2
Douleurs, 2005, 6, 3 173 DROIT ET DOULEUR Accès aux informations médicales Nathalie Lelièvre L’information médicale comme il a été rappelé au moins dans deux arti- cles consacrés sur le sujet (« Prise en charge de la douleur et devoir d’information du médecin » Dou- leurs, 2003, 4,4 ; et « La continuité du devoir d’information » Douleurs, 2003, 4, 5 N. Lelièvre) est le fonde- ment même d’un consentement libre et éclairé aux soins. L’information fait partie intégrante de la relation de soins. La possibilité pour une personne d’accéder directement à son dossier médical ne fait que compléter l’obligation du devoir d’information qui incombe à tout professionnel de santé. L’accès aux données médicales est la continuité du devoir d’information. En février 2004, l’ANAES a publié des recommandations « Accès aux informations concer- nant la santé d’une personne ; Modalités pratiques et accompagnement » Comme le rappelle l’ANAES, il faut alors concilier le respect du secret professionnel et le droit d’accès aux données médicales pour le patient. D’où toute l’importance d’une gestion rigoureuse du dos- sier de soins. Le dossier ne doit pas être perçu comme un « ennemi » mais bien au contraire comme un allié. En effet, il permet, d’une part, d’assurer la continuité des soins envers l’ensemble des intervenants auprès du patient ; d’autre part, lors d’un contentieux il permet de retracer la chronologie des soins, l’organisation et de prouver si les soins ont bien été réalisés dans les règles de l’art. LE DOSSIER : UN ÉLÉMENT DE QUALITÉ DES SOINS L’ANAES rappelle et insiste sur cette notion : « Le dossier offre les meilleures conditions pour le recueil et la conser- vation des informations détenues par les professionnels de santé, les établissements de santé et les hébergeurs ». Lorsque le dossier est structuré, exploitable et lisible, en particulier, lorsqu’il contient des synthèses régu- lières, la compréhension des données en est facilitée. Les informations utiles à la continuité des soins sont remises au patient en fin de séjour ou s’il le demande envoyé au médecin traitant. Dans un souci de traçabilité, l’ANAES recommande qu’il soit rédigé un bordereau où il soit mentionné les documents com- muniqués au patient. Ce bordereau est ensuite classé dans le dossier du patient. Ce bordereau permet de savoir voir de prouver si besoin les éléments communiqués au patient. L’ANAES recommande de faire apparaître clairement dans le dossier une mention concernant les choix de la personne pour l’accès aux informations de santé et leur transmission, mention qui doit impérativement être actualisée et véri- fiée de manière régulière : refus du patient d’une transmission d’information concernant sa santé (au médecin traitant par exemple), refus éventuel que des proches soient informés ; de l’identification de la personne de confiance qui sera informée et consultée au cas où la personne serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin ; du refus de communiquer certaines informations aux ayants droits en cas de décès ; du refus du mineur de communiquer des informations concernant sa santé aux titulaires de l’autorité parentale. Le dialogue avec le patient permet non seulement de l’infor- mer de ses droits mais également pour le professionnel de mieux connaître son patient et de renforcer cette relation de confiance fondement même de la relation de soin et ainsi de déterminer les informations qui sont communicables de celles qui ne le sont pas. COMMENT INFORMER DES MODES D’ACCÈS AU DOSSIER ? L’ANAES recommande qu’il soit disponible facilement une documentation informant le patient sur les aspects prati- ques et réglementaire de l’accès au dossier médical soit par le livret d’accueil, affiche dans la salle d’attente etc. Le support choisi doit informer la personne : de ses droits ; de la composition du dossier ; des modalités possibles d’accès direct aux informations de santé (consultation sur place, envoi de copies par la poste au patient ou à son médecin traitant) ; Juriste spécialisée en droit de la santé, Juriste Ordre des Avocats de Lyon, AEU droit médical, DESS droit de la santé, Certificat d’aptitude à la Profession d’Avocat, Membre de la commission « Ethique et Douleur », Espace Ethique Méditerranéen.

Accès aux informations médicales

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Accès aux informations médicales

Douleurs, 2005, 6, 3

173

D R O I T E T D O U L E U R

Accès aux informations médicales

Nathalie Lelièvre

L’information médicale comme il aété rappelé au moins dans deux arti-cles consacrés sur le sujet («

Priseen charge de la douleur et devoird’information du médecin

» Dou-leurs, 2003, 4,4 ; et «

La continuitédu devoir d’information

» Douleurs,2003, 4, 5 N. Lelièvre) est le fonde-ment même d’un consentement libre

et éclairé aux soins. L’information fait partie intégrante dela relation de soins. La possibilité pour une personned’accéder directement à son dossier médical ne fait quecompléter l’obligation du devoir d’information qui incombeà tout professionnel de santé.L’accès aux données médicales est la continuité dudevoir d’information. En février 2004, l’ANAES a publiédes recommandations « Accès aux informations concer-nant la santé d’une personne ; Modalités pratiques etaccompagnement »Comme le rappelle l’ANAES, il faut alors concilier le respectdu secret professionnel et le droit d’accès aux donnéesmédicales pour le patient.D’où toute l’importance d’une gestion rigoureuse du dos-sier de soins. Le dossier ne doit pas être perçu comme un« ennemi » mais bien au contraire comme un allié. En effet,il permet, d’une part, d’assurer la continuité des soinsenvers l’ensemble des intervenants auprès du patient ;d’autre part, lors d’un contentieux il permet de retracer lachronologie des soins, l’organisation et de prouver si lessoins ont bien été réalisés dans les règles de l’art.

LE DOSSIER : UN ÉLÉMENT DE QUALITÉ DES SOINS

L’ANAES rappelle et insiste sur cette notion : «

Le dossieroffre les meilleures conditions pour le recueil et la conser-vation des informations détenues par les professionnelsde santé, les établissements de santé et les hébergeurs »

.

Lorsque le dossier est structuré, exploitable et lisible,en particulier, lorsqu’il contient des synthèses régu-lières, la compréhension des données en est facilitée.

Les informations utiles à la continuité des soins sont remisesau patient en fin de séjour ou s’il le demande envoyé aumédecin traitant.

Dans un souci de traçabilité, l’ANAES recommande qu’il soitrédigé un bordereau où il soit mentionné les documents com-muniqués au patient. Ce bordereau est ensuite classé dans ledossier du patient. Ce bordereau permet de savoir voir deprouver si besoin les éléments communiqués au patient.

L’ANAES recommande de faire apparaître clairement dansle dossier une mention concernant les choix de la personnepour l’accès aux informations de santé et leur transmission,mention qui doit impérativement

être actualisée et véri-fiée de manière régulière

:

refus du patient d’une transmission d’informationconcernant sa santé (au médecin traitant par exemple),

refus éventuel que des proches soient informés ;

de l’identification de la personne de confiance qui serainformée et consultée au cas où la personne serait horsd’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’informationnécessaire à cette fin ;

du refus de communiquer certaines informations auxayants droits en cas de décès ;

du refus du mineur de communiquer des informationsconcernant sa santé aux titulaires de l’autorité parentale.

Le dialogue avec le patient permet non seulement de l’infor-mer de ses droits mais également pour le professionnel demieux connaître son patient et de renforcer cette relationde confiance fondement même de la relation de soin et ainside déterminer les informations qui sont communicables decelles qui ne le sont pas.

COMMENT INFORMER DES MODES D’ACCÈS AU DOSSIER ?

L’ANAES recommande qu’il soit disponible facilement unedocumentation informant le patient sur les aspects prati-ques et réglementaire de l’accès au dossier médical soit parle livret d’accueil, affiche dans la salle d’attente etc.

Le support choisi doit informer la personne :

de ses droits ;

de la composition du dossier ;

des modalités possibles d’accès direct aux informationsde santé (consultation sur place, envoi de copies par laposte au patient ou à son médecin traitant) ;

Juriste spécialisée en droit de la santé, Juriste Ordre des Avocatsde Lyon, AEU droit médical, DESS droit de la santé, Certificatd’aptitude à la Profession d’Avocat, Membre de la commission« Ethique et Douleur », Espace Ethique Méditerranéen.

Page 2: Accès aux informations médicales

Douleurs, 2005, 6, 3

174

des mesures adoptées par défaut dans le cas où la per-sonne ne précise pas à l’établissement ou au profession-nel de santé le mode de communication qu’elle retient ;

du dispositif d’accompagnement médical mis en placeet proposé à la personne ;

des délais légaux de communication

des frais de demande de copies des documents et d’envoi.

Il est important que chaque établissement rédige cesdocuments pour éviter que les professionnels rappellentsans cesse les modalités d’accès au dossier médical.La profusion des textes juridiques et tout particulièrement laloi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades à fait évo-luer la relation patient médecin. Le pilier de cette relation esten principe la confiance cependant, les soignants ont plus ten-dance à raisonner en terme de risque judiciaire. «

Cet élémentde méfiance grandissante est d’autant plus fâcheux qu’il senourrit souvent d’une confusion entre ce qui peut paraîtrecomme une simple demande légitime de renseignementscomplémentaires, parfois une réclamation, et la mise enroute d’un procès pénal qui reste rare

» (Avis n

°

84 du CCNE

« Sur la formation à l’éthique médicale »

)

(annexe 1)

.

RÉFÉRENCES

1.

ANAES. Accès aux informations concernant la santé d’une personne.Modalités pratiques et accompagnement. Février 2004.

2.

CCNE. Avis n

°

84 du « Sur la formation à l’éthique médicale ».

3.

Lelièvre N. Prise en charge de la douleur et devoir d’information du méde-cin. Douleurs 2003 ; 4: n

°

4.

4.

Lelièvre N. La continuité du devoir d’information. Douleurs 2003 ; 4 : n

°

5

Résumé

L’information du patient est une obligation juridique dont les mo-dalités sont définies dans le code de santé publique. L’information

répond aux conditions légales si elle est « claire, loyale et adaptéeaux capacités de la personne » pour que le patient donne unconsentement libre et éclaire aux soins. Mais n’oublions pas si lepatient se plaint d’un défaut d’information il appartient au profes-sionnel de santé de rapporter la preuve qu’il a correctement infor-mé son patient et que le patient a compris cette information.

Pourcela un seul remède : une gestion rigoureuse du dossier desoins afin que la transmission du dossier au patient soit laplus aisée et compréhensible pour ce dernier.Mots-clés :

accès direct, dossier de soins, information, communi-cation du dossier.

Summary: Access to medical information

Delivery of information to the patient is a legal obligation definedin the French public health code. The information given to patientsmust be “clear, loyal and adapted to the patient’s capacities” in or-der to allow the patient to give freely his/her informed consent tocare. If a patient complains of not receiving information, the car-egiver must provide proof that adequate information was deliv-ered and that the patient understood the information provided.Faced with this situation, there is only one remedy: rigorous man-agement of the healthcare file to facilitate transmission of readilyunderstandable information to the patient.

Key-words:

direct access, medical files, information, communi-cation of medical files.

Tirés à part : N. LELIÈVRE.e-mail : [email protected]

Annexe 1Brève juridique.

Le décret de compétence du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier a été abrogé etremplacé par le décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004.

Pour les infirmiers peu de changement dans leur mission de prise en charge de la douleur :

– Compétence d’évaluation de la douleur dans le cadre de son rôle propre (ne pas oublier de mentionner dans le dossier de soins infir-miers les résultats de cette évaluation et les suites données à cette évaluation : maintien ou changement de traitement). En l’occurrence, lenouveau décret n’apporte pas de modification, le précédent décret décrivait cette mission d’évaluation dans le cadre de son rôle propre ;– Il en est de même de l’intervention de l’infirmier sur prescription médicale à une nuance prés il est rappelé que hors l’urgence laprescription doit être écrite, datée et signée. L’intervention de l’infirmier en application de protocole préétabli, daté et signé parun médecin est reprise.– Enfin, la dernière modification est l’intervention de l’infirmier sur des cathéters périduraux, intra-thécaux ou placé à proximité d’untronc ou plexus nerveux. A la différence du décret de février, l’infirmier est habilité à retirer ces cathéters. Tel n’était pas le casprécédemment puisqu’il était juste fait référence à la notion d’injection.

Décret du 2 mars 2005 relatif à la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge :

Cette commission doit être mise en place dans tous les établissements de santé public ou privé. Cette commission veille au respect desdroits des usagers et facilite leurs démarches. Elle est informée des plaintes déposées auprès des établissements et des réponses apportéespar les responsables d’établissement. Elle émet des avis et proposition pour l’amélioration de l’accueil et de prise en charge des patients.