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Nutr Clin Métabol 2001 ; 15 : 172-6 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0985-0562(01)00074-7/FLA Symposium intervention nutritionnelle Acides gras polyinsaturés et inflammation Jacques Delarue Médecine 4-Nutrition et EA-948, CHU de la Cavale Blanche, 29200 Brest, France Résumé Les acides gras polyinsaturés de la série n-3 ont un effet anti-inflammatoire en inhibant compétitivement la génération des eicosanoïdes inflammatoires produits à partir de l’acide arachidonique (20:4 n-6). De plus, ils inhibent la libération et l’expression des cytokines pro-inflammatoires par les macrophages activés et celles de métalloprotéases, enzymes possèdant un effet tissulaire destructeur. Ces effets sont médiés par PPAR-γ dont ils sont des ligands. En se liant à PPAR-γ , ils inhibent l’activation de NF-κ B, intermédiaire de l’expression des médiateurs de l’inflammation. Ces mécanismes expliquent leur effet anti-inflammatoire au cours de la polyarthrite rhumatoïde. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS acides gras n-3 / NF-κ B / PPAR-γ Summary – Polyunsaturated fatty acids and inflammation. Polyunsaturated n-3 fatty acids exert an anti-inflammatory effect through a competitive inhibition of eicosanoïd production from arachidonic acid. In addition, they inhibit the production and expression of pro-inflammatory cytokines, metalloproteinases and cycloxygenase 2. These effects are mediated through their binding to PPAR- γ which inhibits the activation of NF-κ B, another transcription factor which mediates the transcription of inflammatory mediators. These mechanisms explain their anti-inflammatory effects during rheumatoid arthritis. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS n-3 fatty acids / NF-κ B / PPAR-γ L’inflammation est un sujet de préoccupation majeure pour les nutritionnistes à plusieurs titres. L’inflammation locale qui survient lors du polytraumatisme, des brû- lures étendues, de la chirurgie élargie ou de l’infection tissulaire, est susceptible d’entraîner une inflammation systémique à l’origine d’une cascade de phénomènes cel- lulaires et neuro-endocriniens responsables d’un hyperca- tabolisme conduisant à une dénutrition aiguë. Par ailleurs, l’inflammation chronique qui caractérise certaines mala- dies chroniques auto-immunes ou en partie génétique- ment déterminées telles que la polyarthrite rhumatoïde, les maladies inflammatoires chroniques intestinales, la mucoviscidose et autres, ainsi que les traitements spéci- fiques de ces affections anti-inflammatoires (corticoïdes, immunosuppresseurs pouvant favoriser des infections), s’accompagnent d’une dénutrition chronique. Pour toutes ces raisons, ce qui peut limiter l’inflammation est sus- ceptible d’avoir un effet bénéfique sur l’état nutritionnel. Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (J. Delarue). Sur l’autre versant, certains nutriments peuvent moduler l’inflammation ; c’est le cas de certains acides gras poly- insaturés (AGPI) dont nous allons traiter dans cette revue. LA RÉACTION INFLAMMATOIRE Événements cellulaires La réaction inflammatoire est un moyen de défense des organismes supérieurs contre une agression étrangère. Elle permet la mise en place de mécanismes permettant l’élimination de l’agent « étranger », élimination qui sera plus rapide lors d’une rencontre ultérieure avec le même agent. Cette réaction est non spécifique car elle est indé- pendante des lymphocytes. Dans certaines circonstances telles que l’infection sévère grave, la mise en jeu de la ré- action inflammatoire générale en réponse à un antigène d’origine bactérienne (lipopolysaccharide par exemple) 172

Acides gras polyinsaturés et inflammation

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Nutr Clin Métabol 2001 ; 15 : 172-6 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

S0985-0562(01)00074-7/FLASymposium intervention nutritionnelle

Acides gras polyinsaturés et inflammation

Jacques Delarue∗

Médecine 4-Nutrition et EA-948, CHU de la Cavale Blanche, 29200 Brest, France

RésuméLes acides gras polyinsaturés de la série n-3 ont un effet anti-inflammatoire en inhibant compétitivement lagénération des eicosanoïdes inflammatoires produits à partir de l’acide arachidonique (20:4 n-6). De plus, ilsinhibent la libération et l’expression des cytokines pro-inflammatoires par les macrophages activés et celles demétalloprotéases, enzymes possèdant un effet tissulaire destructeur. Ces effets sont médiés par PPAR-γ dontils sont des ligands. En se liant à PPAR-γ , ils inhibent l’activation de NF-κB, intermédiaire de l’expression desmédiateurs de l’inflammation. Ces mécanismes expliquent leur effet anti-inflammatoire au cours de la polyarthriterhumatoïde. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

acides gras n-3 / NF- κB / PPAR-γ

Summary – Polyunsaturated fatty acids and inflammation.Polyunsaturated n-3 fatty acids exert an anti-inflammatory effect through a competitive inhibition of eicosanoïdproduction from arachidonic acid. In addition, they inhibit the production and expression of pro-inflammatorycytokines, metalloproteinases and cycloxygenase 2. These effects are mediated through their binding to PPAR-γ which inhibits the activation of NF-κB, another transcription factor which mediates the transcription ofinflammatory mediators. These mechanisms explain their anti-inflammatory effects during rheumatoid arthritis. 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

n-3 fatty acids / NF- κB / PPAR-γ

L’inflammation est un sujet de préoccupation majeurepour les nutritionnistes à plusieurs titres. L’inflammationlocale qui survient lors du polytraumatisme, des brû-lures étendues, de la chirurgie élargie ou de l’infectiontissulaire, est susceptible d’entraîner une inflammationsystémique à l’origine d’une cascade de phénomènes cel-lulaires et neuro-endocriniens responsables d’un hyperca-tabolisme conduisant à une dénutrition aiguë. Par ailleurs,l’inflammation chronique qui caractérise certaines mala-dies chroniques auto-immunes ou en partie génétique-ment déterminées telles que la polyarthrite rhumatoïde,les maladies inflammatoires chroniques intestinales, lamucoviscidose et autres, ainsi que les traitements spéci-fiques de ces affections anti-inflammatoires (corticoïdes,immunosuppresseurs pouvant favoriser des infections),s’accompagnent d’une dénutrition chronique. Pour toutesces raisons, ce qui peut limiter l’inflammation est sus-ceptible d’avoir un effet bénéfique sur l’état nutritionnel.

∗ Correspondance et tirés à part.Adresse e-mail :[email protected] (J. Delarue).

Sur l’autre versant, certains nutriments peuvent modulerl’inflammation ; c’est le cas de certains acides gras poly-insaturés (AGPI) dont nous allons traiter dans cette revue.

LA RÉACTION INFLAMMATOIRE

Événements cellulaires

La réaction inflammatoire est un moyen de défense desorganismes supérieurs contre une agression étrangère.Elle permet la mise en place de mécanismes permettantl’élimination de l’agent « étranger », élimination qui seraplus rapide lors d’une rencontre ultérieure avec le mêmeagent. Cette réaction est non spécifique car elle est indé-pendante des lymphocytes. Dans certaines circonstancestelles que l’infection sévère grave, la mise en jeu de la ré-action inflammatoire générale en réponse à un antigèned’origine bactérienne (lipopolysaccharide par exemple)

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est caractérisée par un excès d’activation du systèmepro-inflammatoire et de mécanismes anti-inflammatoires,avec déséquilibre au profit des médiateurs de l’inflamma-tion. Lors des maladies inflammatoires chroniques (poly-arthrite rhumatoïde, maladies inflammatoires chroniquesintestinales), une prédisposition génétique en relationavec le complexe majeur d’histocompatibilité favorisel’activation lymphocytaire T en présence d’un antigèned’origine bactérienne ou d’un auto-antigène. Dans toutesces circonstances, les systèmes impliqués sont les mêmes.La réaction inflammatoire peut alors être protectrice sielle est contrôlée et adaptée à l’agression externe, ou des-tructrice si elle est incontrôlée. La première phase de laréaction inflammatoire est la reconnaissance de l’agentétranger et le déclenchement de la réaction. Ces agentspeuvent être des bactéries exogènes ou de la flore endo-gène, dont la destruction de la paroi libère une endotoxine(lipopolysaccharide), des peptides (bactéries Gram−) oudes peptidoglycanes (bactéries Gram+). Dans le cas desvirus, le déclenchement de la réaction peut résulter del’interaction entre une protéine de la paroi avec des ré-cepteurs ; il peut s’agir aussi d’auto-antigènes ou d’autresmolécules selon la nature de l’agression. La secondephase de l’inflammation se déroule à proximité des vais-seaux et met en jeu des systèmes protéolytiques plasma-tiques (dérivés du complément, bradykinine, thrombine).Ceux-ci augmentent la perméabilité vasculaire, activentles cellules endothéliales, les neutrophiles et les mono-cytes et ont un effet chimiotactique. La troisième étapeest l’arrêt des cellules mononucléées au niveau des vais-seaux du territoire où est localisé l’agent pathogène, etleur passage à travers l’endothélium. L’activation, pen-dant les phases précédentes, des cellules mononuclééesinduit la libération de médiateurs, dont le TNF et l’IL-1β,qui induisent l’apparition de molécules d’adhésion, lessélectines. Celles-ci provoquent l’arrêt puis le roulementdes cellules mononucléées, ce qui favorise la synthèsede médiateurs chimiotactiques activateurs. Ces média-teurs stimulent l’apparition d’intégrines à la surface descellules mononucléées et, à la surface de l’endothélium,de leurs ligands spécifiques, immunoglobulines appeléesmolécules d’adhésion : ICAM, VCAM, etc. Cette inter-action forte arrête le roulement ; les neutrophiles activésfranchissent l’endothélium et propagent la réaction in-flammatoire dans le tissu sous-endothélial. La phase sui-vante est la libération de médiateurs de l’inflammation partoutes les cellules activées : cellules endothéliales, neu-trophiles, monocytes, macrophages. Certains médiateurssont libérés à partir des granules cytoplasmiques : collagè-nase, élastases, etc. D’autres médiateurs sont synthétisésde novo, produits de l’activation des phospholipases A2,des cyclo-oxygénases (COX-1 non inductible constitutiveet COX-2 inductible), des lipoxygénases, de la NADPH-oxydase et de la NO-synthase (NOS).

La phospholipase A2 libère l’acide arachidonique, sub-strat de la COX-2 et de la 5-lipoxygénase. Sont généréesdes prostaglandines de la série 2 (PGE2 en particulier) etdes leucotriènes de la série 4 (LTB4 et acide 5-hydroxy-eïcosatétraénoïque ou 5-HETE en particulier). Un phos-pholipide particulier va donner naissance au Paf-acéter.Les prostaglandines, les leucotriènes et le Paf-acéter sontlibérés et exercent des effets autocrines et paracrines (va-sodilatation, adhésion, migration cellulaire).

L’activation de la NADPH-oxydase permet la trans-formation de l’O2 en anion superoxyde à l’origine de laformation d’autres radicaux libres qui sont puissammentbactéricides mais aussi délétères pour les composants cel-lulaires.

L’activation de la NOS macrophagique stimule la for-mation de monoxyde d’azote (NO) à partir de l’arginine.Le NO est un puissant vasodilatateur et peut générer encombinaison avec les radicaux libres des peroxynitritestrès délétères.

Les médiateurs tardifs sont synthétisés de novo : cyto-kines et facteurs de croissance (TNFα, IL-1β, IL-6, IL-8,IL-10, TGF-β, GM-CSF). Ces médiateurs, synthétisés etlibérés par les monocytes et les macrophages, activent laphospholipase A2, la NADPH-oxydase et la NOS. Paral-lèlement, ils induisent au niveau moléculaire l’expressiondes gènes codant pour ces mêmes enzymes.

La réaction inflammatoire systémique produit des phé-nomènes à distance du site de l’inflammation. L’IL-6induit la synthèse des protéines de la phase aiguë neu-tralisant les systèmes protéolytiques activés. Le GM-CSFréactive la moelle osseuse. Le TNFα et l’IL-1β déclen-chent au niveau hypothalamique la fièvre nécessaire àla synthèse des protéines du choc thermique, protecteurscontre les radicaux libres et l’excès de sécrétion de TNFα.

Événements moléculaires

Le principal promoteur de la réponse pro-inflammatoireest le facteur nucléaire kappa B (NF-κB) [1]. Celui-ciest un facteur de transcription présent dans le cytoplasmesous la forme d’un dimère rendu inactif par associationà une sous-unité inhibitrice, IκB (figure 1). La libérationde IκB du dimère actif est le mécanisme essentiel de lasignalisation cytosolique de l’inflammation. Des stimuliexternes et internes activent les processus inflammatoirescellulaires via NF-κB. D’une manière générale, quel quesoit le stimulus, le préalable à l’activation de NF-κBest le stress oxydant cytosolique déclenché par la miseen jeu de sérine kinases en réponse au stimulus initial.Le stress oxydant active des kinases intracellulaires quiphosphorylent IκB, permettant son clivage du dimère etsa protéolyse. Le dimère actif peut alors migrer dans lenoyau où il se lie à des sites promoteurs de l’ADN etstimule la synthèse d’ARNm de gènes codant pour lescytokines pro-inflammatoires telles que le TNFα, l’IL-1β, et pour des enzymes pro-inflammatoires telles que

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Figure 1. Mécanismes moléculaires impliqués dans l’inflammation systémique (d’après [1]).

la iNOS et la COX-2. Compte tenu de son rôle pivot,NF-κB est une cible pour la modulation de la réponseinflammatoire. Il convient de souligner que la cellulepossède aussi un système de défense anti-inflammatoire :le système des protéines du choc thermique. Ce sontdes protéines dites « chaperonnes » qui empêchent ladégradation des protéines naissantes par les enzymescytosoliques et participent à leur maturation avant leurexportation. Les protéines du choc thermique, décritesinitialement en fonction de la capacité de la chaleur àinduire leur expression, sont aussi induites, comme NF-κB, par le stress oxydant. La mise en jeu des protéines duchoc thermique est non spécifique. Elle protège contre lestress oxydant ultérieur et minimise la réponse cellulaireaux stimuli pro-inflammatoires. Parmi ces protéines, cellequi est directement impliquée est la protéine du chocthermique-70 (HSP-70). Il existe donc une mise en jeupar les mêmes facteurs à la fois de voies de signalisationpro-inflammatoires (en particulier NF-κB) et de voiesanti-inflammatoires (protéines du choc thermique). C’estle déséquilibre entre ces deux voies de signalisation quipermet l’entretien de la réaction inflammatoire.

ACIDES GRAS POLYINSATURÉS ETINFLAMMATION

Événements cellulaires

La contribution respective des AGPI de la série n-6 etde la série n-3 à l’inflammation a déjà été abordée dans

Nutrition Clinique et Métabolisme [2]. Brièvement, laphospholipase A2 libère les AGPI estérifiés dans les phos-pholipides membranaires. Parmi les acides gras relar-gués, l’acide dihomo-gammalinoléique(20:3 n-6), l’acidearachidonique (20:4 n-6) et l’acide eicosapentaénoïque(EPA : 20:5 n-3) sont des substrats des cyclo-oxygénaseset des lipoxygénases. Le 20:3 n-6 est le précurseur desprostaglandines et des thromboxanes de la série 1 ; entant que substrat de la 15-lipoxygénase, il est le précur-seur de l’acide 15 hydroxy-gammalinoléique. Le 20:4n-6 est le plus représenté dans les membranes ; il est unsubstrat de la 5-lipoxygénase, conduisant à la formationdes leucotriènes de la série 4 et du 5-HETE et, via lavoie des cyclo-oxygénases, à la formation des prostaglan-dines et thromboxanes de la série 2(figure 2). L’EPA,de son côté, conduit à la formation d’hydroxydes, desleucotriènes de la série 5 et des prostaglandines et throm-boxanes de la série 3(figure 2). Les prostaglandines etles leucotriènes sont impliqués dans la réponse inflamma-toire. Les eicosanoïdes dérivés des AGPI n-3 sont environ100 fois moins actifs sur le processus inflammatoire queceux dérivés de l’acide arachidonique. Une augmentationde l’apport en acides gras n-3 (acide linolénique (18:3 n-3), EPA, acide docosahexaenoïque (DHA : 22:6 n-3))s’accompagne d’une diminution prononcée de la réactioninflammatoire par diminution de la synthèse des leuco-triènes de la série 4, secondairement à la compétition auniveau de la�6-désaturase (entre 18:3 n-3 et 18:2 n-6),ou au niveau des lipoxygénases en cas d’apport d’AGPIn-3 à longue chaîne (AGPI-LC : EPA et DHA).

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Figure 2. Production des eicosanoïdes.

Les AGPI de la série n-3, en particulier les AGPI-LCn-3, inhibent la production des cytokines pro-inflammatoi-res : TNFα, IL-1β et IL-6 ; cet effet n’est pas observéavec les AGPI de la série n-6 [3]. L’incorporation desAGPI-LC n-3 dans les membranes des cellules mono-nucléées joue vraisemblablement un rôle dans l’effetinhibiteur des AG n-3 sur la production des cytokinespro-inflammatoires. En effet, dans l’étude de Caughey etal. [4], il existait une relation exponentielle inverse entrele contenu en EPA des phospholipides membranaires descellules mononucléées et la production de TNFα et d’IL-1β (figure 3).

Événements moléculaires

Les AGPI-LC n-3 agissent au niveau moléculaire viadeux facteurs de transcription : NF-κB et lesperoxisomeproliferator-activated receptors-γ (PPAR-γ ). PPAR-γforme un hétéro-dimère avec le récepteur de l’acidecis-rétinoïque ou RXR. Ce facteur de transcription estligand-dépendant, ce qui signifie que pour exercer soneffet sur la transcription des gènes, il faut qu’il y aitfixation sur PPAR ou sur RXR d’une molécule activa-trice [5]. Les ligands de PPAR-γ sont la 15-δ-PGJ2,l’EPA, les molécules du groupe de la troglitazone etles anti-inflammatoires non stéroïdiens. Dans les macro-phages activés, PPAR-γ est surexprimé [6] et les ligandsde PPAR-γ suppriment la production de NO, l’expres-sion de la iNOS, de même que l’activité et l’expressionde la gélatinase B (métalloprotéase responsable de la

destruction tissulaire au cours de l’inflammation aiguëou chronique) [6] par l’intermédiaire d’une inhibition del’activité de facteurs de transcription, dont NF-κB. Lesligands de PPAR-γ inhibent aussi la libération et l’ex-pression des cytokines pro-inflammatoires [7] vraisem-blablement via une inhibition de NF-κB. Ces différentsrésultats fournissent une explication moléculaire aux ef-fets cellulaires inhibiteurs des AGPI-LC n-3 vis-à-vis dela production de cytokines par les macrophages.

Ces effets cellulaires et moléculaires des AGPI-LC n-3ont été mis en évidence au niveau des tissus concernéspar l’inflammation chronique au cours des maladiesinflammatoires chroniques de l’intestin, comme au coursde la polyarthrite rhumatoïde. Nous présentons ici le casde la polyarthrite rhumatoïde.

AGPI-LC n-3 ET POLYARTHRITERHUMATOÏDE

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie in-flammatoire chronique auto-immune caractérisée par unepolyarthrite symétrique, chronique et déformante. Les lé-sions articulaires sont caractérisées, d’une part, par uneinfiltration de la synoviale par des lymphocytes T acti-vés, des macrophages et des lymphocytes B activés, et,d’autre part, par une prolifération des synoviocytes. Lessynoviocytes associés à une prolifération de néovaisseauxforment un tissu pseudotumoral ou pannus. Ce dernierest responsable d’une destruction progressive du carti-lage et de l’os du fait de l’induction par des cytokines

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Figure 3. Relation entre la teneur en EPA des membranesmacrophagiques et la libération de TNFα et d’IL-1β (d’après [4]).

pro-inflammatoires et par les eicosanoïdes d’enzymesprotéolytiques destructrices appartenant au groupe desmétalloprotéases.

La susceptibilité et l’évolutivité de la PR résultentd’une prédisposition génétique concernant les gènes ducomplexe majeur d’histocompatibilité codant pour desprotéines HLA de classe II, plus spécifiquement HLADRB1. La fonction de HLA-DR est la présentation del’antigène aux cellules Thelper (Th). Cette associationgénétique favorise la présentation de l’antigène de l’hôteaux T-helper-1 (Th1), ce qui enclenche l’inflammation.L’antigène responsable n’est pas connu avec précision.L’activation des Th1 entraîne la libération de cytokinespro-inflammatoires au niveau de la synoviale. L’IFN-γest responsable de l’activation macrophagique conduisantà la libération à la fois de cytokines pro-inflammatoires(TNFα, IL-1β, IL-6) et de cytokines anti-inflammatoires(sTNF-R, IL-1ra, IL-10, TGF-β). Le déséquilibre enfaveur des cytokines pro-inflammatoires stimule l’expres-sion et active des enzymes protéolytiques destructricestelles que la gélatinase B, l’aggrécanase (enzyme dégra-dant les protéoglycanes) qui stimulent les ostéoclastes

sous-chondraux et entraînent les destructions articulaires.L’IL-6, de son côté, active les lymphocytes B CD5 qui li-bèrent des auto-anticorps, des facteurs rhumatoïdes et descomplexes immuns qui renforcent l’inflammation en ac-tivant à leur tour les polynucléaires neutrophiles (PNN).Les PNN activés libèrent du LTB4, de la PGE2, du5-HETE, du Paf-acéter, des anions superoxydes et des en-zymes protéolytiques qui stimulent aussi les ostéoclastessous-chondraux. Le LTB4 augmente la perméabilité vas-culaire, le flux sanguin local, le chimiotactisme des leuco-cytes, le relargage d’enzymes lysosomiales, la productiond’espèces oxygénées activées et la libération des cyto-kines pro-inflammatoires. Le 5-HETE est un agoniste durécepteur du LTB4 ; le Paf stimule la production de TNFαet augmente la perméabilité vasculaire. Le TNFα, de soncôté stimule aussi la production de prostaglandines.

Compte tenu de la physiopathologie de la PR décriteci-dessus et des effets des AGPI-LC n-3 vis-à-vis de l’in-flammation, il était attendu que ces acides gras puissentmoduler l’inflammation dans ces circonstances [8]. Curtiset al. [9] ont montré in vitro que l’incorporation d’acidesgras n-3 (18:3 n-3 ou AGPI-LC n-3) dans des membranesde chondrocytes activés par l’IFN-γ , mais non celled’AGPI n-6 ou d’acides gras saturés, inhibait l’expressionet l’activité des aggrécanases, ainsi que l’expression del’IL-1, du TNFα et de la COX-2. Ces résultats au niveaucellulaire et moléculaire sont en accord avec les étudescliniques démontrant toutes un effet bénéfique des AGPIn-3 sur l’évolutivité de la polyarthrite rhumatoïde [10].

RÉFÉRENCES

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