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10-542-F-10 Acides gras essentiels J.-M. Lecerf Les acides gras essentiels (AGE) sont des AG indispensables car ils ne peuvent être synthétisés par l’organisme humain. C’est le cas des deux précurseurs : l’acide linoléique (LA) et l’acide alphalinolénique (ALA) ; et chez le nouveau-né (et le prématuré) de l’acide arachidonique (ARA) et de l’acide docosahexaé- noïque (DHA). Chez l’adulte, la biotransformation de l’ALA en DHA est faible, ce qui rend compte de son caractère indispensable : elle est altérée par un excès d’AG 6 (LA et ARA) ; elle est facilitée par les estrogènes. Ces AG jouent des rôles essentiels, au-delà de leur rôle énergétique, car ils s’incorporent dans les membranes cellulaires, notamment cérébrales, leur haut degré d’insaturation modifie la fluidité membranaire ; ils sont précurseurs de médiateurs chimiques nombreux impliqués dans l’inflammation, l’agrégation plaquettaire, etc. ; ils exercent également un rôle dans la régulation génique via les facteurs de transcription peroxisome proliferator-activated receptor-α PPAR) et sterol regulatory element binding protein SREBP. Si les carences en AGE sont rares, les déficits, notamment in utero et chez le nouveau- né, peuvent altérer les fonctions cognitives et visuelles de l’enfant. Les apports en DHA et en ARA, via l’alimentation maternelle puis le lait maternel, doivent être assurés : les laits infantiles, notamment pour les prématurés, doivent être supplémentés. L’équilibre entre le LA (6) et l’ALA (3) est très important, non seulement parce que les fonctions de ces AGE sont complémentaires et opposées dans de nombreux domaines, mais aussi parce que la conversion des précurseurs en dérivés supérieurs est en compétition car elle fait appel aux mêmes désaturases. Les déficits d’apport en acide eicosapentaénoïque et en DHA ont d’autant plus d’impact qu’il existe un excès de LA : ceci peut exercer des effets négatifs sur la santé. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Acides gras essentiels ; Acide linoléique ; Acide alphalinolénique ; Acide arachidonique ; Acide docosahexaénoïque ; Acides gras polyinsaturés Plan Introduction 1 Nomenclature 2 Acides gras essentiels 2 Définitions 2 Essentialité et carences 2 Métabolisme des acides gras essentiels 4 Absorption et devenir métabolique 4 Conversion des acides gras essentiels 4 Fourniture au tissu cérébral 5 Couverture des besoins en acide docosahexaénoïque chez l’enfant et développement cérébral 6 Rôles physiologiques et effets sur la santé 6 Rôles physiologiques 6 Effets sur la santé 7 Teneurs et sources, apports 7 Teneurs 7 Sources 8 Apports observés 8 Teneur en acides gras du lait maternel 9 Besoins et apports nutritionnels conseillés (ANC) 9 Conclusion 9 Introduction Les acides gras (AG) sont des acides organiques faibles for- més d’une chaîne hydrocarbonée (atomes de carbone porteurs d’atomes d’hydrogène) plus ou moins longue, avec un grou- pement carboxyle (COOH) à une extrémité et un groupement méthyle (CH3) à l’autre extrémité. Ce sont les constituants majeurs des lipides alimentaires. Ceux- ci comprennent les lipides simples tels que les triglycérides (ou triacylglycérol [TAG]) et les diglycérides les plus abondants et représentant 95 à 98 % des lipides alimentaires ingérés, résul- tant de l’action de trois (ou de deux [diglycérides]) molécules d’AG sur les trois fonctions hydroxyles (OH) d’un alcool, le glycé- rol ; les lipides complexes (phospholipides et cholestérol estérifié) comprenant une composante non lipidique. Dans les phospho- lipides, l’AG en position n-3 est remplacé par un groupement phosphoré (acide phosphorique) lui-même lié à un alcool, aminé ou non (choline, serine, inositol, éthanolamine, etc.). Les lipides fournissent donc à l’organisme des AG dont le pre- mier rôle est énergétique. Celui-ci est assuré par tous les AG. Mais la lipogenèse de novo représente une voie endogène de synthèse des AG saturés puis mono-insaturés à partir de l’acétyl-coenzyme A (acétyl-CoA). Les triglycérides sont stockés dans le tissu adi- peux et représentent la forme principale de stockage d’énergie chez les animaux. Les AG exercent également des rôles structu- rels (dans les lipoprotéines et les membranes biologiques) et pour EMC - Endocrinologie-Nutrition 1 Volume 10 > n 2 > avril 2013 http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(13)57973-X

Acides gras essentiels

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Page 1: Acides gras essentiels

� 10-542-F-10

Acides gras essentiels

J.-M. Lecerf

Les acides gras essentiels (AGE) sont des AG indispensables car ils ne peuvent être synthétisés parl’organisme humain. C’est le cas des deux précurseurs : l’acide linoléique (LA) et l’acide alphalinolénique(ALA) ; et chez le nouveau-né (et le prématuré) de l’acide arachidonique (ARA) et de l’acide docosahexaé-noïque (DHA). Chez l’adulte, la biotransformation de l’ALA en DHA est faible, ce qui rend compte deson caractère indispensable : elle est altérée par un excès d’AG �6 (LA et ARA) ; elle est facilitée par lesestrogènes. Ces AG jouent des rôles essentiels, au-delà de leur rôle énergétique, car ils s’incorporent dansles membranes cellulaires, notamment cérébrales, où leur haut degré d’insaturation modifie la fluiditémembranaire ; ils sont précurseurs de médiateurs chimiques nombreux impliqués dans l’inflammation,l’agrégation plaquettaire, etc. ; ils exercent également un rôle dans la régulation génique via les facteurs detranscription peroxisome proliferator-activated receptor-α PPAR) et sterol regulatory element bindingprotein SREBP. Si les carences en AGE sont rares, les déficits, notamment in utero et chez le nouveau-né, peuvent altérer les fonctions cognitives et visuelles de l’enfant. Les apports en DHA et en ARA, vial’alimentation maternelle puis le lait maternel, doivent être assurés : les laits infantiles, notamment pourles prématurés, doivent être supplémentés. L’équilibre entre le LA (�6) et l’ALA (�3) est très important,non seulement parce que les fonctions de ces AGE sont complémentaires et opposées dans de nombreuxdomaines, mais aussi parce que la conversion des précurseurs en dérivés supérieurs est en compétitioncar elle fait appel aux mêmes désaturases. Les déficits d’apport en acide eicosapentaénoïque et en DHAont d’autant plus d’impact qu’il existe un excès de LA : ceci peut exercer des effets négatifs sur la santé.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Acides gras essentiels ; Acide linoléique ; Acide alphalinolénique ; Acide arachidonique ;Acide docosahexaénoïque ; Acides gras polyinsaturés

Plan

■ Introduction 1■ Nomenclature 2■ Acides gras essentiels 2

Définitions 2Essentialité et carences 2

■ Métabolisme des acides gras essentiels 4Absorption et devenir métabolique 4Conversion des acides gras essentiels 4Fourniture au tissu cérébral 5Couverture des besoins en acide docosahexaénoïquechez l’enfant et développement cérébral 6

■ Rôles physiologiques et effets sur la santé 6Rôles physiologiques 6Effets sur la santé 7

■ Teneurs et sources, apports 7Teneurs 7Sources 8Apports observés 8Teneur en acides gras du lait maternel 9Besoins et apports nutritionnels conseillés (ANC) 9

■ Conclusion 9

� IntroductionLes acides gras (AG) sont des acides organiques faibles for-

més d’une chaîne hydrocarbonée (atomes de carbone porteursd’atomes d’hydrogène) plus ou moins longue, avec un grou-pement carboxyle (COOH) à une extrémité et un groupementméthyle (CH3) à l’autre extrémité.

Ce sont les constituants majeurs des lipides alimentaires. Ceux-ci comprennent les lipides simples tels que les triglycérides (outriacylglycérol [TAG]) et les diglycérides les plus abondants etreprésentant 95 à 98 % des lipides alimentaires ingérés, résul-tant de l’action de trois (ou de deux [diglycérides]) moléculesd’AG sur les trois fonctions hydroxyles (OH) d’un alcool, le glycé-rol ; les lipides complexes (phospholipides et cholestérol estérifié)comprenant une composante non lipidique. Dans les phospho-lipides, l’AG en position n-3 est remplacé par un groupementphosphoré (acide phosphorique) lui-même lié à un alcool, aminéou non (choline, serine, inositol, éthanolamine, etc.).

Les lipides fournissent donc à l’organisme des AG dont le pre-mier rôle est énergétique. Celui-ci est assuré par tous les AG. Maisla lipogenèse de novo représente une voie endogène de synthèsedes AG saturés puis mono-insaturés à partir de l’acétyl-coenzymeA (acétyl-CoA). Les triglycérides sont stockés dans le tissu adi-peux et représentent la forme principale de stockage d’énergiechez les animaux. Les AG exercent également des rôles structu-rels (dans les lipoprotéines et les membranes biologiques) et pour

EMC - Endocrinologie-Nutrition 1Volume 10 > n◦2 > avril 2013http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(13)57973-X

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certains des rôles fonctionnels. Les phospholipides et principa-lement les lécithines (diacyl-glycéro-phospho-choline) sont deslipides de structure, constituants des membranes cellulaires et res-ponsables de leur fluidité, et des liquides biologiques tels que lesurfactant. Le cholestérol libre a des rôles structurels également auniveau des membranes cellulaires et des lipoprotéines, et il est leprécurseur de la synthèse des hormones stéroïdes, de la 25 OHD3et des acides biliaires.

L’alimentation fournit environ 80 g/j de triglycérides (accom-pagnés souvent de diglycérides, de composés mineurs des graisseset huiles, 1 à 5 g/j) ; 2 à 10 g de phospholipides ; 0,1 à 0,5 g de cho-lestérol estérifié, auxquels il faut ajouter les esters des vitaminesliposolubles et quelques galactolipides végétaux.

� NomenclatureLes AG sont décrits selon plusieurs critères : leur nombre

d’atomes de carbone (C), leur nombre de doubles liaisons ou degréd’insaturation (y) et la position de la première double liaison (z),indiquée chez les physiologistes à partir du groupement CH3 ter-minal, selon la formule suivante C : y n-z. Ainsi, l’acide oléiques’écrit C18 : 1n-9 ; il possède 18 atomes de carbone, une doubleliaison située après le neuvième atome de carbone à partir del’extrémité méthyle. Les chimistes comptent les doubles liaisonsà partir du groupement COOH.

Les AG comportent trois classes, les AG saturés (pas de doubleliaison) les AG mono-insaturés (en n-9 ou en n-7) et les AG polyin-saturés (AGPI) (plus d’une double liaison). Ils sont parfois appelésAG polyéthyléniques ou polyènes. On parle d’AGPI à longuechaîne (LC) à partir de 18 C. Les AGPI comportent deux familles,les n-6 (ou oméga 6 ou �6) et les n-3 (ou oméga 3 ou �3) dont lespremières doubles liaisons sont respectivement après le sixièmeet le troisième atome de carbone à partir du groupement méthyleterminal, inclus. Les autres doubles liaisons se déduisent de la pre-mière car elles sont séparées par un groupement méthylène et sesuccèdent tous les 3 C.

Deux isoméries sont à prendre en considération :• l’isomérie géométrique, c’est-à-dire la configuration de la

double liaison : lorsque les deux parties de la molécule (et de cefait les deux hydrogènes) sont chacune situées du même côtépar rapport à la double liaison, on parle de configuration cis.Lorsqu’elles sont de part et d’autre, et donc opposées, on parlede forme trans ;

• l’isomérie de position ; il s’agit d’AG ne différant que par la posi-tion de la première double liaison (et donc des autres). Ainsi,l’acide gammalinolénique (GLA) C18 : 3n-6 est un isomère deposition de l’acide alphalinolénique (ALA) C18 : 3n-3. Apparte-nant à deux familles distinctes, ils ont des rôles physiologiquestotalement différents.L’oxydation des AG peut conduire à la migration des doubles

liaisons. Migration des doubles liaisons et isomérie géométriqueconduisent à des isomères de l’acide linoléique appelés acideslinoléiques conjugués (CLA), tel l’acide ruménique.

� Acides gras essentielsDéfinitions

Un acide gras est dit essentiel (AGE) quand il est essentiel dansla pérennité d’une fonction biologique, à quelque niveau que cesoit (structure, biochimie, physiologie, fonctions éventuellementsupérieures).

Un acide gras est dit indispensable lorsqu’il ne peut êtresynthétisé, dans une espèce donnée, par l’organisme (ni parla flore digestive) et doit donc être apporté par l’alimentationcar il est rigoureusement requis pour la croissance normale etles fonctions physiologiques des cellules. Seuls les AGPI sontindispensables.

La première double liaison de l’acide linoléique (LA) et de l’ALAsituée respectivement à 6 C (n-6) et 3 C (n-3) ne peut être insé-rée chez l’homme et l’animal. Or, le LA et l’ALA sont synthétiséschez les végétaux à partir de l’acide oléique par les �12 et �15

désaturases. Chez l’homme, ils sont donc strictement indispen-sables. L’homme et les animaux peuvent ensuite convertir ces AGindispensables en AG dérivés supérieurs, qui sont eux considéréscomme « conditionnellement » indispensables.

L’ensemble des AG strictement indispensables + condition-nellement indispensables constitue les AGE.

Ces définitions ont beaucoup évolué depuis l’époque où seulle LA, appelé vitamine F [1], était considéré comme strictementindispensable ; puis l’ALA à partir des années 1980 ; aujourd’hui,l’acide docosahexaénoïque (DHA) l’est aussi, tandis que l’acidearachidonique (ARA) reste conditionnellement indispensable.

Essentialité et carencesL’essentialité d’un nutriment est attestée par le fait que son

absence d’apport engendre des symptômes carentiels qui sontréversibles lors de la supplémentation.

Signes biologiques d’une carence en acides grasessentiels

En cas de carence en AG indispensables, les taux plasmatiques ettissulaires diminuent, notamment ceux de DHA. Le déficit en LAs’accompagne d’une augmentation de la concentration en acidepalmitoléique (C16 : 1n-7), en acide oléique (C18 : 1n-9) et surtouten acide eicosatriénoïque (ETA) (C20 : 3n-9) formé à partir du pré-cédent, tandis que celles du LA, du GLA et de l’ARA diminuent.Ainsi, le rapport ETA/ARA dans les phospholipides sériques, définipar Holman, s’élève : au-delà de 0,4, il témoigne d’une carence,entre 0,1 et 0,4, il doit être discuté. Plus il est faible, meilleur estle statut en LA.

Acide linoléiqueC’est entre 1927 et 1930 que les Américains Burr et Burr [2]

ont publié leurs travaux expérimentaux chez l’animal montrantqu’il ne pouvait pas vivre longtemps en l’absence de LA dans lesgraisses de son alimentation. Ils s’inspirèrent des travaux d’Evans,découvreur de la vitamine E, pour concevoir des régimes semi-synthétiques totalement dépourvus de lipides, et mirent alorsen évidence chez le rat l’action curative de certains AG insatu-rés sur la dégénérescence hépatique, avec stéatose, provoquée parune carence totale en corps gras. En 1929, Burr et Burr décriventchez le jeune rat des symptômes de carence, retard de croissance,chute de poids, nécrose de la queue, dessèchement de la peauavec desquamation, dermatite et parakératose, nécrose rénale avechémorragies et lésions des tubules rénaux, fragilité capillaire, sen-sibilité aux infections. Chez le mâle, on note une stérilité avecarrêt de la spermatogenèse ; chez la femelle, les cycles deviennentirréguliers, la durée de la gestation augmente, voire une stérilitéapparaît ainsi qu’un défaut de lactation. Chez les nouveau-nés,des hémorragies surviennent à la naissance, ainsi qu’une morti-natalité importante. L’addition de LA à la ration de ces animauxcarencés corrigeait totalement ces symptômes à hauteur de 1,0à 1,5 % des calories totales ingérées. Un autre AGPI identifié àl’époque, l’ALA, issu de la série n-3, ne pouvait faire disparaîtrecomplètement les symptômes les plus graves de la carence [3, 4].

Chez l’homme, l’essentialité du LA a été démontrée à partirdes années 1950 et par les travaux menés pendant 30 ans parHansen. Dès 1944, il montrait que des lésions cutanées observéeschez un nourrisson présentant une ascite chyleuse (associée à unemalabsorption) étaient réversibles sous huile de maïs. Hansen [5]

a ensuite démontré, sur des nourrissons de 2 semaines à 12 mois,qu’un régime à base de lait en poudre entraînait une diminutiondu gain de poids, une kératinisation de la peau, des lésions eczé-mateuses et une perte de cheveux, réversibles avec un apport deLA compris entre 0,5 et 1 % de l’apport énergétique total (AET).

En 1985, Hansen [6] montrait le point d’impact du LA : les O-linoleyl céramides de la peau qui modulent la perméabilité à l’eaude la barrière épidermique en régulant l’activité protéine kinase(PKc) des kératinocytes. Plus récemment, il a été montré que c’estun dérivé hydroxylé du LA, le 13-HODE, qui inhibe la PKc-�,conduisant à inhiber la prolifération épidermique.

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Acides gras essentiels � 10-542-F-10

Le caractère réellement indispensable des AGPI �6 n’a été admispour l’homme qu’au début des années 1960 après que certainsdes symptômes caractéristiques d’une déficience globale en AGPIdécrits chez l’animal furent retrouvés chez l’homme adulte ali-menté par voie parentérale avec des préparations alimentairesdépourvues de lipides (eczéma, lésions cutanées) et chez l’enfantnouveau-né allaité artificiellement avec des laits infantiles dépour-vus de toute graisse alimentaire (dessèchement et épaississementde la peau, desquamation) [7]. Une fois de plus, le LA fut reconnucomme le seul AG indispensable car son addition dans l’alimentlacté à raison de 1 % des calories totales faisait rapidement dispa-raître les symptômes chez les enfants allaités. Les besoins en LAsont aujourd’hui revus à la baisse car ils ont été déterminés avecdes régimes également totalement dépourvus en AGPI �3. Cer-taines données recueillies chez des nourrissons nourris avec deslaits à base de matière grasses laitières contenant moins de 0,6 %de LA et de 0,3 % d’ALA montrent en effet l’absence de signesévidents de carence chez ces enfants [8].

Acide alphalinoléniqueUn rôle physiologique spécifique des AGPI �3, distinct de celui

des AGPI �6, a été envisagé vers les années 1970. Entre les années1975 et 1990, on a montré qu’une déficience alimentaire en ALA,portant sur plusieurs générations, entraînait des anomalies de lavision (diminution de l’acuité visuelle et de l’amplitude de l’ondeb et de l’électrorétinogramme chez le rat et le singe) et cogni-tives appréciées par des études comportementales chez le rongeur(modification des capacités d’apprentissage et d’exploration,etc.).

En 1982, Holman [9] publia le cas princeps de la carence enALA chez l’homme avec le cas d’une fillette de 6 ans soumiseaccidentellement pendant 4 à 5 mois, du fait d’une résec-tion intestinale étendue, à une alimentation parentérale totaleapportant une émulsion riche en LA (75 %) mais pratiquementdépourvue d’ALA : un syndrome neurologique représenté par unefaiblesse généralisée, des paresthésies, une difficulté à marcheravec une altération de la propagation de l’influx nerveux, associéà une faible teneur sérique en DHA est apparu. Ces symptômes,et le statut plasmatique en DHA, ont été corrigés en quatremois après remplacement de l’émulsion par une préparation àbase d’huile de soja, apportant l’ALA à hauteur de 0,54 % del’AET.

Ce n’est que quelques années plus tard, chez l’enfant nouveau-né, prématuré et à terme, qu’a été mis en évidence le fait quela consommation de laits infantiles, pauvres en AGPI �3 totaux,formulés exclusivement avec de l’huile de maïs, conduisait à unediminution de la concentration en DHA dans les membranesérythrocytaires et à un retard dans le développement de leurs fonc-tions visuelles comparativement à des enfants allaités au sein. Unapport équilibré en ALA permettait alors de corriger ces atteintesneurosensorielles [10].

D’autres cas de déficience en ALA ont été décrits chez despatients adultes nourris par sonde gastrique pendant plusieursannées avec des préparations pauvres en �3 (< 0,03 % d’ALA) [11].La supplémentation des préparations avec de l’ALA (> 0,3 % del’AET) faisait rapidement disparaître les symptômes cutanés (der-matoses squameuses) et normalisait le statut sanguin en �3 dansle plasma et les globules rouges (ALA, acide eicosapentaénoïque[EPA], DHA). Cependant, l’introduction simultanée de LA danscette étude n’a pas permis d’affirmer catégoriquement le caractèreindispensable de l’ALA [12].

Dans les années 1990, la détermination spécifique des besoinsen ALA a été affinée sur des modèles animaux en se référant à lateneur membranaire optimale en DHA atteinte par accroissementde l’apport alimentaire. En prenant en compte les teneurs céré-brales chez le rat en croissance [13], et en réalisant la comparaisonavec les données cliniques, il a été déterminé que 0,4 % de l’AETétait la valeur minimale de l’apport en ALA permettant d’éviterune carence chez l’homme.

Acide docosahexaénoïqueDès 2003, Cunnane [14] indiquait qu’il fallait considérer le DHA

C22 : 6n-3 comme indispensable. Une diminution de la teneur

en DHA dans les tissus nerveux du nouveau-né chez le rat et lesinge, consécutive à une déficience dans l’alimentation maternelleau cours du développement fœtal et postnatal, s’accompagned’une altération de la vision (électrorétinogramme modifié, acuitévisuelle réduite) et du comportement (réduction des capacitésd’apprentissage, d’exploration, de discrimination). Ceci a étéd’abord démontré chez le nourrisson [10]. En effet, le statut cor-porel (sang, cortex cérébral) en DHA des enfants allaités avecdes formules n’apportant que de l’ALA est inférieur à celuides enfants nourris au sein ou avec des formules spécifique-ment enrichies en DHA. Le caractère indispensable d’un AGdépend de sa capacité à être naturellement synthétisé, et soncaractère essentiel de l’existence de symptômes carentiels en casde défaut d’apport. Concernant le DHA, sa synthèse est limi-tée chez le fœtus humain, notamment dans le cerveau. Lesenzymes nécessaires sont de faible activité chez le fœtus, lenouveau-né et dans le placenta [15] et une supplémentation enALA ne permet pas d’améliorer le statut en DHA du nouveau-né contrairement à la supplémentation en DHA [16]. Chez lenourrisson, un apport alimentaire en ALA augmenté d’un fac-teur de 2 à 3 ne permet pas d’augmenter suffisamment lesteneurs plasmatiques et tissulaires en DHA, mais provoque aucontraire l’accumulation d’acide docosapentaénoïque (DPA) sug-gérant un défaut métabolique des dernières étapes de biosynthèsedu DHA [17]. Un allaitement artificiel avec des laits non supplé-mentés entraîne une diminution significative du contenu en DHAplasmatique et érythrocytaire mais également une plus faibleconcentration en DHA cérébral par rapport aux enfants allaités ausein [18].

L’accumulation d’AGPI-LC commence dès le dernier trimestrede grossesse pendant lequel il s’accumule dans le cerveau, lesmuscles et le tissu adipeux du fœtus, de sorte que les prématu-rés ont un statut plus faible car ils n’ont pas bénéficié des apportsde fin de grossesse [19]. L’analyse du contenu cérébral des enfantsnés avant 33 semaines de gestation montre un taux de DHA cor-tical sensiblement plus bas (−40 %) que celui des enfants nés àterme [20]. Les études d’observation ont montré une corrélationpositive entre le taux de DHA du lait maternel et le dévelop-pement de la vision au cours de la première année de vie dunourrisson allaité [21]. Une étude a montré que des enfants ayantrecu une formule (lait infantile) standard ont une acuité visuellesignificativement plus faible que celle des enfants ayant recu uneformule enrichie en DHA seul ou du DHA + ARA pendant 17semaines [22].

Bien que les études cliniques randomisées ne soient pas toujourspositives, l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) [23]

a rendu un avis positif sur le fait qu’une supplémentation en DHAchez la mère soutient le développement mental et intellectuel dufœtus et des enfants nourris au sein.

Acide arachidoniqueD’une part les taux de conversion du LA en ARA (comme ceux de

l’ALA en DHA) sont relativement faibles, d’autre part il a été misen évidence que ARA était plus efficace que le LA pour corrigerles symptômes d’une carence en AGPI �6. En effet, c’est l’ARAqui est à l’origine de la production des prostaglandines (PG) de lasérie 2.

Le lait maternel contient toujours de l’ARA et ceci de facon rela-tivement constante quelles que soient l’origine géographique etla nutrition de la mère. Bien que les enfants prématurés soientcapables de synthétiser du DHA (faiblement) et de l’ARA à par-tir des précurseurs (ALA et LA respectivement), des formules necontenant que les précurseurs engendrent un statut moins bonen ARA chez les nourrissons. L’adjonction d’AGPI-LC �3 sansadjonction concomitante d’ARA conduit à une réduction du sta-tut en ARA chez les enfants prématurés ou nés à terme [10, 24]. Danscertaines études, la baisse du statut en ARA était associée à uneréduction de la croissance staturopondérale. De même, une sup-plémentation simultanée en ARA (et en DHA) serait nécessairepour un développement psychomoteur normal de l’enfant.

L’ARA serait donc indispensable chez le nouveau-né, et seule-ment conditionnellement indispensable au-delà.

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16 : 0 16 : 1 16 : 2 18 : 2 18 : 3 20 : 3 20 : 4 n-7Δ9 Δ6 Δ5 Δ6ε ε

18 : 2 18 : 3 20 : 3 20 : 4 22 : 4 22 : 5 n-6Δ6 Δ5

Δ6

ε ε

ε18 : 3 18 : 4 20 : 4 20 : 5 22 : 5 22 : 6 n-3

Δ6 Δ5ε

18 : 0 18 : 1 18 : 2 20 : 2 20 : 3

24 : 4 24 : 5

24 : 6

n-9Δ9

Δ12

Δ6 Δ5

Δ6

ε

Δ15

ANIMAUX, VEGETAUXBACTERIES AEROBIES

VEGETAUX

ANIMAUX

Δ = désaturas e ε = elongas e

24 : 5

Figure 1. Biosynthèse des acides gras insaturés, famille d’acides gras. � : désaturase ; � : élongase.

� Métabolisme des acides grasessentielsAbsorption et devenir métabolique

Les lipides alimentaires sont ingérés sous formes de triglycé-rides, de phospholipides et de cholestérol estérifié, sont hydrolysésdans l’intestin par la lipase pancréatique, conduisent à la forma-tion de deux monoglycérides et d’AG libres. Ils sont pris en chargedans l’entérocyte par des transporteurs, resynthétisés sous formede triglycérides, empaquetés grâce à la microsomial transfert pro-tein (MTP) avec de l’apolipoprotéine B48, du cholestérol estérifié,dans des vésicules conduisant à la formation des chylomicrons :ceux-ci vont véhiculer les triglycérides à chaîne longue par voielymphatique jusqu’à la veine sous-clavière puis dans la circula-tion générale jusqu’au niveau du foie, après hydrolyse partielledes triglycérides par la lipoprotéine lipase, ce qui les transformeen chylomicrons remnants. Au niveau hépatique mais égalementau niveau du tissu nerveux, les AG indispensables, le LA etl’ALA, subissent des transformations (élongation et désaturation)conduisant aux dérivés supérieurs (GLA, ARA et EPA-DPA-DHA).L’ensemble des AG alimentaires et issus de la biotransformationest exporté avec les very low density lipoproteins (VLDL) sous formede triglycérides et de phospholipides. Ils sont incorporés dans lesmembranes biologiques, tissus et liquides biologiques sous formede triglycérides (tissu adipeux, lait maternel) ou dans les phospho-lipides membranaires.

Dans les chylomicrons, la position de l’acide gras en position2 des triglycérides resynthétisés est identique dans 75 % des casà celle des triglycérides alimentaires. De même, les AG en posi-tion sn-2 des phospholipides sont incorporés en cette positiondans les tissus. Or, les AG positionnés en sn-2 dans les phospho-lipides sont davantage insaturés. De plus, l’incorporation des AGdans certains tissus et dans le cerveau est plus efficace sous formede phospholipides que sous forme de triglycérides. Enfin, en casd’apport élevé simultané en calcium, les AG en position 2 et 3 libé-rés dans l’intestin forment des savons et sont éliminés, ce qui peutmodifier la biodisponibilité des AG lorsqu’il s’agit d’AG saturés.

Au niveau des tissus de réserve, les AG sont libérés des trigly-cérides sous l’action de lipases ; au niveau des membranes, ilssont libérés des phospholipides par des phospholipases A2, ce quipermet alors l’action des oxygénases, lipo-oxygénases (LOX) etcyclo-oxygénases conduisant aux eicosanoïdes, leucotriènes et PGrespectivement. Un autre devenir des AGE est la �-oxydation : lecatabolisme est ainsi le principal devenir métabolique du LA et de

l’ALA. En effet, ils sont activement dégradés (à plus de 50 %) parla �-oxydation (mitochondriale essentiellement, mais pour 10 %peroxysomale). Cette voie métabolique de recyclage des atomes decarbone est ainsi quantitativement 200 fois plus importante quela voie de la bioconversion qui conduit à la synthèse de DHA [25].L’oxydation du C18 : 3n-3 conduirait ainsi à la production hépa-tique élevée d’acétyl-CoA et de corps cétoniques, activement etspécifiquement recyclés dans les voies de néosynthèse cérébraledes AG non indispensables saturés et mono-insaturés et du cho-lestérol, notamment en cours de la phase de myélinisation [26]. Cedevenir métabolique est une voie constitutive de première impor-tance car elle est maintenue même en situation de déficiencealimentaire en ALA [27].

Conversion des acides gras essentiels (Fig. 1)

Les végétaux sont non seulement capables de synthétiser duC18 : 2n-6 à partir du C18 : 1n-9 avec une �12 désaturase maisaussi de synthétiser du C18 : 3n-3 à partir du C18 : 2n-6 avecune �15 désaturase. Les animaux, eux, ne peuvent insérer unedouble liaison en n-6 sur l’acide oléique et en n-3 sur le LA, cequi explique le caractère indispensable du LA et de l’ALA. Chezl’homme, LA et ALA vont être à l’origine de deux voies indépen-dantes (ce qui explique l’absence de passage d’une voie à l’autre)�6 et �3, conduisant aux dérivés supérieurs. Mais dans la mesureoù les enzymes, en particulier les désaturases, sont les mêmes, cesdeux voies sont concurrentes.

Les voies métaboliques de bioconversion des AG figurent surla Figure 1, montrant la succession de désaturases (�6 et �5) etd’élongases. On sait maintenant qu’il n’existe pas de �4 désa-turase et qu’en fait elle est « remplacée » par une élongationsuivie d’une désaturation en �6 puis d’une �-oxydation peroxy-somale conduisant du 24 : 6n-3 au 22 : 6n-3 [28]. Il peut existerune rétroconversion du DHA en EPA si le statut en DHA estsatisfaisant.

La conversion des précurseurs indispensables (LA et ALA) endérivés supérieurs s’effectue par une suite de réactions de désatu-rases qui ajoutent des doubles liaisons sur le segment carboxyle, etdes réactions d’élongation qui allongent la chaîne carbonée à cettemême extrémité. Les étapes les plus limitantes de la biosynthèse deces dérivés sont les désaturases. De plus, les désaturases (�6 et �9désaturases) et les élongases étant communes aux deux famillesd’AGPI (�6 et �3) et même aux deux autres familles �7 et �9 etaux AG trans, il y a compétition de substrat entre ces familles pourla biotransformation des précurseurs en ces AG dérivés supérieurs.

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Chez l’homme, les �6 et �5 désaturases sont codées par deuxgènes fatty acid desaturases, respectivement FAD S1 et FAD S2. Cesdésaturases sont exprimées dans la majorité des tissus humains,avec la plus haute concentration cependant dans le foie et letissu adipeux, puis le cerveau, le cœur, les poumons et en quan-tité minime dans le placenta, le muscle squelettique, le rein, lepancréas et l’utérus gravide.

La conversion des précurseurs en dérivés supérieurs dépenddonc de l’activité de ces enzymes. Chez les félins et félidés, la�6 désaturase est absente, de sorte que ces animaux doivent obli-gatoirement ingérer directement des sources d’ARA (viande) etd’EPA-DHA (poisson) ; les poissons carnivores ont également uneabsence de �6 désaturase et ils doivent donc ingérer d’autrespoissons pour leur fourniture en EPA-DHA, tandis que les pois-sons herbivores sont capables de synthétiser EPA-DHA à partirde l’ALA provenant de sources végétales qui seraient dépourvuesen EPA-DHA : ceci a des conséquences importantes en matièred’aquaculture.

Chez l’homme, la conversion de l’ALA en EPA, DPA et DHA estbeaucoup plus faible qu’on ne le supposait initialement, dix foisplus faible que chez le rat. L’ensemble des résultats indique untaux de conversion de l’ALA en EPA entre 0,2 et 6 %, de l’ALA enDPA entre 0,13 et 6 %, et de l’ALA en DHA entre 0,05 et 1 % [29].

De nombreux facteurs peuvent moduler cette conversion.L’augmentation des apports en ALA accroît la teneur en EPAplasmatique [29–32] et en DPA érythrocytaire [33] mais pas celle enDHA [30]. La conversion de l’ALA en DHA est donc insuffisantepour augmenter la teneur en DHA dans les lipides circulants. Aucontraire, Mantzioris a mis en évidence une relation inverse entreALA alimentaire et DHA [31].

Chez des végétariens, ceci peut avoir des conséquences néga-tives avec un défaut de biotransformation de l’ALA en EPA [34]

puisque l’apport exogène en EPA-DHA est quasi nul ; et la sup-plémentation en ALA sous forme d’huile de lin n’augmente pasde manière significative la teneur en AGPI �3 des lipides circu-lants [35]. Chez les végétariens non consommateurs de poisson,cependant, il semble que la conversion de l’ALA soit accrue avecun rapport précurseur/dérivé plus élevé pour compenser le déficitd’apport [36].

La conversion de l’EPA en DHA est, quant à elle, plus effi-cace à partir de l’EPA d’origine endogène qu’à partir d’EPApréformé (alimentaire), elle-même 3,6 fois plus efficace qu’àpartir de l’ALA [37] chez des nouveau-nés. De même, la supplé-mentation directe en DHA s’avère beaucoup plus efficace quecelle de son précurseur pour augmenter la teneur en DHA duplasma [30].

De nombreux facteurs nutritionnels interviennent dans cettebioconversion. Un apport élevé en AGPI �6 module l’efficacité dela conversion de l’ALA en AGPI �3 par compétition. Emkens [38]

a montré qu’un régime deux fois plus élevé en LA (30/15 g/j)entraînait rapidement (12 j) une teneur plasmatique en AGPI-LC �3 plus faible. Liou [39] a montré que la diminution de lateneur en LA du régime alimentaire d’hommes adultes pendantquatre semaines augmentait la teneur en EPA des phospholipidesdu plasma mais pas celle en DHA. À l’inverse, les DHA et EPAalimentaires réduisent la concentration plasmatique en ARA [30].

Mais la teneur en DHA du régime peut aussi exercer un rôle :ainsi, la consommation de DHA préalable à l’ingestion d’une dosed’ALA influe aussi sur le taux de conversion de l’ALA en DHA : desapports très élevés en DHA réduisent l’incorporation d’EPA et deDHA [41]. L’apport alimentaire en DHA semble inhiber sa propresynthèse à partir de l’ALA [42]. En situation de déficit alimentaireen AGPI �3, la voie de synthèse des AGPI �6 se prolonge jusqu’àla formation d’un dérivé de la série �6 normalement inexistant,le C22 : 5n-6 (DPA).

Si l’ALA aboutit à une faible conversion en EPA et très faibleou nulle en DHA, c’est lié à son utilisation catabolique par la �-oxydation en situation de jeûne et donc de lipolyse, à des finsénergétiques via la stimulation des peroxisome proliferator-activatedreceptor-α (PPAR-�) dont les AGPI sont les ligands activateurs. Dansce cas, les �6 et 5 désaturases sont stimulées pour maintenir unminimum de synthèse des AGPI-LC, ceci apparaissant commeun phénomène compensateur [43]. L’oxydation de l’ALA n’est pascomplète mais peut atteindre 60 % en quelques jours. Le reste est

utilisé comme source d’acétate pour la néosynthèse cérébrale desAG non indispensables (très peu est stocké sous forme de C18 :3n-3) [44], et de cholestérol cérébral. Le mécanisme d’inhibitiondes �5 et �6 désaturases par les AGPI passe par leur effet blo-quant sur la maturation de sterol regulatory element binding protein1c (SREBP1c) [45].

L’équilibre entre PPAR-� (stimulant les �6 et �5 désaturases) etSREPC1 (inhibant les �6 et �5 désaturases) modulé en fonctionde l’état nutritionnel (à jeun ou nourri) et des dépenses énergé-tiques pourrait être déterminant dans la répartition métaboliquede l’ALA vers la voie de conversion ou de �-oxydation.

Les AG trans exercent aussi un effet inhibiteur sur les �5 et�6 désaturases [46]. L’acide myristique augmente in vitro l’activitéde la �6 et de la �5 désaturases [47]. Chez l’homme, en quan-tité modérée, il augmente la quantité de DHA dans les esters decholestérol [48].

À côté de ces facteurs nutritionnels, il existe des facteursmétaboliques et hormonaux. Classiquement, l’âge est un fac-teur d’altération de cette biotransformation, mais ceci n’a pas étéretrouvé dans une étude comparant des sujets de 18 à 29 ans etde 45 à 69 ans [32]. Les désaturases sont insulinosensibles [49] et unecarence en insuline diminue l’expression de l’acide ribonucléiquemessager (ARNm) de la �6 désaturase hépatique, restaurée par untraitement à l’insuline [50], sans effet sur les élongases [51]. Parmi lesfacteurs hormonaux, il faut souligner le rôle des estrogènes, ren-dant compte d’un taux de conversion plus élevé chez la femmeque chez l’homme. Ainsi, pendant la grossesse, parallèlement àl’augmentation de la concentration en estrogènes circulants, lateneur en DHA circulante augmente [29, 52]. Ceci permet de couvrirles besoins élevés en AGPI-LC �3 du fœtus puis du nouveau-néen période périnatale [53], compte tenu de son rôle prépondérantdans le développement cérébral. In vitro, l’estradiol est capablede stimuler la voie de biosynthèse des dérivés supérieurs �3 [54].In vivo chez le rat, cet effet des estrogènes a été confirmé par lamême équipe [55]. Ceci résulterait d’une moindre utilisation chez lafemme des AGPI précurseurs à des fins énergétiques (�-oxydation).Ainsi, chez les femmes ayant de faibles apports en DHA, ceci pour-rait permettre de répondre aux besoins du fœtus.

Enfin, des facteurs génétiques peuvent intervenir ; c’est le casde variants ou de polymorphismes des gènes FAD S1 et FAD S2.La proportion de DHA dans le plasma et le lait maternel chezles femmes homozygotes pour certains allèles mineurs, FAD S1 etFAD S2, est plus basse que chez les femmes homozygotes pour desallèles majeurs [56]. Ceci pourrait affecter la fourniture de DHA àl’enfant pendant la grossesse [57].

Fourniture au tissu cérébralLe cerveau est l’organe le plus riche en lipides après le tissu

adipeux : 50 à 60 % de son poids sec est constitué de lipides, dontenviron 35 % d’AGPI, en majorité des AGPI-LC ; le DHA est l’AGPIle plus abondant dans les membranes cérébrales ; il représenteentre 10 à 15 % en poids des AG totaux dans le cortex cérébral,et plus de 20 % des AG totaux de la rétine d’hommes adultes.En revanche, l’ALA et l’EPA sont présents en très faible quantitédans les membranes cellulaires. Dans le cerveau, la concentra-tion en DHA est plusieurs centaines de fois supérieure à cellede l’EPA. Les AGPI- LC sont présents dans les phospholipides,constituants des membranes, en particulier du tissu nerveux ; ilsreprésentent 25 % du poids du cerveau. Le DHA est particulière-ment abondant dans les segments externes des photorécepteursde la rétine où il peut représenter jusqu’à 50 % des AG totaux, oùil est estérifié en position 2 dans les phospholipides, et dans lesmembranes synaptiques (synaptosomes). Chez l’homme, le DHAest particulièrement abondant dans la phosphatidyléthanolamineet dans la phosphatidylsérine. Pendant la période périnatale,l’accumulation spectaculaire de l’ARA et du DHA dans le cerveaucommence dès la seconde moitié de la grossesse et devient consi-dérable à partir du sixième mois de grossesse [58], puis dans les deuxpremières années de vie [59] : ceci permet de considérer que ce sontdes éléments essentiels pour la maturation du cerveau, périodeoù ont lieu la migration des neurones, la croissance neuritique,l’établissement et la stabilisation des synapses et la myélinisation.

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10-542-F-10 � Acides gras essentiels

L’incorporation du DHA dans le cerveau a été évaluée à 3 mg/jpendant le dernier trimestre de la grossesse et à 5 mg/j pendant lagrossesse. Ainsi, il a été estimé que lors des six premiers mois, lecerveau, qui représente 8 % du poids du corps à cet âge, a cumulé905 mg de DHA depuis la naissance contre 977 mg pour le restede l’organisme [60].

Pendant la vie in utero, le DHA incorporé dans les membranescérébrales provient majoritairement de son transfert transplacen-taire [61] puis, après la naissance, du lait maternel. Dans les deuxcas, ceci dépend donc du DHA maternel.

Couverture des besoins en acidedocosahexaénoïque chez l’enfantet développement cérébral

La concentration maternelle en DHA dans les phospholipidesplasmatiques diminue après l’accouchement [62]. La supplémenta-tion en DHA des femmes allaitantes augmente le contenu en DHAdu lait maternel [63, 64]. À l’inverse, la supplémentation des femmesallaitantes avec de l’ALA augmente la teneur en ALA du lait maispas celle en DHA [65].

Après la naissance, les enfants ont la capacité de synthétiser leDHA et l’ARA à partir de leur précurseur respectif [66], mais l’apporten DHA provient essentiellement du lait maternel [67], dont lateneur en DHA, contrairement à celle de l’ARA, est très variableselon les habitudes de la mère [68]. Elle représente entre 0,17 % et1,0 % des AG totaux. L’augmentation de la teneur en DHA du laitmaternel (mais pas celle en ALA) induit une augmentation de laconcentration plasmatique en DHA chez le nourrisson [69].

Près de 80 % des AGPI déposés chez le fœtus sont accumulésdans le tissu adipeux, soulignant l’importance de la constitutionde ces réserves corporelles au cours du développement in uteropour couvrir une partie des besoins du nourrisson au cours despremiers mois de vie. Les enfants ayant un capital en DHA élevéà la naissance présenteront une diminution limitée de la concen-tration sanguine en cet AGPI, même si leur alimentation apporteexclusivement de l’ALA [10].

Depuis le début des années 1980, plusieurs études ont mis enévidence que des enfants nourris avec des laits infantiles conte-nant uniquement de l’ALA et du LA avaient une concentrationplasmatique en DHA, une acuité visuelle et un développementcognitif plus faibles que ceux des enfants nourris au sein [70]. Desanalyses post mortem, pratiquées chez de jeunes enfants âgésde 2 mois à 1 an et ayant montré que la teneur en DHA ducortex cérébral des enfants nourris avec de tels laits infantilesétait inférieure d’environ 10 à 15 % à celle d’enfants allaités [71],indiquent que, sur le plan de la composition en AG, le cer-veau humain n’est pas protégé, au cours des premiers mois dela vie, d’un apport nul en DHA. De plus, cette teneur réduiteen DHA était associée à une teneur plus élevée en ARA et en22 : 5n-6 [71], indicateur d’un déséquilibre relatif de la balanceALA/LA.

Des études se sont intéressées à l’effet d’une supplémentationen DHA pendant la grossesse sur le développement cérébral del’enfant [72, 73]. Dans l’ensemble, elles indiquent que la concen-tration circulante en DHA de la mère ou du nouveau-né estassociée à un meilleur développement visuel (acuité visuelle etélectrorétinogramme) et cognitif du nourrisson [67]. Des étudesd’observation à long terme indiquent également un effet positifd’un apport adéquat en DHA pendant la grossesse et la lacta-tion sur le développement cognitif pendant l’enfance [71] et surle moindre risque d’un faible quotient intellectuel chez le jeuneenfant [74].

À l’age adulte, il a été montré par l’équipe de Rappaport [75] quele cerveau humain adulte consomme environ 4,6 mg de DHA et17,8 mg d’ARA quotidiennement. L’ALA et le DHA libres (non esté-rifiés) circulant dans le plasma, liés à l’albumine, se dissocientrapidement de l’albumine et entrent dans le cerveau par simplediffusion. Le DHA préformé est ensuite transformé en acyl-CoApar une acyl-CoA synthétase puis estérifié dans les phospholipidesmembranaires. L’ALA, quant à lui, serait majoritairement �-oxydépour la synthèse de novo d’AG saturés et d’AG mono-insaturés et

de cholestérol. Le niveau de synthèse cérébrale de DHA à partir del’ALA reste incertain. Les travaux de Rapoport [75] suggèrent qu’enl’absence d’ALA dans le régime alimentaire du rat, la teneur céré-brale en DHA est maintenue grâce à la conversion de l’ALA enDHA au niveau hépatique, et que la synthèse cérébrale de DHAserait négligeable.

� Rôles physiologiques et effetssur la santéRôles physiologiques

Les AGPI essentiels ont cinq fonctions spécifiques qui serajoutent à leur rôle de source énergétique, comme tous les AG : ilssont de ce point de vue de très bons substrats pour la �-oxydation,ce qui peut concurrencer leur rôle dans leurs fonctions essen-tielles.

Fonction structurale et processus membranairesSous forme de phospholipides, les AGPI sont des constituants

universels des membranes biologiques dont ils modulent la flui-dité et l’activité des protéines qu’elles contiennent (enzymes,récepteurs, transporteurs, etc.). La bicouche lipidique des mem-branes présente une structure asymétrique et hétérogène, danslaquelle les phospholipides s’accumulent de facon différentielle :le feuillet interne est plus riche en phosphatidylcholine et ensphingomyéline alors que le feuillet externe est principalementcomposé de phosphatidyléthanolamine et de phosphatidylsérine.De plus, la membrane plasmique présente des microdomaines spé-cifiques, riches en cholestérol, en sphingomyéline et pauvres enDHA, appelés radeaux lipidiques ou rafts [76]. Ces rafts sont associésà certaines protéines du cytosquelette et forment des structuresrigides qui facilitent l’activité de certaines protéines ingérées [77].Le nombre d’insaturations d’un acide gras étant lié à sa flexibilité,un domaine membranaire contenant des phospholipides richesen DHA présente un moindre degré d’organisation et donc uneplus grande fluidité membranaire [78]. Le DHA peut favoriser parexemple l’activation de protéines membranaires dans le photoré-cepteur rétinien comme la rhodopsine et changer la conformationdu photopigment [79]. Il peut modifier l’activation de la PKc impli-quée dans les voies de signalisation. On peut aussi citer le rôlemajeur du DHA dans la modulation de la transmission monoami-nergique au niveau des synapses [80].

Rôle fonctionnel – Précurseurs de médiateurs(Fig. 2)

Les AGPI en position sn-2 peuvent être libérés des phos-pholipides membranaires par l’activation de phospholipases A2.L’isoforme cytosolique cPLA2, activée par le calcium, est spéci-fique de la libération de l’ARA, alors que l’isoforme cytosoliquedes PLA2 indépendante du calcium, iPLA2, libère spécifiquementle DHA. La majorité des AGPI libérés sont réincorporés dans lesphospholipides et seule une petite proportion des AGPI libresest oxydée et convertie en médiateurs oxygénés cycliques, oulinéaires. Les AGPI libres sont de puissants régulateurs des canauxioniques et modulent les propriétés d’ouverture des canauxK+ voltage-dépendants, influencant l’excitabilité neuronale en laréduisant. Les médiateurs oxygénés jouent le rôle de messagerscellulaires dans tout l’organisme.

Trois AGPI à 20 atomes de carbone, l’acide dihomo-gamma-linolénique ou DIGLA, l’AA et l’EPA peuvent conduire à laformation de ces médiateurs appelés ici eicosanoïdes, selon deuxvoies métaboliques distinctes : la voie des cyclo-oxygénases (ouCOX : COX1 et COX2) générant des endoperoxydes (PGH2 etPGH3) conduisant aux prostanoïdes : PG, prostacyclines (PGI),et les thromboxanes (TX) : les séries 1, 2 et 3 des prostanoïdesdérivent respectivement du C20 : 3n-6 (DIGLA), du C20 : 4n-6(TXA2-PGI2-PGF2� - PGF2), et du C20 : 5n-3 (TXA3-PGI3-PGF3�-PGF3) ; la voie de la 5-LOX générant des hydroperoxydes (5-HPETEet 5-HPEPE) conduisant aux leucotriènes (LT) : les séries 3, 4et 5 des LT dérivent respectivement du DIGLA, de l’ARA et de

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Eicosanoïdes n-6 Eicosanoïdes n-3

DIGLAProstanoïdes série 1Leucotriènes série 3

ARA

EPA

DHA

Prostanoïdes série 3Leucotriènes série 5

Acides gras hydroxylésRésolvines

RésolvinesNeuroprotectines

Prostanoïdes série 2Leucotriènes série 4

Acides gras hydroxylés

Figure 2. Métabolisation des acides gras polyinsaturésen médiateurs chimiques. DIGLA : acide dihomo-gamma-linolénique ; EPA : acide eicosapentaénoïque ; ARA : acidearachidonique ; DHA : acide docosahexaénoïque.

l’EPA. Il existe aussi des voies enzymatiques de 8-, 12- et 15-LOXconduisant aussi à la formation d’hydroperoxydes d’AG. Enfin,l’action séquentielle des 15- et 5-LOX sur l’ARA conduit à la syn-thèse de lipoxine A4.

Ces médiateurs oxygénés modulent de très nombreuses fonc-tions cellulaires produisant, selon la famille, des effets tantôtcomplémentaires, tantôt opposés : pro-inflammatoires (�6) ouanti-inflammatoires (�3), pro- ou antioxydants, pro- ou antiapop-totiques ; proagrégantes (�6) avec le TXA2, ou antiagrégantes (�3).Chaque tissu possède l’équipement enzymatique conduisant àla synthèse spécifique de l’une ou de l’autre de ces molécules.Ainsi, à partir de l’ARA, les plaquettes synthétisent le TXA2 grâceà l’activité TX synthase, tandis que les cellules de l’endothéliumvasculaire possèdent une PG synthase et une PGI synthase leurpermettant de synthétiser la PGE2 et la PGI2. Sont égalementrégulés par les eicosanoïdes l’activité du système immunitaire [81],l’activité neuronale et l’inflammation au niveau du système ner-veux central [82]. L’EPA et le DHA limitent la conversion de l’ARAen dérivés pro-inflammatoires [83]. Le rapport DHA/ARA dans lesmembranes cellulaires, modulé par l’apport alimentaire en cesdeux AG et leurs précurseurs, joue donc un rôle important dansl’inflammation au niveau systémique et au niveau cérébral.

Par exemple, PGE2 issu de l’ARA induit la production dela cytokine pro-inflammatoire interleukine-6 (IL-6) dans lesmacrophages, et LTB4 également issu de l’ARA est un agent chi-miotactique pour les leucocytes et un activateur des neutrophiles,conduisant ainsi à la production de cytokines inflammatoirestelles que tumor necrosis factor (TNF�), IL-1�, IL-6 par les macro-phages [84] ; alors que LTB5 issu de l’EPA est un agent dix à 100 foismoins chimiotactique pour les neutrophiles que LTB4.

ARA et EPA interviennent aussi sur la croissance et la différencia-tion cellulaire, y compris adipocytaire [85], de facon opposée, l’ARAla stimulant, l’EPA l’inhibant. Les mécanismes d’action des eico-sanoïdes reposent le plus souvent sur des récepteurs couplés auxprotéines G, puis sur l’adénosine monophosphate (AMP) cyclique,les cascades de la protéine kinase A et la mobilisation du calcium.

Le DHA est aussi à l’origine d’autres dérivés oxygénés appelésdocosanoïdes dont la neuroprotectine D1

[86] formée sous l’effetde la 5-LOX, lui conférant des fonctions spécifiques dans le cer-veau. La neuroprotectine D1 a des effets anti-inflammatoires eninhibant l’infiltration des leucocytes [84] et est également impli-quée dans les processus d’apoptose [87]. Il faut également citer lesrésolvines issues de l’action de COX2 et de 5-LOX sur l’EPA (résol-vines séries E) et sur le DHA (résolvines séries D). Enfin, il existedes dérivés d’un processus de peroxydation non enzymatiquesde l’ARA, les isoprostanes, et du DHA, les neuroprostanes. Ils ontun large spectre d’activités biologiques. Les isoprostanes sont desmarqueurs du stress oxydant cellulaire [88].

Régulation génique (Fig. 3)

Les AGPI sont aussi régulateurs de nombreux gènes parl’intermédiaire de facteurs de transcription comme les PPAR-�qui modulent, en les stimulant, l’expression de nombreux gènesimpliqués dans le métabolisme lipidique et dans la �-oxydation

au niveau hépatique ; ou les SREBP qui modulent, en les inhibant,l’expression des gènes impliqués dans la lipogenèse. Les fonctionsdes AGPI sur la �-oxydation, et sur la lipogenèse, expliquent lespropriétés hypolipémiantes des AGPI et sont impliquées dans lesyndrome métabolique et l’obésité. Rappelons que les �5 et �6désaturases sont induites à la fois par les facteurs de transcriptionde la voie lipogénique (tels que SREBP1 C) et par ceux de la voieoxydative tels que PPAR-�, le tout pour maintenir une productionsuffisante de dérivés supérieurs, et un niveau d’insaturation élevédans les phospholipides membranaires [89], quel que soit le statuténergétique [43]. Les AGPI régulent aussi le retinoid X receptor (RXR),le liver X receptor (LXR) et le farnesoid X receptor (FXR).

Au niveau cérébral, des AGPI-LC �3 régulent aussi l’expressionde gènes impliqués dans la neurotransmission [90], et l’inflam-mation comme le facteur de transcription NF-�B, rendant compteen partie de leur intérêt dans la prévention de la dégénéres-cence maculaire liée à l’âge via un effet anti-inflammatoire [91]. Ilsrégulent aussi l’expression de gènes codant certaines protéines ducytosquelette (�-tubuline) ou des protéines contrôlant la plasti-cité synaptique, ainsi que la synthèse du brain derived neurotrophinfacts (BDNF) [92], facteur neurotrophique impliqué dans la plasti-cité cérébrale. Enfin, la neuroprotectine D1, dérivé oxygéné duDHA, augmenterait l’expression du gène Bcl-2 antiapoptotique etdiminuerait celle du gène Bad (proapoptotique).

À part, soulignons le rôle de l’ARA comme précurseur del’anandamide (arachidonyléthanolamine) et du 2-arachidony-glycérol, agonistes des récepteurs CB1, tandis que les AGPI-LC�3 en sont des compétiteurs : dans le cerveau des souris, un défi-cit en AGPI �3 élève, et un enrichissement en AGPI �3 réduit,la concentration en 2-arachidonylglycérol [93]. Or, les récepteursCB1 sont impliqués dans la stimulation de la prise alimentaire etl’inhibition de la lipolyse.

Effets sur la santéLes effets des AGPI, en particulier les AG essentiels, sont

considérables compte tenu de leurs rôles physiologiques et deleur ubiquité. Leur rôle structurel lié à leur présence dans lesmembranes cellulaires de tous les tissus, en particulier dans letissu cérébral et rétinien, leur rôle fonctionnel comme précur-seurs de médiateurs chimiques (prostanoïdes, docosanoïdes, etc.)ayant des fonctions essentielles sur l’inflammation, l’agrégation,etc., leur rôle dans la régulation génique dans le métabolismeexpliquent la diversité de leurs effets physiologiques et le nombred’organes et de fonctions concernés [94] ainsi que leur rôle dans denombreuses pathologies [95].

� Teneurs et sources, apportsTeneurs

Les sources d’AGPI et plus particulièrement d’AGE sont mul-tiples. Il faut distinguer les teneurs des sources. La teneur enAGE des produits végétaux dépend de facteurs climatiques et

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À jeun État nourri

ALA

Insuline

Lipogenèse

EPA-DHA

+ –

+ +

++Δ5 e t Δ6 désaturases

β-oxydationmitochondriale

PPAR-α SREBP1C

Figure 3. Double régulation des �5 et �6 désaturases parperoxisome proliferator-activated receptor-α (PPAR-�) et sterolregulatory element binding protein 1c (SREBP1c). ALA : acidealphalinolénique ; EPA : acide eicosapentaénoïque ; DHA : acidedocosahexaénoïque.

Tableau 1.Teneur en acides gras essentiels de différents aliments.

Acide linoléique : teneur les plus élevées

Huiles tournesol, maïs, soja, carthame, noix, arachide, olive,argan, etc.

Graines dont sont tirées ces huiles

Margarines issues de ces huiles

Viandes (porc, volaille, etc.), charcuterie, œufs

Acide alphalinolénique : teneurs les plus élevées

Huiles de lin, colza, germe de blé, noix, soja, périlla, cameline

Graines dont ces huiles sont issues

Margarines issues de ces huiles

Luzerne, chanvre, chia, lin (nutrition animale)

Lapin, charcuterie, œufs

Pourpier, mâche, épinards

Acide docosahexaénoïque : teneurs les plus élevées

Poissons et produits de la pêche (coquillages, mollusques,crustacés), microalgues, phytoplancton

Viande

Œufs

Acides gras conditionnellement indispensables

GLA : huiles de bourrache, onagre, pépins de cassis

ARA : viandes, foie, abats, œufs, poisson

EPA : poisson et produits de la pêche (mollusques, coquillages,crustacés)

Microalgues, plancton

Viandes

GLA : acide gammalinolénique ; ARA : acide arachidonique ; EPA : acide eicosa-pentaénoïque.

génétiques, celle des produits animaux dépend en grande partiede facteurs nutritionnels ; c’est le cas en particulier des œufs et dela chair des monogastriques (porcs, volailles) (Tableau 1).

SourcesLes sources d’ALA sont, dans l’étude Aquitaine [96], pour 73 %

d’origine animale. Quarante-six pour cent proviennent des pro-duits laitiers (dont 28 % du lait et laitage, 18 % du beurre, 29 %du fromage) et 27 % des produits carnés, ce qui est en appa-rence surprenant compte tenu d’une part de l’image et d’autrepart de l’origine végétale de l’ALA. Onze pour cent proviennentdes huiles végétales, seulement, et 16 % des autres corps grasd’origine végétale. Dans l’étude Supplémentation en vitamineset minéraux antioxydants SU.VI.MAX [97], 25 % des apports enALA proviennent du total produits laitiers (beurre, lait, fromage)et 17 % du total viande, volaille, œuf. De même 17 % de l’EPA et18 % du DHA proviennent de cette même source (viande, volaille,œufs), ce qui n’est pas négligeable, et la quasi-totalité du reste, EPA(72 %) et DHA (65 %), provient du total poisson et fruits de mer.

Tableau 2.Les apports observés en France.

Étude SU.VI.MAX Étude Aquitaine

g ou mg % g %

C18 : 2n-6 (g)LA

H 10,64 4,13

F 8,10 4,22 8,7 4,5

Fe 9,2 4,2

C18 : 3n-3 (g)ALA

H 0,94 0,36

F 0,74 0,38 0,6 0,3

Fe 0,8 0,4

C20 : 4n-6 (mg)ARA

H 204 0,08

F 151 0,08

C20 : 5n-3 (mg)EPA

H 150 0,06

F 118 0,06

C22 : 6n-3 (mg)DHA

H 273 0,11

F 226 0,12

Total LCn-3 H 497 0,21

F 399 0,21

SU.VI.MAX : Supplémentation en vitamines et minéraux antioxydants ;LA : acide linoléique ; ALA : acide alphalinolénique ; ARA : acide arachidonique ;EPA : acide eicosapentaénoïque ; DHA : acide docosahexaénoïque ; H : homme ;F : femme ; Fe : femmes enceintes.

Apports observés (Tableau 2)

Nous disposons pour la France de plusieurs enquêtes, l’étudeSU.VI.MAX [97], l’étude Aquitaine (femmes) [96] et l’étude Indivi-duelle nationale des consommations alimentaires (INCA2) [98].

L’étude SU.VI.MAX concerne 4884 sujets de la cohorteSU.VI.MAX, hommes de 45 à 63 ans, femmes de 35 à 63 ans, recru-tés entre 1994 à 1995 et 1998 sur la base de dix questionnaires de24 heures. L’étude Aquitaine représente un petit échantillon de 61femmes enceintes et 79 femmes non enceintes de 18 à 50 ans. Des

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Tableau 3.Apports nutritionnels conseillés (ANC).

AG indispensables

Besoin ANC

mg % mg %

C18 : 2n-6 LA

H – 2 – 4

F – 2 – 4

Fe et a – – – 4

Nouveau-né, nourrisson – – – 2,7

Nourrisson 6 mois–3 ans – – – 2,7

Enfants > 3 ans – – – 4

C18 : 3n-3 ALA

H – 0,8 – 1

F – 0,8 – 1

Fe et a – – – 1

Nouveau-né nourrisson – – – 0,45

Nourrisson 6 mois–3 ans – – – 0,45

Enfants > 3 ans – – – 1

C22 : 6n-3 DHA

H 250 – 250 –

F 250 – 250 –

Fe et a – – 250 –

Nouveau-né et nourrisson – – 70 0,32

Nourrisson 6 mois > 3 ans – – 70 –

3 ans à 9 ans – – 125 –

10 ans à 18 ans – – 250 –

AG non indispensables

C20 : 5n-3 EPA

H – – 250 –

F – – 250 –

Fe et a – – – –

Nouveau-né, nourrisson < 6 ans – – – –

C20 : 4n-6 ARA

H – – – –

F – – – –

Fe et a – – – –

Nouveau-né, nourrisson < 6 ans – – – 0,5

AG : acides gras ; LA : acide linoléique ; ALA : acide alphalinolénique ;DHA : acide docosahexaénoïque ; EPA : acide eicosapentaénoïque ; ARA : acidearachidonique ; H : homme ; F : femme ; Fe et a : femmes enceintes et allaitantes.

mesures de la teneur en AG plasmatiques et de tissu adipeux ontété réalisées. L’étude INCA2 concerne 4079 sujets de 3 à 79 ansinterrogés en 2006 à 2007 sur la base d’un questionnaire de septjours. L’étude INCA2 chez les sujets normoévaluants de 18 à 79 ansa montré des apports en AGPI totaux 14,5 g/j (homme) 12,3 g/j(femme), soit respectivement 5,6 et 6,1 % de l’apport énergétiquesans alcool. L’analyse n’a pas permis de détailler les catégoriesd’AGPI.

Teneur en acides gras du lait maternelLe lait maternel est un des tissus biologiques marqueurs de

l’apport en AGPI, de même que le sont les phospholipides desérythrocytes, les autres cellules sanguines et les triglycérides dutissu adipeux : c’est donc une facon d’analyser indirectement lesapports et leur évolution. Entre 1940 et 2000, la teneur en ALA dulait maternel des femmes américaines est restée stable (≈ 1 %) maiscelle de LA a considérablement augmenté, passant de 5 à près de20 %, ce qui conduit à une augmentation très importante du ratio�6/�3. La teneur en AG du lait maternel de huit régions de Franceen 2007 montre une teneur en ALA allant de 0,72 à 0,95 % selonles régions : l’évolution à Bordeaux entre 1997 et 2007 montre

une augmentation significative de 0,52 à 0,72 % (p < 0,05) avecun rapport LA/ALA passant de 25,6 à 14,4, ce qui est favorable.Mais la teneur en DHA n’a pas évolué [99, 100].

Besoins et apports nutritionnels conseillés(ANC)

Le besoin correspond pour les AG à un apport nécessaire pouréviter tout syndrome de déficit nutritionnel en AG indispen-sables (carences). Ces valeurs assurent un bon fonctionnementde l’ensemble de l’organisme et notamment le développement etle fonctionnement cérébraux [95].

L’ANC est une valeur de référence qui couvre les besoins phy-siologiques de la quasi-totalité (97,5 %) de la population en bonnesanté. C’est un repère épidémiologique. Les ANC en AG ont étérevus pour la France en 2011 par l’Agence francaise de sécuritésanitaire des aliments (AFSSA) [95] (Tableau 3).

� ConclusionLes AG essentiels exercent des fonctions essentielles, et sont

indipensables car ils ne peuvent être synthétisés (LA-ALA) oule sont de facon insuffisante (ARA-DHA) par l’homme. Leurcarence, responsable de signes clinicobiologiques spécifiques, estrare. Cependant, le déficit d’apport en ARA et en DHA chezle prématuré ou chez le nouveau-né peut avoir un impact surleur fourniture au cerveau et donc sur le développement ou lefonctionnement cérébral : cet apport dépend exclusivement de lamère. Bien que les estrogènes augmentent l’activité des désatu-rases, un apport direct en EPA-DHA est préférable chez la femmeenceinte et allaitante. Chez les végétariens stricts ne consommantpas de poisson, le statut en EPA-DHA peut être déficitaire. Glo-balement, dans la population francaise, les apports en LA sontconvenables mais le rapport �6/�3 est trop élevé ; ceci peut avoirun retentissement négatif chez les sujets ayant des apports faiblesen AGPI �3 car il y a compétition de substrat au niveau desdésaturases communes aux deux voies (�6 et �3) ; or, les apportsobservés en ALA et en EPA-DHA sont en moyenne inférieurs auxANC. L’équilibre d’apport entre �6 et �3 est important car ilconditionne la biotransformation des précurseurs et la formationdes médiateurs chimiques provenant des dérivés supérieurs. Lesconséquences de ces déficits d’apport et/ou déséquilibres sur lasanté sont potentiellement importantes.

Conflit d’intérêt : aucun.

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J.-M. Lecerf, Spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques ([email protected]).Service de nutrition, Institut Pasteur de Lille, 1, rue du Professeur-Calmette, 59019 Lille, France.Service de médecine interne, Centre hospitalier régional universitaire de Lille, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lecerf JM. Acides gras essentiels. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2013;10(2):1-11 [Article 10-542-F-10].

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