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    Le Droit leauEmergence, dfinition, situation actuelle et position des acteurs

    Julie AUBRIOTCharge de Recherche Oprationnelle, Dpartement Technique, Service EAH, ACF-France

    08/2007 Version Finale

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    RESUME

    Leau, question multidimensionnelle et complexe, est en proie toutes les attentions depuis unetrentaine dannes, et principalement depuis le lancement de la Dcennie Internationale delAssainissement et de lEau Potable (DIEPA, 1980/1990). Lurgence humanitaire est aujourdhui

    reconnue par tous, particulirement dans les pays les plus vulnrables. En effet, selon les expertsenviron 460 millions de personnes (soit 8% des habitants de la plante) manquent deau 1 , et les deuxtiers de lhumanit risquent de souffrir dun manque deau modr grave avant 2025.

    Face ce dfi global, on voit merger depuis quelques annes la notion de droit leau quidfend clairement une approche anthropocentrique axe sur la satisfaction des besoins vitaux. Cesten 20022 que ce droit prend une vritable ampleur avec ladoption par le Conseil des DroitsEconomiques, Sociaux et Culturels de l'Observation Gnrale n15. Celle-ci reconnat pour lapremire fois le droit leau comme lun des droits de l'homme fondamentaux. De fait, les 145 paysqui ont ratifi le PIDESC (1966)3 sont dsormais tenus de sassurer que l'ensemble de la population aaccs un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et un cot abordable, dune eausalubre et de qualit acceptable pour les usages personnels et domestiques4. Ce texte, qui dfinitun corpus dobligations pour les Etats en rapport avec le droit leau, a eu un rle structurant majeur

    dans lmergence du concept, qui a aujourdhui une reconnaissance claire sur la scne internationale.

    Ladoption des Objectifs du Millnaire (2000), engagement politique commun de 189 Nations, nestpas trangre lmergence de ce dbat sur le droit leau, replaant ainsi leau au centre desproccupations politiques mondiales leau ayant t massivement dpolitis dans les annes 1990avec lapparition dune doctrine favorisant sa gestion dlgue par le secteur priv.

    Depuis, cette question est prsente dans tous les forums internationaux : confrences au sommet,rassemblements militants, etc. Ainsi, un large spectre dacteurs se mobilise en faveur de lareconnaissance du droit leau comme droit fondamental et inalinable ; des groupes divers fontpression pour que le droit leau soit intgr dans les lgislations et constitutions nationales ; dautresmilitent en faveur de ladoption du droit leau dans une convention internationale de lONU. Pourrenforcer cette mobilisation, le PNUD, dans son rapport 2006 sur le Dveloppement Humain, sestconcentr sur la question de laccs leau, et a propos quatre recommandations gnrales pouratteindre des ODM, dont la reconnaissance du droit leau dans les lgislations nationales.

    Les mouvements militants et activistes sont de plus en plus nombreux investir la question de laccs leau et lassainissement sous la pousse des checs, parfois trs mdiatiss, des PartenariatsPublic Priv (PPP) promus par les Institutions Financires Internationales depuis le dbut des annes1990. Nanmoins, entre dogmatisme et dfense dun droit dornavant considr comme fondamental,il ny a souvent quun faible pas, quune ONG comme ACF-IN ne peut se permettre de franchir.

    Des initiatives manant de diverses sphres manent pour revendiquer conjointement ladoptiondune convention des Nations Unies sur leau, tout comme la dsertification ou le changementclimatique le furent la sortie de la Confrence de Rio (1992). Dans lattente de telles avances, desdmarches sont engages auprs du Conseil des Droits de lHomme des Nations Unies, qui seprononcera en septembre 2007 sur lopportunit dintgrer ou non le droit leau dans la Conventiondes Droits de lHomme (1948).

    Ltude prsente ici, et qui a t ralise auprs de lensemble des acteurs impliqus dans le secteurEau Assainissement et Hygine (Etats, bailleurs de fonds, socit civile, ONG et organisationsinternationales), permet de comprendre que DFID est le bailleur le plus avanc en matire dereconnaissance du droit leau et de promotion de sa mise en uvre.

    1In. Tazi Sadeq (H.), Lincontournable question de leau.2 Adoption de lObservation Gnrale N15 le 26 nove mbre 2002 par le CDESC. Celle-ci est une interprtation du PIDESC de1966. Elle se rfre plus particulirement aux articles 11 et 12 qui font rfrence de manire implicite au droit leau, comme leprcise le Comit.3 La mise en uvre du PIDESC date de 1976.4 Dfinition donne par lObservation Gnrale n15

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    Les Etats du Sud sapproprient de plus en plus sur la question, mme si la question de laccs leauest plus perue comme un dfi technique et conomique, quun dfi qui se pose en terme de droitindividuel ou collectif.

    Quelques tmoignages manant de la socit civile africaine montrent que la premire ncessit restela volont politique de raliser ce droit, et ce, quil soit reconnu dans la lgislation nationale ou non.

    Lultime garantie du respect de ce droit viendra des Etats, mme si un outil international (typeconvention des Nations Unies) pourrait tre un avantage consquent.

    La France offre un paysage dynamique et complmentaire (entre action de terrain et plaidoyer), eneffet, de nombreuses organisations sont porteuses dinitiatives sur cette thmatique. Il est vident queces dmarches sont favorises par la reconnaissance du droit leau au niveau national en dcembre2006.

    En outre, les ONG humanitaires, proches dACF-IN sur leurs modes daction, sont trs peu engagessur cette thmatique mais sont toutes mobilises et familires avec le concept. La plupart vontengager des rflexions sur lintgration de ce concept dans leurs politiques et stratgies.

    Il y a donc une concentration dinitiatives diverses qui visent faire reconnatre, appliquer et mettre en

    uvre le droit leau, particulirement au niveau national. Dun besoin humain vital, dun besoinessentiel de base, laccs leau est de plus en prsent comme un droit fondamental, ce qui sous-entend que les autorits publiques locales sont tenues de crer les conditions de ralisation de cedroit. Il y a donc une volution significative des concepts et des obligations et devoirs, notamment desEtats. Si bien, que le professeur Amidou Garane5 explique que : La ralisation du droit leaucomme un droit fondamental de la personne humaine sest progressivement impose tant au planinternational quau niveau des Etats6.

    Lensemble de ces lments permet de dresser un panel trs global du niveau de mobilisation sur ledroit leau et didentifier des opportunits de dveloppement pour ACF-IN qui seront prsentes enconclusion.

    Ds prsent, on peut affirmer quACF-IN a eu une dmarche novatrice, vritable valeur ajoute

    lensemble de ses comptences actuelles, quelles soient oprationnelles ou relatives au plaidoyer et la communication, qui lui permettra de dfendre une position forte et argumente sur cettethmatique.

    Mode demploi du document

    Ce document, riche en information, est destin lensemble du rseau ACF-IN, tant dans les missionsque dans les siges.

    Il rpond un certain nombre de questionnements sur la thmatique du droit leau relay par ungrand nombre de membres actifs du rseau.

    Il permettra sans nul doute lensemble des services impliqus sur la question EAH -servicetechnique, mais galement les services plaidoyer et les services communication- de dvelopper desinitiatives sur ou en rapport direct avec le droit leau.

    55 Garane (A).La mise en uvre du droit leau en Afrique de lOuest, in Guillaume Grisel, La mise en uvre du droit leau,Actes du XXIX Congrs ordinaire de lIDEF, Publications de lInstitut Suisse de Droit Compar, n53, Schulthess,6 Garane (A).La mise en uvre du droit leau en Afrique de lOuest, in Guillaume Grisel, La mise en uvre du droit leau,Actes du XXIX Congrs ordinaire de lIDEF, Publications de lInstitut Suisse de Droit Compar, n53, Schulthess,

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    SOMMAIRE

    LISTE DES TABLEAUX...................................................................................................................................... 6

    LISTE DES FIGURES......................................................................................................................................... 6

    LISTE DES ENCADRES......................................................... ........................................................... ................. 6

    LISTE DES ACRONYMES ...................................................... ........................................................... ................. 7

    ACTEURS RENCONTRES POUR LA REALISATION DU RAPPORT .............................................................. 8

    INTRODUCTION ET OBJECTIFS DU DOCUMENT ......................................................... ........................... 9

    LEAU ET LASSAINISSEMENT, UN PROBLEME GLOBAL. POURQUOI UN DROIT A LEAU EST

    IL NECESSAIRE? .......................................................... ........................................................... ......................... 11

    EMERGENCE DU DROIT A LEAU............................................................................................................... 15

    Prexistence implicite du droit leau.............................................................................................................. 15

    Trente annes de confrences internationales. Les avances conceptuelles..................................................... 17

    Aujourdhui, o en est-on ? La commission des droits de lhomme des Nations Unies sollicite. ................... 22

    LOBSERVATION N15 : LE DROIT A LEAU, DROIT DE LHOMME ................................................. 24

    Introduction....................................................................................................................................................... 24

    Lecture de lObservation n15.......................................................... ........................................................... ..... 24

    Principale limite de lObservation n15 : un texte non contraignant .......................................................... ..... 32

    Rapport ralisation du droit leau et lassainissement (2005).............................................................. 33

    Synthse : les points clefs relatifs au droit leau............................................................................................ 34

    DROIT A LEAU. DEBATS CONNEXES ................................................. ...................................................... 36

    La privatisation de leau en question................................................................................................................ 36

    Une convention des Nations Unies, par qui? Pourquoi ?........................................................ ......................... 41

    EVALUATION DE LA COHERENCE ACTUELLE DES ACTEURS SUR LE DROIT A LEAU .......... 45

    Cohrence des Etats. Quelques exemples de constitutionnalisation du droit leau ....................................... 45

    Le droit leau. Quen pense la socit civile africaine?................................................................................. 51

    Les principaux bailleurs.................................................................................................................................... 55

    Que font les ONG et les organisations internationales ?.................................................................................. 57

    CONCLUSION.................................................................................................................................................... 65

    ANNEXES ........................................................................................................................................................... 70

    Annexe 1. Observation Gnrale N15 ....................................................... ...................................................... 71Annexe 2. Position de lUnion Europenne sur le droit leau..................................... ................................... 84

    Annexe 3. Position de DFID sur le droit leau............................................................................................... 85

    Annexe 4. UNHCR, rfugis et droit leau..................................................................................................... 90

    Annexe 5.Dclaration de la DIEPA (10 novembre 1981) ........................................................ ......................... 94

    Annexe 6. Projet davis sur le droit leau et lassainissement. CDNDH, Sous Commission B (juin 2005). 95

    Annexe 7. Liste des contacts.............................................................................................................................. 96

    Annexe 7. Sites Internet de rfrence .......................................................... ...................................................... 98

    BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................................................ 100

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    LISTE DES TABLEAUX

    Tableau 1. Rsum, la fin des malentendus sur le droit leau. 13 points en dbat............................ 34Tableau 2. Le droit leau, droit constitutionnel. Quelques constitutions en revue.............................. 47Tableau 3. Evaluation de latteinte de lODM n7 po ur les pays qui ont reconnus le droit leau dansleurs constitutions. ................................................................................................................................. 49

    LISTE DES FIGURES

    Figure 1. Rpartition des populations non desservies en eau potable par continent. .......................... 11Figure 2. Couverture mondiale en sources deau potable amliores, 2002........................................ 22Figure 3. A quoi sert leau ?................................................................................................................... 25Figure 4. Les usages de leau par secteur en 2000 .............................................................................. 26

    LISTE DES ENCADRESEncadr 1. Articles 11 et 12 du PIDESC (1966) ................................................................................... 16Encadr 2. Les conventions rgionales et le droit leau..................................................................... 17Encadr 3. Dfinition du droit leau selon lObservation Gnrale n15 .............................. .............. 24Encadr 4. Tmoignage. Titikar, Walet Mohamed, Matrone de 40 ans. Mali, Djbock........................ 27Encadr 5. Tmoignage. Akbar Anwari, fabricant de tapis, 25 ans. Afghanistan ................................. 28Encadr 6. Tmoignage. Zeyad Bzoor, professeur, 46 ans. Palestine, Tubas..................................... 28Encadr 7. Tmoignage. Anglique Dorange, Institutrice, 47 ans. Haiti, Saint-Louis du Nord ............ 29Encadr 8. Article 44 de lObservation Gnrale n1 5. Les violations du droit leau. ........................ 31Encadr 9. Entretien ralis en Commune V de Bamako. Leau dans le quartier dshrit, dix fois pluscher que dans les quartiers riches ! ...................................................................................................... 37Encadr 10. La Belgique reconnat constitutionnellement le droit leau ............................................ 46

    Encadr 11 Uruguay. Des rformes rcentes sur fonds dun non la privatisation ....................... 48Encadr 12. Quest ce que le prepaid water meter ? Un exemple sud africain. ............................. 55Encadr 13. Extrait du communiqu de presse du gouvernement britannique sur la reconnaissance dudroit leau. 9 novembre 2006.............................................................................................................. 56Encadr 14. La Loi Oudin Santini, tmoin de lengagement franais pour lamlioration de laccs leau et lassainissement au Sud. .......................................................................................................... 58Encadr 15. Green Cross France et la coalition Eau appellent la Haute-Commissaire aux droits delhomme activement promouvoir le Droit leau ................................................................................ 59Encadr 16. Extrait du texte fondateur de la coalition eau.................................................................... 61

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    LISTE DES ACRONYMES

    ACF Action contre la FaimACF-IN Action contre la Faim International NetworkOMS Organisation Mondiale de la SantODM Objectifs du MillnairePNUD Programme des Nations Unies pour le DveloppementECHO European Commission Humanitarian HelpEU European UnionDFID Department for International Development (UK)USAID United States Agency for International DevelopmentAFD Agence Franaise de DveloppementMSF Mdecins sans FrontiresICRC International Committee of the Red CrossIRC International Rescue CommitteeCOHRE Center on Housing Rights and EvictionsMAE Ministre des Affaires EtrangresCDESC Comit des Droits Economiques, Sociaux et Culturels

    PIDESC Pacte International des Droits Economiques, Sociaux et CulturelsIFI Institutions Financires InternationalesDIEPA Dcennie Internationale pour lEau Potable et lAssainissementFMI Fonds Montaire InternationalBM Banque MondialeDSRP Document Stratgique de Rduction de la PauvretUNICEF Fonds des Nations Unies pour lEnfanceFAO Organisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculturePNUE Programme des Nations Unies pour lenvironnementOIT Organisation Internationale du travailFIDA Fonds International de Dveloppement AgricoleUNHCR Haut Commissariat des Nations Unies pour les rfugisPPP Partenariat Public Priv

    FIDH Fdration Internationale des Droits de lHommeAPD Aide Publique au DveloppementPPP Partenariat Public PrivUNCCD Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la DsertificationCNCDH Commission Nationale Consultative des Droits de lHommeAEP Adduction dEau PotableCME Conseil Mondial de lEauEuropeAid Office de Coopration de lUnion Europenne

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    INTRODUCTION ET OBJECTIFS DU DOCUMENT

    Leau, incontestable source de vie, est galement une des questions les plus stratgiques de notretemps. Selon lOMS (2004), une personne sur quatre (soit 1,4 milliards dindividus) na pas accs leau potable, une personne sur trois (soit 2,4 milliards) na pas accs lassainissement et 80% des

    maladies sont dorigine hydrique. La demande dj insatisfaite ne fait quaugmenter alors que loffrediminue sous la pression dmographique, la pression industrielle ou agricole, lexode rural oulurbanisation. Leau source de vie peut galement tre une source destructrice de vies humaines :elle est lorigine de maladies et de dcs et est galement souvent instrumentalise en cas deconflits arms.

    Question multidimensionnelle, complexe et en interaction avec de nombreux autres aspects de la viehumaine, elle retient aujourdhui lattention de lensemble de la communaut internationale. Celle-cise doit dintervenir en faveur du dveloppement en pousant une dmarche plaant lhomme au curdes dbats et visant atteindre le droit daccs leau et lassainissement pour tous. Cet objectif estclairement nonc au travers des ODM7, qui veulent qu lhorizon 2015, le nombre de personnesnayant pas accs leau potable et lassainissement soit rduit de moiti. Le PNUD, dans sonrapport 2006 pointe les retards dj accuss dans la ralisation de ceux ci. Il est donc ncessaire de

    mobiliser plus avant la communaut internationale. Ltablissement et la mise en uvre dun droit leau pour tous pourraient tre une base de ralisation des ODM dici 2015.

    Depuis la Dcennie Internationale de lEau Potable et de lAssainissement(1980/1990) proclame lorsde la confrence de Mar Del Plata, les problmatiques et les rflexions autour de laccs leau pourtous ont mries. Le droit leau est reconnu comme un droit conomique et social par le Pacteinternational relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels (1966), convention ratifie par 151Etats. En outre, il a t reconnu en 2002 par lAssemble Gnrale des Nations Unies comme tantun droit de lhomme fondamental au travers de lObservation Gnrale N15 sur le droit leau.Aujourdhui, lObservation n15 reprsente la plus importante rfrence internationale sur le droit leau, mais malgr son caractre officiel, elle reste largement ignore et trs peu utilise.

    Une approche par les droits de lhomme tend voir le jour : laccs leau nest plus seulement un

    besoin fondamental mais davantage un droit de lhomme ncessaire laccomplissement denombreux autres droits humains intimement lis. Ainsi, aujourdhui, lhomme est replac au cur desdbats sur leau, si bien quun ensemble de pays ont engags des dmarches auprs du conseil desdroits de lhomme des Nations Unies (2006) visant faire reconnatre explicitement le droit leaucomme un droit de lhomme. Par ailleurs, au Nord comme au Sud, nombreuses instancesinternationales et organisations de la socit civile se mobilisent en faveur de laccs leau pourtous : groupes de plaidoyer, agences de coopration, gouvernements, etc.

    En regard de cette situation, il est ncessaire et fondamental que les ONG, comme ACF-IN, ralisentun travail sur cette thmatique, et ce afin que la voix des plus dmunis soit entendue et que ceux-ci nesoient pas encore une fois exclus des grandes dcisions et des dbats internationaux.

    ACF-IN, de par son intervention dans le secteur de lEau, Assainissement et Hygine (EAH) tant au

    niveau curatif que prventif (et en particulier dans le cadre de laccompagnement des activits deNutrition et sant) dans plus de 40 pays parmi les plus dmunis, se doit dtre positionne, voir dagir,autour de ce thme. En outre, ACF-IN sest engag publiquement uvrer la ralisation des ODM,particulirement sur lobjectif 7, cible 10, lors du Forum Mondial de lEau Mexico (2006). Ainsi, ledroit leau, dbat connexe la mise en uvre des ODM, et considr comme un moyen datteindreces objectifs, est un thme central approfondir.

    Ainsi, ce document rpond deux objectifs principaux : Clarifier la notion de droit leau de part lanalyse des documents officiels en vigueur

    en 2007 (notamment lObservation Gnrale n15 des Nations Unies) et ltude des dbatsinternationaux sur le sujet. Etudier les mobilisations internationales, les avances et perspectives sur le sujet.

    Ce document vient en appui au papier de positionnement dACF-IN sur le droit leau qui a t ralis partir de ltude prcise de lObservation Gnrale n15 des Nations Unies.

    7 Objectifs du Millnaire

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    Ces deux documents ont t raliss en cohrence avec les diffrents outils relatifs la dmarchedACF-IN en matire deau et assainissement (water policy, technical policy, etc.) ; et aux instrumentsplus gnraux comme sa chartre daction. Compte tenu de la transversalit de la question de leau, ilserait en effet improbable que ce travail soit dconnect des autres domaines daction dACF-IN.

    Ce document a t galement ralis dans un souci permanent de consultation des diffrents acteursdu secteur et de suivi des initiatives internationales en faveur du droit leau. Une attentionparticulire a t donne la politique des principaux bailleurs en matire deau et dassainissement(ECHO, EU, DFID) du positionnement des acteurs humanitaires travaillant dans le secteur de leau etde lassainissement (OXFAM, MSF, IRC, CARE), de celui des organisations internationales (UNICEF,ICRC, IFRC), des rseaux de Plaidoyer (Council of Canadians, Green Cross International, COHRE,Contrat Mondial pour lEau, etc.), enfin, de la socit civile et des bnficiaires de programme EAH,sans qui ce document naurait t complet.

    Ce document est destin usage interne. Il sera diffus auprs des acteurs techniques,oprationnels, communicants et plaidoyer du rseau international ACF-IN, tant dans les siges quesur les missions de terrain.

    Il est noter que le droit leau dont il est question dans lensemble du document est le condens delexpression droit daccs leau et lassainissement pour tous . Il nest donc pas question dudroit de leau.

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    LEAU ET LASSAINISSEMENT, UN PROBLEME GLOBAL.POURQUOI UN DROIT A LEAU EST IL NECESSAIRE?

    Labsence deau ou sa mauvaise qualit tue dix fois plus que toutesles guerres runies - Conseil Mondial de leau -2005.

    Leau est une ressource limite essentielle la vie. Malgr cette vidence, les chiffres sur laccs leau et lassainissement sont alarmants: 17% de la population mondiale na pas accs leaupotable et 42% na pas accs lassainissement de base8. Les populations rurales et les zones priurbaines, plus gnralement les populations les plus pauvres9 sont les plus touchs par lephnomne: sources deau non protges dventuels polluants, prix de leau trs lev10, etc. Plusdes 2/3 des individus nayant pas accs leau potable sont situs en Asie quand 58% de lapopulation na pas accs leau en Afrique11. En outre, les femmes et les enfants sont les plusconcerns par les corves deau.

    Figure 1. Rpartition des populations non desservies en eau potable par continent.

    Source, Programme de suivi OMS/UNICEF, 2002. Extrait du 1erRapport, L'eau pour les hommes,l'eau pour la vie (UNESCO-WWAP, 2003).

    La crise globale de leau est de plus en plus prgnante du fait de la croissance constante de lademande en eau sous la pousse de la croissance dmographique, de lindustrialisation, de lexoderural et de lurbanisation (cette dernire ayant contribu crer des conditions sanitaires extrmementmauvaises). Sous la pression de ces mmes facteurs, les ressources mondiales renouvelables deaupar personne ont chuts de 58%12.

    Cette crise est un frein important au progrs humain13 du fait de limplication de leau dans laralisation de nombreux autres besoins et droits fondamentaux : sant, ducation, dignit,

    dveloppement socio-conomique, etc. Selon le rapport 2006 du PNUD, la crise de leau renforce lesingalits Nord-Sud mais galement les ingalits entre riches et pauvres au sein mme des nations.Elle laisse ainsi des franges importantes de la population en proie la pauvret, la vulnrabilit et linscurit particulirement dans les pays en dveloppement.

    8 Source OMS 20049 Selon le rapport 2006 du PNUD, prs de deux personnes sur trois prives daccs leau salubre survivent avec moins de 2USD par jour et une sur trois vit avec moins d1 USD par jour.10 A titre dexemple, le rapport 2006 du PNUD cite que: les personnes vivant dans les bidonvilles de Djakarta en Indonsie,de Manille aux Philippines et de Nairobi au Kenya paient leau lunit 5 10 fois plus cher que les personnes vivant dans leszones les plus nanties de leur propre ville. En milieu urbain, les mnages pauvres non raccords paient en moyenne 5 25fois plus cher que les mnages moyens raccords pour la mme quantit deau, ce qui reprsente en moyenne 40 50% de

    leur budget mensuel.11 LAfrique est la zone o la couverture est la plus faible au monde.12 Sandra L. Postel and Aaron T. Wolf, Dehydrating Conflict, Foreign Policy Magazine, Sept/Oct. 2000http://www.foreignpolicy.com13 Rapport PNUD 2006

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    La question de laccs leau et lassainissement est galement trs lie aux questions de santpublique. En effet, selon lOMS (2004), Chaque anne, 1,8 million de personnes, dont 90% denfantsde moins de cinq ans, vivant pour la plupart dans les PED, meurent de maladies diarrhiques (ycompris du cholra) ; 88% des maladies diarrhiques sont imputables la mauvaise qualit de leau, un assainissement insuffisant et une hygine dfectueuse. Chaque anne, 1,3 millions depersonnes, dont 90% denfants de moins de cinq ans, meurent du paludisme. Selon lOMS (2005), la

    diarrhe est la deuxime maladie la plus meurtrire chez les enfants de moins de cinq ans. Ainsi, KofiAnnan, ancien Secrtaire Gnral des Nations Unies, dclarait (2001) : Nous ne battrons ni pasHIV14, ni la tuberculose, ni la malaria ou aucune autre maladie infectieuse qui frappent les pays endveloppement avant que lon ait gagn la bataille de leau potable, de lassainissement et delhygine de base.

    Enfin, le secteur de leau est particulirement sensible aux risques de corruption. Selon desestimations ralises loccasion de la semaine mondiale de leau (Sude, 2007), la corruptionrduirait de 20 40% lefficience dans le secteur de leau et favoriserait largement la pollution et lasurexploitation de leau dans les nappes et en surface. Si peu de choses sont faites pour le momentdans la lutte contre ce flau mondial, les premires raisons de son largissement semblent tre duesau manque de bonne gouvernance et labsence de contrle dans lutilisation des ressources en eau.En outre, le deuxime rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en

    eau

    15

    (2006) fait tat dune crise de gouvernance et rvle que, bien que lon ne dispose pas dechiffres prcis, la corruption cote chaque anne des millions de dollars au secteur de leau et quellenuit fortement lapprovisionnement en eau, en particulier destination des plus pauvres. Ainsi lerapport cite les rsultats dune enqute mene en Inde selon laquelle 41 % des personnes interrogesavaient pay plus dun pot de vin au cours des six mois prcdents afin de falsifier leurs relevs deconsommation en eau ; 30 % dentre elles avaient pay pour acclrer la ralisation de travaux derparation et 12 % dentre elles avaient pay pour acclrer la ralisation de travaux de raccordementet linstallation de systmes dassainissement. Enfin, Michel Camdessus, coordinateur du rapport dumme nom publi lors du WSF de La Haye en 2003, crivait dans celui-ci que le secteur de leau estprobablement lun des domaines o la corruption frappe le plus16.

    Lurgence humanitaire est aujourdhui reconnue par tous, et le cot en est mme chiffr : plus de 10milliards de dollars annuels sur 10 ans seraient ncessaires pour assurer un accs leau potable

    acceptable en 2015.En 2002, le Comit des Nations Unies pour les droits conomiques, sociaux et culturels lanait uneinitiative sans prcdent en adoptant lObservation Gnrale n15 17 qui affirme que leau estindispensable la vie et la sant. Le droit de ltre humain leau est donc fondamental pourquil puisse vivre une vie saine et digne. Cest la condition pralable la ralisation de tous sesautres droits

    18. Laccs leau nest plus considr comme un simple besoin, pas plus quun aspect

    isol de la vie humaine, mais comme un droit fondamental et un pr requis la ralisation dautresdroits humains fondamentaux explicitement reconnus au niveau international19.

    Pralablement ladoption de lObservation n15, l accs leau et lassainissement, objectif maisaussi moyen, tait dj reconnu implicitement comme un droit au travers de la reconnaissanceofficielle de ses corrlats que lon peut ainsi dfinir :

    Le droit la vie, est reconnu explicitement dans la Dclaration des Droits de lHomme(1948). Sans eau, pas de vie !

    14 De plus en plus dtudes sintressent la relation entre qualit de leau et sida.15 Ce rapport est publi tous les trois ans. Il prsente lvaluation des ressources en eau douce de la plante la plus complte ce jour. Sa dernire et deuxime dition intitule Leau, une responsabilit partage a t prsente Mexico, en amont du4e Forum mondial de l'eau (Mexico, 16 au 22 mars). Le rapport met laccent sur limportance des modalits de gouvernancedans la gestion des ressources mondiales en eau et dans la lutte contre la pauvret.16 Roger Lenglet, Jean-Luc Touly, Leau des multinationales Les vrits inavouables, Fayard (p 159)17 LObservation n15 sur le droit leau potable a t adopte en novembre 2002 par le Comit des Droits Economiques,

    Sociaux et Culturels (CDESC) en vertu de la mise en uvre du Pacte Internationale des Droits Economiques, Sociaux etCulturels adopt par lAssemble Gnrale des Nations Unies en 1966.18 Dclaration du Comit des Nations Unies pour les droits conomiques, sociaux et culturels lors de ladoption de lObservationn15Gnrale n15 sur le pacte international des dr oits conomiques, sociaux et culturels de 1966.19 C'est--dire de droits faisant lobjet de pactes ou de traits internationaux ratifis par des Etats et qui ont donc valeur de droit.

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    Le droit lalimentation20

    . La production agricole reprsente 70 80% de la totalit de leauutilise par lhomme et on estime quun tiers de la production alimentaire mondiale repose surlirrigation. La scurit alimentaire et la prvention des famines passe donc par un accsdurable leau. En outre, Leau est un lment essentiel pour la production de culturesvivrires. On estime que 40 % de l'alimentation mondiale est produite par des systmesd'agriculture irrigue. A lavenir, la croissance de la population et lvolution des modes

    dalimentation ncessiteront une augmentation de la production agricole qui ne pourraprovenir que d'une meilleure utilisation de l'eau en agriculture21 .

    Le droit la sant22

    . Les hommes ont besoin deau salubre pour rester en bonne sant.Selon lOMS, leau est la cause directe ou indirecte du dveloppement de maladies mortellestelles que la diarrhe et le paludisme. Selon les mmes sources23, lamlioration de la qualitde leau ferait reculer de 6% 25% la morbidit attribuable aux maladies diarrhiques, casgraves inclus ; lamlioration de lassainissement ferait reculer de 32% la morbidit attribuableaux maladies diarrhiques ; et des interventions dans le domaine de lhygine, y comprislducation lhygine et le simple fait de se laver les mains pourrait rduire de 45% lenombre des cas de maladies diarrhiques. Laccs leau et lassainissement a donc uneimplication majeure dans la sant des populations.

    Le droit lautodtermination

    24

    . Ce droit qui comprend galement le droit des peuplesdexploiter et de grer leurs propres ressources ne peut tre dissoci du droit leau.

    Le droit un niveau de vie suffisant25

    , passe ncessairement parun accs durable leaupour le dveloppement socio-conomique et la production agricole. Leau est la base de laproduction qui garantit les moyens de subsistance.

    Le droit la dignit humaine, les hommes ont besoin deau salubre et daccs lassainissement pour conserver leur dignit.

    Le droit lducation26

    . Dans les pays en dveloppement, les femmes et les enfants sont lesplus concerns par les corves deau. Autant de temps que les mres ne passent pas duquer leurs enfants et tout autant que les enfants ne passent pas lcole. Le rapport

    PNUD 2006 dmontre que 443 millions de jours de scolarit sont perdus en moyenne chaqueanne. Laccs leau favorise donc la scolarisation des enfants et particulirement celle desfilles27.

    Le droit au logement impliqueque chaque personne doit pouvoir avoir un accs permanent des ressources naturelles et leau potable.

    Le droit de participer la vie culturelle28

    , leau fait en effet partie de la vie religieuse etculturelle de nombreuses communauts.La destruction, lexpropriation ou la pollution de sitesculturels lis leau constituent un obstacle majeur la mise en uvre dun plan deprotection de lidentit culturelle de nombreux groupes ethniques.

    20 Le droit lalimentation est reconnu comme un droit humain dans larticle 11.2 du PIDESC 1966. Il est galement reconnucomme un droit de lhomme par la cour internationale des droits de lhomme et a fait lobjet de rapports de J. Ziegler,Rapporteur spcial sur le droit lalimentation de la sous commission pour la protection et la promotion des droits de lhomme.21 Guen (C.), op. cit., p. 7.22 Larticle 12 du PIDESC fait rfrence au droit la sant et a fait lobjet de lObservation n15Gn rale n14 en 2000 danslaquelle le droit la sant est dclar li au droit de leau.23 Source OMS 200424 Larticle 2 du PIDESC stipule que les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressourcesnaturelles .25 Larticle 25 de la Dclaration des droits de lhomme (1948) affirme que : toute personne a droit un niveau de vie suffisantpour assurer sa sant, son bien tre et ceux de sa famille, notamment pour lalimentation, lhabillement, le logement, les soinsmdicaux [..] . Le droit un niveau de vie suffisant apparat galement dans larticle 11 du PIDESC.26 Larticle 13 du PIDESC stipule que toute personne droit lducation .Droit qui a galement fait lobjet de l:Observationn15Gnrale n13 (1999).27 Le Rapport 2006 Progrs pour les enfants n5 : un bilan de l'eau et de l'assainissement de lUNICEF est consacr auproblme de laccs leau et lassainissement. Il examine les rsultats en matire deau et assainissement depuis les

    annes 1990 et stipule quil faudra redoubler defforts pour prvenir le dcs de plus dun million et demi denfants chaqueanne, principalement dans les pays les plus pauvres. Le rapport insiste galement sur le fait que le manque daccs leau et lassainissement rduit les performances scolaires et la prsence des enfants lcole, notamment des filles, par manquedinfrastructures sanitaires de base adaptes dans les coles ou parce quelles doivent aller chercher leau pour leurs familles.28 Larticle 15 du PIDESC stipule que chacun a droit de participer la vie culturelle .

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    Il est ainsi indniable que leau sintgre dans tous les aspects du dveloppement humain etconomique. A ce propos, le rapport 2006 du PNUD stipule que Leau salubre et lassainissementfigurent parmi les moteurs les plus puissants du dveloppement humain. Ils gnrent desopportunits, renforcent la dignit et soutiennent la cration dun cercle vertueux au sein duquel lasant samliore pour son tour engendrer des richesses. Laccs leau est donc une lutte en soimais elle fait galement partie dun plus large spectre relevant de la lutte contre la faim (scurit

    alimentaire), la sant, la pauvret et le dveloppement socio-conomique des communauts. Dornavant, le consensus existe au sein de la communaut internationale : leau nest pas seulementun besoin, cest galement et surtout un droit humain fondamental. Ainsi, le vice -prsident de laBanque Mondiale, M. Peter Woicke signifiait dans un numro lHerald Tribune29 que laccs leauest, et devrait tre considre, comme un droit de lhomme . Un reprsentant du secteur priv, lePDG de Suez, M. G. Mestrallet30 dclarait en 2001 que le droit universel de laccs leau doit trereconnu . Le Conseil mondial de leau considre que leau est un droit fondamental de lhomme .Kofi Annan, secrtaire gnral des Nations Unies, dclarait en 2001 que : laccs leau est un droitfondamental, ncessaire la dignit humaine . Pour lOMS, laccs leau saine et suffisante estun droit de lhomme . Les organisations de la socit civile sont aussi nombreuses relayer cetteposition.

    Malgr ce consensus, le droit leau reste partie intgrante dautres droits sans bnficier dunereconnaissance explicite sur la scne internationale. Seule lObservation n15 officialise lexistencede ce droit, mme si elle nest pas contraignante. Compte tenu dune part des objectifs ambitieuxaffichs par les ODM, preuve inbranlable dun engagement politique mondial, et dautre part desretards dj accuss dans leur ralisation, il est ncessaire que la communaut internationale semobilise davantage en faveur de la reconnaissance officielle dun droit leau, certes transversal,mais existant. Le droit leau ne rsoudra certainement pas la crise mondiale de leau mais il placeralhomme au centre des dbats et apportera de nouveaux droits et obligations aux gouvernements, auxpopulations et lensemble des acteurs impliqus dans la ralisation des ODM. Cette approcheanthropocentrique de leau semble fondamentale dvelopper, particulirement en faveur despopulations les plus dfavorises.

    29 Numro de Herald Tribune du 17 mars 200330 In le Monde, La vraie bataille de leau , 26 octobre 2001.

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    EMERGENCE DU DROIT A LEAU

    La Dcennie Internationale de leau potable et de lassainissement (DIEPA ; 1980/1990), proclamelors de la confrence des Nations Unies de Mar Del Plata en Argentine31 (1977), marque le dbut detrente annes de mobilisation internationale sur la question de leau.

    Depuis, les problmatiques et rflexions ont mri et donn naissance des engagements politiquesinternationaux allant aujourdhui jusquaux prmices dune reconnaissance officielle du droit leaucomme droit de lhomme.

    Prexistence implicite du droit leau

    La premire question que lon peut se poser est ncessairement : le droit leau existe-t-il ? Est-ilreconnu sur la scne internationale ? Deux rponses se proposent.

    Existence impliciteOui, le droit leau existe puisquil est implicitement reconnu en tant que droit de lhomme dans deuxconventions internationales en vigueur :

    La Dclaration des droits de lhomme (1948), qui dans son article 25 : : Toutepersonne a droit un niveau de vie suffisant pour assurer sa sant, son bien-tre et ceux desa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins mdicaux ainsique pour les services sociaux ncessaires [..].

    Le droit leau est prsent implicitement : leau nest pas mentionne mais il est sous jacent que cestun lment ncessaire pour lalimentation et pour atteindre un niveau de vie suffisant. P. Gleick32,dans une analyse de larticle 25 de la Dclaration des Droits de lHomme estime que le terme

    including renvoit une notion de non exclusivit. Ainsi, les lments ncessaires assurer anadequat standard of living cits dans cet article nexcluent pas dautres lments tout aussiessentiels, comme leau.

    Ainsi, selon cette analyse, si le droit leau nest pas expressment cit, il nest pas pour autanttotalement exclut du corpus plus gnral des droits de lhomme.

    Le Pacte International des droits conomiques, sociaux et culturels (PIDESC,1966.)Le PIDESC traite implicitement du droit leau dans ses articles 11 (droit un niveaude vie suffisant) et 12 (droit la sant). Lencadr 1 prsente ces deux articles dans le dtail.

    Il est noter que ces deux articles ont galement fait lobjet dObservation Gnrale n15 : larticl e 11a t lobjet de lObservation Gnrale n7 sur le droit au logement (1997)33 ; larticle 12 a fait quand

    lui lobjet de lObservation Gnrale n14 sur le d roit au meilleur tat de sant susceptible dtreatteint (2000)34.

    31 La confrence de Mar Del Plata est la premire manifestation internationale o des experts lancent un cri dalarme sur lacrise mondiale de leau. Les 150 Nations reprsentes vont alors proclamer la dcennie 1980/1990, Dcennie Internationalepour leau potable et lassainissement. Celle ci fixait un objectif ambitieux: fournir une eau potable accessible pour tous enquantit et qualit suffisantes ainsi que des structures de base lensemble de la population mondiale au terme de la dcennie.Comme en atteste la situation actuelle, les rsultats furent trs dcevant : les besoins financiers furent sous-estims, la criseconomique et la pression dmographique compliqurent la situation. La DIEPA n'a russi qu' limiter l'accroissement desbesoins d l'accroissement dmographique. Elle a obtenu des amliorations en milieu rural, mais n'a pas fait face l'urbanisation galopante de cette priode. Le principal avantage obtenu par cette Dcennie est d'avoir fait prendre consciencede la complexit des projets concernant l'eau.32 Voir P. Gleick, The human right to water, Pacific institute for studies in development, environment and security, 1999.33 Voir lObservation n15Gnrale n7 ladresse su ivante :http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(symbol)/CESCR+Observation+generale+7.Fr?OpenDocument34 Dclaration E/C.12/2000/4. Voir lObservation n15Gnrale n14 ladresse su ivante :http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(symbol)/E.C.12.2000.4.Fr?OpenDocument

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    Encadr 1. Articles 11 et 12 du PIDESC (1966)

    Pourtant, il est manifeste que ces reconnaissances implicites ne font pas du droit leau un droituniversel reconnu par les Etats et que ce droit nest donc pas applicable en ltat.

    De plus, ces deux instruments internationaux ne sont pas contraignants. Leur mise en uvre estsimplement contrle par les organes de surveillance (que sont le Conseil des Droits de lHommeet le Comit des Droits Economiques et sociaux) qui sont chargs danalyser des rapports nationauxdtaillant les avances des pays dans la mise en uvre des droits concerns, mais nont pas depouvoir contraignant.

    Existence explicite

    Oui, le droit leau existe puisque explicitement reconnu dans trois conventions internationales envigueur :

    La Dclaration de Genve (1949) et ses deux protocolesadditionnels35

    (1977).Ces textes traitent explicitement du droit leau en se concentrant sur leau de boisson36.

    La Convention sur llimination de toutes les discriminations lgard desfemmes (1979). Article 1437.

    La Convention relative aux droits de lenfant (1989). Article 2438.

    Le droit leau est donc clairement nonc dans des instruments juridiques internationaux en vigueuret qui sont ratifis par un grand nombre dEtats. Pourtant, la rfrence un droit d'accs l'eau dansces deux textes n'en fait pas, pour les tats, un droit universel. En effet, gnralement, les tats

    35 Protocole additionnel 1 sur les conflits internationaux et protocole additionnel 2 sur les conflits non internationaux.36 Voir les articles : Genve III : articles 20, 26, 29 et 46[0]/ Genve IV : articles 85, 89 et 127/ Protocole additionnel I : articles54 et 55/ Protocole additionnel II : articles 5 et 1437 Larticle 14 de la Convention sur llimination de toutes les discriminations lgard des femmes stipule que : Les Etatsparties prennent toutes les mesures appropries pour liminer la discrimination lgard des femmes dans les zones ruralesafin dassurer, sur la base de lgalit de lhomme et de la femme, leur participation au dveloppement rural et ses avantageset, en particulier, ils leur assurent le droit : de bnficier de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne lelogement, lassainissement, lapprovisionnement en eau et en lectricit, les transports et les communications. 38 Larticle 24 de la convention relative aux droits de lenfant stipule que : Les tats parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur tat de sant possible et de bnficier de services mdicaux et de rducation. Ils s'efforcent de garantir

    qu'aucun enfant ne soit priv du droit d'avoir accs ces services...(2) Les tats parties s'efforcent d'assurer la ralisationintgrale du droit susmentionn et, en particulier, prennent des mesures appropries pour : (c) Lutter contre la maladie et lamalnutrition, y compris dans le cadre des soins de sant primaires, grce notamment l'utilisation de techniques aismentdisponibles et la fourniture d'aliments nutritifs et d'eau potable, compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieunaturel [...].

    Article 111. Les Etats parties au prsent Pacte reconnaissent le droit de toute personne un niveau de viesuffisant pour elle-mme et sa famille, y compris une nourriture, un vtement et un logementsuffisants, ainsi qu' une amlioration constante de ses conditions d'existence. Les Etats partiesprendront des mesures appropries pour assurer la ralisation de ce droit et ils reconnaissent ceteffet l'importance essentielle d'une coopration internationale librement consentie. [..]

    Article 12

    1. Les Etats parties au prsent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir du meilleurtat de sant physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre.2. Les mesures que les Etats parties au prsent Pacte prendront en vue d'assurer le plein exercicede ce droit devront comprendre les mesures ncessaires pour assurer:a) La diminution de la mortinatalit et de la mortalit infantile, ainsi que le dveloppement sain del'enfant;b) L'amlioration de tous les aspects de l'hygine du milieu et de l'hygine industrielle;c) La prophylaxie et le traitement des maladies pidmiques, endmiques, professionnelles et autres,ainsi que la lutte contre ces maladies; [..]

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    considrent que l'on ne peut partir d'un corpus particulier (ici, les femmes ou les enfants) pour endduire qu'il est parti du corpus universel. Il en est de mme pour la reconnaissance du droit leauen temps de guerre (droit humanitaire) qui nen fait pas un droit en temps de paix.

    Conclusion

    Si le droit leau n'est pas inscrit explicitement au titre des droits humains dans les instrumentsgnraux de droit positif, il n'en demeure pas moins que certains le considrent comme implicite et ledduisent notamment du droit la vie, la sant et un niveau de vie suffisant (reconnaissanceimplicite). Il est pourtant vident que cette perception relve plus de la doctrine que du droit comprisau sens purement juridique du terme. Pour dpasser la doctrine, lobjectif est aujourdhui de trouverdes instruments juridiques pour mettre en uvre et faire appliquer ce droit, et ce, mme si. la natured'un droit humain, veut qu'il est inhrent et universel et que, par essence, son existence ne dpendpas des tats.

    En outre, quelques conventions rgionales reconnaissent le droit leau (voir encadr 2).

    Encadr 2. Les conventions rgionales et le droit leau

    Trente annes de confrences internationales. Les avancesconceptuelles

    A partir de la Dcennie de leau potable et de lassainissement (DIEPA, 1980/1990)39, lors delaquelle il fut affirm que : Tous les peuples, quels que soient leur stade de dveloppement et leursituation conomique et sociale, ont le droit d'avoir accs une eau potable dont la quantit et laqualit soient gales leurs besoins essentiels (voir annexe 5), lensemble de la communautinternationale sest fortement mobilis autour de la question de la gestion de leau et du droit leau 40.

    A compter de 1992, anne de la confrence de Dublin et du premier sommet de la Terre de Rio deJaneiro, une dcennie focalise sur les modes de gestion de la ressource se profile. Il est reconnudurant cette priode que leau a une valeur conomique et sociale et que la communautinternationale doit trouver les moyens de grer efficacement la ressource, notamment par le biais dela privatisation des services (promulgation des Partenariat Public Priv (PPP) comme mode degestion). Les dbats sont alors domins par la recherche du bon acteur : priv ou public ?

    39 La DIEPA lance et coordonne par les Nations Unies na pas t un franc succs comme la reconnu la consultation de NewDelhi, en septembre 1990, organise par le DIEPA et le PNUD car les rsultats ont t insuffisants en termes oprationnels(nombre de personnes raccordes, continuit du service, qualit de leau), en termes institutionnels (peu de crationsdinstance de rgulation, absence de politique de leau nationale, lourdeurs bureaucratiques) et en termes financiers (durabilitdes projets, amortissement des quipements, viabilit conomique). En outre, selon S. Jaglin (revue tiers monde 2001), Force

    est de constater que les ralisations ont t insuffisantes, y compris dans les villes, o les progrs rels de la desserte n'ont pasrussi compenser le crot dmographique39: en 1990, 244 millions de citadins taient encore dpourvus dun accs l'eaupotable 39, soient environ 30 millions de plus qu'en 1980.40 La DIEPA est en outre lentre dans un dbat qui dure encore aujourdhui : leau est elle un bien public ou un bienconomique ?

    Des conventions rgionales reconnaissent galement le droit leau :

    La Charte africaine des droits et du bien-tre de lenfant(Addis Abeba, 1990). Article141. La Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressourcesnaturelles(Maputo, juillet 2003), signe par 33 tats, stipule dans son article 7.2 que lesparties sefforcent de garantir aux populations un approvisionnement suffisant et continu eneau approprie . Le Protocole de Londres sur l'eau et la santrelatif 1 la Convention sur la protectionet l'utilisation des cours d'eau transfrontires et des lacs internationaux (1992). Article 4, 5 et6. La Charte des Eaux du Fleuve Sngal (OMVS, 2002). Article 4

    1.

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    Les annes 2000 marquent un autre tournant stratgique avec la promulgation des ODM par lesNations Unies qui replace lhomme et son dveloppement au cur des dbat. Lautre lmentmarquant de cette dcennie est ladoption de lObservation Gnrale n15 (2002 entrine lors duForum de Mexico.

    Les confrences internationales en brefUn certain nombre de confrences internationales marquent des avances significatives danslvolution des problmatiques sur leau et dans la promotion des modes de gestion de la ressourcedurant ces tente dernires annes.

    Laconfrence de Dublin sur leau dans un objectif de dveloppement durable41 (1992),confrence prparatoire pour le premier sommet de la Terre de Rio, affirme quatre principes :

    o leau est une ressource fragile et indispensable la vie ;o la gestion et la mise en valeur de la ressource doit tre base sur la participation de

    tous les acteurs et usagers ;o les femmes jouent un rle majeur dans lapprovisionnement, la gestion et la

    prservation de leau ;o leau est un bien conomique qui a une valeur marchande pour lensemble de sesusages comptitifs (agriculture, industrie). Cette dernire notion semble avoir t

    introduite en rponse lutilisation non durable de la ressource et son gaspillage.Elle a galement donn lieu au dveloppement de politiques orientes vers le marchet la privatisation de leau. Celle-ci ne dnie pas pour autant le fait que leau est unbien social : Tout le monde doit pouvoir avoir accs leau a un prix abordable .

    Lapremire Confrence des Nations Unies sur lenvironnement et le dveloppement de1992 (CNUED 1)

    42, deuxime grand rendez-vous de la communaut internationale aprs laconfrence Stockholm43, est marque par le lancement de lagenda 2144, document oprationnel dontle chapitre 18 est consacr la question de leau douce. Celui ci incite la promotion dune gestionglobale de leau douce et lintgration des plans et des programmes sectoriels relatifs leau dans lecadre des politiques conomiques et sociales nationales. Pour la premire fois, le dveloppement et

    lenvironnement sont associs au cur des dbats mais leau ne figure pas encore parmi les prioritsde lagenda international.

    Le Conseil Mondial de leau (CME) est cr en 199645, linitiative dorganisationsinternationales et de spcialistes du secteur de leau,46 avec pour objectif de rsoudre les problmesmondiaux lis leau. Pilot par la Commission Mondiale de leau, le CME est en charge delorganisation des forums mondiaux de leau tous les trois ans. Ces forums sont des moments derencontre de lensemble des acteurs du secteur de leau et de rflexion sur les politiques mondiales deleau.

    Le 1er Forum Mondial de leau, Marrakech (1997) se conclue par ladoption du projet intitul vision mondiale de l'eau , dont l'objectif est de prparer au travers de toute une srie de runions etcolloques une vision long terme sur leau, la vie et lenvironnement. Ce document sera prsent lors

    du second forum mondial de leau La Haye en 2000.

    Le 2me Forum Mondial de leau, La Haye (17 au 22 mars 2000) est loccasion pour lacommunaut internationale daborder en profondeur la question de la valeur conomique et sociale deleau47. Lide du rglement de la crise mondiale de leau par les investissements du secteur priv48 et

    41 Voir le site web de la dclaration de la confrence de Dublin http://www.wmo.ch/web/homs/documents/francais/icwedecf.html42 Sommet de la Terre de Rio de Janeiro43 La confrence de Stockholm en 1972 fut la premire confrence des Nations Unies placer l'environnement au centre desdbats et considrer la question de l'eau. La confrence marque aussi la cration du Programme des Nations Unies pourl'Environnement (PNUE).44 Voir le site web de lagenda 21 http://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/45 En 1994, la Banque mondiale accordait un soutien financier et politique la mise en place du Conseil mondial de leau dont lebut tait de mettre en place une politique mondiale de leau dont linstitution financire serait la promotrice. Ce financement

    initial de la Banque Mondiale est trs probablement la source des nombreuses critiques qui manent lencontre du CME ausein de la socit civile engage et militante.46 Voir le site web du Conseil Mondial de leau. http://www.worldwatercouncil.org/47Le rapport Making water every bodys business prpar loccasion du forum de La Haye tmoigne de cette volontdimpliquer fortement le secteur priv dans la gestion de leau.

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    la dfinition du prix de leau (le principe du full cost recovery 49 est mis en exergue lors de cetteconfrence) sont au cur des dbats desquels naissent de nouvelles orientations stratgiquesmondiales. Les incapacits tant dinvestissements (dficit en infrastructures) que de gestion(subventions inefficaces) des Etats sont pointes du doigt par la Commission Mondiale de leau, qui,en rponse la lourdeur des investissements raliser, aux comportements non soutenable et augaspillage de la ressource prne en faveur de la privatisation50 des services deau et

    dassainissement. Le Forum de la Haye signe donc lentre dans plus dune dcennie de promulgationde la privatisation du secteur51. Ce changement de cap dans les politiques mondiales de leaucorrespond lentre de la plupart des PED dans lre des Plans dAjustement Structurels (PAS) quipoussent la privatisation des services sociaux de base face aux manquements des Etats du Sud.Mme si ce forum insiste sur lattention qui doit tre port aux plus pauvres, leau nest pas considrecomme un droit mais comme un besoin.

    En 2000, lassemble gnrale des NU reconnat que laccs leau est un droitfondamental et non un besoin .

    En septembre 2000, les chefs de gouvernements de 189 nations signent conjointement laDclaration du Millnaire marquant un objectif et un engagement politique clair de la communautinternationale en faveur de la rduction de la pauvret. Lobjectif 7, cible 10 engage lensemble des

    signataires rduire de moiti la proportion de personnes nayant pas accs de faon durable leau potable dici 2015 52.

    La confrence ministrielle de Bonn53

    (2001) prolonge lODM 7 en proposant de rduire demoiti dici 2015 la proportion de personne nayant pas accs lassainissement. Le deuximesommet de la Terre de Johannesburg sera loccasion de rintgrer officiellement la question delaccs lassainissement de base aux ODM.

    Le Deuxime Sommet de la Terre de Johannesburg, Rio+ 10 (28 au 3 septembre 2002) 54est loccasion de la promulgation des PPP plus que de rflexions sur ladoption de pistes dactionsconcrtes pour raliser les objectifs du Millnaire sur leau et lassainissement. Lassainissement estajout lODM n7 sur leau potable : nous convenons de rduire de moiti, d'ici 2015, laproportion de personnes qui n'ont pas accs l'eau potable ou qui n'ont pas les moyens de s'en

    procurer (comme nonc dans les grandes lignes dans la Dclaration du Millnaire) et la proportionde personnes qui n'ont pas accs des services d'assainissement de base.'Lors de ce forum mondial, le Prsident J. Chirac dclarait : Aujourdhui, prs de la moiti delhumanit na pas accs leau potable et lassainissement. Elle est ainsi victime de pathologiesparfois mortelles, qui freinent le dveloppement. La situation risque de saggraver. Les ressources eneau douce disponibles par habitant diminuent dramatiquement dans le monde et, au rythme actuel,les deux tiers de lhumanit subiront dans quelques annes une situation de pnurie. Laccs leaupotable et lassainissement est au coeur des problmatiques du dveloppement. Cest un enjeucologique, car la ressource est rare. Cest un enjeu de solidarit, pour permettre laccs des pluspauvres et des quartiers dfavoriss. Cest un enjeu de sant publique. Cest un enjeu social car, biensouvent, les femmes et les filles sont les premires victimes de linsuffisance des infrastructures. Cestun enjeu ducatif car le temps quelles passent aller puiser leau est pris sur le temps consacr auxtudes55.

    48 La volont de la Commission Mondiale de leau tait de doubler les investissements annuels manant du secteur privraliss dans le secteur de leau et de lassainissement, afin de passer de 80 milliards de dollars 180 milliards. La commissionestimait que cela tait la seule condition pour rduire de 75% le nombre dindividus sans accs leau et lassainissement.49 Le principe du Full Cost Recovery veut que lensemble des cots dinvestissement soit recouvert par les usagers, endautres termes que lensemble des prestations fournies rponde un prix du march.50 Voir les interviews de Ismail Seraglin, prsident de la commission mondiale de leau et vice prsident de la banque mondialesur le site Internet de H20 : http://www.h2o.net/magazine ainsi que linterview de Bill Cosgrove, Prsident de lUnit de visionmondiale de leau sur le mme site51 En 1992, Ismail Serageldin, Prsident de la Commission et Vice-prsident de la Banque Mondiale estimait que : lesgouvernements des pays en dveloppement ne peuvent dj faire face aux besoins d'investissement aujourd'hui, ils pourrontencore moins le faire dans le futur (.. .). La principale alternative est d'attirer l'investissement priv , et dajouter lesgouvernements doivent se retirer de leur rle de fournisseurs de service et transmettre cette responsabilit aux usagers et ausecteur priv. Par dessus tout, ils seront responsables de la cration d'un environnement dans lequel les incitations auxinvestisseurs et aux innovateurs seront assures et dans lequel les intrts du public seront scuriss .52 Dclaration du Millnaire, http://www.un.org53 La confrence ministrielle de Bonn sur leau douce (3 au 7 dcembre 2001) fut organise en prparation du sommet de laTerre de Johannesburg (2002).54 Voir la dclaration de Johannesburg55 Cit in Guen (C.), Rapport sur la proposition de loi sur la coopration internationale des collectivits territoriales et desagences de leau dans les domaines de lalimentation en eau et de lassainissement, Snat, n347, 16 juin 2004, p. 5

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    En novembre 2002, le CDESC adopte lObservation Gnrale n15 56 sur le droit leau eninterprtation des articles 11 et 12 du PIDESC. Celle ci dfinit le contenu normatif du droit leau,ainsi que les obligations des Etats parties. Ladoption de lObservation n15 est un fort lmentdclencheur de dbats sur lopportunit de la reconnaissance du droit leau comme droit delhomme.

    Le Troisime forum mondial de leau, Kyoto (2003) est loccasion de la prsentation durapport Camdessus Financer l'eau pour tous qui propose un plan de financement de la ralisation

    de lobjectif 7, cible 10 sur leau et lassainissement. Le rapport dclare que les PPP imposent derendre l'eau plus attrayante aux yeux des investisseurs ; ils ncessitent un cadre rglementaire et juridique adapt, des modalits contractuelles transparentes, des mcanismes de rcupration descots fiables et l'acceptation par le grand public . Ce rapport affirme en outre que laccs leauconstitue un droit et un besoin fondamental et que leau et lassainissement doivent treaccessibles tous un prix abordable .Les quelques 100 ministres et hauts fonctionnaires prsents ont pourtant refus de reconnatre le droit leau et lObservation Gnrale n15, estimant que ce droit existe dj, mmeimplicitement dans dautres traits ; ou encore que des dclarations supplmentaires sont inutiles oupolitiquement trop complexes.La dclaration politique de Kyoto ne comporte donc rien sur le droit leau, bien que celle ci soit

    dnue de toute valeur juridique. Cette absence dans la dclaration ministrielle montre bien la frilosit des Etats reconnatre plus formellement le droit leau. En outre, les Etats ont raffirmsque laccs leau est un besoin vital et non un droit, et que leau doit tre considre avant toutcomme un bien conomique.Lors du forum de Kyoto, la France tait particulirement engage, le prsident J. Chirac demandantque : laccs leau soit reconnu comme un droit fondamental .

    En 2003, UN Water est cr afin de suivre les volutions de la CNUED 2 et de mettre enplace les journes mondiales de leau qui auront lieu les 22 mars de chaque anne compter de2005. Celles-ci sont loccasion de manifestations multiples lchelle du globe en faveur de leau etde lassainissement. La mme anne est dclare anne internationale de leau douce parlUNESCO57.LUN Water est cens coordonner les activits de lensemble des 23 agences de lONU qui travaillent

    sur les questions deau, en ralit celle-ci na quun faible pouvoir.

    Lors de sa 58me Assemble Gnrale58, lONU proclame la dcennie 2005/2015 dcennieinternationale daction, leau, source de vie ainsi que le 22 mars 2005, journe mondiale deleau. Celle-ci, coordonne par UN Water, a pour but dappuyer et de coordonner les actions enfaveur des ODM sur leau et lassainissement. La premire journe mondiale de leau, le 22 mars2005 lance officiellement la dcennie daction. Ces vnements concernent lensemble de la socitcivile, les organisations internationales, gouvernements, qui sont invits se mobiliser en faveur desODM.

    La commission dveloppement durable (CDD) (11 au 22 avril 2005, New York) avait pourobjectif dtablir un document politique proposant une srie de mesures concrtes face au manquedavances en matire daccs leau et lassainissement par rapport aux ODM.

    Le droit leau na pas t inclus dans le texte final par manque de comprhension des acteursrunis : tantt assimil la gratuit de leau par certains PED : le droit leau a t peru commepouvant reprsenter une trop grosse charge financire au moment de sa mise en uvre ; tantt tropcontraignant pour certains pays dvelopps, comme les USA et certains membres du G77.La socit civile et les entreprises prives se sont quand elles exprimes pour la reconnaissance dudroit leau.

    Le 4me

    Forum Mondial de lEau, Mexico (mars 2006) est le premier forum mondial ou laquestion du droit leau est largement dbattue59. Ces dbats ont permis de clarifier le contenu dudroit leau et de lever un certain nombre de malentendus. Le WWF de Mexico marque une avanceconsidrable sur le droit leau en faisant comprendre au plus grand nombre ce quest ou ce que

    56 Adoption de lObservation n15lors de la 29 me session de lAssemble des Nations Unies57 Site officiel http://www.wateryear2003.org/fr58 Rsolution A/RES/58/21759 Le droit leau a fait lobjet de 3 sessions officielles lors du forum de Mexico : FT3.35 Securing the right to water, from thelocal to the global, civil society perspectives ; FT 3.36 The right to water : what does it mean and how to implement it , FT3.47 Human right to water .

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    nest pas cette notion. Les dbats ont t particulirement ports par la socit civile engage. Dansla dclaration ministrielle le HRTW reste absent mme si 4 Etats (Cuba, Bolivie, Venezuela etUruguay) et le WWC lont reconnu officiellement. Ces quatre mmes Etats, outre lapprobation de ladclaration ministrielle finale avec quelques rserves, ont adopt deux dclarations annexes quimentionnent clairement le droit l'eau comme tant un droit humain fondamental. Lors de ce forum, les acteurs franais de leau (ministres, tablissements publics, collectivits

    locales, entreprises, organisations non gouvernementales, organisations scientifiques et techniques,centres de recherche etc.) taient fortement reprsents par le biais du Partenariat Franais deleau60 qui a dfendu neuf messages. Un de ces messages concernait directement le droit leau : Message 5 : Droit laccs leau et lassainissement pour tous . Celui-ci a permis dedvelopper deux ides centrales pour faire du droit leau un droit effectif : identifier les devoirs delautorit locale responsable et partager les cots de manire solidaire afin que les prix soientabordables pour tous.Il est noter quACF-IN, par sa prsence active au Forum, sest clairement positionne sur la priorit apporter leau aux plus dmunis dans lachvement des ODM.

    Assises des Barreaux de la Mditerrane le Droit lEau et le Droit de lEau (23, 24mars 2007, Marrakech). Lors de cette confrence runissant avocats, ingnieurs, architectes etpoliticiens venus du Maroc, de Tunisie, d'Algrie, dItalie, dEspagne et de France, llaboration dune

    Convention Mditerranenne affirmant le droit leau pour tous a t propose. Outre la ConventionMditerranenne, la cration dun site web consacr au droit leau et au droit de leau etlorganisation par chacun des Barreaux de la Mditerrane dun colloque sur le droit leau en 2008ont t proposs.

    Conclusion

    En trente annes de confrences internationales, on constate une volution significative des conceptset des problmatiques avec lmergence progressive de la notion de droit leau, qui, peu peucomprise par la communaut internationale prend de lampleur.

    Les dbats internationaux, dabord domins par des changes axs sur les rles respectifs des

    secteurs privs et publics dans la gestion de la ressource ont nglig la place centrale de lasatisfaction des besoins humains fondamentaux. Ces dbats, alors centrs sur la recherche du bonacteur, ont dtourns lattention des dcideurs du dbat le plus essentiel : lincapacit desprestataires de services de distribution deau remdier au dficit mondial de laccs leau. Leschiffres actuels le prouvent !

    Une approche plus anthropocentrique et axe sur le respect des droits fondamentaux apparataujourdhui par le biais de lObservation n15, qui permet driger le droit leau en droit fondamental.Pourtant, ce droit reste le parent pauvre du droit international puisquil nest toujours pasjudiciaris. Nanmoins, lide dun droit leau reconnu comme un droit de lhomme gagne du terrain.

    Enfin, lOMS et lUNICEF ont conjointement publi un rapport en 200461 qui montre que lODM n7, nesera pas atteint dici 2015. Cet engagement politique commun de la majorit des nations du monde

    restera donc trs probablement non achev dici son terme, est ce en partie parce que malgr trenteannes de focus et de dbats mondiaux, aucun outil juridique international ne statue sur le droit leau ? Ainsi, un instrument juridique international obligeant les nations dj moralement engages dans la ralisation des ODM, fortiori sur lODM n7, et donc in fine la ralisation du dr oit leau pourrait sans doute faire avancer les choses.

    60 Voir le site officiel de lorganisation: http://www.water-international-france.fr61 Voir le rapport, WHO/UNICEF, Joint Monitoring Programme for Water Supply and Sanitation; Meeting the MDG drinking waterand sanitation target: a mid-term assessment of progress, 2004

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    Figure 2. Couverture mondiale en sources deau potable amliores, 2002.

    Source, Rapport sur la sant dans le monde (OMS, 2004), dans le 2

    me

    Rapport mondial des NationsUnies sur la mise en valeur des ressources en eau, L'eau, une responsabilit partag (UNESCO-WWAP, 2006)

    Aujourdhui, o en est-on ? La commission des droits de lhommedes Nations Unies sollicite.

    Comme le montre le chapitre prcdent, la mobilisation internationale est de plus en plus forte pourfaire reconnatre et appliquer le droit leau et recentrer lapproche sur lhomme et ses besoins

    vitaux : laccs leau est dabord une question de survie ! A ce titre, le Forum de Mexico tout commeplusieurs rapports centrs sur leau usage humain montrent les avances dans ce domaine. Lerapport sur le Dveloppement Humain (PNUD, 2006) intitul Au-del de la pnurie : pouvoir,pauvret et la crise mondiale de leau qui est consacr la question de leau est particulirementimportant. Il propose quatre recommandations gnrales pour atteindre les ODM dont lareconnaissance du droit leau. Il est dit quun des piliers essentiels de lamlioration de laccs leau est Faire de leau un droit de lhomme - et le vouloir. Tous les gouvernements devraientaller au-del de la formulation de principes constitutionnels vagues pour entriner le droit de lHomme leau dans la lgislation habitante. Pour quil ait une relle signification, ce droit de lHomme doitsaccompagner de la reconnaissance du droit un approvisionnement en eau sr accessible etabordable62.

    Il y a donc convergence au niveau international dinitiatives et de dclarations visant faire

    reconnatre le droit leau comme un droit de lhomme. Une telle reconnaissance ne rsoudra pastout mais elle permettra de mettre en place des bases juridiques mondiales et de pointer lesresponsabilits et obligations de chacun.

    Aujourdhui, certains Etats ont dcid daller plus loin dans la reconnaissance du droit leau commedroit de lhomme et de lui donner une visibilit mondiale. Ainsi, en octobre 2006, quelques pays,Espagne et Allemagne en tte, soutenus par pas moins de 33 pays63, ont engags des dmarchesauprs du Conseil des Droits de lhomme des Nations Unies Genve. Ces pays ont explicitementdemand au Haut Commissaire des Droits de lHomme, Louise Arbour, de conduire une tudedtaille sur les obligations relatives au droit leau, et sur les outils disponibles pour les mettre enuvre.

    62 Rapport PNUD 200663Les pays ayant particip ce projet sont : Algrie, Allemagne, Belgique, Bolivie, Burkina Faso, Cameroun, Chili, Chypre,CostaRica, Cuba, quateur, Espagne, Estonie, France, Grce, Guatemala, Irlande, Italie, Luxembourg, Mali, Malte, Maroc,Nicaragua, Nigria, Panama, Pays-Bas, Prou,Portugal, Roumanie, Slovnie, Suisse, Timor-Leste, Uruguay. Les payssusceptibles de sopposer cette rsolution sont lAustralie, la Chine, lEgypte, les Etats-Unis et lInde.

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    Cette initiative internationale a aboutit, le 21 novembre 2006, une dcision sur les droits de l'hommeet l'accs l'eau (A/HRC/2/L.3/Rev.2), adopte sans vote par le Conseil des droits de lhommedemandant lAssemble Gnrale des Nations Unies64 de procder : dans la limite des ressourcesexistantes, et en tenant compte des vues exprimes par les tats et d'autres parties prenantes, unetude dtaille sur la porte et la teneur des obligations pertinentes en rapport avec les droits del'homme qui concernent l'accs quitable de l'eau et l'assainissement, contractes au titre desinstruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, qui inclue les conclusions etrecommandations appropries sur la question65.

    Ces dmarches visent inclure de manire formelle la question de leau dans lagenda du conseil desdroits de lhomme66. Ceci pourrait galement constituer un premier pas vers une convention desNations Unies sur le sujet. La soumission du rapport sur le droit leau est demande avant la siximesession du conseil, qui se tiendra en septembre 2007.

    A ce titre, diverses organisations de la socit civile se mobilisent, accompagnent et soutiennet cesdbats.

    Ainsi, un certain nombre dorganisations de la socit civile, runies autour de la Dclaration deRome, date du 10 dcembre 2003, ont dclar que : lexclusion de leau il y a 55 ans en tant

    que droit explicitement mentionn dans la Dclaration Universelle des Droits Humains a empch lescitoyens dexercer des pressions efficaces sur les gouvernements et a favoris laffirmation, dans leslgislations nationales et dans les pratiques politiques, dans un contexte international marqu par unconomisme no-libral croissant, dapproches et de modes de gestion fonds sur leau en tant que bien conomique .

    De la mme manire, la prsidente de la branche Suisse du Contrat Mondial de leau, Kathryn Deuss,a demand publiquement lors des Rencontres Internationales pour le droit daccs leau (novembre2006, Marseille) : lobtention dun sige auprs du conseil des Droits de lHomme. Etant donnlimportance de leau, nous demandons plus de participation et dsirons obtenir un sigedobservateur auprs du conseil mondial des droits de lhomme pour que notre proposition, en ce quiconcerne le droit leau, soit entendue et ancre dans un instrument de droit international .

    Enfin, la Commission Nationale Consultative des Droits de lHomme a mis, dans son projet davis surle droit leau dat de juin 2007, un avis allant dans le sens de la reconnaissance du droit leaucomme droit de lhomme. La CNCDH souhaite que le Conseil des droits de lhomme adopte unersolution par laquelle laccs leau potable et lassainissement serait reconnu comme un droitfondamental bnficiant, au niveau international, de la mme protection que les autres droitsindispensables la mise en uvre du droit un niveau de vie suffisant (art. 25 de la Dclarationuniverselle des droits de lhomme).

    Au final, de nombre dinitiatives manant dorganisations et institutions internationales, demouvements de la socit civile, dEtats vont dans le sens de la reconnaissance du droit leaucomme droit de lhomme. Une premire rponse sera probablement donne celles-ci en septembre2007 par le Conseil des Droits de lHomme.

    64 Dcision A/HRC/2/L.3/Rev.265 Extrait de la dcision A/HRC/2/L.3/Rev. date du 21 novembre 200666 La question de leau faisait partie du rapport sur le droit lalimentation prsent auprs du conseil des droits de lhomme parJ. Ziegler, rapporteur spcial sur le droit lalimentation. Dans son rapport datant de 2003 sur le sujet, il faisait mention du droit leau. Cette initiative demande donc le traitement du droit leau son propre titre.

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    LOBSERVATION N15 : LE DROIT A LEAU, DROIT DE LH OMME

    Introduction

    Le Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels (PIDESC), aujourdhui ratifipar 151 pays, a t adopt par lassemble gnrale des Nations Unies en dcembre 1966 67. Il dfinitun ensemble de droits humains ncessaires la ralisation pour lhomme dune vie libre et digne.

    Lanne Internationale de leau douce68 (2003) a t marque par un travail du Comit des DroitsEconomiques, Sociaux et Culturels (CDESC) charg de la mise en uvre du PIDESC qui a dbouchsur llaboration de lObservation Gnrale n15 (novembre 2002) sur le droit leau.

    LObservation n15 apporte un certain nombre de rec ommandations aux Etats parties afin de les aider mettre en uvre ce droit, en vertu de deux articles inscrits dans le Pacte : larticle 11 (le droit unniveau de vie suffisant)69 et larticle 12 (le droit la sant)70 qui font implicitement rfrence au droit leau. LObservation n15 inclut laccs leau et lassainissement, tenant ainsi compte des ODM(2000) et des recommandations de Johannesburg (2002). Ce document est le premier documentofficiel des Nations Unies dfinissant en dtail le contenu du droit leau. LObservation n15met fin une priode dincertitude et permet driger laccs leau comme un droit au mme titre quele droit la sant ou le droit la nourriture. En outre, ce document constitue une tape majeure danslhistoire des droits de lhomme au niveau international puisque sa lecture montre que le droit leauest dabord un droit de lhomme qui occupe une position premire pour la ralisation des autres droitsde lhomme reconnus comme tels.

    Lecture de lObservation n15

    Lexpression droit leau est le condens du : droit daccs leau et lassainissement pourtous .

    Encadr 3. Dfinition du droit leau selon lObservation Gnrale n15

    LObservation n15 dfinit le droit leau comme l e droit un approvisionnement suffisant,physiquement accessible et un cot abordable, dune eau salubre et de qualit acceptablepour les usages personnels et domestiques de chacun

    71. Lapproche prne par lObservation

    n15 est centre sur lhomme et sur la satisfaction de ses besoins et droits fondamentaux.

    Selon la dfinition du droit leau, on constate que ce droit ne concerne que laccs une quantitdeau limite ncessaire pour satisfaire les besoins essentiels la vie dans la dignit et laccs lassainissement. Ainsi, le droit leau concerne une frange deau trs faible, puisquau niveaumondial :

    69% de leau est utilise pour lagriculture 23% pour lindustrie et la production dnergie Et seulement 8% pour les usages domestiques.

    Les cartes suivantes montrent les principaux usages de leau par continent et montre que leau utilisepour les usages domestiques et personnels tient la plus faible place dans la hirarchie de laconsommation deau par usage. Pourtant, cet usage est essentiel, do la ncessit de reconnatre ledroit leau ?

    67 Entre en vigueur du pacte en 197668 Voir le site web http://www.wateryear2003.org69 Larticle 11 fait rfrence au droit de toute personne un niveau de vie suffisant pour elle-mme et sa famille, y comprisune nourriture, un vtement et un logement suffisant et reconnat le droit fondamental qua toute personne dtre labri dela faim .70 Larticle 12 fait rfrence au droit qua toute personne de jouir du meilleur tat de sant physique et mentale quelle soitcapable datteindre . Larticle pointe particulirement la diminution de la mortalit infantile et la ncessit du traitement et de laprvention des maladies endmiques et pidmiques.71 Dfinition donne par larticle 2 de lObservation n15 qui est aujourdhui reconnue comme la dfinit ion du droit leau. Elle anotamment t largement discute lors du Forum mondial de Mexico en mars 2006.

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    Figure 3. A quoi sert leau ?

    Source, Philipe Rekacewicz, avril 2006

    Compte tenu de limportance de lObservation Gnrale n15 pour la dfinition du droit leau, il no ussemblait essentiel de procder une lecture dtaille et critique de ce texte de rfrence. La lecturedu texte peut ainsi se faire selon les points suivants :

    Nous prsenterons la lecture de lObservation n15 en suivant le mme plan que le texte initial, savoir, introduction, contenu normatif, obligation des Etats parties, manquement aux obligations etobligation des autres acteurs que les Etats parties.

    Introduction de lObservation n15

    Le droit leau est reconnu comme une condition pralable et fondamentale la ralisationdes autres droits de lhomme

    72, et particulirement au droit la vie et la dignit . La rfrence

    explicite la Dclaration des Droits de lHomme (1948)73 pose les jalons de lapproche par les droitshumains en matire daccs leau et lassainissement. Les liens entre droit leau, droit lalimentation, droit une vie culturelle, droit la sant sont explicitement cits, plaant ainsi le droit leau comme un droit central et pralable lensemble de autres droits de lhomme. Le droit leau est

    prsent non seulement comme une fin en soi mais particulirement comme un pr requisfondamental une vie mene dans la dignit. A ce titre, Kofi Annan rappelait que : Veiller au respectdes droits de lhomme leau salubre est une fin en soi et constitue un moyen de renforcer les droitsplus gnraux dfinis dans la Dclaration Universelle des Droits de lHomme74.

    En outre, le droit leau est considr comme un bien social et culturel et nonessentiellement comme un bien conomique

    75 . Il est galement reconnu que le manque deauest reconnu comme une des causes directes de propagation de la pauvret 76. Le rapport 2006 duPNUD accrdite largement cette thse en parlant de note sale si lon mesure le dficit en eauet en assainissement au lot de souffrances humaines, aux pertes conomiques ou lextrmepauvret quil gnre77.

    72 Article 1, article 3, article 6 de lObservation n1573 Article 3 de l Observation n1574 Source, P, NUD75 Article 11 de lObservation n1576 Article 1 de l Observation n1577 Rsum, PNUD, Rapport mondial sur le dveloppement humain 2006, p 18

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    Figure 4. Les usages de leau par secteur en 2000

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    LObservation n15 porte une attention particulire leau ncessaire lagriculture desubsistance en tant que rfrence au pacte de 1966 qui, dans son article 1, paragraphe 2, dispose quen aucun cas un peuple ne pourra tre priv de ses propres moyens de subsistance . AinsilObservation n15 stipule quil importe dassurer un accs durable aux ressources en eau pourlagriculture afin de raliser le droit une nourriture suffisante78.

    Toutefois, cette rfrence leau ncessaire pour lagriculture de subsistance est quasi unique danslObservation n15, elle nest notamment pas prise en compte dans le contenu normatif du droit leau, et ce alors que cette eau est primordiale pour la survie des populations.

    Ainsi, le droit leau ne concerne pas la ressource eau en gnral mais une quantit limite deau(excluant leau ncessaire lagriculture ou lindustrie par exemple) ncessaire aux usagespersonnels et domestiques compris comme la prparation des repas, leau de boisson, lhyginepersonnelle, le lavage des vtements, le nettoyage du logement, lassainissement de base.

    Contenu normatif du droit leau

    La dfinition du droit leau nonce par lObservation n15 reflte trois aspects

    fondamentaux79

    relatifs sa mise en uvre : disponibilit, qualit et accessibilit de la ressource. Querecouvre ces trois notions ?

    La disponibilit de la ressource.

    La ressource doit tre disponible en quantit suffisante pour les usages personnels et domestiques.LObservation n15 fait rfrence aux normes de lO MS pour statuer sur la quantit minimale deau,aainsi les directives de lorganisation dfinissent une quantit minimum de 20 litres deau/personne/jourSur ce sujet, les normes diffrent, les normes SPHERE (2004)80 fixe la quantit minimum 15 l/j/pdans les situations durgence ; alors que lexpert amricain M.P. Gleick81, fixe la norme minimum 50l./j./personne82. Il est en effet trs dlicat destimer et de gnraliser la quantit minimale deaupuisque celle-ci est trs dpendante des quipements sanitaires, des modes de distribution (puits,bornes fontaines, desserte domicile, etc.), des modes de vie, etc. La ressource doit galement tre

    disponible de manire constante et durable. Mais sil est difficile de fixer une quantit, il estnanmoins primordial de fixer un seuil minimum, ainsi, lObservation n15 retient les normes de lOMSfixant 20 l/j.

    La qualit de la ressource.

    La ressource doit tre salubre, exempte de microbes, substances chimiques, etc. et donc propre laconsommation pour usages domestiques ou personnel. En outre, la notion dacceptabilit estimportante, elle stipule que leau doit avoir une couleur, une odeur et un got acceptable pour chaqueusage personnel ou domestique. LOMS est nouveau la rfrence en matire de normes sur laqualit de leau83.

    Encadr 4. Tmoignage. Titikar, Walet Mohamed, Matrone de 40 ans. Mali, Djboc

    78 Article 7 de l Observation n1579 Paragraphe 2, Observation n15n15, contenu normat if du droit leau80 Pour plus de prcisions sur les standards SPHERE utilises dans les situations durgence, se rfrer particulirement auchapitre 2 Minimum Standards in Water, Sanitation and Hygiene Promotion de louvrage The Sphere Project , version

    rvise 2004.81 M.P. Gleick est president du Pacific Institute for studies in Development, Environment and Security, Oakland, USA.82 Gleick (M.P.), The right to water, water policy, 1999.83 A noter que les normes SPHERE (2004) donnent galement de prcieuses indications en matire de qualit deau ensituation durgence.

    Nous allons chercher leau deux fois par jour au puits traditionnel qui est situ quelquesmtres de la station de pompage. Nous y allons deux fois, le matin et le soir, et souvent troisfois en priode de forte chaleur. Avant le projet, nous souffrions de la mauvaise qualit et dumanque deau pendant la saison sche. Les gens tombaient souvent malades (diarrhes, emaladies de peau), car le puits ntait pas protg. Le projet a contribu donner une eau saine la population, et la quantit journalire deau par famille a augment car les bnficiairesattendent moins longtemps pour obtenir leau.

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    Laccessibilit de la ressource.

    Laccessibilit est dfinie selon deux paramtres : accessibilit physique et conomique.

    Les sources en eau doivent tre accessible physiquement, donc sans danger pour les populations, etsurtout a