises à enga-ger des docteurs.

Les étudiants mettent l’accent sur l’égalité des chances

Imag

ella

n

Imag

ella

n

(P.E.)

Mais, selon Laurent de Briey,

Or, il n’y a pas

(A.T.)

Docteur, un titre sans avenir ?

une révision de la loi de financement des universités (NDLR : voir encadré en page 7). Cette loi introduit en effet une concurrence excessive entre les universités, qui empêche de mener une politique de qualité. En outre, le financement au nombre d’étudiants n’encourage pas les universités à s’interroger en profondeur sur le potentiel d’insertion professionnelle de leurs diplômés. Enfin, les collaborations entre les universités doivent être plus ambitieuses et dépasser les clivages traditionnels.

Sur ce point, vous insistez sur la nécessité de dépasser les collaborations mises en place dans le cadre des Académies.

L’ Académie ‘Louvain‘1 est tout naturellement le pre-mier cercle de collaboration de l’UCL. Nous plaidons d’ailleurs pour une intégration plus grande des quatre institutions qui la composent. Pour autant, l’Académie n’est pas l’unique horizon de l’UCL en Communauté française. La mise en route du Plan Marshall, par exemple, a reposé sur une concertation de l’ensemble des universités dans laquelle l’UCL a joué un rôle essentiel. Des relations suivies, notamment en recherche, existent aussi avec les deux autres universi-tés complètes. Je suis convaincu que la poursuite des objectifs européens, avec la constitution de pôles d’ex-cellence, dépasse le cadre des Académies et requiert des ententes plus étroites avec les universités de Bruxelles et de Liège. Propos recueillis par Pierre Escoyez

1. Rappelons que l’Académie ‘Louvain’ regroupe, outre l’UCL, les Facultés

universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur), les Facultés universitaires

Saint-Louis (Bruxelles) et les Facultés universitaires catholiques de Mons.

(www.academielouvain.be)

> Les discours prononcés lors de la rentrée académique

sont disponibles sur le portail UCL, www.uclouvain.be, rubrique

« Institution », onglet « Événements ».

Qu’il s’agisse des droits de l’homme, du développement

de la démocratie ou de la solidarité Nord-Sud, l’univer-sité a l’obligation de rappeler

ce que sont ses valeurs.

8 • Louvain 165 octobre / novembre 2006

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L’AVENIR DE LA SOCIÉTÉ PASSE par l’universitéJean-Jacques Viseur, le président du Conseil d'administration, a lui aussi rappelé dans son discours de rentrée que la globalisation impose de revoir les moyens des universités à la hausse. Car, sans elles, la société elle-même sera condamnée à péricliter.

Q uelles exigences l’UCL est-elle en droit d’adresser aux pouvoirs politiques ? Le président du Conseil d’administration ne fait qu’effleurer le pouvoir com-

munal pour souligner que l’Université et la Ville entretien-nent un dialogue permanent qui n’exclut ni les habitants ni les étudiants. C’est un modèle basé sur la participation qui a été choisi, dans un contexte économique et social, il est vrai, assez exceptionnel. Bilan positif… et volontairement bref

Imag

ella

n

ouvrent un espace à la réflexion et à la tolérance. Ce qui se

passe là illustre bien le rôle fondamental des universités. »

octobre / novembre 2006 Louvain 165 • 9

alors que les élections communales n’ont pas encore eu lieu. Sans attendre, Jean-Jacques Viseur monte aux échelons supérieurs ; ceux qu’occupent la Région wallonne et la Communauté française. La première joue un rôle impor-tant en matière d’aménagement du territoire – la mobilité, le RER sont de ses compétences – et de recherche : le Plan Marshall en est un exemple éloquent. La seconde est évi-demment un interlocuteur clé en tant que pouvoir subsi-diant. « Traditionnellement », explique Jean-Jacques Viseur, « l’université était comme un poisson dans l’eau au

sein d’une société avant tout nationale. La quasi totalité des

élites était formée au sein des institutions universitaires et il

était normal que la société lui apporte son soutien. » La situa-tion a radicalement changé. « Aujourd’hui, l’université doit assumer une vocation interna-

tionale tout en jouant un rôle déterminant sur les plans régio-

nal et communautaire. » La conclusion est claire : les pou-voirs politiques doivent comprendre que la globalisation, tout comme la réforme de Bologne, imposent de revoir les moyens à la hausse. « Nous agissons sur un marché où les

concurrents ont des moyens beaucoup plus importants. Voyez

Oxford et Cambridge, deux exemples que je ne cesse de citer.

Avec les deux tiers de nos étudiants, elles disposent de budgets

cinq fois supérieurs. » Si l’université exige plus, elle doit aussi « garantir que chaque

euro utilisé le sera de manière optimale », ce qui ne pourra se faire que dans le cadre de l’Académie ‘Louvain’ mais aussi, souligne Jean-Jacques Viseur, entre Académies.

La « trahison des clercs » Les obligations ne sont pas que financières. « Dans le cou-

rant du 20 e siècle, ‘ la trahison des clercs ‘ est le grand

reproche qui fut adressé aux institutions universitaires. Or

celles-ci sont créatrices des valeurs morales qui sous-tendent

la société. Qu’il s’agisse de droits de l’homme, du développe-

ment et de la diffusion de la démocratie ou de solidarité nord-

sud, l’université doit être à la pointe de la société et a l’obliga-

tion de rappeler ce que sont ces valeurs. C’est d’autant plus

vrai qu’elle a la liberté de le faire. Avec l’Église catholique

aussi, le devoir est de mener un dialogue intelligent sur les

problèmes de société. » Si l’université n’est pas soutenue par les pouvoirs publics, insiste Jean-Jacques Viseur, non seulement elle ne pourra assurer sa survie, mais la société elle-même sera condam-née à péricliter. « En échange de moyens, nous avons des

devoirs très importants qui ne se limitent pas à la formation

des élites. La démocratisation est une nécessité, les principes

d’égalité et de justice doivent être appliqués. » Enfin, « la

grandeur d’une université ne se mesure pas seulement aux

Prix Nobel ou aux distinctions qu’elle décroche ; il faut que son

apport touche à la morale de la société qu’elle irrigue. » L’actualité récente est là pour appuyer l’argumentation du président du Conseil d’administration. « Quel est le rôle des

cinq universités catholiques au Liban ? Défendre la langue

française bien sûr, mais défendre aussi, en Orient, l’apport

des chrétiens dans un monde à majorité musulmane. Elles

Dominique Hoebeke Jack

y D

elor

me

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octobre / novembre 2006

L es meilleurs projets naissent souvent autour d’une

bonne table.

1

de

plines.

« On constate, par exemple, que les médias commémorent

de plus en plus d’événements Dès

le 2 septembre, on diffusait des émissions spéciales sur les

attentats terroristes du 11 septembre. Ce culte de l’anniver-

saire a pour effet de diluer l’impact de la commémoration, qui

perd en signification. Mais, d’un autre côté, elle gagne en

ce ressassement retient. Quels sont les souvenirs centraux

de plus en plus consensuels. On ne garde que le symbo-

lique… »

RECHERCHE

mémorer à tout crin la tragédie du Bois du Cazier, c’est

aussi célébrer un exemple d’intégration réussie de main

d’œuvre étrangère. Un message politique à l’égard de l’ex-

trême droite, en quelque sorte

Lorsqu’on écoute un récit, le fait qu’il se

termine en faveur du héros ou de l’anti-héros réorganise com-

plètement le souvenir que l’on a ensuite de cette histoire »,

» En l’occurrence, la table dont parle l’historienne Laurence van Ypersele (UCL) suppor-

tait deux cafés, qu’elle partageait avec Olivier Luminet, psychologue (UCL). C’était en 2001. Leur projet, désor-mais formalisé , est né dans le feu de la conversation. Lui s’intéressait aux « souvenirs flash », cet enregistre-ment exact de la scène d’annonce d’un événement col-lectif important (les vêtements portés, les gestes posés… à l’annonce de la mort de Lady Di). Elle se passionnait pour le retour en force des souvenirs de la Première guerre mondiale, dont la plupart des témoins ont pour-tant disparu. Tous deux connaissaient d’autres cher-cheurs — Olivier Klein et Laurent Licata, psychologues sociaux à l’ULB —, Valérie Rosoux, politologue à l’UCL… pour qui le mot « mémoire sociale » est sourcedécouvertes. Restait à jeter les ponts entre les disci-

Leurs recherches communes nourrissent d’importants débats d’actualité. Pendant ou au terme d’un conflit par exemple, comment revendiquer une identité de victime ? Comment légitimer des actions peu reluisantes ? En convoquant les souvenirs, mais lesquels ? Qui en sont les acteurs ? Par quelles voies se transmettent-ils la mémoire du passé ? Et quels effets cela produit-il sur le présent ?

», note Olivier Luminet. «

fonction rituelle. À l’analyse, il est intéressant de voir ce que

qui sont cristallisés ? Généralement, on constate qu’ils sont

MÉMOIRE « D’EN HAUT »,

souvenirs « d’en bas » Que faisiez-vous à la mort du roi Baudouin ? Au nom de quelle politique a-t-on érigé les monuments aux morts de 14-18 ? Pourquoi commémore-t-on les attentats du 11 septembre 2001 ? Ces questions, parmi d’autres, rassemblent depuis cinq ans des chercheurs aux spécialités diverses, mais à l’objet commun : la mémoire collective. Celle « d’en haut », institutionnelle. Et celle « d’en bas », vive dans les cœurs.

Où se cache le héros ? Il faut alors s’interroger sur le brandissement de ces symboles. « À deux mois des élections communales, com-

», analyse Laurence van Ypersele. Très attentive à la place de plus en plus importante octroyée aux victimes, l’équipe s’intéresse désormais à la dialectique héros-anti-héros. «

explique Olivier Klein. Qui voit là la preuve de la subjectivité inhérente à toute reconstruction du passé.

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.R.

Soha

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ablo

Aujourd’hui, célébrer la mémoire des victimes (et non plus des héros) n’est pas lié à la notion de sacrifice, mais à celle d’offense imprescrip-tible, de crime contre l’huma-nité, voire de génocide (comme ici au Rwanda, en 1994). Elle ne passe pas par des cérémonies autour de monuments officiels, mais bien par la proclamation des droits de l’Homme devant les médias et les tribunaux.

L’immédiate après-Première guerre (1918-1924) est domi-née par le culte des morts : funérailles du soldat inconnu, construction de monuments aux morts… Signes de la mémoire officielle, ces élé-ments servent à donner du sens à la guerre enfin terminée.

Or, pour qui travaille aux retrouvailles entre deux entités, la prise en compte de cette subjectivité — davantage que la recherche de la vérité historique — est essentielle. Il s’agit de comprendre que la reconnaissance de l’autre, pour les victimes comme pour leurs bourreaux, s’initie dans un travail de mémoire. Chacun communique sa version de l’histoire et tente d'entendre l’autre. Plus qu’un travail, plus qu’un « devoir », il s’agit d’un dialogue de mémoires. En ce sens, la remémoration peut aider à la réconciliation. Laurence Mundschau

1. Statut de « Groupe de contact FNRS » UCL-ULB-ULg sur la mémoire

collective depuis 2004. Pour information : [email protected].

octobre / novembre 2006

Mentir, en toute honnêteté

L ’annonce de la disparition de personnages de l’actuali-

François, le roi Baudouin, la princesse Diana, le cou­

mémoire de tout un chacun. Ces traces sont plus ou moins profondes selon l’intérêt que l’on porte au domaine concerné (la Formule 1, par exemple) et la fréquence avec laquelle l’on a suivi les médias qui relataient l’événement à l’époque. Il est toutefois un phénomène qui intéresse plus particulière­

lien ou le nom des sept premiers ministres de l’ancien prési­dent français, rien d’étonnant si dans le premier cas le sport automobile est votre sport favori et dans le second si la poli­tique constitue votre tasse de thé. Mais là où les choses deviennent plus insolites, c’est qu’aujourd’hui, des années après, vous vous rappeliez parfaitement qu’à l’annonce de leur disparition, vous portiez une chemise bleue à carreaux, que le givre avait fait sa première apparition de l’année sur la pelou­se, que c’est votre meilleur ami qui vous a informé de la nou­velle par téléphone, que votre femme est revenue à ce

pelez tous ces détails, mais en outre vous avez pleine confian­ce dans les réponses que vous donnez, alors que ma foi, vous

Luminet. À partir de la fin des années 1970, des chercheurs se sont donc penchés sur ces souvenirs contextuels, afin de déterminer les raisons pour lesquelles les circonstances personnelles liées à l’annonce d’un événement médiatique étaient à ce point détaillées et vivaces. Et ils ont appelé ces traces mémorielles

té (le président John Kennedy, le chanteur Claude

reur automobile Ayrton Senna, etc.) laisse des traces dans la

ment les psychologues : celui du souvenir contextuel. C’est-à-dire le « que faisiez-vous au moment où… ? » « Que vous vous rappeliez toutes les victoires du pilote brési­

moment-là à la maison et qu’elle vous a dit « Chéri, ce n’est pas vrai, dis-moi que je rêve ». Non seulement vous vous rap­

n’êtes plus tout à fait certain que c’est bien Ayrton qui a rem­porté le Grand Prix d’Australie en 1990 », écrit Olivier

« souvenirs flash », pour rendre compte, de façon imagée, de « l’illumination soudaine et très vive du moment où l’on apprend une nouvelle ». (suite à la page 12)

Louvain 165 • 11

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pensaient que le souvenir stocké dans la mémoire personnelle de chacun l’était de façon permanente, telle une photo. Ce n’est pas le cas. D’une part, parce que l’oubli frappe ces souve­nirs contextuels comme les autres. On note toutefois un travail de sape un peu plus lent. D’autre part, l’exactitude de ces sou­venirs n’est pas garantie. Certes, le sujet les convoque avec beaucoup de confiance. Mais des expériences montrent qu’il se

que je portais une chemise bleue à carreaux alors qu’en fait, il

donc, ment. Mais en toute honnêteté. C’est dans ce mentir vrai que se situe tout le sel de la recherche.

mode de fonctionnement de la mémoire. Lorsqu’elle restitue des événements publics, la mémoire mêle forcément l’émotion indi­viduelle ressentie à l’annonce de la nouvelle et la reconstruction de l’événement tel que ressassé par la société, notamment via ses médias. Étudier le souvenir flash aide donc à comprendre l’entremêlement de ces deux récits, personnel et social. (L.M.)

« Chacun est allé à l’école pri­

maire de l’autre », se souvient

Pendant trois ans, lectures, questions-réponses, sémi­naires d’école doctorale, … se

notamment un excellent sou­venir de ces séances où la politologue, par exemple, devait présenter au reste de l’équipe un texte écrit par le psycho-sociologue. « Il fallait

se laisser dépayser de ses

se souvient

alors vraiment dans la pers­

pective de l’autre, et

on en sortait plus riche soi-

même.

chologue sait que la mémoire des 15-25 ans est très vive. Désormais, l’historienne est très attentive à l’âge des témoins dont elle analyse les récits… (L.M.)

Suite aux attentats du 11

D.R

.

L’analogie avec la photo s’arrête là. En effet, les psychologues

trompe… « Un an après les faits, je peux croire dur comme fer

s’agissait d’un T-shirt vert », note Olivier Luminet. Le témoin,

L’analyste y puise en effet des éléments d’explication sur le

Retour à l’école primaire

Laurence van Ypersele.

sont succédé. Tous gardent

propres repères »,

Valérie Rosoux. « On entrait

» Exemple ? Le psy­

septembre 2001, beaucoup continuent de se souvenir de l'activité qu'ils prati-quaient lorsqu'ils ont appris la nouvelle.

ÉCHOS DES LABOSMême la forêt se gère en ligneLorsque l'on sait que 13 % du territoire wallon a le statut ‘Natura 2000’, on comprend toute l’utilité du site Web qu’a lancé l’Unité des eaux et forêts de l’UCL. Les cher­cheurs « forestiers » ont mis au point, avec l’aide d’une société informatique et de la Région wallonne, un outil car­tographique interactif qui per­met en quelques clics de loca­liser les zones protégées du patrimoine wallon. La région wallonne était dans l’obliga-

tion de fournir à l’Europe de l’information sur ces sites. L’outil va au-delà : il intègre des données de repérage comme les limites commu­nales, les cours d’eaux ou les arbres remarquables. Des paramètres que les forestiers doivent prendre en compte pour gérer une forêt qui se veut, de plus en plus, multi­fonctionnelle.

> www.efor.ucl.ac.be

L’UCL, première université belge dans le « W3C »L’UCL est la première univer­sité belge, aux côtés de pres­tigieux partenaires comme le Massachusetts Institute of

Technology ou les sociétés IBM et Nokia, à devenir membre officiel du W3C. Le W3C n’est ni la première moi­tié d’une plaque de voiture, ni un nom de code, mais l’ins-tance suprême qui régit Internet, le World Wide Web

Consortium. C’est en répon­dant à un appel à projets que le réseau d’excellence Similar,

jet, mis au point pour ce réseau par le Pr Jean Vanderdonckt (photo à droite) de l’Unité des systèmes d'in-formation (ISYS), est de taille : il s’agit de standardiser l’ensemble des interfaces Internet, c’est-à-dire d’établir des normes d’accès standards à l’Internet à partir de diffé­rents appareils (ordinateur personnel, de poche,…).

> www.isys.ucl.ac.be

> www.tele.ucl.ac.be

que dirige le Pr Benoît Macq (photo à gauche), a été retenu par le W3C et que l’UCL est devenue membre du consortium. L’impact du pro-

Les avions polluent, la nature déguste

Louv

ain

Analyser l'impact de l'aviation sur le climat en vue de mener à des décisions pour réduire l'émission de CO2, c'est l'ob-jectif du projet « ABC Impacts ». En Belgique, le sec­teur aérien est en pleine crois­sance et ce trafic s’avère très pollueur. Or ces émissions de CO2 ne sont actuellement pas visées par le Processus de Kyoto. Depuis janvier 2006, Jean-Pascal Van Ypersele et Ben Matthews, de l'Institut d'astronomie et de géophy­sique (ASTR), participent à

une étude interuniversitaire (avec des équipes de l'ULB et de la VUB) sur le sujet. Financée par la Politique scientifique, ce projet vise à mettre en relation les études sur les émissions de CO2, les modèles climatiques et le développement du secteur aérien afin de mesurer l'im-pact de l'aviation sur l'environ-nement.

> www.astr.ucl.ac.be

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CHERCHEURS

CES ESPÈCES QUI nous envahissent

Qu’ont en commun la Berce du Caucase, la coccinelle et la balsamine asiatiques ? Toutes sont des espèces envahissantes. Venues d’ailleurs, elles colonisent nos jardins et forêts, menaçant l’équilibre de nos écosystèmes. Heureusement, quelques chercheurs veillent au grain. Dont Marie Pairon, qui s’intéresse à un étonnant cerisier.

Bioingénieur, Marie Pairon est aspirante du FNRS à l'Unité

d'écologie et de biogéographie à l’UCL. Elle a notamment col-

laboré à la plate-forme www.biodiversity.be, qui

regroupe une série d'informa-tions sur la biodiversité et les recherches menées à ce sujet

Louv

ain

en Belgique.

de l’écologie de l’espèce et la génétique. Par exemple,après avoir récolté des échantillons de graines dans laForêt de Meerdael, j'en ai analysé les génotypes. Cesanalyses me permettent de retrouver la filiation desarbres et d’évaluer la distance de dispersion entrel'arbre parent et ses descendants. De cette étude, onpourra peut-être tirer des conclusions pratiques surl'intérêt de créer des zones tampons entre les espacesoù sont présents ces Prunus et les zones non encoreenvahies.

Ces invasions sont-elles évitables ? Oui et non. On touche à des questions fondamentales :Où est la limite de ce qui est naturel ? Si l'homme ramè-ne de nouvelles espèces et qu'il les introduit dans sonmilieu, peut-on considérer que c'est un acte naturel ?De manière plus prosaïque, comment peut-on éviterdes transports, même ‘clandestins’, par porte-contai-neurs impossibles à contrôler à l’échelle d’une cocci-nelle ou d’une spore de champignon ?

Dans le pire des scénarios, une espèce pourrait-elle supplanter toutes les autres ?

Non, je ne crois pas. Une espèce ne pourrait pas domi-ner toutes les niches écologiques. Cependant, les‘envahissantes’ sont la seconde cause de disparitiond’espèces à l’échelle mondiale. Elles sont donc uneréelle menace pour la biodiversité, particulièrementdes îles, qui possèdent justement une grande diversitédue à leur isolement… Julie Claus / Alice Thelen

octobre / novembre 2006

Les végétaux et les animaux de provenance étrangère sont nombreux à franchir nos frontières. À partir de quand peut-on dire qu’ils sont « envahissants » ?

Toutes les espèces introduites par l’homme, accidentel-lement ou intentionnellement, ne sont évidemment pas envahissantes. Elles le deviennent lorsqu’elles prolifè-rent naturellement hors de leur aire d’origine. La cocci-nelle asiatique, par exemple, a été introduite chez nous en 1997, pour la lutte « biologique » contre les puce-rons. Elle s’est répandue à une vitesse extraordinaire et est extrêmement vorace, ce qui lui confère un grand avantage par rapport à nos coccinelles. Ce qui pose pas mal de problèmes… Mais, il peut s’écouler plusieurs dizaines d’années avant que des espèces ne deviennent envahissantes. Le cerisier sur lequel je travaille, Prunus serotina ou cerisier tardif, a été introduit par les forestiers à la fin du 19e siècle. Aujourd’hui, il colonise des régions entières.

En quoi ces espèces sont-elles néfastes ? Les problèmes que ces espèces posent peuvent se classer en trois types. Le premier — c’est le cas de la coccinelle — est d'ordre écologique : elles peuvent menacer la faune et la flore indigènes. Le second est sociologique. Un exemple cocasse : les perruches. Une cinquantaine ont été relâchées dans les années 1970 à Bruxelles. Aujourd’hui, on en recense 800 couples qui ont une réelle nuisance en raison de leurs cris et de leurs déjections. Enfin, le troisième problème est éco-nomique : la gestion de ces espèces a un coût. Le ceri-sier tardif est, par exemple, extrêmement difficile à éli-miner en raison de la vitalité de ses rejets : il faut par-fois le recouper jusqu'à cinq fois pour le supprimer, ou utiliser des produits chimiques polluants.

Difficile d’en venir à bout. Peut-on vraiment contrôler l’expansion d’une espèce ?

Et bien… c’est ce à quoi je m’attèle. Mon projet est d'étudier les caractéristiques de Prunus serotina et, sur-tout, son mode de dispersion dans le paysage (par les graines et le pollen). Pour cela, je me base sur l'étude

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L’un, Fabrizio Cassol (sur la photo avec le groupe Aka Moon) est improvisateur. L’autre, Bernard Foccroulle, est musicien classique.

MAÎTRES de musiqueDéveloppé à l’UCL, le concept d’artiste en résidence est unique dans une université. Cette année, le dialogue se noue avec deux musiciens, Bernard Foccroulle et Fabrizio Cassol, sur le thème de l’interculturalité.

CULTURE

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ranç

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D.R

.

A près le cinéma et le théâtre, la musique. Depuis la rentrée, Bernard Foccroulle, directeur de la Monnaie, et Fabrizio Cassol, leader du groupe de

jazz Aka Moon, ont pris la suite de Pietro Pizzuti et des frères Dardenne comme artistes en résidence à l’UCL. Des artistes à l’université ? Le concept est tout à fait ori-ginal en Belgique et en Europe. « Dans un monde où le

maître-mot est l’efficacité immédiate, et où la manière par

excellence est la compétitivité sanglante, par l’imaginaire,

l’artiste vient poser à la société des questions sur le sens de

son avancée », explique Gabriel Ringlet, prorecteur aux Affaires culturelles. « Si on considère que les artistes ont

une question originale à poser à la société, alors ils ont

aussi leur place chez nous. »

Convergences Toutes les disciplines sont les bienvenues : suivant le principe des mineures, la centaine d’étudiants qui parti-cipe au séminaire des deux musiciens vient de toutes les facultés. Les étudiants complètent leur cursus principal, appelé « majeure », par une « mineure » (dans ce cas, en « culture et création »). Ainsi, un étudiant en ingénieur peut suivre des cours d’art, un psychologue, des cours de droit, etc. C’est un des aspects de la résidence qui inté-resse le plus Bernard Foccroulle. À ses yeux, l’art et la

octobre / novembre 2006

culture ont un rôle essentiel à jouer dans toutes les facul-tés. Et Gabriel Ringlet d’ajouter : « L’artiste invite toutes les disciplines universitaires à aller jusqu’au bout de leurs propres interrogations – et vice versa. » Après la longue résidence de Pierre Bartholomée en 2000, l’UCL a fait de cette expérience un cycle annuel, financé par la Chaire « Artiste en résidence ». En 2007-2008, Catherine Keun, une plasticienne qui représente le corps sous toutes ses formes (souffrant, mourant, aimant,…), travaillera en étroite collaboration avec la Faculté de médecine. Histoire de confronter l’image du corps que se fait l’artiste avec celle des futurs médecins. « Après cela, les étudiants de médecine n’auront plus le

même regard sur leur cours », assure le prorecteur.

Cultures mêlées Ce brassage des disciplines se double d’un mélange des cultures. Le duo d’artistes a en effet choisi de faire de l'interculturalité le fil conducteur de cette résidence, avec la musique de Monteverdi comme point de départ. « Monteverdi a de nombreux atouts pour ouvrir des chemins

vers d’autres traditions », explique Fabrizio Cassol. « Il est

parvenu à réaliser une synthèse entre la musique de la

Renaissance et celle de la période Baroque. » Avec son groupe, Aka Moon (du nom des pygmées « Aka »

14 • Louvain 165

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« L’université m’a permis d’innover »

En juin dernier, le comédien Pietro Pizzuti achevait sa rési­dence d’artiste à l’UCL. Animateur d’un séminaire sur l’équité, il dresse un bilan positif de cette expérience : « La résidence d’artiste fournit une nourriture intellectuelle et morale de premier plan. Non seulement, c’est une expérien­ce humaine pleine de contrastes, fruit de la ren­contre des couleurs de l’artis-te et du monde universitaire, mais elle aménage aussi un espace de liberté propice à la découverte et à la recherche. La confiance que l’université m’a accordée m’a permis d’in-nover. Pour l’artiste, c’est une expérience vraiment fondatri­ce. Depuis que l’université existe, la rencontre entre l’in-vention et la recherche, notamment sur le plan artis­tique, a toujours eu lieu. Les écoles d’art sont liées à l’uni-

Jack

y D

elor

me

versité. L’art est par excellen­ce une expérience qui se com­munique et l’université donne ses lettres de noblesse à cette transmission du savoir, par la légitimité de son enseigne­ment. C’est un avenir extraor­dinaire pour l’art d’y entrer comme une discipline à part entière. Les conservatoires sont maintenant devenus des institutions de niveau univer­sitaire. Peut-être l’université sera-t-elle un jour une structu­re unique réunissant les branches les plus diverses dont l’art. » �

d’Afrique centrale), Fabrizio Cassol multiplie d’ailleurs lui aussi les expériences musicales en organisant des ren-contres de musiciens de traditions différentes. Bernard Foccroulle, qui, à la Monnaie et ailleurs, tente de sensibiliser un public large à l’opéra, pense quant à lui que l’interculturalité est le défi de notre époque sur le plan culturel. « Les cultures, marquées par la marchandi-

sation, ont aujourd’hui tendance à devenir planétaires et

contribuent dans certains cas à effacer ou à détruire d’an-

ciennes pratiques culturelles et musicales. J’ai le sentiment

que les artistes sont en avance sur l’évolution de notre

monde globalisé... » Pour modèle, il cite l’orchestre Barenboïm, mêlant musiciens juifs et arabes. Il se réjouit de cette résidence à deux voix qui enrichira d’au-tant plus le dialogue avec les étudiants. Porteurs d’un « cours » évalué comme tous les autres, les deux professeurs seront encadrés par Brigitte Van Wymeersch, responsable de l’Unité de musicologie. Le séminaire se combine, pour ceux qui le veulent, à la par-ticipation à un concert-spectacle, dont la forme encore mystérieuse (musicale, parlée, chantée,…) dépendra des échanges entre les artistes et les étudiants. Alice Thelen

Le programme complet de la résidence :

www.uclouvain.be/30905

Rien que des légumes

Les légumes nous inspirent toujours, même si les expres­sions étaient plus nom­breuses dans les diction­naires anciens. Au Département d’études romanes de l’UCL, Julie Amerlynck a retracé l’évolu-tion de leur sens et de leur forme, sous la houlette du Pr Jean Klein. Si, aujourd’hui, certains ont perdu de leur importance (le pois, la carot­te), d’autres demeurent très utilisés (le chou, l'oignon). L'argot s’est d’ailleurs servi de leur connotation érotique pour créer des expressions très drôles et très indécentes (tremper son poireau, avoir le haricot à la portière). Nous n’en dirons pas plus mais le livre regorge de locutions plus ou moins épicées qui rendent cette recherche scientifique dans le domaine du figement lexicale tout à fait originale.

Phraséologie

potagère.

Les noms de légumes dans

les expressions française

contemporaines,

€.

octobre / novembre 2006 Louvain 165 • 15

noms, les dates, les heures, les extraits de PV de réunions et une foule de détails qui décri­vent la naissance de Louvain-la-Neuve de 1962 à 1971.

fut un des pères de la ville, a gratté toutes les archives et recueilli nombre de témoi­gnages. Il a vécu de très près cette aventure où s'entremê-lent la gouvernance de l'univer-sité déchirée et les soubresauts de la conception du projet de ville universitaire. Cette chro­nique intéressera tous ceux qui

curieux de Louvain-la-Neuve; elle accrochera aussi les archi­tectes et les urbanistes qui y trouveront matière à réflexion.

Naissance de Louvain-la-Neuve.

Chronique d'une aventure entre-

preneuriale. 1962 - 1971,

PUL, 25 €.

LIVRES Louvain a sélectionné pour vous trois ouvrages parus ces derniers mois sous la plume d’auteurs

complète des ouvrages rédigés par des auteurs UCL est disponible sur le portail de l’université

à la rubrique

Les idoles d’aujourd’hui

dicton semble sonner plus faux aujourd'hui, à en juger par les passions que les images ne ces­sent de déchaîner… Comment une caricature peut-elle déclen­cher un soulèvement interna­

même temps, détruire des

Ralph Dekoninck interroge, dans le récent essai qu’il publie

tradition occidentale à l’image. Il convoque pour cela quelques grands mythes ou fictions litté­raires (Cervantès, La Fontaine, Rousseau,…) qui, aujourd’hui, continuent de nous parler de nos craintes comme de nos engouements à l’égard des puissances de l’image.

Fou comme une image.

Puissance et impuissance de nos

idoles

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rubrique

Avoir la patate, faire le poi­reau, courir sur le haricot, …

> Julie

Amerlynck.

Éditions Peeters, 23

Sacrée brique ! Tout est dans ce livre : les

L’auteur, Jean-Marie Lechat, qui

vivent, travaillent ou sont

> Jean-Marie Lechat.

de l’UCL. Une recension

(www.uclouvain.be)

« Répertoires ».

Sage comme une image : le

tional ? Comment peut-on, en

images et en adorer d'autres ?

chez Labor, le rapport de notre

> Ralph Dekoninck.

, Labor, Quartier Libre,

Retrouvez la

« Sorti de

presse » dans le

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