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INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE Expériences internationales comparées

Actes Conférence Dakhla Intelligence Territoriale

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INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

PAR L’ENTREPRISE

Expériences internationales comparées

Ouvrage publié avec le concours du Groupe OCP. Toutefois, les opinions qui y sont exprimé n’engagent que leurs propres auteurs.

Publications de l’Association d’Etudeset de Recherches pour le Développement

Tous les droits sont réservésPremière édition 2011

L’HarmattanISBN

978-2-296-13666-3

Nadacom Design

Dépôt légal2011 MO…..

Sous la direction deDriss GUERRAOUI et Philippe CLERC

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET

DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR

L’ENTREPRISE

Expériences internationales comparées

Actes de la Rencontre Internationale de Dakhla

Association d’Etudes et de Recherche pour le développement

BP 8842Adgal Rabat Maroc

7, rue de l’Ecole Polytechnique75005 Paris France

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LISTE DES AUTEURS

M.Abderrafie Hanouf, Directeur Général de Medz Sourcing, RabatDr André Joyal, Professeurs des Universités, membre du Centre de Recherche sur le Développement Territorial, Québec, Trois-Rivières, CanadaPr Alain Redslob, Professeur à l’Université Panthéon-Assas, Paris IIDr Dale Murphy, Dubai School of Government , Emirat Arab UnisPr Driss Guerraoui , Université Mohammed V Rabat Agdal, Président de l’Association d’Eudes et de Recherches pour le DéveloppementM. Emmanuel Dierckx De Casterlet, Ancien Coordinateur du Système des Nations Unies au Maroc, Economiste de l’Université de Louvain, BelgiquePr François-Xavier Level, Président de Europa Inter Cluster M. Fouad Brini, Directeur Général de l’Agence pour la Promotion et le Développement des Provinces et Préfectures du Nord du RoyaumePr Gildas Bondi Professeurs à l’Université de PicardiePr Henri Dou, Professeur émérite, Directeur d’Atelis, Research professor Peking UniversityPr Horst Brezinski, Directeur du MBA International Business in Developping and Emerging Markets , Université de Freiberg,Pr Ismail Ould Khalef, Economiste, Directeur de la programmation à la Direction Générale de la Coordination Gouvernementale au Secrétariat Général du Gouvernement, MauritaniePr Jean Louis Levet, Economiste, ancien Directeur de l’Institut de Recherche Economiques et Sociales, ParisDr Jones-Hendrickson, Professeur à l’Université the Virgin Islande, Former Ambassador of St. Kitts and Nevisto CARICOM , the OECS and the ACS, Iles CaraïbesPr Jacky Kister, Directeur de Recherche au CNRS, FranceM. Jean Yves Delaune , Président de Cluster WEST, FranceKarim Angay, Agence du SudM. Laurent Malvezin, Sécurité Sans Frontières, Directeur AsiePr Luiz Fernando Bessa, Université de Brasilia, Brésil

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Dr Manuel Juan Ciruzzi, Conseiller, Gouvernement de la ville de Buenos Aires, ArgentineMohammed Houmaymid, Agence du SudPr Mohamed Haddar, Professeur de Sciences économiques, Université de Tunis Pr Mohammed Benlahcen Tlemçani, Expert international, Maitre de Conférences à l’Université de Perpignan Via-DopmitiaM. Michel Dieudonné, Vice-président de l’Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d’IndustriePr Michel Hollard, Professeur émérite à l’Université Pierre Mendés France de Grenoble 2 Pr Mostafa Kharoufi, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Secrétaire Général de l’Association d’Etudes et de Recherches pour le Développement, Rabat, Maroc Mme Marie Brigaud, Administratrice de l’Association Internationale d’Intelligence EconomiqueDr Mamadou Youry Sall, Directeur de l’insertion et des relations avec les entreprises, Université Gaston Berger de Saint-Louis, SénégalPr Mario Sandoval, Vice Président de l’Association Internationale Francophone d’Intelligence EconomiqueMme Nina Quelenis, Responsable de l’intelligence économique au Pôle de compétitivité industrielle et agro-ressources, FrancePr Pierre Bonte, Directeur de Recherche émérite au CNRS, Laboratoire d’Anthropologie Sociale, Collège de France, Paris M. Philippe Clerc, Président de l’Association Internationale Francophone d’Intelligence EconomiquePr Rachid Benmokhtar Benabadallah, Ancien Ministre, Président de l’Observatoire National du Développement HumainPr Srdjan Redezpagic, Directeur Adjoint de l’Institut de Sciences Economiques de Belgrade, SerbiePr Sabah Chraïbi, Economiste, Université Internationale de CasablancaPr Traore Boubakar, Directeur de la prospective industrielle et de l’intelligence économique, Chambre de Commerce et d’Industrie du Burkina FasoPr VU Manh Chiên, Directeur des Relations Internationales, Université du commerce, VietnamM. Vincent Perrault, Journaliste, Chef du service économique, LCICapitaine Xavier Leonetti, Direction Générale de la Gendarmerie Nationale, bureau de la veille opérationnelle intelligence économique, ParisPr Zayer El Majid, Directeur de la technologie, MENESFCRS

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TABLE DES MATIÈRES

Conférences inaugurales

- Pr François-Xavier Level, Président de Europa Inter Cluster : Convergences globales, divergences locales, le nécessaire renouveau de l’intelligence stratégique- Pr Rachid Benmokhtar Benabadallah, Ancien Ministre, Président de l’Observatoire National du Développement Humain: Développer les régions par la connaissance et la technologie : un nouveau pari pour créer de la richesse et de l’emploi en exploitant les spécificités territoriales- Pr Jean Louis Levet, Economiste, ancien Directeur de l’Institut de Recherche Economiques et Sociales, Paris : industrialisation et localisation des activités : une réponse à la grande mutation mondiale en cours

I- Politiques d’intelligence territoriale

- Pr VU Manh Chiên, Directeur des Relations Internationales, Université du commerce, Vietnam : Intelligence économique et territoriale, une approche nécessairement contingente : le cas du Vietnam- Dr Manuel Juan Ciruzzi, Conseiller, Gouvernement de la ville de Buenos Aires, Argentine : le modèle Argentin d’intelligence territoriale face aux situations d’urgence et aux catastrophes, le cas de la ville de Buenos Aires -M.Laurent Malvezin, Sécurité Sans Frontières, Directeur Asie : Stratégie d’intelligence territoriale et développement économique en République Populaire de Chine depuis 2000 -M.Abderrafie Hanouf, Directeur Général de Medz Sourcing, Rabat : les déclinaisons territoriales des politiques sectorielles du Maroc, l’expérience de Medz Groupe CDG - Dr Dale Murphy, Dubai School of Government , la dynamique économique des territoires, leçons de l’expérience de Dubai

II- Grappes d’entreprises et dynamiques des territoires

-Pr Luiz Fernando Bessa, Université de Brasilia, Brésil : Groupes locaux de production et développement régional au Brésil

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-Dr André Joyal, Professeurs des Universités, membre du Centre de Recherche sur le Développement Territorial, Québec, Trois-Rivières, Canada : l’intelligence territoriale au service des PME innovantes en régions non métropolitaines : expériences Canadiennes et Brésiliennes- Pr Srdjan Redezpagic, Directeur de l’Institut de Sciences Economiques de Belgrade, Serbie : la crise mondiale et les dynamiques régionales, concurrence et coopération : le rôle des PME -M. Jean Yves Delaune, Président de Cluster WEST , France : Grappes d’entreprises etr dynamique des territoires, l’exemple de Cluster WEST-Pr Traore Boubakar, Directeur de la prospective industrielle et de l’intelligence économique, Chambre de Commerce et d’Industrie du Burkina Faso : l’expérience de la Chambre de Commerce et d’Industrie en matière d’intelligence territoriale à travers le projet RIC - Pr Driss Guerraoui , Université Mohammed V Rabat Agdal, Président de l’Association d’Eudes et de Recherches pour le Développement : le développement régional par l’entreprise, les attentes des jeunes des zones phosphatières du Groupe OCP , résultats d’une enquête

- M. Fouad Brini, Directeur Général de l’Agence pour la Promotion et le Développement des Provinces et Préfectures du Nord du Royaume, Dynamique économique des territoires du Nord, les défis de l’avenir

- Karim Angay, Agence du Sud - Mohammed Houmaymid, Agence du Sud

III- Management du développement régional : organisations, instruments innovants, facteurs d’attractivité et modalités de financement

-Pr Mohamed Haddar, Professeur de Sciences économiques, Université de Tunis : incitations et développement régional : le cas de la Tunisie-M. Emmanuel Dierckx De Casterlet, Ancien Coordinateur du Système des Nations Unies au Maroc, Economiste de l’Université de Louvain, Belgique : intelligence territoriale et développement régional, le cas des provinces du Sud du Maroc-Pr Mohammed Benlahcen Tlemçani, Expert international, Maitre de Conférences à l’Université de Perpignan Via-Dopmitia, Economie de la connaissance et politiques territoriales d’attractivité-Pr Henri Dou, Professeur émérite, Directeur d’Atelis, Research professor Peking University : innovation et développement régional, intelligence compétitive et création de savoir pour l’action

IV- Dynamiques des territoires : concurrence et coopération

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-Dr Jones-Hendrickson, Professeur à l’Université the Virgin Islande, Former Ambassador of St. Kitts and Nevisto CARICOM , the OECS and the ACS, Iles Caraïbes : Intégration régionale et dynamique des territoires dans les Iles Carailbes-Pr Gildas Bondi , Professeur à l’Université de Picardie : le partenariat public-privé dans l’élaboration de la politique territoriale entre coopération et stratégie d’influence- M. Michel Dieudonné, Vice-président de l’Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d’Industrie, la coopération entre les Réseaux Marocain et Français de Chambres de Commerce et d’Industrie, pour un défi- Pr Alain Redslob, Professeur à l’Université Panthéon-Assas, Paris II : intelligence stratégique et politiques innovantes-Pr Michel Hollard, Professeur émérite à l’Université Pierre Mendés France de Grenoble 2 : Conventions et milieu innovant, le cas de la région grenobloise- Pr Mostafa Kharoufi, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Secrétaire Général de l’Association d’Etudes et de Recherches pour le Développement, Rabat, Maroc : la dynamique territoriale au Maroc ente le volontarisme politique et le réalisme économique - Mme Marie Brigaud, Administratrice de l’Association Internationale d’Intelligence Economique : Intelligence territoriale et cohésion sociale ou comment la créativité et l’innovation sociale participent aussi au développement d’un territoire-Mme Nina Quelenis, Responsable de l’intelligence économique au Pôle de compétitivité industrielle et agro-ressources, France : intelligence économique collaborative : outil d’innovation au service du développement territorial et entrepreneurial V- partenariat Université Entreprise Région : expériences internationales

comparées

-Pr Horst Brezinski, Directeur du MBA International Business in Developping and Emerging Markets , Université de Freiberg, Allemagne : Comment former le partenariat université-entreprise pour le développement soutenable de la région, Expérience de la région de Freiberg / Saxe en Allemagne -Dr Mamadou Youry Sall, Directeur de l’insertion et des relations avec les entreprises, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal : l’université, lieu de jonction entre les acteurs de la Cité, l’expérience de l’UGB du Sénégal-Pr Zayer El Majid, Directeur de la technologie, MENESFCRS : le partenariat Université entreprise, l’expérience Marocaine - Pr Jacky Kister, Directeur de Recherche au CNRS , France : Application des concepts de l’Intelligence Compétitive et de la veille stratégique à un laboratoire

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de recherche, une réponse aux questions sociétales et industrielles, le cas des huiles végétales et essentielles, un modèle transférable pour une collaboration Marocco-Française

VI- Territoires et sécurité économique

Capitaine Xavier Leonetti- , Direction Générale de la Gendarmerie Nationale, bureau de la veille opérationnelle intelligence économique, Paris : Sécurité économique et territoires : les nouveaux enjeux de la compétitivité mondiale Pr Ismail Ould Khalef- , Economiste, Directeur de la programmation à la Direction Générale de la Coordination Gouvernementale au Secrétariat Général du Gouvernement, Mauritanie : Pays Pauvres Très Endettés et sécurité économique Pr Sabah Chraïbi- , Economiste, Université Internationale de Casablanca : intelligence territoriale et enjeux de sécurité, le cas de Casablanca

- Pr Mario Sandoval, Vice Président de l’Association Internationale Francophone d’Intelligence Economique : sécurité et développement territorial

VII- Conférence de clôture

Pr Pierre Bonte, Directeur de Recherche émérite au CNRS, Laboratoire d’Anthropologie Sociale, Collège de France, Paris : Sociétés et Culture Ouest- Sahariennes, Saqiyat Al-Hamra et Tiris

VIII- conclusions et enseignements

M. Vincent Perrault, Journaliste, Chef du service économique, LCI

IX- Déclaration de Dakhla

X- PostfaceHommage à la rencontre internat ionale de Dakhla

M. Jean – Yves Delaune

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AVANT-PROPOS

Le présent ouvrage comprend les travaux de la rencontre internationale organisée à Dakhla les lundi 22 et mardi 23 novembre 2010 par

l’Association Internationale Francophone d’Intelligence Economique et l’Association d’Etudes et de Recherches pour le Développement sur le thème : « intelligence territoriale et développement régionale par l’entreprise, expériences internationales comparées ».

Cette rencontre a bénéficié d’un partenariat exemplaire avec le Ministère de l’Education Nationale, l’Enseignement Supérieur, la Formation des Cadres et la Recherche Scientifique, Le Ministère de l’Industrie, du Commerce et des nouvelles Technologies, Le Groupe de l’Office Chérifien des Phosphates , La Wilaya de Région de Oued Eddahab-Lagouira, L’Agence pour la Promotion et le Développement des Provinces et Préfectures du Sud du Royaume du Maroc, l’Association Marocaine d’Intelligence Economique et la Royal Air Maroc.

Elle a vu la participation d’experts, de chercheurs, d’acteurs publics et privés, locaux, régionaux, nationaux et internationaux, des entreprises et réseaux d’entreprises, des agences régionales de développement, des chambres et associations socioprofessionnelles, et des représentants des média venus d’Afrique, du Maghreb, d’Europe de l’Est et d’Ouest, d’Amérique du Nord et du Sud, des Iles Caraïbes et d’Asie.

Nous tenons à présenter à toutes et à tous nos vifs remerciements et notre gratitude sincère pour leur confiance.

Qu’ils trouvent ici l’expression de notre profonde reconnaissance pour leurs contributions à l’aboutissement de cette œuvre d’intérêt académique et développemental.

Driss Guerraoui et Philippe Clerc

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NOTE DE PRESENTATION

Driss Guerraoui, Président de l’AERED et Philippe Clerc, Président de l’AIFIE

L’entreprise au cœur de la compétitivité des territoires

L’ analyse comparée des expériences menées de par le monde en matière d’attractivité et de compétitivité des territoires dans une économie

globale et ouverte incite à repenser en des termes nouveaux l’articulation entre « Intelligence territoriale et développement régional par l’entreprise ». A vrai dire plusieurs impulsions et signaux sont venus confirmer la nécessité d’une telle réflexion et d’un tel échange à destination des acteurs des milieux innovateurs : les entreprises, les réseaux d’entreprises, les universités, les agences de développements, les investisseurs et bailleurs de fonds, les chambres socioprofessionnelles, les confédérations d’entreprises et les décideurs publics locaux et centraux.

Ces impulsions et ces alertes sont clairement identifiées dans des travaux de réflexion et d’analyses récentes, de même que dans la formulation des politiques publiques industrielles, et technologiques, notamment depuis les cinq dernières années. Un état de l’art de ces travaux et une première évaluation de ces politiques révèle l’émergence et le développement de comportements stratégiques des acteurs des régions confrontés à de nouvelles conditions et des formes de concurrence souvent inédites. En tendances saillantes, il s’agit particulièrement du rôle central de l’entreprise et des dynamiques entrepreneuriales et de la montée en puissance de l’intelligence stratégique comme mode de management des situations de développement régional et de la formalisation de politiques publiques d’intelligence territoriale.

Par ailleurs, dans les rapports des organisations internationales compétentes en matière d’aide au développement ou d’appui au co-développement, nous pouvons noter une orientation très claire plaçant les entreprises, les grappes d’entreprise au cœur des nouvelles dynamiques de croissance ou de rattrapage. A cet égard, l’Assemblée générale de la Conférence Permanente des Chambres de commerce Africaines et francophones, tenue en novembre 2009 à Abidjan, a permis d’apporter

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un éclairage empirique comparé novateur à partir de la mise en perspective de la relation entre « territoires, grappes d’entreprises et intelligence stratégique ».

En complément à toutes ces initiatives, des réflexions approfondies ont été lancées à l’échelle européenne comparant le management stratégique de 250 régions européennes, où le rôle des pôles de compétitivité et de l’intelligence stratégique y apparaît essentiel.

Deux constats majeurs ressortent de ces différentes réflexions et expériences :

La place centrale de l’acteur « entreprise » et de la dynamique entrepreneuriale - dans les stratégies de développement des régions et dans le développement des milieux innovateurs.

Le besoin de mise en œuvre d’un management stratégique du développement - régional guidé par les techniques de l’intelligence économique et conduisant à mettre en place des politiques d’intelligence territoriale au service de l’innovation.

Les conditions et les formes nouvelles de concurrence entre les régions et les territoires

L’exacerbation des concurrences entre villes et régions, au sein des univers économiques et sociaux des pays développés, entre régions et territoires du Sud, mais aussi entre régions du Nord et du Sud est une réalité quotidienne pour les décideurs et les acteurs de ces écosystèmes. Les champs de force s’organisent au gré des dynamiques discontinues, voire contradictoires entre polarisations et éclatements. Un phénomène se fait jour croisant de « convergence globale et divergences locales ». Cette dynamique générale se traduit par :

des « effets d’agglomération cumulatifs » (migrations du travail et des - compétences, relocalisations d’entreprises ou création de clusters et de grappes) là où le capital social, « le génie collectif » est attractif,

des « effets de défaillances cumulatives » (économiques, sociales, culturelles - et institutionnelles) dans les régions mobilisant difficilement le capital social et l’intelligence collective.

De ce fait, certains observateurs avisés1 ont vu poindre une tension majeure entre modes de développement régional, dont deux sont essentiels:

1 Marjorie JOUEN, « le développement local endogène, éternel parent pauvre des stratégies de développement ? »,in Population & Avenir, HS, avril 2008 – Penser le futur.

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La dynamique de développement régional endogène dans laquelle « la - composante sociale, partenariale et ascendante » est le moteur, le levier, mais dont l’efficacité est encore faible, en raison d’une formalisation faible du processus stratégique.

La dynamique de développement régional exogène dans laquelle la logique - d’attractivité est centrale. Où la compétitivité et la performance globale se fondent sur « la réappropriation à des fins concurrentielles des facteurs immatériels » tels que le capital social, les pratiques culturelles et le « génie collectif ».

Les enseignements tirés des expériences comparées dans ce domaine favorisent une démarche fondée sur la nécessaire articulation entre les deux approches par les stratèges régionaux. Les enjeux mondialisés du développement redonnent une légitimité forte aux systèmes locaux d’innovation au sein desquels les entreprises apparaissent comme un moteur déterminant entrainant les autres acteurs de l’écosystème. Le pilotage de ce croisement, sa mise en stratégie nécessite une réflexion approfondie qui ne pourra se déployer et s’enrichir qu’au travers d’une analyse comparée d’expérience animées par des cultures de développement régionales diversifiées quelles soient latines, anglo-saxonnes, méditerranéennes ou africaines( Pr François-XavierLevel, Pr Rachid Benmokhtar Benabadallah, Pr Jean Louis Levet).

Mais alors, les décideurs et développeurs régionaux ont impérativement besoin de nouvelles grilles de lecture et de nouveaux modes opératoires pour :

envisager en connaissance de cause à la fois les mutations industrielles, les - ruptures technologiques, les fractures sociales et les chemins de la croissance,

éviter les situations de dépendances stratégiques.-

Evaluer l’impact des options stratégiques et les sources de risques induits nécessite une acuité informationnelle et une capacité de manœuvrabilité, que seule une fluidité dans les systèmes d’aide à la décision rend possible. L’intelligence territoriale en tant que produit des organisations et des méthodes innovantes est adaptée à cette urgence.

Le présent ouvrage issu des travaux de la rencontre internationale organisée du 22 au 25 novembre 2010 à Dakhla, au cœur des provinces sahariennes du Royaume du Maroc, croise donc l’intelligence territoriale envisagée comme stratégie publique et collective d’appui à la coproduction du développement régional et aux logiques de développement territorial par l’entreprise. Son apport est original à deux titres. Par son entrée « entreprises » et par l’étalonnage des expériences internationales qu’elle propose, la région et la territorialisation du développement étant le dénominateur commun de cette démarche.

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Dans cette perspective les experts, les chercheurs, les acteurs publics et privés, locaux, régionaux, nationaux et internationaux, les entreprises et réseaux d’entreprises, les agences régionales de développements, les associations socioprofessionnelles et les institutions internationales qui y ont contribués analysent et interrogent à travers les expériences qu’ils présentent les stratégies d’intelligence territoriales, leurs enjeux et perspectives et ce à partir de plusieurs clés d’entrée :

les politiques d’intelligence territoriale 1- où les auteurs tentent de mettre en perspective les différents types « d’intelligence territoriales » à la source des politiques qu’elles engendrent dans les pays et les territoires définis par des destins de développement spécifiques, des modes de gouvernance et des organisation typiques. A partir des expériences du Vietnam, de la France, du Maroc, de Dubaï, du Brésil , de Chine et des programmes de l’Union européenne, ils ont pu identifier les contenus, les objectifs et les facteur de réussite de ces politiques en prenant soin d’en définir la valeur ajoutée par rapport aux classiques politiques régionales ou de développement local et la complémentarité par rapport aux approches de prospective territoriale (Pr VU Manh Chiên, Dr Manuel Juan Ciruzzi, M.Laurent Malvezin, M.Abderrafie Hanouf,Dr Dale Murphy).

les grappes d’entreprises et dynamique des territoires 2-

A ce niveau, les auteurs ont essayé de mettre en perspectives les réseaux d’entreprises, les filières, les pôles de compétitivité, les « clusters » et les grappes d’entreprises qui sont devenus dans les économies du Nord comme du Sud des organisations productives « stratégiques » au cœur des dynamiques des territoires. Communautés de destins productifs et commerciaux, réseaux de savoir, ils sont source d’innovation et de performance collective, notamment en mobilisant les capacités d’intelligence de marchés, des techniques et des savoir faire au service de ses membres pour trouver de nouveaux chemins de développement. Dans ce cadre, les contributions présentées examinent cette dynamique, en en déterminant les leviers avec leurs forces et leurs faiblesses en se basant sur des retours d’expériences et d’analyses du Nord au Sud ( Pr Luiz Fernando Bessa, Dr André Joyal, Pr Srdjan Redezpagic, M. Jean Yves Delaune, Pr Traore Boubakar, Pr Driss Guerraoui , M. Fouad Brini, Karim Angay, Mohammed Houmaymid).

Le management du développement régional : organisation, instruments 3- innovants, financement et promotion des facteurs d’attractivité des territoires

Repenser l’articulation entre « Intelligence territoriale et développement régional par l’entreprise » et faire œuvre d’innovation en stratégie nécessite de penser le

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« nouveau management » du développement régional. En tendances saillantes, il s’agit particulièrement de la concevoir autour du rôle central de l’entreprise et des dynamiques entrepreneuriales dans une logique de co-construction public privé. Ici nous assistons au Nord comme au Sud à la montée en puissance des outils de l’intelligence stratégique comme mode de management des situations de développement régional et de la formalisation de politiques publiques d’intelligence territoriale ( Pr Mohamed Haddar, M. Emmanuel Dierckx De Casterlet, Pr Mohammed Benlahcen Tlemçani, Pr Henri Dou).

Cela fait porter à l’ensemble des acteurs et des parties prenantes des milieux innovateurs, des pilotes des stratégies locales, une responsabilité, notamment en ce qui concerne la maîtrise de ces nouveaux instruments : les investisseurs et bailleurs de fonds, les chambres de commerce, les chambres socioprofessionnelles et les décideurs publics locaux et centraux. Les auteurs ici ont tenté de restituer l’état de l’art en la matière à travers notamment les avancées de l’Europe (organisation des coopérations entre clusters européen en utilisant les techniques de l’intelligence stratégique) et les innovations remarquables des réseaux de la francophonie économique en la matière (35ième Assemblée générale de la conférence permanente des chambres de commerce africaines et francophones, 2009).

L’attractivité du territoire produite et engagée par la stratégie d’intelligence territoriale conditionne le financement des actions de développement. Les contributions présentent et analysent les logiques de financement à l’œuvre au regard des dynamiques qui influencent les financeurs notamment celles dites de « convergence globales et divergences locales » :

Financement des situations locales caractérisées par une attractivité - compétitive, y compris dans des pays en développement qui valorise l’actif entrepreneurial des grappes d’entreprises auprès des bailleurs de fond privés et institutionnels.

Financement des situations locales caractérisées par des « effets de défaillances - cumulatives » économiques, sociales, culturelle et institutionnelles dans des régions mobilisant difficilement le capital social et l’intelligence collective.

Dynamiques des territoires : concurrence et coopération4-

L’exacerbation des concurrences, mais aussi de la nécessité concomitante de coopération entre villes et régions, « territoires concurrents », entre entreprises, entre filière, entre grappes et réseaux concurrents au sein des univers économiques et sociaux des pays développés, entre régions et territoires du Sud, mais aussi entre régions du Nord et du Sud, est une réalité quotidienne pour les décideurs et les acteurs de ces écosystèmes locaux. Les champs de force et les stratégies

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de puissance (tentatives de domination des marchés) s’organisent au gré des dynamiques de compétition. Dans ce cadre, les experts ont à cœur d’illustrer et d’analyser ces dynamiques contradictoires que les décideurs territoriaux doivent prendre en compte dans leurs stratégies (Dr Jones-Hendrickson, Pr Gildas Bondi , M. Michel Dieudonné, Pr Alain Redslob, Pr Michel Hollard, Pr Mostafa Kharoufi, Mme Marie Brigaud, Mme Nina Quelenis).

Le partenariat Universités Entreprises Région : résultats et perspectives 5- d’évolution

L’émergence de pôles de compétitivité gagnants et le développement de territoires d’excellence est intimement lié à la capacité des nations et des firmes à promouvoir des systèmes d’innovation pertinents en phase avec les nouvelles formes de concurrence impulsées par la mondialisation des économies et la globalisation des échanges. Le partenariat entre les Centres de Recherches, les Universités, les Entreprises et les Régions en est un des leviers majeurs. Les expériences Allemande, Sénégalaise, Canadienne, Marocaine et Française en constituent une illustration, tant par la les résultats obtenus qu’au regard des perspectives que ce partenariat ouvrent pour les entreprises et les collectivités territoriales concernées (Pr Horst Brezinski, Dr Mamadou Youry Sall, Pr Zayer El Majid, Pr Jacky Kister).

La sécurité économique des territoires6-

La sécurité économique mise à mal par la crise s’impose comme un pilier essentiel de la politique territoriale d’intelligence économique et de toute stratégie de l’entreprise et de ses organisations (filières, grappes, clusters, pôles). Pas d’exposition sur les marchés ou dans une négociation sans organiser la sécurité économique. C’est-à-dire sans une connaissance précise des intérêts clés du territoire, de l’entreprise ou du pôle de compétitivité pour mieux les protéger et rendre la stratégie plus efficace. Les contributions présentées essayent de dégager une vision novatrice de la sécurité économique et des méthodes à mettre en œuvre. Il s’agit de la sécurité dont l’objet est d’assurer les conditions de développement économique et social harmonieux et dont l’objectif est de viser le bien être des populations du territoire. Novatrice au sens où sa finalité est de veiller aux enjeux stratégiques du territoire, incluant le capital social, le génie humain et d’anticiper les risques de dépendance stratégiques (Capitaine Xavier Leonetti, Pr Ismail Ould Khalef, Pr Sabah Chraïbi, Pr Mario Sandoval).

En définitive, offrir un éclairage utile, intelligent et stratégique pour les décideurs régionaux sur les freins et les leviers qui facilitent le développement des régions apparait comme une démarche incontournable. L’entreprise (Grands groupes et PME) jouant un rôle majeur dans cette dynamique, il est évident que le ou les

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projets « socialisés » occuperont la place de catalyseur dans le développement territorial.

En conclusion, force est de constater que les travaux présentés dans cet ouvrage recentrent dans ce contexte les « invariants » et les tendances m ajeures à partir desquels les stratégies d’intelligence territoriales pourront se développer (M.Vincent Perrault).

Toutefois, si l’intelligence économique territoriale à partir des expériences internationales comparées a montré sa pertinence pour la mise en œuvre de stratégies pertinentes de développement régionale par l’entreprise, la culture, l’histoire, la géographie, l’anthropologie, l’ethnologie et la sociologie sont d’une importance cruciales pour en comprendre les dimensions cachées, les racines profondes et les soubassements intimes (Pierre Bonte).

La Déclaration finale, fruit de la rencontre internationale de Dakhla, est le produit de cette intelligence collective. Elle offre une opportunité aux experts, chercheurs et développeurs qui l’ont unanimement adoptée en vue d’approfondir cette thématique d’une réelle importance pour le développement régional par l’entreprise à la faveur des pays des cinq continents qui y ont participé, tout en traçant le cadre institutionnel futur pour assurer la continuité à la fois de la réflexion et de l’action et ce selon une démarche pouvant ouvrir la voie à l’intelligence territoriale prospective.

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CONFÉRENCES INAUGURALES

Convergences globales, divergences locales,le nécessaire renouveau de l’intelligence stratégique

François-Xavier Level,Président de Europa InterCluster

C’ est un grand honneur que de participer à cette rencontre internationale et de pouvoir « frotter et limer notre cervelle contre celle d’autrui »,

pour reprendre la belle expression de Montaigne. Surtout ici, à Dakhla, où firent escale les pionniers de l’Aérospatiale : à certains égards, Mermoz, Saint Exupéry, Guillaumet furent les pionniers de la mondialisation en ouvrant ainsi les premiers lignes intercontinentales…

Quels sont les enjeux et les perspectives des stratégies d’intelligence territoriale ? La question est d’actualité. En mars 2010, la Commission européenne présentait sa nouvelle stratégie sur dix ans, destinée à relancer l’économie européenne. Intitulée Europe 2020, celle-ci vise à développer une croissance «intelligente, durable et inclusive» :

une croissance intelligente : développer une économie fondée sur la connaissance - et l’innovation

une croissance durable: promouvoir une économie plus efficace dans - l’utilisation des ressources, plus verte et plus compétitive.

une croissance inclusive: encourager une économie à fort taux d’emploi - favorisant la cohésion sociale et territoriale

Parmi les actions visant à atteindre les objectifs de croissance intelligente fixés dans cette stratégie «Europe 2020», il est proposé d’élaborer des « stratégies de spécialisation intelligente », notamment à l’échelon régional. L’objectif est de concentrer les ressources sur les domaines d’avantage comparatif les plus prometteurs, par exemple des grappes d’entreprises, des secteurs existants ou des activités transsectorielles, l’éco-innovation, des marchés à haute valeur ajoutée ou des domaines de recherche spécifiques.

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Ce recensement des activités à haute valeur ajoutée les plus susceptibles de renforcer la compétitivité d’une région nécessite une intelligence stratégique. Pour que leurs effets soient les plus grands, les ressources consacrées à la R&D et à l’innovation doivent atteindre une masse critique et être accompagnées de mesures visant à renforcer les qualifications, les niveaux d’éducation et les infrastructures cognitives.

La spécialisation intelligente n’est pas une stratégie imposée d’en haut: les entreprises, les centres de recherche et les universités doivent collaborer pour définir quels sont les domaines de spécialisation les plus prometteurs d’une région.

Mais dans quel contexte global s’inscrit cette stratégie de spécialisation intelligente ? Une intelligence de situation s’impose.

Dans la dynamique de la mondialisation, on peut admettre, comme grille de lecture, un scénario tendanciel axé sur le dilemme « Convergences globales, divergences locales ». La mondialisation des marchés et des chaînes de valeur, le développement de réseaux hors-sol, a-territoriaux, virtuels, autant de signes visibles d’une convergence globale dans le sens d’une trans-nationalisation des entreprises. Avec comme corollaire, un exaspération des divergences locales sur fond d’une concurrence accrue entre les territoires et les zones géographiques : fragmentation géographique des chaînes de valeur, délocalisation discontinue, migrante, par « saut de puce », par exemple en Europe, de l’ouest vers l’est, et ce, d’autant plus que les activités sont volatiles ou peu ancrées ( les services informationnels associés à des fonctions support : maintenance informatique, fonctions tertiaires d’exécution, centres d’appels…). Dans ce scénario, la « main invisible » du marché nous fait perdre la main.

L’inversion de ce dilemme, « Divergences globales, convergences locales », permet d’envisager un scénario volontariste pour tenter de reprendre la main. Plus les chaînes de valeur divergent en se globalisant et se décomposent en se mondialisant, plus leur recomposition, à partir du niveau local, devient un actif stratégique, à partir des activités les plus ancrées que sont les services cognitifs (recherche fondamentale, enseignement supérieur, conseil en entreprise, publicité, marketing...) et collectifs (services de santé, hospitaliers, judiciaires, activités culturelles...). Les entreprises, les centres de recherche, les universités peuvent devenir les acteurs essentiels de ces convergences locales des chaînes de valeur s’ils convergent eux-mêmes dans une dynamique de cluster.

C’est au cœur de ce scénario volontariste que se situe le renouveau de l’intelligence stratégique c’est-à-dire l’art de conjuguer la création d’une chaine de valeur de l’innovation productive (de l’idée à la commercialisation), par un pilotage par l’aval, par le marché et d’une chaîne de valeur de l’innovation territoriale (celle

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d’un continuum d’outils de soutien et d’accompagnement) par un pilotage par l’amont.

C’est aussi au cœur du « Livre Blanc sur l’émergence de clusters européens de classe mondiale », publié récemment, (www.intercluster.eu) que se situe la nécessaire articulation entre les « clusters-espace », compris comme des écosystèmes territoriaux et les « clusters-puissance », compris comme des groupes d’entreprises complémentaires sur la chaîne de valeur et qui se projettent sur la scène mondiale en jouant stratégiquement sur les divergences globales.

Cette reprise en main de la « main invisible » du marché est probablement la vraie finalité de l’intelligence stratégique et le signe de son renouveau.

Ce Livre Blanc est le résultat d’une année de travail, mené par une quarantaine de grands clusters d’Allemagne, de France, de Suède et de Hongrie – un panel représentatif des 2000 clusters d’Europe- et coordonné par Europa InterCluster.

De ces réflexions, se dégagent trois challenges, pour les clusters d’Europe :

Challenge 1 : se projeter sur la scène mondiale :

Un constat : l’internationalisation et la fragmentation géographique des chaînes de valeur et, partant, l’apparition sur la scène mondiale, de nouveaux acteurs comme le Brésil, la Chine, l’Inde et la Russie et par le déplacement du centre de gravité de l’Atlantique vers le Pacifique.

Cette mondialisation des chaînes de valeur a un impact important sur leurs compositions et sur leurs dynamiques: on observe ainsi une disparition progressive de la frontière entre producteurs et distributeurs; l’essor d’un pilotage stratégique par la demande, par l’aval, par le marché; l’insertion des services dans la filière de production et la montée en puissance des services cognitifs (recherche fondamentale, enseignement supérieur, marketing...), l’ensemble opérant ainsi un basculement progressif vers l’économie du savoir.

Dès lors, le challenge essentiel des entreprises, pour être compétitives, consiste à progresser dans la chaîne de valeur et à se spécialiser davantage dans des activités à forte intensité de savoir et de valeur ajoutée, en inventant des technologies neuves, des produits, services et processus innovants, de nouvelles méthodes de management. Cette progression dans la chaîne de valeur s’impose comme le coeur d’une réflexion stratégique menée par la tête pensante du cluster qu’est sa gouvernance mais doit aussi concerner tous les membres du cluster et, en particulier, les PME-PMI qui peuvent représenter autant de maillons d’une chaîne de valeur performante et innovante.

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Fort de ce constat, 3 principes directeurs sont proposés :

avoir une capacité d’élaboration d’une stratégie mondiale : plus la chaîne de - valeur se fragmente, plus est nécessaire une stratégie de recomposition

se positionner sur ou susciter de nouveaux marchés intégrateurs de dimension - mondiale c’est-à-dire des marchés où seront positionnés des nouveaux produits issus de la composition stratégique d’une chaîne de valeur pluridisciplinaire.

maîtriser sa propre chaine de valeur : connaître au préalable sa propre - cartographie des compétences, les compétences de chacun des membres du cluster, leurs jeux d’acteurs, leur degré de coopération, les synergies observées et potentielles, bref les forces endogènes qui donneront au cluster l’arsenal nécessaire pour conduire avec succès des stratégies exogènes.

Challenge 2 : se projeter en interne pour devenir un acteur performant : l’art de combiner attractivité et compétitivité

Ce qui fait que le cluster pourra acquérir une dimension mondiale réside essentiellement dans la capacité de révéler, de combiner une logique d’innovation productive – créer des produits de très haute valeur ajoutée le long d’une chaîne de valeur mondialisée – et de valoriser une logique d’innovation territoriale – créer des synergies maximales, sur un territoire donné, entre les trois côtés du triangle de la connaissance. L’attractivité d’un territoire de compétences et la compétitivité d’une stratégie économique sont les deux faces d’un cluster en voie de mondialisation.

D’ou trois principes directeurs :

l’art d’articuler chaque branche du triangle de la connaissance :-

Ce qui fait que le cluster est ce qu’il est, c’est précisément cette articulation entre la recherche, l’innovation et l’entreprise pour l’émergence de savoirs collaboratifs. Aussi, est-il important de ne pas privilégier l’un quelconque des éléments composant le triangle de la connaissance et d’adopter une méthode holistique, au risque de déséquilibrer le cluster et de le faire évoluer vers autre chose, un parc technologique, une technopôle, une zone d’entreprises...

l’art d’articuler la gouvernance et la dynamique de ses membres :-

Le cluster étant en lui-même une entité supérieure à la somme de ses membres, il lui revient de se doter d’un management spécifique dont l’excellence sera un véritable actif stratégique. Un cluster qui aura une photographie précise de sa cartographie des compétences, une connaissance maîtrisée de sa chaîne de valeur, une volonté de chercher ailleurs les maillons manquants, la capacité de

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nouer ainsi avec d’autres clusters des alliances fortes et durables, l’intelligence de fabriquer, avec les autres clusters partenaires, une gouvernance commune, des outils partagés avec un objectif de positionnement sur un marché porteur, ce cluster là aura acquis la puissance d’un acteur européen de classe mondiale.

L’excellence de ce management devra, en effet, se manifester dans sa capacité de pilotage stratégique pour émerger sur la scène mondiale et dans sa capacité de pilotage tactique pour créer, en interne, une dynamique vertueuse entre les trois piliers de l’économie

l’art d’articuler attractivité et compétitivité :-

L’émergence d’un cluster de classe mondiale réside probablement dans la convergence de la stratégie d’un cluster-puissance visant à composer une chaîne de valeur de haut niveau, par un pilotage par l’aval, par la demande, par le marché et la stratégie d’un cluster-espace, menée par un pilotage par l’amont c’est-à-dire par l’offre, par les compétences, par les outils : infrastructures matérielles – transports, habitat, équipements collectifs… ; les outils collaboratifs – pépinières, plate-forme d’innovation, laboratoires mutualisées, outils financiers... Un cluster de classe mondiale sera un cluster-puissance qui plonge ses racines dans un cluster-espace dont il sera comme la partie émergée de l’iceberg.

Challenge 3 : exploiter le potentiel européen :

Face à ses principaux compétiteurs émanant des Etats-Unis et, de plus en plus, de Chine, d’Inde , les clusters d’Europe doivent se regrouper, établir des alliances stratégiques pour atteindre une masse critique. Dès lors, l’enjeu principal réside dans leurs capacités à mobiliser une intelligence stratégique pertinente. D’où les trois principes directeurs que suggèrent le Livre Blanc :

se renforcer par la coopération européenne-

se structurer par des chaînes de valeur européenne de classe mondiale-

s’émanciper pour devenir des acteurs incontournables d’une nouvelle - politique industrielle.

A partir de l’ensemble de ces réflexions, toute une série de recommandations concrètes sont proposées, réunies sous la forme d’un « Pacte pour une Europe des clusters ».

En conclusion, on pourrait admettre qu’il reste, dans ce Livre Blanc, quelques pages à écrire en ouvrant de nouvelles perspectives et en élargissant les enjeux européens à la zone Méditerranée. La coopération Europe/Méditerranée, celle qui est envisagée dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, est, sans conteste,

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une priorité stratégique. Pour ce qui est des clusters et l’émergence de clusters européens de classe mondiale, il serait intéressant de lancer un projet-pilote de « cluster EuroMed », c’est-à-dire un consortium permanent de quelques clusters d’Europe et de Méditerranée, complémentaire sur la chaîne de valeur, dotée d’une gouvernance et d’une stratégie communes. Il y aurait là un bel exemple d’intelligence stratégique, dans le cadre d’un scenario volontariste, tel que mentionné plus haut.

Convergences locales, convergences euro-méditerranéennes par le biais d’acteurs tels que les clusters, en vue de recomposer, ensemble, des chaînes de valeur et de reprendre ainsi la main en se jouant des divergences globales. Ce renouveau de l’intelligence stratégique dépend de nous. Ces rencontres de Dakhla en seront, j’en suis sûr, un jalon essentiel.

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DÉVELOPPER LES RÉGIONS PAR LA CONNAISSANCE ET LA TECHNOLOGIE

Un nouveau pari pour créer de la richesse et de l’emploi en exploitant les spécificités territoriales

Pr Rachid Benmokhtar Benabadallah, Ancien Ministre,Président de l’Observatoire National du Développement Humain

Introduction

Le développement par les grands plans sectoriels est certes important sur le plan national, en effet ces plans induisent une dynamique d’investissement à moyen et long terme et permettent la mise en place des mécanismes d’accompagnement indispensables à la modernisation du tissu de production et à l’intégration de notre économie dans l’économie mondiale.

Cependant ces plans n’ont pas forcément des effets de levier sur l’ensemble des territoires dont le développement durable est lié à leurs spécificités aussi bien géographiques, spatiale que sociologiques et culturelles.

Cette présentation plaide pour une approche du développement à partir de ces spécificités, en associant d’un côté les ressources souvent cachées des territoires, au formidable potentiel de création de richesse que nous offre la connaissance et la technologie.

Créer de la richesse, c’est créer des activités à forte valeur ajoutée et des emplois, cette fois-ci locaux.

L’intelligence territoriale et l’intelligence technologique peuvent-elles être mariées pour réussir ce pari ?

Le Maroc souhaitable à l’horizon 2025I-

Une référence incontournable dans la construction du Maroc moderne reste le rapport du cinquantenaire ordonné par le chef de l’Etat fin 2003 et rendu public en janvier 2006.

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Ce rapport après une analyse critique et sans complaisance des 50 années post indépendance a présenté deux scenarios d’évolution du pays sur 25 ans. Le premier étant un scenario de continuité qui aboutirait à un Maroc inacceptable, le deuxième est un scenario de ruptures progressives qui pourrait nous conduire au Maroc souhaitable.

Les atouts du Maroc pour aller sereinement vers un Maroc nouveau répondant aux aspirations profondes et communes de la majorité des marocains à un progrès économique et social significatif et à une appropriation progressive mais durable des valeurs universelles des droits et obligations des citoyens et de la démocratie sont :

La stabilité politique du pays, garantie par une mobilisation quasi-totale - de la population autour de la personne du Roi ;

La jeunesse de sa population, jeunesse considérée désormais non comme - un problème mais comme une force indispensable pour accompagner une dynamique de croissance économique et pour construire une société ouverte sur la mondialisation ;

Sa position géostratégique au confluent de l’Afrique, de l’Europe et du - moyen Orient. Cette position, si les flux marchands, humains et culturels étaient accrus et exploités judicieusement, donnerait au Royaume une spécifité unique et un avantage géostratégique particulier.

Trois types d’actions sont, selon les auteurs du rapport susceptibles de concrétiser cette vision d’un Maroc « souhaitable ».

Dans l’urgence : la lutte contre les « inacceptables » à savoir la lutte - contre l’analphabétisme des jeunes, la généralisation de l’enseignement de base, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, la couverture sanitaire et la lutte contre la mortalité infantile et maternelle, l’inclusion des segments marginalités de la population : les femmes , les jeunes, les populations rurales, les personnes handicapées ;

Sur le moyen terme, le développement local avec comme objectifs, - l’équipement des territoires, le lancement de pôles de développement régionaux, une politique de la ville pour accompagner la migration des ruraux et l’évolution démographique, la bonne gouvernance locale, et l’intégration, dans les projets publics et dans les textes législatifs, des mesures nécessaires à la préservation des droits des futures générations grâce à un développement qui répond aux exigences du concept de développement durable ;

Sur le long terme, il s’agit d’investir dans le Savoir : qualité du système - éducatif et de formation, innovation par la Recherche et la Technologie,

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accès aux technologies de l’information et de communication par le plus grand nombre, intégration dans les réseaux mondiaux de production et de diffusion du savoir.

Qu’en est-il de cette vision, cinq ans après la publication de ce rapport ?

Stratégies élaborées pour concrétiser le Maroc souhaitableII-

Bien que la littérature officielle des départements sectoriels ne fasse pas explicitement référence à la vision et aux recommandations du rapport du cinquantenaire, nous avons cherché à savoir si leurs stratégies récentes, contribuaient directement ou indirectement à la réalisation de la vision 2025.

La matrice en annexe1 montre clairement que dans l’ensemble il ya une prise en charge des recommandations du rapport.

Mais cela est-il suffisant pour une concrétisation effective de la vision 2025 ?

Principaux déterminants de la réussite de la vision 2025III-

Il ne fait pas de doute que la colonne vertébrale autour de laquelle s’articulent toutes ces stratégies sont les orientations claires données par SA MAJESTE LE ROI dans ses discours. C’est à travers la lecture de ces discours que l’on peut avancer qu’une approche du type « building blocks » est en cours de mise en œuvre, sans que (peut-être) les protagonistes gouvernementaux, politiques ou économiques n’en soient réellement conscients.

Néanmoins la convergence de ces stratégies vers un même objectif et la réussite qui serait au bout, est tributaire de quelques déterminants essentiels.

Ces déterminants sont:

Le renforcement des droits socio-économiques et culturels des citoyens - et le raffermissement de la solidarité ;

La réduction des sources d’inefficacité liées à la faiblesse de la compétitivité - et aux carences relevées au niveau des ressources humaines ;

L’abandon des approches de développement strictement sectorielles, - isolées et non intégrés. D’où la nécessité de mettre en place des stratégies de développement privilégiant la synergie des acteurs et la convergence des politiques ;

En plus des objectifs quantitatifs de croissance, nécessité de donner la - priorité aux objectifs concernant le bien-être des populations et donc

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intégrant les caractéristiques du territoire (monde rural, etc.) et de la société (femmes, jeunes, populations à risque, migrants, etc.).

Cinq ans est un temps suffisant pour apprécier les effets des stratégies mise en place, au moins au niveau des actions de court terme.

Un bref état des lieux :IV-

Outre les progrès en matière de droit de l’homme et d’égalité des genres, progrès au niveau des textes de loi, mais qui restent à concrétiser dans les faits, entre 2004 (année de référence des données utilisés par le rapport du cinquantenaire) et 2009, le Maroc a fait beaucoup de progrès sur le plan économique, cependant les disparités subsistent aussi bien entre les citoyens qu’entre les régions et à l’intérieur des régions entre le rural et l’urbain et même entre les communes d’une même province (voir tableaux en annexe 2).

Ce que nous pouvons en conclure c’est que les efforts faits et les progrès économiques réalisés n’ont pas eu des effets de levier suffisants sur l’ensemble des territoires, c’est pourquoi :

En plus des objectifs quantitatifs de croissance, il y a nécessité de donner la - priorité à des objectifs concernant le bien-être des populations, la stabilité et la paix sociale en intégrant les spécificités aussi bien géographiques que spatiales, sociologiques et culturelles dans une nouvelle vision de développement durable,

Admettre qu’il n’ya pas de développement durable sans création de - richesses et que la création de richesse est une course contre la montre pour créer des emplois nouveaux, en moyenne 400 000/an jusqu’en 2025 selon le rapport du cinquantenaire !

Ce que nous retiendrons de ce bref état des lieux, c’est la nécessité d’une approche territoriale du développement durable et la nécessité de créer de la richesse.

Mais ou est la richesse ?

La richesse du Maroc selon le rapport 2005 de la banque Mondiale sur V- la richesse des nations

Selon la banque la richesse des nations se trouve dans trois actifs :

Leur capital naturel-

Leur capital produit-

Leur capital intangible (capital humain, capital social, gouvernance)-

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Nous ne détaillerons pas ici ni les concepts, ni les approches utilisées pour calculer cette richesse. Pour donner un repère d’appréciation disons que selon cette étude le pays le plus riche à la publication de l’étude était la Suisse.

Avec un total par habitant de $ 454 000, repartis comme suit :

Capital naturel $ 9000 -

Capital produit $ 20 000-

Capital intangible $ 425 000-

Pour le Maroc nous trouverons $ 22 600 par habitant, répartis comme suit :

Capital naturel $ 1600 -

Capital produit $ 3000-

Capital intangible $ 18 000-

L’analyse de ces chiffres montre que :

Comparé à la Suisse qui n’est pas le pays dont le capital naturel est le plus élevé, - le Maroc n’est pas un pays « naturellement riche », mais plutôt pauvre ;

Que ce qui fait la richesse c’est le capital intangible.-

C’est pourquoi, le Maroc a une marge très grande pour accroitre sa richesse,

Les facteurs de réussite sont:

les investissements dans le capital humain, -

une assez bonne gouvernance,-

la génération d’une épargne suffisante pour augmenter le capital produit - et compenser la perte des ressources naturelles. (forêts, stock halieutique, érosion des sols, désertification...)

Une analyse plus fine nous amène à dire que la création de richesse à ce jour reste concentrée dans 5 régions dont la part dans le PIB entre 2004 et 2009 est passé de 59,1% à 60,6% Mais plus grave contenu du fait que ces régions et principalement Casablanca et Rabat concentrent les meilleurs écoles et centres de formation ainsi que le capital humain le mieux formé, le capital social le plus organisé et la gouvernance la moins mauvaise, ce sont ces régions qui s’accapareront la richesse à venir, ainsi ces disparités intolérables auront tendance s’auto-entretenir et à augmenter dans le futur..

On peut aussi dire que le potentiel naturel de toutes les régions n’est pas exploité et que les politiques publiques qu’elles soient sociales ou économiques n’ont pas réussi à étendre le développement humain et économique à l’ensemble du pays.

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Par ailleurs les rythmes des changements restent faibles, contrastés et variables selon les régions.

C’est pourquoi, une approche territoriale du développement implique une volonté d’innover en matière de gestion des territoires. Le projet de régionalisation auquel a appelé SA MAJESTE LE ROI est certainement le point de départ pour des approches nouvelles innovantes, spécifiques qui tiennent compte des potentiels et des spécificités territoriales.

La région semble désormais être l’échelon pertinent de valorisation des territoires, avec leurs spécificités et leurs atouts de différentiation, pour en faire des moteurs de développement.

Deux types d’actions peuvent accélérer ce développement :

accroitre le capital intangible des régions, par une refonte appropriée 1. du système d’éducation et de formation qui doit être spécifique et qui doit cibler la valorisation du potentiel économique de la région par la mobilisation de son capital humain ;

utiliser les références communes (culturelles, familiales, politiques…) 2. pour agir en concert pour faire émerger des activités en harmonie avec les compétences des hommes et les possibilités du territoire.

Il s’agit de construire des entités économiques à partir des réseaux professionnels et informels existants en attirant autant que possible des compétences et des talents issus de la région ou non à s’y installer, en créant les conditions les plus favorables pour les attirer, principalement des écoles et un Système de Santé de qualité.

Des exemples intéressants qualifiés parfois de « territoires intelligents » peuvent servir de référence : les districts industriels Italiens, les maillages des entreprises Japonaises.

Au Maroc la ville d’Essaouira où l’innovation s’est articulée autour d’un volet institutionnel, fait d’une combinaison d’initiatives de la société civile et d’actions publiques, pour développer la ville autour d’activités culturelles, en exploitant à la fois son héritage matériel et immatériel, le savoir tacite de ses artisans et son grand potentiel touristique est un bon exemple.

On voit ici le rôle primordial que pourrait jouer l’intelligence économique pour faire émerger des idées et initiatives innovantes pour le développement des territoires.

Recherche, Technologie et territoiresVI-

L’innovation en matière de gouvernance territoriale doit être accompagnée par l’innovation en matière de création de richesse, seule voie comme cela a été dit pour

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créer des emplois et une économie durable. Nos régions recèlent des potentiels et offrent des opportunités. Valoriser les potentiels et saisir les opportunités, passent par le développement de la recherche-application et l’utilisation des technologies les plus avancées pour créer de la valeur ajoutée.

De même combiner les savoirs tacites et les savoirs scientifiques ou de marketing et de gestion peut conduire à des résultats inattendus.

Un exemple intéressant est le renouveau de l’Artisanat à Marrakech, ou le design moderne et les techniques artisanales ancestrales donnent naissance à des produits originaux et nouveaux à très forte valeur ajoutée qui ouvrent des perspectives commerciales nouvelles sur le marché intérieur et à l’exportation.

Un autre exemple est la société Managem à Marrakech, aussi, qui a investi en Recherche et Développement et qui aujourd’hui commercialise aussi bien des produits de transformation minière que des brevets à l’échelle internationale.

La biodiversité marocaine offre aussi, un champ de recherche et développement ouvert, chaque région y a sa place. La création d’une « cactopole » à Guelmim irait dans ce sens si on y installait un laboratoire de biotechnologie pour pousser au maximum le rendement des investissements en plantations de cactus, et sa transformation en produits de grande valeur ajoutée.

Bien d’autres exemples existent sans doute, comment alors structurer une action qui va vers l’innovation territoriale par la recherche et la technologie ?

Pour un schéma directeur de l’innovation territorialeVII-

Aujourd’hui au Maroc, les conditions d’un décollage des régions existe :

Le projet d’autonomie des régions ordonné par le Chef de l’Etat ; - La très grande sensibilité du gouvernement à l’importance de l’innovation ;- L’existence d’universités dans pratiquement toutes les régions.-

Ce qui manque ce sont :

Une ambition locale qui mobiliserait les entrepreneurs et les compétences - autour de projets innovants ;

L’implication des universités dont une des missions devrait désormais - être leur contribution au développement des régions aux quelles elles appartiennent par la formation et la recherche;

La mise en place de cellules d’intelligence technologique et économique - dans les universités, pour servir d’accélérateur d’innovation en permettant de combiner des technologies existantes à la recherche et développement orientée marché ;

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L’implication des grandes entreprises présentes dans chaque région pour - contribuer à l’émergence d’un réseau de compétence et à la structuration de petites et très petites entreprises locales ;

Une structure autonome de coordination, et d’évaluation reconnue pour - légitimer toutes les initiatives pourvu qu’elles soient complémentaires et qu’elles servent l’intérêt général ;

Une innovation technologique orientée vers le social qui adresse des - problèmes comme l’accès et la production d’eau potable à bas prix, l’énergie domestique, la nutrition équilibrée et bon marché, l’amélioration des rendements et de la productivité des petites unités de transformation,

Des exemples intéressants de part le monde, montrent la voie :

Général Electrique: à réussi à fabriquer des lave-vaisselles et des chaudières, - à prix inférieurs au prix chinois grâce à la conception à partir de zéro d’un nouveau procédé, l’objectif étant de ramener des emplois aux US,

Danone Bangladesh: à créé un complément alimentaire pour les enfants - à très bas prix,

Tata Inde: à conçu un filtre antibactérien à très bas prix -

Cluster West: le bien mangé durable, qui intègre dans un même projet les - agriculteurs, les industries agro-alimentaires et les universités.

Tout cela milite pour un schéma directeur de l’innovation territoriale.

Conclusion : un nouveau rêveVIII-

La combinaison des spécificités et des potentialités locales, à l’innovation par la recherche et la technologie, grâce au savoir, aujourd’hui plus que jamais universel et disponible grâce à internet permet de réaliser un nouveau rêve, celui de créer de la richesse à la base de la pyramide territoriale, avec les populations.

C’est le seul moyen de faire un pas en avant gigantesque en très peu d’années en réduisant les disparités tout en accompagnant le projet politique de démocratisation du pays, l’autonomie des régions et l’intégration du pays dans le processus de mondialisation.

Nous conclurons par ces (Extraits du message de Sa Majesté le Roi adressé à l’occasion du World Policy Conférence, le 17 octobre 2010). « Le local, duquel tout part et vers lequel tout revient, n’est pas l’ennemi de l’universel. Au contraire, l’universel n’est réel que s’il est localisé et s’il tire de la richesse de son unité, la pluralité et la diversité de ses affluents locaux. La mondialité n’est concrète que si le développement local est soutenable et ouvert sur le monde ».

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ANNEXE 1

Stratégies Objectifs Contribution à la vision 2025

INDH Elargissement de l’accès aux infrastructures/services sociaux de base dans les quartiers urbains pauvres et les communes rurales les plus démunies.

Lutte contre les inacceptables.

Promotion des activités génératrices de revenus stables et d’emplois.

Lutte contre la grande précarité dans laquelle vivent les personnes en grande vulnérabilité ou à besoins spécifiques.

Plan d’urgence Consolidation de la généralisation de l’enseignement.

Savoir et lutte contre les inacceptables.

Al Najah Amélioration continue de la qualité de l’enseignement.

Affermissement de la modernisation de la gouvernance à tous les niveaux (préscolaire, collégial, primaire et secondaire).

Développement d’une gestion stratégique des ressources humaines.

Plan d’action santé

Réduction de l’intensité des problèmes majeurs de santé.

Lutte contre les inacceptables.

Meilleur accès aux soins.

Moralisation du secteur de la santé

Plan stratégique de développement social

Promotion de l’inclusion sociale des catégories de la population en situation d’exclusion.

Lutte contre les inacceptables.

Renforcement de la cohésion sociale et de la solidarité.

Promotion des droits des femmes, de l’approche genre et de l’égalité des chances.

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Stratégies Objectifs Contribution à la vision 2025

Plan Maroc Vert

Développement d’une agriculture moderne et à haute valeur ajoutée/haute productivité.

Savoir et développement local.

Accompagnement solidaire de la petite agriculture.

Plan émergence

Ciblage volontariste sur des métiers moteurs de croissance.

Croissance économique et développement régional.

Renforcement des facteurs de compétitivité du Maroc.

Modernisation du tissu industriel existant avec un accent prioritaire sur l’émergence de nouvelles bases industrielles.

Stratégie de protection

Protection et gestion durable de l’eau, du sol et de la nature.

Savoir et développement local.

de l’environnement et du développement durable

Protection de l’air.

Promotion des énergies renouvelables.

Prévention des catastrophes naturelles et des risques technologiques majeurs.

Amélioration de l’environnement urbain.

Gestion de l’environnement.

Stratégie équité et égalité entre les sexes

Réduction des disparités entre les deux sexes, tant en matière de droits, d’accès aux ressources et d’opportunités économiques, qu’en terme d’influence politique.

Lutte contre les inacceptables.

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ANNEXE 2

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INDUSTRIALISATION ET LOCALISATION DES ACTIVITÉS

Une réponse à la grande mutation mondiale en cours

Pr Jean Louis LevetEconomiste, ancien Directeur de l’Institut de Recherche

Economiques et Sociales, Paris

Je suis heureux et honoré d’être à nouveau parmi nos amis marocains :

Ils savent créer les conditions de vrais débats, c’est-à-dire où dans - l’échange, chacun cherche à devenir raison avec l’autre, et non à imposer sa raison à l’autre ;

A l’heure de nos sociétés qui se consacrent moins à la réflexion qu’à la - communication, il est impératif que se créent et se développent des lieux comme celui-ci consacrés à la communication de la réflexion.

Introduction : le territoire, principal point de repère pour des populations en panne d’avenir

Je vous propose de vous présenter rapidement trois faits, apparemment sans liens :

Voici une page de publicité, dans un grand magazine français pour les - smartphones avec les slogans suivants : « Tout faire à la fois, tout voir en même temps » ; « Rester connecté avec tout et tout le monde, partout » ; « Recharger sans fil sans perdre un instant » ;

En 2007, juste avant la diffusion de la crise financière la City de Londres - a distribué 20 milliards de livres à ses traders, soit le même montant que l’aide apportée par le gouvernement à la City en 2009 pour la sauver de la faillite ;

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Une marchandise coûte moins chère à transporter de Shanghaï au port - français du Havre que du Havre à Paris.

Le premier fait illustre cette course à la vitesse pour la vitesse ; le temps ne doit plus exister. C’est ce que l’anthropologue Marc Augé nomme « l’idéologie du temps »2. Depuis des siècles, le temps étai porteur d’espérance. L’avenir avait un sens. On attendait de lui amélioration, progrès, ou révolution. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Seul compte le temps présent, un temps presque immobile. Une véritable crise de la temporalité s’est installée. Marché libéral planétaire et communication générale instantanée se combinent pour former ce qu’il est convenu de nommer « globalisation ».

Le second fait révèle l’absurdité de la nouvelle nature du capitalisme, un capitalisme financier qui s’est rapidement imposé dans les années 90 et qui a diffusé ses principes à toute la société. Principe de flexibilité, comme principe d’ajustement organisationnel des entreprises à la volatilité des marchés. Principe de liquidité : un capital engagé est d’autant plus liquide qu’il doit se transformer rapidement en argent. Ce principe devient l’étalon de l’efficacité des entreprises. Ces deux principes se combinent pour converger vers la déconstruction du social. Le risque social, le risque économique, le risque financier est transféré au salarié.

Le troisième fait est révélateur que l’espace prend une toute autre signification dans la mondialisation. Les espaces de circulation des marchandises et des hommes, les espaces de consommation et de communication se multiplient dans le monde, rendant visible l’existence même des réseaux.

Le lien entre ces trois faits ? Le sens de ces trois faits ? Dans cet univers qui tend à faire disparaître le temps et l’espace et à faire de l’argent une finalité et non plus un moyen, le territoire devient le point de repère majeur pour les populations et selon les stratégies qu’il met en œuvre, ces populations se voient ou non un avenir. Le futur existe dans tous les cas, mais l’avenir se construit. La crise financière de 2007 entraînant une crise économique et sociale majeure fait qu’un grand nombre de citoyens ne se voient plus d’avenir. Comme l’écrit Pierre Nora, « La France se sait un futur, mais elle ne se voit pas d’avenir. C’est la raison du pessimisme des Français »3. C’est le grand défi que les acteurs territoriaux doivent relever.

2 Augé, M., Où est passé l’avenir ? », Editions Panama, 2008.

3 Nora, P., « Les avatars de l’identité française », in Le Débat, mars-avril 2010, Gallimard.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 41

Trois grandes idées reçues marginalisent la notion même de territoire, I. depuis trois décennies dans les représentations sociales4 :

Celle de « la société post-industrielle » dans les années 80 qui postule : - « l’avenir est dans les services high tech et tout ce qui se produit à vocation à partir dans les pays en voie de développement » ; le territoire devient alors un lieu plus flou.

Celle de « la nouvelle économie » dans les années 90. Pour cette nouvelle - idéologie, internet plus la finance sont les deux moteurs de la prospérité de demain. Le territoire devient alors un support du nomadisme des entreprises ; et le poids pris par la finance fait de l’entreprise un simple actif financier qu’il convient d’optimiser sur les marchés financiers. Elle n’est plus une communauté d’hommes et de femmes partageant un avenir commun.

Celle de « l’entreprise sans usine », gérée par les TIC, depuis le début - des années 2000 : le salarié devient un coût qu’il convient de réduire le plus possible et la proximité territoriale n’a plus d’intérêt ; tout doit passer par le numérique. La délocalisation de la production devient alors l’aboutissement de la succession de ces trois idéologies qui au final n’en font qu’une : La richesse est dans l’instantané, la finance et les services haut de gamme, alors que la production exige du temps, des hommes et du travail.

Quant à l’intelligence économique, dans un tel contexte, elle se réduit à la protection des systèmes d’information et à la réponse aux menaces qui ne cessent de peser sur toute entreprise dans une compréhension binaire du monde, de la guerre de tous contre tous.

Mais les territoires quelles que soient leurs formes et leurs périmètres sont progressivement devenus des acteurs clés, en particulier en Europe, parce qu’ils ont eu à affronter les mutations industrielles des années 80, le désengagement des Etats dans les années 90, et la crise de 2007 qui s’est propagée à l’ensemble du tissu économique.

Mais aussi parce que, dans de nombreux lieux, il y a une tradition, une culture des acteurs locaux à se construire dans la durée (des réseaux d’entrepreneurs ont structuré la division du travail de territoires associant petites villes et zones rurales notamment en Europe de l’Ouest, avec le processus d’industrialisation de 1850 aux années 70, jusqu’aux initiatives récentes).

4 Levet, J.L., Pas d’avenir sans industrie, Economica, Paris, 2006.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE42

Des défis globaux, inédits qui se superposent : une formidable mutationII.

Trois défis majeurs pour la première fois dans l’histoire du capitalisme se combinent :

Une redistribution de la puissance mondiale vers l’Asie et plus - particulièrement la Chine (ce pays investit tous les secteurs ; son poids dans la R&D devrait rejoindre celui de l’UE d’ici 2025 ; elle forme 800 000 ingénieurs par an ; les chercheurs chinois représentent aujourd’hui 20% des effectifs mondiaux et devrait devenir le 2e plus important marché mondial pour la consommation des ménages).

La nécessité de construire un nouveau mode de développement moins - consommateur d’énergie fossile et source de moins d’inégalités sociales.

Les ruptures technologiques issues des grands domaines de recherche : - en 2030, quatre grands domaines devraient constituer le socle des activités d’innovation technologique et qui donneront naissance à de nouvelles activités industrielles (l’industrie ne disparaît pas, elle se transforme et ses frontières s’élargissent) : développement durable et énergie ; nanotechnologies, matériaux intelligents et nouveaux procédés de production ; TIC ; sciences du vivant, biotechnologies pour la santé5. Ajoutons y l’interdisciplinarité et l’ouverture, la qualité, la souplesse des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche qui permettront de favoriser la réactivité à la demande sociale et économique et de tirer parti des nouvelles opportunités scientifiques et technologiques.

Trois défis globaux auxquels il faut ajouter la poursuite de la financiarisation de l’économie et les déséquilibres économiques mondiaux dûs à une économie américaine fondée sur la consommation et le surendettement et une économie chinoise sur l’exportation.

Quelles réponses des territoires, des entreprises et quel rôle pour III. l’intelligence économique appliquée au territoire ?

Je propose, compte tenu des analyses précédentes, trois réponses possibles, trois conceptions différentes du développement territorial qui co-existent aujourd’hui :

5 Commission européenne, Emerging science and technology priorities in public research policies in the EU, he US and Japan, mars 2006.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 43

Première réponse : le territoire attractif :

La question est : comment attirer des entreprises pour créer des emplois et de • la richesse ? (des régions confrontées par exemple dans les années 70/80 à des reconversions difficiles : Lorraine, Normandie, Rhur, Appalaches, etc)

La stratégie est une stratégie de l’adaptation ;•

Les acteurs jouent individuellement ;•

Les entreprises mettent en concurrence les territoires et peuvent passer de • l’un à l’autre ;

L’intelligence économique est réduite à la veille internationale et la prospection • de nouveaux marchés, de nouvelles opportunités d’implantation.

Cette réponse peut s’inscrire dans une politique économique du pays qui se fixe l’attractivité du territoire comme priorité principale (exemple : le cas de l’Irlande en Europe).

Seconde réponse : le territoire endogène :

La question est : comment allons nous développer notre territoire ?•

La stratégie est une stratégie de transformation ;(Alsace, Rhône-Alpes, • Bade-Würtemberg, Ecosse, etc).

L’intelligence économique s’élargit à la connaissance des savoirs et des • ressources du territoire, il y a des projets coopératifs et des choix qui sont faits ;

Les entreprises travaillent davantage ensemble car elles ont compris que • les compétences sont plus importantes que les produits et qu’il faut donc créer et innover à plusieurs ;

Ici les territoires peuvent bénéficier d’une politique économique cherchant à améliorer les fondamentaux de la compétitivité : recherche, enseignement, innovation. Les activités industrielles et de service sont considérées comme complémentaires.

Troisième possibilité : le territoire durable (qui peut être le prolongement du scénario précédent) :

La question est : quel territoire voulons nous dans 30 ans ?•

La stratégie est une stratégie d’anticipation et de mise en réseau international • (exemple: les clusters en nanotechnologies : six principaux aux Etats-

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE44

Unis, six en Europe et cinq au Japon dont plusieurs sont interconnectés, complémentaires et concurrents) ;

Les entreprises cherchent à maîtriser les trois espaces que sont la recherche, • la production et le commercial ; il faut à la fois s’ancrer dans un ou plusieurs territoires, afin de mieux s’internationaliser ; développer le tissu industriel mais aussi les services qui s’ancrent dans un territoire (services publics de santé, de recherche, conseil, marketing, logistique, etc).

L’intelligence économique territoriale revêt une approche globale et systémique ; elle est à la fois un mode de pensée (remettre en cause ses propres certitudes ; il faut des convictions mais se méfier des certitudes) et un mode d’action (mobiliser collectivement autour de projets communs)6.

L’action des territoires dans la crise : trois conceptions s’affrontentIV.

Dans le débat international, je considère que trois compréhensions de la « crise » déclenchée aux Etats-Unis en 2007 s’affrontent. Chacune débouche sur des réponses différentes pour les entreprises et les territoires et rien n’est encore joué, tant les rapports de force s’exercent de part et d’autres. Présentons les très succintement.

La première considère cette crise mondiale comme un phénomène 1. provisoire et usuel (le monde de la finance, de nombreux think tank néolibéraux, etc) : après une intervention publique justifiée par la crise, la réponse est dans le retour du marché comme seule instance de régulation et de référence pour les politiques publiques. Ici, le territoire n’est qu’une plate-forme off-shore de la mondialisation, en concurrence avec tous les autres et les entreprises, de simples actifs financiers à optimiser sur les marchés financiers.

La seconde conception considère la crise comme grave et cumulant 2. plusieurs crises (financière, énergétique, alimentaire, etc). La réponse est dans la régulation de la finance et l’investissement dans les technologies vertes. Ici, la localisation des activités (stratégies des firmes et concurrence entre territoires) reste soumise à une concurrence mondiale intense et inégale. En gros les préconisations des récents G 20.

Une troisième conception met en avant le caractère inédit de la crise, 3. comme mutation profonde offrant aux acteurs l’opportunité de changer de paradigme : ici, nous trouvons des ONG, les organisations syndicales, des organismes mondiaux comme le BIT, des partis sociaux-démocrates

6 Levet, J.L. , L’intelligence économique. Mode de pensée, mode d’action, Economica, Paris, 2001.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 45

en Europe ; aller vers une croissance plus économe en énergie et moins inégalitaire dans laquelle les populations les plus fragiles ont leur place, je pense en particulier aux jeunes, aux femmes, aux seniors et aux personnes peu qualifiées ; l’articulation entre la question sociale et la question écologique est capitale pour l’avenir de la cohésion de nos sociétés. Dans ce troisième scénario, une stratégie nationale et territoriale d’industrialisation prend tout son sens, les entreprises s’orientent vers des offres à valeur ajoutée croissante et cherchent donc à s’ancrer dans un/des territoires. Quant à l’intelligence économique, elle peut être ici à la fois un mode de pensée et un mode d’action : permettre aux acteurs de passer de comportements d’adaptation à des stratégies collectives d’anticipation.

Mais plus ces tensions entre groupes sociaux au sein des pays, entre pays, entre ensemble de pays, s’accroissent, plus les acteurs territoriaux doivent penser ensemble, agir ensemble et la variété des actions, des gouvernances, des choix est importante ; c’est ce que nous allons voir et débattre tout au long des travaux des différents panels forts riches qu’ont réussi à monter les organisateurs de cette rencontre internationale.

Merci pour votre écoute.

I

POLITIQUES D’INTELLIGENCE TERRITORIALE

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INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE ET TERRITORIALE, UNE APPROCHE

NÉCESSAIREMENT CONTINGENTE

Le cas du Vietnam

Pr VU Manh Chiên Directeur des Relations Internationales, Université du commerce, Vietnam

Sommaire sur les régions économiques du VietnamA.

À partir des années soixante jusqu’à présent, au Vietnam, pour organiser et administrer le territoire, outre les niveaux administratifs de l’État comme: État, province, district, commune, il y a aussi un niveau qui n’appartient pas aux niveaux mentionnés dans la Constitution7. Il s’agit du niveau régional qui captive toujours l’attention et intéresse les administrateurs, les chercheurs, les planificateurs des politiques... Les grandes régions économiques - sociales (basées sur les groupes de provinces) sont divisées selon les principes et les normes qui se conforment aux conditions historiques de certaines périodes du pays.

Avant 1975, le Vietnam a été divisé temporairement en deux régions : le Nord était non seulement à l’arrière du Sud, mais il devait aussi résister directement à la destruction de l’ennemi. A cette période, le Nord a développé l’économie socialiste selon le mécanisme de la planification économique centralisée. Malgré la guerre, on prêtait toujours attention à l’économie régionale, particulièrement aux régions agricoles, sylvicoles et à la pêche. A la période 1960-1970, le Nord se divisait en 7 régions (nommées régions économiques). Pendant la période 1970-1975, à côté des recherches scientifiques et de l’enseignement dans les universités de la distinction en 4 grandes régions économiques du Nord, on a constaté aussi l’apparition d’autres branches régionales telles que celles de papier, de grume servant les mines dans la sylviculture, les régions urbaines spécifiques dans la construction …

7 La constitution du Vietnam en 1946 détermine les niveaux administratifs comme suit : le Nord, le Centre et le Sud.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE50

De 1975-1980, après l’unification du pays, l’économie socialiste, selon le mécanisme de la planification économique centralisée, a été appliquée dans le pays entier. Les régions économiques socialistes, surtout les régions agricoles - sylvicoles inhérentes à l’industrie de transformation des produits agricoles, forestiers, maritimes, ont pris forme. Sur la base de 40 provinces, villes, zones particulières, le Vietnam se divisait en 7 grandes régions agricoles: moyenne région et région montagneuse du Nord ; région du Delta du Fleuve Rouge ; l’ancienne zone 4 - à présent la côte centrale du Nord ; région côtière de la côte centrale du Sud ; Montagnes Centrales ; le Sud-est et le Delta du Mékong.

A la période 1980-1986, avec l’aide de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, le Vietnam a adopté un point de vue intéressant sur le développement de l’économie générale. En 1982, pour la première fois, notre pays procédait à des études pour construire un schéma général de distribution des forces productives allant de 1986 à 2000. Le territoire du Vietnam se divisait alors en 4 régions économiques principales et en sous-régions économiques et sociales telles que les sept anciennes durant la période 1975 - 1980.

La période 1986-2000 a été marquée par la transformation de l’économie socialiste du Vietnam. Le mécanisme de la planification économique centralisée était converti en mécanisme du marché selon l’orientation du socialisme. Ainsi, la structure de l’économie nationale changeait sur sa qualité ainsi que sur sa quantité. Cela produisait de nombreux nouveaux éléments et de nouvelles occasions favorables, mais aussi des difficultés et des épreuves supplémentaires. Le système régional à cette époque comprenait 8 régions (avec 61 provinces et villes dans le pays entier) et 3 régions économiques principales.

Non compris les régions économiques du Nord divisées avant 1975, à partir de 1976 jusqu’à présent, pendant chaque période particulière, le Vietnam possédait des systèmes régionaux différents, par exemple : celui de 7 régions agricoles, sylvicoles, ou de 8 régions pendant la période 1976 – 1980 ; le système de 4 grandes régions avec 7 sous-régions durant la période 1981 – 1985 ; le système de 8 régions et 3 régions économiques principales à compter de 1986 et surtout à partir de l’année 1990 jusqu’à 2000 ; le système de 6 grandes régions économiques et 3 régions économiques principales. Récemment, le système régional présenté dans le Document du 9ème Congrès du Parti8 comprenait :

(1) - Moyenne région et région montagneuse (TDMN) du Nord (Nord-ouest et Nord-est);

8 Document du 9ème Congrès du Parti - Editeur Politique Nationale - Hanoi, 2001. Durant le congrès, les régions sont distinguées comme celles auparavant. Après, plusieurs provinces sont divisées et formées.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 51

(2) - Région du delta du Fleuve Rouge (DBSH) et la région économique principale du Nord;

(3) - Côte centrale du Nord, région côtière de la Côte centrale du Sud;

(4) - Montagnes Centrales;

(5) - Sud-est (DNB) et la région économique principale du Sud;

(6) - Région du delta du Mékong (DBCL).

Les trois régions économiques principales se composaient de :

(1) - Région économique principale (KTTD) du Nord comprenant 8 provinces, villes qui relevaient immédiatement du Gouvernement Central.

(2) - Région économique principale (KTTD) du Nord.

(3) - Région économique principale (KTTD) de la Côte Centrale.

Avec les recherches régionales mentionnées ci-dessus, toute une série d’autres agencements territoriaux s’est aussi développée au Vietnam sur la base des systèmes existants dans les pays développés, par exemple : « Zone industrielle », « Zone franche », « Zone de haute technologie », « Zone d’entretien de l’industrie », « Couloir économique », « Zone économique ». Les concepts de « Zone industrielle », « Zone franche » et « Zone de haute technologie » ont été abordés dans la loi sur l’investissement et ainsi par plusieurs recherches précédentes. Par conséquence, nous allons préciser et analyser ci-après les concepts suivants : « Couloir économique », « Zone économique », « Zone d’entretien de l’industrie » actuellement utilisés dans notre pays.

Situation actuelle du développement des 6 régions économiques et 3 B. régions économiques principales

La situation réelle du développement économique et social des 6 régions économiques et 3 régions économiques principales est analysée selon le plan suivant : l’échelle et la vitesse de croissance ; l’état de la structure de l’économie ; le développement et la formation des ressources humaines ; l’infrastructure et les problèmes culturels, sociaux, environnementaux, les problèmes sur la défense nationale - la sécurité publique.

Échelle et vitesse de croissance

- Dans les 6 régions économiques

Nous pouvons constater des différences significatives de l’échelle économique entre ces régions. Cela engendre des grandes disparités sur la vitesse de croissance.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE52

Actuellement, la région du delta du Fleuve Rouge et le Sud-est sont les deux ayant une grande échelle et une grande vitesse de croissance.

(1) - L’échelle économique de la région du delta du Fleuve Rouge occupe le deuxième rang du pays. La vitesse de sa croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) augmente de 1,1 à 1,3 fois plus que celle du pays entier. En moyenne, la valeur de la production industrielle augmente environ de 14%.

(2) - L’échelle économique du Sud-est occupe le premier rang. Cette région est en effet la « pionnière » dans l’industrialisation et la modernisation du Vietnam. Elle contribue à plus de 36,8% du PIB, 56,8% du paiement au budget, 68,8% de l’exportation du pays.

(3) - La région côtière (Côte Centrale) se place au quatrième rang au niveau de l’échelle économique, après le Sud-est, la région du delta du Fleuve Rouge et du Delta du Mékong ; elle occupe 14,5% PIB du pays.

(4) - Le niveau de développement économique de la Moyenne région et de la région montagneuse, (Montagnes Centrales) est plus faible que celui des autres régions. Leur échelle économique est aussi plus petite. Particulièrement, il y a une grande distance entre celles-ci et les régions développées comme la région du delta du Fleuve Rouge et le Sud-est.

(5) - L’agriculture, la sylviculture et la pêche sont les branches principales de l’économie de la région du delta du Mékong, son échelle économique occupe cependant le troisième rang dans le pays.

- Dans les trois régions économiques principales

Les trois régions principales, dont l’échelle économique et la vitesse de croissance sont les plus grandes par rapport aux autres régions du pays, représentent les instigateurs de l’économie vietnamienne. Elles jouent un rôle important dans le développement économique du Vietnam en exerçant un grand poids sur l’industrialisation et la modernisation du pays, et donc contribuent fortement à la croissance du pays.

État de la structure de l’économie

- Dans les 6 régions économiques

Il y a une grande différence sur la structure des branches de l’économie entre les régions. Dans les régions plus développées comme celles du delta du Fleuve Rouge et du Sud-est, l’industrie et les services tiennent une part dominante, bien plus grande que dans les autres régions. Bien que la proportion de l’agriculture soit en baisse, elle reste toujours très importante dans leur économie. Cependant, au point de vue « quantitatif », nous pouvons constater que les régions orientent

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 53

leur développement vers l’industrialisation. La proportion de l’industrie et des services augmente sans cesse, pourtant elle ne répond pas encore aux objectifs du gouvernement : « la modernisation » est insuffisante, la proportion de l’industrie est encore faible dans l’économie de la région entière.

- Dans les trois régions économiques principales

La structure des branches de l’économie dans les 3 régions économiques principales s’oriente actuellement vers l’industrialisation et la modernisation. Ce changement se réalise plus rapidement que dans les autres régions, il contribue aussi à plusieurs productions principales pour le développement général du pays. La proportion de l’industrie et des services dans le PIB est de plus en plus élevée.

- industrie : toutes les branches de l’industrie, en particulier l’industrie électrique-informatique (cette dernière occupe 100% de la capacité de production de l’industrie électronique) ;

- services: les services se développent plus vite que dans les autres régions, particulièrement les services financiers et bancaires ;

- agriculture: les zones de production prennent forme peu à peu sur la base du changement de la structure des plantes cultivées, du cheptel. Ceux-ci permettent à la région d’obtenir des avantages comparatifs des zones agricoles suburbaines et des grandes zones industrielles.

Ressources humaines et formation

- Dans les 6 régions économiques

Avec une grande concentration sur l’échelle économique, les ressources humaines sont de bonne qualité et les centres de formation se développent dans la région du delta du Fleuve Rouge, du Sud-est et dans quelques centres urbains de la Côte Central. Les autres régions se développent lentement.

- Dans les trois régions économiques principales

Ces lieux développent de nombreux centres de formation. Quant aux établissements donnant le type de formation régulier dans les 3 régions économiques principales, on trouve 71 collèges techniques et écoles supérieures, 88 universités (occupant 97% de ceux du pays). Environ 45% des provinces dans ces régions ont généralisé l’enseignement du collège (la proportion dans le pays est actuellement de 18%). Le nombre d’étudiants qui étudient dans les universités et les écoles supérieures est de 335.000 (69% du nombre total du pays). Le nombre d’élèves du secondaire est près de 4,5 millions (25% des élèves du secondaire du pays). Ces trois régions

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE54

économiques principales contiennent une abondante ressource humaine. Jusqu’en 2005, elles ont fourni 19,5 millions de travailleurs à l’âge requis (soit 41% de ceux du pays) ; environ 15 millions d’emplois (soit 38% de ceux du pays) ; le nombre de travailleurs formés atteint 65,3% de ceux du pays. Parmi eux, le nombre de travailleurs qui sortent du collège technique atteint 43% de celui du pays, et le nombre de travailleurs issus de l’école supérieure ou de l’université représente 62% de celui du pays.

Cependant, jusqu’à présent, dans ces trois régions économiques principales, il reste encore un point faible qui pèse sur sa croissance de l’industrialisation et de la modernisation. Il s’agit de : ne pas pouvoir tirer le meilleur parti des ressources humaines et des techniciens disponibles (la quantité est grande, mais la qualité est insuffisante). D’autre part, à cause de l’attraction des villes et des zones industrielles dans les régions économiques principales, beaucoup de travailleurs quittent leur village natal, et vont vers les régions économiques principales.

Dans les grands centres urbains comme Hanoï ou Ho Chi Minh-ville, la proportion du chômage est de 6 - 7%. Dans les banlieues, en raison du développement des zones industrielles qui s’approprient une grande part de terres agricoles, les agriculteurs manquent de terres pour gagner leur vie, alors que leur capacité de changement d’emploi est encore faible. On estime qu’environ 40.000 agriculteurs dans les régions économiques principales n’ont pas d’emploi dès que leur terre agricole est utilisée pour la construction des zones industrielles. Ce grand nombre de chômeurs à la campagne entraîne ensuite des problèmes sociaux dans la région.

Infrastructures

Voies terrestres : dans le pays entier en général et dans chaque région en particulier, le système de routes nationales et d’autoroutes a pris forme avec les lignes « Nord – Sud » et « Est-Ouest ». Celui des lignes « Est – Ouest » relie les régions économiques aux pays voisins du Vietnam. Quant à la densité du transport, selon l’évaluation de l’OECF, celle du Vietnam est la plus élevée de l’ASEAN. Elle parvient en effet à 0,64 km/km2 (Thaïlande : 0,2 km/km2, Philippines : 0,45 km/km2, Malaysia : 0,25 km/km2).

Voies maritimes: jusqu’à présent, il existe au Vietnam 70 ports, avec près de 22 km de wharf. Se divisant en 8 groupes, la capacité totale de ces ports est de 50 millions de tonnes par an. Ces systèmes des ports sont reliés aux réseaux de voies ferrées, au réseau routier, en permettant d’avoir une liaison stable dans le pays tout entier. La part du marché du transport maritime atteint 11,6% pour les exportations et 16,3% pour les importations. Les terminaux de conteneurs et les docks ont été modernisés en perfectionnant peu à peu l’infrastructure des ports au Vietnam.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 55

Lignes aériennes : actuellement, 16 aéroports sont exploités, non compris quelques uns ayant des lignes irrégulières comme Cam Ly, Con Son au Vietnam. Nous avons aussi 3 aéroports internationaux (Noi Bai, Tan Son Nhat, Da Nang).

Réseau de voies ferrées : les lignes reliant Hanoï et aux autres provinces du pays sont les lignes principales. La densité de voies ferrées atteint 0,04 km/1000 habitants.

Le système de distribution de l’énergie électrique est appliqué partout dans le pays. Tout particulièrement, le système de fil électrique de 500 KV du Nord au Sud constitue un nouveau progrès du réseau d’énergie électrique dans les régions.

Autres infrastructures : la poste et la télécommunication se développent et se modernisent peu à peu selon la stratégie d’« accélération ». Elles sont distribuées partout, surtout dans les trois régions économiques principales. Elles contribuent en effet fortement au processus de l’industrialisation et la modernisation du Vietnam. La distribution de l’eau est également améliorée, avec en outre une politique de l’eau propre pour les campagnes. L’infrastructure sociale (écoles, hôpitaux, maisons de culture,...) est développée également dans les régions.

Évaluation globale des caractéristiques et des enjeux pour les régionsC.

Depuis 1990, le Vietnam obtient plusieurs réalisations appréciables dans le développement économique, avec un taux élevé de croissance durant la dernière décennie, en moyenne plus de 7,2% par an. Pourtant, ce taux est très différent entre les régions. Il est très élevé dans les régions économiques principales et dans les grandes villes. Dans les autres régions, le développement économique rencontre plusieurs difficultés, le taux de croissance est très faible. (Les trois régions économiques principales occupent plus de 9% par an, soit 1,2 à 1,3 fois de plus que le pourcentage du pays ; tandis que les Montagnes Centrales, la Moyenne région et la région montagneuse du Nord occupent seulement 4% par an). La modernisation dans ces régions se développe, mais à une vitesse très faible. Dans les régions les plus développées telles que les grandes villes et les régions économiques principales, la contribution de l’industrie technologique représente seulement 10 à 15%. La politique d’ouverture obtient de très bons résultats, mais seulement dans les régions économiques principales, surtout dans les centres urbains comme Hanoï, Ho Chi Minh ville, Da Nang. L’IDE dans la région économique principale du Nord occupe 27% de celle du pays, 62,3% dans la région économique principale du Sud ; tandis que ce chiffre dans la Moyenne région et la région montagneuse est de 1,1%, 2,2% dans les Montagnes centrales. Le niveau d’ouverture de l’économie vietnamienne atteint 52%, celui des trois régions économiques principales occupe 77,34%, tandis que celui de la Moyenne

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE56

région et de la région montagneuse est seulement de 10,2%. En conséquence, au point de vue régional, nous sommes devant un grand défi.

Propositions pour résoudre le problèmeD.

(1) - Développer la région avec le point capital : ne pas répandre, déployer. D’abord, il faut développer rapidement certaines régions importantes qui représenteront les fondateurs, mais aussi les accélérateurs du développement du pays.

La théorie de la croissance déséquilibrée et des pôles de croissance, développée par François Perroux, et complétée par plusieurs autres économistes, indique qu’on ne peut pas développer régulièrement l’économie dans toutes les régions, toutes les zones d’un même pays. L’économie dans quelques régions (zones) est plus développée, tandis que dans les autres régions (zones), elle est moins rapide, stagnante ou sous développée. Dans un pays, les régions (zones) en forte expansion ont plus d’avantages que les autres. En appliquant cette théorie, plusieurs pays ont obtenu des croissances économiques remarquables, précisément les pays d’Asie du Nord, d’ASEAN, notamment la Chine avec des résultats louables comme présentés dans le 1er chapitre.

Une région considérée comme pôle de croissance, doit posséder une forte croissance sur certaines branches industrielles de pointe qui attirent par la suite des services de bonne qualité et des travailleurs. Comme conséquence, le niveau de vie des habitants de ces régions est nettement amélioré par rapport aux autres. Cela amène à une économie régionale prospère. Dès que la centralisation dans ces régions atteint un certain niveau, elle engendre des « effets d’irradiations » en créant des nouvelles opportunités de développement pour les régions voisines. Ces pôles de croissances sont considérées comme les régions « pionnières » créant les conditions permettant d’accélérer la croissance économique du pays.

Dans les années à venir, le Vietnam se développera rapidement en se focalisant sur certains pôles de croissance comme accélérateurs de l’économie. Ces pôles doivent avoir des avantages comparatifs, ainsi que les conditions nécessaires permettant d’atteindre une croissance élevée. En créant la richesse du pays, ces régions accélèrent le développement du pays entier. En même temps, ces régions développées sont également des « pionnières » qui atteignent l’économie de la connaissance.

(2) - Il est nécessaire que chaque région porte une attention particulière aux nouveaux facteurs qui pourront devenir les noyaux, les branches de pointe du processus de l’industrialisation et de la modernisation de la région et du pays entier.

En parallèle aux régions les plus développées, les autres régions doivent aussi rechercher des zones économiques potentielles : les « noyaux » du développement

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 57

de chaque région. Ces « noyaux » doivent combiner les conditions suivantes : posséder une condition favorable pour le développement économique (telle que le lieu géographique, les ressources humaines, la capacité à attirer les capitaux...) ; avoir la capacité d’aider les autres zones ; se considérer comme un exemple pour le développement économique pour les autres.

Ces noyaux résultent du choix de l’investissement. Bien que le capital ne soit pas très grand, ils peuvent créer des zones qui progressent rapidement et accélèrent le développement de la région.

(3) - Parallèlement avec des pôles de croissance, il faut aussi veiller sur le développement des régions moins développées afin de stabiliser l’économie du pays et de faire valoir le potentiel, la position de force de toutes les régions.

Essentiellement, selon ce point de vue, il ne faut pas se précipiter pour développer concurremment toutes les régions ; pour avoir les conditions favorables à une croissance rapide dans certaines régions, il est nécessaire de créer un bon équilibre entre les régions du pays. Durant la période de l’industrialisation et de la modernisation, à côté du développement des régions considérées comme « pôles de croissance » ou « accélérateurs économiques », il faut veiller à certain niveau sur le développement des autres régions en créant « l’effet de résonance » pour la croissance économique du pays. Si on ne fait pas attention aux régions en difficultés (l’arrière-pays, les régions frontières, les îles... qui sont les lieux délicats dans la défense nationale, les bases de la résistance), d’une part, on ne pourra pas tirer le meilleur parti du potentiel particulier de chaque région, d’autre part, cela provoquera de l’instabilité qui influence la croissance de l’économie. Pour bien développer toutes les régions :

chaque niveau administratif doit toujours être attentif au développement - économique équilibré dans les zones. Il faut éviter les graves confrontations dues à de trop grandes distances du développement économique entre les régions ;

il faut développer tous les potentiels de toutes les régions pour le développement - économique et social. Il faut éviter les grandes différences entre les zones.

Les régions doivent s’entraider mutuellement. Grâce au système de politique de - l’État (surtout la politique de régularisation), les régions les plus développées peuvent aider celles en grandes difficultés. Les régions les moins développées fournissent des matières premières aux plus développées. Grâce à la science-technologie et aux travailleurs qui possèdent le savoir-faire, l’expérience de gestion, tous ces éléments contribuent à l’élimination de la faim et la réduction de la pauvreté, au développement de la culture sociale, à la protection de l’environnement et à l’harmonisation du transfert de population.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE58

Le développement des régions doit être réalisé dans un même espace, il faut - éviter l’empiétement entre les régions.

(4) - Développer les régions en utilisant les ressources naturelles, les ressources humaines locales, en répondant aux besoins du marché, en assurant les avantages communautaires dans chaque région et la performance socio-économique élevée.

Il faut assurer l’usage des ressources naturelles, utiliser la capacité des ressources humaines afin d’améliorer la valeur nationale de chaque produit, pour le plus grand bénéfice par chaque unité de produit. Afin de profiter des ressources régionales, d’améliorer la valeur des intérêts nationaux et d’assurer des avantages communautaires, il faut :

assurer l’utilisation des ressources naturelles et humaines pour le - développement régional. Il faut avoir absolument des flux ou des échanges d’inter-régions. L’objectif est de créer une économie qui profite au maximum des forces locales, mais qui assure aussi une communication ouverte afin de promouvoir l’ensemble des forces régionales et interrégionales, nationales et internationales, toutes servant l’intégration du pays à l’international ;

profiter du potentiel de la région, interdit d’épuiser les ressources naturelles - régionales, qui affectera négativement le développement du pays : l’exploitation du potentiel doit être fondée sur la performance globale, y compris le développement et la protection du potentiel de chaque région et du pays ;

former un marché unique dans le pays, y compris l’attribution de la coopération - interrégionale, il faut éviter la fermeture totale des échanges de ressources naturelles - ressources humaines - produits, ceux qui entraînent une réduction de l’efficacité du développement total du pays ;

Assurer l’efficacité du développement régional doit prend en compte celle à long terme et celle immédiate. À long terme, le développement harmonieux est d’assurer le rythme et la qualité élevée de croissance pour toutes les régions du pays, la création d’emplois pour les travailleurs, l’amélioration dans la vie matérielle et spirituelle des populations. L’objectif est de réduire la disparité des niveaux de développement et des niveaux de vie entre les régions, afin de créer des conditions stables pour le développement à long terme. A court terme, suite aux limites des ressources, en fonction de chaque moment donné, on pourra « sacrifier » le développement harmonieux des régions à un certain degré. Il faut investir dans certaines régions comme les accélératrices de la croissance globale de l’économie, même si cela augmente la distance entre les régions.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 59

(5) - Le développement régional doit « conserver l’identité de la région », chaque région doit tenir compte des caractéristiques de son économie et de sa culture.

L’identité régionale s’est caractérisée par les propres caractéristiques socioculturelles particulières de la région. Afin de développer l’identité régionale, il faut que chaque région puisse avoir un développement remarquable. Selon les experts chinois : « L’économie régionale qui n’est pas planifiée ne sera pas attractive, celle n’ayant pas d’attractivité ne sera pas efficace »9. Ainsi, « la construction de la structure des divisions régionales peut promouvoir les avantages comparatifs des régions et des provinces du pays. En même temps, la bonne planification et distribution des ressources sont l’une des tâches importantes pour obtenir un développement harmonieux de l’économie régionale »10. Ainsi, pour s’assurer de l’identité régionale, il faut former une structure régionale compatible avec sa capacité, aussi créer des industries spécialisées, mais éviter les mêmes dans les régions.

La construction d’identité des zones économiques consiste à spécialiser ces zones en fonction de leur avantage comparatif, sur la base des politiques d’encouragement et de soutien du gouvernement vietnamien. Les différences entre les régions permettent d’avoir des perspectives de développement approprié :

- Concernant les régions réunissant des ressources humaines qualifiées et des fondations scientifiques - technologiques, il faut développer en avance l’économie de la connaissance en se focalisant sur l’industrie de high-tech. Ainsi, il faut former des régions satellites autour de celles centrales afin de diffuser la civilisation et l’urbanisation et de promouvoir l’industrialisation, particulièrement avant tout la modernisation.

- Concernant les zones en difficulté, peu de main-d’œuvre qualifiée, et sous-développées au niveau scientifique – technologique, il faut profiter et exploiter des ressources naturelles de manière appropriée. En même temps, il faut développer des conditions préalables telles que les infrastructures, les ressources humaines … qui seront les fondations du développement rapide de la région.

(6) - Le développement économique régional doit tenir compte de la croissance durable pour chaque région et pour l’ensemble de l’économie du pays.

Le développement durable dans une région concerne :

9 Etude des économies régionales en Chine - UONG Vu Minh - Editeur de l’Université Chinoise, 2001- Traduction de HAN Ngoc Luong.

10 Etude des économies régionales en Chine - UONG Vu Minh - Editeur de l’Université Chinoise, 2001- Traduction de HAN Ngoc Luong.

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un développement économique durable : il est exprimé par - le développement efficace des ressources, par la croissance du PIB, en engendrant un changement cohérent de la structure économique dans la perspective de l’industrialisation et de la modernisation ;

un développement social durable : ceci est exprimé par une amélioration de - la vie sociale des habitants concernant les services de santé, d’éducation, de culture, de sport, l’égalité des possibilités d’emploi, l’égalité des revenus pour tous les segments de la population et des territoires ;

un développement de l’environnement durable : qui permet d’assurer - l’exploitation rationnelle des ressources, de réduire le gaspillage des ressources naturelles qui cause souvent les dégradations économiques et sociales; de développer l’économie en ne dépassant pas la capacité de l’environnement. Afin d’assurer la prévention de la pollution environnementale, chaque région a des rôles différents : pour la région concernée, il faut appliquer la technologie moderne ; approcher, transférer la haute technologie dans les exploitations ; protéger les ressources naturelles et la production industrielle dans les régions moins développées. Les régions les moins développées comme la Moyenne région et la région montagneuse, les Montagnes centrales, la région du delta du Mékong ont aussi un rôle important dans la protection de l’environnement, l’écologie ... Une pollution de l’environnement dans la Moyenne région et la région montagneuse, les Montagnes Centrales endommagera les régions plaines côtières.

Le développement durable doit assurer la capacité raisonnable du territoire. C’est-à- dire, avant de mettre en œuvre des activités de production, de construction, de services… il faut calculer la capacité appropriée de la région en mesure de s’adapter aux conditions suivantes : l’eau, la construction, l’environnement, l’écologie... Les mises en production doivent être choisies, dans le but d’assurer l’harmonie et l’efficacité de la production. Une forte densité des habitants d’un territoire freinera son développement.

Motion au GouvernementE.

Afin d’obtenir l’efficacité des politiques régionales, il est nécessaire de bien tenir en compte les spécificités, les caractéristiques de chaque région afin de clarifier et prendre les bonnes directions de développement. Ceux-ci permettent de développer rapidement les régions dans le processus de l’industrialisation et la modernisation.

Il faut bien adopter une nouvelle conception sur les différences entre les régions. Ces différences viennent non seulement des éléments naturels, mais elles sont

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aussi le résultat de l’histoire du développement économique – social du pays. C’est pourquoi il est difficile de résoudre ce problème dans une courte période.

Il faut aussi investir dans un programme de recherche au niveau étatique sur l’alliance entre le développement économique - social et l’assurance, la sécurité, la défense nationale dans les régions montagneuses, les régions frontières, l’arrière-pays...

Pendant la période de l’industrialisation et de la modernisation, il faut réaliser la stratégie de croissance, avant tout dans certaines régions du pays pour rattraper les retards de la région par rapport aux autres et au monde. Il s’agit en effet des trois régions économiques principales, le Sud-est, la région du delta du Fleuve Rouge.

Il faut développer les zones particulières et les centres urbains qui sont considérés comme le noyau du développement des régions.

Il faut créer les capacités particulières comme accélératrices du développement de la région côtière de la Côte Centrale.

Il faut développer en priorité certaines régions et zones particulières, en veillant sur celles les moins développées et celles en difficultés afin d’éviter des grandes différences entre les régions, qui pourront entraîner l’instabilité dans la société.

Il faut aussi ajuster la structure des branches industrielles des régions de sorte qu’elle soit conforme à la condition naturelle, économique - sociale de la région. La coordination stricte entre les régions est également très importante.

Il faut ensuite se focaliser sur la construction rapide de l’infrastructure dans toutes les régions, surtout dans les régions économiques principales du pays.

Ainsi, il faut renforcer la coopération, la coordination interrégionale, interprovinciale, par exemple : faire avancer l’échange entre les régions, créer un espace économique en commun. Il faut également renforcer effectivement la gestion dans la région.

Enfin, il faut construire, réaliser et diriger selon le plan de développement économique - social des régions, des provinces.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE62

RÉFÉRENCES

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Ministère du Plan et de l’Investissement : Les problèmes communs de la Stratégie de 2. développement économique - social 2001-2010 : Position, caractères, caractéristiques de la période de stratégie; point de vue, pensée dirigeante et objectif du développement - Hanoï, 1999.

Ministère du Plan et de l’Investissement: Stratégie et plan de développement du pays 3. en entrant au 21ème siècle - Annuaire, Septembre-2000.

Rapport de développement humain 1999. Maison d’édition de la Politique Nationale, 4. Hanoï 2000.

Ministère de l’Industrie: Projet du Plan de développement des branches industrielles 5. du Vietnam selon les régions jusqu’à l’an 2010 - Hanoï, Avril-2002.

Ministère du Plan et de l’Investissement. Programme d’investissement public de la 6. période 2001 - 2005. Rapport de projet. Hanoï, Décembre-2002.

Office central de Statistique: Situation économique - sociale en 2004 – Décembre 7. 2004.

Bui Tat Thang: Changement de la structure de branche pendant l’industrialisation 8. des nouvelles économies, la modernisation à l’Asie de l’Est et au Vietnam. Maison d’édition des Sciences Sociales, 1999.

Do Hoai Nam, Rédacteur général: Quelques problèmes sur l’industrialisation, la 9. modernisation au Vietnam - Maison d’édition des Sciences Sociales - Hà Nội, 2003.

Ha Que Lam. Élimination de la faim et réduction la pauvreté dans les régions où les 10. minorités ethniques résistent - situation réelle et solutions. Maison d’édition de la Politique Nationale, Hanoï 2002.

Le Ba Thao. Vietnam - son territoire et ses régions géographiques. Maison d’édition 11. du Monde, Hanoï. 1998.

Michael P. Todaro: Économie pour le Tiers monde, Maison d’édition de l’Éducation, 12. Hanoï 1998.

Malcolm Ginllis, Dwight H.Perkins, Michael Roemer, Donald R.Snodgrass: 13. Économie du développement - Institut Central de Management économique -1970

Tran Thi Hoa, Colonisation libre - Situation réelle et solutions. Revue des chiffres et 14. des événements, No. 5/1998.

Tran Van Tho: Industrialisation au Vietnam au temps de l’Asie-Pacifique. Maison 15. d’édition de Ho Chi Minh ville - journal de l’économie.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 63

LE MODÈLE ARGENTIN D’INTELLIGENCE TERRITORIALE FACE AUX SITUATIONS

D’URGENCE ET AUX CATASTROPHES

Le cas de la ville de Buenos Aires

Dr Manuel Juan CiruzziConseiller, Gouvernement de la ville de Buenos Aires, Argentine

La ville de Buenos Aires fait partie des plus grandes villes du monde. Une mégalopole autonome, cosmopolite et multiethnique, compte

actuellement 3 millions d’habitants permanents et un flux quotidien de 2 millions de personnes entre la ville et sa banlieue.

La fondation de la ville de Buenos Aires s’est faite, dans un premier temps en 1536 lorsque 700 habitants, ont subi des harcèlements des populations autochtones qui les ont poussés à émigrer vers le nord. Une seconde fondation de la ville a eu lieu en 1580, quand un contingent de plus de 2000 personnes s’est installé en permanence dans la ville. C’est ainsi que la ville a pris comme site le bord d’un grand fleuve (River Plate) avec accès à l’océan Atlantique au Sud et une grande zone de grande richesse naturelle à l’est. Deux facteurs stratégiques qui ont contribué de manière significative à la construction de l’identité de la métropole, de son développement agricole et marin. La navigabilité des fleuves à l’intérieur et l’extérieur du pays et l’installation rapide du port de Buenos Aires ont en fait une plaque tournante du commerce. Elle était également à l’origine des conflits tout au long de l’histoire de la nation grâce à la centralisation de l’activité économique du pays au sein de cette ville.

C’est en raison de la croissance économique et démographique (grandes vagues d’immigration tout au long de son histoire) que l’activité industrielle s’est déplacé hors de la ville, ce qui explique le fait qu’elle soit devenue une grande métropole abritant tous les domaines administratifs, économiques, touristiques, de services et de consommation.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE64

Ainsi la ville a connu un grand développement urbain et administratif. On y trouve les différents services, de la consommation et du tourisme sur les rives d’une rivière du coté de la mer, traversée par de nombreux affluents, entourée par de grandes banlieues dont les habitants se déplacent chaque jour au centre de la ville.

L’éloignement de cette zone de la Cordillère explique également l’absence de catastrophes naturelles durant l’histoire de cette ville telles que les tremblements de terre, les catastrophes maritimes (tsunami), les ouragans, sécheresses, avalanches, glissements de terrain, etc... les risques de catastrophes naturelles auxquelles la ville de Buenos Aires est exposés se limitent seulement aux inondations. Elle est donc classée dans une catégorie à faible risque (peu de chances de survenance d’un incident en particulier).

Mais cela contraste avec les désastres causés par l’activité humaine dans la ville de Buenos Aires. Ces menaces susceptibles de se produire dans la ville autonome de Buenos Aires concernent:

Des pluies torrentielles / vents1-

Des inondations causées par les pluies notamment au Sud-Est2-

Des incendies3-

Des accidents de transports 4- terrestres (routier, ferroviaire, métropolitain) a- aérienb- fluvialc-

Les Incidents relatifs aux concentrations humaines5-

Les incidents de transport des marchandises dangereuses6-

Les fuites de gaz 7-

Les explosions8-

Les comportements marginaux de masse / vandalisme / conduite 9- désordonnée

Les glissements de terrain et l’affaissement du sol 10-

Les vagues de chaleur 11-

Les vagues de froid12-

L’interruption des services de base (eau, gaz, électricité) 13-

L’empoisonnement et la contamination 14-

Les cas d’urgence nucléaire 15-

La grêle et la neige 16-

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Le manque de produits essentiels 17-

Les actes terroristes.18-

Les nuages toxiques.19-

Les épidémies.20-

Les infections mortelles.21-

Avec l’accélération de l’ensemble des processus dynamiques et la pression des flux humains sur ses infrastructures, la ville est considérée de moins en moins comme un espace organisé. A partir de ce constat, il est clair que le paysage urbain actuel nécessite l’élaboration et la mise en œuvre de nouvelles méthodologies pour l’analyse de ses dynamiques et résoudre ces problèmes qui se produisent dans l’espace urbain.

C’est à partir de cette vision qu’il faut recourir à l’application de l’intelligence spatiale et des considérations stratégiques fondées sur la vulnérabilité des risques auxquels la ville est exposée.

Une première recherche qui vise la construction d’un modèle de gestion, et le renforcement de la résilience doit impliquer non seulement les responsables de la gestion des catastrophes, mais tous les programmes d’urgence et de développement de la ville notamment les communautés et les groupes qui disposent de moyens d’existence durables et de bons services de santé etc.…qui sont moins exposés au danger et qui peuvent se remettre plus rapidement. Pour réduire les risques de vulnérabilité et de catastrophe, il est impératif d’aborder le problème sous différents angles afin d’élaborer des programmes intégrés et complémentaires. Cela va permettre de protéger les collectivités et de se rapprocher rapidement des objectifs escomptés.

La Municipalité de la ville de Buenos Aires, grâce à une appréhension approfondie de la vulnérabilité de son territoire, a décidé de renforcer les différents volets de maitrise des risques par la création et le développement des dispositifs ci-dessous détaillés:

I- PLAN D’URGENCE DE LA VILLE AUTONOME DE BUENOS AIRES

Rappel des faits:

Le plan constitue le cadre pour tous les domaines de l’administration de la ville de Buenos Aires pour faire face à des situations de menaces à la communauté, qu’il s’agisse d’actions naturelles ou causées par l’homme, et dans lesquelles la sécurité, la vie de la population et leur environnement peuvent être exposés à un danger.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE66

Ce plan est ainsi le résultat d’une contribution de tous les secteurs concernés ; en l’occurrence le secteur privé, avec le cas échéant, la participation possible des institutions appartenant à d’autres pays.

Justification du plan:

Le Plan d’urbanisme fournit le cadre organisationnel pour l’élaboration des plans spécifiques pour chaque domaine, et ce dans le but de:

a) Mettre en place une base de planification dans chaque domaine, en fonction des menaces qui pèsent sur la ville de Buenos Aires.

b) Définir les éléments essentiels pour la planification du développement.

c) Promouvoir l’interaction des différents plans pour le développement d’une activité coordonnée.

d) Coordonner l’action des autorités nationales, provinciales et / ou privés.

e) Contribuer à la réalisation des objectifs spécifiques, le respect des mesures d’atténuation, la préparation et le développement des actions visant à protéger les personnes et leurs biens.

f) Cadrer le plan directeur pour organiser au mieux la réaction aux événements imprévisibles.

Le plan directeur est l’outil par lequel le chef du gouvernement déclare l’état d’urgence / de catastrophe dans la ville de Buenos Aires.

II- INDICDE DE SECURITE HOSPITALIERE :

Il s’agit d’un nouveau modèle de gestion de la sécurité réfléchi sur la base de ses résultats constatés après sa mise en œuvre dans d’autres pays. Il s’avère un outil essentiel dans le cadre du développement de l’intelligence territoriale.

Sous les auspices du Ministère de la Santé et de la Municipalité de la ville de Buenos Aires, cette évaluation engage les hôpitaux dans une action préventive importante, tenant compte des questions liées à leurs situations géographiques, leurs surfaces, la complexité des soins de santé, le profil médical, la conception du drainage, les matériaux de construction et d’évacuation potentiels, etc...

Cet indice est ainsi un outil de diagnostic, rapide, peu coûteux et facile à appliquer par des équipes formées d’ingénieurs, d’architectes et de professionnels de la santé.

Les notes sont saisies dans un tableau Excel (calculs) dans lequel les résultats s’affichent automatiquement. Ces résultats tiennent évidemment compte des éléments structurels et fonctionnels.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 67

L’évaluation des installations se fait dans 145 zones. Les établissements de santé sont classés dans l’une des trois catégories de sécurité: haute, moyenne ou basse.

Points à considérer:

• Aspects-géographique

• Aspects structurels

• Les questions non-structurelles

• Aspects fonctionnels

Recommandations générales de l’intervention :

Indice de sécurité

Classification Mesures à prendre ?

0-0.35 C Il s’agit de prendre des mesures urgentes en tant que phase intermédiaire afin de contrer l’insuffisance des niveaux de sécurité au sein des établissements pour protéger la vie des patients et du personnel durant et après une catastrophe

0.36-0.65 B Des mesures sont requises à court terme car les niveaux de sécurité constatés peut potentiellement mettre en danger les patients, le personnel et les opérations pendant et après une catastropheÉcouterLire phonétiquementDictionnaire -

0.66-1 A l’hôpital serait probablement en mesure de continuer à fonctionner en cas de sinistre, vous devez néanmoins prendre des mesures visant à améliorer la réactivité et mêttre en œuvre des mesures préventives dans le moyen et long terme dans le but d’améliorer le niveau de sécurité en cas de catastropheÉcouterLire phonétiquementDictionnaire -

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III- POLICE METROPOLITAINE :

Appréciant la nécessité d’avoir une force sécuritaire de proximité dans les grandes villes, le chef du gouvernement a décidé de créer, en 2008, la Police Métropolitaine, une police compétente, hautement qualifiée et engagée pour la sécurité du public.

La police municipale, relève principalement de la phase de prévention, pour laquelle les agents ont reçu une formation intensive d’éducation et de prévention dans une école établie à cette fin. Ils y apprennent, la dissuasion, les services communautaires, la formation et l’utilisation des derniers équipements.

IV- DIPLOME EN DÉFENSE CIVILE ET D’URGENCE :

À l’initiative de l’étude pour l’apprentissage de la colonne vertébrale, et afin de faire face à toute situation de perte et de catastrophe, la décision de promouvoir la création d’une université destinée principalement à la formation et le développement de tous les membres de la municipalité qui pourront éventuellement être engagés dans la zone de crise.

- Durée: 4 ans

- Mode et virtuels

- Curriculum

Espace de formation générale

Espace formation spécifique

Espace formation méthodologique

V- DISPOSITIFS POUR EVENEMENTS SPECIAUX (D.E.E.S.)

Structure rattachée au S.A.M.E. (Système d’ambulance pour les soins médicaux d’urgence).

Le D.E.E.S. est une équipe de professionnels de la santé, hautement qualifié et constamment mis à jour. Sous la direction du ministère de la Santé de la Ville de Buenos Aires, le D.E.E.S. dispose de ses propres unités mobiles (ambulances avec équipements dernier cri) pour pouvoir intervenir dans des situations particulières qui nécessitent l’assistance d’une équipe multidisciplinaire.

Motifs:

Intervention dans les événements imprévus nécessitant une équipe multidisciplinaire hautement qualifiée pour fournir une réaction complète en rapport avec les changements qui ont vu et vécu sur le terrain. La ville de Buenos Aires peut présenter plusieurs scénarios de caractéristiques complexes, comme

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 69

l’apparition simultanée d’événements impliquant des personnes dans les zones à forte densité de population, ou des personnes ayant une valeur sociale élevée, présentant des risques particuliers, etc

Compte tenu des caractéristiques de ces scénarios, sont indispensables à l’exercice de DEES:

• La vitesse de réaction.

• L’utilisation efficace des ressources humaines et matérielles mis à leur disposition.

• La communication entre ses membres, notamment entre le DEES et la centrale opérationnelle MEME, et entre les DEES et les différentes branches de la CI.

• La réactivité complète et appropriée, conformément aux caractéristiques de l’événement.

• La capacité à d’exécuter des tâches complexes tout en assurant un travail d’équipe d’urgence.

Objectifs:

• former une équipe de professionnels de la santé issus des différentes couches du système pour optimiser la gestion des ressources humaines et matériel de façon appropriée aux situations particulières.

• Intervenir à toutes les situations qui nécessitent les caractéristiques de performance du DEES.

• Résoudre des situations complexes qui, par leur nature, exigent l’intervention d’une équipe multidisciplinaire et hautement qualifiée.

• Mise à jour des protocoles de la procédure d’urgence, basée sur l’expérience acquise dans le domaine, et ce, conformément aux normes nationales et internationales.

• Élaborer des exercices de déploiement efficace du DEES afin d’affiner au mieux leur gestion des ressources humaines et matérielles.

• Communiquer avec d’autres professionnels de l’expérience acquise à travers chaque intervention en réalisant des formations visant le même programme.

VI- LE CENTRE DE COORDINATION ET DE CONTROLE UNIQUE (C.U.C.C.) :

Le centre fonctionne comme un système de détection intelligent et une unité de réponse aux situations d’urgence et de criminalité, en se concentrant sur toutes

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE70

sortes d’images avec le plus haut niveau de technologie. Le centre dispose d’un centre d’appel qui centralise la réception et le renvoi des appels d’urgence, des bureaux administratifs qui centralisent la logistique et la coordination des agences MEME telles que la garde côtière auxiliaire, la défense civile, la police métropolitaine, etc ... ainsi que des organismes ne relevant pas de l’GCABA.

Les principales caractéristiques de fonctionnement du Centre de Coordination et de Contrôle Unique sont:

• Concentration des informations liées aux situations d’urgence et de sécurité, en mettant à disposition du public un numéro unique.

• Classification et gestion (dérivé) des demandes: Possibilité de détecter des problèmes mettant la vie en danger et de classer les demandes dans le but de déployer les ressources appropriées au bon moment.

• Utilisation du géocodage: feed-back permanent avec le système d’information générée dans la carte du crime, de la gestion quotidienne et de l’analyse statistique.

• Réception et traitement des données de l’événement en enregistrant leur développement et leurs résultats.

Domaines GCABA Articulation

• Urgences médicales (SAME)

• Urgence cilvile (police auxiliaire de la défense civile et de la logistique)

• Urgence sociale (BAP, les soins immédiats, Conseil sur les enfants et les adolescents)

• Contrôle de la circulation

• Contrôle de feux de signalisation

• police métropolitaine

Coordination avec les opérateurs externes à GCABA

• Feu

• La police fédérale

• D’autres forces de sécurité nationale

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STRATÉGIE D’INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE DEPUIS 2000

Laurent Malvezin

La stratégie d’intelligence territoriale est relativement récente en Chine et date du milieu des années 90’. La politique des « réformes et de l’ouverture »

lancée par Deng Xiaoping en 1978 a donné un modèle de développement à la chinoise fondé sur les investissements directs étrangers et les exportations. La méthode : « tâter les pierres pour traverser la rivière ». En 2001, La chine a su utiliser son adhésion à l’OMC pour donner une impulsion intérieure gigantesque pour accélérer le mouvement des réformes et rationaliser son appareil de production.

Ses entreprises d’Etat ont alors connu une restructuration majeure en passant d’un mode de gestion issu d’une économie encore à cette époque largement dirigiste, à une gestion plus moderne d’entreprise privée.

La compétitivité des entreprises chinoises a commencé à être engagée dans les premières années du XXiIè siècle, avec le lancement de deux politiques majeures pour comprendre leur transformation et leur essor : les politiques de développement régional, dont la « Go West policy », et l’internationalisation des entreprises chinoises, la « Go abroad policy ».

Cette double approche d’attractivité du territoire (le développement des zones économiques spéciales) et d’internationalisation des grandes entreprises a accéléré le rythme des réformes économiques, permis la modernisation des outils de gestion et de planification de l’Etat et des entreprises et a posé la question de la compétitivité de l’économie chinoise dans son ensemble.

Une politique de compétitivité à l’échelle des entreprises et au profit du développement des provinces s’est alors mise en place depuis quelques années, surtout depuis 2003, avec le lancement de la politique dite de « développement scientifique ». Bien que ce processus soit récent, il est possible d’en dégager

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE72

la dynamique. Il est enraciné au niveau provincial mais commence à inspirer le pouvoir central pour la mise en place d’un système national de Competitive Intelligence, où l’entreprise privée, essentiellement la PME et la TPE bénéficiera d’un cadre et de moyens d’action dédiés, inspiré par des expériences internationales diverses, et sous l’impulsion des gouvernements provinciaux.

Des expériences récentes (2005-2010) en cluster industriels sont tentées pour dépasser la compétition inter provinces, dans un but d’intégration et d’extension des dispositifs existants à un maximum de territoires et d’ensembles régionaux. Ces politiques cherchent avant tout un rééquilibrage du développement économique chinois pour corriger les inégalités qui se sont creusées durant les 30 ans de réformes économiques, ainsi que pour renforcer la compétitivité des entreprises chinoises sur les marchés internationaux.

Dans quel contexte politique s’insère l’entreprise chinoise aujourd’hui ? Pour mieux appréhender son environnement, deux dynamiques initiées par l’Etat central doivent être abordées ici pour planter le décor. En effet, la Chine se voit et s’affiche toujours comme un pays en voie de développement, pour diverses raisons, à la fois politique et économique. Les inégalités de développement et les politiques de correction de ces inégalités, constituent toujours et encore le cadre des réformes actuelles où l’entreprise chinoise, tournée vers les marchés exports et les hautes technologies, tente d’occuper une place centrale dans l’effort de modernisation national. C’est parce qu’elle s’insère graduellement dans un dispositif régional et surtout provincial que l’entreprise chinoise trouve les moyens de sa compétitivité, et rattrape son retard vis-à-vis des pays dits avancés.

Le développement par l’attractivité des territoires : le grand ouest chinois

C’est pourquoi le pouvoir central – la Commission pour le développement et la réforme (NDRC en anglais) – a poussé, depuis une dizaine d’années, à la promotion d’ensembles régionaux, par une politique volontariste d’attractivité du territoire. Cette politique de développement encourage les entreprises nationales et étrangères à délocaliser et investir dans ces régions, avec des avantages fiscaux importants. En 2000, la politique dite du « Go west » a été officiellement lancée par les autorités chinoises.

* Au printemps dernier, l’Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d’Industrie (ACFCI) et le Centre d’intelligence compétitive de la Province du Hunan ont installé le comité de coopération franco-chinois d’intelligence compétitive et stratégique. Il a pour objet de définir et de suivre les projets de valorisation des entreprises et d’orienter les acteurs économiques dans leurs rôles et leurs actions utiles au développement économique chinois, français et franco-chinois.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 73

Un groupe dirigeant ad hoc au plus haut sommet de l’Etat et du parti a été crée, présidé par le Premier ministre de l’époque Zhu Rongji et son adjoint, Wen Jiabao, actuel Premier ministre chinois. Ce que l’on sait peu, c’est que cet Ouest chinois représente en réalité 71 % du territoire, plus de 300 millions d’habitants, produisant seulement 16 % des richesses nationales. Par contraste, le reste de la Chine, la « Chine utile » occupe moins de 20 % de la superficie du pays mais est pour 80 % du PIB. C’est ce déséquilibre majeur qui est visé.

Dans les années 1990-2000, la question que les autorités chinoises se posaient était celle de la création de la richesse nationale. Elle s’est déplacée, depuis, vers une meilleure répartition de celle-ci, au profit des régions qui n’ont pas su ou pu, en raison de leur enclavement (les régions du centre, de l’Ouest), ou de leur passé proche (le Nord-est, l’ex-Mandchourie, annexée au début du 20ème siècle par les japonais) engrangé les dividendes des réformes.

Modèle de développement économique à la chinoise : des zones économiques spéciales (ZES) aux « champions nationaux »

Cette volonté gouvernementale des réformes économiques s’est couplée à une vision modernisatrice de la société chinoise dans son ensemble. Les réformes économiques sont indissociables de l’ouverture aux capitaux étrangers. La « réforme et l’ouverture », ainsi nommée, s’est employée, depuis 30 ans, à concilier attractivité du territoire aux investissements étrangers avec le développement indigène de l’économie.

Développer les territoires, ou plutôt des provinces car, nous le verrons, c’est l’échelon administratif majeur en Chine, a été le maître mot des réformes. Une véritable compétition inter provinciale, puis, au niveau en dessous, inter municipale et inter district, a vu le jour. Des objectifs chiffrés à réaliser sur l’année en matière de FDI (Foreign Direct Investment) sont assignés à chaque entité territoriale, chaque collectivité. Les responsables de la planification, des finances et des impôts ont pour mission N°1 d’attirer des sociétés étrangères. Les ZES ont été créées tout spécialement à cette fin, accordant des conditions particulièrement avantageuses aux investisseurs, en matière de fiscalité notamment.

La première expérimentation pilote a été tentée en lieu et place de la ville de Shenzhen, qui a vu en l’espace de 20 ans sa population multipliée par trente (de 300 000 habitants en 1979 à 9 millions d’habitants en 2010). Cette première zone économique spéciale a fait la part belle aux entreprises étrangères manufacturières, de fabrication de produits électriques, électroniques etc. Les autres régions et villes côtières ont emboité le pas, encouragées par le gouvernement central à afficher le plus haut score en devises étrangères (Cf. carte 3).

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Cette course au leadership et au résultat a marqué durablement les modes de gestion et de gouvernance des provinces chinoises. Elle a, au tournant des années 2000, conduit à des rivalités économiques et commerciales. Certaines provinces, plus aidées que d’autres sur le plan géographique et des ressources naturelles – le Guangdong en particulier, dans le sud du pays - ont été montrées du doigt pour faire « cavalier seul » et mener, en toute autonomie d’action, une véritable politique économique domestique et extérieure propre, déconnectée de la ligne du pouvoir central, et manifestant de l’adversité pour les provinces avec lesquelles elles étaient placées en compétition directe. Ce qui a fait dire à cette époque : la perte de contrôle de l’Etat centralisateur et, en filigrane, du parti au pouvoir, le Parti Communiste Chinois (PCC) ; et sur le plan économique, des études ont souligné la difficulté d’une diffusion de la croissance à l’ensemble du territoire chinois (1)

En 2003, le lancement de la politique dite de développement scientifique a relancé et recadré la recherche de l’innovation comme moteur de l’économie chinoise, et plus particulièrement pour harmoniser la régionalisation et la déconcentration des compétences de l’Etat aux provinces.

Depuis leur création, les zones de développement économiques et technologiques (88 en 2010) ont épousé ce changement de portage, et ont été adoubées de Parcs industriels de scientifiques et technologiques (56 en 2010), tout spécialement pour atteindre un but nouveau : maîtriser les technologies dont le pays a besoin pour passer d’un statut d’atelier du monde à celui de laboratoire du monde. Cette politique d’attractivité ciblée s’est déroulée alors que d’autres manœuvres se mettaient en place : la go abroad policy.

En 2000, son lancement a signifié que la Chine s’apprêtait à jouer sur les deux tableaux d’une économie moderne, non seulement sur la captation des capitaux et des technologies, mais aussi sur l’exportation de sa richesse accumulée, sur les marchés extérieurs.

En effet, depuis les années 90, les entreprises d’Etat chinoises ont connu une décennie entière de restructuration, qui a débuté par le démantèlement progressif des possessions industrielles du complexe militaro-industriel chinois. La refonte des grandes sociétés d’Etat en conglomérats n’a que peu remis en cause le caractère monopolistique du secteur public sur l’économie, malgré des avancées non négligeables au profit du secteur mixte et privé. Mais surtout, avec l’adhésion de la Chine à l’OMC, en 2001, les entreprises chinoises ont été confrontées à un fait nouveau : la concurrence sur leurs marchés nationaux d’une part, exigeant d’être réellement compétitive.

Cette transition a coûté la vie à nombre d’entre-elles. Et c’était l’un des objectifs fixés par les dirigeants chinois : accélérer le processus de destruction créatrice, initié avec la refonte des entreprises d’Etat (SOE pour State-Owned Enterprises

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en anglais), pour ne garder que celles qui sauraient devenir compétitives non seulement sur le plan domestique, mais aussi à l’international. Et pour résister au choc de la confrontation avec les entreprises étrangères, il fallait abandonner le « small is beautiful », d’autant que la Chine nourrit des ambitions à l’exacte mesure de sa perception en tant que future première puissance mondiale.

Très rapidement, ce modèle économique dominant a profité à l’avènement de champions nationaux, à vocation mondiale, et parallèlement à l’émergence d’une nouvelle forme de politique régionale de développement, prenant plus facilement en compte les synergies inter provinciales et inter régionales, pour une plus grande cohésion nationale.

Politique d’innovation provinciale et régionale

Cette politique d’innovation et d’avantages compétitifs régionaux différenciés a déplacé le point focal de la compétition inter provinciale et sino-chinoise, sur un terrain plus vaste, aux règles du jeu revisitées : la compétition internationale. Pour gagner des marchés à l’export, il faut savoir serrer les rangs chez soi. Cette conclusion a motivé tous les projets dont nous allons parler maintenant au travers d’exemples. Ils ont favorisé l’apparition de clusters d’entreprises spécialisés, regroupant des entreprises chinoises et des entreprises étrangères, dans un secteur d’activité, ou regroupant plusieurs secteurs connexes.

Au niveau municipal, la Xi’an High-tech Industries Development zone (2), située dans la province du Shaanxi, au centre nord de la Chine, a été créée en 1991. Elle fait partie des 56 High-tech zone du pays. Elle regroupe 18 incubateurs spécialisés (dans l’automobile, les logiciels, les semi-conducteurs, la bio-pharmacie etc.) qui servent de base nationale de R&D. Elle abrite les principales banques commerciales chinoises pour soutenir les projets d’investissement propres à la zone et accueille aujourd’hui 50 entreprises du classement Forbes 500, dont Toshiba, NEC, Daikin, Bosch, Applied Materials…Cette zone constitue un bassin d’emploi important et a vocation à servir de hub, logistique notamment, entre les provinces côtières de l’Est et de l’Ouest.

Au niveau provincial, sans la ville de Shenyang, capitale de la province du Liaoning (Nord-est de la Chine), une conférence s’est tenue entre les principaux responsables des provinces du Heilongjiang, du Jilin, du Liaoning et de la Région Autonome de la Mongolie Intérieure. La conférence a abouti à la signature de l’ «Accord-cadre de coopération entre les trois provinces du Nord-est et la région autonome de Mongolie Intérieure», promouvant, dans les années à venir, un vaste plan de construction écologique, de transports et de réseaux électriques dans la région. Destiné à éliminer les barrières commerciales régionales, cet accord indique que les

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trois provinces et la Mongolie Intérieure coopéreront largement dans 15 domaines, dont l’énergie, l’industrie, l’agriculture, l’ouverture vers l’extérieur et la culture.

La région du Nord-est, qui a été le berceau industriel de la nouvelle Chine, est une région stratégique pour le gouvernement chinois. Elle est riche en ressources naturelles, possède des terres fertiles, du pétrole, du charbon, du minerai de fer, etc. En 2003, le redressement de cette région a été une priorité pour le gouvernement central, qui en a fait une région expérimentale. Le gouvernement central espère faire du Nord-est le quatrième pilier de la croissance nationale, après le delta du Yangtsé, celui de la rivière des Perles et la région de Bohai. Dans cette optique, le Conseil des Affaires de l’Etat a approuvé début avril 2010 l’établissement de la zone économique expérimentale de Shenyang. Le gouverneur de la province du Liaoning a annoncé qu’il s’agissait de la huitième zone de réforme expérimentale de la Chine. Les zones de réforme sont créées pour encourager l’innovation. Les expériences acquises sur ces zones pourront ensuite être étendues à d’autres régions (3).

Développement des clusters et innovation technologique

Un certain nombre de clusters se caractérisent aujourd’hui par la concentration d’activités scientifiques domestiques en liaison avec des activités à forte intensité technologique, favorisant la venue de firmes étrangères et leurs fonctions de R&D et la création de réseaux locaux d’apprentissage et d’innovation. Le succès des systèmes d’innovation régionaux repose particulièrement sur l’effort du gouvernement central pour fournir des ressources aux différents types de zones (parcs industriels, scientifiques, incubateurs) avec une forte implication des programmes technologiques et scientifiques nationaux. Les clusters scientifique-industriels se concentrent essentiellement dans les deux grandes régions les plus développées de la Chine, autour de Beijing et de Shanghai, qui regroupent à elles seules environ la moitié des centres de R&D étrangers.

Shanghai abrite en 2004 pas moins de 140 centres de recherche étrangers et quatre parcs scientifiques, orientés vers la valorisation des technologies avancées (nouveaux matériaux, NTIC, biotechnologies).Elle concentre un tiers des projets de recherche scientifique nationaux et la production de haute technologie représente plus de 26 % de la production industrielle en 2003. Au centre même de Shanghai, la zone de Pudong compte 87 centres de R&D et 303 entreprises de haute technologie dont les productions (technologies de l’information et de la communication, bio-technologies) représentent 42,6 % du PIB de la zone. Si l’on en croit le Bureau Statistique de Pudong, la zone présente un développement impressionnant, avec un taux de croissance de 26,4 % du PIB et de 55,8 % des échanges en 2003.

Au sein de la région de BoHai Rim, Beijing, la capitale, centralise largement les ressources et les centres de décision (71 universités et 371 instituts de recherche

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en 2003). En 2000, Beijing comptait pour 17,4 % des dépenses de R&D en Chine. De nombreuses firmes présentent une forte croissance et développent des produits 100 % chinois en nouant des liens privilégiés avec des instituts de recherche et les universités.

La « cité de la science » de Zhongguangcun à Pékin, qui concentre les principales universités, est liée aux grands pôles de recherche mondiaux et est devenue le plus grand centre chinois de R&D. De nombreux incubateurs émergent ainsi de parcs scientifiques associés aux universités, comme le Beijing University Science Park. Le capital humain et technologique localisé attire aujourd’hui les firmes innovantes et les activités de R&D étrangères, comme Motorola qui compte à Beijing plus de 700 emplois répartis dans cinq centres de R&D.

Le cas de Shenzhen est différent : alors qu’à Beijing plus de 50 % des dépenses de R&D proviennent du gouvernement, à Shenzhen les fonds consacrés à la R&D sont issus à 90 % des firmes. Les firmes ont développé leur propre capacité de R&D en utilisant les technologies étrangères et en attirant de la main-d’œuvre qualifiée d’autres régions. Il n’y avait aucune université à Shenzhen avant 1983 (4).

La politique publique d’intelligence économique est une politique d’intelligence territoriale

Les initiatives en matière d’intelligence territoriale s’associent à ce schéma de développement et sont menées par les collectivités elles-mêmes, selon la même méthode empirique, que l’on pourrait qualifier de bottom-up. Si l’axe, ou le cap à maintenir est fixé par les autorités centrales, ce sont les provinces qui « tâtent les roches pour traverser la rivière », le Centre donnant, in fine, son aval, pour une extension du dispositif élaboré, s’il convainc de son efficacité.

Il est, à première vue, étonnant de constater que les principales initiatives pilotes en matières d’intelligence territoriale ne se sont pas développées là où le tissu industriel était déjà très organisé, là où l’économie était la plus avancée, faisant face à une compétition déjà palpable avec les entreprises étrangères, mais au contraire aussi et surtout dans les provinces et municipalités en recherche d’outils complémentaires pour un démarrage économique plus rapide, dans des zones où les entreprises mixte et privées, principalement les PME, en avaient peut-être aussi le plus besoin.

La Chine ne n’a pas désignée un HRIE (Haut responsable à l’intelligence économique) car sa démarche est vient d’expérimentations locales. Toutefois, la mise en place graduelle d’une politique nationale, inspirée par développement scientifique et le lancement en mars 2011 du 12ème plan quinquennal chinois, dans lequel la Competitive Intelligence (désignée par CI infra) et tout particulièrement l’intelligence territoriale, est reconnue comme faisant partie de la chaîne de valeur, n’en est pas moins réelle.

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Le principal maître d’ouvrage, au niveau central, est le Ministère des Sciences et Technologies et ses organismes affiliés et, en maîtrise d’œuvre, les provinces. Les premières recherches appliquées à la CI sont en direction de la recherche scientifique (brevets notamment) car, comme nous l’avons vu plus haut, le défi chinois d’aujourd’hui est de siniser les technologies étrangères qu’elle abrite, de les protéger sur le marché intérieur puis à l’international, et développer ensuite des applications industrielles «indigènes». Le donneur d’ordre et planificateur du rattrapage technologique a donc été très vite intéressé par le développement de méthodologies et d’outils accélérant le rayonnement et la transformation de ce capital scientifique et technologique dans le patrimoine national.

Voici quelques repères et dates clés (5) :

1984 : Le Sichuan Sciences & Technologies Information Centre (SSTIC) est crée dans la province du Sichuan pour le marketing intelligence (Cf. rapport Martre, 1994, P 104-107)

1996 : la Commission pour les Sciences et la Technologie de la ville de Pékin lance un programme pilote de Competitive Intelligence dans 8 entreprises de la municipalité

2000 : le Département Sciences et Technologies de la province du Yunnan lance un programme pilote de Competitive Intelligence

2004 : La Competitive Intelligence est reconnue comme profession et intégrée aux travaux du Leading Group for Sciences and Technology du Conseil des Affaires de l’Etat

2007 : création de la première plate-forme numérique de CI au niveau provincial, dans le Hunan, puis du Hunan Competitive Intelligence Center (note sur accord avec France)

2008 : la SASAC (State-Owned Assets Supervision and Administration Commission of the State Council) valide la CI comme indicateur de performance pour les grandes entreprises d’Etat

Nous constatons l’évolution de la CI, partie des besoins à l’échelle municipale, puis provinciale, pour être validée ensuite au niveau national. Il est vrai que c’est une initiative de la Commission S&T de Pékin qui semble, si l’on regarde cette chronologie, être à l’origine de la genèse, au milieu des années 90 de l’activité CI. Les va-et-vient entre les entreprises, les universités et centres de recherche, avec les autorités politiques (parti et Etat) est une des caractéristiques de cette évolution.

Remarquons également l’apparition de la SASAC dans le processus d’affirmation de la CI au niveau national. La SASAC gère les quelque 130 plus grandes entreprises d’Etat chinoises depuis 2003.

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La filière MOST (bottom-up)Society of Competitive Intelligence of China (SCIC)China Society for Science and Technical Information (CSSTI)China Academy for Science and Technology (CAST)China Institute for Scientific and technological Information (CISTI)Ministry of Sciences and Technologies (MOST)Leading Group for Science and Technology

Les provinces et régions, et l’intelligence territoriale

En 2003 précisément, le lancement du « développement scientifique » comme nouvelle matrice du développement chinois a encouragé les provinces, échelon administratif et politique directement sous la coupe du Centre, à développer leurs relations avec les entreprises, et surtout à donner une partie de l’information qu’elle détenait. En effet, le rôle traditionnel de l’Etat et des centres de pouvoir en Chine est de ne distiller aux entreprises que les informations utiles à la déclinaison des objectifs à atteindre et des nombreux programmes gouvernementaux, en parfait garant de l’exécution d’un plan par exemple, et dans le strict respect des principes d’une économie dirigiste.

Or, depuis les réformes et l’ouverture, la fonction même du gouvernement local a évolué, car l’environnement et les besoins de l’entreprise chinoise ont évolué. Il est devenu de plus en plus un pourvoyeur d’informations, plus qu’une simple chambre à directives où l’information est jalousement gardée, pour passer à une fonction de gouvernement de service (fuwu zhineng) qui non seulement assure le monitoring de ses activités, mais l’aide dans son développement. Selon Guo Shaoyou, un expert chinois de la CI, la force publique en Chine détient 80 % des sources d’information et plus de 3 000 bases de données différentes, réparties entre les chambres de commerce, le Bureau des Statistiques, les bureaux de la planification et du développement (6).

En Chine, la mise en place de la fonction CI au niveau local, entre les acteurs publics et privés a donné lieu à une définition préalable du champ et du mode d’intervention des acteurs locaux. Pour ce faire, l’expérience des pays plus avancés dans ce domaine que la Chine a joué un rôle de catalyseur et de source d’inspiration, en veillant toujours bien sûr à la compatibilité de ses enseignements dans un contexte local. Par exemple, l’idée développée par Henri Dou, un des pionniers de la veille technologique et de l’intelligence compétitive en France, sur le rôle et la vertu de la CI pour la formation intellectuelle et l’augmentation des capacités d’utilisation des informations, a été mentionnée comme pouvant s’inscrire comme un objectif des pouvoirs locaux chinois, et correspond bien aux

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préoccupations de service public à la chinoise, qui dépassent le simple cadre de la compétition économique et commerciale. En revanche, John Wiley distingue la CI technologique et la CI commerciale. Mais cette dernière devra, selon un chercheur chinois, être renommée pour pouvoir être appliquée en Chine, car ce n’est pas du ressort des gouvernements locaux de s’occuper des aspects strictement commerciaux de la CI, mais aux entreprises. Il propose de rebaptiser le volet commercial de la CI en « CI d’environnement non technologique »(7).

Les pionniers de l’intelligence territoriale chinoise

En 2005, les autorités de la province du Sichuan ont crée une plate-forme d’information au service des entreprises et des collectivités territoriales. Elle est placée sous l’autorité administrative de la Division S&T de la province, et est gérée par son Institut des S&T provincial. En 2008, une conférence (à Yibin) s’est tenue pour la création d’une plate-forme inter district de CI, en y associant une autre province, le Hunan (8). Le Yibin Technology Information Institute (YTII) et le ISTIS du Hunan, au travers de ce partenariat, ont crée l’une des toutes premières coopérations inter provinciales en Chine dans le domaine de la CI. C’est même la première du genre dans l’ « ensemble régional des perles », composé des 9 principales provinces du sud de la Chine (Sichuan, Hunan, Guizhou, Fujian, Guangxi, Guangdong, Yunnan, Jiangxi, Hainan, Hong-Kong et Macao), région qui a vocation à développer un plan d’action d’urbanisme, de transports (TGV notamment) pour devenir une entité compétitive à l’échelle mondiale.

Au mois d’août dernier, le Hunan Competitive Intelligence Centre et l’YTII ont signé un accord de coopération stipulant que le centre du Hunan allait assister son homologue sichuanais dans la formation de ses personnels et dans l’analyse de ses besoins en information dans les domaines suivants : la vinification, les fibres synthétiques, la reproduction des semences, les machines industrielles etc., au profit des industriels du Sichuan. Cette forme de collaboration inter provinciale est nouvelle car elle suppose que leurs avantages comparatifs ont été étudiés en amont et que les autorités provinciales et municipales des deux cotés y ont trouvé leur intérêt, selon un calcul de maximisation des profits, pour un développement rapide de l’ensemble régional des Perles.

La province du Hunan a été la province pilote en Chine en matière de CI. Elle a été la première à créer un centre de CI, doté d’un centre pour la compétitivité des entreprises et d’un centre de compétitivité industriel inter réagissant l’un l’autre, au profit des PME de la province (9). Le Hunan Competitive Intelligence Center développe, en parallèle, une coopération internationale active, notamment avec la France, pour laquelle son intérêt se porte sur les pôles de compétitivité et les dispositifs publics d’intelligence territoriale*.

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La Competitive intelligence comme vecteur de croissance au profit de « hubs de compétitivité » au niveau régional et supra régional

A un niveau inter régional également, les relations entre gouvernements locaux sont amenées à évoluer, sous la pression des entreprises, elles-mêmes contraintes d’affronter, et non plus subir, la concurrence étrangère, en Chine, ou sur les marchés internationaux.

Les trois régions motrices du développement économique chinois sont (Cf. carte 2) :

la zone du Delta du Fleuve Bleu (ou Changjiang en chinois)-

la zone du Delta de la rivière des perles, dans le sud et le centre du pays-

la zone du Golfe de Bohai, dans le nord-est-

Dès 2006, ces trois régions se sont réunies pour définir les contours d’un accord cadre de coopération inter régionale, afin d’enterrer définitivement la hache de guerre et s’organiser pour faire face à la concurrence étrangère. Le rôle de la CI a été rappelé comme faisant partie du socle d’outils, de connaissances et de méthodologie susceptible de fédérer les compétences et de mieux diffuser non seulement l’information, mais aussi et surtout les produits de la croissance.

Intelligence territoriale et PME/PMI

Selon les estimations de la Chambre de Commerce et du MOFCOM, on décompte 4,3 millions de PME en Chine, comptant pour 99,8 % du total des entreprises, pour plus de 55 % de la production de biens finis et pour 66 % de la production de biens à valeur ajoutée technologique. Un plan PME/PMI 2011-2015 est sur le point d’être annoncé, au mois de mars 2011, dans le cadre du 12ème plan quinquennal. Leur développement est devenu, avec les années, la question centrale des autorités centrales chinoises. Les grandes entreprises d’Etat des secteurs monopolistiques sont désormais priées d’accompagner leur essor (les 36 nouvelles réglementations) (10).

Le centre de CI du Hunan met sa plate-forme d’information au service des entreprises souhaitant bénéficier de ses sources d’informations. Mais les mentalités ne suivent pas toujours, et le principal frein constaté par les opérateurs chinois de CI est le manque de connaissance et le retard dans la prise de conscience de la nécessité d’une telle synergie dans l’économie d’aujourd’hui. En 2007, la municipalité de Anqing, dans la province du Hunan avait invité 300 patrons d’entreprises à assister à une session de formation sur la gestion d’information au service de l’innovation, thématique pourtant d’actualité ; aucun d’entre-eux n’avait fait le déplacement (11).

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Certains chercheurs et praticiens chinois de CI proposent de créer des clubs de Competitive intelligence, afin de créer des communautés d’intérêt, avec les gouvernements locaux, et les grandes entreprises, et ainsi pallier le manque de coordination horizontale entre les différents acteurs publics et privés (12).

Une autre initiative pourrait voir le jour et viserait à donner plus de pouvoir au Chief Information Officer (CIO), au niveau du Board des entreprises, pour une meilleure prise en compte de l’information dans l’entreprise (13).

Remarques en guise de conclusion

Les 11, 12 et 13 novembre dernier s’est tenu dans le Hunan la 16ème rencontre annuelle de Competitive Intelligence. Elle a annoncé clairement l’ambition des autorités de placer l’information, l’« intelligence », au centre de la chaîne de valeur de l’entreprise.

La Compétitive Intelligence en Chine devient partie intégrante de la compétitivité des entreprises, depuis qu’elles sont massivement confrontées à la concurrence. Elle est d’ores et déjà élevée en méthodologie gagnante, dans le cadre de la politique d’innovation et de développement scientifique qui sera bientôt réaffirmée avec force par le Bureau Politique du Comité Central du PCC, au mois de mars 2011, lors du Congrès de l’Assemble Nationale Populaire chinoise.

La place centrale qu’occuperont les PME chinoises dans le tissu économique du pays dans les années à venir renforcera indubitablement la fonction CI et la coordination entre collectivités territoriales. La Chine reste ouverte au dialogue, à la coopération, mais aussi à la « coopétition » (coopération et compétition). Il serait judicieux de s’intéresser de plus près à son développement. Dans quelques années, un ensemble de pratiques d’intelligence compétitive et territoriale à la chinoise seront mises en place et affecteront indirectement la compétitivité de nos entreprises, sur les marchés tiers comme sur nos propres marchés nationaux. Comprendre cette évolution, c’est aussi une question de survie pour nos entreprises et nos économies occidentales et méditerranéennes.

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NOTES

(1) Y-a-t-il une diffusion de la croissance chinoise dans les provinces ? Revue d’économie du développement, Jean-François Brun, Jean-Louis Combes, Mary-Françoise Renard, 2002

(2) Xi’an indutrial Park, Chen Hui, présentation (ppt) présentée lors des rencontres de la coopération décentralisée franco-chinoise, Nankin, juin 2010

(3) Ambassade de France en Chine, 05/2010

(4) Clusters et stratégie de développement en Chine, Maurice Catin et Christophe Van Huffel, revue région et développement, 2008, L’Harmattan

(5) L’intelligence économique en Chine politique et pratique des entreprises, intervention aux 4ème journées d’intelligence économique, Laurent Malvezin Paris, 2009

(6) Rôle de la Competitive Intelligence gouvernementale dans le développement économique régional, Huang Jiahu, Département information, Ecole Normale de l’Est, Information Work, 2007

(7) Huang Jiahu, Op cité

(8) Yibin Daily, 24/11/2008

(9) Intervention du Directeur du Hunan Competitive Intelligence Center, Xiao Xuekui à Paris, mai 2010, dans le cadre des échanges avec l’ACFCCI

(10) Chine Enjeux et Stratégie, lettre d’information mensuelle sur la Chine, N°3 sept 2010, SSF

(11) Réflexions pour la création d’un système d’intelligence économique dans les PME, Ding Xianlai, Revue S&T de Anqing, 2009-4

(12) Création de club de Competitive intelligence dans les régions pour les PME, Gao Qingsong, 2009

(13) Discussions sur une possible stratégie d’alliance entre CIO en matière de CI et de Cluster industriels, Xiong Li, Zengde Chao, Sept 2009, Revue Technological Development of Enterprise

AUTRES RÉFÉRENCES :

Compétitivité des provinces chinoises par politiques différenciées d’innovation, Jean-Marie Rousseau, intervention au Comité France-Chine, septembre 2009.

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LES DÉCLINAISONS TERRITORIALES DES POLITIQUES SECTORIELLES DU MAROC

L’expérience de Medz Groupe CDG

M.Abderrafie HanoufDirecteur Général de Medz Sourcing, Rabat

Avec l’abolition progressive des barrières tarifaires et non tarifaires, et en comptant sur l’apport indéniable de la démocratisation des

Technologies de l’information, le monde est entrain de migrer vers un modèle où l’information constitue le nerf de la compétitivité et où l’action économique s’inscrit dans une logique de développement durable et intégré.

C’est ainsi que les grands projets structurants ne répondent plus uniquement à un impératif de retour sur investissement propre, mais aussi sur la création de valeur ajoutée dans le giron géographique du lieu de manifestation de l’investissement.

Le Maroc connaît un grand débat sur la régionalisation avancée sous l’impulsion des hautes directives Royales. Dans son discours à la nation le dimanche 2 janvier, Sa Majesté a relevé que la régionalisation avancée que le Maroc veut mettre en place n’est pas un simple aménagement technique ou administratif de ce qui existe déjà, mais elle «traduit, plutôt, une option résolue pour la rénovation et la modernisation des structures de l’Etat, et pour la consolidation du développement intégré».

Pour ce faire, la région devra s’inscrire dans un rôle fédérateur à l’échelon régional tout en coordonnant avec l’action de l’Etat pour favoriser le développement des échanges entre collectivités et territoires.

L’Etat marocain a lancé ces dernières années de grands chantiers liés à l’infrastructure et à l’investissement productif, dans plusieurs régions du Royaume.

Emergence, Azur, Maroc vert, Maroc Bleu, Rawaj, sont quelques un des plans sectoriels qui font du Maroc depuis une dizaine d’année un grand chantier et qui lui permettent de doper son économie et de maintenir sa croissance à un niveau respectable.

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Emergence

Sans vouloir détailler l’ensemble des composantes de ce plan, une synthèse s’impose pour avoir une idée sur les l’immensité des chantiers lancés, les ambitions affichées et l’impact que ces chantiers auront certainement sur le Maroc de demain, son économie et sa population :

La stratégie industrielle marocaine a été lancée en 2005. Cette stratégie volontariste, baptisée « plan Emergence » ambitionne de redynamiser l’économie marocaine et se base sur deux piliers essentiels.

D’une part, le renforcement et la redynamisation du tissu industriel marocain ainsi que son accroissement concurrentiel et, d’autre part, une politique volontariste orientée vers de nouveaux secteurs prometteurs pour lesquels le Maroc dispose d’avantages compétitifs.

Ainsi, sept secteurs considérés comme stratégiques et porteurs ont été ciblés. Orientés vers l’export, ces sept moteurs de croissance devraient représenter 70% de la croissance industrielle au Maroc à partir de 2015, doper la croissance annuelle du PIB de 1,6 % (soit 90 Mds DH additionnels) et créer 400 000 emplois.

Offshoring : Positionnement sur le nearshore francophone et hispanophone – Ambitions : + 100 000 emplois ; + 15 Mds DH en VA.

Automobile : Création d’une base industrielle autour d’un tissu d’équipementiers – Ambitions : + 70-80 000 emplois ; +10 Mds DH en VA.

Electronique : Focalisation sur l’électronique de spécialité et intégré – Ambitions : + 10 000 emplois ; +5 Mds DH en VA.

Transformation des produits de la mer : Valorisation industrielle et commerciale des pélagiques et développement des produits congelés – Ambitions : 35 000 emplois ; + 3 Mds DH en VA.

Aéronautique : Offre intégrée – Ambitions : + 10 000 emplois ; +3 Mds DH en VA.

Textile et cuir : Repositionnement sur le fast fashion et co-traitance – Ambitions : 50 000 emplois ; + 5 Mds DH en VA.

Agroalimentaire : Développement de 8 à 10 filières à fort potentiel autour de projets intégrés – Ambitions : 6 000 emplois ; + 5 Mds DH en VA.

Tourisme : Vision 2010

Possédant des atouts naturels importants et un patrimoine culturel riche et diversifié, le Maroc a opté pour la promotion du secteur touristique en mettant en

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place une stratégie de développement volontariste susceptible de déclencher une dynamique de développement durable et intégré.

C’est ainsi qu’il s’est doté d’une stratégie prospective pour aborder le secteur du tourisme avec une vision à long terme confortée par un contrat programme chiffré et détaillé.

Cette « Vision 2010 » s’articule autour de 6 chantiers fondamentaux, qui sont de véritables leviers opérationnels, permettant de concrétiser les objectifs de cette stratégie.

Ces chantiers se rapportent au Produit, à la Formation, à l’Aérien, au Marketing et à la Communication, à l’Environnement Touristique et à l’Organisation Institutionnelle.

Quelques chiffres clés sur la Vision 2010 :

10• millions de touristes;

80 000• chambres construites sur la période 2000-2010, portant ainsi la capacité d’hébergement à 230 000 lits;

5• nouvelles stations balnéaires pour une offre de 160 000 lits;

30 milliards• de dirhams dans le secteur hôtelier;

480 milliards• de dirhams de recettes en devises, sur la période 2000-2010;

600 000 emplois• nouveaux crées;

TCAM du PIB de 8,5%• sur la période 2000 – 2010;

Contribution• du tourisme dans le PIB de 20% en 2010.

Maroc Vert

Le contexte mondial marqué par la sécurité alimentaire, le changement climatique, la hausse des prix des produits agricoles, la responsabilisation des producteurs, la lutte contre la pauvreté a imposé au Maroc de revoir sa stratégie agricole dans un sens de mise à niveau, de restructuration et de redéfinition des missions. C’est dans cette perspective que le nouveau Plan Maroc Vert a été élaboré et ce, pour rendre l’agriculture le principal moteur de croissance de l’économie nationale dans les 10 à 15 prochaines années. Ceci avec des retombées importantes en termes de croissance du PIB, de création d’emplois, d’exportation et de lutte contre la pauvreté et les disparités régionales.

Les chiffres clés du plan Maroc Vert :

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Attirer dans le secteur agricole des investissements de près de 150 milliards • de DH d’ici 2020.

Générer, à terme, un PIB de 100 milliards de DH par an.•

Maroc Bleu

La pêche est aussi un des secteurs porteurs de l’économie marocaine. Avec plus de 3600 km de cote et 61.650 personnes qui y travaillent, et en comptabilisant les accords cadre qui lient le Maroc avec plusieurs pays, il s’est avéré qu’une mise à niveau du secteur halieutique s’impose afin de moderniser les équipements et la situation sociales des personnes qui en font leur gagne pain, tout en préservant nos ressources pélagiques.

Le plan Maroc Bleu, plan cadre du secteur, vise l’amélioration de la compétitivité afin d’accroître sa contribution dans l’économie nationale. Autres objectifs: se conformer aux normes internationales et surtout préserver la ressource halieutique.

Ainsi, des axes stratégiques ont été mis en place afin d’atteindre ces objectifs :

Renforcer la compétitivité•

Réaménager les pêcheries•

Reconstitution de stocks et développement de l’aquaculture•

Maîtriser la traçabilité•

Matières premières: faciliter l’accès aux industriels•

21 milliards de DH du PIB•

Outre atteindre un PIB de près de 21 milliards de DH à l’horizon 2020, la stratégie Halieutis a pour ambition de passer, à la même échéance, de 61.650 emplois actuellement à 115.000. Au niveau des emplois indirects, il s’agit d’atteindre le nombre de 510.200.

Déclinaison des politiques sectorielles - Rôle de MEDZ

Partenaire privilégié du gouvernement dans la mise en œuvre de ces politiques industrielles, le groupe CDG via sa filiale opérationnelle MedZ a pour mission d’offrir aux investisseurs nationaux et internationaux des plateformes industrielles aux standards internationaux, sur l’ensemble du territoire, en tenant compte des ressources et des spécificités régionales.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 89

Créée en 2002 sous le nom de Maroc Hôtels et Villages (MHV) avant d’être rebaptisée en 2005, MedZ a commencé par accompagner la «Vision 2010 » du secteur touristique. Elle est ainsi présente dans des destinations confirmées telles que Marrakech et Tanger. Elle intervient également dans des zones émergeantes comme Al Hoceïma, Zagora et Tan Tan pour accompagner la mise en œuvre des Plans de Développement Régional Touristique, en mettant à la disposition des investisseurs et des promoteurs des lots de terrain dotés d’infrastructures et d’équipements de qualité et en leur proposant des programmes diversifiés.

Une cellule de veille assure d’ailleurs une réflexion en vue du développement de concepts touristiques novateurs.

L’accompagnement des pouvoirs publics sur le volet industrie et logistique du plan Emergence se décline en 2 volets :

regroupement d’un ensemble d’intervenants en amont et en aval d’une • même filière ainsi que les acteurs de la chaîne de valeur (formation, recherche et prestation de services).

Regroupement de zones industrielles autour du même type d’entreprises • ayant une activité similaire.

Ainsi, MEDZ crée des sites stratégiquement positionnés sur le territoire (Jorf Lasfar, Meknes, Oujda, Agadir, Kenitra…), spécifiquement aménagés pour accueillir les nouvelles industries et entreprises désireuses de s’implanter dans un cadre technologique moderniste et compétitif.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE90

L’intelligence économique – un impératif pour MEDZ

L’intelligence territoriale est un moyen pour les chercheurs, pour les acteurs et pour la communauté territoriale d’acquérir une meilleure connaissance du territoire, mais également de mieux maîtriser son développement. L’appropriation des technologies de l’information et de la communication, et de l’information elle-même, est une étape indispensable pour que les acteurs entrent dans un processus d’apprentissage qui leur permettra d’agir de façon pertinente et efficiente. L’intelligence territoriale est notamment utile pour aider les acteurs territoriaux à projeter, définir, animer et évaluer les politiques et les actions de développement territorial durable.

MEDZ a sciemment appliqué les méthodes et outils de l’intelligence économique et territoriale afin de garantir la réussite des différents projets où elle est impliquée.

Les études de faisabilités et de solvabilité impliquent un ensemble d’indicateurs propres à la matérialisation de l’investissement. Il ne s’agit pas de concrétiser un projet sans que l’apport de ce dernier ne soit probant sur toute la région mitoyenne tout en respectant les normes environnementales. C’est ainsi que nous créons des zones de richesses, créatrices de valeur et d’emplois, dans un écosystème durable.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 91

Le choix même de la région se base sur ses atouts propres : environnement naturel, connectivité, présence de centres de formations, nature et largesse du vivier RH, sont quelques uns des indicateurs que nous renseignons, comparons et validons avant de concrétiser tout projet.

La veille stratégique est un processus que nous appliquons par ailleurs tout au long du projet, depuis la manifestation de l’idée jusqu’à sa concrétisation, et tout au long de son développement.

C’est ainsi qu’elle nous permet d’établir un tableau de bord dynamique, renseigné fréquemment, à même de nous permettre la connaissance des environnements dans lesquels se meut le projet.

MEDZ accompagne les grands projets du Royaume en tant que concepteur, aménageur, développeur et gestionnaire de zones d’activité économiques.

Permettez-moi de vous citer les projets dans lesquels MEDZ est fortement impliqué par plan d’action :

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE92

DÉCLINAISON TERRITORIALE DES PROJETS PAR MEDZ

Les zones industrielles

PARC INDUSTRIEL DE JORF LASFAR

Le parc fait partie de la nouvelle génération des parcs industriels. Il est le premier au Maroc destiné aux industries « premières catégories », ciblant aussi bien les industries lourdes dans les domaines de l’énergie, la métallurgie, la chimie/parachimie, que la logistique industrielle, ainsi que les services support à l’industrie (maintenance, bureaux d’études, centres d’affaire, etc….)

Description

Le Parc Industriel Jorf Lasfar s’inscrit dans le cadre de la déclinaison territoriale du Programme Emergence, stratégie industrielle ciblée et volontariste du Maroc à l’horizon 2015. Il a pour principal objectif d’impulser le développement de la Région Doukkala-Abda et renforcer son attractivité.

Le projet comporte une zone industrielle grand lots, une zone PME-PMI, une zone à prédominance High Tech, une zone logistique multimodale, une zone administrative, des équipements publics et de proximité, des commerces et des services.

Il offre aux investisseurs des produits diversifiés, en location ou en cession, répondant aux standards internationaux, notamment:

Des lots de terrains équipés jusqu’à plus de 200.000 m².•

Des unités prêtes à l’emploi.•

Des plateaux bureaux.•

Des terrains et entrepôts logistiques.•

Une pépinière d’entreprises, et une zone high tech, etc.•

Des services aux entreprises et aux personnes.•

des espaces pour la formation, la recherche et le développement. •

Le programme d’aménagement de la partie industrielle prévoit 221 lots, dont 74 lots pour la grande industrie, 62 lots pour les PME/PMI et 85 lots pour les équipements.

TECHNOPOLE D’OUJDA

Il s’agit d’un projet intégré sur le modèle des « clusters » de compétitivité régionaux, qui sera articulé autour des composantes suivantes :

Parc industriel et logistique•

Cleantech•

Activité tertiaire et offshoring•

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 93

Commerce.•

Formation et recherche & développement.•

Ce projet, fait partie du Plan MED EST, déclinaison territoriale du Plan Emergence, qui englobe aussi les projets suivants : Pôle Agro-industriel de Berkane ; Parc Industriel de Selouane ; Zone logistique intra-portuaire de Nador.

Ce projet, fait partie du Plan MED EST, déclinaison territoriale du Plan Emergence, qui englobe aussi les projets suivants :

Pôle Agro-industriel de Berkane ;•

Parc Industriel de Selouane ;•

Zone logistique intra-portuaire de Nador.•

Programme

La première tranche du projet, de 107 ha, englobera les suivantes :

- Cleantech : 40 ha

- PME / PMI : 23 ha

- Logistique : 20 ha

- Services & Offshoring : 4 ha

- Retail park et show rooms : 20 ha

ATLANTIC FREE ZONE

La réalisation d’Atlantic Free Zone s’inscrit dans le cadre du Pacte National pour l’Emergence Industrielle, visant la construction d’un secteur industriel fort.

Caractéristiques

Atlantic Free Zone est l’une des premières plateformes industrielles intégrées de dernière génération et cible les secteurs de l’industrie, notamment l’équipementerie automobile, les activités connexes et à l’export, la logistique industrielle ainsi que les services support à l’industrie (maintenance, bureaux d’études, centres d’affaires, etc.).

Les principaux bassins industriels ciblés sont :

Equipementiers automobiles européens notamment espagnols et français - (Acteurs de rang 2 et 3)

21 métiers cibles, dont 3 existants déjà au Maroc-

30 sites d’un marché de 4,5 millions de véhicules à moins de trois jours du - Maroc.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE94

AFZ devrait permettre, à terme, la création de près de 30 000 emplois, dont 20 000 directs.

PARC INDUSTRIEL DE SELOUANE

Le parc sera destiné à accueillir les industries peu polluantes de type PME/PMI et sera géré par une société dédiée créée en partenariat entre MEDZ et la CCIS de Nador.

Il s’agit d’un projet intégré s’insérant dans le cadre de la déclinaison territoriale de la stratégie nationale de développement industriel Emergence.

Description

Ce projet, lancé officiellement par Sa Majesté le Roi en date du 17 juillet 2008, fait partie du Plan MED EST, déclinaison territoriale du Plan Emergence, qui englobe aussi les projets suivants : Technopôle d’Oujda Pôle agro-industriel de Berkane Zone logistique intra-portuaire de Nador.

Programme

L’offre sera articulée atour de :

Une zone industrielle•

Plate-forme logistique•

Services de support•

Pépinière d’entreprises•

Formation et recherche & développement.•

Les zones offshoring

CASANEARSHORE

CASANEARSHORE s’inscrit dans le cadre du plan « Emergence », c’est un parc dédié au développement de nouveaux potentiels économiques de la région dans le domaine de l’offshoring et offre aux entreprises l’assurance de bénéficier d’un parc intégré assorti de services d’accompagnement performants et d’un cadre législatif incitatif.

Caractéristiques

Casanearshore est le premier pôle Nearshore du Maroc et le plus grand d’Afrique du Nord.

CASANEARSHORE est un parc conçu selon le modèle de campus intégré dédié aux entreprises spécialisées dans le développement de logiciels, la gestion d’infrastructures, les back offices bancaire & assurance, la gestion de la relation client…

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 95

CASANEARSHORE prévoit, à terme, 300.000 m² de plateaux de bureaux prêts à l’emploi.

TECHNOPOLIS

Technopolis est une plateforme dédiée à la création, l’incubation et la promotion de projets innovants et à fort potentiel.

Technopolis, la Cité de la Technologie est la matérialisation de la nouvelle vocation de Rabat - Salé dans le secteur des nouvelles technologies. S’inscrivant dans le cadre du programme gouvernemental de développement sectoriel « Emergence », cette vocation est orientée par la volonté de d’affirmer la place du Maroc dans le secteur des industries de la connaissance.

Doté de 107 ha, 300 ha à terme, TECHNOPOLIS prévoit dans une première phase 312.000 m² de plateaux de bureaux prêts à l’emploi.

Fort de ces deux premiers succès, le Maroc prévoit d’autres parcs pour tirer profit des avantages comparatifs de quatre autres régions : Fès, Marrakech, Oujda ainsi que Agadir.

PLAN AZUR

PROJET OUED FES :

Dans le plus grand respect de l’environnement naturel de Fès, il constituera le nouveau pôle touristique de la ville à travers la réalisation de plusieurs unités hôtelières et résidentielles totalisant une capacité de 2250 lits supplémentaires, d’un parcours de golf de 18 trous et d’un futur cœur de vie et d’animation de la ville.

En plein cœur de la capitale spirituelle, le projet OUED FES constitue un nouveau concept intégré de destination touristique. Conçu sur plus de 170 hectares, comme un ensemble de parcours qui uniront les espaces de la ville moderne à ceux de la médina, OUED FES est le projet pilote de Programme de Développement Touristique Fès 2015 (PDRT) s’inscrivant dans la vision du Plan Mada’in.

S’étalant sur 158 Ha, le projet est programmé comme suit :

Partie Touristique :

2 lots hôteliers 5*•

1 lot hôtelier 4*•

1 lot hôtelier Hôtel Club•

1 lot hôtelier 3*•

5 lots pour équipements (coeurs de vie, loisirs, restauration, ...)•

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Partie résidentielle

14 lots pour le résidentiel individuel•

09 lots pour le résidentiel collectif•

1 golf 18 trous•

GHANDOURI

La zone d’Aménagement Touristique GHANDOURI, située à Tanger en front de mer sur la route de Sebta, s’étend sur un terrain de 60 hectares et jouxte une forêt de 10 hectares. Cette zone se présente comme une bande côtière en dénivelée sur la mer et sa situation offre une vue panoramique imprenable depuis tous les points du site sur la mer, la baie, le détroit et la médina de Tanger. Le terrain est situé à 3 km du centre ville et à 15 km de l’Aéroport de Tanger.

Le programme d’aménagement du projet Ghandouri se décline comme suit :

7 lots hôteliers comprenant 4421 lits.•

5 lots immobiliers dont 4 maisons d’hôtes comprenant 1945 lits.•

14 lots pour équipements d’animation.•

FORT CALA IRIS

Ce projet d’Eco-resort est un projet de nouvelle station touristique haut de gamme orientée développement durable. La station balnéaire a été conçue dans le plus grand respect de l’environnement naturel en s’intégrant à la topographie du site et en favorisant l’utilisation des énergies renouvelables. Fort Cala Iris met en valeur les potentialités culturelles et sociales de la région d’Al Hoceïma par l’intégration des activités artisanales, des activités de pêche existantes aujourd’hui sur le site et la mise en valeur de l’arrière pays.

Fort Cala Iris est situé à 60 Km du centre ville d’AL HOCEIMA et à 45 Km de l’aéroport d’AL Hoceima en cours d’extension.

Programme

Capacité totale (lits) : 14.161 lits, dont :

Hôtellerie : 32% - - 4.500 lits : 8 hôtels, dont :

1 Hôtels 5* de luxe : 480 lits•

4 Hôtels 5* : 1 069lits•

2 Hôtel 4* : 1 242lits•

1 VVT : 1 710 lits•

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Résidentiel Immobilier de Promotion Touristique: 25% - - 3.555 lits

Résidentiel : 43% - - 6 106 lits

Marina 100 anneaux, -

Golf 18 Trous.-

Chiffres clés

Le terrain du projet s’étale sur une surface de 339 Hectares.

ZAHRAT ANNAKHIL

Le projet Zahrat Annakhil est situé au cœur de la Palmeraie de Marrakech, un des joyaux emblématiques de la ville impériale. S’étalant entièrement le long de l’oued Taroumite, le site est composé de trois lieux distincts complémentaires : Une ancienne oliveraie Une zone de palmiers de Marrakech dont la réhabilitation en fera le cœur vivant du projet. Une ferme plantée de vergers d’orangers et de pêchers. Les trois lieux sont homogénéisés par une vision d’ensemble, un équilibre vital entre l’esprit de la palmeraie et la beauté architecturale des sites.

Caractéristiques

MED Z a veillé lors de l’aménagement des 181 ha de la zone, à respecter la nature du site et à le réhabiliter. Ainsi, un parc paysager de 10 ha a été réalisé dans le secteur central du projet. Par ailleurs, et en partenariat avec la Fondation Mohamed VI pour la protection de l’Environnement et la Wilaya de Marrakech Tensift El Haouz, 30 000 palmiers ont été plantés pour la revalorisation de la palmeraie.

Au Programme

* 6 lots hôteliers

* 5 lots pour maisons d’hôtes

* 56 lots résidentiels

* 8 lots d’équipements et d’espaces verts

PLAN MAROC VERT

AGROPOLIS – Meknès

Description

Ce projet développé par MEDZ, s’inscrit dans le cadre de stratégies nationales intégrées, le plan « Maroc Vert » et le plan « Émergence ». Pour mémoire, ce dernier érige la modernisation et la dynamisation du secteur agro-industriel en axe majeur de la nouvelle stratégie industrielle. Le plan « Maroc Vert », lancé sous les

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Hautes Directives de Sa Majesté le Roi, définit une nouvelle stratégie agricole, dont l’un des piliers est relatif à la modernisation et la dynamisation du secteur agro-industriel; secteur présentant un potentiel certain pour l’encouragement de l’investissement créateur de richesses et d’emploi.

Programme

Les composantes principales du projet sont les suivantes :Une zone d’activités à vocation agro-industrielle et logistique, destinée aux filières phares de la région notamment l’huile d’olive, les fruits et légumes, les céréales, le lait et la viande.Une cité intelligente regroupant les fonctions de support aux activités industrielles en matière de Formation, Recherche & Développement, Innovation et transfert de technologies, activités tertiaires et d’animation ;« Agropole », une structure d’animation pour améliorer la concertation et les synergies entre l’ensemble des acteurs (industriels, organismes publics, Formation, collectivités locales).

AGROPOLE DE BERKANE

Ce projet, fait partie du Plan MED EST, déclinaison territoriale du Plan Emergence, qui englobe aussi les projets suivants :

Technopole d’Oujda;•

Parc Industriel de Selouane ;•

Zone logistique intra-portuaire de Nador.•

Description

A travers la création d’une plateforme régionale pour le regroupement, la commercialisation, la transformation et la distribution des produits agricoles, ce projet permettra de valoriser les principales filières de la région, à savoir l’arboriculture, les cultures marîchères et la viande. L’attractivité du site sera améliorée par des composantes complémentaires, telles que la Formation & Recherche et l’activité tertiaire.

Programme

La consistance du programme à réaliser se présente comme suit :

Désignation Superficie (ha)

Industrie agro-alimentaire 1ère tranche 27

Industrie agro-alimentaire 2ème tranche 27

Activité logistique 15

Activité de service 8

R & D et formation 16

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 99

MAROC BLEU

PARC HALIOPOLIS

La réalisation du Parc Halieutique d’Agadir s’inscrit dans le cadre d’un Pôle de Compétitivité Régional et représente un des axes de déclinaison du Plan Emergence, qui définit une nouvelle stratégie gouvernementale sur le plan industriel, dont l’un des piliers est relatif à la modernisation et à la relance du secteur de l’industrie de transformation des produits de la mer. La concrétisation de ce projet représente une composante importante de la stratégie de développement du Ministère de la Pêche Maritime. Ce projet constitue également un axe majeur du Plan quinquennal pour le développement de la Région Souss Massa Drâa.

Caractéristiques

Parc d’activité industrielle et logistique dédié aux produits de la mer, s’appuyant sur plusieurs points forts : qualité du site des infrastructures de liaison ; qualité des infrastructures In-site au niveau des standards internationaux ; intégration sur le site de l’ensemble de la filière, notamment la Transformation, les industries de support, les services aux entreprises et aux personnes, la recherche et le développement ainsi que la formation ; présence d’une composante logistique et de l’activité tertiaire ; animation de l’ensemble de la filière de la pêche depuis la transformation à la commercialisation.

PROVINCES DU SUD :

Des Zones franches à Dakhla, Laâyoune et Boujdour :

Les diverses actions entreprises ont permis de créer un nouveau tissu industriel à proximité de Dakhla, Boujdour et Laâyoune, basées essentiellement sur l’exploitation et la transformation des produits halieutiques ainsi que toutes les industries en relation avec ces activités.

Les activités vont avoir trait à plusieurs secteurs.

On peut citer entre autres :

Les industries agricoles, •

la congélation, •

le traitement et la transformation des produits maritimes, •

les industries de textile et de cuir ; •

les industries électroniques, métallurgiques et mécaniques, •

l’emballage, •

les services relatifs à la logistique portuaire,•

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE100

Conclusion

Nous avons rappelé brièvement ces plans de développement industriels, ainsi que quelques illustrations des déclinaisons territoriales afin de montrer que les projets lancés par le Maroc ces dix dernières années ciblent une large tranche de la population avec une étendue territoriale très vaste, couvrant l’ensemble du pays.

Partie prenante de ces déclinaisons, MEDZ joue un rôle capital dans la matérialisation des projets issus des politiques publiques. MEDZ prévoit de réaliser plus des deux tiers des plateformes industrielles intégrées programmées par le gouvernement marocain.

Les différentes régions du Maroc bénéficieront à moyen et à long terme des retombées indéniables de ces projets : création de richesses, répartition de ces richesses entre les régions, transfert de technologies et de savoir faire, dynamique de l’emploi, mise à niveau des infrastructures, autant d’éléments qui constituent les ingrédients d’un décollage économique collectif et territorialement bien réparti.

BIBLIOGRAPHIE :

Plan national de l’émergence industrielle- – 2009 – Ministère du Commerce, de l’Industrie et des Nouvelles Technologies – www.mcinet.gov.ma

Plan Maroc Vert- – 2008 – Ministère de l’Agriculture – Agence pour le Développement Agricole – www.ada.ma

Plan Maroc Bleu- « Halieutis » - 2009 – Ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime – www.mpm.gov.ma

Vision 2010 - – Ministère du Tourisme – www.tourisme.gov.ma

Rapport annuel 2009 - - MEDZ – Groupe CDG – www.medz.ma

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 101

LA DYNAMIQUE ÉCONOMIQUE DES TERRITOIRES

Leçons de l’expérience de Dubai

Dr. Dale D. Murphy and Mhamed Biygautane11

IntroductionIII-

Dubai’s boom years from 2000-2008 were considered by many to be an economic miracle. After the financial crisis from 2008-2010 some critics called it an economic (or environmental) disaster. Neither one label nor the other is precise, but there are both positive and negative lessons to learn from Dubai. For those who study the dynamics of economic territories, one complexity is that these lessons exist in the same place, on the same policy issues, at the same time. Dubai does not offer a simplistic take-away lesson. One of the questions posed by Dubai for the study of territorial intelligence is: what if a country or region’s cultural heritage and environment is not so rich? A second question is: what to do when the country’s Treasury is rich-enough, but not infinite? This paper applies territorial intelligence literature to the context of Dubai and illustrates both the successes and the ongoing challenges in terms of its economic, social, cultural, environmental and knowledge factors of its development.

Theoretical FrameworkIV-

What is territorial intelligence?

Defining territorial intelligence is a tricky task because it is a “polysemous” concept (ICTI 2006). The term underwent various stages in its formulation. Its first appearance was in 1998 to demonstrate the way in which territories evolve based on a scientific, methodological and “multidisciplinary” approach. It integrates the use of information, technologies and other processes to interpret the results (GIRARDOT 2009a). In 1999, however, the term was associated with action: “The territorial intelligence is a means for the researchers, actors and

11 Funding for this research came in part from the Legatum Institute. Valuable research assistance was provided by Myra Rodelas.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE102

territorial community to acquire a better knowledge of the territory, but also to better handle its development. The appropriation of technologies of information and communication and of information itself is an essential step for the actors to accede to a training process, which will allow them acting in a pertinent and efficient way.

Territorial intelligence is particularly useful in helping territorial actors to plan, define, animate and evaluate the policies and actions of sustainable territorial development.” (GIRARDOT 2009b) In fact, this definition clarifies that the objective of territorial intelligence is twofold: to acquire a clear understanding of a particular “territory” and to use scientific methods to improve its development. Likewise, Girardot (2002) states that territorial intelligence is “the multi-field knowledge that improves the understanding of the structure and dynamics of territories.”

A new definition of the concept came in 2002 when it focused on developing a specific research project that would guide policy making or planning towards sustainable development of the territory as GIRARDOT (2009a) illustrates : “The concept of territorial intelligence represents the set of multidisciplinary knowledge which on the one hand contribute to the comprehension of structures and territorial dynamics and on the other hand aims at being an instrument for actors of sustainable development of the territory.

The BRUNDTLAND report (1987) argues that sustainable development “meets the needs of the present generations without compromising the ability of the future generations to meet their own needs, in the fields of environmental protection, economical growth and social equity” (as cited in ICTI, p. 78). “Sustainability means meeting our needs today without compromising the ability of future generations to meet their own needs.” (UIA/AIA World Congress of Architects 1993). The UN Commission on Sustainable Development (UNCSD) provides a relatively similar definition of sustainable development and stresses the significance of economic and social aspects of people’s life by stating that: “sustainable development must overcome its environmental degradation, but it must do so without forgoing the needs of economic development, social equality and justice.”

Other definitions stress the role of information and communication technologies to foster the technicality and applicability of territorial intelligence to the sustainable development of territories. DUMAS (2004) states that “intelligence [is]: a cognitive process and an information organization, and territory: a space of significant relations”. The role of IT in this regard is instrumental to establish channels for communication among the territories. BERTACCHINI (2004) argues that “territorial intelligence can be assimilated to territoriality that results

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 103

from the phenomenon of connexion of a territory resources and of transfer of competences between local actors that have different cultural orientations” (as cited in ICTI 2006).

The importance of territorial intelligence resides in its objectives to reach sustainable development and individuals’ well-being through the coordination of four main elements: economic, social, cultural and environmental (Goria 2008), with a fifth element regarding the management of knowledge.

Economic

BLANCHERIE (2002) states that territorial intelligence emanated “from the conjunction of major and interdependent changes at economic and social levels” (as cited in GIRARDOT 2009b). The economic aspect of territorial intelligence theory ascertains that the oil crisis of the 1970s triggered the worries of both developed and developing countries to form other sources of energy rather than relying heavily on non-renewable sources that proved to be largely unreliable. The 1973 oil crisis was a turning point in the development and investment in raw materials and shifted the attention to different means of creating opportunities and resources. The challenge at that time was to look for alternative ways to generate revenues and economic growth that did not rely directly on natural sources or row materials. That resulted in the shift to “information society” or “knowledge economy” that fostered the role of human capital in creating new opportunities of investment in services and other sectors like information technology (IT) and education. Providing economic stability and opportunities of growth is one of the main tasks that the theory of territorial intelligence ascribes to governments (MIEDES 2008).

Social and Governance

One of the ultimate goals of territorial intelligence is to secure a comfortable and stable social life for citizens and foster the presence of democracy. PASCURA (2006) states that “Development of citizenship and democracy, social equity, as well as economical and social progress, constitutes the main objectives of territorial development and territorial governance” (p.2). Questions that territorial intelligence theory addresses are: What are people’s needs and are these needs generally satisfied? What do they need to be happy and comfortable? In a territory like Dubai, that is characterized by the dominance of expatriates, it becomes more difficult to assess and quantify the satisfaction of both expatriates and locals. To what extent are people involved in decision making and to what extent is it transparent and participatory? Generally speaking, territorial intelligence theory recognizes the instrumental role governance plays in shaping the daily life of people. The healthy interactions among the private, public and civil society form

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE104

the basis of good governance and mirror the satisfaction of citizens. According to GIRARDOT (2009b), globalization strengthens the focus on governance and compels territories to form the necessary mechanisms to promote good governance practices.

Cultural

In its earlier phases of its development, territorial intelligence focused on three elements (economy, environment and social), but soon culture was added as a fourth element. Territorial intelligence focuses not only on the sustainable development of territories and establishment of the necessary dynamics that would drive its performance, but also on the significant role of cultural heritage as well. GIRARDOT (2009b) believes that it is crucial to develop the cultural resources that exist within the boundaries of a certain territory with respect to the traditions and needs of the “heterogeneous” people. The waves of globalization pose various challenges and risks for the conservation of people’s cultural heritage. However, territories should not consider the differences among their individuals as obstacles, but as an enriching experience that would add to the culture of the territory. Moreover, GIRARDOT (2009b) emphasizes that a territory that is made of multiple cultures should allow the expression of differences which will in its turn allow for progress and development.

Environmental

Scholars of territorial intelligence continuously stress the importance of maintaining a healthy and ‘sustainable’ environment for the sake of both the current and future generations. BRUNDTLAND report (1987) defines sustainability as follows: “[It] meets the needs of the present generations without compromising the ability of the future generations to meet their own needs, in the field of environmental protection, economical growth and social equity”. Economic or industrial developments should not be achieved on the cost of the environment. The increasing CO2 emissions endanger the environment and strengthen the global warming effects that have been felt all over the world.

Knowledge

The transformation towards “knowledge economies” necessitates more focus on the creation and sharing of knowledge among individuals and organizations. Territorial intelligence considers the sharing of knowledge an important step towards attaining sustainable development and more precisely reaching economic intelligence that can promote economic and social developments. In a larger scale, territories can maximize their mutual benefits by sharing knowledge among each other and establishing mechanisms that can transfer knowledge

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among these territories (MIEDAS 2008). BERTACCHINI (2004) suggests that “territorial intelligence [that] can be assimilated to the territoriality resulted from the phenomenon of appropriation of resources of a territory then to the transfer of competences among other categories of local actors of different culture” (as cited in GIRARDOT 2009b). Knowledge management and sharing contribute significantly to increasing the efficiency, productivity and soundness of public and private organizations. The experiences of OECD countries show that knowledge management has become an essential instrument for improving the effectiveness and responsiveness of the public sector. Many managerial techniques were introduced to the public sector—mostly under the rubric of “New Public Management” theory—to improve efficiency, quality of decision making and responsiveness with the public, with result-based performance as the main driver of organizational and operational excellence. (WIIG 2000)

Application of territorial intelligence theories to the context of DubaiV-

This section applies the variables and causal relationships from our brief review of the theoretical literature to the case of Dubai. It assesses some of the positive and negative lessons from the economic performance of Dubai, its sustainability, social structures, environmental aspects, cultural dimensions and its transformation to a knowledge economy.

What lessons does Dubai offer, to scholars of territorial intelligence, on both theoretical and policy grounds? What insights do the theoretical works on territorial intelligence have for Dubai? The concepts emerged from Europe and fit the social, economic, environmental and contextual factors in European countries, but as seen at the conference in Dakhla their influence has spread worldwide. Dubai is one Emirate among seven that form the United Arab Emirates. The differences and commonalities from different emirates and countries offer an opportunity for theory development and for cross-cultural learning.

In 1900 about a quarter of Dubai’s population were foreigners, and in 1968, as oil was discovered, its population was roughly 40% foreigners. Dubai’s population was less than 40,000 people in 1940, and actually fell through 1954. (See chart on population.) With the discovery of oil and gas in the UAE, in the 35 years from 1975 to 2010 Dubai’s population has skyrocketed by ten-fold, to nearly 2 million, overwhelmingly foreigners. This growth is 60 times that of the world population’s growth -- it is unprecedented, and enabled by a number of factors unique to Dubai (including a wealthy federal system, an enlightened monarchy, a regulated-openness to foreign workers, etc.). The Dubai phenomenon is unlikely to be replicated in toto by other cities or regions, but as a grand experiment it nonetheless offers some lessons for others.

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[**INSERT CHART HERE: POPULATION DUBAI vs. WORLD, 1900-2010 v1b**]

Population: Dubai vs. World, 1900-2010

After the boom years and then financial crisis of 2009, the importance of economic and territorial intelligence has become more salient. Dubai was hit hard by the global financial crisis. Some people even doubted the sustainability and continuity of Dubai’s approach (Brach and Loewe 2010). The crisis challenged not only the fundamentals of modern economic theories, but also the dynamics that govern countries’ other policies. One challenge is how can territories with different economic capabilities establish mechanisms that protect their financial and economic interests while preserving their cultural heritage? The case of Dubai in this context is unique in the extent and manner to which the country has been constructed with the help of foreigners from all over the world.

Economic

Successes:

Fifty years ago, when the grandparents of today’s youth were starting their families, the county had no electrical grid, indoor plumbing, telephone system, public hospital, or modern school. Men washed their kanduras in the sea and dried them in the sun. Water supplies were limited. Dubai was a city with many

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huts and unpaved streets. In 1970, illiteracy was nearly 80 percent. (Walters, Kadragic & Walters 2006)

By 2005, Dubai’s economic development was labeled many names, including “miraculous”. The vision of HH Sheikh Mohammed Bin Rashid Al-Maktoum and others enabled the economy to prosper and achieve remarkable results in a relatively short period of time, as part of the Dubai Strategic Plan. Hundreds of modern buildings were constructed in less than ten years, with the highest skyscraper in the world inaugurated in 2010. A resilient economy was established, based on trade, finance and tourism. Dubai’s trading, transportation, telecommunications and safety infrastructure became ultra-modern and cutting-edge, which attracted numerous world-class trading companies, financial services and consultancy firms to open their headquarters in Dubai.

The UAE now ranks 30th overall out of 110 countries in the Legatum Prosperity Index. It ranks 13th in terms of high economic expectations, despite their less optimistic outlook on job market opportunities, for which the country places 30th overall. The vast majority of Emiratis were able to afford adequate food and shelter in 2009; the UAE places 26th on this variable. It boasts a low unemployment rate of just 3.1% (although this is in part because foreigners who lose their job must leave within 30 days). The country places 22nd in terms of satisfaction with living standards. (LEGATUM 2010)

The Heritage Foundation ranks UAE as the 47th freest in its 2011 Index, with a score of 67.8. It ranks 6th out of 17 countries in the Middle East/North Africa region, and its overall score is higher than the world and regional averages. (HERITAGE 2011) The quality of life in Dubai is generally regarded as very high for professionals, and serves as a magnet for youth from throughout the region and beyond.

Regarding the ease of starting a business, the UAE ranked 44th according to the World Bank’s Doing Business 2010 report as a result of policies taken on in the last couple of years. According to the Global Entrepreneurship Monitory’s (GEM) 2009 Global Report, the UAE has the highest increase globally in new startup activity, growing 38% from 2007 to 2009. Businesses (especially SMEs) whose aim is to assure local development, economic growth and job creation are one of the key elements of a territory’s sustainability. (MOISEYENKO 2006). Development and construction was financed extensively with outside investments from foreign speculators and developers, as well as by the government.

Dubai is a favored locale for entrepreneurs from throughout the region. A small survey of young businessmen from the region (half from the Gulf and the other half from throughout MENA) reported that three-fourths rated the UAE as the business environment most favorable to successful entrepreneurship (MURPHY 2010).

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Despite the economic downturn, the Dubai Department of Tourism reports that the number of tourists flocking to Dubai -- and revenue from them -- continues to grow. Some development projects were canceled, some placed on hold, some slowed down, and others completed on schedule, as Dubai reacted to the global circumstances beyond its own making.

Challenges:

The extent to which Dubai’s economy was battered by the financial crisis beginning in late-2008 is well-known. The real-estate, finance, tourism and trade sectors were hit hard. Dubai had to turn to Abu Dhabi for two $10 billion bond issues in 2009. By comparison, bailouts were also required for Portugal, Iceland, Ireland, Greece ($146 billion) and Spain, around this same time. After the economic shocks, the property market in Dubai fell 50% in value, and the economy was still over-leveraged in 2011. An IMF report on the UAE states that «recent events call into question the sustainability of enhancing growth through large-scaled and highly leveraged property development.» (IMF 2009) As of 2011 Dubai still has an estimated $100 billion worth of debt (precise figures are hard to evaluate). With a population of roughly two million, but only 150,000 Dubaians, this is serious: $50,000 for each resident, or $670,000 worth of debt for each citizen.

Although difficult to quantify, Dubai’s reputation among foreign investors has been hurt. Much of the development was built on speculation, with retail investors buying units before construction began. Those investors are spread out throughout the region, Europe, and diasporas around the world. Dubai’s judicial and regulatory systems have struggled to keep up with the backlog of cases resulting from business disputes.

Despite its favorable reputation among entrepreneurs, significant policy obstacles remain to further encouraging entrepreneurship in Dubai. These include decriminalizing insolvency (which will require the reform of laws and the creation and training of insolvency courts, judges, lawyers and accountants), further reducing red-tape, visa and ownership issues, improving access to information, and developing angel-investor practices. Small and medium sized firms are still a relatively small component of Dubai’s GDP.

Social and Governance

Successes:

One of the more remarkable and unheralded successes of Dubai has been the relative domestic popularity of its monarchy. Dubai helped form the UAE and modernize under the leadership of Sheikh Rashid bin Saeed Al Maktoum, and his sons, Sheikh Maktoum bin Rashid Al Maktoum and His Highness Sheikh

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Mohammed bin Rashid al Maktoum, Vice-President and Prime Minister of the UAE and Ruler of Dubai. The relationship between the rulers and their people is noteworthy. In contrast to most countries worldwide, for example, Sheikh Mohammed is able to travel in Dubai with relatively low security. He often drives his own car and travels in the city with few guards. This is in part due to the strong relationship that he has developed with his people. They have confidence in his provision of social and economic welfare and that his decisions to invest the resources of the Emirate will benefit the local people. It is also a reflection of the strong security forces that Dubai and the UAE deploys, with a well-paid and professional intelligence, army and police forces, using sophisticated technologies. Dubai has a strong reputation for being free from crime and violence.

The contribution of Sheikh Mohammed to the welfare and social security of his subjects is mirrored in the policies and systems he set up for that purpose. In an August 2008 interview with the American TV program, 60 Minutes, Sheikh Mohammed said that he wanted “the best health care systems, the best education and the best life style for his people”. His focus on facilitating access to education especially for women, led to considerable improvements in women’s access to education and other social rights. Eight-five percent of UAE women were illiterate in 1971; by 2005 that number had fallen to just 7.6 percent. Today, females outnumber male college graduates: 70.8 percent of students attending university are now female.

Women’s rights and equality to men are very high in the UAE compared to other Arab countries. Women are protected by law, have free access to education and health systems and enjoy equal opportunities with men if they wish to establish their business. This is remarkable progress towards the better representation and societal rights of women in Arab-Muslim societies.

Moreover, there are various indicators for significant improvement in Emiratis’ life style and well being; for example, between 1980 and 2010 United Arab Emirates’ Human Development Index (HDI) rose by 0.9% annually from 0.63 to 0.82 today, which gives the country a rank of 32 out of 169 countries with comparable data. The HDI of Arab States as a region increased from 0.40 in 1980 to 0.59 today, placing the UAE above the regional average. The HDI represents a push for a broader definition of well-being and provides a composite measure of three basic dimensions of human development: health, education and income. (UNDP, 2010)

Challenges:

In terms of freedom of expression and speech, the Emirati’s rights are below the global average; however, 85% of Emiratis are happy with the level of autonomy

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and freedom they have placing the UAE 24th on this index (Legatum Prosperity Index 2010). While the UAE generously provides free education and health care systems to the nationals, the prices of these services for expatriates is high, especially for those with low salaries who struggle to afford the education and health-care systems. Moreover, the salaries and benefits that expatriates receive are contingent on their nationality. Khaleejis, Americans and Europeans tend to be the most well-paid work force in the Gulf. Asians and other nationalities tend to be paid less and enjoy fewer rights and benefits. Protection for guest and domestic workers is another issue that the UAE faces, and has resulted in criticism by human rights organizations such as Amnesty International and Human Rights Watch. The latter note that guest-workers often pay high agent-fees to obtain work (e.g., $3,000; this is against UAE law and enforcement of new laws may improve the situation), may be lied to about wages, have their passports taken on arrival, are not allowed to switch jobs, and cannot leave and quickly return. Their wages may be higher than they could get at home, but -- having paid an agent-fee and without job mobility -- they are in effect indentured until their fee is paid off (KEANE & McGEEHAN 2008). A relatively low tolerance towards some immigrants places the UAE 56th on the Legatum Prosperity Index. Obtaining ‘equal justice under the law’ for all individuals, regardless of their wealth, nationality or social status remains an elusive goal, as in many countries.

Despite their gains in education and other aspects, UAE women face numerous obstacles if they choose to marry a non-Emirati man. Although there are no explicit laws that forbid it, women can have their passports withdrawn and their offspring will not be granted UAE nationality. Also, women are deprived from social benefits like preferential access to land, housing, low-interest loans and a marriage stipend (up to 70,000 AED) that Emirati husbands get from the government when they marry. An increasing number of local women remain unmarried, and divorce rates in the UAE are the highest among Arab Gulf states, according to a November 2010 study by the UAE Women’s Federation.

The 1971 UAE Constitution calls for “progressing by steps towards a comprehensive, representative, democratic regime in an Islamic and Arab society free from fear and anxiety.” Representation has some success through majlis social systems of meeting and conversation; however, access depends on wasta and personal relationships, and risks creating incentives for those who can deceive persuasively. Those without personal wealth or family connections may feel frustrated by their relative lack of opportunities or representation. Steps towards democracy have been rather limited, to date. The Federal National Council has only an advisory role, half of its 40 members are appointed by the Emirate Governments and the other half are elected by the 6,689 members of the Electoral College.

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The Ministry of Labour and Social Affairs requires all civil society organizations (CSOs) to submit their membership lists and budget reports for annual review. Unlicensed associations can be raided and disbanded, under legal amendments in 2001. (DAVIDSON 2008, p.211). The UAE ranks ‘very weak’ on the Global Integrity scorecard for accountability, civil society, public information and media. (It ranks ‘moderate’ on administration, civil service, oversight and regulation; and ‘very strong’ on anti-corruption and rule of law.)

Cultural

Successes:

Dubai is one of the world’s most multi-cultural and globalized cities: more than 90% percent of its population is foreigners. Territorial intelligence theories call for strengthening the cultural dimensions and characteristics of all the “heterogeneous” people who reside in a certain territory, and Dubai can be considered a rich cross-cultural centre, par excellence. People from all the corners of the world reside in Dubai. These expatriates have contributed significantly to the level of development it has reached -- illustrating the territorial intelligence theorists’ argument that differences in people’s believes and cultures need not be a hindrance towards achieving a territory’s objectives, but rather a contributing factor to its development.

Contrary to the fears of Davidson (2008, p.192) and others, social entrepreneurs in Dubai are taking advantage of this multicultural mix and ‘making lemonade from lemons,’ rather than becoming more fragmented. One such Dubai group, for those “New In Town,” saw its membership swell from 150 to more than 1,000 people, from more than 80 different countries, from July 2009-December 2010 (with a waiting list of another 1,000 wanting in).

The Dubai and UAE governments have been sensitive to the possible erosion of national culture in the face of this foreign onslaught. They fund various activities that emphasize traditional culture, such as poetry, Quran memorization and recitation in Ramadan, camel and date festivals, traditional wedding rituals, etc. The point behind organizing all these religious and cultural activities is to both re-emphasize the significance of Islamic and Emirati culture, and to spread awareness about them to the foreigners who live and work in the country.

According to the UAE Constitution, “Islam is the official religion of the Union. The Islamic Sharia shall be a main source of legislation in the Union,” and the Constitution emphasizes Arab and Islamic causes and interests. Ninety-six percent of the Emirati population is Muslim, of which roughly 85% identify as Sunni, with 15% Shii’. According to a 2005 US State Department report on the UAE,

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“local observers estimate that approximately 55 percent of the [UAE’s] foreign population is Muslim, 25 percent is Hindu, 10 percent is Christian, 5 percent is Buddhist, and 5 percent (most of whom reside in Dubai and Abu Dhabi) belongs to other religions, including Parsi, Baha’i, and Sikh.” There are more than a dozen Christian churches in Dubai; the land for St. Mary’s Catholic Church was donated by Sheikh Rashid bin Saeed Al Maktoum himself. Dubai is the only Emirate that has a Hindu temple and a Sikh Gurdwara, albeit to serve an estimated one million Hindus and Sikhs in the UAE. As the most tolerant regime in the Gulf, it allows most religious differences and gives individuals the right to practice their religions freely. (Some news stories report that a discreet, private synagogue exists, while other news stories suggest that practicing Judaism is restricted.) To some extent, Dubai’s culture demonstrates resilience in front of temptations that stem from its interaction with other cultures.

An overzealous reaction to preserve traditional culture is a potential concern in any changing society. Culture is a dynamic, living, evolving social construction. It cannot be ‘preserved’ in the sense of being kept in a formaldehyde specimen-jar, or it will die. Dubai has done well in freeing up some of its creative talents, as seen in Mohammed Saeed Harib’s Freej cartoon (which explores the impact of modernization through the eyes of four comedic matrons), in Ali F. Mostafa’s City of Life movie, and in Rashid and Ahmed bin Shabib’s ‘The Shelter’ urban design incubator.

Challenges:

A key challenge faced by the United Arab Emirates and Dubai in particular, as with other GCC countries, is the risk of losing local identity. Expatriates form more than 80% of the UAE’s population (more than 90% of Dubai’s) and their presence could jeopardize the cultural identity and societal norms of the locals who constitute less than 20% of the overall UAE population. (Some estimates put the number of Dubai nationals at less than 100,000, although definitions and statistics vary.)

It is difficult to quantify the extent to which Dubai’s cultural heritage is negatively affected by the inflow of expatriates to the country, but one cannot deny the new familial structures, the tremendous changes in life styles of the locals and their habits. Dubai could risk losing its culture and national identity. (DAVIDSON 2008, p.190-206) Many Emiratis feel torn. They take pride in the world-setting accomplishments achieved in such a short time and the improvements in material quality-of-life. But they are concerned about losing control over their country and future, amid uncertainty over all the changes that have occurred within a single generation. Interaction with expatriates fuels the locals’ curiosity and interest in various ways. Wearing jeans, using blackberries for chatting and networking

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among females with males, smoking, drinking, and other habits which are not part of traditional culture are all practices that have been introduced or expanded in the past 15 years.

Dubai is an important tourist and business destination for tourists from the five continents of the world. However, some locals are concerned that their cultural traditions will be negatively affected by mass tourism and inescapable interaction with foreigners. Yet, it is difficult to quantify or measure to what extent the local cultural and societal aspects are affected by the interaction with foreigners. The territorial intelligence literature suggests that ‘heritage tourism’ can respond to global tourists while not undermining the needs of the local community. (AMIN MOHAMED 2004)

Although tolerant by Gulf standards, some laws and practices discriminate against adherents of non-Muslim religions. Non-Muslims may not proselytise nor distribute religious literature. It may be difficult to obtain the permits to build a non-Muslim place of worship. To protect against extremists, even Islamic sermons at Sunni and Shia mosques are distributed by a central, Federal regulatory authority.

Some backlash has been seen in Dubai, as with the temporary blocking of the popular image-sharing website Flickr.com, for allowing “content inconsistent with the religious, cultural, political, and moral values of the UAE.” Flickr ranks #34 in worldwide internet traffic, and hosts 5 billion images. The block was removed in 2008.

Environmental

Successes:

Dubai’s reputation has not yet been built on its environmental achievements. However, there is a growing environmental awareness in the Emirate. A 2010 study led by the Environmental Awareness Section in the Environment Department of Dubai Municipality found that 61% of those surveyed are ‘environmentally aware’, with the highest levels reported among Western expatriates (82%), followed closely by UAE nationals (77%). (AL SAYEGH 2010) A number of public relations campaigns have contributed to this awareness, especially in the areas of water and electric consumption. As with many challenges in the Gulf, improving environmental impact is a question of institutional capacity, not policy goals or intentions. Dubai is very sensitive to criticism of its environmental practices, takes such reports seriously and often initiates action on them.

Dubai’s environmental record is strong in a number of areas. It has relatively favorable ratings on air pollution, consistent with an economy that is largely

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service-based and not dependent on manufacturing. The Dubai Metro was expensive, at $7.6 billion as of August 2009, but in just 18 months it has proven popular, with ridership rates already at 160,000/day, helping to reduce Dubai’s high dependency on automobiles. (By comparison, similarly-sized Vancouver’s metro has about 350,000 passengers/day, but has been operating for 25 years.) A number of environmental laws have been adopted to address specific issues, e.g. plastic bags are set to be phased out by 2013. (Litter from plastic bags is responsible for nearly half of nomadic camel deaths. In 2010, the UAE consumed 2 billion bags, out of 500 billion bags consumed worldwide, according to the ArabPlast tradeshow in January 2011.)

Challenges:

There are many challenges to achieving environmental sustainability in Dubai. Using 2007 data, the World Wildlife Fund reported in 2010 that Qatar and the UAE have the world’s highest per capita carbon dioxide footprint. The UAE requires energy for cooling and for desalination of water supplies. These combined factors resulted in it being listed as the highest Ecological Footprint in the world, at 10.68 global hectares (gha) per person. (WWF 2010)

Only 25% of Dubai’s fresh water does not require desalination or similar treatment; 25% is desalinated from the ocean; another roughly 50% of groundwater is saline and requires ‘treatment’. Dubai has both the highest per capita water consumption in the world and the most expensive water. The groundwater table is lowering. Dubai’s concern about water is hardly new. According to Abu Dhabi’s ruler and the UAE’s founding president for 30 years, Sheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan, “The first fundamental change, and the most important was … the availability of drinking water. … After [water came] everything started changing. Housing became available when there was none before, then infrastructure and everything else.” (UAE YEARBOOK 1995)

There are a variety of other environmental challenges afflicting Dubai. These range from a loss of habitat for plants, animals and sea-life and the resulting decline in biodiversity, to expanding its capacity for treating sewage, to litter, loss of limited forests, long-term climate change concerns, fisheries collapse, and so on.

Knowledge

Successes:

The UAE has been very successful in its shift to knowledge economy. Its ranks have been improving very quickly since 2000. For example, it ranks 45th on the World Bank’s Knowledge Economy Indexes, a jump of 5 since 2000. It ranks 21st

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on the ICT Index of telephone, computer and internet penetration (a jump of +11 since 2000). However, it ranks 79th on the Education and HR Index (albeit with a jump of +15 since 2000), which averages adult literacy, secondary and tertiary enrolment. (WORLD BANK 2009b) Dubai has been not only the financial hub of the Middle East, but also one of the most attractive educational ones. Prestigious American, Australian and British universities have branches in Dubai and attract both UAE nationals and international students from the GCC and the rest of the Arab World. An Education Zone and Academic City were established in Dubai to centralize the provision of education and attract more universities to have branches in Dubai.

Territorial intelligence literature views knowledge management as an essential requirement to facilitate sharing knowledge and experience among numerous actors. Since Dubai is a country that is outnumbered by expatriates, it is critical to establish the necessary mechanisms and processes to guarantee the capture and storage of the expats’ knowledge and guarantee its transfer to nationals.

Challenges:

The financial crisis that hit Dubai in 2009, resulted not only in financial difficulties, but also in the loss of some human capital that left the country and took with them the knowledge and experience they had gained over the years. One challenge for the sharing of knowledge in the Arab world in general and Dubai in particular is the difficulty of convincing people to share knowledge, due to cultural and personal reasons. In the Middle East and North Africa, relationships and connections play a significant role in the daily life of individuals. The lack of trust sometimes in government and in people makes it hard for people to share what they know among each other. Bhatt (2001) indicates the difficulties associated with knowledge sharing. These include the fear of losing one’s job due to sharing knowledge, cultural differences and approaches to knowledge, and the lack of an environment that appreciates the value and significance of knowledge for the individuals and organizations.

It is estimated that 85% of Emiratis are employed in government jobs. Increasingly they are educated, and a few have created brilliant government initiatives. The institutional capacity to implement these initiatives has varied.

Part of Dubai’s social success comes from a strong feeling of group identity. Ibn Khaldun identified this importance of asabiyya (العصبية) in 1377 CE. He wrote: “Only tribes held together by a group feeling can survive in a desert.” It remains to be seen how well Dubai can make the transition to an open knowledge-economy. Survival is in Dubaians’ DNA. Now that global knowledge circumstances demand the embrace of greater diversity, the earlier emphasis on tribalism or

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even nationalism may need to give way to a new redefinition of identity that includes diversity.

ConclusionsVI-

The application of territorial intelligence theory and literature to the case of Dubai helps identify both the current opportunities and challenges Dubai faces to achieve excellence in its economic, social cultural, environmental and knowledge aspects. As Girardot (2002) argues, territorial intelligence “improves the understanding of the structure and dynamics of territories.” Dubai can learn from the integrated approach of those who write on territorial intelligence. It also offers insights for those who conduct research and policy development on the possibilities -- and limits -- of transformative change.

Seen through the lens of territorial intelligence, Dubai illustrates both successes and remaining challenges. Its non-resource based economy has grown remarkably fast for thirty years, even taking into account the financial crisis since 2008. It has created a very comfortable and stable social life for its citizens and many of its residents. It simultaneously exhibits an enriched cross-cultural experience and challenges to its traditional heritage, and it has proven the value of a culture in which re-invention is part of its identity. Dubai is still heavily reliant on fossil fuels as an energy source (the UAE’s first nuclear reactor is planned for 2017) and it has a high environmental footprint that will require significant institutional advances or technological breakthroughs in order to become sustainable, although it is making progress in this area. Progress towards a representative, democratic regime has been somewhat slow and social inequities exist. It has greatly improved its knowledge creation and sharing among organizations and individuals, although additional progress remains in transferring knowledge from expatriates.

Even with its challenges, Dubai is still a beacon of attraction for young and forward-looking thinkers in the region. The negative lessons are well-known, too, and Dubai’s reputation took some bruising from the excesses of the past decade and the lack of institutional capacity to regulate them. Thus, it may take some time before Dubai regains its momentum in the region and internationally. Dubai is adapting to the financial crisis of 2009 and making fiscal and organizational reforms to overcome those repercussions. Bureaucratic models and procedures are being adjusted, investments are being tailored to better fit demand and future developmental projects are approached in a more pragmatic way. Dubai is making noticeable progress with various e-government initiatives that aim to facilitate the interaction with the government entities and simplify other processes.

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There are numerous lessons that can be learnt from the experience of Dubai. One lesson for theorists of territorial intelligence is that identity itself can sometimes be dynamic, not fixed. National and cultural identity are complex, constructed concepts that draw on a smörgåsbord of history, memes, narratives, myths, interpretations and emphases. Although loss of culture is a real concern for Dubai, it is remarkable how well the Emirate has maintained its unique identity in the face of staggering change. In fact, many territorial intelligence scholars stress preserving the national identify of a country and at the same time respecting and appreciating the different cultures of foreign people who reside in that country. Dubai has been a remarkable example in this regard.

Dubai’s success comes in part from its ability to emphasize two core parts of its identity: the capacity to reinvent itself, and its resilience to financial duress. Drawing on its roots as a cross-cultural entrepôt, Dubai reinvented itself following a devastating fire in 1894 that burned down most houses. With the invention of artificial pearls starting in 1926, and the Great Depression of the 1930s, Dubai was forced to adapt and rebuilt its economy after World War II as a trading-hub based on re-exports. With the discovery of oil in 1966, Dubai and Abu Dhabi together led the founding of the United Arab Emirates in 1971, again transforming Dubai and the Gulf. HH Sheikh Rashid invested the oil revenues to broaden Dubai’s economy away from mere resource extraction. Dubai built huge port facilities and drydocks at Jebel Ali and Port Rashid in the 1970-80s, which greatly exceeded projected demand at the time and again transformed Dubai’s economy and relations with other nations. (Petroleum and gas now account for less than 6% of Dubai’s GDP. United States Navy ships now dock at the Jebel Ali port more than any other outside the US.) The most recent period of growth and transformation is at once a break from the past and yet consistent with this cultural record of reinvention and reemergence. Dubai has achieved remarkable success in a short period of time, against considerable obstacles. That it faces economic, social, cultural, environmental and knowledge-management challenges, as identified in the literature above, is no surprise. It offers valuable lessons as it continues to address these challenges and to attract human talent and investments from around the world.

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II

GRAPPES D’ENTREPRISES ET DYNAMIQUES DES TERRITOIRES

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 123

GROUPES LOCAUX DE PRODUCTION ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL AU BRÉSIL

Pr Luiz Fernando Macedo BessaProfesseur à l`Université de Brasilia – Brésil

Programme de Gestion de Politiques Publiques

IntroductionI-

Les dernières décennies du XXième siècle, caractérisées par un chevauchement du processus de mondialisation économique et de restructuration productive, ont conduit à des évolutions du paradigme du fordisme/taylorisme de production vers un système plus flexible de production intensive des connaissances et de l’information. Dans le cadre du développement des technologies de communication et de la réduction des coûts de transport, de nouvelles initiatives régionales et locales surgissent et peuvent permettre de viabiliser des processus différenciés de développement dans l’espace. Selon Santos (2000), le territoire présente de nouveaux contenus et impose de nouveaux comportements, grâce à un énorme potentiel humain de production, de circulation des matières premières, d’argent, d’idées, etd’informations. Compte tenu de cette flexibilité des relations de travail, d’organisation et de relocalisation de la production dans l’espace géographique, il est important de souligner l’importance croissante de l’innovation organisationnelle, ainsi que de l’ensemble des relations et des interactions institutionnelles. En effet, des liens productifs entre les entreprises, les universités, les instituts de recherches sont observés, ainsi que des possibilités de formation des politiques publiques qui envisagent un développement régional basé sur le renforcement et la relance de l’activité des micro et petites entreprises locales. Dans ce contexte, le concept de «groupes locaux de production» a été diffusé au Brésil. L’objectif de cette intervention, telle que discutée à la rencontre internationale de Dakhla, est de présenter des expériences des «groupes locaux de production» qui se sont avérées être une stratégie de promotion de développement local au Brésil. Il s’agit d’un instrument de la politique de développement régional

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au Brésil qui pourrait déclencher un processus de développement endogène et durable, intégré aux axes de l’économie dynamique.

Politiques de développement régional au Brésil.II-

Jusqu‘aux années 70, les politiques régionales de dévelopement se sont concentrées sur les instruments d`incitations fiscales et de subventions, résultat des grandes disparités régionales existantes. A partir des années 80, elles se sont davantage axées sur la productivité endogène des économies régionales et locales, tout en se concentrant sur la compétitivité.

Dans le contexte de transition vers un nouveau paradigme de développement, associé à un processus accéléré de mondialisation de l’intégration économique intense, les préoccupations de développement local deviennent très fortes. Comme observe Castells (1998 :9) : «un des paradoxes qui se trouvent à notre temps historique est la relance du local à l’ère du global » . La dimension locale prends ainsi de l`importance en tant que principal axe des actions de la structure économique et d’inclusion sociale, accompagnée d’une valorisation de la vocation, du talent et du potentiel productif local. La coopération locale passe donc à fonctionner comme facteur déterminant dans la capacité de la concurrence locale en fonction du capital humain; de l’interaction entre les entreprises, écoles, universités et centres de formation; les réseaux formels et informels entre les acheteurs et les vendeurs; synergies culturelles partagées.

En raison de ces changements et leurs conséquences, les représentants du gouvernement brésilien responsable de la formulation des politiques de développement économique ont cherché de nouveaux concepts et de nouvelles façons de réfléchir à leurs priorités d’investissement.

Ainsi quelques concepts comme le développement local et durable se sont dévelopés. Il s’agit d’un processus de changement endogène, entraînant avec lui le dynamisme économique et une meilleure qualité de vie dans les petites unités territoriales et des établissements humains. Comme le souligne Buarque (2008, p. 27), le développement local «résulte de l’interaction et la synergie entre la qualité de vie des populations locales - réduction de la pauvreté, la création de richesses et de distribution - l’efficacité économique - à l’agrégation de valeur dans la chaîne d’approvisionnement - et une gestion publique efficace. Pour que le développement local soit constant et durable, il est important la mobilisation de l’exploitation du potentiel local pour contribuer à augmenter les possibilités de développement social, de la viabilité et de la compétitivité de l’économie locale en même temps qu’ il doit assurer la préservation des ressources naturelles

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locales qui sont la base de leur potentiel et conditions de la qualité de vie des populations locales.

L’évolution de la discussion sur le concept de développement durable a conduit à la perception de l’interaction entre les dimensions économique, sociale et environnementale. Le développement durable ne peut être atteint qu’avec la conduite de projets de développement local, à la fois pour préserver les ressources environnementales actuelles et les adapter aux particularités de la localité, tout en créant des emplois et des revenus pour la localité en cause.

Dans cette perspective, il est essentiel d’identifier et promouvoir un modèle d’organisation d’activités qui favorise le développement local et durable, tout en encourageant la compétitivité des entreprises dans le même endroit.

Une condition nécessaire pour le développement est que la croissance économique doit atteindre des objectifs socialement désirables mais d’une manière appropriée afin de minimiser les impacts négatifs sur l’environnement. En outre, les taux de croissance importants sont nécessaires, car il est d’autant plus difficile de redistribuer les biens et revenus dans une économie stagnante (Sachs, 2001).

Dans ce cadre, le concept de groupes locaux de production a été diffusé au Brésil, et peut être défini comme le regroupement d’un nombre important d’entreprises situées sur un même territoire. Ils fonctionnent autour d’une activité productive principale et gardent un lien d’articulation, d’interaction, de coopération et d’apprentissage entre le groupe ou avec d’autres intervenants comme le gouvernement, les associations professionnelles, des établissements de crédit, d’enseignement et de recherche.

Partout au pays, plusieurs initiatives visant à soutenir les activités productives et d’innovation des entreprises en clusters ont été élaborées par les divers niveaux de gouvernement (fédéral, régional et local), mais aussi par des agences non-gouvernementales (Services d’Appui aux Petites et Moyennes Entreprises- SEBRAE, et autres).

Par le potentiel qu’ils ont en termes de politiques de développement local, voire régional, avec des éléments de la politique industrielle, la proximité géographique et sectorielle des entreprises sont de plus en plus l’objet de politique publique.

Grâce à la coordination des actions entre les agents privés, les actions des politiques visent à améliorer les conditions locales de croissance des entreprises, l’encouragement des investissements, de développement technologique, l’augmentation des exportations et, surtout, d‘augmenter l’emploi et le revenus au niveau local et régional.

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La Politique de Développement Régional au Brésil, créé par le décret n ° 6047 du 22 Février, 2007, a pour objectif: réduire les inégalités de niveau de vie entre les régions du Brésil et promouvoir l’accès équitable aux possibilités de développer et de diriger les programmes et les actions du gouvernement fédéral sur le territoire national. Plusieurs institutions brésiliennes ont des actions destinées à soutenir le développement des groupes locaux de production, en particulier, le Ministère de l’Intégration National, le Ministère de l’Industrie et du Commerce et le Ministère de la Science et de la Technologie. En 2004, il a été créé un Groupe de Travail avec la participation des organisations gouvernementales et non-gouvernementales pour élaborer des critères pour une action conjointe pour le développement régional en renforçant la création de groupes locaux de production.

Avec une action prioritaire dans les mesorégions du pays, comme le montre la Figure 1, les programmes élaborés par le Ministère de l’Intégration National contribuent à la struturaction des groupes locaux de production , l’établissement d`infrastrcutures sociales et productives, à la création d’emplois; à l’organisation sociale et associative, et à la formation d’agents de développement integré et durable.

Figure1- Territoires prioritaires: les mesorégions

Source: Ministério da Integração Nacional, 2010

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La géographie des groupes locaux de production au BrésilIII-

Basé sur un sondage mené en 2005 à partir des informations fournies par les institutions membres du Groupe de Travail mentionnés ci-dessus, il a été recensé 955 groupes locaux de production. Aujoud`hui, selon Costa (2010), le sondage révèle l’existence de 958 groupes au Brésil. De ce nombre, 567 sont dans le secteur primaire (59%) alors que seulement 47 groupes se trouvent à l’autre extrême dans le secteur tertiaire, soit seulement 5% du total. Dans le secteur secondaire, on compte 344 groupes (36%).

Du point de vue macrorégional, les donnés du Ministère de l’Industrie et du Commerce indique la présence de 83 groupes dans la région Sud. Contrairement à la totalité des groupes du pays, où la plupart se trouve dans le secteur primaire, 66% dês groupes de la région Sud du Brésil sont du secteur secondaire (55 groupes au total).

La région Sud-Est, avec 200 groupes locaux de production, représente à elle seule21% du nombre total des groupes au pays et détient, tout comme la régión Sud, un grand nombre de groupes dans le secteur secondaire. En ce qui concerne la régión Centre- Ouest, on y dénombre le plus petit nombre de groupes, avec 5% du total national, soit 52 groupes.

En termes absolus, la région Nord-Est est celle qui présente le plus grand nombre de “groupes locaux de production”, avec un total de 427, équivalant à 45% du nombre total de groups au pays. La grande majorité de ces groupes, c`est à dire 309 (72%), se trouvent dans le secteur primaire. Au Nord du pays, où se localize l’Amazonie, on compte 196 groupes locaux de production, soit 20% du total national. Ainsi comme pour la région Nord-Est, le secteur primaire répond pour la plupart des groups, répresentant 82% du total régional.

Expériences de groupes locaux de production: une stratégie de IV- promotion de développement local au Brésil.

Une des conditions essentielles pour le dévelopement d’un groupe local de production est l’existence préalable d’une agglomération de producteurs. Une expérience bien réussie dans un certain endroit peut difficilement être reproduite dans un autre contexte. La réalisation des objectifs de groupes locaux de production ne peut être atteinte qu’à partir de l’agrégation d’un certain nombre de facteurs qui constituent une seule matrice opérationnelle formée par des vecteurs sociaux, culturels, institutionnels, historiques, géographiques, politiques, et micro, méso et macro-économiques.

Il faut noter, dans le cas brésilien, l’intervention de l’État dans le développement de ces pôles, en particulier lorsqu’ils sont situés dans les régions isolées. Ainsi,

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la présence de l’Etat est importante pour la facilitation, la promotion, ou même la coordination du développement de ces grappes.

Afin de délimiter l’action publique pour promouvoir la consolidation de ces groupes, Costa (2010) a proposé une classification pour les groupes locaux de production pour agir de manière pro-active dans la résolution de problèmes fondés sur les caractéristiques et capacités de chaque cluster. Ainsi, plusieurs variables peuvent être prises en compte dans la classification d’un cluster de production. Succinctement, ils sont: le degré de coopération entre les producteurs, la structure interne de la grappe, les caractéristiques de l’entreprise et le rôle du gouvernement, les principaux marchés servis, la qualité des produits, l’importance pour l’économie locale ou régionale, le degré d’institutionnalisation, le degré de technologie du produit, l’identité socio-culturelle, la qualification de la main-d’œuvre, les qualifications du cadre administratif et la présence des institutions de recherche, le niveau de l’informalité des entreprises, le taux de survie des entreprises, entre autres. Dans cette perspective, nous présentons brièvement quelques expériences basées sur ces classifications.

Culture, coopération et association comme facteurs déterminants du IV.1- succès des agglomérations productives.

Dans une mesorégion de la région sud du pays, la “Serra Gaúcha“ de l`État de Rio Grande do Sul, parmi les principales activités économiques, le secteur du mobilier se présente comme une importante expérience. Le secteur productif des meubles de Bento Gonçalves, avec un vaste arrière-pays de 51 municipalités, a un haut degré de corrélation avec d’autres pôles mobilier du pays. L’origine de cette industrie dans la région est fortement liée à l’immigration allemande et italienne qui s’est produite au XIXième siècle. Aujourd`hui, le cluster contribue avec environ 30% des exportations totales du secteur dans le pays. Parmi les principales sources d’avantages concurrentiels, nous pouvons mentionner les suivants: la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée et la présence d’entreprises avec haute capacité technique et innovatrice, l’existence d’une infrastructure institutionnelle appuyée, en autre, par le Centre National des Technologies du Meuble et du Bois (CETEMO), l’Association des Industries du Meuble de l’État du Rio Grande do Sul (MOVERGS), l`Union des Industries du Meuble (Sindimóveis) et l’Université de Caxias do Sul; et, finalement, la culture associative très développée. Sur ce dernier point, la culture associative dans cette région a contribué à une meilleure articulation des producteurs régionaux, reflet d’un cadre institutionnel actif dans la région. Notons que ces institutions sont essentielles au processus interactif d’apprentissage, de coopération et de formation des enterprises ainsi qu’à la réalisation d’événements visant à représenter l’industrie devant divers comités gouvernementaux (Costa, 2010, p.204-5).

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Agglomérations productives et le développement régional.IV.2-

Les groupes de production, lorsqu’ils se trouvent dans les petites et moyennes villes, se consolident en tant que fort vecteur pour le développement de l’économie régionale. Comme exemple de cette relation, on peut considérer le secteur mobilier d’Uba, une ville de l`État de Minas Gerais. Ce groupe s’étend sur la mésoregion “Zona da Mata Mineira” et a ses origines dans les années 70 lorsqu’une entreprise de meubles qui employait 1,200 personnes a mit fin à ses activités. À ce moment, de nombreux anciens employés ont décidé d’ouvrir leur propre entreprise, en tirant profit des connaissances acquises au cours des années. L’économie de la ville s`est alors développée grâce à l’industrie du meuble, un secteur de main-d’œuvre à forte intensité. Ainsi, dès les années 90, la ville d’Uba est venu à occuper des espaces auparavant occupés par d`autres agglomérations, comme, par exemple, São Bento do Sul. Aujourd’hui, le groupe compte plus de 400 entreprises, représentant plus de 50% des sites industriels et correspondant environ à 70% des recettes fiscales locales, 73,4% des emplois de l’industrie et 37% de l’emploi total dans la municipalité d’Uba (Costa, 2010, p.208- 9).

Le secteur public et le développement localIV.3-

Dans cette typologie, nous mettons en évidence un projet de partenariat entre le Ministère de l’Intégration Nationale et l’Etat de Tocantins, dans le but de promouvoir le développement socio-économique des familles rurales ouvrant à la cueillette de noix de babaçu. Pour développer les activités économiques liées au babaçu de façon durable, le projet visait à restructurer la production du babaçu avec l’acquisition de machinerie et le développement d’activités de formation pour les agriculteurs. Le projet bénéficie d’environ 900 briseurs de noix de coco dans la région afin de produire du savon de noix de coco et un supplément appelé la farine mésocarpe. Récemment, l’Assemblée Legislative de l’État de Tocantins a approuvé la loi du babaçu libre et qui a pour principales finalités l’interdiction de brûler des noix de coco fraîche et assurer l’accès des briseurs de noix de coco et des communautés traditionnelles sur les terres publiques où l’on en fait la culture.

ConclusionV-

À partir des transformations structurelles du dernier quart du XXième siècle, nous avons fait valoir l’accent mis sur le rôle du développement local durable et l’étude des nouveaux espaces de production venus pour inclure le centre du débat sur dévelopement regional .

Au Brésil, les groupes locaux de production ont été consolidés par un lien important entre deux facteurs: la concentration des entreprises et des territoires.

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, ce qui a poussé une série d’études, de recherche et d’action politique dirigée à cette conformation particulière de production.

Parmi les enseignements tirés des expériences réussies considérées par les études examinées selon Costa (2010), on peut énumérer: l’existence d’une culture économique qui est la base nécessaire pour construire un cadre approprié microinstitutionnel pour le développement des capacités de gouvernance et qui donne lieu à un pacte territorial pour le développement et la présence de fournisseurs des matières premières; l’existence d’institutions d’enseignement et de recherche capable de soutenir le développement technologique du pôle, en utilisant de nouveaux produits et technologies de production et la formation de capital humain.

Il est donc important de remarquer que les groupes locaux de production sont, en même temps, des instruments pour le développement régional et le résultat des politiques appropriées pour le développement régional.

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L’INTELLIGENCE TERRITORIALE AU SERVICE DES PME INNOVANTES EN RÉGIONS NON

MÉTROPOLITAINES

Expériences Canadiennes et Brésiliennes

Dr André Joyal Professeurs des Universités, membre du Centre de Recherche

sur le Développement Territorial, Québec, Trois-Rivières, Canada

Introduction

Quels sont les facteurs susceptibles d’exercer une influence sur l’innovation au sein d’une PME? Même s’ils précisent que l’on connaît peu de choses sur ce qui détermine les orientations innovatrices d’une entreprise de création récente, Arvanitis et Stucki (2010, 1) signalent une gamme variée d’éléments reliés à son dirigeant: le niveau d’éducation, les connaissances techniques, sa motivation et son expérience antérieure dans le domaine de la R&D. À ceci, il faut ajouter le milieu immédiat de l’entreprise : la possibilité de coopérer avec d’autres entreprises en vue de bénéficier de cette «atmosphère industrielle» identifiée par Marshal (1900) et qui a donné lieu à de très nombreux travaux sur les districts industriels italiens lesquels ont pavé la voie aux études sur les systèmes de production locaux (SPL). Est-ce à dire qu’en l’absence de ces derniers : point de salut? C’est en partie à cette interrogation que tente de répondre le présent chapitre en prenant le cas des régions du sud marocain.

La simple évocation à un milieu non-métropolitain fait penser à l’isolement des activités économiques qui s’y trouvent. Ces dernières n’ont pas accès dans leur environnement immédiat aux centres de recherche, aux institutions d’enseignement, aux réseaux d’affaires, etc, soient à différentes sources d’appuis et d’information indispensables à toute entreprise. L’accès au réseau Internet ne compense pas l’absence d’une précieuse proximité géographique. On connaît l’abondante littérature mettant en évidence la relation entre les effets d’agglomération et

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l’innovation (Benko, Lipietz, 1992, 2000). Camigni et Maillat, 2006). Avait-on raison d’évoquer «la fin des usines à la campagne» comme le suggère un sous-titre du célèbre ouvrage Les régions qui gagnent (1992)? La réponse n’a pas tardé : les régions qui gagnent sont urbaines. Serait-il vain d’espérer l’avènement de PME innovantes ailleurs qu’en milieu urbain? Sûrement pas. Nos travaux (Joyal & Deshaies, 1998, 2004, Joyal 2010), montrent bien l’existence de PME innovantes en milieu rural éloignées des grands centres urbains. Nous pensons avoir montré la possibilité d’innover sans l’apport des fameux effets d’économie d’agglomération dont il est essentiellement question dans cette littérature sur les milieux innovateurs, issue en particulier des travaux du Groupe de recherche européen sur les milieux innovateurs (GREMI). On se rapporte ici à ce que G. Benko définit dans son Lexique de géographie économique (2001, 24) comme étant la forme des économies externes : un effet positif de concentration d’activités. On pense à l’accès à l’information, à l’existence d’infrastructure, à la proximité des clients, à la formation du marché local du travail, à la présence des services aux entreprises, etc. Voilà autant d’éléments qui font gagner un territoire pour utiliser un langage plus familier. On aura compris que des cas isolés (innovation des PME à l’écart des grands centres) n’infirment pas la règle. On innove mieux là où se trouve concentrée une multitude d’activités manufacturières, de services et d’acteurs de tout genre susceptibles d’interagir entre eux. Néanmoins, comme le montre Doré (2010, 107), dans la mesure où les connaissances et les savoirs sont pris en compte, sans nécessiter une proximité géographique avec les lieux d’innovation et les centres de recherche et développement, les possibilités d’essor économique en milieu non-métropolitain se vérifient. En effet, les proximités organisationnelles dans des réseaux reliés par les nouvelles technologies de l’information compensent, en partie du moins, les désavantages de l’éloignement. En conséquence, la mise en valeur de territoires tels ceux du sud marocain s’avère parfaitement envisageable et c’est ce que nous ambitionnons de montrer dans les pages qui suivent.

Le concept d’innovation

On en peut se rapporter à la PME innovante sans préciser ce que recouvre le concept d’innovation. Pour Drucker (1990), à travers l’innovation une entreprise se dote des moyens lui offrant la possibilité de produire de nouvelles richesses. En créant de la nouveauté, l’innovation s’impose comme l’essence même de l’entrepreneuriat. Pour les entreprises déjà établies, le niveau d’investissement en R&D constitue un indicateur d’innovation. De cette façon, selon Industrie Canada (2010) une entreprise qui consacre à la R&D au moins 20% de ses dépenses d’investissement globales mérite le titre d’entreprise innovante. Or, seulement 5% des PME canadiennes répondent à cette exigence. Parmi elles, 10% étaient

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des détaillants et des grossistes, 14% des entreprises de services professionnels, et 24% relevaient de l’industrie du savoir.

Le manuel d’Oslo (OCDE, 2005) propose une définition élargie de l’innovation qui dépasse la simple R&D. On recommande d’inclure, en plus des innovations de produits et de procédés, les innovations d’organisation et de commercialisation. Cette définition conduit à considérer comme innovante pas moins de la moitié des entreprises françaises contrairement aux opinions affirmées sur le sujet. Bien entendu, il faut éviter la confusion entre l’innovation et l’invention. Comme le signalent Mayer-Stamer et Schoen (2005), si l’innovation et la technologie peuvent aller de pair, il n’en va pas toujours ainsi. Les innovations dans le domaine du design en constituent la preuve. L’innovation ne se limite donc pas aux seuls facteurs physiques de production. Ces deux auteurs font même allusion à des innovations sociales en se rapportant au développement d’une société donnée en considérant que l’innovation, si elle peut émaner d’une base isolée, elle requiert plus souvent qu’autrement un contexte social bien structuré. On se rapporte ici au capital social ou aux réseaux d’information indispensables pour la diffusion des idées.

En ce sens, Moulaert et Nussbaumer (2008) mettent en évidence les rapports entre l’innovation sociale et le développement territorial en évoquant «l’innovation sociale territoriale». De son côté, Fontan (2008) parle d’innovation sociale et de territorialité en s’interrogeant sur l’innovation sociale dans la construction du rapport au territoire. Ce dernier constitue la clé de voûte à la base de la création de nouveautés et de leur diffusion. À partir d’une action collective localisée, il peut en résulter une action organisée susceptible de se traduire par une action d’institutionnalisation d’un projet de développement. Fontan (2009). En effet, on souhaite éviter que l’importance grandissante de l’économie sociale (et/ou solidaire) prenne la forme d’une adaptation au modèle néolibéral ce qui la rendrait complice de ce modèle et de ses traits les moins glorieux conduisant ainsi à une situation d’économie à deux vitesses. Pour sa part, Lévesque (2008), à la faveur d’une synthèse des écrits sur le concept de territoire, souligne les liens entre la dynamique territoriale et l’économie sociale ou solidaire. Cette dernière, on le sait se veut une économie plurielle (à multiples facettes). À l’instar de plusieurs auteurs, il signale que le territoire ne peut être défini que par la proximité géographique d’activités. Le territoire, en effet, ne se conçoit pas sans une proximité organisationnelle, sans interaction entre acteurs sociaux, sans histoire, sans durée, sans apprentissage, sans coopération et sans solidarité.

Du développement régional au développement territorial

À l’époque du keynésianisme triomphant, soit durant la période d’après-guerre jusqu’au milieu des années 1970, identifiée comme étant les «trente glorieuses» de l’économie industrielle de marché, il n’était pas question de développement

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territorial. Par leurs interventions de type centralisé, les États définissaient l’avenir des régions à partir de leur capitale. C’est particulièrement vrai pour le Canada et le Brésil, deux pays où les pouvoirs politico-économiques ont été particulièrement placés sous l’influence du maître de Cambridge. Les remises en cause des grandes stratégies macroénomiques apparurent avec les décennies 1980-90 et le concept de développement territorial s’est imposé progressivement. Ce qui conduit Pecqueur et Peyrache-Gadeau (2010, 614) à écrire :

«Depuis la fin des illusions de croissance de la période des Trente Glorieuses dès les années soixante-dix, la Science Régionale a pris la mesure de l’apparition d’une catégorie nouvelle d’organisation spécialisée d’acteurs : le territoire. C’est sans doute là une innovation majeure qui nous fait passer du fait régional au fait territorial».

Mais, malgré l’abondance de publications sur la dynamique territoriale ces dernières années (Cary et Joyal, 2010, Dupuis et Burmeister, 2003, Courlet, 2001 & 2008, Guillaume 2005, Itçaina, 2007), la notion de territoire demeure controversée comme le signale Khan, 2010, 627) pour qui le territoire se prête difficilement à la formalisation ce qui explique que le concept a longtemps été ignoré au sein de l’économie régionale et est utilisé avec parcimonie par certains économistes. Pour cet auteur, quelle que soit l’approche privilégiée, le territoire renvoie simultanément à un espace et à des acteurs conformément à Benko (2007) qui y voit avant tout un construit social. Ceci étant admis, il importe de prendre en compte la remarque de Chauvetière (2010, 51) qui met en garde contre la tentation de délimiter un territoire à l’intérieur d’un périmètre donné, ce qu’il qualifie de «syndrome de l’île». Or, le territoire se doit d’être ouvert : les acteurs qui en font partie, qu’il s’agisse d’acteurs politiques ou économiques se trouvent, en effet, souvent à l’extérieur. Ainsi, on ne peut évoquer la situation d’un territoire en occultant le caractère mondialisé de l’économie faisant en sorte que nombre de décideurs n’appartiennent pas géographiquement au territoire étudié.

Innover en milieu non-métropolitain implique à la fois les PME en existence sur un territoire donné mais peut-être davantage toute nouvelle création. On se rapporte donc à l’entrepreneuriat local ou venant d’ailleurs. On ne peut qu’être d’accord avec Guesnier (2010) pour qui l’entrepreneuriat participe à la construction d’un territoire par l’entretien de sa dynamique et le renouvellement du système productif. Pour cet auteur :

(…) «grâce à une gouvernance partenariale, les acteurs publics et privés rendent leurs territoires compétitifs en mobilisant leurs ressources. Ainsi entrepreneuriat et territoire doivent entrer en synergie : il s’agit d’améliorer sans cesse coordination et coopération, en transgressant les frontières et en décloisonnant les compétences».

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 135

L’interrelation entre les différents acteurs appelés à jouer un rôle actif dans l’évolution de la dynamique territoriale a conduit certains observateurs12 à forger le concept d’ingénierie territoriale. Ainsi, pour Lardon (2011), le concept recouvre les méthodes, les outils et dispositifs mis à la disposition des acteurs à l’échelon d’un territoire en vue de la réalisation de leurs projets de territoires. Alors que selon Rey-Valette (2011) l’ingénierie territoriale, en relation avec un projet de territoire, met l’accent sur les processus de participation, d’apprentissage et sur les réseaux d’acteurs. La prise en compte de ces précisions pave la voie au concept d’intelligence territoriale.

L’intelligence territoriale

Selon Giraudaut (2010)13, une première définition de l’intelligence territoriale apparaît au tournant du siècle étant inspirée du concept de competitive intelligence tel que développé par Michael Porter durant les années1980. Elle se distinguerait en faisant appel pour les fins du développement des territoires aux technologies de l’information, avec une attention particulière envers le développement durable. Le territoire, avec raison, ne se voit pas considéré comme une entreprise ou un marché mais comme un espace de coopération tel que signalé plus haut. En conséquence, la définition suivante se voit proposer :

«L’intelligence territoriale ambitionne d’être la science pluridisciplinaire dont l’objet est le développement durable des territoires dans la société de la connaissance, et dont la communauté territoriale est le sujet. Son objectif est d’impulser, à l’échelle d’un territoire, une dynamique de développement durable fondée sur la combinaison des objectifs économiques, sociaux, environnementaux et culturels ; sur l’interaction entre la connaissance et l’action ; sur le partage de l’information ; sur la concertation dans l’élaboration des projets et sur la coopération dans la conduite et l’évaluation des actions» (2010).

Comme le signale Herbaux (2008), la mise en œuvre d’un schéma régional d’intelligence territoriale oblige l’intervention de différents collectifs d’acteurs à l’intérieur de quatre phases : sensibilisation, formation, initiation, accompagnement. On aura compris que l’intelligence territoriale ne se limite pas à une opération de veille mais relève d’une logique de développement appuyée sur une démarche ascendante (de bas en haut) faisant appel à un maillage de compétences pluridisciplinaires appartenant avant tout à des acteurs locaux. Le tout conduit

12 Particulièrement au sein du réseau français Agro-Paris Tech.

13 Coordinateur scientifique du ENTI (European Network for Territorial Intelligence), Cf : http://www.territorial-intelligence.eu/

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à concevoir un nouveau type de gouvernance (tel que présenté ailleurs dans cet ouvrage par El Batal). Ici on se rapporte à une manière de gouverner faisant appel à un ensemble de pratiques alliées à l’intelligence territoriale. Le développement des territoires prend son appui sur une démarche fédérative de mobilisation des acteurs au sein d’une zone géographique donnée que réunit un projet de développement durable ayant des incidences économiques, sociales et culturelles (Bertacchini, 2007, 53). Il importe de retenir, comme le souligne Miedes (2009), que le concept se présente comme une idée polysémique et toujours en progrès. On ne peut donc retenir qu’une seule définition de l’intelligence territoriale. Aux yeux de cette auteure, pris dans son sens métaphorique, l’intelligence territoriale n’existe qu’en vertu des acteurs locaux lesquels sont vecteurs de connaissances ou d’un savoir-faire appelé à être mis en valeur. On peut donc, en conséquence, parler ici d’un recours aux connaissances de différents intervenants, publics et privés conduisant à une compréhension des enjeux territoriaux de nature à favoriser un développement territorial durable.

Cluster, district, système de production local : quelle pertinence pour le sud marocain?

C’est sans surprise que l’on peut lire dans une contribution récente de Porter, Delgado et Stern (2010) que les nouvelles entreprises ont davantage de chances de succès lorsqu’elles prennent naissance dans un environnement caractérisé par l’existence de clusters bien établis. Ces derniers ont pour effet de diminuer les coûts associés à une création d’entreprise, tout en agissant comme stimulant en faveur de l’innovation et en favorisant l’accès à une gamme variée de fournisseurs. Alors, comment se positionne le Maroc en relation avec ce type de système de production localisé? Azcour (2010) fournit une réponse à cette interrogation en considérant le territoire comme un lieu de coopération, de coordination et d’action, conformément à ce qui a été décrit plus haut. Pour cette auteure, des systèmes de production locaux (SPL) prennent effectivement forme au Maroc. Elle en veut pour preuve la filière du thuya à Essaouira et celle de la poterie à Safi ou encore le développement des pôles de compétitivité avec l’exemple du Technopolis de Rabat. Ces nouvelles configurations en émergence tiendraient leur origine d’une politique volontariste étatique d’agglomération et de polarisation des activités économiques qui s’inspireraient des stratégies qui entourent les SPL sans toutefois les adapter comme il se devrait. Ce qui aurait pour effet d’engendrer au Maroc une confusion entre les projets de territoire, le territoire pertinent, les SPL et les activités en réseau. Mais à l’instar de ce qui s’observe au Québec depuis les années 1990, Azcour (2010) voit une évolution décentralisatrice favorable qui ferait passer l’état marocain d’un statut de régulateur à celui d’accompagnateur, comme le veut la logique du développement territorial. Cette évolution permet à Courlet

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et Pecqueur (2010, 73) d’écrire que la valorisation d’un patrimoine et des savoir locaux, particulièrement présents au Maroc, peut s’avérer très compétitive sur le marché international tout en permettant une meilleure diffusion territoriale de la dynamique de développement. Comme exemple on donne celui de la médina de Fez avec d’un côté le cuir et la chaussure et de l’autre la dinanderie et une grande diversité de produits (plats, plateaux, services à thé, lanternes, etc). Sur la base de telles expériences, on comprend l’existence de potentialités conduisant à considérer, à la façon de ce qui se fait au Brésil (cf infra), l’implantation de SPL dans le sud marocain comme en font foi la présence d’un cactupôle et la mise en branle d’un SPL de la pêche appelé à impliquer pas moins de dix petites communautés14.

Ce dernier exemple illustre très bien la place occupée par la dimension sociale dans toute démarche de développement territorial à la faveur de l’interrelation entre différents partenaires locaux et nationaux. En effet, par l’encadrement de centaines de petits pêcheurs artisanaux, on permet à ces derniers de s’émanciper de la dépendance d’acheteurs privés plus soucieux de leurs intérêts particuliers que de celui de leurs fournisseurs. En n’étant plus laissés à eux-mêmes, les pêcheurs trouvent ainsi un lieu de coopération, d’entre-aide et de solidarité comme le Brésil en offre l’exemple.

Les SPL à la brésilienne

Courlet et Pecqueur (2010) font allusion aux «arrangements» productifs localisés (APL) (Arranjos productivos locais) comme le veut l’usage au Brésil en précisant que l’expression s’explique par le caractère observé des agglomérations locales : tantôt aléatoire et tantôt planifié. On en veut pour exemple celui de Santa Cruz de Piparibe dans l’État de Pernembuco, dans le Nordeste. On y trouve un important centre de confection donnant emploi à pas moins de 100 000 travailleurs (95% de l’ensemble de la main d’oeuvre active) au sein d’entreprises familiales et informelles. L’origine de cet APL est liée à une idée originale de petits producteurs locaux consistant à mettre en valeur des bouts de tissu jetés au rebut par des grandes entreprises du sud. Meyer-Stamer (1996) compte parmi les premiers Européens à s’être intéressés aux regroupements d’entreprises au Brésil avec des exemples se rapportant à l’État de Santa Catarina en se référant tout particulièrement aux secteurs suivants; électrochimie et ingénierie métallique; textile et vêtements; tuiles en céramique. Il y trouve les caractéristiques de ce que l’on désignait encore à l’époque comme étant des districts industriels.

14 Avant notre visite de terrain nous permettant de voir où en était ce projet, l’auteur de ces lignes avait en tête la demande P. Pommier, auteure de Les systèmes de production locaux, Documentation française, Datar, 2002 qui l’invitait à vérifier le degré d’avancement de ce SPL.

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De son côté, SEBRAE15, en 2004, travaillait déjà au renforcement de pas moins de 341 APL à travers tout le pays. Leur répartition sectorielle se présentait ainsi : agroalimentaire 28%; vêtement 16%; tourisme 12%; meuble 11%; construction 8%; artisanat : 6%. Leur répartition régionale est la suivante : Sud 31,7%, Nord-Est 23,8, Sud-Est 18,2%, Nord 15.5%, Centre-Ouest 10,9%. SEBRAE cherche à promouvoir la consolidation des micro et petites entreprises dans un processus de développement territorial. Ainsi, cet organisme agit en partenariat avec divers acteurs tels les gouvernements locaux, les associations commerciales et industrielles, les coopératives et tout autres acteurs susceptibles de contribuer à la bonne marche des économies locales. Aux APL pris en considération par SEBRAE, en plus des secteurs ci-haut mentionnés, s’ajoutent ceux de la technologie de l’information, de l’eau de vie (caxaça), de la production laitière, de la floriculture, de la pisciculture et enfin de la viniculture. Avec ces derniers exemples, on devine les distinctions d’avec les SPL généralement identifiés en Europe. Et c’est ici que le lien avec les initiatives similaires mises en branle au Maroc s’avère pertinent.

On aura compris que l’on est en présence de regroupements, sur un territoire donné, d’entreprises appartenant à un même secteur d’activité. Ces entreprises sont en interrelation les unes les autres dans un processus d’apprentissage effectué en partenariat avec différentes instances locales en vue d’améliorer leur position concurrentielle. La référence à un regroupement d’entreprises évoque une dynamique locale à l’intérieur d’un territoire pouvant être un quartier d’une ville moyenne ou un ensemble de petites villes ou encore un bassin hydraulique, une vallée, etc, où il est possible de reconnaître un sentiment d’appartenance ou une identité propre susceptible de favoriser les interrelations entre les différents acteurs.

Les retombées positives découlant de la mise en place d’un SPL se rapportent à la disponibilité d’une main-d’œuvre pouvant répondre à des qualifications spécifiques, à la facilité de liens avec les fournisseurs ainsi qu’avec les services publics. Ce à quoi s’ajoutent la circulation à l’information et un contexte favorable à l’innovation.

On ne manque pas de signaler que tout projet de développement d’un APL est avant tout un projet de développement social qui implique une transformation d’une réalité collective. À l’intérieur de ce processus, chaque acteur agit en se positionnant comme une sorte d’avant-garde de nature à susciter le changement social. Le lien avec le projet des SPL de la pêche dans le sud marocain afin d’améliorer les conditions de vie des pêcheurs artisanaux se fait aisément.

15 Servicio Brasileiro de Apoio às Micro e Pequenas Empresas.

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Un exemple d’APL : Tobias Barreto16

Située au sud-ouest du Sergipe (Nordeste) près de la frontière de Bahia, cette petite municipalité de 43 000ha existe depuis la fin du 16è siècle. Ce n’est que durant les années 1970 que la ville va se distinguer par un certain essor dans le domaine de la confection en se spécialisant dans un type de broderie appelé rechiliê. Aujourd’hui le pôle de la confection de la ville et de sa région immédiate comprend pas moins de 492 entreprises offrant emplois à près de 2 500 personnes auxquelles il faut ajouter 3 000 fournisseurs constituées d’unités familiales à l’intérieur desquelles des couturières autonomes font de la sous-traitance. Les activités productrices ont évolué de telle sorte que la literie, les nappes et la lingerie pour nouveaux-nés représentent les produits dominants tout en laissant à la broderie une place importante ainsi qu’à l’artisanat. L’État voisin, Bahia absorbe 90% de cette production. Le fait que certaines activités remontent au milieu du siècle dernier permet d’associer ce cluster aux SPL européens. Contrairement à d’autres APL de création récente (comme la viniculture dans l’État de Pernembuco), on peut déceler ici une tradition associée à un savoir-faire développé à travers les années. Parmi les entreprises de fabrication, 39% ont débuté leurs opérations dans les années 1980. Pour leur part, parmi celles qui se consacrent exclusivement à la commercialisation, pas moins de 70% ont été mises sur pied à partir des années 1990. La foire commerciale annuelle appelée Feira da Coruja (chouette) sert de vitrine aux activités.

Le programme mis en oeuvre à la faveur d’un encadrement adéquat a favorisé l’introduction d’innovations avec des résultats heureux sur la productivité et la rentabilité des entreprises. Parmi les principaux résultats associés à l’intervention de SEBRAE on note :

l’implantation de nouvelles lignes de production;- l’inauguration d’un centre de services aux entreprises dispensant : des aides - techniques, des informations issues d’une veille commerciale, des appuis à la préparation de plans d’affaires tout en réunissant les entreprises dans un forum entrepreneurial et en organisant des expositions, des séminaires et autres opportunités de rencontres afin de faciliter le réseautage;

création d’un forum distrital (incluant les petites villes environnantes) servant - à réunir des acteurs des secteurs privé et public.

Tout ceci aurait contribué à propager une nouvelle culture entrepreneuriale, à innover en matière de design, à accroître le revenu des artisans (Joyal, 2008). On fait ici, encore une fois, la preuve qu’il est possible d’innover en milieu non-métropolitain.

16 L’auteur, à la faveur d’un de ses 35 séjours au Brésil, a pu visiter quelques entreprises de cet APL

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Quelques exemples canadiens.

Le Canada et le Brésil ont en commun la dimension géographique, la possession de ressources naturelles très variées, un secteur agricole dynamique et le recours à des politiques économiques similaires17. Les deux pays se différencient en ce qui touche le climat et l’importance de leur population18. Le fait que les Canadiens vivent, à 80%, dispersés à moins de cent kilomètres de la frontière avec les Etats-Unis explique la quasi absence de SPL. On en connaît d’ailleurs très peu d’exemples.

Les villes les plus entrepreneuriales

En l’absence de SPL, ici, l’attention converge essentiellement vers le dynamisme entrepreneurial en milieu non-métropolitain. Nous en voulons pour preuve le dernier classement de la Fondation canadienne pour l’entreprise indépendante (2010) qui fait voir que treize villes de dimension moyenne à l’échelle canadienne, situées en milieu non-métropolitiain, se positionnent parmi les vingt municipalités évaluées comme étant celles qui affichent le plus haut taux de création de nouvelles entreprises. Les cinq premières se trouvent tous à l’ouest du pays. La première, Grande Prairie, qui compte moins de 50 000ha, est située à 450 kilomètre au nord-ouest d’Edmonton. L’éloignement d’un grand centre urbain, de toute évidence, n’effraie pas les entrepreneurs locaux. Vient ensuite Lloydminster19 avec ses 25 000ha, située à la même latitude que Grande Prairie mais à l’opposé de la province, soit à cheval avec la Saskatchewan. Si le classement contient des villes importantes comme Saskatoon (3è) Edmonton (6è), Calgary (13è) et Toronto (20è), s’insèrent parmi elles des villes beaucoup moins notoires que l’on peut associer à un environnement non-métropolitain : Prince Albert (Sask.), Kelowna (C.-B.), Red Deer (Alb.), Wood Buffalo (Alb.), Rimouski (Qc), Prince George et Lethbridge (C.-B.)20.

Parmi les indicateurs ayant servi à la préparation de ce classement, notons :

le taux net de démarrage d’entreprises;-

le nombre de sociétés en terme de % de la population totale;-

le % de répondants qui prévoient une augmentation de leurs activités dans les - 12 prochains mois;

17 L’intérêt pour le développement territorial au Canada s’est manifesté au milieu des années 1980 alors que pour le Brésil il faudra attendre encore quinze ans pour assister aux premières initiatives.

18 Quelque 34 millions pour le Canada et environ 200 millions pour le Brésil.

19 Une ville dont l’auteur n’avait jamais entendu parler avant de prendre connaissance de ce classement.

20 Trois-Rivières, Ottawa, Québec et Montréal se classent respectivement au 34è, 73è, 75è et 79è rang.

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le % de répondants qui ambitionnent de créer de nouveaux emplois dans les - 12 prochains mois;

le % de répondants qui estiment que l’administration locale est sensible à - leurs besoins;

le poids du fardeau bureaucratique local.-

En prenant en compte les deux derniers indicateurs on conçoit l’enseignement que peut en tirer toute municipalité du sud marocain.

L’Université rurale québécoise (URQ)21

L’URQ ne délivre pas de diplôme. C’est une institution qui se veut un lieu de rencontres entre chercheurs et acteurs du monde désireux d’enrichir leurs connaissances à travers le dialogue entre les uns et les autres. On admet que la théorie et la pratique ne prend vraiment sens que dans le croisement des connaissances. S’inspirant de l’expérience européenne, un groupe d’universitaires du réseau de l’université du Québec décida à l’hiver 1997 de reproduire l’idée de l’Université rurale européenne (URE) en l’adaptant au contexte et à la réalité québécoise. Une première session de l’Université rurale québécoise (URQ) a donc eu lieu au début du mois d’août 1997 en Abitibi-Témiscamingue. Sous le thème «Animer la ruralité», quelque 150 personnes, chercheurs, agents de développement, entrepreneurs, etc., ont été les témoins participants de cette aventure naissante. Depuis lors, des URQ ont eu lieu à tous les deux ans, soit à Trois-Pistoles, sur la Haute Côte-Nord, en Mauricie, en Outaouais, sur la Côte-Sud, au Saguenay-Lac- Saint-Jean et, à l’automne 2011, en Gaspésie.

En tant que lieu privilégié de «croisement des savoirs», l’URQ situe sa mission dans la poursuite des trois objectifs suivants:

le renforcement des compétences des acteurs et des agents de développement - en milieu rural;

le développement des échanges sur les pratiques de développement rural; -

la promotion de la ruralité dans notre société.-

L’URQ, en somme, constitue une initiative novatrice en formation continue pour les acteurs des territoires ruraux en privilégiant une approche pédagogique conviviale et non-formelle. De par sa mission, elle cherche à initier des actions sur la base à la fois de réflexions et d’expériences vécues.

21 Bruno Jean et l’auteur sont membres fondateurs de cette institution et font partie de son comité d’orientation. Cf, http://chrural.uqar.qc.ca/urq/

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Un comité formé de professeurs de l’Université du Québec et de représentants des réseaux d’action rurale agit à titre de Conseil d’orientation. Il a pour responsabilité de se porter garant du respect des idéaux et de la philosophie de l’URQ. Cette instance reçoit les demandes pour la tenue d’une URQ en provenance d’une région rurale donnée désireuse d’organiser l’événement. En fait, le groupe est aussi proactif dans le processus en réalisant des travaux de recherche sur les questions rurales et en entretenant des échanges auprès des milieux scientifiques au Québec comme à l’étranger en plus de favoriser des complicités avec les organisations du milieu rural québécois

Voici quelques exemples de thèmes abordés lors des sept URQ tenues à ce jour :

ruralité et économie sociale;- l’apport des néo-ruraux;- la PME rurale et le défi de la mondialisation;- l’avenir des jeunes ruraux;- la satisfaction des besoins des personnes retraitées;- la gouvernance et le développement rural;- innovation et développement durable;- culture et patrimoine;- la contribution des premières nations;- URQ 2011 : Innover pour se réinventer-

Le financement de l’URQ est tributaire de l’apport d’une gamme variée de partenaires parmi lesquels se retrouvent les deux principaux paliers de gouvernement, le réseau de l’Université du Québec et divers organismes régionaux et nationaux.

À la fin de 2007, une évaluation des quatre premières URQ fut réalisée auprès de 202 participants, par voie téléphonique, en plus recourir à des groupes de discussion avec les organisateurs de chacune des URQ. En relation avec les attentes personnelles d’une forte majorité des participants, l’étude a révélé que l’URQ a contribué à l’avancement de leurs connaissances, à rendre plus efficace leur travail de terrain, à se sensibiliser à de nouvelles idées et à concevoir des amorces de solutions à des problèmes locaux.

Bien sûr, en relation avec le thème de ce chapitre, à chaque URQ une attention particulière se trouve consacrée à la PME en milieu rural. Des représentants du monde manufacturier local viennent offrir leur témoignage et démontrent que l’éloignement d’un grand centre urbain n’est pas un obstacle insurmontable. En effet, à chaque URQ, il fut possible de visiter des PME innovantes dont l’étendue

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du marché dépasse les frontières nationales. Une Université rurale marocaine? Pourquoi pas?

Conclusion

Les entreprises n’innovent pas de façon isolée, c’est ce que nous espérons avoir réussi à démontrer. Que ce soit dans un environnement marqué par l’existence d’un système de production localisé ou en son absence, tout dirigeant de PME doit pouvoir bénéficier d’un environnement susceptible de lui fournir une gamme variée d’informations lui permettant d’assurer l’évolution de son entreprise dans les meilleures conditions possibles. Si ces informations touchent à l’évolution des marchés, aux programmes de formation de la main-d’œuvre, aux appuis financiers disponibles, à la satisfaction des exigences bureaucratiques pour conquérir un marché étranger, elles se rapportent bien sûr, à ce qui fait l’objet de ce chapitre : l’innovation. Ainsi, le dirigeant d’une PME doit pouvoir accéder aux informations issues d’une veille technologique effectuée par différentes instances d’envergure nationale. Ici, en s’inspirant des travaux de l’école française de la proximité, un dossier spécial de Sol & Civilisation (2009,) évoque la proximité organisée laquelle n’est pas d’essence géographique mais relationnelle. On entend ici la capacité pour une entreprise de bénéficier de la contribution de son réseau d’information national et/ou international. Au Canada, ce genre d’appuis est largement fourni aux PME depuis le début des années 1980, alors qu’au Brésil on en ferra autant à partir du milieu des années 1990.

Pour le sud marocain, il s’agit de favoriser ce que Sol & Civilisation (2009) qualifie de «territoire-entreprise» à savoir que le territoire, à l’équivalent d’une entreprise, doit prendre la forme d’une unité d’organisation et de management. On parle donc de management de territoire en référence aux rapports entretenus entre les acteurs locaux et les diverses institutions locales et nationales appelées à interagir dans le contexte d’un nouveau type de gouvernance auquel il a été fait allusion plus haut. Ceci, en tenant compte des exigences imposées par la distance. Nous sommes en accord avec Moriset (2004) pour qui la communauté des géographes est aujourd’hui unanime pour rejeter le déterminisme des technologies de l’information qui n’ont pas annihilé les distances, l’espace géographique, le territoire, comme l’annonçaient certaines exagérations médiatiques des «cybergourous». En effet, à l’instar de leur homologues canadiens et brésiliens oeuvrant en milieu non-métropolitain, les entrepreneurs du sud marocain, en plus d’utiliser les ressources du cyberespace, se doivent de voyager afin de rencontrer in situ partenaires, clients, fournisseurs et pourvoyeurs d’information. Car c’est souvent entre quatre yeux que d’importantes décisions se prennent. Mais leur action, pour ne pas prendre la forme de coups d’épée dans l’eau, doit s’inscrire à l’intérieur d’un processus propre à l’intelligence territoriale.

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LA CRISE MONDIALE ET LES DYNAMIQUES RÉGIONALES, CONCURRENCE

ET COOPÉRATION

Le rôle des PME

Srdjan REDŽEPAGIĆ, PhDDirecteur adjoint de l’Institut des Sciences Economiques, Belgrade, Serbie

Marko DANON, MScDoctorant à l’Université de Nice – Sophia Antipolis, Nice, France

La crise mondiale de la première décennie du 21ème siècle va produire des effets négatifs à long terme sur les secteurs réel et financiers dans des

nombreux pays. Causée dans le secteur financier, elle est rapidement transférée au secteur réel, provoquant une récession dans des nombreux pays. Dans cet article nous allons essayer d’identifier le rôle des banques dans le financement des petites et moyennes entreprises (PME) au sein du groupe de Visegrad (V4) pays (la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie) et la Serbie. Le but de cet article est de tenter de répondre à la question principale : est-ce que le secteur bancaire, dans ces cinq pays analysés, soutient les PME dans la période de la crise économique mondiale? La place centrale de l’acteur « entreprise » est bien présente dans ces pays analysés dans cet article. Les stratégies de développement des régions, notamment celui analysé dans ce papier, jouent un rôle très important. Le travaille met l’accent sur les aspects économiques et tente d’expliquer les effets et les résultats dans le cadre des relations « marché – PME – banques ». Dans une première partie, nous mettons en évidence les origines de la crise mondiale qui ont posées une menace au fonctionnement des PME dans la région observée. La deuxième partie s’adresse aux sources du financement des PME dans les pays V4 et en Serbie, où nous tentons à voir comment les banques ont-elles financé ce secteur pendant la crise. Dans la troisième partie, nous présentons une conclusion.

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Le mécanisme de la crise : les racines et conséquences de la crise I- globale

La crise mondiale qui a commencée selon la plupart des analyses vers octobre 2008 a affecté profondément le fonctionnement de l’économie mondiale. Bien qu’un grand nombre des analyses aient été publiées là-dessus, il est très difficile de donner une réponse précise sur les origines de cette crise. Pourtant, il semble que la base de la crise se trouve dans l’éclatement de la bulle financière aux Etats-Unis en septembre 200822. Cet éclatement, qu’on présentera plus en détail par la suite, a perturbé le système financier international, notamment dans ces pays étroitement liés économiquement aux Etats-Unis, comme par exemple la Grande Bretagne. Déclarée financière au début, la crise s’est rapidement propagée au secteur réel, ce qui a provoqué par ailleurs une hausse du niveau de chômage presque partout dans les pays industrialisés, une baisse du PIB mondial, un gel des crédits etc. La crise globale est ainsi devenue la plus profonde récession depuis la Grande Dépression de 1929. Bien qu’elle a été déclarée terminée vers mi 2009, lorsqu’on a témoigné aux premiers signes de la relance économique, surtout en Allemagne et en France, on n’a pas vu croitre certaines variables macroéconomiques, dont notamment l’emploi. La crise globale a aussi démontré l’existence d’une autre crise en Europe, dont les faiblesses économiques et politiques ont été révélées par la perturbation du système financier globale. C’est ainsi qu’on connait aujourd’hui une crise de dette des certains pays de la zone euro, comme la Grèce et l’Irlande, qui menace de basculer la zone monétaire européenne.

Nous stipulons que la crise mondiale est l’effet de plusieurs facteurs, dont nous en soulignons deux : une mauvaise gestion de la crise de 2001 aux Etats-Unis et une absence de réglementation financière, surtout dans la période entre 2001 et 2007. Dans les années qui précèdent la crise de 2001, les Etats-Unis ont connu une période de la prospérité, vraisemblablement grâce à l’optimisme élevé des investisseurs et un progrès technologique très important. Après avoir atteint sa plus grande valeur, les titres ont perdu 40 pourcents de valeur au bout de deux ans. Cet événement a marqué l’éclatement de la bulle spéculative en 2000 et 2001. Pour répondre à cette situation, la FED a baissé le taux d’intérêt afin de stimuler une relance économique. Bien que la crise de 2001 ait été déclarée terminée huit mois après son apparition, à cause de relance du PIB, il fallait atteindre encore deux ans pour que l’emploi soit augmenté.

22 On lie souvent le commencement de la crise à la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008.

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Graphique 1 : Le taux d’intérêt, le taux de chômage et la croissance du PIB aux Etats-Unis entre 2000 et 2007

Source : tradingeconomics.com, Federal Reserve

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En attendant pour que l’emploi soit augmenté et pour faire face à une menace déflationniste, la FED a laissé le taux d’intérêt dans un niveau très faible pour plus de deux ans. Selon Paul Krugman (2009), c’était dans la période entre 2002 et 2004 où le faible taux d’intérêt a permit un accès facile au capital pour les investisseurs qui ont, grâce à un système financière non réglementé, tournés leurs investissements vers le secteur immobilier. Ensuite, la politique de faible taux d’intérêt, couplée de l’absence de réglementation financière, a fait créer une bulle immobilière. Cette bulle a aussi été alimentée par une politique laxiste des prêts des institutions financières américaines. Un développement rapide des crédits accordés aux clients ayant faible revenus, dits « crédits subprimes », a mené vers l’accroissement des risques sur le secteur financier. La bulle a effectivement éclaté une fois que ces risques ont été révélés. L’éclatement a été suivi par une hausse en défauts des « subprimes ». Du à cette hausse en défauts, les banques se sont trouvées en difficulté, ce qui à transféré la crise financière dans le secteur réel, car les crédits tant pour les ménages que pour les entreprises sont devenus difficiles à obtenir. Cela a provoqué d’un côté une baisse en demande et d’un autre côté un problème croissant de liquidité. A cause de l’interconnexion de l’économie mondiale, cette crise s’est rapidement propagée vers le reste du monde. La réponse des décideurs dans la plupart des pays se consistait d’une combinaison de politique budgétaire expansionniste, politique monétaire plus souple qu’avant et politique fiscale avantageuse. Cette « policy-mix » a entraîne une relance économique, mais en revanche elle a provoqué des déficits budgétaires importants, notamment dans les pays de la zone euro. Les revenus budgétaires fortement diminués à cause de la crise et des dépenses augmentées à cause des prélèvements sociaux plus importants, couplé des plans de relance ambitieux, ont créé une nouvelle crise – budgétaire – en Europe. Les premières victimes de cette crise – la Grèce et l’Irlande – ont fait appel à des institutions européennes afin de se sauver d’une crise plus profonde. Ce développement en Europe aura des conséquences beaucoup plus dangereuses qu’il ne parait : bien que la Grèce et l’Irlande soient de faible taille, la crise de dette menace de se propager vers d’autres pays membres de la zone euro, notamment le Portugal, l’Espagne, la Belgique et l’Italie. Cela peut, d’un côté, faire diminuer la confiance des investisseurs en monnaie unique et d’un autre côté une telle crise provoquera l’apparition des divisions importantes au sein de l’Europe, entre l’Europe du sud et l’Europe du nord. Une telle division mènerait vers une relance économique ‘’à multiples vitesses’’ et elle menacerait par la suite d’anéantir la zone monétaire européenne.

Bien que les Etats-Unis et les pays européens aient commencé leurs programs de relance, la perspective est toujours sombre. Outre – Atlantique, les Etats-Unis font face aux déficits jumeaux importants. Côté l’Europe, la crise de dette s’enflamme, d’où vient une nouvelle « policy-mix » de plusieurs Etats européens, qui vise à

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introduire des mesures d’austérité, ce qui risque d’aggraver les tensions sociales et d’étouffer la relance économique. Par conséquence, les Etats périphériques de l’Europe, comme les pays du groupe V4 et la Serbie, sont exposés à une menace très grave. Le niveau des investissements directs étrangers (IDE) et en baisse, la demande dans les marchés d’exportation est fortement diminuée, et l’accès au crédit est moins facile, car le secteur bancaire dans cette région est fortement dominé par le capital provenant de l’Europe occidentale (surtout en Serbie et en Pologne). Ces facteurs sont un véritable danger surtout pour le secteur des petites et moyennes entreprises (PME), ce que nous présenterons dans la prochaine partie de cet article.

Par la suite, nous présentons dans ce tableau un ensemble des variables macroéconomiques, dans les plus importantes économies mondiales, dans la période entre 2007 et 2010.

Tableau 1 : La statistique macroéconomique, période : 2008 à 2010

23

24

25

23 Les données sont du troisième quart de 2010

24 Les données sont du deuxième quart de 2010

25 Jusqu`au deuxième quart de 2010

Variables Croissance du PIB(en %)

Chômage(en %)

Inflation(en %)

Année 2008 2009 2010 2008 2009 2010 2008 2009 2010

Allemagne 1 -4.7 3.7 7.3 7.5 6.7 2.8 0.2 1.3

Chine 9.6 8.7 9.1 4 4.2 4.3 5 6 -1

Etats-Unis 0 -2.6 2.7 5.8 9.3 9.6 2.9 3.8 -0.3

France 0.2 -2.6 1.6 7.8 9.5 9.9 3.2 0.1 1.8

Italie -1.3 -5 1.1 6.7 7.8 8.4 3.5 0.8 2

Japon -1.2 -5.2 3.5 4.0 5.1 5.1 0.1 1.4 -1.4

Royaume Uni -0.1 -5 1.8 5.6 7.6 7.8 3.6 2.2 3.2

Variables Déficit budgétaire (% du PIB)

Dette publique (% du PIB)

Solde du compte courant (% du PIB)

Année 2008 2009 2010 2008 2009 2010 2008 2009 2010

Allemagne 0.1 -3.0 -4.4 66.3 73.4 74.6 6.729 4.890 6.055

Chine -0.38 -2.98 -2.891 16.802 18.595 19.148 9.649 5.960 4.697

Etats-Unis -6.7 -12.8 -11.08 70.3 84.7 92.7 -4.655 -2.680 -3.190

France -3.3 -7.5 -1.7 67.5 78.1 82.8 -1.90 -1.93 -1.79

Italie -2.7 -5.3 -5.1 106.3 116.0 119.1 -3.4 -3.17 -2.86

Japon -4.1 -10.2 -9.5 194.7 217.6 225.8 3.214 2.796 3.088

Royaume Uni -5.0 -11.4 -10.1 52.1 68.2 73.2 -1.64 -1.113 -2.228

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26

27

Sources : Eurostat, la Banque Centrale Européenne, FMI

De 2007 à 2009, le nombre de banques dans le V4 et en Serbie, incluant des banques étrangères et domestiques, n’a pas significativement changé. Comme présenté dans le tableau 1, qui démontre les données des pays analysés, le plus grand nombre de banques est recensé en Pologne, suivie de la Hongrie, la Serbie, la République Tchèque et la Slovaquie.

Tableau 2 : Nombre total des banques (possédées par le capital étranger)

Année 2007 2008 2009

Serbie 35 (21) 34 (20) 34 (20)

Pologne 64 (54) 70 (60) 71 (60)

Hongrie 40 (27) 39 (25) 39 (25)

Slovaquie 26 (15) 26 (16) 28(13)

République Tchèque 30(7) 32(7) 32(7)

Source: La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement, les banques nationales de la Serbie, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la République Tchèque

Le nombre de banques dans ces pays n’a pas significativement changé pendant la crise. En revanche, l’indice du ratio de la solvabilité dans les systèmes bancaires du V4 et de la Serbie était au-dessus du minimum statutaire et a enregistré de la croissance dans tous les pays en 2009 en comparaison avec 2008, ce qui a donné une stabilité supplémentaire aux systèmes bancaires de ces pays. Le plus haut ratio de solvabilité est évident dans le secteur bancaire serbe, grâce aux austères mesures de la banque centrale, visant à préserver la stabilité du système financier.

26 Pour 2008 et 2009 les données datent du décembre, pour 2010 les données sont d’août

27 Les données du 1er janvier 2008, 2009 et 2010

Variables Taux d’intérêt (%) Fluctuation de l’euro par rapport à la monnaie nationale

Année 2008 2009 2010 2008 2009 2010

Allemagne 3.29 0.71 0.85 1 1 1

Chine 7 6 5 10.7125 9.4608 9.8238

Etats-Unis 1.83 0.25 0.51 1.4688 1.3866 1.4406

France 3.29 0.71 0.85 1 1 1

Italie 3.29 0.71 0.85 1 1 1

Japon 1.88 1.91 164 125 111.63

Royaume Uni 3.17 0.61 0.74 0.7413 0.961 0.8914

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Tableau 3 : Ratio de la solvabilité (%)

Année 2008 2009

Serbie 21,9 21,4

Pologne 10,2 12,1

Hongrie 10,9 11,9

Slovaquie 10,1 11,6

République Tchèque 10,6 12,3

Source: La Banque Centrale Européenne, la Banque Centrale de la Serbie

La plus haute profitabilité mesurée par le taux de rendement de l’actif (RDA) en 2008 était identifié dans le secteur bancaire serbe (2.1%), alors que c’était la Hongrie qui avait connu la profitabilité maximale du secteur bancaire en 2009 (un résultat curieux, car l’économie hongroise a chuté de presque 7%).

Tableau 4 : Le rendement de l’actif – RDA (%)

Année 2008 2009

Serbie 2,1 1,0

Pologne 1,3 0,7

Hongrie 1,0 1,7

Slovaquie 0,8 0,5

République Tchèque 1,4 1,1

Source: La Banque Centrale Européenne, la Banque Centrale de la Serbie

Le retour sur fonds propres (RFP), en 2008 et en 2009 était le plus haut en Hongrie (15.1%) et (22.5%) respectivement. Pendant la crise, la profitabilité était réduite en Serbie, en Pologne et en Slovaquie, alors qu’en République Tchèque et en Hongrie elle a augmenté.

Tableau 5 : Le retour sur fonds propres – RFP (%)

Année 2008 2009

Serbie 9,3 4,6

Pologne 14,3 7,0

Hongrie 15,1 22,5

Slovaquie 10,3 5,6

République Tchèque 14,6 17,1

Source: La Banque Centrale Européenne, la Banque Centrale de la Serbie

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Une courte analyse des sources de financement des PME dans les pays II- du V4 et en Serbie – comment les banques ont-elles financé le secteur des PME pendant la crise ?

Dans les pays du V4 et en Serbie, il n’y a pas assez d’études et de recherches sur le financement du secteur des PME (Eric D., 2006, pp. 9-16, Michal Tvrdoň, Werner Bernatík, 2010. pp. 159-169). Selon l’analyse de European Venture Capital Association (EVCA), il est estimé que pendant la période 1990-2004, presque 1000 investissements étaient faits en Europe Centrale et Orientale sous forme des investissements dans les capitaux propres privés, à valeur de 7 milliards d’euros. En Europe Centrale aujourd’hui il y a 77 fonds spécialisés en investissements dans les capitaux propres privé. La structure managériale a changé et aujourd’hui la plupart des gérants viennent des pays où l’investissement atterrit. Les reformes du système des retraites ont incité le développement de investissements dans les capitaux propres privés. Plusieurs marchés locaux, notamment la Bourse de Varsovie, sont devenus attractifs pour implémenter une stratégie de l’issue (« exit strategy »). Néanmoins, si l’on compare le nombre d’investissements réussis au nombre de PME (plus d’un million selon les estimations), on comprendrait que la part de financement des capitaux propres est petite.

Tout en reconnaissant les efforts des gouvernements de développer des programmes de support de ce secteur, dont l’importance croît chaque année, il reste l’impression que la source dominante de financement des PME dans la région du V4 et en Serbie – est le prêt bancaire. Pour la majorité des petites et moyennes entreprises de cette région, il y a encore des difficultés en « recherche de capital », ce qui peut être expliqué de différentes façons : de l’absence du niveau suffisant de l’épargne domestique à grande exposition au risque de chaque entité économique individuelle. Le problème de l’absence et de l’accès limité aux ressources financières réduit significativement l’accès des PME à de nouveaux marchés et nouvelles technologies. Dans les conditions de la crise, la vitalité de toute entreprise est extrêmement importante. C’est pour cela que l’expérience en financement de secteur des PME, surtout comparativement au rôle des banques, est ce qui nous intéresse dans cette étude. Dans les parties suivantes, nous présentons les traits majeurs de financement du secteur des PME dans la région observée, en mettant l’accent sur les efforts des autorités de trouver des moyens de financement plus favorables que les prêts bancaires traditionnels.

La Serbie – Le développement des petites et moyennes entreprises a été déclaré prioritaire et impératif par le gouvernement serbe. En développant et implémentant la Stratégie pour le développement des PME compétitives et innovatrices 2008 – 2013, le gouvernement a posé les objectifs et a développé les directions pour le développement à long et court terme. La base de l’adoption de la stratégie se trouve dans la Stratégie du développement des PME et l’esprit d’entreprise en

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Serbie 2003 – 2008 et dans le Plan d’action pour la stimulation du développement des PME 2005 – 2007. La stratégie est basée sur le fait que les PME jouent un rôle clé dans la croissance économique et dans la prospérité du pays. L’objectif de base défini dans la stratégie vise à encourager une consolidation et un développement plus dynamique de ce secteur, avec une utilisation plus efficace des potentiels et des capacités des PME28.

Les indices macroéconomiques démontrent une influence croissante des PME sur le développement de l’économie serbe. Selon les donnés disponibles, en 2008 les PME faisaient 99.7% de toutes entités économiques, 43.2% de l’emploi, 35% du PIB, 45.5% des exportations et 59.3% des importations ; ce secteur faisait aussi 67.2% de l’emploi, 66.6% chiffre d’affaires et 59.1% du PIB du secteur non financier en Serbie.

Graphique 2 : La part des PME en nombre total des entreprises en Serbie

80%

85%

90%

95%

100%

2000 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Years

Num

ber o

f ent

erpr

ises

(%)

Small enterprises Medium enterprises Big enterprises

Source: Ministère de l’économie et du développement régional, le bureau du développement de la Serbie, l’Agence pour le développement des PME (2009) : le rapport sur les PME 2008, Belgrade

La part des PME dans le nombre total des entreprises en Serbie, et leur rôle dans la croissance et dans le développement, est en croissance. Selon la Chambre de commerce, en 2008 il y avait 87.109 entreprises en Serbie. Le nombre des entrepreneurs dépasse 200.000. De toutes les entreprises actives, 99% sont des PME. La plupart de ces entreprises sont possédées par des agents privés. On croit que la croissance du nombre des PME est un résultat des politiques gouvernementales qui visent à créer un environnement stimulant pour le développement. Un ensemble de nouvelle législation et régulation visant à faciliter les procédures d’ouverture a significativement contribué au dynamisme au niveau du nombre des nouvelles entreprises.

28 Djuricin, S., Beraha, I. Financial Support for SMEs, Erenet Profile, September 2010

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Les effets de la crise globale ont grandement influencé l’activité des PME. Les premiers effets de la crise en Serbie se sont fait ressentir en octobre 2008, lorsque les conséquences de l’afflux réduit du capital étranger sont devenues évidentes. A cause de cela, le prix du capital a augmenté, mettant en question l’opération et le développement du secteur des PME. Les effets de la crise ont imposé des nouvelles conditions pour les affaires, qui sont caractérisées par une discipline plus rigide en remboursement des dettes.

L’office de statistique de la République de Serbie a conduit une recherche sur le sujet : ‘’Statu, besoins et problèmes des PME’’29. La recherche était conduite sur un échantillon de 3000 PME. L’étude indique que pour financer leurs investissements, 54.6% des PME utilise leurs propres ressources, 30.6% utilise les sources externes et 14.8% n’ont donné aucune réponse. La structure des sources externes est homogène ; les plus fréquents sont les prêts des banques commerciales domestiques, soit 40%, suivi par les prêts de la famille et des amis - 15%, leasing - 14%, les prêts des fonds d’Etat et des différentes institutions étatiques - 10%, les prêts des institutions étrangères - 7%, les prêts des fonds de garantie - 5%, les donations et les organisations non gouvernementales - 5% et les autres sources de financement - 4%. 59.7% des répondants avaient des activités d’investissement pendant les trois dernières années et la plupart d’entre eux ont investi dans l’équipement (58%), les propriétés commerciales (38%), les brevets et licences (4%). 46% des moyennes et 32% des petites entreprises utilisent les services de consultants.

La crise a affecté la liquidité et la solvabilité des PME, entraîné une hausse du coût du capital, une réduction de la taille des fonds et prêts disponibles pour les PME, les fluctuations du taux d’échange, une réduction des activités des importations et des exportations ainsi qu’une réduction du niveau de l’emploi. En janvier 2009, le gouvernement serbe a adopté les mesures visant à diminuer les impacts négatifs de la crise mondiale sur le secteur des PME, ce qui a pour conséquence l’introduction des lignes du crédit étrangères. Les crédits sont approuvés par les banques domestiques dans les conditions plus favorables. En 2009, la totalité de 480 million d’euros été accordée aux crédits pour les PME.

Institution SommeLa banque européenne pour les investissements 250 million d’euros

KfW 100 million d’eurosLa banque européenne pour la reconstruction et développement 100 million d’euros

Le gouvernement italien 30 million d’eurosTotal 480 million d’euros

29 L’agence pour développement des PME (2009), L’état, les besoins et les problèmes des PME – le rapport sur la recherché, Belgrade [traduction du serbe]

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En février 2009, le gouvernement serbe a adopté un ensemble de politiques, afin de minimiser les impacts négatifs de la crise mondiale. Le Programme pour stimulation de la production, exportations et liquidité de l’économie était lancé avec les mesures gouvernementales suivantes : les prêts subventionnés pour la maintenance de la liquidité et pour le financement des actifs disponibles durables, les prêts accordés par le Fond du développement serbe (le Fond accorde 30% de tout prêt et les banques font placements de 70% de chaque prêt, alors que 75% du placement est garanti par le Fond de garantie) et les prêts pour la consommation et le leasing financier pour l’achats des produits domestiques.

La banque nationale de la Serbie (NBS) a réduit les exigences de la réserve pour les prêts externes, comme le résultat de la liquidité diminuée des banques commerciales. Le taux d’intérêt a aussi été réduit en 2009 et en 2010 (pour l’instant il est mis à 9.5%)30. Le gouvernement a augmenté la somme des dépôts garantis (pour les citoyens, entrepreneurs et les PME) de 3000 € à 50000 €. Un afflux diminué des devises étrangères et retrait de l’épargne en devise étrangère a entraîné une dépréciation du dinar serbe (RSD) en 4Q de 2008 et en 1Q de 2009. Sachant que les PME serbes sont hautement exposées à la monnaie étrangère, la dépréciation a nui à ces PME qui ont prêté en euro, surtout en 2009, à cause des remboursements des annuités augmentés en RSD.

Tableau 6 : Les sources externes du financement du secteur des PME en Serbie31

Type de source Pourcentage des entreprises observées

Les prêts domestiques des banques commerciales 40

Prêts de la famille/amis 15Leasing 14Les prêts étrangers 10Les prêts des institutions et fonds étatiques 7Les ONG domestiques 5Les fonds de garanti 5Autre 4

Source: RASMEE, Belgrade, 2009, pp. 40-1

La même enquête a analysé les sources du financement plus profondément, indiquant que le secteur des PME finançait ses activités avec plus de 70% de ressources internes et seulement 21% externes (incluant des banques).

30 Mackolm Harper “Practical Microfinance – A Training Manual”, ITDG Publishing, London, 2003.

31 Dejan Erić, the need to englarge sources of financing of small and medium sized enterprises under the conditions of global crisis, Case of Serbia, ERENET Profile Vol. V, No. 1., Mars 2010.

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Graphique 3 – Les sources du financement des PME en Serbie – 2009

Source: RASMEE, Belgrade, 2009, pp. 40-1

Le système bancaire serbe opère sous une réglementation et une législation très stricte. Les conditions du prêt sont « serrées » depuis l’éclatement de la crise dans le secteur financier. A cause de cela le taux de croissance des crédits accordés au secteur privé a diminué à 16.5% en 2008, de 24.3% en 2007. La part des prêts accordés au secteur privé en PIB serbe a augmenté de façon régulière et la moyenne du ratio de fonds propres (capital/actif total) de toutes les banques en Serbie a augmenté à 21% en 2007.

Ce résultat ne montre pas seulement que les entrepreneurs n’utilisent pas les prêts bancaires dans une grande quantité (sauf quand ils le sont forcés), mais aussi qu’il y a des problèmes importants en financement des prêts. Les plus fréquents problèmes sont :

Le taux d’intérêt élevé (22%)•

Les coûts bancaires élevés (16%)•

Collatéral (15)•

Longue période d’approbation (14)•

Les prêts limités (12)•

Les informations insuffisantes (10)•

Le réseau insuffisant des filières bancaires (8)•

Autre (3).•

A ces problèmes s’ajoute encore un problème supplémentaire – une absence du micro crédit. La loi relative au micro crédit n’a pas été adoptée, alors que la Serbie reste l’un des derniers pays de la région sans une telle forme du financement du secteur des PME et sans une institution de micro financement. Aussi, il est

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évident que les activités des fonds de placement privé sont réduites. En Serbie il y avait des délais en développement des marchés du capital et c’est pour cela que la situation du financement alternatif des PME n’est pas prometteuse.

ConclusionIII-

Dans cet article nous avons essayé d’identifier la relation entre les trends des paramètres macroéconomiques, les banques et le besoin de financement des PME dans la région des pays du V4 et en Serbie. La crise globale avait un impact sur presque tous les pays observés. A l’exception de la Pologne, qui a connu un ralentissement de croissance, tous les autres pays ont eu des problèmes avec la récession dans le secteur réel en 2009. Dans ces processus, surtout les PME ont été affectés, dont la significativité est exprimée sur le niveau macroéconomique dans tous les pays observés.

Malgré les problèmes sur le niveau macro, la profitabilité du secteur bancaire dans la plupart des pays n’a pas diminué. Au contraire, une profitabilité inchangée met en évidence une vitalité du secteur, ce qui est un signe positif pouvant contribuer à la relance économique. Néanmoins, il est évident que les banques n’ont pas aidé d’une façon importante. Les banques suivent leurs propres intérêts visant à créer la valeur pour ses actionnaires et peu contribuant à des objectifs et intérêts sociaux, tel que le soutien du secteur des PME dont la récupération est la condition sine qua non pour une relance économique.

Dans tous les pays observés, il y a des modèles et mécanismes définitifs de soutien gouvernemental du secteur des PME. Les gouvernements de tous ces pays ont reconnu l’importance de ce secteur et la nécessité de le soutenir, surtout dans la période de crise. Cependant, ce qui est commun pour tous ces pays c’est que les sources de l’aide étatique sont insuffisantes, par rapport aux nécessités du secteur des PME.

Finalement, le problème commun du secteur des PME dans tous les pays observés, c’est qu’il est plus difficile d’accéder au financement. La source dominante du financement est représentée par ses propres fonds ; la source externe dominante est le prêt de la banque. Bien qu’il y ait des différentes formes de soutien, c’est une source d’inconvénients – elle est trop chère (dans certains pays le taux d’intérêt a augmenté au lieu de diminuer), elle requiert des procédures administratives compliquées, etc. Malgré de nombreux problèmes avec l’utilisation des prêts, nous avons trouvé que les PME étaient largement laissées aux banques, autrement dit les prêts bancaires avaient une dominance entre les sources du financement. En revanche, les banques n’ont pas toujours respecté les intérêts des PME. La question qui se pose, pour une recherche dans l’avenir, est quel secteur a subi des pertes pendant la crise et quel secteur a gagné ?

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REFERENCES

ERIĆ D. (2010), “The Need of Enlarge Sources of Financing of SMEs Under the Conditions [1] of Global Crisis – Case of Serbia”, ERENET Profile Vol. 5, No. 2, pp. 13-21,http://www.erenet.org/publications/profile18.pdf

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GLOVA J. (2010), “National Competitiveness of Visegrad Group Countries and Serbia”, [6] Chapter 11 in “Influence on Global Economic Crises on CEE Region – Possible Way Out”, Edited by Vincent Šoltés, Hasan Hanić and Dejan Erić, Economic Faculty at Technical University of Košice, Košice, pp. 105-112

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INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 161

L’EXPÉRIENCE DE LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE EN MATIÈRE D’INTELLIGENCE TERRITORIALE À TRAVERS LE PROJET«RÉSEAU-

PILOTE D’INTELLIGENCE COLLECTIVE»

Pr Traore BoubakarDirecteur de la prospective industrielle et de l’intelligence économique, Chambre de

Commerce et d’Industrie du Burkina Faso

Introduction

L’information a toujours servi de matériau de base pour alimenter les missions de la CCI-BF qui sont d’ordre consultatif, représentatif et administratif. La décision de consacrer un axe de son développement à l’intelligence économique, perçue comme une démarche cohérente et structurée de collecte, traitement et diffusion de l’information, répond au souci de la CCI-BF de mieux remplir ses missions. Au-delà des actions menées depuis 2001, l’ambition de l’institution consulaire est de provoquer auprès de ses ressortissants un changement de mode de pensée et d’action face à l’information. C’est dans cette optique que le Réseau-pilote d’Intelligence Collective a été élaboré.

Dans la présente communication, il s’agira de partager cette petite expérience de diffusion de la culture d’intelligence économique dans un réseau qui se veut l’embryon d’une grappe d’entreprises.

Aussi après avoir situé la place de l’information dans les missions de la CCI-BF, nous discuterons de l’expérience du projet RIC comme modèle d’intelligence territoriale.

La CCI-BF et l’IE : une histoire récenteI-

Une brève présentation de la CCI-BFI.1-

Créée en juin 1948, la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI-BF) est une Assemblée consulaire de 85 chefs d’entreprises des secteurs

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d’activité élus par leurs pairs dont elle représente les intérêts. Ses missions sont d’ordres consultatif, représentatif et administratif.

Sur le plan consultatif, elle donne les avis du secteur privé sur l’évolution de la réglementation et de l’activité économique. Sur le plan représentatif, la CCI-BF siège au sein de plusieurs instances, nationales et internationales, ce qui assure une présence du secteur privé dans ces instances et la prise en compte de ses préoccupations dans les grandes décisions. Enfin, sur le plan administratif, la CCI-BF initie et mène des activités qui lui procurent des ressources indispensables à la réalisation de ses missions.

La CCI-BF a 250 collaborateurs et dispose d’un budget annuel de l’ordre de 8 milliards de Fcfa1. Elle a des représentations dans les quatre (4) pays voisins avec façade maritime : Bénin, Côte d’Ivoire, Ghana et Togo.

l’information au cœur de l’action consulaire.I.2-

L’information a toujours été au cœur de l’activité de la CCI-BF. Elle alimente toutes les missions qui lui ont confiées.

La mission de représentation et d’expression des avis des entreprises s’appuie, dans le meilleur des cas, sur une bonne capacité de collecte, de traitement et d’analyse de l’information. Cette collecte est faite au travers d’études, d’enquêtes, de consultations et d’exploitation de documents officiels (textes juridiques et réglementaires par exemple). Les analyses qui en sont faites aboutissent à des notes de synthèse, de rapports et autres avis ; livrables qui permettent aux élus de prendre des positions et d’intervenir dans le débat économique. Ils alimentent également les travaux des commissions consulaires, et les contributions de la CCI aux travaux des instances dans lesquelles elle est présente. L’ensemble de ce travail nécessite la disponibilité de la bonne information au bon moment. C’est donc dire l’importance de l’information comme matière première dans l’exécution de la mission de représentation.

Dans sa mission d’administration des services d’appui et de formation, une bonne information est nécessaire aux adhérents ou ressortissants de la CCI-BF et à son environnement (pouvoirs publics, étudiants, créateurs...). Elle porte sur des thèmes variés tels que les flux d’affaires, l’analyse de la conjoncture, l’état des marchés, les chiffres sur la production, l’emploi, etc. Elle est utilisée à des fins commerciales, de marketing, d’analyse économique, d’élaboration de politiques publiques, etc. La collecte se fait dans le cadre d’opérations spécifiques (enquêtes, réunions, etc.) ou de convention d’échanges de données avec des partenaires. L’information est diffusée à l’état brut ou élaboré sous différentes formes (listes d’entreprises, notes de synthèse, documents de travail, rapport, etc.). Les usagers

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 163

y ont accès, dans le meilleur des cas, à travers les outils de communication multimédia ou du centre de documentation de l’institution.

La mission de réalisation et/ou gestion des équipements de facilitation du commerce est une source inestimable d’information. Une bonne exploitation de cette source permet à la CCI-BF de disposer de données précises sur certaines activités des entreprises qui ont recours à ses services : les besoins et leurs évolutions.

Ce rapide tour d’horizon montre, s’il en est besoin, la place primordiale qu’occupe l’information dans les activités de la CCI-BF. Elle est d’abord utile à l’institution elle-même pour sa propre gouvernance. L’information lui permet d’avoir une meilleure connaissance du tissu économique et de s’inscrire dans une logique d’intérêt général et non partisane. Elle lui permet d’intégrer dans son organisation toutes les composantes des milieux d’affaires. Enfin, elle lui permet, à travers une meilleure connaissance de ses ressources, d’avoir un fonctionnement en phase avec son environnement. Au-delà de la CCI-BF, l’information produite permet d’engager des actions pour répondre aux attentes de ses ressortissants.

Le RIC comme modèle d’Intelligence territorialeI.3-

Le Réseau-pilote d’Intelligence Collective est une des actions du plan de mandature de la CCI-BF dont l’un des axes est de faire de l’institution consulaire un pôle majeur d’intelligence économique au Burkina Faso.

Contexte du projetI.4-

Origine de la démarcheI.4.1-

Dans le cadre des réflexions de la CCI-BF pour une large diffusion de la culture de l’Intelligence Economique (IE) comme outil de compétitivité, l’attention s’est portée sur la problématique de l’utilisation proactive, i.e. volontariste, des données, information et connaissances générées par la recherche scientifique pour impulser l’innovation dans les entreprises. C’est pourquoi le projet RIC a été conçu. Ainsi, au-delà des actions que l’institution consulaire a déjà mises en œuvre, il s’agit de partager l’expérience avec les autres composantes de la société, en particulier les entreprises et les administrations. C’est aussi une réponse du secteur privé à la quasi-absence de passerelle entre les mondes économique et la recherche ; mondes qui peuvent s’enrichir mutuellement l’un et l’autre, dans le cadre d’un réseau de partage de connaissances.

Problématique du projetI.4.2-

Une analyse de l’environnement de l’entreprise burkinabè en matière d’innovation et un diagnostic du potentiel des acteurs soutenant l’innovation permettent de dégager quelques tendances fortes autour de la diversification de l’offre dans

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l’enseignement supérieur et de l’irréversibilité de l’ouverture économique (B. TRAORE, 2007). L’enseignement est reconnu comme étant un élément essentiel dans tout processus d’innovation. C’est lui qui transmet les connaissances et les savoirs-faires indispensables à l’innovation. Et l’une des caractéristiques dans l’environnement de l’entreprise burkinabè, durant la décennie écoulée, est la variété d’offres de formation. Le secteur de la formation technique qui a longtemps été l’apanage de l’Etat est aujourd’hui investi par des institutions à but non lucratifs, voire des privés.

Au niveau de l’ouverture économique, la mondialisation et l’intégration régionale offrent autant des fenêtres d’opportunités que des menaces. Par le jeu de la libre concurrence, les entreprises burkinabè pourront perdre des parts de marché, voire disparaître ou être « phagocytées » par des entreprises concurrentes. Ces tendances expliquent tout l’enjeu de l’innovation, voie sur laquelle les entreprises doivent s’orienter. Pour faciliter ce passage, il est important de mobiliser le potentiel interne de savoir et savoir-faire pour valoriser les ressources nationales. Les entreprises, tout comme les institutions qui les accompagnent, doivent dès lors savoir chercher et utiliser l’information pour développer leurs capacités de création et d’anticipation.

Ce besoin de partir du potentiel interne s’appuie sur le fait que, dans sa chaîne de valeur de l’innovation, le Burkina Faso a fait le choix du développement de technologies appropriées. Un paquet technologique assez diversifié est proposé aux acteurs économiques. Elles portent sur des améliorations et adaptations de technologies existantes ou importées. Mais leur méconnaissance ou insuffisante appropriation n’ont pas encore permis d’avoir des résultats significatifs sur le développement. Aussi, la CCI-BF a initié le projet RIC comme passerelle pouvant contribuer à faire ce lien entre l’économique et la recherche appliquée.

Description du projetI.5-

ObjectifsI.5.1-

L’objectif global du projet est de développer une culture de réseau et de partage d’information pour susciter l’innovation. Pour y arriver, nous nous fixons trois objectifs spécifiques qui sont :

Améliorer la disponibilité de l’information, en particulier technologique, • faciliter son accessibilité tout en contribuant au transfert de connaissances de la recherche vers les entreprises ;

Diffuser la culture de l’intelligence économique au travers d’activités • de sensibilisation/formation et de veille au profit des membres du réseau (institutions d’appui au secteur privé, entreprises, administration et associations professionnelles) ;

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 165

Accompagner les entreprises à mettre en place de cellules de veille ou • d’intelligence économique.

Dans le cadre du premier objectif spécifique, le réseau interviendra en tant qu’interface entre l’entreprise et la recherche, pour diffuser les besoins des uns et les offres des autres en matière d’information, de connaissances et de savoirs-actionnables. Par ce biais, il mutualisera les compétences et ressources, suscitera les interactions et accompagnera les projets viables.

Le deuxième objectif spécifique s’inscrit dans une perspective plus large de développer dans les pratiques des entreprises un certain nombre de réflexes. Il s’agit, entre autres :

d’aller vers l’information qualifiée avant toute prise de décision ;•

de se mettre dans une logique de réseau face à l’environnement, i.e. aborder • le marché, en particulier sous-régional et international, dans une logique de groupe et de façon intégrée pour saisir toutes les opportunités que peut conférer la taille et minimiser les faiblesses par l’association d’une diversité de compétences. Cela est d’autant plus vrai que les pays de la sous-région ont perdu, ces dernières années, certains de leurs atouts. C’est le cas du Burkina Faso par exemple en matière d’exportation de fruits et légumes sur ses marchés traditionnels. Cette situation s’explique, entre autres raisons, par une présence en rang dispersé des acteurs sur ces marchés ; ce qui, naturellement, a fragilisé leur position. La logique de réseau aurait certainement pu pallier à ce recul ;

sortir d’une logique d’adaptation pour rentrer dans une logique d’anticipation. • L’expérience montre que l’on s’épuise rapidement à force de vouloir s’adapter car les changements sont quasiment permanents dans le contexte d’ouverture des économies. Il est plus aisé de faire face à la compétition lorsque l’on sait anticiper les mutations qui se profilent à l’horizon.

A travers les activités de renforcement des capacités, le réseau facilitera donc l’adoption et la généralisation de ce mode de pensée et d’action.

Enfin, le troisième objectif spécifique va conforter les deux premiers en mettant en place des dispositifs d’intelligence économique dans quelques entreprises-cibles du réseau.

Cible et bénéficiaires finauxI.5.2-

Pays impliquésa)

Le projet RIC a une dimension régionale. Trois pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA2) participent à cette expérience à travers leurs chambres de commerce et d’industrie. Il s’agit du Burkina Faso, du Mali

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et du Togo. La Chambre de commerce et d’industrie de Marseille-Provence intervient comme partenaire technique, accompagnant sa mise en œuvre. Ces CCI participent au réseau de la Conférence Permanente des Chambres Consulaires Francophones et Africaines (CPCCAF).

La figure ci-après donne la situation géographique des trois pays au sein de l’espace UEMOA et les chiffres-clés qui les caractérisent.

Les économies de ces pays ont des caractéristiques communes : économies en développement fortement tributaires de produits primaires exportés et faisant face à une vive concurrence.

Acteurs institutionnelsb)

Un partenariat public-privé est réalisé autour de ce projet. Il regroupe, dans chacun des pays participant au projet, les institutions suivantes :

Le Centre national de recherche scientifique et technique ;- L’université- La Direction de la propriété industrielle ;- La CCI ;- Une association professionnelle d’entreprises.-

Entreprisesc)

Etant donné que les pays impliqués dans le projet ont une économie essentiellement agricole, nous avons privilégié les entreprises de la transformation agroalimentaire.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 167

Dans chacun des 3 pays, 15 entreprises sont identifiées dans la région-capitale. Il s’agit d’entreprises disposant d’un marché local et qui font face à la concurrence étrangère. Le réseau se donne pour objectif de répondre à leurs préoccupations en termes d’information et de transfert technologique, à travers l’expertise des acteurs institutionnels, membres du réseau.

En plus des entreprises du secteur de la transformation agroalimentaire, une quinzaine d’entreprises prestataires de services sont identifiées. Elles recevront un programme de formations-actions qui leur permettront de participer aux activités d’accompagnement des entreprises membres du réseau.

FinancementI.5.3-

Evalué à 1 151 518, 96 EUR, le projet bénéficie d’une subvention de 1 015 001,18 EUR du programme Pro€Invest du Groupe des Etats ACP et de la Commission Européenne. Ce programme est dédié à la promotion de l’investissement et des transferts technologiques dans lesdits Etats.

Résultats attendusI.5.4-

Trois types de résultats sont recherchés à travers la mise en œuvre du projet RIC. Il s’agit de :

renforcer les capacités des trois CCI afin qu’elles livrent de nouveaux • services aux entreprises en matière de veille stratégique. Ce renforcement des capacités s’étend aux partenaires institutionnels impliqués dans le projet ;

constituer une masse-critique de spécialistes de veille autour de ces 3 CCI ;•

mener des activités d’essaimage de l’expérience. •

Stratégie d’intervention du projetI.6-

GouvernanceI.6.1-

La gouvernance du réseau est assurée, au niveau régional, par un Comité de Pilotage (CP). Celui-ci est composé de 11 membres :

Trois (3) cadres, spécialistes de veille, venant de chacune des 3 CCI • (Burkina Faso, Mali et Togo) ;

Un (1) expert de la CCI de Marseille-Provence, spécialiste d’innovation ;•

Un (1) représentant de la Chambre consulaire régional (CCR) de l’UEMOA ;•

Un (1) représentant de chacun des 3 Centres nationaux de recherche • scientifique (Burkina Faso, Mali et Togo)

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Un chef d’entreprise du secteur de la transformation agroalimentaire de • chacun des 3 pays (Burkina, Mali et Togo), représentant ses pairs membres du réseau.

La présidence du CP est assurée par le Burkina Faso.

Au plan national, il a été mis en place une Cellule d’Animation et de Mutualisation (CAM) qui assure la coordination des activités menées localement au profit des entreprises membres du réseau. Cette cellule est composée des structures suivantes :

Le Centre national de recherche scientifique et technique : 2 représentants • (1 technologue et 1 chercheur de la documentation) ;

L’Université : 1 représentant ;•

La Direction de la propriété industrielle : 1 représentant ;•

La CCI : 1 conseiller d’entreprise ;•

Une organisation intermédiaire d’appui au secteur privé : 1 conseiller • d’entreprise.

Appelés « infomédiaires », les membres des CAM ont suivi des programmes de formation aux concepts et techniques de veille et d’innovation ; acquis qui leur permettant de mieux accompagner les entreprises membres du réseau. La figure ci-après résume le fonctionnement du réseau :

Comité de pilotage(CP)

Entre

pris

es

Binômessur des sujets

de veille:

Celluled’animation

et de Mutualisation

(CAM)

Orientation stratégique

Questions/Réponses via l’extranet ou directement

Sujet de veille :TechnologiesSous-traitanceMarchéNormes,Etc.

Interroger

Bases de données, Internet, revues, actes de colloques

etc.

Dossiers spécifiques

Newsletters

Etats de l’art

---------------Mémoire du

réseau

Séances de face à face :ß Réunions ordinairesßSessions de formations & sensibilisation Rétroaction au cours

des évaluations

© B. TRAORE

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 169

Conclusion

A peine lancé, le projet RIC suscite de l’intérêt de la part des entreprises. Elles y voient un moyen de renforcer leur capacité à faire face à une concurrence qui devient de plus en plus insoutenable. Il y a de plus en plus une prise de conscience sur la nécessité de travail en réseau pour partager les connaissances tout en gardant sa spécificité.

Avec cette action, l’ambition des trois CCI est d’aboutir à un modèle de gestion de réseaux d’entreprises qu’elles intègreront dans leur portefeuille de services, et de constituer une masse critique de spécialistes de veille et d’innovation au sein des structures partenaires. Ce besoin de spécialistes est d’actualité car de nouvelles initiatives de regroupement d’entreprises en grappes commencent à voir le jour dans la région. Au-delà de la gestion de ces grappes, il se pose la question de la prise en compte de la gestion de l’information stratégique dont les membres ont besoin pour leurs projets individuels ou collectifs.

RÉFÉRENCES

BOUBE A. (2005), « Un engagement stratégique : faire de la CCI-BF un pôle majeur d’intelligence économique », mission d’assistance.

CCIA-BF (2002), « Stratégie de développement pour la période 2003-2007 », rapport d’étude.

TRAORE B. (2008), « Elaboration d’un projet de réseau d’entreprises », document de participation à l’appel à proposition de Pro€Invest dans le cadre du 8ème Fonds européen de développement.

TRAORE B. (2007), « Intelligence Collective et Innovation : proposition d’une démarche intégrée pour le Burkina Faso », thèse professionnelle, MISTE/ESIEE.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 171

GRAPPES D’ENTREPRISES ET DYNAMIQUES DES TERRITOIRES

Un exemple le Cluster WEST

Par Jean-Yves Delaune, fondateur et Directeur général délégué

Introduction : Contexte et objectifs du Cluster WEST

Les Industries agroalimentaires représentent le premier secteur industriel du Grand Ouest de la France. La Basse Normandie, la Bretagne, les Pays de la Loire et le Poitou-Charentes accueillent sur leur territoire l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur agroalimentaire. Ce territoire représente un potentiel économique agroalimentaire inégalé, unique, car le seul en Europe à être présent significativement sur les 4 principaux domaines d’activité agroalimentaire : les produits de la mer, les produits de la terre, les produits de la viande et les produits du lait.

Le Cluster WEST a pour ambition, au sein de cette filière, sur le Grand Ouest, de faciliter des croisements technologiques et l’émergence de nouveaux produits, plats élaborés mixtes et services contribuant à l’élaboration d’un « Bien Manger Durable® », tant en terme de qualité qu’en terme de valeur ajoutée et de compétitivité. Son rôle consiste donc à renforcer, par la mise en réseau des divers acteurs du Grand Ouest, le développement économique de la chaîne de valeur des industries agroalimentaires.

Son action vise aussi à fournir aux entreprises et aux acteurs institutionnels de cette filière, l’occasion de partager une vision commune et de construire ensemble « une économie circulaire de proximité à haute qualité environnementale ». L’objet est, d’ici trois ans, de voir sur le Grand Ouest, une création potentielle de valeurs, de l’ordre de 50 à 100 millions d’euros, soit la consolidation ou la création de 1 250 à 2 500 emplois.

Les objectifs à atteindre sont les suivants :

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE172

Donner de la visibilité- à la démarche fédérative et interactive proposée par le cluster et promouvoir son développement dans un esprit de partenariat et de collaboration.

Renforcer la compétitivité- économique individuelle et collective des acteurs de la « grappe ».

Être un catalyseur régional- d’une véritable dynamique économique basée entre autres sur des projets visant à améliorer la productivité et à faciliter le développement de transferts de compétences entre les entreprises adhérentes au Cluster WEST et le monde académique. On privilégiera notamment la valorisation des projets opérationnels en entreprise, en complément du rôle habituel des pôles de compétitivité dans les domaines de l’innovation et la R&D.

Accélérer la création de « valeur- » par la mutualisation de l’information (plateforme web) et l’émergence de projets collaboratifs plus spécialement sur les thématiques du développement durable et de la valorisation de la biomasse.

Élargir, professionnaliser et valoriser la diversité des compétences- des membres du cluster, et permettre une plus grande mobilisation et un meilleur engagement dans la naissance de projets collaboratifs.

Renforcer la notoriété de la grappe West à l’international- , et développer au sein de ses membres le sentiment d’appartenance à un projet collectif pertinent sur le plan international par le développement d’une marque collective, dynamique d’un savoir faire territorial : « Made in WEST ».

Contribuer à « nourrir l’humanité », - en développant des partenariats de manière prioritaire vers les pays nous permettant d’allier, conquête de nouveaux marchés à l’international, échanges de savoir faire et développement de dynamiques territoriales autonomes et nourricières pour les populations locales, en situation de pauvreté alimentaire et d’insuffisance de pouvoir d’achat.

Brève présentation du Cluster WESTI-

Depuis novembre 2004, le Cluster WEST réunit des acteurs de l’agroalimentaire répartis principalement sur les quatre régions du Grand Ouest. Grâce à leur regroupement « en meute », ils peuvent prétendre être les seuls en Europe à travailler dans les 4 domaines majeurs de l’agroalimentaire que sont les produits de la terre, les produits de la mer, les produits laitiers et les produits carnés.

Cette originalité, organisée par cette « mise en réseau » est légitime par le poids économique que représentent les acteurs sur l’ensemble de ce territoire. Elle facilite des croisements technologiques et l’émergence de nouveaux produits, plats élaborés mixtes et services contribuant à l’élaboration d’un « Bien Manger Durable® », tant en terme de qualité qu’en terme de valeur ajoutée.

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Les acteurs regroupés sur ce territoire constituent la région la plus puissante en Europe et veulent devenir un territoire d’acteurs référent pour le « Bien Manger Durable® », comme l’est la place de Chicago pour le marché des matières premières.

WEST, naturellement…

Un territoire géologique homogène et riche de la complémentarité de ses ressources naturelles, grâce à ses sols variés et à une ouverture importante sur la mer.

WEST, économiquement…

Le premier territoire d’acteurs en Europe, par son poids économique et l’étendue de la gamme de ses productions, (viande, lait, produits de la mer, produits de la terre) s’appuyant sur la construction historique d’un ensemble d’acteurs, dans les domaines des biens d’équipement et des services dédiés et induits par la chaîne de valeurs agro-alimentaire.

Cet ensemble d’acteurs, aujourd’hui dispersé, s’il s’organise, peut se doter d’une force de frappe et de conquête égale aux premiers compétiteurs mondiaux de l’agro-alimentaire, en proposant des compétences, des savoir-faire et des services « de la fourche à la fourchette..

WEST, solidairement…

Ce territoire dispose d’un atout considérable, celui du goût d’entreprendre, partagé par tous et une aptitude avérée à travailler ensemble dans un contexte d’économie durable et profitable.

Il est unique en Europe.

Quelques cartes, ci-après, extraites de notre banque de données portent témoignage de ces trois dimensions qui ont fondé notre initiative collective. D’autres sont accessibles sur notre site.

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Les premiers fondateurs (novembre 2004)

Répartition des acteurs du Cluster WEST par catégories

L’ensemble des membres du Cluster représente un poids économique supérieur à 25 milliards d’euros et emploie 145 000 personnes environ.

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Une ouverture internationale avérée :I.1-

Nous comptons plus de deux cent contacts et correspondants étrangers dans 57 pays, dont le Maroc, bien évidemment.

Plusieurs projets portés par nos membres acteurs sont développés dans un certain nombre de pays, dont le Mexique, le Sénégal, l’Egypte, la Malaisie, la Chine, ou sont en projet, au Maroc, en Mongolie, au Niger,….

Un site web en Chine, un référencement sur Youku en Chine, une participation active à la création d’un « World Class Cluster » agroalimentaire européen, des implantations prochaines en Chine, dans l’Eta de Silanoa au Mexique sont autant de pièces d’un puzzle qui se mettent en place pour « nourrir l’humanité », avec un « Well Eating Sustainable, Made in WEST, by WEST Communities ».

Diagnostic et visionII-

Forces et faiblesses de la chaine de valeurs agro-alimentaire du Grand Ouest

Il s’agit d’une filière homogène bien maillée sur un territoire attractif sur • le plan démographique et du cadre de vie. Cette filière se caractérise, pour l’essentiel, comme une industrie de main d’œuvre pour produits dominés par la première transformation, aux résultats moyens comparables à l’ensemble de la filière en France.

L’ensemble des activités de transformation de la filière se répartit bien, • de manière complémentaire, sur l’ensemble du territoire.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE176

Largement dominée par un tissu de moyennes entreprises saines • financièrement et moins vulnérables qu’ailleurs qui continuent d’investir pour proposer des produits plus élaborés, la filière souffre d’un manque de visibilité internationale.

Même si certaines unités sont présentes à l’étranger par l’intermédiaire de • filiales commerciales, un gros effort doit être fait pour développer l’exportation, l’internationalisation des marques et le développement de la valeur ajoutée par la recherche technologique et environnement du produit.

Une vision du marché

Une échelle de valeurs ajoutées réparties entre les acteurs en fonction des besoins et des modes de consommation.

Une réponse pour rester compétiteur : intervenir sur la chaine de valeurs.

5 axes de travail abordés pour atteindre l’objectif assigné : produire un « Bien Manger Durable® ».

Enjeux et objectifs fixés en 2004III-

Ré-assurer et ré-enchanter• le consommateur de produits agro alimentaires, en impliquant tous les acteurs de la filière et notamment les agriculteurs, à la source des matières premières,

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Préparer le futur en s’adaptant aux nouvelles contraintes internationales• (évolution de la PAC, négociations de l’O.M.C., accords de KYOTO, …),

Maintenir et développer une filière agro alimentaire dynamique dans l’Ouest • de la France, en s’inscrivant dans un écosystème durable et profitable.

Construire un réseau d’acteurs, catalyseur et accélérateur• de développement de projets

répondant à • l’attente des consommateurs et de la société.

Valoriser• la place et le rôle de chaque acteur de la chaîne de valeur agro alimentaire Ouest (agriculteurs, transformateurs, sociétés de services, biens d’équipement, distributeurs et enseignants-chercheurs),

Devenir référence européenne• et prestataire de transferts technologiques et de services pour de nouveaux marchés (territoires : pays tropicaux d’Amérique Latine, d’Afrique, d’Asie, PECO, ou développement de niches : ex. plats cuisinés,…),

Devenir, à terme, une place de marché et un opérateur reconnus• sur le plan international pour le Bien Manger Durable® à l’instar de la place de Chicago pour les matières premières.

Disposer d’une plateforme regroupant plusieurs technologies du web • 2.0, offrant ainsi diverses fonctionnalités dont notamment un site web communiquant, un portail d’accès à des informations travaillées, un espace facilitant les mises en relations directes et un bureau virtuel, point central de l’outil.

Cette approche innovante a pour objectif de fidéliser les membres, favoriser les échanges entre eux, ainsi que leur appropriation de la démarche globale par l’association d’informations émanant à la fois de l’équipe d’animation du Cluster WEST (top down) et des apports de chacun des membres (bottom up).

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Ce point d’accès unique permettra aux acteurs du « Bien Manger Durable® » (agriculteurs, entreprises industrielles, entreprises de services et de distribution, transporteurs, centres de recherche, écoles et universités...) de travailler à distance, simultanément ou non, comme ils le font déjà physiquement au cours des réunions de travail. Ces outils permettront de multiplier les réunions de travail pour accélérer l’émergence de nouveaux projets et favoriser la compétitivité et le développement des différents acteurs.

La gouvernance du Cluster WESTIV-

Son mode de gouvernance répond à trois niveaux d’intervention bien distincts, consolidant la solidarité des acteurs au sein du réseau,

Chacun doit y trouver son compte, en fonction de ce qu’il y apporte et de ce qu’il y cherche. L’ensemble de la chaîne agro-alimentaire de l’Ouest, la première en Europe, doit en sortir renforcée et confortée dans sa compétitivité.

Un premier niveau, dit « d’intérêt général », constitué par le développement de l’accès aux connaissances, la mutualisation des données, leur diffusion et facilitant les premières mises en relation entre les membres, acteurs du réseau, et l’édition d’une lettre d’information hebdomadaire, « le lien proposé entre nous », ouvrant droit aux services induits (SVP services) et aux premières mises en relation, assurés par l’équipe d’animation.

Modalités : un abonnement sur la base d’un tarif établi et renouvelé en 2009, facturé par la SAS WEST.

Un deuxième niveau, dit « opérationnel », qui couvre la mise en œuvre de projets coopératifs d’innovation compétitive (1 à 3 ans) initiés par les acteurs, la construction d’une démarche « en meute » pour conquérir de nouveaux marchés et développer les marques des acteurs du Cluster WEST à l’international, la réalisation d’actions de lobbying auprès des Pouvoirs publics, pour consolider la compétitivité des acteurs de la filière et la fourniture de prestations de services et d’expertise pour le compte des membres du Cluster WEST ou de tiers.

Modalités : contractualisation de l’apport en ingénierie d’accompagnement réalisé par l’équipe d’animation de la SAS WEST, définie et convenue préalablement avec les porteurs de projets, s’appuyant sur des expertises externes autant que de besoin. Cela reste un point délicat à mettre en œuvre.

Un troisième niveau, dit « de recherche et développement », par la mise en œuvre de projets d’innovation de rupture (recherche et développement : 3 à 5 ans), à l’initiative respective ou conjointe des chercheurs et des industriels ou agriculteurs concernés, pour développer de nouveaux produits, des technologies

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 179

nouvelles, des approches innovantes en marketing et merchandising, des nouveaux modules pédagogiques …

Modalités : financement par projet, réponses aux appels à projets de l’ANR, des collectivités territoriales. Procédures longues et complexes malgré la bonne volonté de la plupart de nos interlocuteurs. La création d’une fondation est envisagée à terme.

Schéma général de fonctionnement :

Modèle économique de la SAS WEST

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Etat des lieux et réalisations du Cluster WEST à fin 2010V-

Poids économique de l’ensemble des 170 personnes morales,• membres du Cluster WEST :

CA : plus de 25 milliards d’euros- 145 000 emplois- Équivalant au 5ème rang mondial des agro-industries - (pour mémoire)

Quelques chiffres significatifs de la dynamique du Cluster WEST • :

245 Lettres d’information éditées, plus de 2 500 pages d’informations.- 500 destinataires- 7 000 lecteurs (estimation par sondage auprès des destinataires)- Une centaine de correspondants étrangers sur 57 pays.- Plus de 130 000 pages lues sur le site du - Cluster WEST, (31 000 visites)

Une équipe d’animation « étendue » aux acteurs eux-mêmes•

Plus de 300 personnes physiques mobilisées dans les groupes de travail - ou les groupes « projet »

Plus de 200 réunions ou groupes de travail par an- Une équipe d’animation de 5 personnes, 11 langues pratiquées- Plus de 60 projets incubés ou engagés -

Un portefeuille de marques au service des membres du réseau•

WEST- , Le Territoire du Bien Manger Durable® et son logo.

Le Bien Manger Durable- ®

Made in WEST- ®

WEST Communities- ®

Une création potentielle de valeurs, de l’ordre de 50 à 100 millions d’euros et la consolidation ou la création de 1 250 à 2 500 emplois, d’ici trois ans.

Les réalisations 2004-2010

Dès l’origine de notre démarche, nous avons pris le parti de traiter de la compétitivité de chacun des acteurs, pour concourir à construire le « Bien Manger Durable® » que réclame le consommateur en quête de sécurité et de qualité alimentaire et notre planète, dont nous devons prendre soin.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 181

Au sein du Cluster WEST, chaque projet participe à la construction de ce « MADE IN WEST® », qui recouvre : une vision de l’évolution de la production agroalimentaire dans le monde, une charte d’engagement, un comportement, des bonnes pratiques et une volonté de valoriser une démarche collective propre aux acteurs de la chaîne de valeur de l’agroalimentaire du Grand Ouest européen, WEST.

L’esprit d’ouverture du réseau et la convivialité vécue entre les membres, alliés au souci d’efficacité qui appelle la prise de risque collective nécessaire, caractérisent l’engagement des acteurs du Cluster WEST.

Ces qualités ont accéléré les liens entre les différents projets émergeant au sein du Cluster WEST et permettent de mettre en œuvre une « économie circulaire de proximité » au service d’un « Bien Manger Durable® » pour l’humanité, tout en servant les intérêts de chaque acteur concerné et impliqué.

C’est pourquoi, nous pouvons clairement affirmer que nous avons « levé », comme le boulanger lève sa pâte, un nouveau modèle économique, celui de l’économie circulaire de proximité à haute qualité environnementale.

Celui-ci est pertinent et opportun, pour répondre aux deux enjeux majeurs suivants : bien nourrir l’humanité et protéger la planète : Bien manger durable®.

Il est le seul qui permette de répondre à la crise alimentaire mondiale actuelle et croissante en proposant une offre, en quantité et en qualité et à un prix accessible au plus grand nombre.

Ce modèle est aussi une réponse pragmatique à l’affirmation d’Edgard Pisani, membre fondateur du Cluster WEST, selon laquelle « nous aurons besoin de toutes les agricultures».

Au début de notre démarche, cinq grands thèmes d’action avaient été retenus ; notre développement depuis quatre ans a fait émerger plus de 40 projets, aujourd’hui incubés ou engagés.

Grâce aux actions transversales conduites au sein du cluster, ceux-ci peuvent être classés aujourd’hui, en sept nouveaux axes de travail illustrant concrètement le « MADE IN WEST® » :

Cette démarche s’appuie sur la capacité des membres du réseau à s’approprier le projet global « Made In WEST® » dans un esprit communautaire et sur leur volonté partagée de devenir un «référant» au sein de l’Union Européenne en matière de « Bien Manger Durable® ».

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE182

Cette étape est fondamentale pour nous afin de construire demain la place de marché du « Bien Manger Durable® » à l’instar de la place de marché de Chicago pour les matières premières.

C’est un objectif que nous nous sommes fixés dès le 4 novembre 2004, avec celui de s’inscrire dans une démarche de co-développement pour nourrir l’humanité.

De manière transverse à l’ensemble des actions décrites précédemment, plusieurs projets ont été initiés au sein du Cluster WEST grâce à notre benchmark international, à l’ouverture internationale de notre site accessible en 25 langues et aux actions de prospection menées par certains acteurs du Cluster WEST.

Plusieurs projets sont en cours de développement vers des pays comme la Roumanie, le Mexique, la Malaisie et plus largement l’Asie, l’Afrique, dont le Niger, le Tchad, le Sénégal,…

Deux projets parmi d’autres, quarante sont en émergence ou incubés, sont particulièrement exemplaires, ceux de JTS et d’ABCar.

JTS Semences société, a mis au point les JTA « Jardins Tropicaux Améliorés » dont Edgard Pisani nous dit que « son initiative n’est que le premier chantier d’une politique qui, si les Gouvernements Africains le veulent et si le Monde y contribue, peut, en une génération, rendre l’Afrique autosuffisante et maîtresse de son destin. »

Trois pays ont souhaité aujourd’hui entrer dans ce type de coopération, s’appuyant sur des initiatives locales réussies de dynamisation des populations : le Niger, le Tchad et le Sénégal, avec lesquels nous sommes en étroite relation.

ABCar, en développant la technologie DIC (« Détente Instantanée Contrôlée »), répond à deux autres besoins cruciaux des pays émergents dont la population est en état de sous-alimentation : celui de la maîtrise des cours, celui de la sécurité de l’approvisionnement et de la qualité des produits primaires pour nourrir la population. Plusieurs pays ont déjà montré leur intérêt pour la mise en œuvre de cette technologie : le Mexique, la Malaisie et d’autres pays avec lesquels des projets sont engagés.

Ces parties du monde constituent un gisement de développement « symbiotique » entre ABCar et les populations locales : de nombreux besoins sont exprimés : la conservation des fruits et légumes en période de surproduction, le séchage et l’étuvage du riz, la première céréale cultivée et consommée en Asie, et l’extraction des huiles essentielles et huiles végétales.

D’une manière plus générale, il s’agit de la valorisation des agroressources des pays tropicaux ou émergents.

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Derrière le développement d’ABCar, de JTS et de Card+, tehnique de potabilisation de l’eau, à l’étranger, plusieurs autres entreprises du Cluster WEST pourront saisir des opportunités de développement, par le transfert technologique de leur savoir faire.

Enfin, grâce à un partenariat très actif avec l’ONUDI et l’Alliance Outre Atlantique Intercultural, nous avons pu et pourrons à l’avenir développer des échanges concrets avec les pays du Sud, notamment en Amérique latine.

Ce type de co-développement permet de jouer « gagnant – gagnant » en créant du sens puisqu’il s’agit de donner à l’humanité, à bien manger durablement selon « Made in WEST® ».

Pour réussir ce challenge nous avons renforcé l’ouverture de notre équipe d’animation à l’international, nous permettant ainsi d’être à l’écoute ou présents dans des zones anglicistes, hyspanisantes ou slavophone ou chinoises, soit onze langues pratiquées.

Perspectives 2011 – 2012VI-

L’économie de la connaissance est une réalité vécue au quotidien dans le Cluster WEST. Tout est possible, dès l’instant où la confiance est créée entre les acteurs. Cette confiance s’appuie sur une information transparente qui circule, en temps réel, entre tous les acteurs du réseau. C’est l’objet de la Lettre d’information hebdomadaire, du site et de la plateforme Web 2.0.

Chacun peut prendre à volonté sa part, apporter sa contribution et par ce lien, participer à des projets collectifs.

Notre pratique systématique du benchmark international ne suffit pas toujours à changer la charge de la preuve, pour faire évoluer l’application des règlementations en cours, mais elle nous permet d’avancer.

C’est pour cela que nous avons opté pour l’ouverture maximum sur le monde, grâce à nos correspondants étrangers présents dans 57 pays, à l’accès à notre site en 25 langues et à notre équipe composée de 5 nationalités, parlant onze langues

La sanction du résultat nous mobilise, elle n’exclut pas la convivialité, mais nous oblige à la responsabilité.

La circulation de l’information qui s’accélère aujourd’hui, grâce à internet, nous met en permanence en concurrence et notre compétitivité est chaque jour menacée. Pour y répondre, il nous faut mutualiser nos efforts, nos moyens et alimenter notre ouverture permanente sur le monde.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE184

Nous commencons à enregistrer les premiers résultats.

L’ensemble des actions engagées au sein du Cluster WEST devrait induire entre 50 et 100 millions d’euros de valeurs créées, « Made in West® ». et la consolidation ou la création de 1 250 à 2 500 emplois sous trois ans.

A ces valeurs créées il faut ajouter les « richesses » induites, celles construites par les hommes à l’occasion des rencontres, des réunions de travail ou des échanges que nous avons développés entre nous et qui nous ont « enrichi du projet de l’Autre ».

C’est cela la principale force d’un cluster.

Sur ce dernier point nous pouvons dire que nous avons aussi réussi et que c’est une raison supplémentaire, voire essentielle, qui doit nous encourager à continuer.

Plan d’actions et moyens associés 2010-2011VII-

Les objectifs du projet, répartis en buts et moyens peuvent se résumer ainsi :

Nos buts à atteindre :

Accélérer la réalisation effective du potentiel de création de valeurs déjà - acquis fin 2008 (100 M€ de valeur ajoutée sur 3 ans) par les acteurs du « Bien Manger Durable® » du Grand Ouest de la France,

Consolider notre capacité à faire émerger des projets et à accompagner - leur développement,

Donner de la visibilité à la démarche pour participer à sa reconnaissance - et à son développement,

Elargir et professionnaliser le réseau de compétences, -

Développer les marques - Made in WEST® et Bien Manger Durable® pour renforcer le sentiment d’appartenance à un projet collectif pertinent sur le plan international.

Obtenir une plus grande mobilisation et un meilleur engagement de la - part des membres

Renforcer notre présence à l’international.-

Les moyens à mettre en œuvre :

Renforcer l’équipe d’animation, -

Optimiser et « customiser » notre plateforme Web 2.0 « West - Communities® » pour faciliter les partages d’expérience et les travaux

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collaboratifs par la création de plateformes dédiées, permettant d’accélérer la mise en œuvre des projets et leur mise sur le marché,

Développer la formation des membres du Cluster à la pratique des - nouveaux modes numériques communautaires qui amélioreront ainsi leur appropriation de la démarche et faciliteront l’expression individuelle de tous autour de projets collaboratifs existants, ou à venir, de documents de travail, d’actualités ...

Mettre en place une communication multidirectionnelle (communiqués - de presse, informations produits, veille en provenance de partenaires, d’institutionnels, de correspondants étrangers, communication entre les membres du réseau et avec un public plus large…)

Améliorer les conditions techniques d’accès à notre réseau.-

Toutes ces actions sont engagées. Notre développement à l’international s’accélère, les projets se développent, d’autres actions collaboratives émergent enfin et notre légitimité économique est avérée.

De bonnes bases pour nous développer et donner à chacun de nos membres, à chacun de nos interlocuteurs français et étrangers, de bonnes raisons de continuer à « agir en meute », pour produire un « Well Eating Sustainable, Made in WEST, by WEST Communities » pour « nourrir l’humanité » avec succès.

Car, «Etre ensemble est un début,

Rester ensemble est un progrès

Travailler ensemble est une réussite »

Henry Ford

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LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE

ATTENTES DES JEUNES DES ZONES PHOSPHATIÈRES DU GROUPE OCP

Résultats d’une enquête

Par Driss Guerraoui,Professeur à l’Université Mohammed V de Rabat Agdal

L’ objet de cette contribution est de rendre compte des attentes des jeunes des zones phosphatières de Youssoufia, Benguerir et Khouribga du

Groupe OCP et ce à partir d’une enquête que nous avons réalisée auprès d’un échantillon de 150 jeunes lycéens des classes terminales de l’enseignement secondaire qualifiant relevant des Académies d’El Jadida et Marrakech.

Si 16,2 % de ces jeunes ont entre 15 et 17 ans, 70,9 % ont un âge compris entre 18 et 19 ans et 12,8 % sont âgés de plus de 20 ans. Autrement dit, 83,7 % des jeunes élèves enquêtés sont sensés poursuivre des études postsecondaires ; réalité qui révèle l’existence dans les lycées enquêtés de forts taux de redoublement.

Par ailleurs, 95 % des jeunes enquêtés appartiennent à des couches très modestes, dont 28,7 % des leurs parents sont des retraités du Groupe OCP et 24 % travaillent dans ce Groupe, dont 8,3 % seulement ont un niveau d’ingénieur. Le reste des parents exerce dans l’enseignement ( (10%), et 3,3% sont orphelin de père. A ce même niveau, 92 % des mères des élèves enquêtés sont des femmes au foyer, le restant (5,3 %) exerce dans les secteurs de l’enseignement, la santé et l’Administration territoriale et 2,7% des élèves sont orphelins de mère.

Nous avons assigné à cette étude, entre autres, deux objectifs majeurs : évaluer l’image qu’ont les jeunes des zones phosphatières du Groupe OCP et identifier leurs attentes par rapport à ce Groupe au double niveau de leurs situations personnelles et de l’apport attendu de cette entreprise en matière de développement économique et social de leurs régions.

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L’image du Groupe OCP auprès des jeunes des zones phosphatières :I-

Les résultats de l’enquête que nous avons menée révèlent que l’image du Groupe OCP auprès des jeunes des zones phosphatières est partagée, bien que majoritairement cette image est somme toute relativement positive.

En effet, si 49,0% des jeunes ont une image positive du Groupe OCP, 47,6% ont une appréciation négative, et seuls 3,4 % sont sans opinion. L’image à la fois positive et négative l’est plus chez les garçons que chez les filles, puisqu’elle est respectivement de 50 ,0 % et 48,3 % d’un côté et 50 % et 46 % de l’autre.

Tableau 1 : Répartition des jeunes enquêtés selon l’image qu’ils ont du Groupe OCP (en %)

Modalités Féminin Masculin Total

Positive48,3 50,0 49,0

Négative46,0 50,0 47,6

Indifférent5,7 0,0 3,4

Total 100,0 100,0 100,0

Source : Données de l’enquête

Pour ceux parmi les jeunes qui ont une image positive, ils justifient leurs réponses par le rôle indéniable que joue selon eux le Groupe OCP dans le développement économique et social de leurs régions. Il est de leur point de vue le levier le plus important dans la promotion de l’emploi et des qualifications, ainsi que dans l’amélioration des conditions de vie de populations entières des zones d’implantation du Groupe , en sus des conditions de rémunération et de prestations sociales très avantageuses dont bénéficie son personnel.

Pour ceux qui ont une image négative, ils l’’explioquent par le fait que les actions et projets du Groupe OCP ne bénéficient pas aux jeunes de la région. Selon eux, les ressources de la région ne sont pas utilisées à bon escient, notamment en matière de promotion de l’emploi des jeunes de la région. Ils donnent comme argument le fait que la majorité des employés de l’OCP viennent d’autres régions du Maroc, alors que la priorité doit être accordée aux ressources humaines locales. Pourtant, affirment certains jeunes enquêtés, les diplômés chômeurs de la région ont un profil qui est en parfaite adéquation avec les activités de l’OCP.

L’image négative de l’OCP est attribuée, également, à l’évolution lente du développement de la région en terme d’infrastructures, d’activités culturelles et de formation, alors que selon eux Khouribga est sensée être un pôle économique et social important à une échelle nationale au regard des recettes générées par l’exportation des phosphates.

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Cependant, fait important à signaler, les jeunes enquêtés ont, dans leur grande majorité, une appréciation positive des rôles économiques et sociaux que joue le Groupe OCP dans leurs régions, quand on prend en ligne de compte le regroupement des modalités choisies par eux, comme le révèle le tableau suivant.

Tableau 2 : Répartition des jeunes enquêtés selon leur évaluation des rôles économiques et sociaux que le Groupe OCP jouent dans leurs régions(en %)

Modalités Féminin Masculin Total

Création de l’emploi (1) 12,5 11,3 12,0Animation de l’activité économique (2) 8,0 6,5 7,3Elargissement de l’accès àl’infrastructure (3) 2,3 1,6 2,0Attrait d’autres investissements (4) 3,4 1,6 2,7Promotion du développement dela région (5) 3,4 1,6 2,7Autres (6) 10,2 11,3 10,71/2 11,4 6,5 9,31/5 2,3 8,1 4,72/5 2,3 6,5 4,01/2/5 10,2 9,7 10,0

Total 100,0 100,0 100,0

Source : Données de l’enquête

Selon la profession du père, on note que sur le nombre de jeunes ayant choisi la modalité « création de l’emploi », 39% ont un père retraité du Groupe OCP. Cette proportion atteint 75% de ceux qui ont choisi la modalité « promotion du développement de la région », 35,4% pour l’animation de l’activité économique et 33,3% pour l’élargissement de l’accès à l’infrastructure. Ce qui témoigne en soi et implicitement l’importance des attentes des jeunes des zones phosphatières du Groupe OCP.

Les attentes des jeunes des zones phosphatières du Groupe OCPII-

les attentes en matière de promotion du développement économique II.1- et social des zones phosphatières :

En interrogeant les jeunes enquêtés sur les actions que doit accomplir l’OCP pour contribuer au développement économique et social de la région, la remarque principale est le choix par eux de plusieurs modalités, faisant toutes ressortir, d’une

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part les besoins importants de la région et de l’autre le rôle capital qu’attendent les jeunes du Groupe l’OCP dans la mise à niveau sociale et économique de leurs régions.

Ainsi, 92,7% des élèves enquêtés ont proposé à ce que le Groupe OCP accorde la priorité aux jeunes de la région dans sa politique d’embauche,. Dans ce cadre, 80,7% considèrent la création de l’emploi comme un moyen efficace de promotion et d’amélioration des conditions de vie de la population, 78,7% sont pour le soutien de l’OCP aux couches défavorisées dans la promotion de la scolarisation, 62,3% ont choisi la diversification des activités économiques dans la région et 59,1% estiment que le Groupe doit accorder une réelle place à la promotion de la recherche scientifique et technique dans la région.

Les attentes des jeunes à ces divers niveaux sont telles que dans leur grande majorité, certains élèves enquêtés ont proposé l’appui par l’OCP aux couches sociales défavorisées, notamment dans les domaines de l’emploi, de l’habitat, de l’enseignement et de la santé.

Ces faits expriment deux constats majeurs. Le Premier concerne les attentes des jeunes de la région vis-à-vis du Groupe OCP en tant qu’entreprise exploitant les ressources et les richesses de leurs régions. Le deuxième montre une sorte d’expression par les jeunes d’une dette qua le Groupe vis-à-vis des populations des zones phosphatières, puisque certains élèves enquêtés demandent tout simplement la couverture par l’OCP de tous les services sociaux au profit de tous les habitants de ces zones et un appui à tout projet de développement économique et social régional.

Tableau 3 : Répartition des jeunes enquêtés selon le sexe et les actions attendues du Groupe OCP en matière de développement économique et social de leurs régions (en %)

Modalités Féminin Masculin Total

Accorder la priorité aux jeunes de la région dans leur politique d’embauche

92,0 93,5 92,7

Aider à la diversification des activitéséconomiques dans la région

55,7 69,4 61,3

Soutenir les couches défavorisées dansla promotion de la scolarisation

75,0 83,9 78,7

Création de l’emploi 72,7 91,9 80,7

Développement de la recherche scientifiqueet technique dans la région

55,7 64,5 59,3

Autres 3,4 8,1 5,3

Total 100,0 100,0 100,0

Source : Données de l’enquête

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 191

Les attentes des jeunes en matière d’emploiII.2-

Les résultats de l’enquête révèlent à ce niveau un fait majeur. 77% des élèves enquêtés aimeraient travailler à l’OCP. Les garçons sont plus attirés par le Groupe comparativement aux filles, soit des proportions respectives de 83,3% et 72,7%. Les raisons invoquées concernent les avantages que leur procure une telle perspective, notamment de pouvoir bénéficier de la proximité régionale, le soutien matériel de la famille, les avantages matériels et sociaux accordés au personnel, mais également, affirment-t-ils, le fait que cette possibilité leur offre l’opportunité de contribuer mieux au développement de leurs régions.

Si pour certains élèves, travailler à l’OCP est un rêve à réaliser, d’autres ont mis le Groupe OCP en deuxième position au cas où leur rêve initial n’a pas été atteint.

A l’opposé, seuls 23% des élèves enquêtés ne voudraient pas travailler à l’OCP, 27,3% chez les filles et 16,7% chez les garçons. Leurs choix portent sur des activités et des professions qui n’ont carrément aucun lien avec le Groupe OCP, en particulier les secteurs de l’agriculture, du tourisme ou le choix de créer leurs propres entreprises. D’autres jeunes encore ont tout simplement déclaré ne pas préférer travailler et habiter dans leurs régions une fois leurs études supérieures terminées.

Concernant le point de vue des jeunes sur les actions à entreprendre par les responsables de l’OCP en vue de les encourager à travailler dans le Groupe les attentes et les propositions sont très diverses et pertinentes. En effet, 45,6% des élèves enquêtés ont proposé la création par l’OCP de centres de formation spécialisés dédiés aux futurs cadres du Groupe, l’octroie de bourses d’études aux jeunes des zones phosphatières et l’organisation auprès d’eux de campagnes d’information et de sensibilisation sur les profils recherchés par le Groupe. Cette proportion est très élevée chez les garçons, soit 45,6% contre seulement 39,8% chez les filles.

Tableau 4 : Répartition des jeunes enquêtés selon les actions à entreprendre par l’OCP pour encourager les jeunes des zones phosphatières à travailler dans le Groupe (en %)

Modalités Féminin Masculin Total

Créer des centres de formation dédiés aux futurs cadres désirant travailler au sein du Groupe OCP (1)

5,7 8,2 6,7

Octroi de bourses d’études (2) 10,2 3,3 7,4

Campagnes de sensibilisation sur les profils recherchés par le Groupe (3)

13,6 6,6 10,7

Autres (4) 1,1 3,3 2,0

1/2 8,0 9,8 8,7

1/3 12,5 11,5 12,1

2/3 9,1 3,3 6,7

1/2/3 39,8 54,1 45,6

Source : Données de l’enquête

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Les priorités de la politique générale du Groupe OCP vues par les II.3- jeunes des zones phosphatières

La vision qu’ont les jeunes des zones phosphatières de ce que devrait être la politique générale du Groupe OCP est édifiante, en particulier en matière de politique d’embauche. En effet, 92,6% des élèves enquêtés pensent que la priorité en matière d’embauche et de subvention des actions de développement doit être accordée par l’OCP aux jeunes des régions de Khouribga, Benguerir et Youssoufia. Cette proportion atteint 95,1% chez les garçons et 90,9% chez les filles.

Les jeunes justifient cette vision des priorités par le fait que le Groupe OCP se doit de gérer l’une des contradictions les plus essentielles que vivent ses zones d’implantation, d’un côté il y a des régions qui produisent les effets externes positifs dus à l’exploitation des richesses minières de leurs régions et des ressources financières importantes que génèrent ces richesses et de l’autre une jeunesse affectée très massivement par le chômage.

Aussi, affirment-t-ils, parce que les opportunités d’emploi ne sont pas offertes par l’OCP aux jeunes de la région, et parce que leurs chances de trouver un travail se réduisent, voire s’anéantissent dans le contexte actuel d’une économie nationale secouée par la crise internationale, ils se considèrent comme prioritaires dans toute politique future d’embauche du Groupe.

D’autres jeunes enquêtés, soit 7,4% (9,1% chez les filles et 4,9% chez les garçons), pensent qu’au contraire le Groupe OCP est une grande entreprise nationale qui appartient à tous les marocains. Par conséquent, ses activités et ses actions doivent bénéficier à tous les marocains. De ce fait, le Groupe doit utiliser, valoriser et capitaliser toutes les ressources humaines qualifiées disponibles dans le pays , quelque soient leurs régions d’origine.

Les attentes des jeunes en matière d’amélioration de leurs situations II.4- personnelles

En interrogeant les élèves enquêtés sur à la nature des demandes à formuler aux responsables du Groupe OCP en vue de les aider à atteindre leurs objectifs scolaire et professionnel, 48% ont proposé l’octroi de bourses d’études aux jeunes de la région, la promotion du partenariat avec des écoles et universités étrangères à la faveur de l’accroissement de leur employabilité, la création de filières de formation au profit des jeunes des zones phosphatines adaptées aux besoins du Groupe et la priorité que doit accorder celui-ci aux jeunes de la région dans toute politique de formation.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 193

Tableau 5 : Répartition des jeunes enquêtés selon leurs attentes du Groupe OCP en matière d’amélioration de leurs situations personnelles (en %)

Modalités Féminin Masculin TotalOctroie de bourses d’études aux jeunes de la région (1)

9,1 1,7 6,1

Partenariat avec des écoles et universités étrangères (2)

5,7 3,3 4,7

Création de filières de formation au profit des jeunes des zones phosphatières adaptées aux besoins de l’OCP (3)

9,1 3,3 6,8

Donner la priorité aux jeunes de la région en matière de formation (4)

0,0 1,7 0,7

½ 6,8 8,3 7,41/3 15,9 11,7 14,22/3 11,4 10,0 10,83/1 0,0 1,7 0,73/2 1,1 0,0 0,71/2/3 40,9 58,3 48,0Total 100,0 100,0 100,0

Source : Données de l’enquête

Les aspirations des jeunes des zones phosphatières en matière II.5- socioprofessionnelle

Aussi paradoxale que cela puisse paraître, même si le rêve de 77% des jeunes enquêtés est de travailler dans le Groupe OCP, les aspirations socioprofessionnelles de ces jeunes dénotent d’une réelle diversité qui tranche avec les idées reçues et les clichés largement répandus dans la société.

En effet, 25% des jeunes enquêtés (29,5% chez les filles et 18,3% chez les garçons) souhaitent créer leurs propres entreprises, 19,6% préférent travailler dans l’administration territoriale de la région (22,7% chez les filles et 15% chez les garçons), 14,2% aspirent à migreraient dans une autre région (17% chez les filles et 10% chez les garçons) , 13,5% partiraient à l’étranger (11,4% chez les filles et 16,7% chez les garçons), et 13,5 % souhaiteraient devenir un élu de sa région (11,4% chez les filles et 16,7% chez les garçons).

Pour ceux qui ont choisi la création de leur propre entreprise, on relève toujours la recherche de la liberté d’action et l’espoir de participer à la modernisation de la région et à la création d’emploi pour le bien être de la population.

Quant à ceux qui veulent devenir un élu, ils se considèrent connaître bien leur région, ses problèmes et ses potentialités et peuvent mieux la servir en veillant au

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lancement de frais projets de développement avec honnêteté et abnégation. Ils se considèrent patriotes et jaloux des avancées de leur région.

Pour ceux qui ont choisi l’administration, ils avancent le calme et le cadre propice dans un milieu où ils ont été éduqués et pour qui ils sont prêts à s’investir pour le développement de leur région.

Pour ceux qui veulent émigrer et quitter leurs régions d’origine, la raison principale est attribuée à la faiblesse des opportunités d’emploi dans ces régions, ainsi qu’aux services et infrastructures disponibles dont la faiblesse obligent des populations entières à migrer vers Casablanca ou Marrakech, qui disposent , selon ces jeunes, d’activités et de prestations de qualité.

Le départ à l’étranger est une éventualité pour certains élèves qui jugent la situation du marché local de l’emploi est similaire dans l’ensemble des autres régions du Maroc.

Si les explications avancées par les jeunes sont diverses, elles convergent, cependant , toutes vers leur attachement au soutien matériel de leurs familles comme dernier recourt en vue de l’amélioration de leurs conditions de vie.

Tableau 6: Répartition des jeunes enquêtés selon leurs aspirations socioprofessionnelles (en %)

Féminin Masculin Total

Créer votre entreprise dans votre région (1) 29,5 18,3 25,0

Devenir un élu de la région (2) 11,4 16,7 13,5

Travailler auprès de l’administration publique dans votre région (3)

22,7 15,0 19,6

Emigrer vers une autre région (4) 17,0 10,0 14,2

Partir à l’étranger (5) 11,4 16,7 13,5

Autres (6) 8,0 23,3 14,2

total 100,0 100,0 100,0

Source : Données de l’enquête

Le regard des jeunes des zones phosphatières de leur avenir III-

La vision qu’ont les jeunes des zones phosphatières de l’avenir est également partagée, à l‘image de l’appréciation qu’ils ont du Groupe OCP. En effet, 52% des élèves enquêtés ont déclaré être optimistes quant à l’avenir des jeunes de la région (49,4% chez les filles et 55,7% chez les garçons).

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 195

A ce niveau, il ressort des résultats de l’étude plusieurs faits majeurs suivants :

les élèves enquêtés croient en la capacité des jeunes de ces zones à accéder - aux meilleurs postes et aux meilleurs emplois. Mais selon eux, de nombreuses contraintes demeurent, notamment celles liées à leur éloignement des grands pôles économiques du pays et à l’absence de visibilité concernant le développement futur de leurs régions.

Cependant, la dernière visite Royale est considérée par eux comme - déterminante pour l’avenir du développement de leurs régions. Avec cette visite un espoir est née et croît auprès des jeunes des zones phosphatières.

Dans le cadre de cette dynamique, les jeunes de ces régions attribuent - leur optimisme aux actions menées depuis cette visite par le Groupe OCP , renforçant son rôle de premier employeur et d’acteur majeur dans la promotion du développement de leurs régions.

A l’opposé, 48% des jeunes enquêtés, 50,6% pour les filles et 44,3% pour - les garçon, estiment que l’état actuel du développement de leurs régions ne favorise pas l’optimisme, même si les acteurs locaux investissent dans la mise à niveau de cette partie du territoire national et que les opportunités d’affaires sont nombreuses pour inciter à l’optimisme.

Ils expliquent leur pessimisme par l’existence dans leurs régions d’un - nombre de diplômés chômeurs dont l’importance anéantit tout espoir en un avenir meilleur. D’autres considèrent que la faiblesse du tissu économique régional va contraindre une grande partie des jeunes à émigrer à l’étranger ou à s’adonner à des activités illicites pour survivre.

Pour une partie de ces élèves, la région demeure très en retard et en décalage - par rapport aux évolutions que connaît aussi bien le système d’éducation et de formation que les grands chantiers de développement lancés ces dernières années à l’échelle nationale . Ils attribuent la responsabilité à l’existence d’élus peu patriotes, exerçant leurs fonctions essentiellement pour la satisfaction de leurs propres intérêts personnels.

Enfin, pour certains élèves enquêtés parmi la catégorie qui a une vision - pessimiste de l’avenir, tant que le Groupe OCP continue à marginaliser les jeunes de leurs régions et à accorder la priorité aux diplômés et aux cadres du reste du pays, il ne pourra pas y avoir de place à l’optimisme. Car, pour eux le Groupe OCP est le principal pourvoyeur d’emploi et demeurera, de ce fait, l’espoir principal des jeunes des zones phosphatières en terme d’embauche et d’amélioration de leurs conditions et cadre de vie.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE196

Conclusions et enseignements

Pour répondre à notre interrogation majeure soulevée dans cette contribution, l’une des conclusions majeure est que le développement régional par l’entreprise est une réalité. D’un côté, parce qu’elle correspond à des actions entreprises effectivement par le Groupe OCP dans ses régions d’implantation et de l’autre en raison des attentes et de l’espoir , même démesuré, fondé par les jeunes sur ce Groupe pour dessiner pour eux un avenir meilleur dans leurs régions d’origine.

A partir des résultats de l’enquête que nous avons mené, tout semble se passer comme si nous sommes en train de passer de l’existence d’une région censée être motrice à la revendication par les jeunes de l’élévation du rang de l’OCP à un Groupe locomotive du développement de ses régions d’implantation.

C’est vers cette mission que le Groupe OCP semble s’acheminer à partir de la nouvelle stratégie globale d’intelligence territoriale qu’il promeut depuis ces dernières années et ce à l’échelle des dimensions les plus essentielles de sa stratégie de développement :

la dimension stratégique à partir de la mise en évidence de formes - originales d’internationalisation et d’alliances stratégiques au service du renforcement des bases nationales de développement du Groupe, avec leurs implications sur ses régions d’implantation en vue de les ériger en véritables pôles de compétitivité du futur, pôles en phase avec les aspirations des jeunes de ces régions en particulier et des populations des zones phosphatières en générale ;

la dimension économique par la création de nouvelles valeurs ajoutées - , grâce à une stratégie de redéploiement industriel axée sur le passage à des nouvelles générations de procédés de transformation des phosphates et de fabrication de produits dérivés.

La dimension technologique par le recours de plus en plus à de nouveaux - matériaux, de choix technologiques nouveaux, de l’éco-chimie, des énergies durables et propres, des projets innovants, un usage optimale du génie national et du partenariat technologique international et le renforcement du système de formation professionnelle en entreprise.

La dimension gestionnaire grâce à la mise en place d’une restructuration - organisationnelle et managerielle fondée sur la mise en place d’une véritable direction par objectifs stratégiques, le rajeunissement des cadres , la responsabilisation des organes de décision et la gestion contractuelle.

Et enfin, la dimension sociale fondée sur la volonté de traduire dans - les faits la démarche de responsabilité sociale du Groupe au moyen

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 197

du respect des prescriptions du code du travail, la modernisation des relations professionnelles par le renforcement du dialogue sociale au sein de l’entreprise et le développement d’actions solidaire tant à l’échelle régionale que nationale, en sus des actions de mécénat à la faveur de la promotion de la culture, des Arts et de la créativité en général.

C’est dans cette perspective développementale que les composantes essentielles de cette stratégie globale de l’OCP permettront à ce Groupe de répondre à un triple défis, celui d’un développement régionale par l’entreprise, celui de l’amélioration de son image auprès des jeunes des zones phosphatières et enfin celui des attentes que fondent en lui, non seulement les jeunes, mais de populations entières en matière de développement économique et sociale de leurs régions, d’insertion professionnelles de leurs jeunes et d’amélioration de leurs conditions et de leur cadre de vie.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 199

DYNAMIQUE ÉCONOMIQUE DES TERRITOIRES DU NORD, LES DÉFIS DE L’AVENIR

Fouad BriniDirecteur Général de l’Agence pour la promotion et le développement des provinces

et des préfectures du Nord du Royaume

Rôle de l’Agence dans le repositionnement du Norddu Royaume autour d’une offre différenciée,

performante et intelligente

Le Nord du Royaume dispose d’importants atouts et d’une position stratégique lui permettant d’être l’interface d’intégration du Maroc dans

la dynamique de la mondialisation.

Conscient du fait que le développement du Nord permettrait à la fois d’améliorer le cadre et le niveau de vie des populations tout en faisant de lui une locomotive de développement pour le reste du Royaume, le Gouvernement marocain, sous la Haute impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a enclenché la mise en place d’une initiative forte de développement du Nord du Royaume en vue d’en faire un modèle de développement économique et social intégré.

Cette initiative s’est concrétisée par une politique volontariste de développement humain, économique et social dans les provinces du Nord, tant à travers le lancement de grands projets structurants qu’à travers la mise à niveau et le désenclavement des territoires ou encore les actions visant à assurer le développement humain et social des populations.

Cette politique volontariste a été confortée par la création en 1996 d’un outil institutionnel : l’Agence pour la Promotion et le Développement Economique et Social des Préfectures et Provinces du Nord du Royaume (APDN). Cet outil gouvernemental a été mis en place pour être un catalyseur/accélérateur du développement et de la mise à niveau du Nord du Maroc en jouant le rôle de coordonnateur et d’animateur des efforts publics, privés et locaux du développement. Son mode d’intervention partenarial lui permet à la fois de

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE200

promouvoir les programmes structurants et nationaux comme de dynamiser les initiatives locales (voir annexe 1 : Périmètre d’intervention de l’Agence).

L’Agence a réussi ainsi à élaborer et à affiner une démarche stratégique rationnelle partant de la vision long-terme de la région et ce selon une matrice du cadre logique (voir annexe 2 : Cadre Logique d’intervention de l’Agence du Nord).

Aux portes de l’Europe, le Royaume du Maroc a enclenché, depuis une décennie, à travers ses territoires du Nord une grande dynamique de croissance doublée d’un sens aigu de créativité, pour rebondir et retrouver les voies de la prospérité à travers une régionalisation équilibrée et une compétitivité énergique.

Sous la haute impulsion Royale, l’Etat marocain a réalisé de grands projets structurants dans le Nord, aussi bien dans le domaine de désenclavement territorial que dans celui de l’accessibilité des populations aux infrastructures de base. Ces réalisations ont également concerné l’appui aux secteurs productifs, sociaux et culturels.

C’est ainsi que les départements sectoriels ont pu mettre en place des stratégies volontaristes qui répondent aussi bien aux objectifs et aux priorités nationales qu’aux spécificités et particularités régionales et locales.

L’Agence du Nord vise, conformément à son rôle de coordonnateur et d’animateur de développement régional, à contribuer efficacement à la convergence et à la synergie des actions mises en œuvre pour le développement des préfectures et provinces du Nord en prenant en compte les spécificités et les potentialités de cette zone du pays.

Les régions du Nord ont ainsi bénéficié, au cours des dix dernières années, de la réalisation de plusieurs projets dans différents secteurs, qu’il s’agisse de petits projets à portée locale ou de grands chantiers structurants de grande envergure. C’est ainsi que le total d’investissement consacrés au projet et programmes réalisés au cours de la décennie ou programmés dans ces régions dépasse les 250 milliards de DH.

Des projets structurants aux standards internationaux

Faire du Nord du Royaume le point d’ancrage du pays à la dynamique de mondialisation, c’est doter cette région d’une infrastructure d’envergure capable d’en faire un relais mondial des flux de biens et de marchandises. Ainsi, parmi les principaux projets structurants réalisés ou en cours de réalisation, il est à souligner :

Les ports de Tanger Med I et Tanger Med II •

Lancé en 2003 grâce à la volonté Royale et situé au croisement des grandes routes maritimes est-ouest et nord-sud des navires porte-conteneurs, Tanger MED concentre l’essentiel (85 %) de son activité sur le transbordement de conteneurs et vise le trafic de la Méditerranée occidentale, de l’Afrique de l’Ouest et du Nord de l’Atlantique.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 201

Depuis juin 2009, le complexe portuaire Tanger MED a pris une nouvelle dimension avec le lancement d’un nouveau port à conteneurs, situé sur le flanc ouest, le port de Tanger MED II. Ce nouveau projet encore plus ambitieux que le premier, conduira à la réalisation de nouveaux terminaux à conteneurs en eaux profondes qui offriront une capacité supplémentaire de 5 millions de conteneurs EVP qui lui permettra de compter parmi les plateformes à conteneurs de référence à l’échelle planétaire.

Le couple Tanger MED I et II bénéficiera au mieux des synergies potentielles et des économies d’échelle relatives aux infrastructures de connexion et d’appui réalisées entre 2003 et 2007 (autoroute, voie ferrée, etc.).

Le lancement de ce projet exceptionnel a été rendu possible grâce à une évolution positive de la demande en infrastructures portuaires, à la position stratégique et optimale du détroit de Gibraltar et à l’expérience réussie du premier port. Ce second port suscite un grand intérêt auprès des opérateurs mondiaux du secteur et confirme l’avantage compétitif de Tanger MED I et II et sa position stratégique sur l’échiquier du commerce mondial.

Les ports Tanger MED I et II sont dotés de zones franches et de zones d’activités visant à faire de la région du Détroit un pôle d’excellence industrielle et logistique au niveau du Maroc et de l’ensemble de la Méditerranée. L’installation d’un grand complexe de production de Renault à proximité du port témoigne de la réussite du pari de créer une zone portuaire et industrielle à fort rayonnement sur tout le pourtour méditerranéen.

Le projet de reconversion de la zone portuaire de Tanger Ville •

Ce projet doit venir conforter le nouveau positionnement régional. Les principes fondateurs de ce projet reposent sur deux axes majeurs, à savoir :

rendre l’eau à la Cité et-

unir le port et la ville. -

Il s’agit, pour le premier axe, de rétablir la liaison initiale de la métropole avec l’eau et de réintroduire l’environnement écologique originel ainsi que de reconvertir les espaces portuaires en espaces d’accueil maritimes et terrestres. Pour le deuxième axe, la société chargée de la reconversion prévoit de valoriser le patrimoine de la zone portuaire et mettre en valeur le patrimoine architectural attenant et de Créer de nouveaux espaces de vie et de nouvelles vocations créatrices de valeur socio-économique.

Une bonne couverture aérienne et ferroviaire•

Avec l’aéroport international de Tanger Ibn Batouta (auquel s’ajoutent ceux d’Al Hoceima et de Tétouan) et 2 axes ferroviaires nationaux, le Nord du Royaume est bien couvert par ces deux modes de transport. De nombreux travaux

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE202

d’aménagement et d’équipement ont été réalisés pour l’ensemble des aéroports et gares de la région.

Un nouveau terminal pour l’aéroport Tanger Ibn Batouta•

Le nouveau Terminal de l’aéroport Tanger Ibn Batouta, a nécessité une enveloppe budgétaire de 239 millions de DH. D’une superficie de 12 000 m², avec une capacité de 1 million de passagers par an, ce nouveau terminal a pour objectif d’augmenter la capacité d’accueil de l’aéroport de la ville du Détroit et de répondre aux besoins des projets structurants que connaît la région.

Des efforts ont également été déployés pour l’entretien et la mise à niveau des infrastructures, pistes et terminaux existants et notamment au niveau des aéroports de Tanger, Al Hoceima et Tétouan (ce dernier devrait être adapté et préservé malgré une urbanisation périphérique galopante).

En dehors du trafic régulier et commercial, la construction d’un aérodrome à Taza devrait permettre à celui-ci de jouer un rôle important dans la lutte contre les incendies et la protection de l’environnement.

Un réseau ferroviaire en devenir : déjà 5,5 milliards de DH d’investissements•

Le réseau ferroviaire n’est pas en reste avec l’extension du réseau, la réfection des voies existantes et le développement de nouvelles lignes comme la construction d’une voie express de 45 km pour relier le port de Tanger MED au réseau ferroviaire national. Les projets engagés dans la région Nord par l’ONCF pour la période 2005-2009, représentent un montant global d’investissement de l’ordre de 5,5 milliards de DH.

Il s’agit notamment de la desserte ferroviaire du port Tanger MED qui reliera la ville du détroit au projet phare de la région avec un investissement de 2,9 milliards de DH. Les projets 2005-2009 dans la région Nord concernent également l’amélioration de la ligne classique Tanger-Casablanca. Les investissements de l’ONCF permettront également la mise en service d’un matériel de transport entièrement rénové aux normes et standards de qualité.

Une Liaison à Grande Vitesse pour le Maroc•

Le lancement à l’horizon 2015 d’une Liaison à Grande Vitesse (LGV) entre Casablanca et Tanger devrait concrétiser l’émergence de la première région à circulation rapide en Afrique.

Selon les prévisions de l’ONCF, la ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca sera opérationnelle au plus tard au début de l’année 2015. Cette section de la LGV nécessitera un investissement global de 20 milliards de DH pour la construction de 500 kilomètres de voies.

Le TGV marocain comportera 18 rames de deux étages et reliera à plus de 300 km/heure les deux pôles économiques, Tanger et Casablanca, en 2 heures 10 minutes au lieu de 4 heures 45 minutes aujourd’hui. Avec un départ toutes les heures, il

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 203

devrait transporter, dès sa mise en service, quelques 8 millions de passagers par an.

Un repositionnement stratégique afin de relever les défis du présent et préparer l’avenir

l’APDN cherche à la fois à consolider ses orientations stratégiques précédentes tout en intégrant plusieurs nouvelles contraintes ainsi que les postures qu’elles impliquent :

La globalisation/mondialisation et l’ouverture du Royaume sur les • flux internationaux soumettent les territoires à une forte concurrence économique et sociale et ceux-ci doivent relever pour leur développement des enjeux de compétitivité et d’attractivité. Ë Think global

Les impératifs du développement durable exigent une meilleure • territorialisation des approches de développement et de concentrer l’action de l’Agence notamment dans les zones les moins dotées en termes d’équipements de base et de services aux populations. Ë Act local

La déconcentration progressive de l’Etat ainsi que le renforcement du rôle • de certains acteurs impliqués dans le développement régional (Régions et autres collectivités locales, Agence Spéciale Tanger-Med, Centres Régionaux d’Investissement, ONG, …) accompagnée de la raréfaction des ressources et des partenariats traditionnels sont des facteurs qui poussent l’APDN à chercher de nouvelles sources de financement d’une part et à maximiser la valeur ajoutée des projets et leur visibilité d’autre part Ë systématisation de l’analyse économique des projets et mise en place d’une meilleure sélectivité et d’une communication accrue

L’évolution du rôle à faire jouer aux territoires dans le but de mieux répondre • aux défis de la mondialisation repose sur une meilleure valorisation des spécificités régionales et une recherche plus ciblée des aspects devant servir à aiguillonner et affermir les avantages comparatifs régionaux. Ë proposition de packs intégrés de développement et de promotion offrant une réponse anticipée.

La nécessité de penser et de choisir ses opérations en intégrant les • impératifs de compétitivité et d’attractivité territoriale au delà des simples visions sectorielles et ce en accompagnant et accélérant, au niveau de son périmètre d’intervention, le rythme de réalisation des grands programmes nationaux, notamment celui de l’INDH, tout en coordonnant les différentes visions des acteurs et en valorisant les vocations et identités spatiales. Ë viser la compétitivité à travers la mutualisation des efforts + marketing territorial

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE204

Consciente de ces défis, l’APDN, dans la continuité de ses programmes d’intervention précédents, est en cours de développer de nouveaux métiers et de nouveaux outils, notamment en termes de veille territoriale et de prospective, en jouant un rôle plus actif dans la promotion des investissements et dans le marketing du territoire et en recentrant ses actions afin de maximiser ses effets de levier et rechercher de nouvelles sources de financement.

Objectifs et axes stratégiques

Ils peuvent être résumés dans les trois axes suivants :

Le développement durable, solidaire et équilibré• du Nord du Royaume

Il consiste à intensifier et cibler les efforts sur le renforcement de l’infrastructure de base, sociale et d’appui, le désenclavement des zones montagneuses et le développement d’activités génératrices de revenus valorisant les potentialités des terroirs ruraux dans le cadre de la protection de l’environnement et des écosystèmes.

A ce titre, la mise en place d’espaces de développement rural vise à aider les territoires ruraux à bâtir des stratégies spécifiques et diversifiées de développement durable en valorisant leurs atouts propres pour renforcer leur infrastructure de base et d’appui, de valoriser leurs bio-ressources tout en permettant un développement humain accéléré. Dans ce cadre, les Plans de Développement Communaux (PCD) sont un outil à même de fournir une meilleure vision des besoins réels et des vocations des espaces ruraux et peuvent ainsi assurer une convergence des acteurs du développement vers des objectifs communs et fortement territorialisés.

Par ailleurs, la transversalité de certaines problématiques de développement (économie informelle ou cannabis) est approchée par des programmes de développement intégré des zones concernées. Ces programmes pluriannuels visent la prise en compte des spécificités des territoires sensibles et du développement équilibré et durable des territoires en offrant des actions transversales tant de mise à niveau des équipements et infrastructures que de développement des activités productives et ce afin d’accélérer le développement de ces zones. A ce titre, le Programme de Développement Integré (2009-2011) prévoit la mobilisation d’un montant de plus de 900 millions de Dirhams.

Enfin, cette valorisation du potentiel des territoires ruraux pourra être aussi favorisée par la politique d’aménagement numérique du territoire, notamment en matière de téléphonie mobile et d’installation de l’Internet haut débit au sein des écoles.

Le renforcement de la compétitivité et de l’attractivité territoriale :•

A travers la création des pôles de compétitivité (Tanger Med, Zones franches et industrielles, Zones logistiques,…), le développement de l’infrastructure d’articulation territoriale et les projets structurants a permis le renforcement de la

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 205

compétitivité et de l’attractivité du Nord en valorisant ses atouts afin d’en faire une locomotive du développement pour le reste du Royaume.

L’APDN contribue à valoriser les pôles d’activités auprès d’entreprises étrangères prêtes à investir dans le Nord pour développer le tissu économique et contribuer à la création de croissance et d’emploi, notamment dans les filières relatives aux nouvelles technologies, aux énergies renouvelables, à la valorisation des productions locales et à la gestion des ressources naturelles.

Par ailleurs, la promotion de l’attractivité ne passe pas uniquement par le soutien aux pôles de développement accéléré mais également par un développement de l’attractivité territoriale des zones rurales à travers le développement des filières intégrées (produits du terroir, artisanat,…) et le renforcement du raccordement aux axes nationaux et le désenclavement (Rocade méditerranéenne notamment).

Dans ce cadre, la mise en œuvre de 3 leviers semble prioritaire :

La valorisation du capital humain et des compétences en développant - l’offre d’enseignement supérieur et de formation professionnelle adaptée aux secteurs porteurs ;

La promotion des territoires avec l’amélioration des packages - existants ;

L’accélération du rythme des grands programmes nationaux (Emergence, - Maroc Numérique, Export+,…).

L’élaboration et l’orientation de la stratégie régionale de développement • en actualisant les priorités de développement

En fonction des évolutions de l’environnement régional, national et international, l’assise institutionnelle et la connaissance du terrain que peut faire valoir l’APDN lui permettrait d’éclaircir et de cadrer les visions spécifiques de développement des différents acteurs en une vision coordonnée et territorialisée du développement. Il s’agit notamment d’assurer une fonction d’étude, d’observation, d’évaluation et de prospective sur les principales problématiques de développement et d’aménagement du territoire qui doivent prendre en considération les impératifs de lutte contre le changement climatique et d’utilisation raisonnée des ressources naturelles. L’objectif est de fournir des supports d’analyses préparatoires aux décisions des acteurs publics en matière de choix de développement et d’aménagement du territoire. Parmi les principaux sujets abordés figurent notamment les politiques d’infrastructures, les politiques de désenclavement rural, les politiques urbaines, la compétitivité, la valorisation des ressources locales, les services aux populations et les questions liées au développement alternatif.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE206

ANNEXES

Annexe 1 : Périmètre d’intervention de l’Agence du Nord

Annexe 2 : Cadre logique d’intervention de l’Agence du Nord

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LE PROGRAMME CACTUS DE L’AGENCE DU SUD DANS LES PROVINCES SAHARIENNES DU

MAROC, D’UN PATRIMOINE HISTORIQUE À UN FUTUR TECHNOLOGIQUE

Karim ANEGAYResponsable des filières auprès de l’Agence du Sud

Qu’est-ce que le cactus ?I-

Les cactacées sont une famille de plantes originaires d’Amérique centrale dont la plupart est adaptée au désert, avec des tiges réservoirs d’eau, une cuticule épaisse et des feuilles transformées en épines.

Par extension, toute plante adaptée de la même façon à l’aridité a tendance à être appelée abusivement cactus, comme c’est le cas de l’Aloe vera ou de l’Agave, qui font pourtant partie de familles botaniques différentes.

Dans la famille des cactacées, Opuntia ficus indica, appelée communément figuier de Barbarie, revêt une importance économique particulière grâce aux multiples usages qu’en tire l’Humanité depuis près de dix mille ans, ses plus vieilles traces de culture remontant à 7000 ans avant J.C. en Mésoamérique, aujourd’hui encore revendiquée sur le blason du drapeau mexicain.

Utilisé à la fois dans comme aliment de base (humains et bétail) et possédant des vertus diététiques, avec de nombreuses applications médicales et cosmétologiques, cette plante miracle permet, dans les régions désertiques où elle a été le plus souvent plantée, à la fois de lutter contre l’érosion, stabiliser les sols, faire barrière à l’avancée du désert, capter l’humidité atmosphérique et partant, stocker la ressource eau si précieuse en permettant à tout un cortège floristique et faunistique de prospérer à son alentour, donc allant jusqu’à « créer » la biodiversité.

Plus près de nous, aux dix huitième et dix neuvième siècles, la culture du figuier de Barbarie a façonné le paysage des îles canaries, car elle servait de support

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE208

à l’élevage de cochenille dont on tire le carmin, colorant naturel qui a fait la splendeur des toges de cardinaux, des capes royales, comme des uniformes de l’armée turque ou des hussards de Napoléon.

Importance du cactus dans le Sud marocainII-

Le figuier de Barbarie est présent au Maroc depuis au moins quatre siècles, après qu’il eût été ramené des Amériques et distribué dans plusieurs zones arides du Monde.

Au Nord de l’Anti-Atlas, on le connaît comme « hendya », terme se rapportant à son origine des « Indes » occidentales ou « kermouss ennssara », figue des Chrétiens, appellation en miroir du figuier « de barbarie », insinuant que son exploitation est surtout le fait de l’étranger. Dans ces zones à pluviométrie plus conséquente, son rôle est principalement celui d’une clôture naturelle, le fruit étant accessoirement consommé.

Sur environ 120 à 150 mille hectares de plantations nationales, la moitié, soit environ 70 mille hectares, se situe le long d’un arc de cercle partant de Sidi Ifni pour arriver à Tan Tan, en restant à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau de la mer et de ses embruns.

Ici, cette plante a une toute autre vocation principale, c’est le fourrage, et les champs de cactus représentent une halte incontournable des circuits de transhumance nomade, différentes tribus du vaste Sahara se rendant depuis des décennies chez les mêmes hôtes sédentarisés pour y goûter la fraîcheur et surtout, puiser et stocker l’eau dont les dromadaires avaient besoin pour la prochaine grande traversée.

Le cactus de ces régions est d’ailleurs appelé Aknari, rappelant qu’il a été introduit depuis l’archipel des Canaries situé à une centaine de kilomètres à peine, et ses variétés locales se déclinent en « Achefri » épineux, « Aissa » et « Moussa », tous deux inermes, avec une qualité terroir leur conférant un goût particulièrement savoureux, et une saison de production s’étalant sur six mois entre les deux variétés.

Le programme cactus, un programme socialIII-

Dans un but de création d’emplois et de revenus, L’Agence du Sud et ses partenaires ont mis en place fin 2008 un programme de développement et valorisation du cactus, pour un montant de 34 millions de dirhams, tirant profit d’une ressource naturelle intrinsèque de la Région, disponible en quantités pléthoriques et au potentiel à peine effleuré, un véritable or vert en friches.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 209

Une étude préliminaire, menée de concert avec l’Association Marocaine de Développement du Cactus, a proposé un plan d’action sur cinq ans, avec des objectifs spécifiques d’optimisation des plantations et de valorisation de la production tout en contribuant à la protection de l’environnement.

Le premier constat étant que les massifs de cactus de la Province de Guelmim consistent en trois zones montagneuses principales fortement enclavées, le Programme a contribué, avec l’aide de la DGCL, au renforcement et à la construction de 170 kilomètres de pistes, facilitant l’accès à ces massifs que l’on ne pouvait atteindre facilement auparavant.

Dès le début du Programme, une série d’études (par exemple sur les traditions locales d’utilisation du cactus), de journées de sensibilisation et de formation aux différentes techniques de valorisation ont permis d’organiser la population locale en associations, coopératives voire groupement d’intérêt économique positionnés dans cette filière.

Des activités génératrices de revenu ont été immédiatement mises en place à travers la matérialisation d’idées simples, telles que l’élevage de poulet beldi nourri avec le surplus de figues de Barbarie au profit de femmes rurales, ou l’encadrement et l’équipement d’une dizaine de coopératives apicoles organisées en union de coopératives, en travaillant vers une labellisation de qualité du miel local et en faisant la promotion de l’abeille jaune saharienne.

La coopérative de Tighmert : la valorisation en démonstrationIV-

Le Programme a émulé la création d’une coopérative dans l’oasis de Tighmert autour d’un noyau de six jeunes femmes rurales diplômées de l’enseignement supérieur, et un bâtiment a été conçu, construit et équipé du matériel nécessaire à la transformation de différents produits de cactus dans des conditions d’hygiène aux normes, les membres de ladite coopérative ayant été formés tant sur les itinéraires techniques de production que sur la gestion commerciale de l’unité créée.

Avec la collaboration notamment de l’Institut National de la Recherche Agricole, plusieurs lignes de produits ont été développées :

de la confiture de figues de Barbarie au goût délicatement sucré ;- du filet de raquettes à vertus diététiques, connu aux Amériques sous le nom - de « nopalito » ;

de l’huile de pépins de figues de Barbarie, aux vertus cosmétiques (anti-rides) - connues, et célèbre comme l’« huile la plus chère du Monde » de par son prix de revient ;

du nectar de figues de Barbarie, restituant la « fraîcheur du désert » et déjà - fortement apprécié par la population locale.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE210

L’huile de pépins et le filet de raquettes produits par cette coopérative ont par ailleurs déjà été certifiés BIO par l’organisme ECOCERT.

Cette expérience a surtout une valeur démonstrative, le gisement de cactus de la Région pouvant, à terme, justifier la création de dizaines de coopératives.

L’aliment de bétailV-

Les Provinces sahariennes du Royaume sont des étendues pastorales par excellence, souffrant toutefois de longues périodes de sécheresse, ce qui rend inévitable le recours à des compléments alimentaires en période de soudure.

Ces compléments alimentaires pour bétail sont produits au Nord du pays, alors que la Région de Guelmim regorge de biomasse végétale stockant l’eau en toute saison : les champs de cactus.

Partant de ce constat, le Programme a fait conduire des essais de formulation d’un aliment complet à base de cactus (fruits et raquettes) complémenté par des produits locaux (céréales oasiennes, fibre de palmier,…) et ajusté en urée, sels minéraux et vitamines.

Plusieurs sets de machines ont été conçus et fabriqués à cet escient, tel qu’un broyeur de fruits de cactus, un mélangeur des différents ingrédients alimentaires, un hachoir de raquettes de cactus, un broyeur de raquettes de cactus séchées, une centrifugeuse pour récupérer les graines,…

Deux coopératives, à Tighmert et à Aferket, ont fabriqué les mélanges obtenus qui ont été testés avec succès sous forme de vrac séché ou ensilé sur des ovins et caprins, et vulgarisé auprès des éleveurs de la Région.

Le coût de revient de cet aliment de facture locale, s’il est produit en grandes quantités, le rend très compétitif par rapport aux compléments importés du Nord du Royaume, et ceci constitue un enjeu de développement majeur.

La prochaine étape consiste, pour le programme, à développer une formulation spécifique d’aliment complet à base de cactus à destination des larges troupeaux camelins qui font l’identité de la Région.

CactusLine et Green TechnologyVI-

Green Technology est une marque déposée par un jeune chercheur marocain, natif de Laâyoune, positionnée comme fabricant de produits nutraceutiques, pharmaceutiques et cosmétiques.

Son produit phare est le Cactusline100, un extrait concentré du cactus Opuntia ficus indica, composé de la forme la plus concentrée de l’actif naturel de cactus

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 211

(AGP ou Arabinogalactane) responsable de la fixation de graisses. Cette protéine du Mucilage du cactus possède la particularité de former un gel physique dans les phases riches en triglycérides. Ce gel permet de fixer ces matières grasses et d’en empêcher l’assimilation ultérieure.

Cactusline100 est capable de fixer 50 fois son poids en huile ou en matières grasses dans les bonnes conditions d’utilisation, lui ouvrant un avenir radieux dans le domaine de la lutte contre les excédents lipidiques, et ce produit est protégé par un brevet marocain et international conférant son exclusivité à Green Technology.

En facilitant l’implantation des installations de base d’une unité de production dans la commune d’Asrir dès 2008 alors que le Cactusline était en phase de tests cliniques en Europe, le Programme a immédiatement permis la création d’une trentaine d’emplois pour femmes rurales dans des phases de préparation préliminaires du processus.

Après avoir assuré sa promotion lors de différents évènements nationaux et internationaux, le Programme facilitera dès 2011 l’implantation d’une unité de production moderne à même de satisfaire les besoins d’un carnet de commande surchargé à l’international après publication des résultats des tests cliniques, au sein du cactopôle de Ouaâroune.

Le centre de collecte d’AferketVII-

Le village d’Aferket est situé au pied du Jbel Guir, qui avec plus de dix mille hectares de plantations, recèle un tiers du potentiel de cactus de la Région.

Le Programme y a déjà installé une unité de production d’aliment de bétail et organisé une coopérative féminine à l’amont de la filière Green Technology. D’autres micro activités y ont cours autour de la culture de cactus, telle que la collecte de fleurs qui seront revendues séchées pour usage médicinal.

Enfin, de par sa position géographique au débouché du jbel Guir, le village d’Aferket est un point de passage obligé de toute la production de cactus collectée dans cette montagne.

A cet effet, et dans un but de regroupement synergique des activités liées à la filière du cactus, le Programme a sollicité l’aide Japonaise non remboursable aux micro - projets locaux contribuant à la sécurité humaine, au profit de l’association locale Yassine pour la culture et le développement.

Ce projet intégré verra ainsi le jour en 2011, consistant en la construction d’un centre polyvalent de valorisation des produits dérivés du figuier de Barbarie, abritant à la fois un dépôt pour les grandes quantités de fruit collecté avant

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transport vers l’unité de conditionnement, un hangar pour abriter les équipements de l’unité de production d’aliment de bétail, et des salles de traitement de la raquette et de la fleur à l’usage de coopératives féminines.

Les trois unités décrites ci-dessus formeront un complexe justifiant l’adduction de vestiaires et d’une salle polyvalente de formation (aux techniques culturales et de transformation du cactus, cours d’alphabétisation, etc…)

L’unité de conditionnement de OuaârouneVIII-

Les actions mises en place par le Programme durant ses deux premières années d’existence ont eu un impact surtout démonstratif, en créant certes quelques emplois, mais en ne faisant qu’effleurer le potentiel de production de richesses offert par les milliers d’hectares de plantation de la Région.

Il apparaît clairement néanmoins que le véritable moteur de la filière du cactus réside dans la commercialisation du fruit, dont le potentiel cumulé des Provinces avoisinantes de Guelmim représente près de cinq cent mille tonnes.

Ce fruit local, très goûteux, déjà commercialisé en vrac par les vendeurs ambulants, pourrait conquérir de nombreux étals de grandes et moyennes surfaces nationales comme internationales, à condition d’être désépiné et conditionné.

A cet effet, une ligne de conditionnement désépinant le fruit avait déjà été conçue et fabriquée par le Programme dès son démarrage, et elle a été installée à l’été 2010 dans une structure en préfabriqué de 200 m2, pourvue d’un système de climatisation.

Cette station de condition, installée par le Programme en un temps record, a été opérée par l’Office de Commercialisation à l’Exportation (OCE), et a fourni, pour la première fois au Maroc, une figue de Barbarie de qualité désépinée et vendue en supermarché, les trente tonnes produites suffisant à peine à fournir l’hypermarché Marjane de Casablanca où elles ont été immédiatement écoulées.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 213

Cette station a montré la voie d’une fédération des différents acteurs de la filière, producteurs, collecteurs, transporteurs, tout en apportant une grande plus value ouvrant des perspectives de commercialisation prometteuses.

Le cactopôle IX-

Afin d’impulser un développement économique conséquent à l’échelle de toute une Région, tirant profit de l’énorme potentiel des milliers d’hectares de plantation locale de figuier de Barbarie, les différents tenants de la filière cactus ont intérêt à regrouper leurs efforts en un seul endroit plutôt que se disperser dans l’espace, et faire appel à l’investissement privé. C’est ainsi qu’est née l’idée de la création d’un pôle régional de compétences cactus localisé en un quartier industriel bien déterminé, le cactopôle.

Ses différents composants travailleront en synergie totale, les sous produits de certaines lignes de production servant de matière première à d’autres, dans une optique zéro déchet d’optimisation économique et de respect environnemental.

Autour de trois moteurs principaux de la filière que seront une grande station de conditionnement, l’unité de production de Green Technology et une usine de fabrication d’aliment de bétail, se greffera une multitude de petites entreprises de transformation de produits dérivés du cactus, qui utiliseront la production des unités principales comme leurs écarts de triage, le tout complété par l’installation d’un centre de l’Institut National de la Recherche Agronomique qui assurera la recherche développement consacré exclusivement au cactus.

Cette zone industrielle moderne sera dotée des infrastructures requises (locaux administratifs, commerciaux, centre de santé, banques, terminaux de transport, etc)

La localisation de ce cactopôle a été arrêtée sur 25 hectares mis à disposition à Ouaâroune, à dix kilomètres de la ville de Guelmim, le long de la route nationale N°1, à équidistance (une trentaine de kilomètres) des principaux massifs de cactus de la région, et à 1 kilomètre de la station de traitement des eaux usées.

Conclusion :

Le figuier de Barbarie est une des plus anciennes cultures humaines, depuis le Néolithique en Mésoamérique.

Il a longtemps été la plante des peuples déshérités ou du petit peuple de pays semi arides.

Parce qu’il arrive à proliférer dans des conditions extrêmes, on l’a longtemps confiné à des sols marginaux, en ne lui demandant guère plus que de fournir un minimum de verdure dans le désert.

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Cette situation prévaut également dans les Provinces du Sud du Royaume où, même s‘il est planté depuis plus de quatre siècles, le cactus n’a jamais été exploité intensivement, et n’a guère été utilisé que comme fourrage.

Le Programme cactus de l’Agence a mis en place et démontré, en deux années d’existence, plusieurs voies de valorisation multiscalaire de cette plante miracle.

Mais plutôt que de se contenter d’une incitation à l’implantation de micro-entreprises locales de transformation (qui pourraient reproduire ad libitum l’expérience de Tighmert dont les produits ont été amplement testés avec succès sur plusieurs marchés), l’Agence du Sud a une vision de développement à bien plus large échelle, qui passe par l’implication du secteur privé.

A cet effet, l’idée d’installer un cactopôle de 25 hectares à Guelmim, correspond à entrer de plain pied dans un futur immédiat où le cactus ne sera plus vu comme une plante marginale, mais comme le vecteur d’une industrie de pointe dans de nouvelles filières secteurs de l’agroalimentaire, de la cosmétique et de la médecine, alimentée localement par des superficies immenses qui peuvent encore doubler ou tripler en maintenant une qualité terroir exclusive de la Région.

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LE DEVELOPPEMENT DE L ELEVAGE CAMELIN

Un levier pour le developpement territorial durable des provinces du sud

Mohamed HOUMYMIDCoordonnateur national du programme de développement

territorial des provinces du Sud

Le dromadaire, une ressource naturelle, patrimoniale et identitaireI-

De par leur vocation pastorale par excellence, les provinces du Sud du Royaume du Maroc regorgent de potentialités et de ressources naturelles d’une manière générale, et zootechniques en particulier, qui sont de nature à assurer un développement durable et harmonieux autour de l’élevage camelin.

En effet, le dromadaire est l’un des rares animaux domestiques ayant développé des aptitudes physiologiques lui permettant de s’adapter à l’environnement hostile des régions arides d’un coté et de valoriser les grandes étendues et espaces pastoraux à base de végétation saharienne et steppique, de l’autre. La diversité de ses produits (lait, viande, poil et cuir) a permis aux éleveurs et aux populations sahraouies de vivre des maigres ressources de ces espaces, ce qui a par ailleurs contribué au maintien d’activités socio-économiques dans ces zones.

En termes d’impact de l’élevage sur les ressources naturelles, on reconnait de plus en plus à cet élevage camelin ses retombées bénéfiques sur la gestion rationnelle des parcours et sur la régénération des espèces pastorales. En d’autres termes, le dromadaire est l’un des rares animaux respectueux de l’environnement saharien et de ses ressources naturelles végétales.

En plus des caractéristiques physiologiques de cette espèce animale; notamment son adaptation au milieu, sa résistance aux maladies, ses exigences fourragères, son fort potentiel productif…, le Sud du Maroc offre de nombreux atouts à son développement territorial parmi lesquels figurent :

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE216

L’importance de l’effectif du troupeau au niveau des provinces du sud : les effectifs camelins sont estimés actuellement à 91000 dans la région de Laâyoune-Boujdour, 42500 dans région de Guelmim-Essmara et 25000 têtes dans la région de Oued Eddahab-Lagouira;

Un patrimoine génétique, bien que peu étudié, assez important. En s’appuyant sur des caractères phénotypiques et des performances zootechniques (aptitude à l’engraissement, production laitière), trois « races » ont été décrites au Maroc à la fois par les éleveurs et les scientifiques: le Guerzni, le Marmouri et le Khouari.

Un savoir faire ancestral en matière d’élevage camelin très important et une gestion coutumière des espaces pastoraux, certes en effritement, mais qui réconfortée peut assurer une gestion durable de ces espaces ;

L’étendue, la diversité et la richesse des écosystèmes pastoraux à résistance relativement importante aux changements climatiques;

Un vaste territoire favorable au développement des énergies durables avec un potentiel en énergies renouvelables (éoliennes et solaires) très important;

Une expertise marocaine scientifique et technique reconnue à l’échelle internationale ;

Des ressources en eaux relativement importantes et facilement accessibles (eaux superficielles et souterraines) ;

La diversité des produits dérivés reconnus pour leurs vertus diététiques et thérapeutiques avérées, à l’origine de la demande croissante sur les produits camelins (lait, viande, cuir et poils) ;

Les potentialités écotouristiques autour de l’élevage camelin (transhumance, méharées, festivals, moussem…) ;

Le culturel et l’identitaire puisque le dromadaire est un facteur clé d’identification et de conscience patrimoniale des Provinces du Sud du Royaume. Défini comme « vaisseau du désert », il convient à ce titre, d’évoquer le rôle très important joué par le dromadaire dans les échanges commerciaux et caravaniers. Aussi, cette espèce emblématique a constitué et continue d’être, avec le palmier et le sable, le symbole et l’identitaire des zones sahariennes et désertiques.

Une filière qui reste à organiserII-

Malgré son importance socio économique, environnementale et patrimoniale, cette espèce prodigieuse se trouve de plus en plus menacée et l’élevage qui lui est associé est actuellement confronté à plusieurs contraintes et problèmes. Ces

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derniers sont multiples et divers et relèvent du stratégique, de l’institutionnel, du technique, du juridique, du naturel et de l’organisationnel.

Au plan institutionnel, figure principalement l’absence d’une stratégie, claire avec des objectifs précis et mesurables, combinée à un manque de réglementations concernant l’utilisation des principaux produits du camelin : le lait, la viande ou leurs dérivés

Les défis majeurs à relever en termes techniques, exacerbant les risques qui pèsent sur cet animal, résident dans le manque d’un système d’identification et de marquage fiables des animaux, une conduite traditionnelle du cheptel, la prédominance de certaines pathologies couplée à un système d’encadrement sanitaire peu adapté aux élevages camelins, l’inadaptation des techniques d’abattage et de valorisation et l’insuffisance de la recherche scientifique et appliquée sur le camelin. .

Au plan social et économique, c’est plutôt le manque d’organisation de la filière cameline qui est à l’origine de la faiblesse des revenus qu’elle génère. A ce niveau, il ya lieu de noter :

La faible organisation des éleveurs ;-

L’inégale répartition du cheptel et la concentration des gros effectifs entre - les mains d’une minorité de propriétaires ;

La prédominance de l’élevage extensif et la pratique de la transhumance, - régie par un système coutumier ;

L’apparition d’autres nouveaux modes d’élevage; notamment l’élevage - semi nomade, voire intensif. La demande croissante en lait de chamelle et en viande a conduit à orienter ces productions, jadis réservées à l’autoconsommation, à la commercialisation. En effet, l’augmentation de la demande du marché urbain pour la viande cameline a impulsé la dynamique de l’élevage intensif et d’engraissement de chamelons. La suite logique de cette nouvelle tendance est l’émergence d’un élevage péri urbain et /ou à la périphérie des centres ruraux. Néanmoins , et en dépit de cette tendance de la demande en produits dérivés de l’élevage camelin, les efforts de valorisation restent insuffisants ;

La dépendance de l’élevage de l’appui de l’ Etat (aliments et santé animale) ; -

La faiblesse et le manque de valorisation des activités culturelle et - touristique autour du camelin.

Concernant les écosystèmes pastoraux, ils sont sujets à une dégradation multiforme suite aux effets cumulés des années de sécheresse et à la désorganisation de la transhumance et du nomadisme. Cette mobilité se fait au gré des pluies (d’où le

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE218

nom de Oulad Shab attribué à ces transhumants). De plus, le territoire est dans sa totalité ouvert au pacage. Cette situation est aggravée par la modernisation de la pratique de la transhumance et sa dérive des systèmes traditionnels durables.

Plus qu’un plan d’actions, tout un programme III-

Conscients de cette situation et de l’importance du potentiel considérable du dromadaire qui constitue un gisement intarissable en termes de développement territorial, l’Agence du Sud et le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, avec l’appui du professeur Mr Mohammed Bengoumi, ont élaboré une stratégie et un plan d’actions du développement de l’élevage camelin dans les provinces du sud qui se veulent une déclinaison territoriale du « Plan Maroc Vert » sur les 10 provinces du Sud .

Le programme de développement du camelin qui en découle constitue un programme novateur à plus d’un titre :

D’abord, il s’intéresse à une espèce animale noble qui , en plus de son rôle social, économique et environnemental, relève de l’identitaire et constitue une des richesses patrimoniales du sud Marocain ;

Il accorde une place de choix aux éleveurs et transhumants et, à travers eux, les savoirs faires traditionnels; actuellement en déperdition ;

Il cible aussi d’autres bénéficiaires dont les autres groupes socio - professionnels, les jeunes hommes et femmes désireux d’investir dans le camelin et le secteur privé. Il fait de l’élément humain un centre d’intérêt de grande importance ;

Il fait partie des programmes de la dernière génération dont le montage est élaboré selon une approche participative et concertée capitalisant sur les expériences cumulées tant au niveau national qu’international ;

De par son montage et du large éventail des thématiques qu’il traite, il constitue le cadre fédérateur du développement territorial et constitue le cadre approprié pour le partenariat et du marketing territorial ;

Enfin sa mise en œuvre repose sur la démarche de grappe32 adossée à des produits de financements appropriés privilégiant aussi bien les divers aspects de l’économie sociale, le soutien des activités génératrices de revenus et de l’emploi que la dynamisation de la moyenne et grande initiative privée dans les Provinces du Sud du Royaume.

32 Une agrégation de PME ou de coopératives ou associations, présentes dans des domaines d’activités similaires ou complémentaires; ou présentant des intérêts communs;

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 219

Ses principaux objectifs visent la contribution à l’amélioration des revenus par une meilleure valorisation des divers produits camelins, la levée des barrières et lacunes informationnelles, la préservation des races locales camelines et de leur environnement naturel et culturel, en plus du renforcement des activités de la recherche –développement autour de la filière cameline.

Il s’agit d’œuvrer pour l’amélioration de la productivité du cheptel à travers : i) le renforcement de l’encadrement sanitaire et technique ; ii) la valorisation des divers produits camelins ; iii) l’approvisionnement du marché local en viande et en lait de chamelle ; iv) l’amélioration des conditions de commercialisation ; v) le renforcement de l’intégration du dromadaire dans les activités touristiques et socioculturelles ;et vi) la réhabilitation et l’amélioration des parcours et leur gestion durable.

Ainsi, le plan d’action qui en découle est structuré autour de trois grands domaines /composantes déclinés en huit axes d’interventions avec dix huit résultats et une centaine d’actions concrètes.

Les principales composantes portent sur i) la préservation/la sauvegarde et l’amélioration de la production, ii) la valorisation et la structuration des filières du camelin et iii) la redynamisation de la recherche-développement sur le dromadaire.

Pour les aspects de préservation et de sauvegarde, il s’agit principalement de travailler sur l’identification des populations camelines, l’amélioration du potentiel génétique et de la conduite des élevages , la gestion et l’amélioration des parcours et la prophylaxie sanitaire ou maitrise de la situation sanitaire des troupeaux.

La composante valorisation qui constitue la colonne vertébrale de l’économie sociale et la promotion de l’initiative privée porte sur la structuration et la valorisation des principaux produits/filières camelins. Ceux-ci intéressent principalement la viande, le lait et leurs dérivés ainsi que la filière tissage. Cette composante englobe aussi le tourisme solidaire autour du camelin et la mise en place de micro projets de valorisation du patrimoine socio –culturel relatif au dromadaire.

Concernant la filière viande, une attention particulière sera accordée aux produits traditionnels « loudak » ( graisse du dromadaire) , « Tichtar » (viande sèchée), « lakhlii » ( viande sèche et graisse fondue)…

Le programme appuiera par ailleurs la modernisation du secteur par la mise en place de projets bien structurés tels des boucheries et charcuteries modernes, des unités /ateliers de découpe, de conditionnement et de transformation. Il prévoit

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aussi la mise en place d’un package d’interventions visant le renforcement de la partie amont de cette filière.

La filière lait reposera sur un élevage semi extensif péri-urbain qui sera conduit par un groupement d’éleveurs organisés en coopératives. Pour la valorisation de ce produit, le projet prévoit la construction de plusieurs centres de collecte et la création de mini laiteries aux standards internationaux dotés d’unités/ateliers de transformations. Les alicaments qui en résultent seront mis en vente localement et dans les grandes surfaces.

Pour une meilleure valorisation de divers produits du camelin, l’Agence s’attelle actuellement à mettre en place une série de mesures et d’activités de labellisation, commercialisation et de marketing territorial.

Se rapportant au patrimoine, au delà des sites historiques et culturels de grande réputation et des lieux et couloirs de pratique de la transhumance, le dromadaire constitue à lui seul un support de culture diversifiée ( poésie, contes, chants, artisanat….) avec des moussems et rencontres d’importance capitale tel que le moussem de Tan Tan, un patrimoine immatériel de portée internationale. Pour la valorisation de ce patrimoine, et eu égard à la richesse et la diversité aussi bien des sites que de la culture autour du camelin, le nouveau programme consacre à cette composante la place qui lui revient. En effet, bien conçue, cette composante peut constituer, à elle seule, un créneau autour duquel peut se décliner tout le développement local.

Pour la filière tourisme, le principe repose sur le montage de circuits ; notamment des produits méharées chamelières, l’organisation de moussems et des courses et la mise en place de musées.

Ce programme concerne les dix provinces des trois régions des provinces du sud pour un budget global de 250 millions de dirhams pour une durée de cinq années. Il est orienté et cible les partenaires et bénéficiaires suivants:

Les éleveurs de dromadaires ; -

Les groupes socio professionnels associés au développement du camelin - (bergers, bouchers, guides de touristes…) ;

Les jeunes hommes et femmes désireux d’investir dans le camelin ;-

Le secteur privé intéressé par les filières camelines ; -

Les consommateurs par la disponibilité de produits camelins (lait, viande) de - bonne qualité ;

Les cadres du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime (formation - continue) ;

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 221

Les chercheurs, les enseignants et les étudiants mémorisant travaillant sur le - dromadaire ;

Les planificateurs, décideurs politiques et autres parties prenantes par la - disponibilité de données et d’information sur l’élevage camelin.

En guise de conclusion

Les Provinces du Sud du Royaume évoquent immédiatement le désert du Sahara, et ce dernier ne se conçoit qu’autour du dromadaire.Dans ces territoires, une intelligence de survie millénaire a su tirer profit de ce don de Dieu, tel qu’est perçu ici cet animal.

L’idée du Programme ambitieux que l’Agence du Sud s’attelle à mettre en place avec ses partenaires, est de perpétuer ces traditions séculaires tout en les canalisant selon un cadre logique s’appuyant sur les techniques modernes de valorisation.

De par la richesse des thématiques abordées, la diversité des produits et les spécificités territoriales de la zone berceau du camelin, ce programme se veut un cadre fédérateur des efforts et offre de ce fait plusieurs opportunités pour des partenariats innovants et féconds, qui sauront faire fructifier les acquis de cette intelligence territoriale.

III

MANAGEMENT DU DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL : ORGANISATIONS,

INSTRUMENTS INNOVANTS, FACTEURS D’ATTRACTIVITÉ ET MODALITÉS DE

FINANCEMENT

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 225

INCITATIONS ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL DYNAMIQUE DE L’EMPLOI DANS LE

GOUVERNORAT DE GAFSA EN TUNISIE

Pr Mohamed HaddarProfesseur de Sciences économiques, Université de Tunis

Les faits

La Tunisie a réalisé, depuis l’indépendance, d’importants acquis dans le domaine économique et social. Le développement économique, l’investissement dans le capital humain, le planning familial ainsi que les réformes adoptées ont permis :

d’améliorer le revenu par habitant, •

de hausser le niveau de vie des citoyens •

et de doter le pays d’une main d’œuvre qualifiée lui permettant d’accélérer le • rythme de développement économique et social.

Cependant, malgré ces acquis, la Tunisie est confronté à certains défis tels que :

1) Des fragilités et des menaces sectorielles persistent. Les trois principaux secteurs à savoir le tourisme, le textile habillement et cuir (THC) et les industries mécaniques et électriques (IME) dépendent largement de la conjoncture internationale.

2) Le secteur agricole, bien que son poids dans le PIB, a bien diminué reste conditionné par des facteurs climatiques.

3) Mais les plus grands défis demeurent le chômage, particulièrement celui des jeunes, et les disparités régionales.

Le chômage est un défi majeur, peut être le plus grand défi. Il l’était depuis des décennies et il risque de persister encore pendant longtemps. Cependant, il ne touche pas uniformément toutes les catégories sociales et toutes les régions ; il

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE226

est beaucoup plus élevé pour les jeunes, notamment pour les jeunes filles et il est nettement plus élevé dans les régions de l’ouest du pays.

Cette communication porte sur l’emploi des jeunes dans le gouvernorat de Gafsa qui est parmi les plus frappés par le chômage.

Pour les • jeunes de 15 à 30 ans, le taux de chômage a dépassé le seuil de 40% au gouvernorat de Gafsa ; alors qu’il est autour de 30% à l’échelle nationale (en 2007).

Pour les • diplômés de l’enseignement supérieur, ce taux a atteint 36% au gouvernorat de Gafsa. Pour les filles, ce taux est de 50,2%.

Paradoxalement, le chômage des jeunes augmente avec le niveau d’éducation • et il est relativement faible pour les moins scolarisés. Cependant, à Gafsa, même pour les jeunes qui ont quitté le système éducatif au niveau primaire ou secondaire le taux de chômage est relativement élevé.

En outre, leurs • conditions au travail sont plus préoccupantes, car ils sont souvent employés dans le secteur informel où ils sont peu satisfaits de leur situation. Il faut dire que la concentration des non qualifiés dans le secteur informel n’est pas spécifique à ce gouvernorat et on s’attend aussi à ce qu’ils soient les plus tentés par l’émigration interrégionale et internationale, légale ou illégale.

Bien qu’un grand nombre de projets de développement aient été réalisés dans • ce gouvernorat et que bien d’autres soient en cours, toujours avec l’espoir de créer plus d’emplois, le problème du chômage reste posé et les progrès en la matière sont encore lents.

Pourquoi donc est-il plus difficile de créer assez d’emplois pour les jeunes dans cette région et quels sont les facteurs qui expliquent cette difficulté ?

Cette communication essaie d’apporter des réponses à ces questions, sachant que l’emploi est indissociable du développement économique et de la création de suffisamment d’entreprises rentables et génératrices d’emplois.

Il s’agit principalement de faire ressortir les principaux blocages à la création d’emplois dans ce gouvernorat et de formuler des recommandations concernant la promotion de l’emploi et des activités productives.

Emploi et Chômage des jeunes I-

Il y a en Tunisie à peu près • trois millions de jeunes ayant entre 15 et 30 ans représentant environ 30% de la population totale.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 227

A Gafsa où il y a un peu plus de • cent trois mille jeunes, représentant 31% de la population du gouvernorat.

Au cours de la période 2005-2008, l’écart entre la demande additionnelle - d’emplois et les créations nettes d’emplois reste important.

Les données de l’ANETI montrent que pour chaque emploi annoncé - presque 10-11 candidats se manifestent.

Ce qui s’est traduit par une augmentation du nombre des sans emplois, - notamment pour les diplômés.

Cependant, le chômage des jeunes n’ayant pas dépassé le niveau des - études secondaires ne doit pas être moins préoccupant, car leur nombre demeure de loin le plus important.

Le chômage

Il y a au total dix neuf mille chômeurs à Gafsa• . Approximativement, les deux tiers d’entre eux sont des jeunes de 15 à 29 ans.

Si on ajoute à ceux là ceux qui sont âgés de • 30 à 35 ans alors on couvre les trois quarts des chômeurs.

Pour tous ces jeunes, le taux de chômage est nettement plus élevé que la • moyenne nationale.

Le nombre d’insérés par an se compte en centaines, voire en dizaines, alors • qu’il y a des milliers qui attendent ; c’est donc très insuffisant.

Par ailleurs, certaines catégories de diplômés ont plus de difficultés d’insertion • que d’autres et que les plus grandes difficultés sont rencontrées par ceux qui détiennent des diplômes de technicien supérieur et puis de maîtrises en lettres ou en sciences humaines. Or la part des jeunes diplômés de Gafsa ayant ces types de diplômes est plus élevée que la moyenne nationale, ce qui aggrave leur difficulté d’emploi. Presque la moitié des diplômés dans ce gouvernorat sont des techniciens supérieurs, alors que le taux moyen pour toute la Tunisie est de 39%.

Les PME et le secteur industriel : état des lieux

Le secteur privé reste, jusqu’à une période très récente, peu attiré par la région malgré les avantages fiscaux et financiers offerts par l’Etat.

Le nombre d’entreprises par habitant reste faible. •

Jusqu’à la fin de 2007, la création d’entreprises était lente et le taux • d’entrepreneuriat correspondait au tiers de la moyenne nationale.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE228

Au cours de la période 2002-2007 les réalisations enregistrées dans le secteur • privé industriel étaient faibles et n’ont pas dépassé le montant de 4 MD par an.

Néanmoins, les efforts d’encouragement de l’entrepreneuriat ont tout de même permis, au cours de la période 2003-2007, la création de 829 emplois dans 92 nouvelles petites entreprises (de moins de 10 employés) parmi les 298 projets d’investissement déclarés auprès de l’API au cours de la même période, soit un taux de réalisation de 31%.

Parmi les PME qui existent, plus de la moitié sont des boulangeries, menuiseries • et huileries.

Les PME sont souvent enfermées dans un mode de gestion familial obsolète. •

Elles continuent à privilégier la concurrence par les coûts et donc par la • compression des charges salariales et évitent d’employer de nouveaux travailleurs. En plus, elles éprouvent beaucoup de difficultés à trouver les compétences qu’elles cherchent.

Les causes

La faiblesse des investissements dans les activités non agricoles s’explique par des facteurs communs et des facteurs spécifiques à la région :

la faiblesse des fonds propres•

l’absence de garanties hypothécaires•

la réticence des banques à accorder des crédits à cause du risque de non • recouvrement

la rareté des terrains industriels et les difficultés de conversion des terres • agricoles en terres industrielles,

l’environnement des affaires défavorable par comparaison avec les régions • côtières.

Le climat social défavorable.•

En 2008-2009, sous l’effet des encouragements des pouvoirs publics, grâce notamment à une enveloppe de 300 millions de dinars une nouvelle dynamique des affaires s’est enfin déclenchée.

Plusieurs projets ont été annoncés et certains grands groupes industriels • nationaux et internationaux ont exprimé leur intérêt pour l’investissement dans la région et commencent à s’y installer.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 229

Les intentions d’investissements enregistrées dans le secteur industriel • marquent un changement quantitatif et qualitatif important. Ils ont représenté une fois et demi le niveau annuel moyen de la période 2002-2006 et ont atteint 31.1 MD. En 2009, ils sont multipliés par quatre, soit 79.9 MD, sans compter le coût d’une cimenterie de 170.8 MD.

Bien que le taux de réalisation soit assez faible (25%), le nombre de projets réalisés et le volume d’investissement en cours sont nettement plus importants. Les programmes de développement régional et le potentiel de développement et d’emploi.

A cet effet, il faut noter :

Que les investissements publics importants seraient nécessaires. Il y a lieu de • développer les infrastructures : routes, communications modernes adaptées, zones industrielles, implantation d’un cadre de vie attractif ...

Il faudra aussi réformer et moderniser le système éducatif et de formation • professionnelle pour répondre aux besoins de la région en cadres et en ouvriers spécialisés conformément aux besoins des futurs promoteurs. Les institutions d’appui à l’entrepreneuriat doivent être revues et renforcées de façon à les rendre plus opérationnelles et mieux ciblées.

Tout l’environnement des affaires est à améliorer en collaboration avec les • différents partenaires sociaux, et ce en dotant les institutions et les administrations des moyens humains et de la logistique nécessaires. Une refonte du processus décisionnel serait alors visée en établissant un meilleur équilibre en terme de répartition du pouvoir entre les régions et l’administration centrale.

Parmi les principales responsabilités de ces instances gouvernementales il • y a la coordination entre les divers partenaires publics et privés en vue de développer et mettre en œuvre une politique industrielle cohérente.

Programme régional de développement et potentiel de développement II- et d’emploi

Dans le cadre du XIème plan,

la stratégie de développement adoptée cherche à pallier aux insuffisances de la • région, notamment en termes :

d’infrastructure et de services publics en la dotant « d’une infrastructure - répondant aux exigences nationales et internationales »,

et en assurant « la mise à niveau des équipements collectifs liés aux services - communautaires et à l’environnement» ainsi qu’à l’environnement des affaires, institutionnel, législatif et incitatif ».

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE230

Pour l’essentiel, ces objectifs sont louables et indiscutables. Le problème est au niveau des moyens pour y parvenir ; nous venons de voir que le volume des investissements prévus pour le gouvernorat n’est pas conséquent.

Le succès d’un tel plan a des conditions.

Pour réaliser une telle stratégie, il va falloir d’abord investir nettement plus.

On estime que les investissements nécessaires dépassent de loin les volumes • prévus par le XIème plan arrêtés à 113 MDT.

L’État ainsi que les privés sont appelés à investir beaucoup plus, peut • être quatre fois plus, autour de 500 cent millions de dinars sur cinq ans. Ce chiffre n’est cependant pas chimérique, d’autant plus qu’il ne fait pas appel uniquement à l’État mais aussi au secteur privé et que l’on part de l’hypothèse que l’emploi des jeunes est la priorité absolue.

Le développement des investissements privés est très lié à l’accès aux - ressources bancaires, or cet accès est actuellement difficile, voire bloqué pour certains. Une solution devra être adoptée.

Les centres de formation et les établissements universitaires de la région - ne produisent pas les qualifications nécessaires. Par conséquent, il va falloir faire face à ce défi et transformer ces établissements pour qu’ils répondent aux besoins en qualifications.

Le manque d’encadrement des jeunes promoteurs constitue un réel - handicap à surmonter.

Politique active, institutions et fonctionnement du marché du travailIII-

Politique active pour l’emploi

Les programmes d’emploi et d’aide à l’insertion sont t-ils adaptés au contexte du gouvernorat de Gafsa ?

Le système des stages d’initiation et d’adaptation professionnelle • (SIVP) constitue le principal programme de la politique active du marché de l’emploi.

Ce système vise de permettre aux jeunes d- ‘acquérir une expérience professionnelle en milieu réel et d‘adapter ainsi leur formation acquise dans les institutions d‘enseignement supérieur.

Il offre aux entreprises une plus - grande flexibilité comparée à un contrat de travail, même à durée déterminée. Dans le cadre des SIVP,

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 231

l’entreprise est exempte d’une relation de travail et peut y mettre fin même unilatéralement au contrat de stage. A côté de cette souplesse, les entreprises bénéficiaient des avantages liés à la prise en charge par l’état d’une subvention aux jeunes et d’une exonération des charges sociales durant sept années. En plus elles pouvaient continuer à faire appel systématiquement à des jeunes SIVP en l’absence d’une contrainte de recrutement d’une proportion des stagiaires accueillis.

La réforme décidée au début de 2009 a limité les abus potentiels. Les - entreprises sont désormais dans l’obligation de recruter la moitié des jeunes engagés durant les trois années précédentes avant de pouvoir bénéficier de nouveau du système.

Néanmoins, dans un contexte tendu du marché de l’emploi des cadres, - des dépassements et des dérives persisteront en dépit du coût élevé supporté par l’Etat.

Malgré le coût de cet instrument, les résultats montrent que le SIVP demeure plutôt une solution d’attente au lieu d’un outil d’adaptation et d’insertion des jeunes ; plus de 40% des bénéficiaires ont une durée de chômage supérieure à deux ans.

Ce système est t-il pertinent dans le contexte de gouvernorats à faible tissu industriel ?

Les données disponibles indiquent qu’en dépit du niveau élevé du chômage • dans l’ouest du pays, notamment pour les diplômés du supérieur, ce programme enregistre des performances limitées.

S’appuyant sur les entreprises et étant donné la faiblesse du tissu économique • et des investissements privés dans cette région, les jeunes diplômés ayant la possibilité de bénéficier d’un SIVP parviennent difficilement à trouver une entreprise d’accueil.

Pour une nouvelle approche décentralisée du pilotage de l’emploi

Jusqu’en 2008,

Les autorités régionales n’avaient pour mission que de mettre en œuvre les • programmes décidés au niveau national.

Les services régionaux de l’emploi étaient en général contraints d’appliquer • ce qui est décidé au niveau national et d’atteindre des performances et des objectifs quantitatifs fixés au niveau central.

Cette pratique était, dans une bonne mesure, au détriment de l’efficience • requise. La recherche du nombre avait entrainé des placements de jeunes

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE232

dans des stages ayant très peu de rapport avec le diplôme ou la qualification de base ou au sein d’entreprises possédant très peu de possibilités d’encadrement et de faibles perspectives d’insertion professionnelle des jeunes accueillis en leur sein.

Pour une plus grande appropriation de la question de l’emploi par la région

La diversité des réalités et des spécificités régionales et locales indiquent • qu’une nouvelle configuration des programmes d’emploi est hautement nécessaire même si l’impact de cette solution sur l’emploi régional ne sera ressenti qu’à long terme.

L’appropriation de la question de l’emploi par les gouvernorats est clairement • affichée dans le cadre de la réforme des programmes actifs de l’emploi décidée au début de 2009 qui institue un nouveau programme dénommé «contrat emploi-solidarité ». Ce programme accorde aux gouvernorats, dans le cadre de contrats programmes annuels conclus avec le Ministère de l’emploi, de l’insertion professionnelle des jeunes, de nouvelles missions dans le domaine de l’emploi régional.

Les observatoires régionaux de l’emploi

Le gouvernorat de Gafsa dispose-ils d’une capacité de suivi de la conjoncture et des perspectives de l’emploi pour réagir à temps ?

Le Ministère de l’emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes a mis en place, depuis 2006, un observatoire régional de l’emploi (ORE), dans chaque gouvernorat afin de contribuer à la compréhension de la dynamique de l’emploi à l’échelle régionale. Les principales missions confiées à ces ORE sont :

Le suivi régulier de l’évolution du marché de l’emploi et la connaissance • approfondie de la réalité de l’emploi dans les différents secteurs économiques,

La comparaison intra-régionale de la conjoncture économique et sociale • d’une période à une autre ainsi que l’évaluation de son impact sur la situation générale de l’emploi dans chaque région,

L’identification des potentialités régionales et locales en matière d’investissement • et d’emploi afin de les exploiter pour la création de nouvelles opportunités d’insertion pour les différentes catégories des demandeurs d’emploi,

Et la mise à la disposition des différents décideurs d’une information • utile et pertinente afin de faciliter la prise de décision adéquate en matière d’adaptation des différents programmes d’emploi en fonction de l’évolution de la situation.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 233

Ces observatoires sont appelés à développer une synergie entre les différentes • structures productrices des informations sur l’emploi au niveau régional et constituer une base de données. Cette base de données est constituée autour d’un ensemble d’indicateurs en matière d’analyse et de prospection de la conjoncture économique régionale et locale.

Pour le moment, les analyses produites par ces ORE reposent principalement sur les données des bureaux de l’emploi de l’ANETI et demeure incomplètes. Ces observatoires ne disposent pas encore d’une méthodologie appropriée de collecte et d’analyse des données et méritent d’être renforcée notamment sur le plan des ressources humaines et techniques.

Une enquête

La faiblesse de l’investissement et de l’entreprenariat résulte plutôt de l’ensemble des obstacles auxquels se heurtent les investisseurs, parmi lesquels il y a l’obstacle financier.

L’enquête auprès des jeunes montre que leur intérêt pour la création d’entreprises • n’est pas si faible. Près du quart (plus du tiers en moyenne pour les hommes et plus pour ceux qui n’ont pas dépassé le niveau de l’enseignement secondaire) ont envisagé la création d’un projet. En fait Presque la moitié d’entre eux ne rejettent pas l’idée mais beaucoup renoncent à l’idée faute de moyens et de confiance dans les opportunités d’affaires disponibles dans leur milieu régional.

Les entretiens avec des responsables et des chefs d’entreprises• ont renseigné sur leur perception des principaux obstacles au développement et à la création d’entreprises.

Les promoteurs contactés sont plutôt optimistes quant à l’avenir de leurs - affaires dans la région.

Ils sont généralement rassurés de l’existence d’un marché local, national - et même étranger, et leurs activités sont en croissance.

Ils emploient des jeunes mais rarement des diplômés de l’enseignement - supérieur car ils ne sont pas satisfaits de leurs compétences et ne les trouvent pas assez opérationnels.

Ils ont pourtant beaucoup de difficultés à recruter des spécialistes qui ont - les compétences requises. Par exemple, certaines entreprises exportatrices (telle que Benetton) font appel à leurs propres spécialistes de l’étranger quand il s’agit de la maintenance de leurs équipements.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE234

Les promoteurs ne se plaignent pas de leurs employés concernant - l’assiduité et la discipline dans le travail.

En revanche,

Ils considèrent qu’ils sont défavorisés par rapport aux autres industriels - des régions côtières à cause de leur éloignement des ports et des grandes villes, surtout dans le cas de Gafsa.

Ils constatent en effet, que les coûts de transport et la durée d’acheminement - et de déplacement sont assez contraignants.

Ils souhaitent bien la mise en place d’une infrastructure routière plus - rapide (Autoroute ou élargissement de la voie principale actuelle) leur permettant de réduire les délais et les coûts de livraison.

Ils sont au courant des projets en cours.-

Concernant les obstacles à la création de l’emploi dans ces deux régions, les entretiens ont révélés certains constats dont les suivants :

le manque d’infrastructure et la qualité des de services publics et - de l’infrastructure urbaine sont considérés comme des obstacles importants.

De même, concernant la main d’œuvre qualifiée.-

les démarches et les rigidités administratives donnent lieu à des avis - partagés ; certains sont moins satisfaits que d’autres.

Quant à l’accès au financement, il n’est pas considéré comme un obstacle - majeur par les promoteurs contactés, ce qui n’est pas en contradiction avec les difficultés décrites ci-dessus, car ce promoteurs sont en général en mesure d’offrir les garanties exigées par les banques et sont bien servis par elles.

L’entretien avec les responsables régionaux•

confirme l’importance des infrastructures et des investissements publics - comme préalables au développement du tissu économique et à la création d’emplois.

Ils admettent aussi l’absence d’une vision globale qui se traduit par - l’absence d’un véritable projet de développement et l’insuffisance de la coordination entre les diverses instances publiques.

Il y a en effet un consensus sur la nécessité primordiale de développer de nouvelles filières autour de grands projets structurants impulsés au départ par l’État, ce qui ne serait pas concevable sans un engagement décisif de l’Etat. Le rôle de l’État

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 235

serait alors principalement de susciter les initiatives, de planifier et de veiller à la coordination entre tous les partenaires concernés, publics et privés. Dans ce contexte,

il veillerait plus directement à réunir les conditions de succès qui relèvent du • secteur privé autant que du secteur public (infrastructures, formation, efficacité du système institutionnel…)

et il conduirait les privés à créer les entreprises et à réaliser les projets • individuels constitutifs des grands projets structurants. L’amélioration de l’environnement des affaires et du système incitatif serait aussi une condition sous-jacente à la mise en œuvre de tels grands projets.

C’est la mise en place de tels projets structurants qui est susceptible de • dynamiser la région et, entre autres, d’impulser le développement de petits projets satellites que les jeunes auraient moins de difficultés à démarrer.

En attendant, telles que les choses se présentent actuellement, les régions côtières les plus avantagées, le grand Tunis à leur tête continuent à attirer la plus grande part des investissements et de projets, alors que Gafsa reste à la traine. Plus de la moitié des nouvelles entreprises créées en 2009 sont dans le grand Tunis, un pourcent à Gafsa (pour 3,2% de la population).

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 237

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL, LE CAS DES

PROVINCES DU SUD DU MAROC

M. Emmanuel Dierckx De CasterletAncien Coordinateur du Système des Nations Unies au Maroc,

Economiste de l’Université de Louvain, Belgique

L’indicateur de développement humain pour les provinces du sud du Royaume du Maroc est établi à 0,729 en 2006. Ce chiffre témoigne d’une dynamique qui, si elle se poursuit, devrait permettre aux provinces du Sud de se hisser à moyen terme au niveau d’un développement humain élevé. En 1975, au moment de la réintégration au Royaume du Maroc des provinces du Sud, près de 50% de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté. L’analphabétisme était quasi généralisé et l’indicateur de développement humain dans cette zone était de 0.408, largement inférieur à celui affiché à l’époque, par le reste du pays. Aujourd’hui, l’ensemble formé par les trois régions du sud dépasse dans ces domaines toutes les autres régions du Maroc, à l’exception des régions de Casablanca et de Rabat. De même, entre 1984 et 2004, le niveau de vie a plus que doublé dans les provinces du sud, et la pauvreté a été réduite du taux le plus élevé du Maroc (29,4%) au taux la plus bas (9,8%). Sur le plan économique, la part de ces régions dans la création de richesses s’élève depuis 2004 à 4 % de la production nationale. Il faut également souligner que ces succès enregistrés au cours des trente dernières années exercent un effet d’attraction sur des habitants d’autres régions qui veulent tirer profit des opportunités créées par la dynamique économique de ces provinces. Conséquemment, le maintien de hauts niveaux d’IDH dans les provinces du Sud est tributaire de la capacité des structures locales à s’adapter et à répondre à une demande accrue d’insertion sociale, d’infrastructures et de services locaux.

Les provinces du sud constituent de fait, un exemple régional remarquable de développement humain accéléré et de croissance économique rapide, et doivent pouvoir le rester compte tenu de la dynamique de développement de l’ensemble du pays, et les acquis accumulés dans les provinces du Sud devraient, à terme, franchir le seuil de l’irréversibilité en termes de développement humain.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE238

Effet d’appel : phénomène d’afflux de nouveaux arrivants d’autres régions en vue de s’installer dans les provinces du Sud motivés par les opportunités d’emploi ainsi que les infrastructures et services sociaux disponibles. S’il est évident que cet afflux démographique profite à la croissance économique au niveau local, il semble aussi que ce croît démographique est de nature à exercer une pression sur les infrastructures locales et les prestations de services sociaux. A l’instar d’Agadir, des villes comme Laâyoune et Dakhla sont devenues des pôles d’attraction humaine et des espaces de croissance économique.

Disparité territoriale : la dernière conclusion vise à relever l’enjeu des équilibres territoriaux à l’intérieur 9 des provinces du Sud. La cartographie de développement humain fait apparaître une forte dispersion territoriale: Guelmim et Tata par rapport aux autres provinces du Sud, et à l’intérieur d’une même province : à Guelmim par exemple, entre le rural et l’urbain. Pourtant, des espaces comme ceux de Guelmim ou de Tata disposent d’atouts réels qui les qualifient à rejoindre les performances remarquables des provinces qui sont plus au Sud. Dans cette région également, les disparités de développement humain entre les sexes sont plus sensibles, démontrant ainsi que le renforcement des aptitudes humaines masculines ET féminines est un tout indissociable.

Les provinces du sud, un espace privilégié par la migration interne.

L’attrait des régions du sud au regard des investissements considérables qui y sont réalisés, notamment en termes d’élargissement de l’accès à l’emploi, aux services sociaux et à l’infrastructure de base, explique le rythme d’expansion de la population à un rythme relativement plus important par rapport à la moyenne nationale Selon le recensement 2004 de la population, 12,1% des habitants (de 5 ans et plus) qui résidaient en 2004 dans la région sud, habitaient cinq plus tôt dans une autre région. Cette proportion atteint 20,5% à Oued Ed Dahab Lagouira, 14,9% à Laâyoune Boujdour Sakia El Hamra et 9,1% à Guelmim Es Semara contre 4,4% à l’échelle nationale. Elle est de 5,8% dans le Grand Casablanca et de 6,1% à Rabat Salé Zemmour Zaer.

Pourcentage des personnes résidant dans d’autres régions en 1999.

Région sud Pourcentage

Oued Ed Dahab Lagouira 20,5

Laâyoune Boujdour Sakia Al Hamra 14,9

Guelmim Es Semara 9,1

Total region sud 12,1

Grand Casablanca 5,8

Rabat Salé Zemmour Zaer 6,1

Maroc 4,4

Source : RGPH 2004, HCP

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 239

Par province, on relève qu’Oued Ed Dahab et Boujdour enregistrent les proportions les plus importantes des personnes qui résidaient avant 1999 dans une autre province, soit respectivement 21% et 19,5%. La province de TanTan vient en troisième rang avec 18,5%. Autrement dit, pour ces trois provinces presque le 1/5 de leur population n’y habitait pas encore en 1999.

Pourcentage des personnes résidant dans d’autres provinces en 1999.

Région Pourcentage

Aousserd 16,1

Oued Ed Dahab 21,0

Boujdour 19,5

Laâyoune 14,7

Assa Zag 6,4

Es Semara 13,5

Guelmim 10,3

Tan Tan 18,5

Tata 5,5

Total region 13,2

Maroc 5,8

Source : RGPH 2004, HCP

Accès au savoir et à l’instruction

Dans les provinces du sud, les personnes qui étaient déjà chefs de ménage en 1985, c’est à dire des personnes qui auraient dû être scolarisées du temps de la colonisation espagnole, étaient près de 78% à n’avoir aucun niveau scolaire. Les chefs de ménages qui avaient un niveau d’études secondaires (7,8%) ou supérieures (1,7%) étaient donc très peu nombreux.

En dépit de ce lourd héritage de la période coloniale, l’on note que depuis le début des années 2000, la proportion des chefs de ménage qui n’ont jamais été à l’école a été réduite de manière considérable à 50,6%, soit une proportion largement inférieure à la moyenne nationale d’analphabétisme des chefs de ménage, calculé à 66,1%.

Cette transition socio-éducative se caractérise par d’importantes proportions de chefs de ménages ayant été scolarisés au primaire (16,1%), au collège (11,5%), au lycée (14,4%) ou encore à l’enseignement supérieur (7,4%). Ces trois dernières proportions ont été sensiblement supérieures à celle observées à l’échelle nationale (7,4%, 5,7% et 3,9%).

Plus récemment, en 2006, le taux brut de scolarisation qui mesure le rapport de l’effectif total des individus en cours de scolarisation à l’effectif de ceux en

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE240

âge de scolarisation, c’est-à-dire la catégorie des 6 à 22 ans, s’établit au niveau remarquable de 77,5% dans les trois régions du sud, soit mieux que toutes les autres régions du Royaume, à l’exception de la région du Grand Casablanca (84,0%) et de la région de Rabat-Salé (78,9%).

Concernant l’alphabétisation des adultes, on observe le même type de performance pour les provinces du Sud par rapport à la situation du reste du pays. En 2006, ce taux a été de 59,1%, avec 64,5% dans les zones urbaines et 45,2% dans les zones rurales, soit mieux que les moyennes nationales, respectivement situées à 53,9% ; 67,6% et 34,7%.

À l’issue du recensement de 2004, il apparaissait que toutes les provinces des régions du sud, excepté Tata, enregistraient des taux d’analphabétisme inférieurs à la moyenne nationale. L’incidence de l’analphabétisme est particulièrement limitée à Laâyoune (27,7%), Tan-Tan (32,3%) et à Es-Semara (33,3%) contre 43% à l’échelle nationale. Ce constat est corroboré par la proportion des personnes, âgées de 10 ans et plus, ayant en 2004 un niveau primaire ou secondaire. Cette proportion s’est établie à 61,2% à Oued Ed Dahab, à 63% à Laâyoune et à 56,7% à Es Smara contre 49,5% au niveau national.

Pratique linguistique dans les provinces du Sud

Les provinces du sud se caractérisent également par une proportion plus élevée de populations maîtrisant la langue française, évaluée à l’issue du recensement de 2004 à 40,1% à Laâyoune, 38,1% à Oued Ed Dahab et à 35,4% à Es Smara contre 30,4% à l’échelle nationale.

Ce recensement a également fait apparaître qu’environ 195.000 personnes parlent le Hassanya, soit 0,7% de la population totale âgée de 5 ans et plus. 86,8% de cette population réside dans les provinces du sud, avec la région de Laayoune où 40% de la population qui parle le Hassanya ; la région de Oued dahab Lagouira avec 21% et de la région de Guelmim avec 18% de locuteurs du hassanya et près de 50% de la population qui parle tachelhit.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 241

Effectif et répartition de la population parlant la langue Hassanya

Région Effectif des 5 ans et plus parlant Hassanya

% des 5 ans et plus parlant Hassanya

Oued Ed Dahab Lagouira 13.501 21,0Laâyoune Boujdour Lagouira 86.926 39,6

Guelmim-Es Semara 68.597 18,0Sous-Massa-Draa 13.349 0,5Gharb-Bni Hssen 526 0,0Chaouia-Ouardigha 617 0,0MarrakechEl Haouz 3.248 0,1Oriental 573 0,0Grand-Casablanca 1.778 0,1Rabat-Salé 2.781 0,1Doukala-Abda 508 0,0Tadla-Azilal 470 0,0Meknes-Tafilelet 983 0,1Fès-Boulemane 370 0,0Taza-El Hoceima 186 0,0Tanger-Tétouan 329 0,0Total 194.742 0,7

Source : HCP : Données du recensement de la population de 2004

Réduction de la pauvreté

La tendance affichée par la réduction de la pauvreté entre 1984 et 2004 est similaire à celle du bien-être, avec le même type de stagnation de la tendance positive durant les années 90. Cela n’a pas empêché les résultats sur 20 ans dans les trois régions du Sud d’être tout à fait remarquables, avec un niveau de pauvreté qui était, à 29,4%, le plus élevé du pays en 1984, et qui est passé en 2004 à 9,8%, soit le taux le plus bas du Royaume. Ainsi, la pauvreté a reculé de plus de 66% sur 20 ans dans les provinces du Sud, soit deux fois plus qu’à l’échelle nationale (32,4%).

En fait, une croissance rapide du ratio de bien-être économique couplée à une baisse de la pauvreté et de la vulnérabilité ont été observées entre 1985 et 1991, aussi bien à l’échelle nationale que dans les régions du sud. Les raisons en sont la revalorisation des salaires particulièrement dans le secteur public et les bonnes campagnes agricoles de la fin des années 1980. Cette avancée économique n’a pas résisté par la suite à l’impact croissant du chômage, depuis la mise en œuvre du PAS en 1983, et les sécheresses récurrentes des années 1990.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE242

En accordant un intérêt moindre aux dépenses sociales, le PAS a conduit de fait à l’accumulation des facteurs de la pauvreté dont notamment la dégradation des moyens consacrés à l’éducation et à la formation.

Ceci a conduit à une restriction des opportunités de revenu des ménages, annonçant les débuts d’une recrudescence du chômage. Les retombées de ces tendances sur la pauvreté ne tardent pas à se manifester. De 1991 à 1994, le taux de pauvreté a augmenté de 10,6 % dans les régions du sud contre 26% à l’échelle nationale. D’où l’échec du schéma de développement préconisé par le PAS « privilégiant l’économique au détriment du social, en supposant que la progression du PIB garantirait, par le biais de l’effet diffusion, la réalisation d’autres objectifs, de type social notamment la réduction du chômage, des inégalités et de la pauvreté».

La fin des années 1990 et le début des années 2000 ont été marqués par un dynamisme économique, social et politique ayant permis de stopper la diffusion de la pauvreté aussi bien dans les régions du sud que dans l’ensemble du pays. Dans ces régions, le taux de pauvreté a été réduit de 17,6% entre 1994 et 1999, contre 1,9% à l’échelle nationale.

Ce processus de développement se limitait, cependant, à la disponibilité des équipements sociaux. Il aurait eu un impact significatif sur la pauvreté s’il avait été doublé de mesures renforçant l’accession des ménages pauvres aux services sociaux. C’est ainsi que le dynamisme social et économique de la fin des années 1990 a juste permis de stopper la diffusion de la pauvreté. Dès les années 2000,divers mécanismes appropriés de développement ont été créés ou renforcés.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 243

Emploi

En 2006, les régions du sud comptaient 253.000 actifs âgés de 15 ans et plus, dont 26,9% dans les zones rurales et 73,1% dans les villes. Par rapport à l’année 2000, la population active a cru au taux annuel moyen de 5,2% contre 1,1% à l’échelle nationale. L’accroissement a été plus important en milieu rural qu’en milieu urbain, soit respectivement 7,1% et 4,5%. Ces proportions ont été évaluées à l’échelle nationale à 1,5% et 0,7%, respectivement. C’est la région de Guelmim-Es Semara qui enregistrait, en 2006, le taux d’activité le plus faible, soit 37,6% contre 56,6% à Oued Ed Dahab-Lagouira et 48,2% à Laâyoune-Boujdour.

Par ailleurs, l’intégration de la femme dans l’activité économique des régions du sud demeure particulièrement limitée. Dans ces régions, le taux d’activité des femmes (13,5%) est la moitié du taux observé à l’échelle nationale (27,2%). Il s’agit probablement d’un trait culturel propre à la région Sud, valorisant la présence au foyer de la femme dans la famille.

La diffusion notable de la scolarisation dans les régions du sud fait, par ailleurs, que le taux d’activité des 15-24 ans (restant plus longtemps à l’école) y soit par conséquent de loin le plus faible à l’échelle nationale, soit 25,3% contre 40,1%, respectivement. Inversement, pour des raisons liées aux opportunités d’emploi des diplômés dans ces régions, le taux d’activité des actifs de niveau d’études supérieures y atteint un niveau (70,5%) supérieur à la moyenne nationale (66,5%). Pour les ‘sans diplôme’, ils enregistrent par contre un taux d’activité inférieur à la moyenne nationale, soit respectivement 38,7% et 51,7%. Il faut donc souligner ici la tendance vers un emploi de plus grande intensité en « matière grise » dans la région sud que dans le reste du pays.

Quant à la population active occupée dans les régions du sud, elle a connu, entre 2000 et 2006, un taux d’accroissement annuel moyen de 6,4% contre 1,9% au niveau national. Dans ces régions, le secteur tertiaire des « services sociaux fournis à la collectivité » (éducation, santé, administration publique) reste le principal pourvoyeur d’emplois dans la mesure où il totalise 60% des emplois disponibles, alors qu’au niveau national, c’est le secteur de l’agriculture qui est le premier créateur d’emplois (45% des emplois disponibles). Le secteur des services crée pour sa part, au niveau national, 35% des emplois disponibles. Globalement, les créations d’emploi dans les régions du sud ont été évaluées à 72.000 postes entre 2000 et 2006, soit 6,1% des emplois créés à l’échelle nationale au cours de cette période, performance à comparer avec le poids démographique de la région sud, de 2,7% de la population du Maroc.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE244

En matière d’occupation économique des ressources humaines, le taux de chômage enregistré dans les régions du sud au cours de la période 2000-2006 apparait élevé, en comparaison avec la moyenne nationale.

Quoiqu’en nette régression, aussi bien au niveau national que dans les régions du sud, il représente presque le double du taux constaté au niveau national, soit respectivement 25,2% contre 13,6% en 2000 et 19,6% contre 9,7% en 2006.

Cependant, un examen plus approfondi fera ressortir que le taux d’urbanisation nettement plus élevé à Laayoune et à Dakhla en particulier, devrait inviter à rapprocher le taux de chômage dans les provinces du Sud au taux de chômage urbain dans le reste du pays plutôt qu’au taux de chômage brut. Le taux de chômage urbain au Maroc se situe en effet à 15,5%, ce qui place les 19,6% de chômage dans les provinces du Sud dans une autre perspective.

Il reste néanmoins à se pencher plus attentivement sur le problème de la région de Guelmim, moins urbanisée mais qui concentre près de 60% de la population du sud, et de la province de Tata en particulier, très peu urbanisée (seulement 32,1% comparé au taux national de 55,1%), avec un taux de chômage rural de 14.8% au niveau régional contre 3,7% au niveau national.

Selon le diplôme, contrairement à la tendance nationale, ce sont les jeunes actifs ayant le niveau éducatif moyen qui sont le plus affectés par le chômage dans les régions du sud. Leur taux de chômage en 2006 a été évalué à 29,5% contre 22,1% pour leurs homologues de niveau d’études supérieures. Ces taux ont été estimés, au niveau national à respectivement 18,7% et 19,5%, ce qui revient aussi à dire que pour la catégorie des jeunes de niveau d’études supérieures, leur niveau de chômage dans les régions du sud est pratiquement identique à celui de l’ensemble du reste du pays.

CONCLUSION

En 1975, au moment de leur intégration nationale, les régions du sud avaient un IDH (0,408) comparable à celui des « pays les moins avancés » Dix ans après déjà en 1985, l’IDH des régions du sud (0,520) égalisait celui du Maroc.

La croissance de l’IDH des régions du sud, si elle se poursuit au rythme actuel (2,3% par an entre 2004 et 2006), toutes choses étant égales par ailleurs, leur permettrait potentiellement de franchir d’ici cinq ans, le niveau 0,800 et d’atteindre ainsi la catégorie considérée par le Pnud comme « développement humain élevé ». Sur le plan national, l’IDH du Maroc a augmenté lentement, en valeur absolue, au long de la période 1975-2006. Comparativement, les régions du sud auraient déjà réalisé en 2006, le développement humain qu’atteindrait le Maroc dans son ensemble en 2015.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 245

Cette avancée remarquable du développement humain dans les régions du sud est d’autant plus appréciable qu’elle est observée aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Selon le Rapport national 2005 sur le développement humain HCP/PNUD, l’IDH urbain de ces régions est pratiquement égal à celui de l’urbain de l’ensemble du pays. Par contraste, les zones rurales des régions du sud avaient, de leur côté, un IDH supérieur à celui de l’ensemble des zones rurales du pays. Au niveau national, l’insuffisance du Maroc en développement humain peut être attribuée pour une part significative au retard de ses zones rurales ainsi qu’aux disparités hommes/femmes.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 247

ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE ET NOUVELLE DIVISION COGNITIVE DU TRAVAIL

Quelle(s) stratégie(s) pour les pays en voie de développement ?

Mohamed Benlahcen TlemçaniMaître de conférences en sciences économiques,

Directeur du GRECOS/CERTAP et expert international, Université de Perpignan Via Domitia.

L’ attractivité des territoires pour les investissements directs étrangers est devenue un nouvel impératif des politiques économiques nationales. La

nouvelle course pour attirer entreprises, capitaux et compétences, passe par la mise en œuvre de politiques économiques centrées sur l’attractivité du territoire. Cet objectif constitue un des axes majeurs de toutes les politiques économiques des pays développés comme des pays en voie de développement. Pour accroître l’attractivité de leur territoire, les Etats doivent jouer sur les différents paramètres qui rentrent en ligne de compte dans les décisions d’implantation dans tel ou tel pays. Ces critères sont liés tout d’abord au cadre «macroéconomique» et «macro institutionnel» qui déterminent la qualité de l’environnement des entreprises. En second lieu, il existe un certain nombre de priorités formulées par les investisseurs et dont la satisfaction va jouer un rôle déterminant dans la construction des avantages compétitifs de localisation par rapport aux territoires concurrents.

En effet, la conjugaison de la mondialisation et de la diffusion de «l’économie fondée sur la connaissance», marquée par le passage d’une « division technique ou taylorienne du travail » à une « division cognitive du travail » contribue à l’émergence d’une nouvelle structuration de l’espace économique mondial. Les firmes multinationales modifient leurs critères de localisation afin de mieux exploiter les spécificités de chaque système national d’innovation. De fait, les critères de compétitivité des nations se trouvent redéfinis avec la mise en avant des facteurs d’attractivité du territoire. Les critères de localisation sont favorables à la concentration des activités « intensives en connaissance» dans les pays

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industrialisés33, et plus particulièrement au sein des territoires riches en ressources cognitives spécialisées. Ainsi, les pays incapables d’accéder à l’économie fondée sur les connaissances se trouvent marginalisés de l’économie mondiale34.

Aujourd’hui, les entreprises recherchent moins des conditions de coûts qu’un environnement stimulant leurs capacités d’apprentissage : main-d’œuvre disposant des qualifications spécifiques, présence d’institutions de recherche spécialisées performantes et de concurrents susceptibles de générer des externalités technologiques.

Les PVD qui ont appuyé leur insertion dans la division internationale du travail sur la mise en œuvre d’avantages comparatifs pour les activités de main-d’œuvre ou d’avantages absolus pour les ressources naturelles énergétiques et agricoles sont dans ce cas. La résolution de ce dilemme implique à notre avis la mise en place d’un environnement propice, plus fécond.

Nous avançons l’hypothèse que l’appartenance des PVD à une zone régionale économique intégrée est une composante fondamentale de la création de cet environnement propice. Notre objectif est de montrer dans cette communication, que la voie d’intégration régionale des PVD s’affirme comme la seule option susceptible de contribuer significativement au désenclavement de ces pays et leur insertion active dans l’économie mondiale. Cette option peut se réaliser par la conjonction de facteurs économiques, sociaux et institutionnels :

les facteurs économiques résident dans l’amélioration des conditions - d’affectation des ressources, une diversification de l’appareil de production et une réévaluation des points d’entrée dans les trajectoires industrielles mondiales ;

les facteurs sociaux sont en partie ceux qui conditionnent l’accumulation du - capital humain. Certaines études ont démontré que l’intégration économique d’un pays dans une zone régionale développée accroît les possibilités de rattrapage. La principale raison est l’existence d’économies d’échelle notamment dans l’utilisation du capital humain et des externalités ;

les facteurs institutionnels, les recherches institutionnalistes contemporaines - soulignent que des arrangements institutionnels intermédiaires entre l’Etat et le marché (société civile) peuvent jouer un rôle déterminant dans la

33 Cf. Maurel.F., Fontagné. L ., Mouhoud.E.M., Petit. P. ; « Scénario pour une nouvelle géographie économique de l’Europe », Rapport du commissariat général du Plan, Economica, 1999.

34 Cf. Mohamed Benlahcen Tlemçani, « Economie des savoirs, quelle insertion des pays du Maghreb dans l’économie monde ? », 13ème congrès de l’Union des Economistes Arabes sur le thème de la perspective économique arabe et l’économie mondiale, du 27 au 30 mars 2000, El-Jedida.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 249

conciliation des impératifs d’efficacité dynamique (répartition plus égalitaire des dividendes de la croissance).

Une quatrième entité qu’est la société civile peut être considérée comme la matrice dans laquelle se forge une série de conventions, de règles, d’habitus qui facilitent les transactions proprement économiques. Par ailleurs, les législations sur la propriété technologique et les mesures protectionnistes jouent un rôle important dans la détermination de l’incitation à l’innovation et les mécanismes de transfert de technologies.

Les facteurs économiques : l’ouverture et la compétitivité des économiesI-

Le double processus de mondialisation/globalisation incite les États dans les PVD à mettre en œuvre une politique permettant une insertion active au sein de l’économie mondiale. Dans une nouvelle structuration de l’espace économique mondial caractérisée par l’émergence de «l’économie fondée sur la connaissance» fait que les PVD ne semblent plus capables de détenir un avantage compétitif. Leurs avantages comparatifs (industries demain d’œuvre) et absolus (dotations factorielles naturelles) ne répondent plus aux nouveaux impératifs35.

La spécialisation sur des compétences spécifiques suit une trajectoire cumulative qui peut déboucher sur une érosion de l’avantage comparatif révélé sur le produit ou les produits issus de ces compétences. Les pays possédant des compétences scientifiques et techniques sur un groupe de produits peuvent se créer des avantages absolus dans le domaine des ressources naturelles dans lesquels ils souffraient pourtant d’une indisponibilité absolue. La notion d’indisponibilité absolue dans les pays industrialisés de certaines matières ou facteurs de production doit être nuancée et relativisée (M.Benlahcen Tlemçani, 2006).

Le passage de la division technique du travail (cas des échanges Nord-Sud, échanges interbranches) à la division cognitive du travail (cas des échanges Nord-Nord, échanges intra-branches) aggrave la situation économique des PVD. Pour les économies de ces pays, l’enjeu des années qui viennent est clair : elles devront accélérer leur croissance dans un environnement beaucoup plus compétitif qu’auparavant. Elles sont restées longtemps à l’abri de la concurrence, elles se trouvent aujourd’hui confrontées à un contexte nouveau : l’émergence de la nouvelle économie, la constitution de blocs économiques régionaux, la poursuite du processus de libéralisation multilatérale dans le cadre des négociations de l’OMC.

35 Tarik Kasbaoui, « Economie de la connaissance et mondialisation : quelles perspectives pour les pays en voie de développement ? », in « Savoir, innovation et technologie au Maroc », Revue, « Repères et perspectives », n° 8-9, 2006.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE250

L’enjeu pour les PVD réside dans l’amélioration des conditions d’affectation des ressources, la diversification de l’appareil de production et la réévaluation des points d’entrée dans les trajectoires industrielles mondiales. En outre, des progrès sont nécessaires dans les techniques de télécommunications et les infrastructures de transports36 (Mohamed Benlahcen Tlemçani, 1995). Ces progrès peuvent contribuer à rendre compatibles des logiques d’organisation de la production éclatée à l’échelle internationale avec les impératifs de compétitivité et de réponse rapide à la versatilité de la demande.

Dans un contexte de libéralisation commerciale, les nouveaux accords de l’OMC imposent une nouvelle donne. Ils remettent en cause les préférences inscrites dans les accords d’association. La baisse générale des droits de douane et l’élimination des barrières non tarifaires contribueront à éroder la position préférentielle dont bénéficiaient les PVD et à aiguiser la concurrence (notamment est-européenne et asiatique) sur les principaux marchés à l’exportation.

36 Cf. - Projet INFRAMED conduit par l’INRETS-DEST Paris, GTMO (Groupe de Transport de la Méditerranée Occidentale), Synthèse finale, 5 décembre 1997.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 251

Les plus grands perdants à terme risquent d’être les pays qui ont jusqu’ici le mieux exploité cet avantage. Des travaux récents sur certains pays du Maghreb, notamment le Maroc et la Tunisie37 montrent que la réduction des exportations manufacturières de ces deux pays, provoquée par l’érosion de leur marge préférentielle, pourrait être substantielle, jusqu’à 22% pour le Maroc et 40% pour la Tunisie. Quant aux pays dont les exportations manufacturières ont été jusqu’ici peu développées, l’érosion des préférences n’aura pas d’effet immédiat, mais elle signifie qu’ils ne pourront pas disposer d’un tel stimulant sur le marché mondial.

A moyen terme, l’ouverture des économies des PVD à la concurrence devrait provoquer deux effets contraires. En premier lieu, une baisse d’activité dans les secteurs jusque là protégés et qui auront des difficultés à supporter la concurrence extérieure, en second lieu une réorientation vers les secteurs exportateurs, stimulés par la hausse de compétitivité. Pour que l’effet net soit positif, y compris en intégrant les coûts économiques et sociaux de cette réorientation, il faudrait que l’ouverture ne cantonne pas ces économies dans des spécialisations peu porteuses. Ces modifications affectant les équilibres macroéconomiques devraient stimuler la mise en œuvre de réformes structurelles visant à améliorer l’environnement et la gestion des entreprises (progression du droit des affaires, accès à l’endettement bancaire et au capital risque, augmentation de l’offre des titres sur le marché financier, ouverture du capital des sociétés, sécurisation juridique des ententes entre associés…). Enfin devraient intervenir des effets directs sur l’offre elle-même, par réallocation des facteurs sous l’effet de modification des prix relatifs induits par la concurrence extérieure.

Par ailleurs, l’un des déterminants de la compétitivité des économies des PVD est l’attrait de leur marché du travail. Pour prétendre à un rôle actif dans leurs relations avec les pays industrialisés, les PVD sont appelés à se doter d’une structure de qualification qualitativement comparable et complémentaire à celles de leurs partenaires. L’existence de rigidités structurelles dans l’espace des compétences38 sont des facteurs défavorables aux perspectives réelles d’insertion des économies des PVD dans l’économie mondiale. En effet, ces rigidités conduisent à deux conséquences l’une à court terme, l’autre à moyen et long termes :

A court terme, ces rigidités rendent l’espace des compétences moins - compétitif par rapport aux autres pays. Les PVD ne peuvent prétendre rivaliser avec certains pays industrialisés qui appartiennent à des blocs régionaux d’intégration économique. En matière d’échanges économiques, les PVD ont développé des avantages basés soit sur le coût salarial faible et/ou la proximité

37 Cf. Fontagné. L., Péridy.N. ; « European Union and Maghreb », Rapport OCDE, 1999.

38 Cf. Mohamed Bougroum, « Structure du marché du travail : quels impacts sur la compétitivité de l’économie nationale au sein de l’espace économique méditerranéen », revue Critique économique, n°2, été 2000

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE252

géographique. En présence d’une nouvelle division du travail, ces avantages vont progressivement disparaître, et à terme, l’espace des compétences des PVD, risque de ne pas présenter aucun attrait pour les investisseurs étrangers. Les avantages comparatifs dont jouissaient ces pays, sont susceptibles d’être récupérés par les pays industrialisés. Ces derniers disposent d’un double atout : ils présentent un rapport qualité de qualification/prix de la main-d’œuvre très compétitif et ils disposent d’un marché interne solvable.

A moyen et long termes, au niveau interne, le marché du travail des PVD - risque d’être confronté à un déficit généralisé des compétences vitales pour le fonctionnement de l’économie. Cette situation est plausible dans la mesure où le système éducatif dans ces pays n’est plus en phase avec les exigences de l’époque. Il reste marqué par son manque d’articulation avec le système productif. Ce qui impose une urgente réforme des systèmes éducatif et scientifique et technologique.

Les facteurs sociaux : la formation et son rôle dans le développement II- des économies

La croissance économique et les niveaux d’étude sont étroitement corrélés, il y a une relation de cause à effet à double sens entre l’éducation et la croissance. Cette idée aujourd’hui n’a assurément rien de très originale, elle a toujours inspiré les économistes de l’éducation qui ont tenté d’établir le caractère largement économique de l’éducation de l’ériger, au delà, en véritable facteur de production. Plus récemment les théoriciens de la croissance endogène, à la suite notamment de l’article de Lucas39, font de l’accumulation du capital humain l’un des axes essentiels de leur modèle et traitent des différents aspects du rôle du capital humain dans la croissance.

Un simple survol de l’évolution du système éducatif dans les PVD permet d’en appréhender les dysfonctionnements par rapport aux besoins. S’inscrivant, au départ, dans des conditions sociopolitiques qui exigeaient de lui de faire face aux besoins de l’Etat, il n’a pas pu réagir à la pression démographique et aux mutations de la société. Les responsables publics ont alors cherché à privilégier un enseignement de quantité au détriment de la qualité.

Au titre des acquis, on retient l’amélioration sensible du taux moyen de scolarisation dans certains pays en voie de développement, on peut citer en exemple les avancées des pays du Maghreb et tout particulièrement dans le primaire et le

39 Cf. Lucas. R., « On the mechanics of economic development”, Journal of Monetary Economics, vol. 22, n°1, 1988

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 253

secondaire. Mais, sur le registre des insuffisances, on relève l’importance du taux d’analphabétisme : 56,3% pour le Maroc, 38,4% pour l’Algérie et 33,3% pour la Tunisie. Ces chiffres montrent que le taux d’analphabétisme reste parmi les plus élevés du monde40.

Les efforts consentis, par chaque pays, à développer l’éducation sont indéniables, même si les objectifs ont manifestement différés. Certains ont recherché plutôt l’objectif de l’enseignement primaire universel et se sont contentés d’une plus faible extension de l’éducation secondaire et supérieure, alors que d’autres semblent avoir poursuivi une politique ambitieuse dans le secondaire et le supérieur.

Par ailleurs, globalement, les PVD ont entrepris d’importants efforts afin de valoriser les filières d’enseignement scientifique. Mais l’absence d’articulation entre l’éducation et la production constitue le problème majeur. A cause de cela, les PVD restent incapables de former les cadres scientifiques et technologiques susceptibles de nourrir le processus d’innovation et de progrès technique et d’aider ainsi au changement structurel.

Les liens entre la recherche universitaire et le monde de l’entreprise restent encore embryonnaires. L’interaction entre l’université et les milieux socioéconomiques est indispensable (M. Benlahcen Tlemçani, I. Toumi, 2007), d’autant plus que certains PVD disposent déjà d’un potentiel important d’enseignants-chercheurs et d’un vivier de compétences qui couvrent à peu près tous les domaines d’activités économiques et industrielles et susceptibles de répondre-en partie- aux besoins des entreprises, que ce soit sur le plan de l’assistance technique ou, plus généralement, de la maîtrise technologique. Toutefois, pour qu’il en soit concrètement ainsi, diverses mesures doivent être initiées, dans le cadre du partenariat Nord-Sud, afin de :

identifier les besoins de l’économie dans le domaine de la recherche - scientifique et technique et favoriser la constitution de réseaux autour des «pôles de compétence» universitaires ;

intégrer les préoccupations de la vie économique et socioculturelle dans la - politique de recherche scientifique et de développement technologique : il s’agit en fait, de définir les outils et les règles permettant à la recherche de contribuer à la solution des problèmes posés à la société ;

regrouper et renforcer les équipements existants dans quelques universités - ou centres de recherche et les gérer de façon rationnelle afin de les mettre à la disposition de tous les opérateurs, aussi bien des chercheurs que du monde de la production.

40 Cf. Améziane Ferguène et Fatiha Mohssine Abdali, « Ifrastructures de recherche et volet scientifique et technologique du partenariat euro-méditerranéen : le cas du Maroc », revue Critique économique, n°3, automne 2000.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE254

En définitive, c’est en instaurant un partenariat multiforme entre les différentes composantes des systèmes nationaux d’innovation que les liens entre l’université (sphère de formation scientifique et technique), l’entreprise (sphère industrielle) et les politiques publiques de R&D (sphère de R&D) peuvent se resserrer et se renforcer mutuellement (M. Benlahcen Tlemçani, V. Casadella, 2006).

L’articulation des sphères du SystèmeNational d’Innovation

Sphère deformation

scientifique ettechnique

Sphère de Recherche et de Développement

Sphère productive et

industrielle

Ce partenariat entre les différentes composantes des SNI doit se matérialiser par un :

partenariat des stratégies scientifiques, qui vise à améliorer les produits et - procédés industriels et à mettre au point de nouvelles technologies ;

partenariat d’ouverture, qui permet à l’université d’aider l’entreprise en lui - fournissant l’expertise et le conseil scientifique et technique, ou encore en lui donnant accès aux équipements des laboratoires. La mise en place de mécanismes d’incitation : crédit de recherche, aide à l’innovation, incitation à la création d’entreprises innovantes ;

partenariat de transfert, qui permet de céder à l’entreprise, dans les meilleures - conditions d’efficacité scientifique et économique, les résultats de projets de recherche initiés par les universités.

Une meilleure articulation entre ces trois pôles avec une valorisation des différentes interdépendances entre eux permettra de rendre les systèmes nationaux d’innovation beaucoup plus efficients.

Dans l’ensemble de ces domaines, les accords d’association et de partenariat avec les pays industrialisés peuvent se révéler d’un apport décisif pour les PVD, on le sait, les pays développées possèdent une grande expérience en matière d’articulation

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 255

science-industrie et création de synergies entre activités de recherche et activités de production. En fournissant un réel transfert de connaissances et d’expériences dans ce domaine, l’accord d’association peut permettre aux PVD d’aller plus vite et mieux vers la mise en place des indispensables passerelles entre ces trois pôles.

Les facteurs institutionnels : les réformes institutionnelles et politiquesIII-

Les difficultés de la mise en place de la stratégie « tout Etat » selon laquelle le développement pourrait être totalement planifié, projeté et géré à travers les mécanismes de la planification et de l’administration, la montée des doutes concernant la pertinence et l’efficacité de la stratégie « tout marché » (les crises financières ont montré qu’un excès du marché peut nuire au développement) militent en faveur de la recherche d’une nouvelle doctrine, de nouvelles règles du jeu en matière de stratégie de développement.

Les recherches institutionnalistes contemporaines soulignent que des arrangements institutionnels intermédiaires entre l’Etat et le marché peuvent jouer un rôle déterminant dans la conciliation des impératifs d’efficacité dynamique (répartition plus égalitaire des dividendes de la croissance). Dans le prolongement des analyses institutionnalistes, l’ordre constitutionnel (le politique) définit le cadre des « contraintes » et des « incitations » à partir duquel peuvent se déployer les divers arrangements constitutionnels. En effet, les organisations publiques et privées ne sont viables que pour autant qu’elles s’inscrivent dans les contraintes et incitations que véhiculent ces arrangements institutionnels,

les conventions, qui naissent de l’interaction spontanée et répétée des agents entre eux, jouent un rôle important dans la socialisation des agents et la viabilité des organisations.

En d’autres termes, politique et économique doivent évoluer de concert, car le succès des stratégies de développement dépend de cette synchronisation, certes imparfaite, mais essentielle à long terme.

Les stratégies de développement qui misaient exclusivement soit sur l’organisation complète de la vie économique par l’Etat41, soit la délégation intégrale des responsabilités collectives au marché (travaux d’Aoki et al, Boyer,), ont connu des échecs plus ou moins cuisants. La question n’est plus celle du choix entre principes alternatifs et exclusifs de coordination : le marché ou l’Etat ? Il est maintenant de plus en plus reconnu qu’un « dosage approprié entre l’Etat et le

41 Sapir.J, - “Les fluctuations économiques en URSS, 1941-1985”, éditions de l’EHESS, Paris, 1989 ; - « Le chaos Russe », collection Cahiers Libres, série « Essais », La Découverte, Paris, 1996.

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marché est nécessaire à la promotion du développement. Ce dosage doit s’adapter de façon dynamique à mesure que le développement se poursuit » (travaux d’Adelman,).

Figure 1 : Le politique façonne la dynamique économique

Des recherches institutionnalistes contemporaines proposent au moins deux autres formes de coordination susceptibles de jouer un rôle important dans le développement économique : l’organisation ou la firme d’un côté, la société civile de l’autre. L’organisation peut développer en son sein des routines d’allocation des ressources et de circulation de l’information potentiellement supérieures à celles du marché.

D’autant plus que dans certains cas (problème de qualité, rendements croissants…), il n’est pas possible d’organiser un marché viable. D’autre part, dans la mesure où les individus développent dans l’organisation des compétences spécifiques, ce peut être le lieu de l’accumulation de savoirs et de savoirs-faire non codifiables dont la logique de marché ne peut gouverner ni la production ni l’allocation (Benlahcen Tlemçani, Tahi, 2003).

L’explication des différences de performances entre régions, nations, voir même organisations ou firmes, a fait émerger l’importance d’une quatrième entité, la société civile. L’idée centrale est que telle est la matrice dans laquelle se forge une série de conventions, de règles, d’habitus qui permettent et facilitent ensuite les transactions proprement économiques à travers la constitution de réseaux (Granovetter, 1978), la création et le maintien de la confiance si nécessaires au développement des échanges marchands (Fukuyama, 1996), ou encore de l’émergence de la coopération (Axelrod, 1984).

ConventionsMode de Développement et type de crise

Ordre constitutionnel

Arrangements institutionnels

Organisations

Individus

Incitations

Incitations

Incitations

Contraintes

Contraintes

Contraintes

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 257

Instabilité ou crises politiques 1-Re-légitimation de l’Etat : promoteur de la croissance et de la justice

2-Chômage/croissance des inégalités, conséquences des ajustements de marché

2-Au marché la coordination des décisions courantes, à l’Etat les décisions stratégiques

3-Fragilité des institutions financières et sociales et faiblesse de certains acteurs

3-Favoriser la densité des arrangements institutionnels et la capacité d’organisation des acteurs

4-Sous-investissements dans les infrastructures collectives

4-Le secteur public assure la cohésion sociale et les infrastructures collectives

5-Forte dépendance par rapport à l’environnement international

5-Maintien d’un équilibre entre besoins domestiques et compétitivité extérieure

6-Déstabilisation des régimes de croissance par les mouvements de capitaux

6-Ouverture internationale différenciée en fonction des objectifs nationaux

La crise du consensus de Washington, fin des années 80

Etat et marché : une complémentarité au sein d’arrangements institutionnels variés, le début du XXIème siècle

Par ailleurs, la société civile tisse aussi des relations avec l’organisation puisqu’elle lui impose des règles qui ne sont pas forcément reconnues par l’Etat ni véhiculées par le marché, par exemple en matière d’emploi (Akerlof, 1984). Le processus démocratique (Held, 1987) renforce la maturation de la société civile (Putnam, 1993), alors que les préoccupations de justice sociale ont un impact certain sur les demandes adressées à l’Etat (Rawls, 1971). Ce réseau de relations sociales entretient des relations multiformes avec les transactions purement économiques, ainsi, dans certains cas, cet élément devient essentiel pour expliquer le dynamisme proprement économique d’une région ou d’un pays.

Ainsi, on mesure, d’une part, la simplification extrême qu’a représentée l’opposition binaire entre Etat et marché. D’une façon générale le clivage Etat-marché est toujours abordé en termes d’antagonisme absolu (Benlahcen Tlemçani, 1993), d’autre part, l’intérêt de cet enrichissement des catégories de l’analyse pour la compréhension de la diversité des styles de développement. La question n’est plus celle de la place de l’Etat ou du marché, mais bien de la convergence d’un ensemble de comportements qui s’inscrivent simultanément dans diverses sphères et selon diverses logiques. La place de L’Etat s’en trouve d’ailleurs renouvelée : il est au cœur de la répartition des pouvoirs, de la constitution des contraintes et des incitations qui s’imposent aux autres acteurs. Tels sont les résultats convergents des travaux d’historiens (North, 1990), et des recherches en sciences politiques qui mettent l’accent sur l’importance de l’ordre constitutionnel, dérivé du politique,

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE258

comme instrument de mise en adéquation d’un ensemble de logiques et de formes d’organisation, mais aussi de leur transformation (Sabel, 1997).

Figure 2: Les mécanismes de coordination : « le diamant » de l’économie Institutionnelle

Par ailleurs, On sait désormais que la croissance économique d’un pays en développement ne peut être basée uniquement sur les importations de technologies et les investissements en capital physique. Les institutions, les pouvoirs publics, les lois et les politiques gouvernementales sont également des facteurs clés42. Les législations sur les propriétés intellectuelle, industrielle et technologique (les marques et brevets, les normes de qualité, la veille technologique…) et les incitations financières, jouent un rôle important dans la détermination de l’incitation à l’innovation et les mécanismes de transfert de technologies, sans oublier la gestion par les entreprises elles-mêmes de programmes de R&D.

Les PVD en général, allouent peu de ressources à la R&D entre 0,3% et 1% du PIB en moyenne43, alors que ce même taux est de 2% dans l’UE, 2,4% aux Etats-Unis et 2,8% au Japon. Rappelons que le minimum d’investissements nécessaires pour

42 Cf. Saâd. M., “Transfer and use of advanced technology in less-developed countries and impact on organisational change and learning: evidence from Algeria”, in Science Technology & Development, vol. 13 (3), 1995.

43 Cf. - Djeflat.A., Zghal.R., « Science, technologie et croissance au Maghreb », réseau Maghtech, 1995 ;

- Djeflat.A., « Strategies of science and technology-based development and transition : the Maghreb perspective”, in Science Technology & Development, vol. 13 (3), 1995;

- Daguzan. J.F., “Etat, science, recherche et développement technologique au Maghreb », in Sid Ahmed.A. (dir.),

- Améziane .F. et Mohssine Abdali.F., op.cit

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 259

mettre en œuvre une politique véritable de R&D est fixé par l’OCDE à 1%44. Les entreprises publiques ou privées ne développent pas une recherche d’envergure, leurs liens avec les équipes universitaires connaissent depuis les années 1990 une évolution significative mais lente. Une faible part de la recherche est réalisée par les grands groupes industriels, qui mènent une recherche inscrite dans leur stratégie de développement. Par contre les PME, qui constituent pourtant l’essentiel du tissu industriel, croient peu en la recherche et sont peu innovatrices. Il ressort d’une enquête faite par le Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat marocain45 auprès d’un échantillon de 250 entreprises industrielles, que les entreprises marocaines consacrent moins de 0,1% de leur CA à la R&D contre 30% dans les pays avancés. 50% des sociétés marocaines ont des structures productives désuètes contre 20% seulement au niveau européen.

Dans leur grande majorité, les entreprises dans les PVD consistent en des unités de transformation de taille modeste à la fois sous-encadrées, sous-capitalisées et sous informatisées. Leur management est souvent de type familial, peu ou prou évolué, dans bien des cas dépourvu de vision stratégique et fermé à l’innovation. On remarque, une absence de liens interactifs entre l’université et l’industrie, avec pour effet négatif que le potentiel d’assistance technique et d’adaptation des technologies dont disposent les établissements d’enseignement supérieur est faiblement employé par les secteurs productifs, et plus particulièrement les PME. La production est essentiellement à base de main-d’œuvre peu qualifiée. Le secteur industriel importe selon les pays entre 70 et 85% de ses besoins en services de conseil et d’ingénierie pour l’investissement ce qui représente une part non négligeable du PIB.

Ainsi, grâce à des politiques appropriées, les pouvoirs publics peuvent jouer le rôle de locomotive et mettre en place un environnement accueillant, favorable à la création de richesses. La création d’un tel environnement passe par leur participation à l’amélioration de la compétitivité du tissu industriel et par une aide accrue aux laboratoires et aux entreprises pour leur permettre l’accès aux dernières avancées de la recherche mondiale afin de maintenir leur rang dans la compétition internationale. Cet environnement, en augmentant la confiance des investisseurs internationaux, est propice au développement des implantations productives étrangères par le biais des prises de participation des firmes multinationales et des accords d’alliances et de joint-venture qui facilitent les transferts de technologie46.

44 Cf. - Observatoire des Sciences et Technologies (OST), “Sciences et technologies : indicateurs”, Economica, 1996

45 Cf. - Améziane .F. et Mohssine Abdali.F., op.cit

46 Cf. Tahi.S., “Plaidoyer pour des alliances entre firmes maghrébines et européennes”, Critique économique, n°1, pp. 136-150, 2000.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE260

Les PVD doivent parvenir à identifier les métiers de demain et les secteurs d’activité porteurs. Ils doivent ensuite se spécialiser dans des secteurs où ils pourront bénéficier d’avantages compétitifs47. A notre avis, la recherche pour être efficace, doit concerner quelques secteurs prioritaires tout en se fixant des objectifs essentiels. Les secteurs prioritaires sont : l’agriculture, la santé, les pêches maritimes, les forêts, l’habitat, l’eau potable, la géologie, les mines, l’énergie, l’environnement, les transports et les technologies de l’information et de la communication (TIC). Quant aux objectifs principaux à poursuivre, ils sont au nombre de deux : il s’agit, d’une part de doter les PVD d’infrastructures de base en matière de recherche fondamentale et, d’autre part, de renforcer les efforts en matière de recherche appliquée dans le domaine du développement économique, social et humain.

Conclusion

Une zone d’intégration régionale n’est pas une « utopie », ni une fin en soi, mais plutôt un moyen d’élargir et de consolider la coopération entre les PVD et les pays industrialisés afin de réduire les disparités sociales et économiques, de parvenir plus rapidement à un développement durable et d’intégrer les PVD dans l’économie mondiale pour éviter qu’ils ne restent en marge d’une nouvelle économie fondée sur la connaissance et d’un nouveau système d’échanges multilatéraux.

Cependant, les différences de niveaux de développement entre les PVD, les disparités en termes d’acquisition des compétences, de revenus et de salaires, et la grande dépendance économique des PVD vis-à-vis du marché mondial constituent non pas des obstacles insurmontables, mais du moins de solides barrières à la mise en place d’un partenariat équitable et réussi. Le mode d’insertion internationale des économies des PVD demeure dans son ensemble largement traditionnel, marqué par une grande hystérésis et dépendant des rebondissements conjoncturels du secteur primaire exportateur. Les recettes tirées des exportations d’hydrocarbures, de phosphates et de produits manufacturés à faible contenu technologique ont été retranchées du fonds d’accumulation, selon des proportions variables, pour venir alimenter le fonds de remboursement de la dette. L’accélération des moyens et des technologies liés à la communication a considérablement modifié le paradigme de l’information opérationnelle à l’œuvre dans les économies ou R&D et maîtrise des compétences sont essentiels. Le nouveau modèle cognitif accentue les clivages et les déficits des PVD par rapport aux pays industrialisés.

47 Cf. Benlahcen Tlemçani.M., Tahi. S ; «Nouvelles dynamiques territoriales et intégration transméditerranéenne des pays du Maghreb «, Revue International Economics, printemps 2002.

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 261

Tous ces éléments nous ont conduit à suggérer que la stratégie d’insertion régionale doit s’accompagner de restructurations nécessaires et reste le meilleur des choix possibles pour les PVD, compte tenu du degré déjà élevé des relations entre certains PVD et l’absence d’alternative praticable. Les tentatives volontaristes d’union régionale, matérialisée par la création de zones économiques régionales et la mise en place de zones de libre-échange, constituent un premier pas vers l’intégration économique. Le partenariat Nord-Sud présente des lacunes mais constitue une base qui, améliorée et amendée, peut fournir un cadre de coopération efficace entre les PVD et les pays industrialisés (M. Benlahcen Tlemçani, S. Tahi, 2004) De nombreuses études montrent que c’est dans les domaines de l’environnement, des télécommunications, des transports, des sciences et technologies que les moteurs d’une véritable coopération pourraient être trouvés et contribuer à dépasser les logiques du court terme qui n’ont pas permis le développement, et, bien au contraire, ont accru les inégalités et les ruptures, alimentant ainsi les conflits entre les PVD.

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INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 265

INNOVATION ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL. INTELLIGENCE COMPÉTITIVE ET CRÉATION

DE SAVOIR POUR L’ACTION

Pr Henri Dou Professeur émérite, Directeur d’Atelis, Research professor Peking University

IntroductionI-

La tendance actuelle du développement politique mondial, conduit de plus en plus de régions à avoir une autonomie de décision plus importante qu’elle ne l’avait auparavant. En effet, la monopolisation des forces régionales pour créer une synergie induisant un développement local endogène se trouve conforté par une liberté de décision plus forte. Le problème est de ne pas se tromper au niveau des stratégies à développer. En effet il n’est pas question pour un pays de mettre ses propres régions en compétition interne. On ne va pas « dépouiller Pierre pour enrichir Paul » ! Il devient donc évident qu’il va falloir dans le développement local essayer de créer soit les conditions d’un investissement étranger direct, soit le développement de produits ou de services destinés à l’exportation. Actuellement, la mondialisation a introduit un nouveau « terrain de jeu » pour les entreprises, où les règles de la concurrence sont plus fortes que jamais et où il faut à tout prix à partir de ses ressources locales créer des produits à valeur ajoutée pour accéder à de nouveaux marchés. Donc, il ne faut pas créer de concurrence interne, mais essayer par synergie de s’ouvrir vers l’extérieur48.

Actuellement, en l’état de nos connaissances, la majeure partie des pays développés, suivis par les pays en développement, considèrent que l’innovation est le maître mot qui va permettre de créer des avantages concurrentiels. Cette manière de voir est mise en évidence par un certain nombre de rapports internationaux tels

48 Dou H., La Inteligencia Competitiva, hoy - Competitive Intelligence todayConference Internationale, Competitive Intelligence, Madrid, University Carlos III, 28-29 November 2007 Inaugural conference

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE266

que le rapport Palmisano (USA) (2004)49, le rapport Commonwealth (Australia) (2003)50 , le rapport sur la créativité (Canada) (2001)51, etc. C’est ainsi que la science et la technologie prennent actuellement de plus en plus d’ampleur. Les travaux de Schumpeter (1954)52 ont mis en évidence le rôle majeur de l’innovation qui sous l’action d’un entrepreuneur va briser la routine pour créer un équilibre économique nouveau. De même Keith Pavitt (1999)53 a constamment milité pour que l’importance de la science mais surtout des innovations soient prises en compte dans les politiques économiques ce qui est bien mis en évidence dans son éloge (2003)54 publié dans Research Policy. L’application, de nos jours, de ces orientations économiques se caractérise entre autre par les travaux de Michael Porter (1990)55 montrant l’importance des « clusters », ainsi que par les travaux de l’école hollandaise sur la triple hélice (1998)56 (plus connue sous le vocable de « nouveaux partenariats publics privés »57.

Le mécanisme de l’innovationII-

De très nombreuses références concernant des travaux sur l’innovation existent (Pittaway 2004)58. Mais, pour rester dans un univers opérationnel et pour aller directement vers la finalité même de l’innovation en tant que création de valeur économique nous prendrons comme base de réflexion les travaux développés par

49 SHUMPETER T., « Analyse du rapport Palmisano, RIETI (Japan) » (2004) http://www.rieti.go.jp/en/columns/a01_0158.html

50 Commonwealth of Australia. Backing Australia’s ability. The commonwealth government’s commitment to innovation (2003) http://www.backingaus.innovation.gov.au/

51 Canada creativity and innovation in the next millennium (2001) http://www. innovationstrategy.gc.ca/gol/innovation/site/nsf/fr/in05177.html

52 SCHUMPETER, J.A., Histoire de l’analyse économique , (1954). Pour plus d’information sur les théories de Schumpeter http://en.wikipedia.org/wiki/joseph_schumpeter

53 PAVITT K., Technology, Management and Systems of Innovation, (1999a) éditeur Edward Elgar Publishing

54 Eloge de Keith Pavitt (2003), Research Policy, vol.32, issue 2, p.iii55 Michael Porter, The Competitive advantage of Nations, (1990) Editeur Free Press56 Leydesdorff L., Etzkowitz H., “ The Triple Helix as a Model for Innovation Studies, (1998),

(Conference Report)”, Science & Public Policy Vol. 25(3), pp.195-203Voir aussi Industry & Higher Education (1998), 12, n° 4, pp. 197-258http://en.wikipedia.org/wiki/The_Triple_Helix

57 On trouvera un certains nombre de textes, de comptes rendus de conférences ou simposium concernant ce thème sur le site : http://www.ciworldwide.org ou http://s244543015.onlinehome.fr/ciworldwide/ (accès en Chine)

58 Luke Pittaway, Maxime Robertson, Kamal Munir, David Denyer, Andy Neely, Networking and innovation: a systematic review of the evidence, International Journal of Management Review, (2004), vol.5, issue 3-4, pp.137-168

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 267

la communauté européenne (Zanardelli 2006)59, on peut distinguer deux phases dans le processus d’innovation :

L’Etat fournit les moyens matériels aux institutions de recherche pour • développer des compétences et des savoirs.

Il faut alors transformer ces savoirs et ces compétences en produits acceptés • par le marché et susceptibles d’être exportés.

Il est donc clair que pour créer ces conditions, il va falloir surtout organiser la seconde partie du processus, c’est-à-dire le passage des compétences et des savoirs vers la production industrielle (Dou 2008)60 . Il va falloir aussi créer les conditions qui montrent aux chercheurs que la première étape n’est pas une fin en soi. Elle ne peut exister que si la seconde se développe et si on entre dans un « cercle vertueux » où la troisème mission de l’université pourra se développer : une activité amenant un bien être social. On rejoint ainsi le titre du rapport de Bernard Carayon : Intelligence Economique, Compétitivité et Cohésion Sociale. La cohérence entre ces deux étapes trouve une manière de s’exprimer dans le développement de la « triple hélice », c’est-à-dire dans la création et l’organisation de partenariats publics privés mettant en jeu les pouvoirs publics (la puissance de l’Etat), la recherche et l’industrie.

C’est pour cela qu’à partir du travail de M Porter et de l’Ecole Hollandaise différents pays développent une politique de clusters, c’est-à-dire de mise en cohérence d’un ensemble d’acteurs concernés par un même sujet de développement et bien entendu comprenant les acteurs étatiques, de la recherche et de l’industrie.

Les freins et les leviersIII-

Nous avons publié différents écrits sur ce thème, en mettant en évidence les freins institutionnels, et ceci même s’il existe une cohérence dans le langage des politiques : freins liés à la reconnaissance des chercheurs engagés dans le processus de valorisation de leur savoir et de leur compétence, ceux liés au partage de l’information réellement stratégique pour le cluster, l’activité de la gouvernance, la qualité de la feuille de route, etc (DOU 2008)61.

59 Zanardelli G., Centro Formativo Provinciale, Aziendo Speciale de la Provincia de Brescia (2006), Interreg IIIC, Bricks Workshop, Aalborg

60 Dou Henri, Recent progress in Competitive Intelligence, Competitive Technical Intelligence and Knowledge Management, (2008), Revista Ibero-americana de Ciência da Informação (RICI), v.1 n.1, pp. 89-113

61 Dou Henri, Symposium International Competitive Technical Intelligence, Beijing, China, 7-18 September 2008, Proceedings of International forum on technological innovation and competitive intelligence 2008, pp. 155-170, Peking University Press ISBN 978-7-301-15500Dou Henri, Symposium International Competitive Technical Intelligence, Beijing, China, 7-18 September 2008, Proceedings of International forum on technological innovation and competitive intelligence 2008, pp. 155-170, Peking University Press ISBN 978-7-301-15500-4

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE268

Dans cette présentation nous souhaitons plus particulièrment focaliser le propos sur la création de connaissances pour l’action à partir de l’information, c’est-à-dire sur la partie la « plus noble » du cycle de l’intelligence. Cela conduira à donner un exemple de traitement et d’analyse de l’information d’une part, et d’autre part cela soulignera la nécessité de créer régionalement un centre ou une unité permettant à partir de l’information de générer des connaissances pour l’action en fonction des objectifs de valorisation choisis. Cet aspect dépasse la simple mise en place d’une unité d’Intelligence Economique (nous utilisons ici le terme français, l’appelation internationale étant Intelligence Competitive ou Intelligence Competitive Technique). En effet, dans la majorité des pôles de compétitivité, il existe au mieux une unité de type documentaire qui receuille plus ou moins bien les informations accessibles via les bases de données scientifiques et techniques en premier lieu et ensuite les informations issues de l’Internet pour les compléter.62 Nous verrons ensuite que cette démarche aura un profond retentissement sur la gouvernance du pôle.

Créer un savoir pour l’action

Les anglo-saxons utilisent le terme « actionable knowledge », qui en France reste flou. On parle de recherche action (Manullang 2004)63, de recherche appliquée, mais rarement de la création de compétences focalisées à partir des informations accessibles dans le monde. En fait on va utiliser les résulats obtenus et publiés par des tiers pour comprendre quelles sont leurs intéractions avec les objectifs que l’on choisis et ensuite par une analyse SWOT64, identifier les forces, opportunités, faiblesses et menaces. En même temps on utilisera les cinq forces de Porter65 pour permettre de situer les acteurs et leurs interactions dans le domaine d’application choisi.

Ainsi, la connaissance pour l’action ne se trouve pas dans une bibliothèque, ni dans une liste de publications, ni dans des rapports aussi épais soient – ils. En fait cette connaissance, à partir d’une sélection rationnelle d’informations pertinentes doit

62 C’est une erreur grossière de penser que toutes les informations se trouvent accessibles en interrogeant l’Internet. En fait les informations les plus utiles se trouvent dans des bases de données structurées accessibles via des serveurs payant ou gratuits selon le cas et qui n’apparaissent pas en interrogeant directement via Google par exemple ou via un quelconque logiciel de recherche sur Internet aussi performant soit il.

63 Manullang S, Bai Y, Ismail A., Therah P, Dou H., Intelligence compétitive & recherche-action, deux éléments stratégiques pour les pays en voie de développement (2004), ISDM Information Science for Decision Making, n°15, article 151 http://isdm.univ-tln.fr/articles/num_archives.htm

64 http://www.quickmba.com/strategy/swot65 http://en.wikipedia.org/wiki/Porter_5_forces_analysis

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 269

être créée. C’est ainsi que les processus de création de savoir ou de compétences pour l’action deviennent un enjeu majeurs dans les pays développés.

La situation de la création d’information pour l’action dans le cycle de l’ntelligence

Depuis les travaux de S. Dedidjer (Clerc 2004)66 l’introduction de la connaissance dans les organisations est devenu un enjeu crucial. Nous sommes dans la société de la connaissance c’est-à-dire qu’au travail, à la terre et au capital s’ajoute maintenant une autre valeur : la connaissance.

Figure 1 : Le cycle de l’Intelligence et la création d’un savoir pour l’action à partir des informations

Ce processus étant crucial, nous allons montrer dans l’exemple qui suit comment on peut à partir d’un type d’information (ici plus technique car concernant les brevets) avoir un panorama relativement complet des travaux et acteurs d’un domaine.

66 Stevan Dedijer, 1995 SCIP Meritorious Award recipient Mario Profaca SCIP Online, http://www.imakenews.com/scip2/e_article000276855.cfm (December 2004)Stevan wrote his first paper on Global Social Intelligence at Dartmouth College in USA in l972 (from preceding citation)Hommage à Stevan Dedidjer (2004), Philippe Clerc, Regards sur l’IE, n°5, pp. 32-39 http://www.afdie.org/doc_maj/text_reference_lien15.pdf

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE270

Exemple de création d’un savoir pour l’action : l’APA (Automatic IV- Patent Analysis)

Le « mapping technologique » est utilisé par de nombreux pays et sociétés pour mettre en évidence les acteurs, évolutions et développements dans un domaine donné. Cette manière de procéder est utilisée par exemple par la Thaïlande (Toryod 2004)67 qui la couple avec une politique agressive de développepent de clusters. Différents travaux concernant la valorisation des ressources naturelles ont aussi été publiés dans ce cadre68. Notons aussi que l’OMPI69 (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) développe depuis peu un programme d’innovation pour les PME des pays en développement à partir des acquis de la propriété intellectuelle.

Dans l’exemple qui va suivre nous allons explorer le domaine des cactus. Ce sujet est choisi pour mettre en évidence l’importance d’un centre de veille ou laboratoire de veille (l’expression convient mieux).

La futur « cactopôle »70, concernne l’exploitations des cactus et la création de produits à valeur ajoutée à partir de ces derniers. L’espèce concernée est celle qui est déjà implantée sur place au Maroc, ce qui n’empèchera pas dans le futur de développer d’autres espèces si nécessaire. Nous allons procéder par ordre en suivant le cycle de l’intelligence :

La vision : développer des produits ou usages à valeur ajoutée à partir des • cactus

Choix des sources d’information :•

Scientifiques- 71 (les plus importantes : Chemical Abstracts, Medline, Biosis, Agricola, IRD)

Technologiques : les brevets, base EPO monde à partir du serveur de - l’OEB en utilisant un robot pour accroître la productivité et favoriser l’analyse automatique72

Généralités, Internet, normes REACH (Communauté Européenne, etc.)-

67 TORYOD, (2004), http://www.toryod.com/publicationmapping.php68 Bibliometry technique and software for patent intelligence mining (chapter) in Managing

Strategic intelligence. Techniques and Technologies a reviewHenri Dou and Jean-Marie Dou JrEditor Mark Xu, IGI Global, England ISBN 978-59904-243-5 15 May 200769 WIPO (SME resources), http://www.wipo.int/sme/en/70 Agence pour l Promotion et le Développement Economique et Social des Provinces du Sud du

Royaume. Téléphone 00 212 37264705 email [email protected]

71 http://library.dialog.com/bluesheets/html/bls.html 72 Comme dans le cas de la Thaïlande nous utiliseront le produit Matheo-Patent http://www.

matheo-patent.com

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 271

Dans cette publication nous présenterons une étude réalisée sur la base des brevets de l’OEB. Cette étude doit être complétée si nécessaire car elle n’est présentée ici que pour valeur d’exemple. Le thème brevet est choisi car les brevets constituent un lien naturel entre la science et les applications donc entre le domaine de la recherche et de l’industrie. Les brevets sont une source d’information unique car les informations publiées dans des brevets ne sont généralement pas publiées ailleurs. En outre les brevets (on envisage aussi les certificats d’utilité), ont une durée limitée après laquelle ils peuvent être exploités sans droit, ils peuvent aussi être déchus (non paiement des annuités par exemple) et dans ce cas utilisés aussi librement. Enfin ils peuvent n’être publiés que dans certains pays et donc s’ils ne sont pas étendus dans d’autres les exploitations de leurs résultats dans ces pays peuvent être faites librement.73

En quoi consiste l’APAIV.1-

L’analyse automatique des brevets consiste à utiliser les informations contenues dans la notice bibliographique d’une brevet (obtenu via le serveur de l’OEB), à reformater ces différentes informations pour qu’un logiciel d’analyse puisse les traiter et ensuite présenter les résultats en facilitant au maximum le travail des experts pour comprendre les évolutions, les acteurs, les sujets, apparaisant dans la recherche effectuée (elle est toujours suivie par la création d’une base de donnée locale sur votre ordinateur, cette base peut être actualisée en permanence) et donc analysable ensuite « offline »74. On fait ainsi apparaître les corrélations nécessaires pour répondre aux questions classiques :

Importance du sujet et évolution dans le temps•

Différentes technologies et applications concernées•

Qui fait quoi et comment (benchmarkinbg automatique des sociétés)•

Quelles sont les tendances de recherche et d’application par déposants, • inventeurs ou groupe d’inventeurs, par pays

Quelles sont les technologies de coeur•

Quelles sont les technologies porteuses d’innovation• 75, etc.

73 Il faut dans ce cas faire attention pr exemple au développement de produits (dans le pays X) réalisé à partir d’un brevet qui ne couvre pas le pays X, et l’exportation de ces produits dans des pays couverts par le même brevet.

74 Les interrogations de la base de données sont gratuites. On peut donc faire autant de recherches que nécessaire. Ces recherches peuvent aussi être faite manuellement (EPO (European Patent Office) Worldwide database)http://ep.espacenet.com/), mais dans ce cas il y a une impossibilité de traitement statistique d’une part et une augmentation du temps de travail (de 1 à 100 généralement).

75 Dou Henri, Bai Ying, A rapid analysis of Avian Influenza patents in the Esp@cenet database – R&D strategies and country comparisons (2007), World Patent Information 29 (2007) 26–32

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE272

Cette manière de travailler a été décrite dans de nombreux travaux qui mettent tous en évidence la richesse des informations ainsi obtenues.

Le lien entre création de savoir pour l’action et gouvernance du pôleIV.2-

La compréhension des informations et leur impact sur la stratégie ou les stratégies de développement du pôle conduit à la nécessité d’établir un lien direct entre cette unité de traitement et les personnes en charge de la décision. Ce n’est donc pas la documentation qui est concernée. Il ne s’agit pas de faire une confusion entre documentation et création d’information pour l’action. Ce sont deux choses complètement différentes. La première peut être utlisée si nécessaire en tant que de besoin, la seconde fait appel à des groupes d’experts, de la prospective, de l’évaluation et des traitements sophistiqués.

Il est donc important de bien considérer la position de cette structure dans la hiérarchie de l’organisation du pôle. La placer trop bas, sans liens directs avec les décideurs est une erreur. Toutes les organisations qui ont suivi ce modèle ont été conduites à des échecs.

Méthodologie et résulats obtenusV-

Nous allons maintenant exposer brièvement les résultats obtenus pour mettre en évidence la méthode de travail et son lien direct avec la stratégie de développement.

La base de donnée utilisée est celle de l’OEB (non pas la base directe accessible via l’Internet manuellement, mais une base dédiée à l’interrogation par des robots : la base OPS v.2.6). Elle couvre les brevets déposés par plus de 80 pays. Cette couverture est amplement suffisante pour avoir un panorama quasi complet de ce qui se passe dans un secteur d’activité.

Méthodologie et corrélations simplesV.1-

L’interrogation de la base peut de faire suivant différentes entrées. Nous avons choisi de réaliser l’interrogation via la stratégie suivante :

Cactus OR (oropuntia and ficus and indica) dans les titres et le résumés des brevets. OR étant un opérateur booléen soit cactus ou « oropuntia ficus indica ».

Ceci pur la période de 1990 à 2010 (on peut remonter dans le temps bien plus loin, pour la base OPS jusqu’en 1960). Le nombre des brevets recueillis est de 534, la recherche ayant été faite le 11 Septembre 2010 à 18 heures 10. Une base de donnée locale de 534 brevets est donc constituée hors ligne. Les traitements et analyses vont être réalisés sur cette base.

Matheo-Patent permet de visualiser l’ensemble des références et d’accéder à leur notice bibliographique, au résumé, à l’analyse textuelle du contenu (titre et

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 273

résumé) ainsi qu’à la vie du brevet (extension, modification, déchéance…). La figure ci-dessous donne un exemple de cet accès. Mais, lire l’ensemble des brevets un par un est une tâche trop longue qui ne permet pas de faire les corrélations utiles à la vision complète du sujet.

Figure 2 : Vue générale de la base locale. Un clic sur un brevet donne accès aux informations qui le concerne

Pour mettre en place une analyse plus poussée de ce corpus, on utilise l’analyse automatique qui permet de déterminer les technologies et applications via la Classification Internationle des Brevets (CIB à 4 ou 8 digits)76, les pays concernés, les déposants, les chronologies, ceci dans une série d’histogrammes.

Figure 3 : Les pays concernés par les dépôts. On a slectionné le seul brevet marocain concernant le sujet.

76 http://www.wipo.int/classifications/fulltext/new_ipc/ipcen.html ou http://193.5.93.80/sme/en

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On peut de la même façon réaliser les histogrammes de la CIB, des auteurs, des déposants, des années, etc. On trouvera à partir de la référence citée à propos de la Thaïlande la présentation de traitements plus systématiques qui ne sont pas présentés ici pour ne pas alourdir la publication.

Exemples de traitements plus sophistiqués :V.2-

Quels sont les concurrents directs potentiels du brevet marocain sélectionné ci-dessus ? Pour ce faire on remarque que le brevet marocain a été indexé dans plusieurs CIB : A23L1/308 et 305 ; A23L1/052 et 053. Remarquons que pour ces deux dernières classes il n’y a pas de concurrent dans la base cactus. (sujet générique de la classe A23L cnsulter77).Le logiciel Matheo Patent permet de réaliser des ensembles de brevets en sélectionant des données bibliographiques de ces derniers. Nous réalisons donc le groupe des brevets ayant des CIB identiques (ce groupe comprend le brevet marocain plus des concurrents potentiels). Ceci ne veut pas dire que ces concurrents font la même chose, mais simplement qu’ils ont la capacité de faire la même chose ou quelquechose de proche). Ce groupe qui contient 5 brevets étant constitué ont peut sur ce groupe réaliser les histogrammes et corrélations pour mieux connaître son contenu. Dans cet exemple on constante (voir figure ci-dessous) que les concurrents potentiels du brevet marocain, qui est encore unique dans les classes A23L1/052 et 053 pour le domaine des cactus sont des entreprises chinoises. La question qui se pose alors est de mieux connaître les déposants, les inventeurs et de bien être conscient que le brevet marocain n’étant pas étendu en Chine, une entreprise chinoise pourra utiliser ce brevet sans payer de royalties et exporter le ou les produits dans les pays où le brevet marocain n’est pas étendu.

Figure 4 : Groupe des concurrents potentiels du brevet marocain

77 FOODS, FOODSTUFFS, OR NON-ALCOHOLIC BEVERAGES, NOT COVERED BY SUBCLASSES A23B TO A23J; THEIR PREPARATION OR TREATMENT, e.g. COOKING, MODIFICATION OF NUTRITIVE QUALITIES, PHYSICAL TREATMENT (shaping or working, not fully covered by this subclass, A23P); PRESERVATION OF FOODS OR FOODSTUFFS, IN GENERAL – Pour une information plus détaillée sur le contenu des classes voir: http://www.wipo.int/classifications/fulltext/new_ipc/ipcen.html

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE 275

On a travaillé pour cet exemple sur un intervalle de dates entre 1990 et 2010. Mais il faudrait ensuite étendre la recherche sur un intervalle de dates bien plus grand pour voir dans quelle mesure des brevets dans le domaine public ne seraient pas utilisables. Enfin, il faut focaliser la recherche par exemple sur les classes A23L1/052 et 053 pour voir s’il y a d’autres brevets dans ce domaine, sur le thème cactus et dans un intervalle plus grand. Une recherche effectuée dans ce sens met en évidence le brevet suivant :

Figure 5 : Recherche sur cactus et A23L1/052 OU A23L1/053

On utilise ici la base de l’OEB accessible manuellement à titre d’information d’une part et aussi parceque la base OPS est limitée à 1960. Le brevet receuilli est de 1958, il est donc largement dans le domaine public (plus de 20 ans) et de ce fait utilisable sans payer de droit. Il faudra analyser son contenu.

Sur un plan plus général (ceci montre comment les études s’enchaînent), il est évident que les produits issus du cactus, peuvent avoir des concurrents « économiques » hors de ce champ. Pour avoir une vision de ce développement, on peut re-interroger la base de données de l’OEB (OPS) avec les classifications A23L1/052 et A23L2/053, puisqu’il n’y avait pas de brevet concurrent dans la base cactus réalisée. Le résultat conduit à un nombre de brevets trop important pour être utilisé tel quel. Il faut donc afiner la recherche en utilisant non pas seulement le terme cactus, mais des termes relatifs aux usages poteniels du brevet marocain, ou aux noms chimiques contenus dans le brevet, etc.

Exemple : Une recherche sur la totalité de la base sans limite de dates, avec :

Arabinogalactan* AND (A23L1/308 OR A23L1/305) conduit à 19 brevets qui devraient être analysés avec soin, etc… (* opérateur de troncature, AND = ET)

INTELLIGENCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL PAR L’ENTREPRISE276

On peut aussi travailler de manière plus large en réalisant des groupes plus importants ou en faisant via des matrices un « benchmatking » automatique des sociétés et de leur savoir faire, sur l’ensemble de la base (les 534 brevets), etc.

Exemple :

Figure 6 : vue partielle de la matrice Déposants/CIB (à 4 digits). Les chiffres dans le cases indiquent le nombre de bevets.

On pourra aussi utiliser l’analyse des expressions significatives dans les titres et les résumés, soit pour effectuer des recherches fines dans le corpus de la base hors ligne, soit pour travailler sur la base globale de l’OEB (OPS) soit pour aller rechercher des données dans l’Internet, etc.

La recherche de niches et d’opportunitésV.3-

Elle est facilement réalisable. Nous avons vu que la Classification Internationale des Brevets permet d’accéder aux technologies et aux applications. Il est donc aisé de réaliser un histogramme de celles-ci et de choisir les domaines (avec les brevets de ces derniers) les plus attractifs (compte tenu des compétences du pôle). On peut aussi procéder non plus par la CIB mais en utilisant les expressions significatives issues des titres et des résumés et de cette manière sélectionner les brevets afférents à ces thématiques, constuer des groupes, puis les analyser, etc.

Conclusion

Les quelques exemples ci-dessus illustrent comment les premières étapes du cycle de l’intelligence doivent être traitées. N’est pas abordée ici la constitution de groupes d’experts qui vont analyser le contenu des brevets, d’abord en partant d’une sélection, puis du résumé, puis ensuite du texte intégral si besoin est (toujours accessible via Matheo-Patent). Il faut noter aussi que le groupe d’experts, outre sa

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fonction d’analyse pourra aussi suggérer des recherches nouvelles en fonction de leurs intuitions et des résultats de leur discussion.

La recherche bien entendu ne doit pas se limiter aux brevets, mais aussi aux entreprises déposantes, aux laboratoires, à l’ensemble du contexte qui entoure l’utilisation des cactus. On pourra ainsi, dans le domaine de la R&D alimenter une analyse SWOT ainsi que la connaissance du pourtour du domaine en répondant au mapping nécessaire pour matérialiser les 5 forces de Porter. Il est donc évident qu’un pôle de compétence ne doit pas être uniquement une association de laboratoires, mais nécessairement un partenariat public privé dans lequel les techniques modernes de traitement, d’analyse et de compréhension de l’information jouent un rôle majeur. A la fois au service des laboratoires de recherche, des industriels et de la gouvernance du technolopôle, cette unité qui s’inserre dans la mouvance de l’intelligence économique est un outil indispensable pour gagner du temps et générer à partir de l’expérience accumulée de manière endogène ou exogéne un changement des mentalités et le développement des innovations.

IVDynamiques Des territoires :

concurrence et coopération

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 281

intégration régionale et Dynamique Des territoires Dans les iles carailbes

Dr Jones-HendricksonProfesseur à l’Université the Virgin Islande, Former Ambassador of St. Kitts

and Nevisto CARICOM , the OECS and the ACS,Iles Caraïbes

introDuction:

Nine small Caribbean countries in an organization called the Organization of Eastern Caribbean States (OECS) with a total population of 598,837 and a Gross Domestic Product (GDP) of EC$7,654.9 millions, with a per capital GDP of EC$7,654.9 have over the last 29-years organized themselves in such a way that despite the world’s ups and downs, the benefits and the difficulties of the world economic system, the recessions and some say depressions, these countries have found a way to survive and prosper within the cauldron of the harsh world economic realities. It is the experience of these nine counties that I wish to draw on and offer some suggestions for cooperation in areas of the world, especially where multi-countries are concerned. It may be possible to have regional management systems that could benefit the people who live and work in multi-country economic systems.

The nine countries, shown in Table One, have a literacy rate in excess of 95%. The overall population, as noted, ranges from 5,000 in Montserrat, which since 1991 has been under the cloud, literally and figuratively of an erupting volcano, to St. Lucia with a population in excess of 160,000. The countries have experienced man-made disasters in terms of management and mismanagement. The region’s debt to GDP ratio of 95%, while it could be linked to some after-effects of natural disasters, also has links to man-made disasters. Yet, these countries have used a regional development approach whereby their organization and innovative management have kept them above the line as far as economic development is concerned.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse282

table 0ne: Data on tHe organiZation oF eastern caribbean statescountries population♠ area

[sq km]gDp [ec$m constant prices, 2008]

per capita gDp

Anguilla * 14,436 35 383.0 EC$27,357♦Antigua & Barbuda 85,632 440 1,827.9 21,258British Virgin Islands*

24,491 158 1,080.0 45,000

Dominica 72,660 750 490.4 6,811Montserrat* 5,097 98 63.0 12,600Grenada 90,739 344 858.4 9,433St. Kitts & Nevis 40,131 267 701.8 17.545St. Lucia 160,267 616 1,427.9 8,924St. Vincent & The Grenadines

104,574 388 822.5 7,833

TOTAL 598,837 3,096 7,654.9 17,417

Source: The ECCB, National Income Accounts, 2009 and the British Virgin Islands Country Facts.

*These countries are Overseas Dependents of Britain.♠These are estimates of the population as of July 2010. ♦EC$2.70 equals US$1.00

In the first instance, it is to be noted from Figure One that there is a great discrepancy in terms of the per capita GDP of the countries; it ranges from a high of EC$45,000 [US16, 666] in the British Virgin Islands, which is still a colony of Britain to EC$6,811 [US$2,522] in the case of the independent Commonwealth of Dominica. Even though these disparities exist, the regional leaders saw it fit to work together to ensure that the population of the entire region came together in an economic arrangement that would be beneficial to all.

INDEPENDENCE AND MANAGERIAL STRATEGIES:

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 283

Six of the nine countries are independent. Grenada gained its independence in 1974; Dominica gained its independence in 1978; St. Lucia (1979) and St. Vincent and the Grenadines (1979); Antigua and Barbuda in 1981, and finally, St. Kitts and Nevis gained its independence on September 19, 1983. This is the smallest independent nation in the world. What managerial strategies did these small countries use to ensure that they survive and grow?

The first strategy of note was an organizational strategy. The countries set out to work under a set of managerial initiatives that have kept them in the loop of development even though the road has not always been smooth. In the first instance, on June 18th, 1981, the countries formed an organization via a treaty called The Treaty of Basseterre. This treaty was signed in Basseterre, St. Kitts. The OECS Treaty fundamentally sets about to ensure that the so-called smaller islands of the Eastern Caribbean would work together to make certain that size was not a constraint to survival. Even though Montserrat was not independent and the OECS was geared to the small independent countries, the proximity of Montserrat to Antigua and St. Kitts and Nevis, and the fact that the cultural and economic ties of Montserrat and the other islands were so strong were instrumental factors that the leaders of the independent countries offered to Britain to permit Montserrat to sign the Treaty of Basseterre and access to the OECS, even though Montserrat is still a colony of Britain. So, from day one the leaders of the small countries saw the essence of their working together for their overall economic and political development.

Prior to the signing of the Treaty of Basseterre in 1981, the countries had organized themselves in 1968 into a common market called the East Caribbean Common Market (ECCM). This was a bold initiative. The ECCM was set up by the small Eastern Caribbean States because they recognized that there was strength in unifying their economic markets and pooling their resources. The ECCM was based in Antigua.

The ECCM was transformed into an Economics Affairs Secretariat and continued to be based in Antigua. Meanwhile the Administrative Headquarters of the community was based in St. Lucia. This was strategically designed to enable all of the countries to have some benefits of the economic arrangement. This system worked for several years but after a variety of disjuncture, by 1997, the Economics Affairs Secretariat and the Administrative Headquarters were merged and centered in St. Lucia.

The OECS is today a group of nine countries whose principal charge is economic and sustainable development, international diplomacy and national and regional defense of the countries. The OECS Authority is the highest decision-making body of the OECS. The Authority is comprised of the Heads of Governments, namely

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse284

the Prime Ministers, the Chief Ministers and Premiers of the nine countries. The policy decisions of the nine countries form the basis of the work agenda for the OECS Secretariat. The Chairmanship of the Authority rotates every year on an alphabetical basis. Twice per year the Authority meets, even though it could meet for special sessions, if they are deemed necessary.

Cost-effectiveness of governance in the region, international issues that may impact on the region, environmental scanning to note features that may impair operations of the region are all part of the set of issues that are on the mandate of the OECS, and they thus become part of the managerial strategies of enabling the region to work together as a tightly knit economic grouping whose modus operandum is to focus on economic and sustainable development of the OECS.

The second strategy of note was a court system. Back in 1967, a predecessor organization to the OECS opted to have a common judiciary in the manifestation of the Eastern Caribbean Supreme Court (ECSC). This arrangement came about because, after the Federation of the West Indies which started in 1958 failed in 1962, the smaller islands of the Eastern Caribbean organized themselves under the Associated Statehood Act of 1967. The countries were at that time States in Association with Britain. They were pretty much “independent” in that they had control of their constitution and internal self-government. Britain kept them in check by assuming the rubric of national defense and external affairs. The islands called themselves the West Indian Associated Sates (WAIS); this was the predecessor of the OECS.

Even though the islands were attempting to do many things on their own in terms of self-government, it was still very difficult for them to attend to some institutional arrangements and paraphernalia as they pertained to governance. Some levels of governance continued to be a drain on the revenues of the countries. From a financial and fiscal point of view the judiciary was one of those levels of governance that were a drain on the resources of the countries. After much discussions with Britain,

“The British government proposed the Eastern Caribbean Supreme Court (ECSC) as the solution to the problem of scarce resources of smaller states and the need to build independent institutions to take over responsibility from the colonial court. Appeals from the ECSC would continue to be heard by the Judicial Committee of the Privy Council in Britain.” (Byron and Dakolias, 2008, p. 92; See also, Byron, 2000).

The ECSC is the superior court for the nine countries listed in Table One. Even though three of them are not independent they have decided that given the issues of resources it was best to outsource their judicial affairs such that a regional

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 285

entity would provide judicial activity that would be fair and free from political interference. The Court interprets and applies the laws of the member states in civil and criminal cases and also hears appeals. Appeals from the ECSC are still heard by the Judicial Committee of the Privy Council in Britain, but with the establishment of the Caribbean Court of Justice, the CCJ, at the Caribbean Community (CARICOM) level, this procedure of having appeals heard in London at the Privy Council will soon come to an end. The ECSC is headquartered in St. Lucia but the court as a travelling court hears cases around the region and can and does meet in each country in the regional grouping.

The Eastern Caribbean Supreme Court operates according to five canons of law:

A Judge should uphold the Integrity and Independence of the Judiciary1.

A judge should avoid impropriety and the appearance of impropriety in 2. all activities

A Judge should perform the duties of the office impartially and 3. diligently

A Judge should regulate extra-judicial activities to minimize the risk of 4. conflict with judicial duties and obligations, and

A Judge should refrain from political activity. [www.5. easterncaribbeansupremecourt.org].

The mission of the ECSC is to serve its member states by providing access to a system of justice that is accountable and independent and administered by officers in a prompt, fair, efficient and effective manner. And added to that, the vision of the ECSC is the “achievement of professionalism and excellence in the timely, effective and efficient access to, and administration of a cohesive, independent and accountable system of justice for the benefit of its member states.” [www.easterncaribbeansupremecourt.org].

The ECSC functions so effectively that, according to the World Bank Governance Indicators, 2005, the OECS and the ECSC are at a level of 74 out of 100. The countries above the OECS are Denmark (99); Germany (94); United Kingdom (93); United States (92); Belgium (91); Japan (89) and Spain (85). The countries below the OECS are Hungary (67); Italy (64); India (56); Trinidad and Tobago (53); China (41); Philippines (41) and Pakistan (24). [Byron, 2008, p.93; see also, Kauffmann, Kraay and Mastruzzi, 2006]. This is remarkable given the nature of the countries, their physical size and their limited resources. But, the point of central moment is that this regional, multi-country court aims to dispense justice at the highest level and at the same time administer justice across national boundaries.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse286

The Third managerial initiative was the Eastern Central Bank (ECCB). As in the case of Eastern Caribbean Supreme Court (ECSC), the Eastern Caribbean Central Bank (ECCB) was designed to recognize and respond to local needs. The ECCB is the monetary authority of the eight islands, microstate economies, namely all of the countries in Table One with the exception of the British Virgin Islands. Given the close proximity of the British Virgin Islands to the US Virgin islands, and given its historical trading relationships with the USVI, the BVI has a special financial link with the USA dollar. It uses the USA dollar as its dejure currency.

The idea behind the ECCB was to develop a bank charged with the authority to supervise banking and financial institutions in the OECS or the Eastern Caribbean Currency Union, as it is proactively called. As the countries in the OECS gained independence, it was necessary for the area to have financial institutions that were independent of the colonial authorities. When the OECS countries signed the ECCB Act in 1983, these countries had in excess of 30 years of experience with a Currency Board. Thus they were not groping in the dark as far as currency management and development issues were concerned.

At the wider Caribbean level there was and continues to be a Regional Program of Monetary Studies, of which I was a pivotal member…which program was geared to assisting the central banks in the regional development of a cadre of researchers and technicians. We in the academy worked with researchers in the Central Banks, advised some of the officers and supervised theses and research papers and co-wrote papers with younger scholars. In the case of the younger central banks such as the ECCB, the Central Bank of Bahamas and the Central Bank of Belize, many of us were actively involved in guiding the young researchers. The principal point is that we felt that we had to develop an indigenous cadre of technicians, scholars and researchers versed in decision-making and central banking principles and precepts.

The banking structure in the OECS was dominated by foreign banks and an archaic colonial system. When the ECCB stepped into the picture, it set about to change the landscape to ensure that the region moved on a strong footing in the area of prudential banking.

Prior to the ECCB coming on stream, there was an earlier experience of currency management in the region. Way back in 1950 there was a common currency in the British Caribbean. The British Caribbean dollar, the West Indian dollar, was backed by the pound sterling and was administered under the British Caribbean Currency Board (BCCB). By 1965 the BCCB changed to the Eastern Caribbean Currency Authority, [McClean, 1975].

When the ECCB came into vogue, there were only two such arrangements around the world that could have been used as models. These were to be found in the

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 287

colonies of France in Africa: Colonies Francaises d’Afrique (CFA). The CFA had its beginnings in the Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) and the Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Weak banking capacities in those regions were bolstered by the Central Banks but, whereas the Treasury of France was the lender of last resort for those two Central Banks, the Eastern Caribbean Central Bank decided to go on its own. [See Brachet, 2008, pp.51-89 in Favaro, 2008].

On January 10, 1994, BCEAO morphed into the Economic and Monetary Union of West Africa (UEMOA). It consists of the countries of Benin; Burkina Faso; Cote d’Ivoire; Guinea-Bissau; Mali; Niger; Senegal and Togo. Meanwhile, in 1996, the BEAC transformed to the CEMAC, the Economic and Monetary Union of Central Africa. The countries of the CEMAC are: Cameroon; Central African Republic; The Republic of Congo; Gabon; Equatorial Guinea and Chad.

Today, the ECCB is considered one of the best-run Central Banks in the region. The fact that it is a multi-country bank makes its tasks even more significant and challenging at the same time. According to its mission statement, the bank is charged with maintaining the stability of the Eastern Caribbean dollar and maintaining the integrity of the banking system. And this charge is in place in order to facilitate a balanced growth and development of the member states.

Critical to the operations of the ECCB is the fact that it issues a single common currency for the entire region, namely the EC dollar. This currency has been tied to the US dollar since the inception of the Bank. The flow of the currency is unrestricted in the entire region; no barriers, no fetters. The ECCB maintains a common pool of foreign exchange reserves and added to that there is a Central Monetary Authority that decides the monetary policy of the Currency Union.

From a pragmatic point of view, the purposes of the ECCB are, strategically fourfold:

To regulate the availability of money and credit•

To promote and maintain monetary stability•

To promote credit and exchange conditions and a sound financial structure •conducive to the balanced growth and development of the economies of the participating governments

To actively promote through means consistent with its other objectives the •economic development of the member governments

It should be clear from the purposes of the ECCB that its mandate goes beyond the traditional Central Bank. The beauty of this is that the founding fathers recognize that if the small states of the OECS were to survive and prosper, they had to

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse288

subsume some of their sovereignty in terms of monetary and fiscal policy and work cohesively to build a solid foundation for growth and development.

The fourth managerial initiative was the establishment of an innovative instrument to deal with civil aviation in the region. Like the earlier initiatives, the OECS/Eastern Caribbean region, established an Eastern Caribbean Civil Aviation Authority (ECAA). This coordination in civil aviation goes back to 1957 when Britain, as the colonial overlord in the region, decided to appoint a Director of Civil Aviation for the region to give advice and instructions to the countries styled the Leeward Islands and the Windward Islands. In the OECS grouping the Leeward Islands are Antigua & Barbuda; Montserrat and St. Kitts & Nevis. In the Windward Islands group, the islands are: Dominica; Grenada; St. Lucia and St. Vincent & The Grenadines. The Leeward Islands are those islands in the lee or sheltered side of the Atlantic hurricanes, and the Windward Islands are those islands that face the brunt of the hurricanes that come off the coast of Africa. In reality when the hurricanes are in full flight, it does not matter whether an island is leeward or windward.

Today the Eastern Caribbean Civil Aviation Authority (ECCAA) represents eight Eastern Caribbean countries in Table One as well as works in collaboration with the Department of Civil Aviation of the British Virgin Islands. The ECCAA has a rating of category one from the US Federal Aviation Administration. This means that the regional authority has adequate facilities, competent staff and is operating modern aviation equipment. This also means that airlines from the region can operate in USA airspace on the USA mainland and in Puerto and the US Virgin Islands, provided they obtain a foreign air carrier permit from the US Department of Transportation. For many countries around the world this is the seal of approval of travel. The fact that the ECCAA has obtained such an approval in this small area is testimony to the fact that the regional leaders recognize that it is imperative that they work together for the common good of the region. [See www.caribbeanaviation.com].

The fifth and final regional management and initiative was the development of a common telecommunications authority. Over the years Cable and Wireless (C&W) was the ears and eyes of the British Government in the Caribbean; indeed it was true in the entire world where the British Empire once held sway. Up to 1960, C&W held a monopoly in the Eastern Caribbean. As the political winds of change swept across the islands, nations and colonies in the Caribbean, as the telecommunications revolution took the world by storm and as deregulation grabbed hold of the telecommunications industry, citizens of the OECS at home and abroad started to put pressure on their governments to do something about the monopoly costs of telecommunications in the region. The high costs of local

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 289

calls and international calls were out of kilter with what was in vogue in the international arena and what was true as a result of deregulation of the industry. Cable and Wireless fought the governments tooth and nail. One company in Dominica took C&W to court and eventually won a judgment at the Privy Council in Britain. This set the pace for governments to put in train regulations to challenge the monopoly of C&W. The company kept up a stiff fight.

Eventually five countries namely Dominica, Grenada, St. Kitts and Nevis and St. Vincent and the Grenadines opted to form and association called the Eastern Caribbean Telecommunications Authority (ECTEL). ECTEL was formed in 2000 and thus it became the first multi-country regulatory telecommunications agency. The powerful development from this innovative instrument is the fact that: (1) the Cable and Wireless monopoly was broken up in the region; (2) alternative mobile-telephone (Cellular) phone technology were able to penetrate the Eastern Caribbean; (3) local and international providers were given opportunities to operate in the region; and (4) there was an exponential demand for telecommunications technology.

The pivotal point to note in this final initiative is the fact that small size is not a constraint to survival. As we say in the Caribbean, small axe can cut down big trees. If small countries come together and harness their scarce resources, they can achieve tremendous economies of scale and scope.

ECTEL just did not form an organization and end there. It established six core principles under the guidance of a Council of Ministers of Government. The Ministers responsible for telecommunications in the respective countries and the Director General of the OECS are the primarily the persons who are charged with effectuating the six core principles. In addition to ECTEL each country developed National Telecommunications Regulatory Commissions (NTRCs) whose tasks are to implement the regulations and policies of telecommunications, with the assistance of ECTEL. The responsibilities of ECTEL and the National Telecommunications Commissions are outlined in Table Two. It would be noted that no stones were left unturned when it came to ensuring that the interests of the people of the OECS were protected. Economic development and growth interest were ascribed a high order of importance.

Cable and Wireless is still in the region and still, at times, continues to battle with the states in all kinds of remarkable approaches to maintaining a presence in the region. But the fact that there are many other local subscribers now affords customers and the public in general choices at reasonable costs. At the end of the day, that was the pivotal feature underpinning the formation of ECTEL.

Today the penetration of fixed lines and mobile (cellular) phones in the Eastern Caribbean is on average 800 subscribers per 1,000 population. Internet users per 1,000 population are about 250; and cellular or mobile phone per 1,000 population

is about 550. The telecommunications share of GDP is rinsing from all accounts. So it seems that the management initiatives of setting up ECTEL and the NTRCs were vital in the long run.

conclusion:

In the final analysis as we reflect on the regional management initiatives of the OECS over the last 29 years and focus on the five initiatives covered in this paper it is clear to us that the OECS is on the right path as far as its economic development strategy is concerned. The region still has a myriad of problems with which it has to deal. Top among the list is the issue of emigration. Of the top 20 countries in the world with the highest emigration rates over the years 1970-2000, specifically the percentage of educated labor force that has migrated to the Organization for Economic Cooperation and Development (OECD), 13 of the countries were from the Caribbean, and six were from the OECS. The six OECS countries in order of magnitude were: Grenada; St. Vincent and the Grenadines; St. Kitts and Nevis; St. Lucia; Antigua and Barbuda, and Dominica. [See Docquier and Marfouk, 2005).

Table 2: Comparison of Responsibilities of Eastern Caribbean Telecommunications Agency [ECTEL] and the National Telecommunications Regulatory Commissions [NTRCs]

ectel’s responsibilities ntrcs responsibilitiesA harmonized approach to telecommunications regulations in the member states

Formulation of national policy on telecommunications matters, with a view to ensuring efficient, economical, and harmonized development of the telecommunications and broadcasting services and radio communications in the respective states

Management and regulation of the telecommunications or radio spectrum

Planning, supervising, and managing the use of radio frequency spectrum in conjunction with ECTEL, including the assignment and registration of radio frequencies to be used by all telecoms licenses operating in, or on any vessel registered in, their respective states

Ensuring a competitive environment for telecommunications in ECTEL states

Investigating and resolving disputes relating to interconnections or sharing of infrastructure between telecommunications providers, as well as complaints related to harmful electromagnetic interference

Promoting fair competition in telecommunications services

Monitoring anticompetitive practices in the telecommunications sector and advising the national body responsible for the regulation of anticompetitive practices accordingly.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 291

Working toward the provision of affordable. Modern, efficient, competitive, and universally available telecommunications services to the people of the five member states

Management of a Universal Service Fund

Advising NTRCs and governments on matters relating to telecommunications and the spectrum, including regional policy, types of telecommunications services, licensing fees, pricing, and provision of universal service

Source: http://www.oecs.org/ectel/new%20ectel.htmSee also Favaro and Winter (2008, Box 5.2 p. 141).

National disasters still take a significant toll on the GDP of these countries on the order of 2.6% of the GDP (see Tobias Rasmussen, 2006, p.185, Table 7.1). There is still an alarming rate of criminal activity that has some links to deportees from the United States. The deportees are nationals of the OECS who were living in the USA but who ran afoul of the law and were summarily deported to their place of birth. At the same time schools in the USA and Europe import many of the educated population of the region. Teachers, nurses and the rest are recruited to work abroad thereby short-changing the region of critical manpower.

The OECS has survived and in some respects has prospered over the last 29 years. The lessons of its management initiatives are of central moment to countries around the world which are thinking about multi-country economic and political arrangements. The lessons are equally vital for small states as they are for large states. At the end of the day, size is not a constraint to survival. The initiatives of the OECS have enabled the leaders to locate human resources in the context of economic development. The OECS has deepened the financial management of its people, harnessed talent, harmonized resources and have worked together assiduously even though they have (a) a narrow resource base; (2) small markets; (3) extremely high import dependence and high per capital cost of infrastructure, as we have noted (Jones-Hendrickson, 2006, p. 143). These seemingly impenetrable features of development in the OECS are now more often seen as challenges and not as obstacles to development. In this light as Sahay et al (2006), note, the Caribbean, and for us especially the Eastern Caribbean, will move from vulnerability to sustained growth. And in their strategies for sustained growth, there are management lessons to be learned by countries so structured as the OECS and countries that are willing to shift the balance of economic growth and development in their favor.

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reFerences

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le partenariat public privé Dans l’élaboration De politique De

Développement territorial: entre coopération et stratégies D’inFluence

gildas bonDiCRIISEA, Université de Picardie

La gouvernance territoriale repose essentiellement sur le triptyque, décentralisation/ transversalité du pouvoir/multiplicité des parties prenantes et interdépendance des acteurs. Ce paradigme implique un processus de participation/interaction/négociation entre intervenants hétérogènes, afin d’arriver à une action collective relativement cohérente. Par conséquent, un des principaux enjeux de la définition et l’application des politiques publiques territoriales, est la représentation du cadre institutionnel et organisationnel au sein duquel s’organisent les relations entre partenaires (autorités, entreprises, universités, associations, syndicats…). Or, la gouvernance territoriale est souvent représentée comme un processus consensuel, reléguant en arrière plan les divergences d’intérêts et les conflits qui peuvent naître de la conjugaison des multiples acteurs sur un projet commun. Une telle approche donne à la gouvernance un caractère « apolitique ». En mettant en évidence le caractère problématique de la gouvernance territoriale, cette contribution se propose d’étudier les dispositifs de coordination des acteurs qui émergent dans le cadre des réseaux de politique publique, formés à l’occasion de la définition et de la mise en œuvre d’une politique économique de développement régional.

gouvernance et politiques de développement local

L’approche régionale de l’économie du développement considère que la densité des relations qui caractérisent le territoire est un élément déterminant. Dans ce sens, l’interaction d’acteurs multiples implique la mise en place de dispositifs d’intermédiation susceptibles d’impulser des décisions et des actions cohérentes. Or, les travaux sur la gouvernance territoriale réduisent souvent l’impact de la

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divergence d’intérêts et des processus politiques de négociation qui en découlent78 alors que la nature des conflits d’intérêts, les modes de coordination et la capacité des acteurs à déboucher par la négociation sur des compromis acceptables; en deux mots les jeux de conflit/négociation/partenariat, conditionnent l’efficacité des politiques de développement local.

Dans cette perspective, la gouvernance territoriale définit un champ institutionnel au sein duquel des acteurs ayant des pouvoirs différenciés interviennent en amont (au processus de leur définition) et en aval (au processus d’application) de ces politiques de développement qui tentent d’exercer une influence politique en fonction de la place qu’ils occupent et des relations qu’ils entretiennent avec les autres acteurs.

En admettant que la gouvernance territoriale soit une entreprise à plusieurs mains au sein de laquelle interagissent de nombreux acteurs publics et privés, seuls ou regroupés, dans un cadre institutionnel pour définir les politiques publiques et les appliquer par la suite, la gouvernance territoriale est alors appréhendée en termes de co-construction entre l’Etat, le marché et la société civile (Kooiman, 2008). De cette hybridation émerge le problème des rapports de pouvoir, corollaire de situation de conflits d’intérêts entre les entités composantes, la gouvernance et induit in fine la question du statut des acteurs dans le processus de la gouvernance.

La situation de conflit d’intérêts79 ici découle du processus de gouvernance qui regroupe en son sein des acteurs venant d’horizons différents et poursuivant des objectifs propres. D’un côté, les organisations publiques sont censées agir pour atteindre des objectifs d’intérêt général et non d’intérêt propre. De l’autre côté, les organisations privées poursuivent une logique plus individualiste en visant la réalisation des objectifs d’intérêts propres. Le conflit naît de cette situation où les organisations publiques et privées sont appelées à interagir pour un intérêt collectif, intérêt qui n’est pas toujours assimilable à un intérêt général supérieur (Amilhat Szary, 2010 : 14).

La gouvernance renvoie aussi à des formes intermédiaires de régulation, ni marchandes, ni étatiques, qui articulent intérêts privés et publics, aspects sociaux et économiques (Benko et Lipietz, 1992) à partir des processus globaux d’apprentissage et de reconnaissance mutuelle qui se cristallisent dans des dispositifs de coordination.

78 Certains auteurs comme Taiclet (2007), parlent de la gouvernance comme étant un gouvernement du compromis ou comme un « processus de coordination multi niveaux et multipolaires

79 On entend par « conflit d’intérêts », le fait qu’un acteur ou un groupe d’acteur, a un intérêt financier ou autre de nature à influencer indûment la position des autres acteurs à l’égard du projet politique traité. Il y a conflit d’intérêts apparent lorsqu’un intérêt, sans influencer nécessairement les acteurs de politique publique, peut faire que son objectivité est mise en question par des tiers selon leurs buts.

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Les dispositifs doivent être compris au sens donné par Foucault (1975) c’est-à-dire comme «un ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales,[…]. Le dispositif lui-même, c’est le réseau qu’on peut établir entre ces éléments». L’enjeu des dispositifs est d’organiser des processus qui permettent à des acteurs multiples de convenir d’objectifs communs, de produire des normes acceptées et légitimées, de les traduire en règles et de mettre en application ces règles (Rey-Valette et al., 2008a :2). Ces dispositifs sont des moyens différents pour mieux comprendre « les processus d’adaptation, d’apprentissage et d’expérimentation qui sont caractéristiques de la gouvernance» (Stocker, 1998) afin de créer le dialogue entre acteurs hors et dans les arènes politiques.

La coordination entre acteurs repose principalement sur la mise en place de dispositifs au sein desquels se produisent actions et réactions selon les intérêts des uns et des autres. La gouvernance territoriale devient à cet instant le théâtre des conflits d’intérêts et d’influence entre les acteurs qui poursuivent des buts individuels et ceux qui visent l’intérêt général dans la définition d’un projet collectif. Truman (1951), parle ainsi des manœuvres d’influence dans l’action publique et les liens complexes et informels qui peuvent unir les acteurs des réseaux de politique publique selon leurs intérêts qui peuvent parfois être croisés. Michel Foucault, identifie l’exercice du pouvoir, comme l’ « art de gouverner » c’est-à-dire des rapports des hommes avec les choses que sont les richesses, les ressources, les coutumes, les habitudes et aussi avec le territoire. Il y a une répartition de rôles entre différents acteurs de la politique. Aux partis politiques la conquête et l’exercice du pouvoir, aux groupes la gestion d’intérêts spéciaux, la pression et l’influence sur le pouvoir politique (Michel Offerlé, 1998 :21). Selon Michel Foucault (1978), le pouvoir renvoie à des « jeux stratégiques » entre les individus qui les amènent à agir les uns sur les autres. Le pouvoir est expliqué ici à travers les interactions entre acteurs dans un cadre formel définissant les politiques publiques, disposant d’une marge de manœuvre, d’une certaine autonomie en ce qui concerne la prise de décision. Salais et Storper (1993) parlent ainsi d’« action située » comme le lieu où les différentes forces se confrontent, contribuent à l’élaboration des visées de la politique et de sa mise en œuvre. Dans un cadre de construction des politiques publiques, avec une multitude d’acteurs aux logiques différentes, voire contraires, le pouvoir de chacun varie davantage avec les changements de comportement des autres acteurs qu’avec le cadre réglementaire. Le pouvoir appréhendé ici comme une forme relationnelle, c’est l’adhésion des autres acteurs qui est capitale pour influer sur les décisions. Ainsi, on peut observer la reconnaissance croisée des acteurs publics et privés représentative d’intérêts pour former des coalitions. Les acteurs de réseaux de politique publique représentent parfois plusieurs intérêts à

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la fois selon leurs statuts socio-professionnels, ce qui rend difficile l’établissement de frontière nette entre le public et le privé. Individuellement, les acteurs défendent leurs propres intérêts au gré des arrangements. Dès lors, on comprend que la définition de politique publique est une opération itérative de négociation-renégociation pour convaincre les différents acteurs de s’allier à sa cause. A ces difficultés de coordination à l’intérieur des réseaux de politique publique, s’ajoute des influences externes, souvent contradictoires, émanant de l’État et des partenaires sociaux pour les agents du public et des financiers pour ceux du privé. Les organisations publiques sont plus ou moins soumises à des autorités politiques qui tirent leur légitimité des citoyens par l’élection. En effet, les acteurs publics doivent rendre des comptes aux populations locales et sont amenés à être évaluer positivement par la population pour prétendre à un nouveau mandat politique. Les groupes de pressions, les coalitions d’intérêts se saisissent entre autre de cet argument pour exercer leur pouvoir afin de faire évoluer les décisions dans le sens de leurs intérêts.

Au sein d’un territoire, l’approche du développement par le réseau se caractérise par le renforcement mutuel des stratégies des différents acteurs sous la forme de partenariats locaux.

Nous pouvons observer au moins trois types de partenariats : 1) un partenariat créé à l’initiative des personnes, à titre individuel. Ce type de partenariat est le plus souvent l’œuvre d’action militante, généralement ancrée dans une représentation très forte. Les associations citoyennes sont généralement la forme aboutie de ce genre de partenariat. 2) un partenariat créé à l’initiative du secteur privé, des entreprises ou organismes professionnels voulant exprimer leurs visions et choix dans les politiques de développement économique du territoire. 3) un partenariat créé à l’initiative des pouvoirs publics pour créer du lien sociopolitique et pour obtenir de ressources nécessaires à la réalisation de ses missions.

La gouvernance territoriale de par sa structuration fait appel à une multitude d’acteurs, ce qui implique des situations de conflit d’intérêts et de coalitions d’acteurs. Elle suscite un questionnement sur le capital politique, les conditions permettant d’avaliser la promotion d’objectifs spécifiques, les traits institutionnels des systèmes d’intermédiation des intérêts et enfin sur les caractéristiques structurelles des différents dispositifs de coordination qui en émanent.

la coordination entre public et privé : vecteur de développement

La gouvernance territoriale qui repose essentiellement sur le triptyque, décentralisation/ transversalité du pouvoir/multiplicité des parties prenantes et interdépendance des acteurs implique un problème de coordination entre intervenants hétérogènes, afin d’arriver à une action collective relativement cohérente.

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Pour arriver à faire conjuguer deux sphères, publique et privée, aux missions et objectifs différentes nécessite une ingénierie institutionnelle.

L’environnement contractuel public a connu plusieurs modifications ces dernières années. Les formes traditionnelles ont eu tendance à se rapprocher, tandis que le développement de nouvelles formes contractuelles, dont l’inspiration est anglo-saxonne, de type partenarial a été encouragé. De nouveaux contrats ont été créés offrant aux administrations publiques un choix plus vaste dans les types de contrats possibles. Il s’agit des « partenariats public-privé » (PPP). Ces contrats permettent à l’administration de confier, pour une longue durée et dans une même convention, à la fois des prestations d’études, de financement, de travaux, de fourniture, d’entretien, ou de services et de réunir des éléments relevant en principe des marchés publics et des délégations de service public.

En effet, les exigences d’un environnement de plus en plus complexe et en perpétuelle mutation, les défis posés par le développement (lutte contre la pauvreté, exigences en termes de sécurité, protection de la santé et de l’environnement, développement des infrastructures), exigent la mobilisation de différents acteurs venus de toutes les sphères de la société. Cette mobilisation a pour objectif principal de cultiver les atouts des uns et les qualités des autres et à utiliser au mieux les compétences de chacune des parties afin de répartir les risques et de partager les bénéfices communs (Osborne, 2000) ceci pour assurer le service public à la collectivité, rendre les entreprises plus compétitives et assurer l’attractivité d’un territoire.

Le concept de partenariat public-privé (PPP) suscite aujourd’hui une grande préoccupation publique et de plus en plus de gouvernements à travers l’échelle planétaire privilégient cette approche comme forme de livraison et de prestation des services publics, dans quasi tous les secteurs (l’environnement, l’éducation, les transports, les logements, l’énergie, l’eau, les télécommunications, la distribution d’électricité,…), domaines qui relevaient jadis presque exclusivement du secteur public notamment en France.

Les partenariats public-privé (PPP) s’inscrivent dans une dynamique de recul de l’Etat providentiel et opérateur à tel point que les grands chantiers économiques, scientifiques, technologiques et éducatifs de ces dernières années sont l’œuvre des échanges entre partenaires publics, et opérateurs privés. Cet état de fait semble aboutir sur une nouvelle forme de coordination de l’action de l’Etat, la « nouvelle » gouvernance.

le partenariat public privé, nouvelle forme d’organisation du local

Le Partenariat Public Privé favorisé par le contexte économico-politique et la décentralisation contribue à déplacer les lieux de régulation de la société. Ce

déplacement valorise de nouveaux espaces d’interaction, de négociation, de décisions où s’expriment des transformations de l’action publique. Ces nouveaux lieux, réseaux de politique publique mobilisent un nombre important d’acteurs appartenant à diverses sphères de la société dont la coordination engendre de nouveaux dispositifs de gouvernance pour faire coexister tous ses acteurs aux coutumes différentes.

La coordination entre les différents agents a lieu grâce à des mécanismes basés sur le respect de règles, de normes, de pratiques sociales (usages, coutumes) ou bien, à travers l’utilisation de schémas d’interaction de type permanente, comme les structures sociales ou les institutions. Les activités économiques courantes : la production, l’échange sont traditionnellement coordonnées par le marché et par les structures privées ou publiques, comme les firmes et plus largement les organisations ; il s’agit dans les deux cas de mécanismes du deuxième type, des schémas d’interaction permanents.

Différentes approches : théorie des contrats, institutionnalistes, conventionnalistes explorent les problématiques de coordination au niveau local et, en particulier, l’incidence que peuvent avoir la proximité géographique et l’appartenance territoriale sur la diffusion de comportements spécifiques. Selon une optique proche de la théorie des contrats, les comportements coopératifs inspirés par l’appartenance au territoire permettraient de faire l’économie des coûts de l’expérience, en parant ainsi à l’opportunisme des agents et en favorisant la coopération. L’appartenance au territoire comme source de comportements spécifiques a été également mise en avant par les approches institutionnaliste et conventionnaliste ; l’appartenance à un territoire qui a des ressources cognitives particulières des structures de comportement, des routines et des conventions entraînerait ainsi des processus communs d’apprentissage et de décision.

Dans notre travail, nous privilégions une approche de type gouvernance qui nous semble la mieux adaptée pour une gestion de rapports entre le public et le privé.

La gouvernance est appréhendée de différentes façons selon des modalités diverses et variées.

En admettant que la coordination entre agents repose principalement sur l’existence de règles, normes, pratiques sociales, structures ou institutions, la coordination des actions et des réactions au sein d’un ensemble complexe ou d’un système est par contre fréquemment expliquée à travers la notion de gouvernance.

Pourquoi parle-t-on de gouvernance et en quoi cette notion se distingue-t-elle de la coordination ? La gouvernance constitue un processus plus articulé et complexe dont l’élément distinctif est la co-existence d’entités autonomes qui ont des objectifs en commun et sont, ainsi, censées coordonner leurs actions.

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La gouvernance décrit alors un mécanisme d’ajustement des parties d’une unité afin d’atteindre des finalités communes et elle trouve toute sa cohérence au sein de l’analyse des systèmes ou des ensembles complexes. La gouvernance d’un système, dans une perspective physique comporte un processus, spontané et non-programmé, d’harmonisation des parties d’un ensemble. Dans l’analyse sociologique des systèmes sociaux, la gouvernance comporte « une aptitude à comprendre l’entité sociale en tant qu’un processus en évolution et de prendre la responsabilité de cette évolution » ; elle « demande à ses membres de se comporter selon la nature du lien social qu’ils entendent poursuivre au sein de cette entité, de se répartir les rôles fonctionnels pour assurer cette finalité » (Liu, 1998).

Dans l’analyse économique la gouvernance est souvent considérée comme l’ensemble des institutions permettant la coordination entre les agents. La coordination est ainsi « achevée à travers un set d’institutions que conjointement forment le système de gouvernance des institutions » et, dans ce cadre d’analyse, « marchés, hiérarchies, états, réseaux et associations représentent des modes distincts de gouvernance ».

La notion de gouvernance est introduite dans l’analyse des processus localisés par Storper (M.) et Harrison (B.) (1992) en tant que forme d’organisation inter-firmes dont les relations dépassent le champ du strictement marchand ; ces auteurs considèrent que l’ analyse des formes de coordination industrielle débouche sur celle de la gouvernance et, dans une acception restrictive, la gouvernance est une forme d’organisation inter-entreprises qui caractérise les relations de pouvoir, au-delà du marché. En analysant les « régions qui gagnent », Benko (G.) et Lipietz (A.) (1992) soutiennent que le réseau représente « la dimension spatiale d’une forme de régulation des rapports entre unités productives » et la gouvernance apparaît comme « le mode de régulation de ces rapports, qui est en général la combinaison de différentes formes : hiérarchie, sous-traitance, partenariat, ‘atmosphère’, agences publiques ou parapubliques »; selon cette définition, l’action collective est façonnée par une forme complexe de gouvernance qui comprend des formes organisationnelles coopératives, des mécanismes institutionnels ainsi qu’une conjonction favorable d’éléments fusionnés dans l’atmosphère locale. De cette manière «émerge une acceptation large du concept de gouvernance : l’ensemble de modes de régulation entre le pur marché et la pur politique » (Benko, Lipietz et Dunford 1996 :130).

Dans toutes ces définitions de la gouvernance nous trouvons quelques éléments en commun :

des composantes différenciées (des agents) qui sont proches ou qui font partie •d’une même entité (de type formel ou informel)

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse300

un processus d’ajustement ou de « mise en compatibilité » des parties de •l’ensemble

la poursuite d’un but commun (formulation/résolution de problème) •

La notion de gouvernance apparaît étroitement liée à celle de système et son application devient nécessaire et pertinente lorsqu’il s’agit d’analyser un ensemble dont les parties composantes conservent un degré élevé d’autonomie. La possibilité d’expliquer un processus d’ajustement au sein des systèmes ou ensembles complexes rend cette notion particulièrement adaptée aux structures économiques actuelles, très articulées, composées souvent d’une multiplicité d’agents interdépendants et autonomes. Il faut encore préciser quelle est la pertinence de cette notion dans le cadre des formes organisationnelles et institutionnelles locales.

Au cours de cette dernière décennie, un grand nombre de travaux a été consacré à l’analyse de la gouvernance : gouvernance d’entreprise, gouvernance des organismes (nationaux ou internationaux) gouvernance locale ou gouvernance sectorielle. Mais existe-il toujours une forme de gouvernance ou s’agit-il d’un processus se manifestant dans des dispositions distinctives ? Au niveau local, peut-il avoir un mode propre de gouvernance qui s’oppose aux formes plus générales de gouvernance ?

Nous pouvons affirmer que tout territoire est caractérisé par une forme de régulation des comportements des agents (orientation des conduites des individus appartenant à un même ensemble ou groupe social) et d’une forme de régulation des grandeurs macroéconomiques (niveau de salaires et des prix, niveau de production, monnaie et structure financière…).

En revanche, les mécanismes de gouvernance ne sont pas forcement intégrés dans la représentation d’un territoire.

La notion de gouvernance telle comme nous l’avions définie précédemment, fait référence à un mécanisme d’ajustement des parties d’un système ou d’un ensemble complexe. Et c’est précisément cette possibilité d’expliquer le processus d’ajustement au sein des systèmes ou ensembles complexes, ce qui rend cette notion particulièrement adaptée aux actuelles structures économiques, très articulées, composées souvent d’une multiplicité d’agents interdépendants et autonomes. Néanmoins, un territoire ne possède pas nécessairement une forme propre de gouvernance : un territoire peut abriter une multiplicité d’entités et agents économiques autonomes qui interagissent en respectant chacun les règles, usages, coutumes ou les cadres institutionnels propres sans pour autant montrer une forme de gouvernance conduisant à l’ajustement réciproque entre ces entités.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 301

Nous n’associons pas la notion de gouvernance à l’idée du partage du pouvoir entre les institutions publiques et privées, formelles et informelles qui représentent les différentes unités de l’ensemble (les firmes d’une corporate, les acteurs locaux dans une collectivité territoriale). Nous préférons attirer l’attention sur un autre élément de la gouvernance : le fait qu’il s’agit d’un ajustement des comportements entre des entités (les parties de l’ensemble) qui sont fondamentalement autonomes et qui se trouvent à interagir et à partager des objectifs communs sans d’autres mécanismes incitatifs ou coercitifs. Cependant, nous insistons quand même sur le fait que la gouvernance peut être engendrée ou insufflée par une loi ou un contrat. Il nous paraît aussi important de noter que son efficacité, par contre, relève de la volonté des parties prenantes de conclure un processus d’ajustement mutuel en définissant des règles et des procédures. Ce processus d’ajustement comporte comme tâches majeures l’articulation des systèmes de décisions public et privé ainsi que l’élaboration de stratégies d’ensemble, de type organisationnel ou institutionnel qui cadrent leurs échanges.

la relation entre acteurs au cœur des politiques publiques territoriales

Les politiques publiques saisies ici comme un processus d’interaction entre des groupes d’acteurs porteurs d’intérêts, de représentations et de logiques d’actions différents, ou bien de séquences temporelles sont ainsi caractérisées par leur contenu. Ainsi ce qui les définit se joue donc au sein de ces processus qui peuvent prendre différentes formes, conflictuels, coopératifs, d’indifférence mutuelle, etc. On se demande quels sont les outils analytiques mobilisés pour saisir ces interactions ?

Ici, l’action publique est comprise comme un jeu d’intérêts qui permettent de révéler la démarche particulière à ces interactions et d’approcher les raisons réels des individus qui y participent. La notion d’intérêt est centrale dans les sciences sociales, que ce soit en économie, en sociologie, en science politique pour comprendre les relations des acteurs.

Sous cette idée d’intérêt, on peut isoler deux idées force complémentaires qui se dégagent : la stratégie et la domination qui renvoient à des traditions d’étude de l’action publique.

La notion de la rationalité dans la conduite des politiques publiques ouvre la réflexion vers la perception stratégique des acteurs qui œuvrent dans les lieux de définition de ces dernières.

L’école américaine du public choice, basée sur la « théorie du choix rationnel » postule que « tout homme est égoïste, rationnel et maximise son utilité » (Mueller, 1976).

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Cette notion de rationalité couplée à la notion de l’encastrement (Polanyi, 1957) rend compte de l’interpénétration d’un ensemble de règles sociales, politiques et culturelles dans les sphères de la production de politiques publiques économiques. Il est ainsi la base des « échanges » entre les différents acteurs. L’action économique est accompagnée d’une évaluation de l’importance de facteurs non économiques (Granovetter, 1990). Ces éléments interviennent dans la classification des préférences des organisations économiques, hiérarchie profondément attachée dans des structures d’interaction sociale. L’activité d’une entreprise intègre donc des dimensions relationnelles comme la confiance, le statut, l`approbation, la recherche de prestige, les normes et le pouvoir dont l’origine est à chercher dans le contexte social. Ces dimensions peuvent permettre l’acquisition d’avantages concurrentiels durables. En définitive, la réussite économique d’une entreprise est souvent liée à l’appartenance à un réseau ou à une « communauté » (Weber, 2000). Les relations entre acteurs socialement proches peuvent avoir une influence capitale sur leur activité économique et, comme le dit Sen (1977), une firme n’est pas un « idiot social », complètement autonome et isolé, animé seulement par la maximisation de son profit. On peut considérer que les relations en réseau dans lesquelles est insérée une firme constituent la base de sa performance économique.

Dans la même perspective, on peut dire que les acteurs qui agissent dans les politiques publiques de développement économique ont plutôt intérêt à se constituer un capital social conséquent pour mieux influer sur les décisions lors des débats.

L’apport théorique sur le capital social [(Bourdieu, 1980), (Lin, 1982), (Coleman, 1988, 1990), (Burt, 1995,1997), (Putnam, 1993, 1995, 2000, 2002)] nous éclaire sur le caractère important cette notion. Putnam (1993) identifie le capital social aux caractéristiques d’organisations sociales, telles que sont les réseaux, les normes et la confiance, qui facilitent la coordination et la coopération en vue d`un profit mutuel. Selon cet auteur, les réseaux sociaux développent la confiance et instituent des normes de comportement telle la réciprocité. Par l`intermédiaire du capital social, les acteurs ont un accès direct à des ressources économiques grâce aux contacts avec des experts par exemple.

L’action publique qui est une forme parmi d’autres de l’activité politique (Bourdieu) qui est par nature une lutte tout à la fois symbolique et pratique. Dans cette lutte où seule la défense de ses intérêts (sa politique,…) compte, le capital politique80 qui constitue une forme particulière de capital social est déterminant.

80 Le capital politique pourrait être défini comme l’ensemble de relations, interactions et structures qui sont à l’origine d’une interdépendance entre acteurs publics et acteurs privés créant ainsi les conditions d’une influence mutuelle de leurs objectifs respectifs et d’un accès à des ressources autrement inaccessibles.

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Du point de vue de politiques économiques, l’influence politique peut avoir un impact considérable quant à la possibilité de peser sur la répartition de ressources gérées par les pouvoirs publics et sur les décisions politiques concernant des domaines particuliers en les faisant évoluer vers une direction favorable aux intérêts de la partie qu’on représente. La stratégie politique recouvre « toutes les activités engagées avec l’intention d’orienter, d’affecter ou d’influencer l’action gouvernementale » (Epstein 1969), afin de créer des avantages compétitifs spécifiques et d’influencer les décisions politiques (Boddewyn 1988).

Dans une perspective de développement intelligent du territoire, le territoire est analysé comme un système relationnel entre les entreprises, les pouvoirs publics, la société civile. Ces liens vont véhiculer des partages de savoirs, des valeurs et des règles. Ainsi, les échanges de connaissances et l’appartenance au territoire s’expliquent par la forme prise par les réseaux sociaux qui le composent.

Les réseaux s’inscrivent dans une dynamique évolutive, leur configuration est sujette au changement par rapport à ses parties prenantes. Le rôle et le poids des acteurs locaux, publics et privés dans le processus de production des politiques publiques dessinent les contours d’un nouveau partenariat basé sur la mutualisation des ressources territoriales, financières, politiques, humaines, technologiques, scientifiques et culturelles.

La production des idées ainsi que l’organisation de la production et de la recherche dans ce partenariat s’appuient sur un accroissement des interactions entre les pouvoirs publics et le secteur privé. Dans une telle configuration, le territoire est au centre de tous les défis pour conjuguer tous les acteurs qui n’ont pas les mêmes activités, les mêmes finalités, les mêmes stratégies, ni les mêmes logiques. Ainsi, les politiques et les objectifs entre entreprises et collectivités ont donc tendance à diverger. Pour parvenir à une coexistence de cette multiplicité, seule l’intelligence de la combinaison des ressources avec comme substrat le capital social peuvent permettre à relever ce défis de gouvernance « hybride ».

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reFerences

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intelligence stratégique et politiques innovantes

pr alain redslob Professeur à l’Université Panthéon-Assas, Paris II

Outil de maîtrise et de protection de l’information destinée aux décideurs, l’intelligence économique a franchi de nombreuses étapes qui l’ont conduit à revêtir quatre aspects : policier, militaire, géopolitique et économique, ce dernier étant devenu prépondérant sous l’emprise de la mondialisation. Plus que de leur être consubstantiel, le renseignement économique conditionne à présent la survie des nations et des entreprises. Plusieurs obligations en dérivent : le renforcement de la coordination des actions, l’accentuation de la cohésion sous toutes ses formes, l’approfondissement de la synergie entre les actions des Etats et celles des entreprises et la maîtrise des nouvelles technologies. C’est admettre tout de go que le concept d’intelligence économique doit acquérir un statut européen.

Précisément, au cœur des régions qui composent notre continent, un type inédit de concurrence éclôt : stratégique, il englobe compétitivité des entreprises et gestion du développement des territoires, toutes deux ayant l’innovation pour cœur.

Dans ce contexte, l’Union européenne ne pouvait rester inerte et ne l’a pas été. Aussi notre propos se focalisera-t-il tant sur ses orientations passées et présentes que sur les inflexions qui se dessinent à horizon décennal.

cohésion économique, sociale et territoriale

La politique régionale s’est ingéniée à moderniser les régions en retard en opérant un transfert de ressources entre les régions. En sorte qu’elle a été, et demeure, un puissant moteur d’intégration et un vecteur de solidarité, soumis à des réorientations qu’atteste le cadrage budgétaire des perspectives financières 2007-2013.

Point étonnant qu’elle apparût dans le Traité de Rome dans le dessein affiché de promouvoir un développement harmonieux. Il n’était guère pensable, en effet, de viser la constitution d’un marché commun dénotant des disparités régionales

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse308

flagrantes en matière de scolarité, d’emploi, d’infrastructures ou encore de précarité81.

La cohésion économique, sociale, territoriale fonde la politique régionale.

A cette fin, le Traité prévoyait la création d’un Fonds social européen (FSE) devant faciliter la mobilité professionnelle et géographique des travailleurs. Ce fonds n’a joué qu’un rôle marginal au départ, car l’expansion était vive et le niveau d’emploi élevé. Les restructurations gigantesques infligées par les chocs pétroliers de même que l’adhésion de pays à standard de vie plus modeste ont mis en lumière de notables disparités régionales si bien que la définition d’une politique structurelle efficace s’imposait. Le FSE se trouva donc flanqué du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et de l’Instrument financier d’orientation de la pêche (IFOP) sur les plans agricole et piscicole, puis du Fonds européen de développement économique régional (FEDER) dont les actions ont porté prioritairement sur la mise à niveau des régions en retard. On ajoutera qu’un fonds de cohésion a vu le jour en 1993, qui visait à consolider les infrastructures de transport et d’environnement. Ce concept de cohésion, initié par l’Acte unique européen de 1986 et scellé dans le Traité sur l’Union de 1992, est, aux côtés du marché unique et de l’Union monétaire, un pilier du trépied constitutif de la Communauté. De fait, les interventions qui ont eu lieu sous sa houlette ont connu un franc succès : s’il est indéniable que subsistent des écarts, il est juste d’observer une convergence affermie. L’Irlande, pour ne citer qu’elle, témoigne du comblement de bien des retards en un temps record82.

Trois directions fondamentales ont été arrêtées en 1999.

Voulant éviter le saupoudrage des fonds alloués, la première a cherché à réduire le nombre d’initiatives et à clarifier les responsabilités. Ce souci de rationalisation n’a épargné aucun type de dépenses, qu’il fût lié aux fonds structurels, aux initiatives communautaires ou aux fonds de cohésion. La promotion du développement et de l’aménagement des régions en retard, la reconversion des régions affectées par le déclin, l’adaptation et la modernisation des politiques et des systèmes d’éducation, de formation et d’emploi ont formé les objectifs assignés aux fonds structurels. Pour leur part, les initiatives communautaires ont concerné la stimulation de la coopération transfrontalière (INTERREG III), la promotion du développement rural (LEADER +), la lutte contre les discriminations et les inégalités sur le marché du travail (EQUAL) et la revitalisation de villes et de

81 Actuellement, on dénombre 268 régions réparties dans les vingt-sept Etats de l’Union.82 Quand elle adhéra à la CEE, en 1973, son PIB n’atteignait pas les deux tiers de la moyenne

européenne, tandis qu’à l’heure actuelle il compte parmi les plus élevés de l’Union.

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banlieues (URBAN II). Rappelons enfin que la consolidation des infrastructures de transport et d’environnement a relevé des actions des fonds de cohésion.

La poursuite de l’effort financier en faveur de la cohésion économique et sociale a formé le deuxième axe de la politique régionale décidée en 1999. Un accord interinstitutionnel permit de maintenir l’effort en cette direction, sachant que les fonds structurels se ventilaient à raison de 70%, 12% et 13% entre les trois objectifs cités, le solde étant réparti entre les initiatives communautaires, les actions innovantes et la dotation IFOP hors objectif n°1.

Troisième et dernier axe, l’extension de cette stratégie territoriale aux futurs Etats membres. L’élargissement aux pays des PECO, près de s’achever à cette époque, drainait des fonds considérables de mise à niveau tant le délabrement des économies socialistes était préoccupant. L’homogénéisation économique et sociale a encore du chemin à parcourir, même si les stratégies de pré adhésion ont tenu leurs promesses et si les instruments PHARE, ISPA, SAPARD, CARDS - refondus dans l’unique Instrument de pré adhésion (IPA) - ont correctement rempli leur mission.

A ces directions arrêtées en 1999 ont succédé les orientations 2007-2013.

La politique régionale arrêtée pour ce septennat qui absorbe le tiers des dotations budgétaires (308 milliards d’euros) porte l’accent sur des actions plus ciblées, concentrées sur les zones défavorisées, mais aussi plus décentralisées et plus simplifiées, ayant la disparition progressive de la distinction entre anciens et récents Etats membres pour ligne de mire. Les priorités retenues comprennent la croissance, la compétitivité, l’emploi et l’environnement selon les dispositions des agendas de Lisbonne et de Göteborg. En vue de lisser les disparités économiques, sociales et territoriales, d’accélérer les restructurations et de pallier les inconvénients nés du vieillissement des populations, de nouvelles visées ont été définies.

Certes, nul ne conteste que la politique régionale suivie ces dernières années a porté ses fruits puisque nombre de retards ont pu être comblés. Hélas ! bien d’autres subsistent et se creusent suite aux adhésions récentes, à l’instar de l’insuffisance de formation des personnels, d’innovations languissantes ou de déficiences matérielles. Il convient par conséquent d’y remédier, concurrence oblige.

Dorénavant, la politique de cohésion occupe une seule ligne budgétaire et sa dotation a été passablement renforcée. Il ne pouvait en aller autrement au su des études d’impact passées et au regard du contexte de l’élargissement socio-économique de l’Union. A cet égard, il est des évidences qu’il faut connaître et qu’une communication de la Commission datée de 2004 résume83 : « Avec

83 L’entrée postérieure de la Roumanie et de la Bulgarie n’a pu qu’affermir ce constat.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse310

l’élargissement au 1er mai 2004, la population européenne augmente de 20%, la superficie d’un quart environ. Mais le PIB communautaire n’augmente que de 5%. Les disparités régionales vont doubler. La richesse par habitant dans une Union à 25 diminue d’environ 12,5%. La proportion de la population vivant dans les régions en retard de développement augmente, passant de 20 à 25%. Dans le même temps, les difficultés que connaissent les régions défavorisées de l’Union actuelle n’auront pas disparu. D’où la nécessité de continuer à les soutenir ». Si on ajoute que la mondialisation induit des adaptations obligées et promptes au motif des flux de toutes natures qu’elle provoque, et si on garde en mémoire le vieillissement dramatique de la population européenne, on comprend l’ampleur des restructurations faites et à venir. La recomposition territoriale et sectorielle qui y participe au premier chef s’agence autour d’un petit nombre de thèmes-clés : l’innovation et l’économie de la connaissance, l’environnement et la prévention des risques, l’accessibilité et les services d’intérêt général (SIG).

Trois orientations qui charpentent le domaine de la politique de cohésion ont été actées.

La première, dénommée convergence, s’évertue à mettre à niveau les Etats et les régions les moins développés. Plus des trois quarts des ressources, soit 264 milliards d’euros, sont affectés selon des règles précises d’attribution : le FEDER abonde la modernisation des infrastructures de base, la diversification économique des territoires et la protection de l’environnement ; le FSE mobilise des fonds en faveur de la stratégie européenne pour l’emploi (SEE) ; le Fonds de cohésion redéploie ses subsides puisqu’il finance depuis 2007 d’autres domaines à l’instar des actions innovantes, des mesures d’adaptation aux changements, des initiatives pour développer le capital humain, voire des dispositions renforçant l’efficacité administrative.

La deuxième orientation, appelée compétitivité régionale et emploi, affermit l’attractivité des régions, hors les moins favorisées subventionnées sur les fonds de l’objectif précédent. FEDER et FSE agissent pour revitaliser le tissu économique en offrant une enveloppe de quelque 60 milliards d’euros dans la double perspective de monter des programmes régionaux placés sous la houlette du FEDER et de concevoir des programmes nationaux soutenus par le FSE pour promouvoir l’apprentissage et l’emploi, appréhendés sous des angles distincts (vieillissement, handicaps, minorités ethniques...).

Quant à la troisième voie, baptisée coopération territoriale européenne et financée par le seul FEDER pour un peu plus d’une dizaine de milliards d’euros, elle solidifie la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 311

Recherche, société de l’information, prévention des risques et gestion de l’eau comptent parmi ses priorités.

En termes de crédits d’engagement, le tableau qui suit récapitule ces diverses affectations au titre de l’exercice 2010.

Pour chacun de ces nouveaux objectifs, des cagnottes pour imprévu sont opportunément constituées. De plus, tant de la part des Etats bénéficiaires que de celle de la Commission européenne, leur pilotage fait l’objet d’un suivi à date convenue, suivi qui, une fois transmis au Conseil, permet des adaptations en fonction des orientations stratégiques préfixées. De surcroît, la Banque européenne d’investissement (BEI) et le Fonds européen d’investissement (FEI) peuvent être associés aux grands projets et aux partenariats public/privé. Au plan de la gestion financière, les versements surviennent en trois étapes : celle du préfinancement, celle du paiement intermédiaire et celle du solde qui, en tout état de cause, ne saurait dépasser la date du 30 juin 2016 ; des autorités ad hoc supervisent gestion et contrôle en se référant au principe de subsidiarité, tandis que les Etats ou la Commission jugent de l’efficacité des activités en faisant appel à des évaluateurs indépendants. La règle dite « règle n + 2 » voulant que la consommation des crédits qui excède de deux années leur engagement soit automatiquement biffée est maintenue. Enfin, aux Etats d’assurer la publicité et le contrôle des opérations en dessous d’un certain seuil, et à la Commission de procéder, le cas échéant, à des audits in situ, au moment de la clôture de comptes, à celui de la mise en place de mécanismes de correction financière ou encore à celui de l’accélération des procédures de recouvrement de fonds et/ou de fraudes. L’ensemble de ce dispositif se comprend non seulement en raison du montant des sommes en jeu, mais surtout parce que l’élargissement de l’Union fait que la proportion de la population ayant un PIB inférieur à 75% de la moyenne communautaire croît84. On saisit que, dans ces conditions, la Commission maintienne le principe d’additionnalité qui interdit à l’Union d’être le seul contributeur.

84 A preuve, quand on examine la répartition des aides régionales, fonds structurels et fonds de cohésion confondus, on observe que les pays de l’Est de l’Union se taillent la part du lion, en vérité un peu plus de la moitié du total. La Pologne, largement en tête, encaissera 59,7 milliards d’euros sur la période 2007-2013, soit cinq fois plus que la France (12,7).

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Concluons sur ce premier point.Accédant au premier rang des dépenses communautaires, les actions relevant de la politique régionale passées et les orientations 2007-2013 qui les ont relayées consolident la dimension stratégique de la politique de cohésion. Gageons qu’elles vivifient, sur le terrain, les ententes auxquelles sont parvenus la Commission, les Etats membres, le Parlement européen et les régions. Croissance, emploi et qualité de vie en ont été stimulés, plus particulièrement dans les pays qui, adhérents d’hier ou d’avant, souffrent de retards notoires.

Face à la nécessité de s’adapter à des contextes mouvants, la plupart du temps difficultueux, il importe de poursuivre dans cette voie qui allie flexibilité, efficacité et équité. Le modèle européen ne peut que s’en trouver raffermi, sans le moindre doute. C’est précisément dans cette voie que s’est engagée l’Union.

compétitivité, équité, durabilitéIl est des expressions de circonstance, donc fugaces, d’autres au relent idéologique, infécondes par nature, d’autres encore désireuses d’imprégner une époque. La notion de développement durable relève de celles-là, assurément. La Commission mondiale pour l’environnement et le développement la définit pour la première fois en 1987 comme « un type de développement qui permet de satisfaire les besoins des générations présentes, sans réduire la possibilité des générations futures de satisfaire les leurs ». Depuis lors, elle a été gravée dans le Traité de l’Union européenne, en son article deuxième, où elle s’inscrit à la confluence des domaines économique, social et environnemental.

A l’aube de notre siècle, la Commission en esquissait les contours en précisant que la croissance devait impulser le progrès sans porter atteinte à l’environnement, que la politique sociale devait être pensée pour aiguillonner l’activité, et que les actions menées en faveur de l’environnement ne devaient pas ignorer la donne économique. Autrement dit, les termes de compétitivité, d’équité et de durabilité étaient conjugués. Ils le seront davantage si la stratégie « Europe 2020 »85 les encadre, fait plus que probable.

Visant une amélioration de la qualité de vie à cet horizon, cette dernière propose à l’Union de faire siennes les cinq finalités que sont l’emploi, la recherche et l’innovation, le changement climatique et l’énergie, l’éducation et la lutte contre la pauvreté86. Concrètement, ces priorités se traduisent en ceci :

85 « Europe 2020 : une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive », Commission européenne, 2010.

86 Le 26 mars 2010, le Conseil européen a approuvé tant les objectifs clés que les dispositions visant à en améliorer le suivi. Le 17 juin, il adopte officiellement la nouvelle stratégie pour l’emploi et pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Des discussions sur des thématiques approfondies devraient s’ensuivre.

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1/ faire que 75% de la population âgée de 20 à 64 ans ait un emploi ;

2/ consacrer 3% du PIB global à la recherche-développement ;

3/ atteindre les « 20/20/20 » en matière d’environnement et d’énergie (réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20%, élever la part des sources d’énergie renouvelables à 20%, accroître de 20% l’efficacité énergétique) ;

4/ abaisser à moins de 10% le taux d’abandon scolaire et hausser à plus de 40% le nombre de jeunes détenant un diplôme de l’enseignement supérieur ;

5/ diminuer de 20 millions le nombre de personnes sujettes à la pauvreté.

A ces fins, trois priorités sont dégagées : une croissance intelligente rivée à la connaissance et à l’innovation, une croissance durable assise sur une utilisation plus verte et plus compétitive des ressources et une croissance inclusive privilégiant la cohésion sociale et territoriale. Intimement liées, mais non exhaustives, toutes trois façonnent une architecture novatrice. Eu égard au thème traité, on s’attardera ici plus particulièrement sur les stratégies innovantes et l’intelligence territoriale.

Même si elle n’a pas été ignorée par le passé, l’innovation devient un moteur essentiel de la croissance. Education et recherche, sans lesquelles il n’est pas de performance durable, sont à hisser au premier rang des préoccupations et ce d’autant que l’Europe accuse un retard sensible par rapport à ses principaux concurrents87 et que les insuffisances en matière d’éducation, de formation et d’apprentissage sont patentes88.

C’est dire si les gouvernements et les entreprises sont appelés à coopérer étroitement, surtout quand on sait que la compétitivité de l’Union repose d’abord sur le dynamisme de ses PME ; au nombre de vingt-trois millions, elles agglutinent 70% des emplois et représentent le même pourcentage du PIB.

A ce stade, il nous faut évoquer une des sept initiatives-phares de la Commission intitulée « Une Union pour l’innovation ». Trois caractéristiques s’en dégagent : un recentrage de la recherche et de l’innovation sur les défis sociétaux majeurs (changement climatique, efficacité énergétique, santé et vieillissement des populations) ; une approche élargie du concept d’innovation touchant d’autres domaines que la seule technologie à l’instar de l’organisation, de la

87 Les dépenses de R&D y sont inférieures à 2% du PIB contre 2,6% aux Etats-Unis et 3% au Japon. De plus, la société numérique y est nettement moins développée

88 A titre d’exemples, sait-on que 15% des élèves sortent des systèmes de formation prématurément et que 50% ne disposent pas, à leur sortie, d’une formation idoine ?

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commercialisation, du marketing… ; un désir de faire éclore un marché unique de la recherche et de l’innovation.

L’accomplissement de cette initiative impliquera des engagements tant de l’Union que des Etats. A l’échelle de l’Europe, la Commission se fixe cinq buts : le renforcement de la programmation pour achever l’espace européen de la recherche et relever des défis thématiques et territoriaux précis ; le remodelage des cadres juridique, technique et financier afin d’élargir la capacité innovatrice des entreprises européennes ; le lancement de partenariats avec les Etats membres pour mieux maîtriser les techniques d’avant-garde ; la démultiplication des sources financières pour soutenir les projets innovants ; le resserrement des liens entre l’éducation, la recherche, l’innovation et le monde de l’entreprise. A l’échelon des Etats, les membres sont invités à encourager l’excellence et la spécialisation intelligente en révisant leurs systèmes de recherche, à recentrer les programmes scolaires sur la créativité, l’innovation et l’entreprenariat, enfin à privilégier dépenses et incitations axées sur la connaissance.

En parallèle à toutes ces actions de diffusion d’une authentique culture de l’innovation dans la société, d’autres orientations ont été proposées pour mettre sur pied une stratégie d’intelligence territoriale qui, à l’échelle de l’Union, appliquera les méthodes et les outils de l’intelligence économique au profit de stratégies de développement d’espaces innovants et compétitifs, à l’instar des clusters d’entreprises ou des pôles de compétitivité89.

L’annonce est sans ambages : la croissance doit bénéficier à toutes les régions, y compris celles qui sont ultrapériphériques, car il y va de la cohésion territoriale. Dès lors, la valorisation du potentiel de main d’œuvre européen exige des mesures vigoureuses en matière d’emploi, de compétences et de lutte contre la pauvreté. A cet égard, deux initiatives-phares sont à mentionner.

Baptisée « Une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois », la première se propose de moderniser les marchés du travail et de pérenniser les modèles sociaux. Côté Union, il s’agira de développer la stratégie de flexisécurité, d’assouplir la législation en épousant les principes d’une réglementation intelligente (« Smart Regulation »), d’encourager la mobilité du facteur travail en sollicitant l’appui des fonds idoines (Fonds structurels et Fonds social européen), d’affermir le dialogue social, d’associer dans un cadre stratégique toutes les parties prenantes en matière d’éducation et de formation, enfin de valoriser les compétences liées à la formation continue. Côté Etats membres, ils veilleront à transposer nombre de décisions, à amoindrir la segmentation du

89 Signalons l’achèvement de plusieurs projets d’intelligence stratégique, STRATINC dans le domaine des clusters innovants, REGTRAT au plan régional.

marché de l’emploi, à reconsidérer fiscalité et parafiscalité afin de ne pas nuire à l’embauche, notamment celle des travailleurs peu qualifiés, à restaurer l’égalité entre les hommes et les femmes, à développer l’emploi des seniors, à garantir le suivi du dialogue social, à amplifier les procédures de certification, à favoriser l’osmose entre le secteur de la formation et le monde du travail.

« Une plateforme européenne contre la pauvreté » est l’intitulé de l’autre initiative phare. Là encore, l’objectif est clair dans la mesure où la cohésion, entre autres territoriale, la reconnaissance des droits fondamentaux et l’inclusion des oubliés de la croissance en forment les maîtres mots. A dessein, l’Union s’évertuera à approfondir les méthodes de coordination en matière d’exclusion et de protection, à stimuler l’innovation sociale en direction des plus démunis et à assurer la viabilité des systèmes de santé et de retraite. Aux Etats de valoriser la responsabilité collective et individuelle dans la lutte contre la pauvreté, d’arrêter des mesures pour protéger les populations à risque et de mobiliser leur système de protection afin de garantir une couverture santé et un niveau de retraite décents.

Finalement, voilà une palette d’engagements forts et pertinents. Amendés ou non, puissent-ils être adoptés et mis en œuvre au plus vite car s’ils font partie d’une stratégie crédible de résolution des difficultés actuelles, ils ébauchent les contours de la physionomie de l’économie sociale de marché européenne du XXI° siècle.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 317

conventions et milieu innovant, le cas De la région grenobloise

pr michel HollardProfesseur émérite à l’Université Pierre Mendés France de Grenoble 2

introduction

La région grenobloise a connu depuis la seconde guerre mondiale une forte croissance. En témoigne l’évolution de sa population.

Commune de Grenoble :

1789 : 25 000 habitants

1848 : 27 000 habitants

1880 : 50 000 habitants

1911 : 77 000 habitants

1936 : 96 000 habitants

1946 : 102 000 habitants.

1968 : Grenoble compte 166 000 habitants, l’agglomération grenobloise 339 000 habitants

2006 : Grenoble 156 000 habitants, Agglomération grenobloise 396 000 habitants, Région grenobloise 731 000 habitants.

Après la seconde guerre mondiale, la croissance est donc forte et se caractérise par une extension de l’urbanisation au-delà des frontières de la commune centre, la zone urbaine absorbant les 27 communes de l’agglomération puis une partie des vallées et massifs montagneux avoisinants.

Comment caractériser le développement d’un territoire comme celui de la région grenobloise ?

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse318

Cette contribution90 tente de repérer différentes phases du développement de la région grenobloise depuis le début du XXème siècle, qui ont conduit une région industrielle, axée entre les deux guerres sur la production et l’utilisation d’énergie, vers une configuration comportant aujourd’hui des secteurs d’activités diversifiées, et marquée par la présence de centres de recherche, d’universités et d’entreprises spécialisées dans de nouvelles technologies (microélectronique, informatique, biologie,…).

De nombreux travaux ont été consacrés au développement économique des territoires. Les outils d’analyse économique les plus courants permettent de mettre en évidence les avantages compétitifs d’un territoire en fonction des ressources dont il dispose, de sa localisation par rapport aux marchés, des capacités de transport,…. Les interactions entre les différentes activités sont prises en compte avec l’analyse des externalités et des effets d’entrainement.

Pour que ces mécanismes puissent fonctionner, il faut que les différents acteurs puissent disposer d’une représentation de leur territoire leur permettant d’agir de manière relativement cohérente et d’établir des liens durables entre eux (veltz 2002).

La théorie des conventions (BatIfoulIer 2001, eymard-duvernay 2006) propose un cadre théorique permettant de comprendre comment se définissent les structures d’action qui caractérisent les trajectoires du développement local. Pour Michael storper ( 1995), « le problème est, pour les différents acteurs, de savoir comment d’une part les autres vont faire face aux incertitudes existantes et comment d’autre part eux-mêmes se comporteront en retour ». Il en résulte que les systèmes les plus dynamiques – ceux qui sont caractérisés par les innovations – « n’émergent pas d’une rationalité universelle abstraite mais de rationalités endogènes et différenciées d’acteurs collectifs liés les uns aux autres par leurs propres conventions à base souvent locale ». M. storper cite l’exemple de la « 3ème Italie » caractérisée par la qualité des produits, un travail indépendant fondé sur la famille, la fascination des technologies avancées, et des règles informelles sur la gouvernance des entreprises. On peut penser dans cette perspective que les périodes où les dynamiques territoriales sont les plus fortes sont celles où les conventions territoriales sont « en phase » avec les structures d’action requises par les contraintes de compétitivité.

90 Cette contribution a beaucoup profité des éléments rassemblés en vue d’un ouvrage sur « Grenoble, cité de l’innovation, cité internationale » en cours de rédaction sous la direction de Daniel Bloch avec la participation de Michel Belakhovsky, Gérald Dulac, Michel Hollard, Claude Jacquier, Alain Nemoz, Jean-Louis Quermonne, Daniel Thoulouze, Jacques Voiron. Je remercie également J.L. Girardet pour sa relecture d’une première version de ce texte qui n’engage toutefois que son auteur.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 319

François eymard-duvernay précise, à propos de l’organisation des entreprises, que la construction des conventions résulte d’un processus qui fait que des acteurs qui ne sont pas d’emblée d’accord sur un des biens communs, parviennent cependant à un « accord sur un cadre qui permette de résoudre leurs désaccords. […]. Les acteurs d’entreprise sont constamment dans ces activités de construction, d’entretien, de réparation des dispositifs de coordination. »

Cette fragilité dans la construction d’un principe commun, signalée dans le cas des entreprises, est a fortiori encore plus grande pour un territoire. Celui-ci peut en effet n’être qu’un espace géographique sur lequel des activités seulement juxtaposées, indépendantes les unes des autres, viennent s’ implanter pour utiliser des ressource préexistantes. Mais lorsqu’on a affaire à de véritables dynamiques territoriales, les différentes activités ont nécessairement des liens entre elles et nous verrons, dans le cas grenoblois, que ces liens dépassent le cadre du calcul individuel des acteurs et mêlent de manière indissociable les réseaux locaux, nationaux et même internationaux. « Chaque individu a, dans le cours de son activité économique, des préoccupations économiques et sociales. Le politique et le social sont « implantés » dans l’activité économique et non des espaces les surplombant » (eymard-duvernay 2007 p. 202).

La question que nous voudrions poser est celle de l’existence d’un cadre qui fournisse « une justification en termes de bien commun, par lequel les acteurs peuvent donner un sens à leurs actes, ou aux changements d’orientation qui leur sont imposés, mais qui, en retour, les contraint. » (Olivier thévenon in eymard-duvernay 2006 T. I p. 269). Précisons avec f. eymard-duvernay [in BatIfoulIer 2001 p. 294 sqq] que le problème de construction de ce cadre suppose aussi l’existence d’institutions intermédiaires « permettant de passer d’un système de valeurs à l’autre, et capables de supporter les tensions qui en résultent ».

Dans cette contribution, on se propose donc de relire quelques travaux sur l’histoire du développement de la région grenobloise en recherchant, pour les périodes les plus exemplaires, la nature des conventions qui ont pu faire de cette région un véritable territoire économique, social et politique. Il apparaît assez nettement que certaines périodes peuvent être caractérisées par des « principes supérieurs communs », différents d’une période à l’autre, qui ont été construits dans la durée, qui s’estompent ensuite pour laisser place à d’autres, mieux adaptés à la situation locale, à l’évolution des techniques et au contexte national et international. Ce qui nous conduira in fine à nous interroger sur la possibilité de construction d’un principe supérieur commun pour les années à venir.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse320

Les industries et recherches grenobloises91 : une présentation sectorielle

A Grenoble, comme dans le Dauphiné, la révolution de la vapeur a été tardive. Les premières branches industrielles qui se sont développées ont été celles de la ganterie, du textile, de la métallurgie et de la papeterie, sur la base d’une organisation familiale du capital accumulé à partir d’activités commerciales. La tendance de l’économie locale face à la première révolution industrielle a été celle du repli sur une production manufacturière de luxe : ganterie, tissage de la soie, aciers fins et papeterie. « La révolution technique de l’électricité a concerné des branches qui n’existaient pas dans la région – la chimie, les industries d’équipement, la mécanique…- et auxquelles la population autochtone n’était guère préparée ; d’où l’arrivée massive d’étrangers dès la fin du XIXème siècle. » (morsel parent 1991 p.19).

la ganterie

La montée en régime de cette industrie s’effectue dans la première moitié du XIXème siècle. Son apogée se situe dans les années 1890.

A la fin du second empire on comptait 2000 coupeurs et 30 000 ouvrières dans l’aire d’influence du bassin grenoblois et plus de 15000 au tournant du siècle.

Bien que cette industrie ait complètement disparu aujourd’hui, on peut dire que son dynamisme commercial a fait connaître Grenoble et qu’elle a permis une accumulation de capitaux dont certains se sont réinvestis dans d’autres secteurs. La classe ouvrière issue de la ganterie a présidé à la mise en place d’un mouvement syndical et politique surtout masculin, fondé sur la dignité, la noblesse et la solidarité du métier. L’entreprise ARaymond qui était spécialisée dans les boutons pressions existe toujours aujourd’hui et se consacre désormais aux connexions hydrauliques et aux différents systèmes d’attache pour l’automobile.

la métallurgie

La métallurgie basée sur la production de fonte et d’acier à l’aide du chauffage au bois, s’est développée dans le Dauphiné dès le XVIIème siècle à partir des mines des différents massifs montagneux. Elle s’est modernisée ensuite progressivement (métallurgie au charbon) pour aboutir, ensuite au début du XXème siècle, à la métallurgie fine grâce à l’hydro-électricité (Forges d’Allevard). Après la seconde guerre mondiale apparaît la production de poudres de carbure de tungstène, de poudres de fer magnétique et de la grenaille d’acier. Cette métallurgie des poudres

91 Cette description de l’évolution historique des principales industries grenobloises s’appuie sur [morsel et parent, 1991] pour la période qu’ils étudient.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 321

bénéficiera des travaux sur le magnétisme de Louis Néel arrivé à Grenoble en 1940 et qui obtiendra le prix Nobel de physique en 1970.

la papeterie

Il s’agissait à l’origine (du XVIème au XIXème siècle) d’une activité artisanale. Son développement industriel ne date véritablement que de la deuxième moitié du XIXème siècle avec l’adoption de la pâte à bois qui remplace le chiffon comme matière première. Le développement de cette activité a été lié à l’utilisation des chutes d’eau, dans le deuxième tiers du XIXème siècle, pour produire de l’énergie et de l’électricité.

Il est intéressant de noter l’importance de trois personnages dans le développement de l’industrie papetière du Grésivaudan : Amable Matussière fabriquant de parquets, originaire du centre de la France, qui s’associe à Alfred Fredet, originaire d’Auvergne, ingénieur de l’Ecole Centrale de Paris, qui fut le maître d’œuvre d’une chute d’eau de 71 mètres, et Aristide Bergès, né dans l’Ariège, également centralien, qui installa en 1869 la première haute chute d’eau de 200 mètres et de 1000 CV. C’est ce dernier qui lança le terme de « houille blanche » pour désigner l’énergie de provenance hydraulique.

On notera que dès cette époque deux caractéristiques :le rôle déterminant de personnes extérieures à la région, recrutées pour - leurs compétences techniques d’ingénieurla liaison entre ces hommes et la gestion municipale : Aristide Bergès - fut adjoint au maire de Grenoble puis maire de Villard-Bonnot de 1896 à 190292.

la cimenterie

« Le département de l’Isère a eu dès le milieu du XIXème siècle l’avantage d’avoir des savants, tels que Louis Vicat et Emile Gueymard, capables de déceler quelles étaient les couches géologiques susceptibles de fournir des ciments naturels et de posséder ces calcaires marneux en abondance. En quelques décennies il est même devenu le premier département français pour la production des liants hydrauliques naturels (morsel parent o.c. p. 108)» Louis Vicat et Emile Gueymard sont tous deux des polytechniciens originaires du département de l’Isère. Le premier (1786-1861) recherchait le moyen de construire un ciment capable de prendre dans l’eau en vue de la construction d’un pont. Le second (1788-1870), au cours de sa carrière, eut à explorer les richesses minéralogiques du Simplon et du Léman,

92 Sur l’importance attachée par certains industriels à la vie municipale, on se référera à (morsel parent o.c. p. 92) qui montrent comment un papetier de la région avait organisé et contrôlé le vote de ses salariés aux élections municipales de 1902.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse322

créa un laboratoire municipal de chimie à Grenoble et fut par la suite doyen de la faculté des sciences de Grenoble.

Trois cycles peuvent être distingués dans l’industrie du ciment grenoblois :

1853-1906 : croissance liée au développement du chemin de fer et des constructions haussmanniennes,

1907-1946 : lien avec l’électrification du pays et la construction de barrages,

1947-1980 : lien avec la croissance urbaine et les transports, la production étant essentiellement destinée à la demande locale.

Notons que les conditions sociales des salariés sont, dans les premières années, très dures. Ce n’est qu’après la première guerre mondiale que les rapports de force seront plus favorables aux ouvriers.

la chimie

C’est dans la vallée de la Romanche que, dès la fin du XIXème siècle, les premières installations d’électrochimie se réalisent, avec l’utilisation de la force motrice de la rivière pour la production d’électricité ; après la seconde guerre mondiale, la chimie se développe en se rapprochant de Grenoble qui devient progressivement l’un des importants pôles de la chimie de base en France.

Parmi les hommes qui ont joué un rôle important, on peut noter le nom de Charles-André Keller (1874-1940), ingénieur d’origine lorraine qui fut l’un des premiers à faire produire de la fonte par réduction des minerais de fer au four électrique, et qui joua un rôle important dans la vie économique grenobloise : il fut président de la chambre de commerce et présida aux manifestations de l’Exposition internationale de la houille blanche et du tourisme à Grenoble en 1925.

Dans cette branche on a fait appel massivement à de la main d’œuvre étrangère, pendant et après la première guerre mondiale. A la fin des années 20, les étrangers représentaient 60% des 1124 actifs de la commune de Livet dont les deux tiers d’Italiens, les autres étant des maghrébins et des slaves. (morsel parent p. 140).

Une usine est particulièrement intéressante à observer, qui se situe entre la chimie et le textile, installée en 1926 dans la banlieue de Grenoble par la société de la Viscose qui est propriété d’un industriel lyonnais. La fibranne qui y est produite est une fibre textile obtenue à partir de fibres végétales traitées avec de la soude caustique et du sulfure de carbone. L’usine emploie 1500 ouvriers en 1936 dont la majorité d’origine étrangère (Hongrois, Polonais, Italiens, Arméniens,…). Elle a été le lieu de grèves dures en 1936 et est devenue pendant la guerre un foyer de résistance actif, avec une direction qui a su à la fois maintenir son activité en étant fournisseur de l’état allemand tout en étant en contact avec l’École d’Uriage

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 323

et en conservant des relations de compromis avec les syndicats dont les activités résistantes ne pouvaient lui échapper (cf Blondé 2008).

les biens d’équipement

Les industries de bien d’équipement naissent au milieu du XIXème siècle avec la production d’instruments en vue de la mise en place du chemin de fer, des premières usines à gaz, de la production de turbines, vannes, conduites forcées (houille blanche), d’équipement et appareils électriques, de matériels pour cimentiers et papetiers, d’engins pour travaux publics. Elles viennent se placer en amont de l’hydro-électricité dont le développement leur ouvre des débouchés.

Jusqu’à la première guerre mondiale et pendant celle-ci, la chaudronnerie et la construction mécanique dominent. Il s’agit d’entreprises familiales qui, pour l’essentiel, s’autofinancent. En 1914, la métallurgie emploie 3000 ouvriers. Les entreprises grenobloises grâce aux ententes qu’elles ont établies entre elles et avec une banque locale, disposent d’un quasi monopole sur l’équipement hydraulique des massifs montagneux du pays. Durant la guerre, le patronat grenoblois profite de son influence politique et de ses relations avec le patronat national pour s’orienter vers l’armement (obus notamment).

La première guerre mondiale provoque un essor considérable qui se poursuit jusque dans les années 1950. La production s’élargit à tous les matériels électriques et au matériel pour les travaux publics avec un marché qui s’étend à la nation tout entière et à ses colonies (exemple de Neyrpic passe de 565 salariés en 1931 à 1379 en 1947 et plus de 2000 en 1951 ; Merlin-Gerin fondé en 1920 passe de 400 ouvriers en 1925 à 1200 en 1930, 1800 en 1947, 3500 en 1951). Les entreprises deviennent presque toutes des sociétés anonymes avec des sources de financement diversifiées.

Après 1950, la dynamique précédente est remise en question avec la stagnation du marché de l’hydroélectricité, la montée en puissance de l’industrie nucléaire (dont des entreprises comme Neyrpic et Merlin-Gerin deviennent aussi des équipementiers) et l’apparition de nouveaux créneaux (électronique, micro-informatique, notamment).

Du nucléaire vers la biologie moléculaire et structurale

En 1956 le Commissariat à l’énergie atomique décide de s’implanter à Grenoble, où Louis Néel a été en mesure de lui proposer un vaste terrain laissé libre par l’armée. Celui-ci en est le directeur jusqu’en 1971, fonction qu’il cumule avec celle de directeur de laboratoire CNRS, de professeur à la faculté des sciences et de directeur de l’Institut Polytechnique de Grenoble. L’effectif du centre de Grenoble est de l’ordre de 2000 salariés. Le centre regroupe des laboratoires de

disciplines très variées : physique, chimie, biologie, électronique et dispose de moyens de calcul puissants. De nombreux programmes de recherche associent des chercheurs du CEA, du CNRS, des établissements universitaires.

En 1973, c’est la création de l’Institut franco-allemand Laue-Langevin qui dispose d’un réacteur à neutrons puissant.

En 1975 c’est l’European Molecular Biology Laboratory (70 chercheurs aujourd’hui) qui s’implante à Grenoble à proximité de l’ILL.

En 1985, c’est la création de l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) ou « Synchrotron ». Dix-neuf pays participent au financement et au fonctionnement de cette source de rayons X, l’une des plus intenses au monde. La lumière synchrotron extrêmement brillante de l’ESRF ouvre des possibilités dans l’exploration des biomolécules, nanomatériaux, catalyseurs en action, fossiles ou objets précieux du patrimoine. L’ESRF reçoit environ 6000 scientifiques chaque année, qui viennent y réaliser les expériences les plus variées.

En 1992 c’est la création de l’Institut de Biologie Structurale (IBS) par le CEA et le CNRS. A la fois centre de recherche, plateau technique, site d’accueil et de formation scientifique, l’IBS a pour vocation le développement de recherches en biologie structurale, en vue de la compréhension des mécanismes biologiques fondamentaux.. L’institut propose une approche multi-disciplinaire, aux frontières de la biologie, de la physique et de la chimie. L’effectif total de l’Institut est d’environ 230 personnes, de plus de trente nationalités différentes.

En 2006, c’est l’installation, près de l’ILL, du Bâtiment Carl-Ivar Bränden qui abrite notamment l’Institut de Virologie Moléculaire et Structurale

Des activités de production, liées à ces centres, se sont développées à Grenoble : machines électrostatiques (SAMES), recherche sur les matériaux, échanges thermiques, matériel médical (Becton Dickinson).

La nouveauté de ces créations d’entreprises par rapport aux industries traditionnelles de Grenoble est de se développer par essaimage à partir de centres de recherche existants et non par exploitation de ressources locales préexistantes comme pouvaient l’être la houille blanche et le tourisme dans l’entre-deux guerres. Le même constat peut être fait à propos de l’électronique et de l’informatique.

l’électronique et l’informatique93

Le secteur de l’informatique et de l’électronique s’est développé à Grenoble dès les années 1950. La réussite locale dans ce domaine repose en très grande partie sur l’action du mathématicien Jean Kuntzmann, arrivé à Grenoble en 1945.

93 Ce paragraphe s’appuie sur des travaux en cours de Jacques Voiron.

Les années 1950 et 1960 sont caractérisées par l’émergence de la recherche et de la formation en calcul numérique informatique sur le site en synergie avec les acteurs socio-économiques. Pour le monde socio-économique grenoblois, c’est « le tout début des besoins de calcul » avec les utilisateurs de calculateurs comme par exemple : Sogreah, les implantations d’entreprises dans les années 60 : par ex Cap Gemini pour les activités de services informatiques, Bull pour les constructeurs de machines et enfin l’évolution vers le logiciel système et applications (calcul, comptabilité, gestion, centres de calcul internes pour les grands utilisateurs par exemple EDF, ou la grande distribution et les grandes administrations). La Formation en informatique permet la mise en place d’« un bassin unique de compétences » : avec la création de la plupart des filières de formation parfois en marge du système universitaire ou des Écoles d’ingénieurs existant.

Les années 1970 sont marquées par la montée en puissance de la recherche et de la formation en informatique sur le site avec la présence d’acteurs économique importants. Les faits marquants sont les implantations d’entreprises, en particulier HP, multinationale nord américaine, avec une antenne d’un centre de recherche. Des entreprises, mais aussi des PME se spécialisent dans le service, les logiciels et le développement de systèmes plus diversifiés, et des ébauches de réseaux

La recherche se développe avec l’élargissement des thèmes scientifiques, par des recrutements extérieurs sur les technologies de base (systèmes, langages et compilation, bases de données, …).

Les années 1980 se caractérisent par le développement important de la recherche et des technologies de l’information et de la communication, avec l’installation du centre de recherche et de développement de France Télécom en 1981. L’essaimage des « diplômés en informatique » dans le secteur du logiciel, des systèmes et des réseaux est remarquable. Les sociétés sont attirées sur le site par le bassin de compétences, les laboratoires de recherche en informatique et le cadre de vie.

Les années 1990 sont une période de maturité des technologies de l’information et de la communication avec un fort développement économique qui se poursuit sur le site. La technologie permet aux micro-ordinateurs et aux réseaux d’entrer dans les usages personnels. Les marchés changent de nature et deviennent des marchés de masse incluant une grande diversité de produits grand public.

De grands acteurs industriels mondiaux implantent des antennes de leurs centres de recherche ou y nouent des alliances. Les collectivités locales développent des applications à la vie urbaine tandis que les essaimages de PME se poursuivent. Des implantations nouvelles se produisent (INRIA par exemple).

Les années 2000 se caractérisent par la convergence entre logiciels et micro/nano technologies ». La technologie permet la miniaturisation des micro-ordinateurs, le développement des équipements de télécommunications permettent en parallèle aux réseaux avec internet et au web d’entrer massivement dans les usages personnels.

Les marchés deviennent des marchés de masse, la diversification des produits grand public s’accentue, de nouveaux usages apparaissent. Les marchés professionnels restent très spécifiques. L’informatique et les logiciels sont de plus en plus embarqués. Les systèmes d’informations, le calcul intensif, les systèmes de contrôle sont repensés avec de nouvelles architectures pour les nouveaux usages et les contraintes de sécurité.

Cette période est marquée par une politique nationale de la recherche favorisant les liens entre recherche publique, entreprises et collectivités locales. De juillet 2000 à mars 2004, 19 centres nationaux de recherche technologique (CNRT) sont ainsi mis en place en France. La région grenobloise s’inscrit très activement dans cette direction avec un CNRT consacré aux micro et nanotechnologies du numérique, montrant ainsi sa capacité à fédérer des industriels (Bull, France Telecom R&D, Infogrammes, STMicroelectronics), des organismes de recherche publique (CEA, CNRS, INPG, INRIA, UJF) ainsi que les collectivités locales (Région Rhône-Alpes, Conseil général de l’Isère, Communauté d’agglomérations «Métro», Ville de Grenoble). En 2002, l’Etat, les collectivités locales (Région Rhône-Alpes, Département de l’Isère, la Communauté d’Agglomération Grenoble-Alpes-Métropole, Ville de Grenoble) le CEA, l’Institut national polytechnique de Grenoble et la Caisse des Dépôts et Consignations décident la création de MINATEC « campus d’innovation en nanotechnologies » qui regroupe des laboratoires, des salles blanches et une école d’ingénieurs de l’INP. Avec la mise en place du pôle MINALOGIC, labellisé en Juillet 2005, comme pôle de compétitivité mondial qui anime et structure dans la région Rhône-Alpes, se confirme un réseau d’innovation et de compétences spécialisées dans les solutions miniaturisées pour l’industrie. Il constitue un élargissement du CNRT en étendant ses compétences aux logiciels et en associant d’autres entreprises, regroupant au total 183 membres : 137 entreprises, 15 centres de recherche et universités, 15 collectivités territoriales, 13 organismes de développement économique, 3 investisseurs privés. on peut donc parler d’un véritable cluster informatique et microélectronique grenoblois.

chrIstIan genthon [2010] évalue ainsi la croissance des emplois du cluster informatique et microélectronique grenoblois :

Tableau 1 : Emploi industriel du cluster grenoblois1988 1996 2007

Informatique 4 500 6 000 6 000

Microélectronique 6 000 8 000 15 000

Sources : AEPI et évaluations de l’auteur : Christian Genthon 2010

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 327

Tableau 2 : Emploi dans la recherche publique1988 1996 2007

Informatique 1 200 1 400 2 000

Microélectronique 900 1 200 2 500

Sources : AEPI et évaluations de l’auteur : Christian Genthon 2010.

les biotechnologies

L’essor des biotechnologies à Grenoble est relativement récent. Il résulte de la convergence de trois mouvements :

Le développement de la faculté de médecine (composante de l’Université - Joseph Fourier) et du Centre Hospitalo-universitaire,

L’intérêt manifesté par le CEA dès son implantation à Grenoble pour les - recherches en biologie, qui s’est renforcé avec la « dénucléarisation » du CEA-Grenoble et sa participation à l’Institut de Biologie Structurale

Le développement des technologies de l’information et leur apport à - l’instrumentation médicale et à la recherche en micro et nano-biologie.

On estime (source AEPI Agence d’Études et de Promotion de l’Isère) que ce secteur regroupe en Isère 2000 emplois dans la recherche publique et. un tissu industriel diversifié de 8 000 emplois. Un enseignement supérieur totalisant 5 000 étudiants. Une politique s’est mise en place progressivement pour développer des complémentarités avec le pôle de Lyon.

Forts de la complémentarité entre médecine, biologie, chimie, informatique, nanotechnologies, physique, Grenoble forme avec Lyon un véritable carrefour de compétences, la région grenobloise visant surtout à développer de nouveaux outils de diagnostic pour de nouvelles approches thérapeutiques. Soutenus par les collectivités territoriales, les établissements se sont fédérés autour de grands projets. Le pôle de compétitivité Lyonbiopole, la plateforme Nanobio ou encore Clinatec, le laboratoire Bio-Mérieux sont autant d’illustrations de la capacité des acteurs isérois des biotechnologies à se mobiliser et travailler ensemble. Le projet Nanobio, lancé en 2002 par le CEA et l’UJF pour le développement des nanotechnologies pour les sciences du vivant, regroupe 300 chercheurs et œuvre à développer de nouveaux outils miniaturisés pour améliorer l’analyse, le diagnostic et la thérapie. Le projet Clinatec, lancé par le CEA en 2006 propose une nouvelle approche complémentaire entre les neurosciences et les nanotechnologies dédiée à des applications thérapeutiques pour les maladies du cerveau. Le PSB - Partnership for Structural Biology réalise un partenariat entre les grands instruments de recherche Grenoblois, ERSF/ILL/EMBL(European

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse328

Molecular Biology Laboratory)/IBS. avec l’UJF pour le renforcement de la recherche en biologie structurale.

les sciences de l’univers

Les recherches sur les sciences de l’univers ont connu un dynamisme remarquable à Grenoble au cours des deux dernières décennies, s’inscrivant dans la suite de spécialisations plus anciennes en géologie et glaciologie liées alors au contexte alpin. Fort aujourd’hui d’environ 640 personnes, dont plus d’un quart d’étudiants en thèses, l’Observatoire des sciences de l’univers est une fédération de 6 laboratoires et 3 équipes de recherche qui réalisent des travaux de recherche fondamentale et appliquée. Les recherches menées portent sur les mécanismes fondamentaux des systèmes naturels, la reconstitution de leur origine et de leur évolution, l’étude des interactions de ces systèmes naturels avec les activités humaines. « La prévision des changements futurs, qui en découlent, représente des enjeux de société cruciaux en termes d’environnement, d’évolution climatique, d’exploitation des ressources et de maîtrise des risques, pour un développement durable. De manière plus générale, ces études contribuent aux réflexions sur la place et l’avenir de l’homme sur Terre et dans l’Univers. » [cf. présentation de l’Observatoire sur le site de l’Université Joseph Fourier].

D’où vient la dynamique grenobloise ?

Ce rapide survol des principales évolutions des activités industrielles et des laboratoires de recherche en longue période montre que Grenoble a été le lieu de transformations profondes depuis la seconde guerre mondiale.

Une vision idéaliste de cette situation conduirait à penser qu’il y a un « génie grenoblois » qui veillerait sur son économie et ferait en sorte que celle-ci s’adapte constamment aux technologies de l’avenir. On a parfois cherché à localiser ce génie dans les montagnes qui entourent Grenoble. Et on peut voir en effet, dans cette histoire, une industrialisation initiale grâce à la houille blanche et au tourisme, activités en effet très liées aux montagnes. La suite peut s’interpréter par des enchaînements dus aux connaissances acquises dans chacune des phases précédentes : les industries d’équipement viennent se placer en amont des industries énergétiques ; une population d’ingénieurs se développe ; des universitaires de talent viennent s’installer pour profiter d’un environnement social et géographique favorable. Une discipline en attire une autre : on passe de l’électricité à l’informatique, du nucléaire à la microélectronique, de la microélectronique à la biologie structurale, etc.

Mais il reste à expliquer comment ces enchaînements ont pu se produire à Grenoble alors que d’autres villes qui étaient dans des situations géographiques

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 329

analogues ne les ont pas connus. Il faut insister à ce sujet sur les convergences qui ont pu se produire entre les milieux politiques, industriels et scientifiques qui ont su mener ensemble, dans les moments cruciaux, des activités de lobbying et de communication cohérentes malgré des divergences fortes dans d’autres domaines.

C’est pour expliquer ces convergences que la théorie des conventions peut nous être utile, comme nous essaierons de le montrer dans la section suivante.

Conventions et dynamique territoriale grenobloise

l’importance des alliances patronat-université-pouvoirs publics

Lorsqu’on analyse de près les processus de décision qui ont abouti à une nouveauté importante pour le développement de la région grenobloise, est amené à penser que, bien sûr on ne peut négliger une part de hasard, mais que le contexte grenoblois y est aussi pour beaucoup et que ce contexte a été le résultat de décisions pour lesquels la politique, le social ont joué un rôle décisif. Un exemple évident est celui de l’arrivée à Grenoble de Louis Néel en 1940. Il a été accueilli à Grenoble dans une faculté des sciences située dans la « zone libre », qui disposait de locaux spacieux pour l’époque grâce à l’action du doyen Gosse , ancien adjoint au maire de Grenoble Paul Mistral. René Gosse, qui était issu comme Louis Néel de l’École Normale Supérieure, était venu à Grenoble après avoir été refusé par l’université de Strasbourg qui se méfiait de ses engagements socialistes. Un autre exemple important est celui de l’implantation à Grenoble de l’ESRF (synchrotron) qui fut le résultat, au détriment de Strasbourg, d’un lobbying puissant de la part à la fois des scientifiques et des responsables politiques de l’Isère. Naturellement la création et la reconnaissance par le gouvernement du « pôle mondial de compétitivité » MINALOGIC (cf supra) qui est par définition le résultat d’alliances entre collectivités locales, industries et établissements de recherche, ont été grandement facilitées par les nombreux contacts noués auparavant par les principaux protagonistes de l’opération. Tout au long de l’histoire des cent dernières années, on constate des alliances entre des catégories de grenoblois qui peuvent certes avoir des conflits entre eux, mais qui parviennent cependant à adopter un point de vue commun et à le défendre à l’extérieur du territoire grenoblois en bénéficiant souvent de leur insertion dans des réseaux nationaux voire internationaux.

Ce phénomène n’est pas limité aux années de l’après-guerre. Les travaux des historiens sont très éclairants sur ce point. Ainsi Anne Dalmasso [in Favier 2010 p. 116] lorsqu’elle traite de « l’émergence d’un modèle technico-industriel original (1900-1940) » écrit que la création de l’Institut d’électrotechnique (qui sera ensuite une des composantes de l’Institut Polytechnique de Grenoble)

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse330

« prend une importance particulière car il affirme le choix d’une partie des élites locales de jouer la carte du progrès technique. Se met alors en place un fonctionnement lobbyiste université-industrie-municipalité, d’abord pour fonder des enseignements et laboratoires techniques à Grenoble, sur financements municipaux et privés, puis pour pérenniser ces initiatives grâce à l’aide de l’État. Ce mode de fonctionnement est au cœur du système grenoblois de développement scientifique […]. Des ingénieurs interviennent dans l’enseignement et inversement des enseignants cherchent des réponses à des questions industrielles concrètes dans différents secteurs : électrotechnique, papeterie, hydraulique, électrochimie, métallurgie ».

Des conventions qui changent dans le temps

Si ces alliances existent et jouent souvent un rôle déterminant, cela ne signifie pas qu’elles soient les mêmes tout au long de ces années.

En effet, elles supposent que les conflits de toute sorte, qui ont été très nombreux et souvent très durs, puissent être compatibles avec un accord sur quelques principes communs.

L’histoire longue du développement de la région grenobloise peut sans doute être caractérisée par l’existence de phases de relative stabilité autour d’un principe commun, entrecoupées de phases éminemment instables de recherche d’un nouveau principe. Si l’on admet cette hypothèse, cela signifie que rien ne garantit lorsque le principe précédent est devenu obsolète, l’émergence d’un principe commun nouveau, le risque étant en cas d’échec de retomber dans la situation d’un territoire n’ayant plus sa dynamique propre et devenant le simple réceptacle de décisions qui lui sont extérieures.

Dans ce qui suit, on se bornera à proposer un premier repérage de quelques périodes qui paraissent significatives de phases de relative stabilité ayant permis un développement de la région grenobloise, sans chercher à retracer la genèse. On tentera dans chaque cas d’expliciter le principe commun qui a permis cette stabilité.

En lisant les travaux des historiens, on voit émerger deux périodes fastes : celle des années de l’entre-deux guerres qui précèdent la crise des années 30, celle des « trente glorieuses » qui suit la fin de la seconde guerre mondiale. Il est intéressant de noter que ces deux périodes sont marquées par le mandat de deux grands maires de la ville de Grenoble : Paul Mistral (maire de 1919 à 1932), Hubert Dubedout (maire de 1965 à 1983)94.

94 Cf le parallèle entre ces deux personnalités in [parent, schwarzBrod 1995]

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 331

les années 1920-1930

Grenoble bénéficie à cette époque d’un enseignement technique qui s’y est développé très tôt. En 1836 déjà, une école municipale avait été créée en vue de préparer aux professions industrielles et aux emplois publics, combinant enseignement général et enseignement technique, et préfigurant ce qui sera beaucoup plus tard le lycée Vaucanson. D’autres communes de la région verront aussi l’enseignement technique se développer (Vizille, Voiron). D’autres formations se créent, dont l’association pour l’enseignement post scolaire. Dès 1892, un cours d’électricité industrielle est confié à Paul Janet au sein de la faculté des sciences, dont le succès sera à l’origine de la création de l’Institut d’Électrotechnique qui s’installe en 1910 près de la gare. Peu à peu se forge un milieu patronal dans lequel les ingénieurs prennent une place croissante ainsi qu’on l’a vu plus haut dans la présentation des secteurs liés à la houille blanche.

La recherche d’un principe commun aux années de l’entre-deux guerres est facilitée par l’existence de l’Exposition internationale de la houille blanche et du tourisme qui se tient à Grenoble du 21 mai au 25 octobre 1925. Paul Mistral qui était un des responsables importants de la SFIO et avait été élu député en 1910, est élu maire de Grenoble contre une liste patronale conduite par deux représentants du patronat, lequel avait jusqu’alors dominé la vie municipale. P. Mistral s’engage activement dans l’extension de la ville de Grenoble et entretient des rapports suivis avec le patronat local, qu’il fréquente notamment au sein des commissions extra-municipales. L’Exposition internationale de la houille blanche et du tourisme de 1925 fut donc l’illustration de cette période du développement grenoblois. Organisée sous la direction d’un industriel, elle frappe par son ambition. Elle affiche la vocation internationale de Grenoble, est inaugurée par le Président du Conseil Paul Painlevé assisté de nombreux ministres. Les 20 hectares du site sont envahis par une multitude de palais, de pavillons et d’attractions en tout genre, dont, par exemple, un palais de la houille blanche consacré aux spécialisations industrielles locales (électrochimie, matériels hydrauliques et électriques, etc.), des palais représentants des pays étrangers, un palais des colonies, un village africain, un village alpin reconstitué sous la direction de Hippolyte Muller, premier conservateur du musée dauphinois, etc. L’ensemble est dominé par une tour d’orientation de 80 mètres de hauteur, symbole du béton armé et du dynamisme de l’industrie grenobloise du ciment.

Les clivages politiques pourtant profonds peuvent être dépassés au cours de cette période, au profit d’une mobilisation pour l’industrie et le tourisme, avec une recherche de modernité basée sur l’efficacité du travail des ingénieurs et des techniciens, la perspicacité et l’habileté du patronat local..

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les années 1960-80

On a signalé dans la première partie l’importance que revêt le développement de l’université de Grenoble dans les années d’après-guerre et en particulier l’importance prise par la physique théorique et appliquée, sous l’impulsion, en particulier, de Louis Néel. Ce n’est pas un hasard si c’est à Grenoble que se tient en 1957 un colloque sur les relations université-industrie avec la participation de Paul-Louis Merlin, patron de l’entreprise Merlin-Gerin, Louis Weil, physicien, et Pierre Mendès France. Ce colloque était organisé par l’association « les Amis de l’université » créée en 1947 par Paul Merlin et qui organisera de nombreuses réunions associant industriels et universitaires. C’est au cours de ce colloque que Louis Weil défendit le développement de la « Promotion Supérieure du Travail », qui s’était organisée à Grenoble à partir des années 50 et qui permit à des salariés des entreprises d’accéder au statut d’ingénieur. Autre thème abordé à ce colloque, les pratiques des contrats entre laboratoires et financeurs privés, avec le rôle croissant des associations pour le développement des recherches dans les universités. La situation de ces années là se distingue de celles de l’entre-deux guerres par l’importance croissante du secteur de la recherche par rapport à l’industrie, avec un apport substantiel du premier à la seconde et d’autre part par le début d’une phase de concentration des entreprises.

Le « conflit Neyrpic » de 1962 est très représentatif de ce qui peut se passer à l’époque. En effet, Neyrpic qui est alors une entreprise de pointe dans la construction de turbines et d’équipements hydro-électriques, et mène une politique de relations professionnelles ouvertes à la négociation, avec la quasi-reconnaissance de la section syndicale d’entreprise, doit faire face à des difficultés de financement. C’est le groupe Alsthom qui en prend possession, et remet en cause la politique sociale précédente. Cette intégration, qui est un des premiers exemples de départ des centres de décision hors de la région, est à l’origine d’un conflit de grande ampleur, tant par sa durée que par l’unité du personnel, ingénieurs et cadres se joignant aux ouvriers, et par l’ampleur des soutiens qu’il suscite dans la population. De nombreux universitaires, juristes et économistes en particulier, se sont alors mobilisés pour défendre les salariés et leur apporter leurs compétences dans l’analyse de la situation économique et sociale de l’entreprise et du droit du travail. On voit apparaître dans les mêmes années, après la fin de la guerre d’Algérie qui avait été marquée par de fortes mobilisations syndicales et politiques, une série de revendications dans le domaine de la culture, du logement, du planning familial, de la vie des quartiers, de l’urbanisme, qui sont élaborées dans des associations, des syndicats. Tous ces mouvements étaient conduits par des personnes qui formaient un réseau dans lequel les communications étaient fréquentes.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 333

C’est à ce moment-là que Grenoble est devenue un des lieux d’émergence en France de ce que l’on a appelé « une nouvelle classe ouvrière »95. On notera avec intérêt la conclusion de Pierre Belleville au chapitre consacré aux nouvelles frontières de la classe ouvrière à Grenoble dans son ouvrage [BellevIlle 1963 p. 192]. « Dans cette ville où syndicalistes ouvriers, ingénieurs, chercheurs jouent un rôle décisif, leur rôle social et politique est nul. […] la vie locale n’en reste pas moins dirigée par des notables traditionnels. Le capitalisme moderne fait finalement très bon ménage avec ces notables et le genre de vie social périmé qu’ils entretiennent. » La réponse sera donnée lors de l’élection municipale de 1965 avec l’arrivée de l’équipe ouverte à ces couches sociales, grâce à la présence du Groupe d’Action Municipale et du Parti Socialiste Unifié aux côtés de la SFIO, sous la direction de Hubert Dubedout. La nouvelle municipalité s’inscrit bien dans la suite de ces mouvements dont on retiendra qu’ils exprimaient à la fois l’espoir mis dans la modernisation en général mais aussi l’exigence d’une vie démocratique, culturelle et sociale permettant à toutes les couches de la population de profiter de cette modernisation96.

Les années 2000 : un principe de justification à construire

Nous avons vu dans la première partie qu’on avait assisté à Grenoble à des changements profonds au cours des dernières années. Outre le fait que les grandes entreprises aient continué à s’internationaliser en s’intéressant de plus en plus aux marchés émergents et que leurs centres de décision se soient éloignés de Grenoble, on constate un développement rapide du secteur des nouvelles technologies de l’information, de la biologie et de la médecine (cf. le pôle de compétitivité MINALOGIC cité supra). Nous avons signalé également l’importance prise à Grenoble par les recherches sur les sciences de l’univers et de l’environnement.

Du point de vue des conventions que nous avons adopté ici, le changement est profond par rapport à la phase précédente car le rapport de ces sciences à l’économie et à la société est différent de celui qu’on observait avec la physique dans les

95 Traitant de la France taylorienne des « trente glorieuses », Pierre Veltz [veltz 2002] écrit : « La logique taylorienne, dans les firmes comme dans la géographie, n’a cessé de cloisonner, découper, segmenter. Un établissement taylorien n’a pas besoin de relations d’échange complexes avec son environnement, pas plus d’ailleurs qu’avec les bureaux d’études de son propre groupe. […]. La société française, qui aime la hiérarchie, et qui l’exprime si bien dans sa géographie, aura un chemin difficile à suivre pour entrer dans l’ère des réseaux ». Grenoble ne correspond pas à ce diagnostic. Sa spécialisation, non pas dans la production de grande série mais surtout dans les biens d’équipement liés à l’hydroélectricité, à la chimie, au nucléaire, la présence d’universités et de centres de recherche, le relatif enclavement de la région en sont sans doute les principales raisons.

96 7 On retrouvera ces idées dans la communication faite autour des Jeux Olympiques de 1968

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années des années 1960-80. Lors du conflit Neyrpic, l’unité de la population s’était faite pour la défense de l’emploi, et personne, à l’époque, ne mettait en cause sérieusement l’intérêt social de la production qui y était réalisée. Au contraire, tout le monde s’inclinait devant la beauté et la puissance des turbines fabriquées par les ouvriers qualifiés de l’entreprise et l’on a déjà signalé les solidarités qui s’étaient révélées dans toutes les couches de la population pour la défense de l’entreprise, le rôle des chercheurs étant alors considéré comme indispensable à la poursuite d’un progrès technique qui permettrait de disposer de l’énergie nécessaire, de vaincre la faim dans le monde, de participer au développement de « tout l’homme et des tous les hommes ».

La phase actuelle du développement grenoblois est différente car les sciences et les industries qui s’y développent ne concernent pas seulement les procédés de fabrication de produits connus mais viennent modifier la nature même des biens et des services dont les hommes peuvent disposer, la manière dont ils peuvent communiquer entre eux, se soigner, dont évolue leur environnement. On sait la vivacité des réactions à l’encontre des nanotechnologies et les craintes qu’elles suscitent (cf dalmasso, roBert in [favIer 2010 p. 172]). D’une manière générale, comme le dit Bruno latour « à partir du moment où la science et les techniques se sont étendues dans toutes les anfractuosités de nos vies, elles subissent le sort commun, c’est-à-dire qu’il est normal qu’on les discute et qu’on les dispute97. »

Les frontières entre la science et la politique deviennent ainsi très floues, avec, par exemple, l’émergence de la figure du profane dans l’expertise (cf à propos des controverses sur la biologie vIrgInIe tournay in [hollard saez 2010 p.224-225]).

Il n’est pas étonnant que ces tensions se manifestent à Grenoble compte tenu de l’importance des secteurs que l’on vient de décrire et d’un ensemble d’associations actives, sensibles aux problèmes sociaux mais ne comptant que très peu sur les chercheurs pour avancer des solutions à ces problèmes.

Mettre l’accent sur les « humanités scientifiques [latour 2010], souligner la nécessité d’un « contrat social entre science et société » (guy saez in[hollard saez 2010 p. 7-20]), c’est mettre en évidence que, dans la situation actuelle, le principe de justification commun recherché n’est pas acquis et doit faire l’objet d’un processus de construction qu’il reste à mettre en place et qui ne se fera pas sans la participation des chercheurs et des citoyens « profanes ». Cette construction est nécessaire car comme le dit, claude lorIus, l’un des chercheurs grenoblois les plus éminents, à propos du changement climatique qui est l’un des défis auxquels sont confrontées nos sociétés: « la science ne peut sans doute pas nous sauver…mais sans la science il est peu probable que nous soyons sauvés. » [lorIus, carpentIer 2010 p. 159]

97 In Alternatives Internationales « L’État de la mondialisation » déc 2010 p. 72

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 335

98

98 Cette présentation a été inspirée par celle adoptée par Eric Verdier à propos des systèmes de R&D et d’innovation [EYMARD-DUVERNAY 2006 TII p. 424].

un essai de caractérisation de différentes phases du développement grenoblois

périodes 1920-1930 1960-1980 les années 2000principe de justification

Moderniser en utilisant les ressources naturelles locales

Progrès technique, grâce à l’action des chercheurs, ingénieurs et ouvriers qualifiés, favorisant les emplois

Recherche de solutions miniaturisées pour l’industrie et la médecine versus recherche de modes de vie alternatifs correspondant aux contraintes environnementales mondiales.

collectivités territoriales

Préfecture et Commune de Grenoble.Grenoble cherche à se positionner comme capitale des Alpes.

Premiers pas vers l’intercommunalité.Grenoble cherche une lisibilité nationale et internationale

Une coordination problématique entre les différents niveaux (Etat, région, département, communauté d’agglomération, communes).

politique locale Action sociale et communication.Exposition internationale de la houille blanche et du tourisme

Renforcement des capacités de décision locales et communication (JO 1968)

A la recherche d’une synthèse société civile-environnement-recherche scientifique et industrielle-communication

politique nationale

Infrastructures pilotées par les grands corps d’État

Indépendance nationale et politique industrielle

Politique de l’offre ; pôles de compétitivité régionaux.

relations locales/nationales (ou internationales)

Relations politiques (P. Mistral) et anciens élèves ENS

Prise de contrôle par les grands groupes.Présence dans les centres de décision nationaux.

Relations internationales renforcées (États-Unis, Union Européenne).

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse336

réFérences bibliograpHiques

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entreprises et industries

Entreprises familiales

Concentration et centralisation nationale des centres de décision

Stratégie mondiale, intérêt pour les marchés émergents.

syndicats et associations

Recherche d’une alternative au capitalisme

Défense de l’emploi et action éducative et culturelle

Action sur des objectifs sectoriels. Peu d’interactions horizontales.

institutions d’enseignement et de recherche

Enseignement professionnel (techniciens et ingénieurs)

Développement de l’enseignement supérieur et des laboratoires de recherche (physique)

Essais en vue d’une meilleure coordination entre établissements universitaires et de recherche.

branches motrices

ÉnergieÉquipements hydrauliques et électriques

Biens d’équipement (électricité, nucléaire)

Technologie de l’information et de la communication

Financements Autofinancement et banques locales.

Financements secteurs par secteurs, publics et privés.

Forte participation publique aux investissements en recherche et développement (recherche et industrie)

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 337

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IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse338

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 339

la région au maroc : entre le volontarisme politique et Dynamique

Des territoires

Mostafa Kharoufi Sociologue et géographe, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Rabat

Dans un contexte marqué par un engagement du Maroc dans la mondialisation et une relative progression des indicateurs économiques et humains, la question de l’analyse de l’organisation territoriale se pose avec acuité. Si une telle organisation porte l’impact de l’histoire passée et singulièrement les options récentes de l’organisation spatiale ainsi que l’empreinte du milieu naturel, il n’en demeure pas moins que les orientations en cours et les inerties parfois anciennes pèseront inéluctablement sur l’avenir du territoire d’un pays marqué essentiellement par deux problèmes majeurs : le rythme faible de sa croissance économique et l’inégale répartition de ses richesses et potentialités.

Rappelons que l’organisation du territoire au Maroc est dictée par plusieurs facteurs. D’abord une situation géographique dans la Méditerranée occidentale, aux marges extrêmes du milieu tempéré, avec une large ouverture aux influences venant du Sahara. Grâce à cette position, le pays a pu maintenir, au cours de son histoire, un rôle d’intermédiaire entre les continents africain et européen. Elle a été à l’origine d’une orientation des axes d’échange reliant le Sahara à la mer Méditerranée et qui constituent une des directions majeures de l’organisation de l’espace national ainsi qu’un développement portuaire partiel. Elle explique enfin la liaison que le Maroc maintenait entre l’Espagne et l’Afrique durant de longs siècles, ceux qui furent probablement les plus déterminants de son histoire. Le commerce caravanier s’en est trouvé privilégié et le développement portuaire y est partiellement lié. Mais le territoire a dû subir enfin d’importantes transformations qui ont remis en cause d’anciennes hiérarchies territoriales ; alors que l’ordre paysan ancien projetant sur l’espace une organisation sociale particulière (tribu, fraction, douar, clan, famille) a été remplacé par une autre trame de commandement spatial.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse340

La conception topographique va être à l’origine de la distinction par le milieu physique, de territoires avec des contrastes naturels : le Rif et le voisinage Méditerranéen, le Bassin du Sebou, la Meseta ou le Maroc Central, les chaînes de l’Atlas, le Maroc Oriental et le Maroc Saharien, vont distinguer la conception topographique. Cette approche va être jugée comme limitée puisqu’elle oblitère manifestement le facteur humain. Elle s’est « enrichie » d’une intention manifeste d’assigner un rôle plus grand aux groupes humains mettant en avant, à partir des années 1940, outre les grands ensembles topographiques, régions de vieilles paysanneries sédentaires comme : le Pays Jbala, la Haute Montagne Rifaine, le Moyen Atlas, des appellations de groupements humains, ou pays à économie agricole variée comme Zaer, Zaïan, Zemmour, Chaouia, Doukkala, Rehamna, Haha, etc. La prépondérance de cette géographie humaine dans la régionalisation au Maroc est esquissée par F. Raynal qui accordait une priorité aux critères d’aménagement de l’espace rural et de façonnement du paysage.

changements dans les territoires et récurrence des déséquilibres

Il faut dire aussi que le découpage territoriale servait à un moment de l’histoire, les intérêts coloniaux (régions civiles/régions militaires), puis fut dominé par une conception sécuritaire, et un début d’intérêt pour un développement territorial plus équilibré, 50 ans après l’indépendance. Il en a résulté une évolution dans l’orientation des flux (rupture des échanges commerciaux entre le Sahara et la Méditerranée) doublé d’une configuration territoriale plus orientée vers la façade maritime du Nord-Ouest, qui allait induire un éclatement de l’organisation socio-spatiale traditionnelle, un compartimentage topographique facilitant peu les communications inter-régionales et un espace rural qui demeure à ce jour émietté et faiblement polarisé par l’évolution économique.

De cet héritage, le pays va avoir une organisation régionale d’abord auto-centrée, puis une organisation spatiale extravertie avec une ouverture sur l’Océan Atlantique. L’émergence d’une zone atlantique centrale étendue et très urbanisée : l’axe Casablanca-Rabat-Kénitra, qui dispose d’une double proximité des espaces ruraux riches et densément peuplés bénéficie un développement qui tranche avec d’autres zones. L’orientation maritime est une donne à laquelle l’aménagement du territoire accorde depuis le XIXème siècle au moins une place prépondérante et dont l’effet cumulatif donne à Casablanca un rôle de commandement dans l’organisation de l’espace. Cette évolution a conduit à centraliser toujours davantage l’ensemble urbain en le ramenant vers le littoral atlantique central exprimant également le succès prononcé des villes côtières.

Aujourd’hui, le littoral marocain est le support de la plus importante activité économique, puisqu’il constitue la principale zone industrielle du pays (plus de 80% des industries sont situées le long de l’axe Kénitra-Safi et dans l’agglomération

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 341

casablancaise). Ce même axe concentre plus de 60% des unités industrielles, près de 70% de l’emploi industriel, accueille également l’essentiel des équipements touristiques et dispose 53% de la capacité avec quatre centres qui polarisent la demande interne et internationale : Agadir et sa région, El Jadida-Casablanca-Mohammedia, Rabat Témara-Skhirat-Bouznika et Tanger-Tétouan.

Le poids de la démographie apparaît à son tour comme fondamental. La lecture des recensements depuis 1960 permet, outre de dresser les traits démographiques distinctifs de la population marocaine, de souligner l’évolution de sa répartition spatiale. La lecture des recensements de la population confirme une forte concentration sur la façade atlantique : aujourd’hui, la densité moyenne sur cette bande littorale s’élève à 162 habitants/km² entre Kenitra et Casablanca. Au niveau du littoral méditerranéen quatre villes concentrent les 2/3 de la population urbaine de la zone (Tanger, Tétouan, Oujda et Nador).

effets spatiaux de la mobilité de la population

Mais cette lecture montre également une grande fébrilité migratoire qui a toujours animé les espaces ruraux e qui agit entre ces derniers et les principaux centres urbains, mettant l’accent sur l’importance des mouvements migratoires qui interviennent au même titre que l’accroissement naturel, dans l’urbanisation soutenue du Maroc et ce depuis que les enquêtes s’intéressent au lieu de naissance de chaque habitant (douar d’origine, municipalité ou pays de naissance, ville) ; le temps passé dans la ville de résidence au moment du recensement ; le temps passé au sein du milieu urbain pour les migrants d’origine rurale et les caractéristiques socio-économiques des différents types de migrants.

Entre régions rurales traditionnelles souffrant de surpeuplement et des pôles urbains souvent dynamiques, la forte émigration d’hommes à la recherche d’un emploi après la fin des travaux agricoles, joue activement et cela malgré l’existence d’une société paysanne bien enracinée. Il s’agit pour les candidats à l’émigration de rechercher une solution permettant d’augmenter les ressources sans que les liens avec la famille ou avec la communauté villageoise ne se relâchent. Un tel processus qui caractérise plusieurs pays en voie d’urbanisation, aurait concerné au Maroc au milieu des années 1960 environ 90 000 personnes qui se sont dirigées vers les villes. L’analyse des effectifs concernés annuellement par l’exode rural permet de constater que les campagnes n’ont cessé de perdre une bonne partie de leur population en faveur des centres urbains. En effet, le solde migratoire a connu une augmentation progressive, passant à 45.000 annuellement entre 1952 et 1960 à 106.000 personnes par an entre 1994 et 2004. Cette situation s’est traduite par la baisse de la part de la population rurale dans la population totale de 71% en 1960 à 45% en 2004.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse342

Une telle mobilité est le résultat certes d’une croissance démographique qui s’est traduite vraisemblablement par un accroissement de la densité avant que le milieu naturel ou une circonstance historique (sécheresse ou disette) ne conduise à un éventuel mouvement migratoire compensateur. La migration de durée variable, maintenait à la campagne, jusqu’aux années 1980, des femmes seules en surnombre ce qui influe dans une certaine mesure sur la fécondité en milieu rural. L’établissement d’une cartographie par commune du taux de masculinité de la population rurale en 1960, indique à quel point un tel déséquilibre démographique était saillant99.

Dans plusieurs régions qui comportent un chapelet de villes et d’agglomérations actives, l’économie des campagnes a conservé des modes d’exploitation archaïque, l’arrière-pays de Rabat et Casablanca en offrent une image, facilement généralisée aux contrées lointaines. Des raisons multiples en expliquent la récurrence : ici des sols pauvres qui tentent peu la charrue ; là des fellah possesseurs de parcelles trop exiguës, n’ont guère pu pratiquer autre chose qu’une céréaliculture vivrière et faiblement rentable, faute de moyens.

Une large partie du monde rural vit encore dans l’isolement et l’enclavement faute de manque d’infrastructures, d’équipements et de moyens de transport et communication. Les causes exprimées en termes économiques semblent intervenir dans une certaine mesure pour influer sur la répartition des hommes et en même temps l’organisation spatiale. Les différences de revenus exercent certainement une influence sur les migrations internes, mais elles ne sont pas les seuls facteurs à prendre en considération. La pression démographique sur les ressources disponibles, la récurrence de la sécheresse, la recherche de meilleurs services y jouent également un rôle déterminent.

Il faut dire que dans l’espace rural, où les distances se comptent en centaines de kilomètres, les préoccupations sont restées les mêmes depuis une quarantaine d’années. L’aménagement y est traité de deux modes : d’une manière intégrée, sur des espaces restreints (essentiellement les périmètres irrigués) ; et par des interventions sectorielles et faiblement coordonnées sur la plus grande partie des campagnes.

Du coup, à l’exception des espaces ruraux à proximité des villes disposant d’un patrimoine naturel important et/ou bien desservis par les voies de communication et dotés en capital humain, le territoire national se caractérise par un sous-équipement notable où les infrastructures sont encore concentrées sur le littoral nord-ouest, autour de Fès-Meknès, de Marrakech et dans le Souss.

99 Noin Daniel. – La population rurale au Maroc, 1970, t. 2, p. 13

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Ces migrations apparaissent, par leurs causes, leurs manifestations et leurs conséquences des mouvements souvent définitifs, ou se produisent au moins pour une grande période. Elles visent dans la plupart des cas une amélioration des conditions de vie et de travail et constituent fréquemment une rupture dans la vie des migrants. Elles sont également intensifiées sous l’effet des inégalités socio-spatiales qui agissent sur la vie des populations. Mais si elles participent d’une redistribution de la population, elles contribuent corrélativement à une circulation rapide des idées, des modèles culturels, des techniques et des habitudes de vie.

Cette mobilité spatiale de la population emprunte des directions selon les territoires. Ainsi, les régions du Nord ouest et du nord sont très différentes sur bien des aspects, puisqu’elles ont conservé pendant longtemps une population rurale en augmentation. Pendant longtemps, on a pu faire une quasi séparation entre régions attractives (côte atlantique, Saïs et Gharb, plaines du Nord-Ouest) et espaces de « misère » (Sud de la Meseta du Maroc occidental et Oriental). Ces derniers, ont conservé, dans un cadre naturel difficile, des modes de vie impuissants à nourrir une population croissante et ils sont depuis de longue date d’importants des foyers migratoires. Les formes de mobilité y ont évolué d’une portée saisonnière : menant des dizaines de milliers de personnes, en mai et juin par exemple, du Rif, des plateaux de Berkane et des confins du Haut et du Moyen Atlas au moment des moissons, vers un véritable exode faisant déferler sur le réseau des régions d’économie moderne, notamment l’axe Casablanca- Rabat- Kénitra, situé à la charnière des deux grandes régions du Nord-Ouest et du Centre-Ouest (le solde migratoire a connu une augmentation progressive, passant de 45.000 personnes annuellement entre 1952 et 1960 à 106.000 personnes entre 1994 et 2004). Naguère ces mouvements n’absorbaient que le ¼ de l’excédent démographique annuel, mais ils ont tendance à s’amplifier. Parallèlement, l’émigration à l’étranger va en s’intensifiant jusqu’à la fermeture des frontières de l’espace européen durant les années 1980.

Des transformations qui trouvent leur origine dans les exigences de la croissance urbaine

Cette mobilité spatiale de la population rurale influe sur l’urbanisation et les formes qu’elle va prendre. Parce qu’elle représente un agent de transformation important de l’espace, exploitant certains avantages de situation géographique, le phénomène urbain est une variable à prendre en compte dans le configuration des régions de demain. Dans le choix de chef-lieux de régions, le profil économique des villes devrait être déterminent, soit pour promouvoir le centre le mieux équipé afin qu’il assure une fonction de commandement (exemple de Kénitra dans le Gharb), soit à dessein, opter pour des centres dont on souhaite le développement sur la base de la fonction régionale.

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Les villes petites et moyennes situées dans les régions de forte intensité économique se distinguent par une croissance rapide qui tranche avec l’atonie démographique des cités marginalisées, appartenant au réseau urbain pré-colonial quasiment oubliées (Ouezzane, Boujaad, Azemmour, etc). Alors que ce dernier genre de cités-relais perdait des parties de leurs fonction, cette catégorie de villes développe des influences spatiales non négligeables puisqu’elle a contribué à une diversification des flux migratoires (notamment interurbains), soulignant, par endroits, le début de profonds changements dans l’organisation et le fonctionnement de l’espace. Cette tendance a été signalée par les résultats du recensement de 1982, ceux de l’enquête démographique nationale de 1986-88 et, plus récemment et les recensements de 1994 et de 2004. La modernisation de l’économie dans certains espaces va entraîner des transformations qui ont donné naissance à une nouvelle hiérarchie urbaine qui consacre des pôles comme Tanger-Tétouan et Marrakech…

En conséquence, diverses « stratégies » sont déployées par les populations rurales (migrations pendulaires et quotidiennes, migrations à l’étranger, mobilité saisonnière, etc.). Elles participent d’une stabilisation relative de l’exode rural touchant dans une moindre mesure les grandes métropoles s’orientant davantage vers les villes petites et moyennes. Outre les activités industrielles, peu sensibles aux économies d’agglomération, les services et le tourisme ont, dans certains cas, permis le « détournement » des flux migratoires vers des centres spécifiques ; le cas d’Agadir, devenue du fait du tourisme une ville particulièrement attractive, illustre cela.

De même, voit-on se renforcer d’autres ensembles urbains face à l’axe Casablanca-Rabat-Kénitra, à l’exemple du « prolongement » urbain dans le sens Kénitra-Fès qui connaît un développement soutenu en liaison avec les facilités d’accès et les atouts liés à la situation des villes du bassin du Sebou.

Dans les sous-ensembles qui composent le réseau urbain, la diffusion d’une micro-urbanisation en milieu rural reflète une « redistribution » partielle des migrations vers des espaces ruraux où certains centres communaux s’urbanisent intensivement. Quelques centres dans les provinces du Nord ont connu ainsi, lors de la décennie précédente, un accroissement annuel remarquable : Beni N’sar (10,6%), Al-Âaroui (7,8%), Tissa (9,9%), Guercif (11,4%), Oued Laou (17,3%). La promotion administrative de certains de ces centres a le mérite de les intégrer à un tissu plus large et de stimuler le développement de leurs activités. Ils sont à l’origine d’une intensification des échanges et de la formation d’armatures enserrant dans leur maillage les zones rurales, permettant aux populations des campagnes environnantes de diversifier leurs sources de revenus par l’exercice d’activités non-agricoles.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 345

Au Maroc, les principaux domaines physiques et bioclimatiques soulignent la prééminence du découpage en grandes zones où règne une certaine unité de cadre de vie. Ce morcellement du territoire en grands ensembles géographiques représente une échelle assez large, mais également un sérieux handicap pour le développement rural posant de sérieux problèmes aux responsables de l’organisation et de l’aménagement du territoire. Dans ces grands ensembles, les échanges y restent réduits malgré certaines facilités de communication.

conclusion

Le découpage territorial du Maroc, qui a été marqué par des impératifs politiques, administratifs et sécuritaires du pays, n’a pas permis à ce jour un développement soutenu, harmonieux et en équilibre entre les régions. Avec la colonisation, il a subi une concentration qui n’a pas été foncièrement modifiée avec l’indépendance. En effet, les structures régionales du territoire marocain sont restées orientées, jusqu’aux années 1970, vers une plus grande centralité, liée au développement économique dans les espaces où la grande accessibilité facilite les échanges de flux des personnes et des biens. Le renforcement de certaines disparités entre les régions est accentué également par la forte mobilité spatiale de la population marocaine qui renforce, depuis une vingtaine d’années, des centres régionaux.

On assiste aujourd’hui à de grandes disparités régionales. Plusieurs indicateurs en rendent compte :

La production nationale reste concentrée autour des grands pôles économiques. Près de 40% de la richesse nationale est concentré sur 1% du territoire et 77% du territoire contribuent pour seulement 10% à la valeur ajoutée nationale.Les activités restent fortement concentrées sur le littoral, de Tétouan à Agadir: c’est l’axe Tanger-Safi qui abrite l’essentiel des implantations humaines et économiques et constitue donc le premier pôle de développement du pays. La zone littorale concentre à elle seule 61% de la population urbaine, 80% des effectifs permanents de l’industrie et 53% de la capacité touristique totale.100

Aujourd’hui, pour réussir le développement local au Maroc, parmi les précautions indispensables l’équité territoriale, qui suppose un équipement en infrastructures lourdes et en services de base, avec la mise en place d’une véritable décentralisation et la gestion de l’espace urbain qui passe par une maîtrise de l’urbanisation. Il s’agit de placer le territoire au cœur de la politique de développement : l’approche territoriale est avant tout synonyme d’une intervention « au plus près », et adaptée aux situations locales. Elle procède par discernement et différenciation spatiaux pour cibler un certain nombre de territoires agissant sur la base de contrats entre

100 « 50 ans de développement humain et perspectives 2025 », Rapport général, 2006

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse346

les pouvoirs publics et collectivités locales concernées (communes, provinces et régions).

Cette approche géographique est conçue souvent dans une perspective de désenclavement des espaces isolés vis-à-vis du reste du territoire national. Intervenir territorialement, pour traiter du développement rural, invite à raisonner en termes de décloisonnement des différents éléments de l’espace

De même, une gestion appropriée d’un territoire devrait engager une mobilisation de l’ensemble des acteurs locaux dans un but d’en renforcer la compétitivité en agissant sur l’optimisation d’un nombre de facteurs afin d’atténuer certaines de ses faiblesses ou renforcer certains de ses atouts.

repères bibliograpHiques

Beguin Hubert.- L’organisation de l’espace au Maroc. - Bruxelles : Académie royale des sciences d’Outre-Mer, 1973Chiche Jeanne. -« Réflexions à propos du découpage régionaux du Maroc ». - Revue de géographie du Maroc, 1978, pp. 149-156DATAR (Division d’Aménagement du Territoire Régional). -Aménagement du territoire et action régionale. - Rapport d’activité, novembre 1990-novembre 1992Escallier Robert et Signoles Pierre (avec la collaboration de F. Ireton, M. Kharoufi et E. Ma Mung). - Les nouvelles formes de la mobilité spatiale dans le monde arabe.- Tours : Urbama, Fascicule de Recherches n° 28, 1995

Kharoufi Mostafa- « Eléments structurants du fait régional au Maroc », in Aménagement du territoire et développement durable (Sous la Direction de Ali Sedjari), Rabat – Paris, Editions : GRET et L’Harmattan, 1999Naciri Mohamed. -« L’aménagement de l’espace territorial au Maroc : lieux d’autonomie et centralité étatique ». Annuaire de l’Afrique du Nord, Paris : CNRS, 1983, pp. 225-242Noin Daniel, Introduction à l’étude des déséquilibres régionaux au Maroc, Revue de Géographie du Maroc 1962, pp. 117-122Pascon Paul. Le Haouz de Marrakech. - Rabat :CURS, CNRS, 1977, 2 tomes

Reynal René. - Mouvements migratoires récents et actuel au Maroc oriental-. Congrès International de Géographie, Lisbonne, tome 4, 1949, pp. 487-500

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intelligence territoriale et coHésion sociale ou comment la créativité et

l’innovation sociale participent aussi au Développement D’un territoire

mme marie brigaudAdministratrice de l’Association Internationale d’Intelligence Economique

«La cohésion sociale est la capacité d’une société à assurer le bien-être de tous ses membres, en réduisant les disparités et en évitant la marginalisation» d’après le rapport de la Task Force de Haut Niveau sur la Cohésion Sociale au XXIe Siècle du Conseil de l’Europe du 26 octobre 2007.

Dans un rapport101 remis au Premier ministre en 2003, le député français Bernard Carayon rappelle que « la compétitivité d’un territoire passe avant tout par la recherche et l’innovation, et réaffirme le rôle primordial de l’application territoriale de l’intelligence économique pour ce faire ». Mais la nouveauté de ce rapport réside surtout dans le lien qui est fait entre développement, sécurité et cohésion, comme préalable au fondement de toute stratégie.

Le sport, en jouant un rôle de ciment de la société, participe à cette cohésion, au titre des politiques éducatives et de l’éducation populaire, la transmission de valeurs, le respect des règles, de l’adversaire, l’acceptation de la défaite, la cohésion au sein d’une équipe. Il participe également de par son aspect économique non négligeable, au développement et à l’aménagement du territoire, à l’insertion professionnelle des jeunes, et à la cohésion sociale.

L’exemple de la mise en œuvre d’un véritable parcours d’insertion des jeunes à l’aide du sport conduit sur la base de bonnes pratiques locales identifiés. Au sein d’un territoire économiquement bien développé, mais héritier d’une politique d’aménagement du territoire sur les 30 dernières années ayant impacté fortement

101 « Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale », rapport au Premier ministre, 2003

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le territoire, permet d’illustrer le lien important qui existe entre intelligence territoriale, développement et cohésion sociale.

l’expérience du département de l’essonne, un territoire contrasté, héritier d’une politique d’aménagement du territoire de l’etat volontariste.

Ce territoire situé en Ile de France, doté de deux pôles économiques majeurs102, avec la présence de grandes entreprises et le développement de filières stratégiques comme l’agro-alimentaire ou l’aéronautique, apparait comme un véritable vivier de croissance pour l’économie française. Pourtant, l’Etat place en première position de son plan d’action stratégique et de développement pour le département le renforcement de la cohésion sociale et l’accès à l’emploi des publics en difficulté103. En effet, ce territoire est aussi l’héritier d’une politique d’aménagement volontariste, qui a accueilli une nombreuse population multiculturelle. Aujourd’hui certains de ces quartiers sont désormais plus connus que le plateau de Saclay, qui constitue pourtant un pole économique de portée mondiale, depuis les émeutes urbaines qui s’y sont déroulées en 2005 et ont été largement médiatisées en France et à l’étranger, et qui ont mis en exergue la difficulté du « vivre ensemble » exprimée par une partie de sa jeunesse.

Situé dans le sud de la région Ile-de-France, le département de l’Essonne est crée le 10 juillet 1964 par la loi portant réorganisation de la région parisienne. La ville d’Evry, Préfecture actuelle du département, fait partie des 5 « villes nouvelles » crées en 1965 afin d’encadrer le développement de l’urbanisme dans les grandes agglomérations. Ces villes nouvelles ont fait l’objet d’un fort volontarisme de la part de l’Etat en ce qui concerne l’aménagement du territoire. Ainsi entre 1962 et 1975, la population du département de l’Essonne va croître de +92.8%, contre 16.6% pour l’Ile de France, et +13.2%104 pour le reste du territoire français. Le nord du département est désormais très urbanisé, avec une population dense, et de nombreux pôles économiques et de recherche (voir la cartographie du territoire en annexe 1 et 2), alors que le sud reste encore largement rural.

Pour autant, malgré cette situation dynamique, la première priorité actuelle de l’Etat dans l’Essonne est de renforcer la cohésion sociale. Car bien que doté d’une

102 Le « Scientipôle », à l’Ouest du département, où sont implantées des entreprises d’électronique et de haute technologie, et des laboratoires de recherche (CEA, CNRS notamment), et le « Génopole », qui rassemble des centres de recherche en génétique et des entreprises de biotechnologie

103 Voir les priorités de l’Etat dans l’Essonne sur le site www.essonne.pref.gouv.fr/actions/priorites/

104 Données chiffrés issus du site Internet de la Préfecture de l’Essonne www.essonne.pref..gouv.fr

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économie à forte valeur ajoutée et d’un taux de chômage global en deçà de la moyenne régionale et nationale, il existe des zones du territoire où des difficultés persistent, notamment pour les jeunes, touchés en majorité par les difficultés d’insertion, notamment professionnelles105. Après avoir massivement accueilli une forte population, notamment d’origine étrangère, durant les années de plein emploi, le territoire de l’Essonne, comme un certain nombre d’autres, a vu croître de nouvelles difficultés, malgré un développement économique réussi. Conscient de ce risque de creusement des disparités dès les années 1980, l’Etat a souhaité par le biais de la création d’un ministère de la Ville, impulser une dynamique de rattrapage spécifique à ces « quartiers », qu’il a identifié comme « prioritaires », afin de rattraper le reste du territoire dans le domaine de l’emploi, de la santé, du logement, ou encore de la lutte contre les discriminations.

Cette politique de la ville a conduit à édifier un zonage administratif des territoires (26 zones urbaines sensibles puis 13 contrats urbains de cohésion sociale), et l’élaboration d’un certain nombre de contrats prioritaires avec les collectivités territoriales. A ce jour, plus de 40 milliards d’euros ont été dépensés sur l’ensemble du territoire français depuis le début de cette politique, sans que l’on puisse observer de résultats tangibles dans le domaine de l’insertion des jeunes, et de leur accès à l’emploi. Si la rénovation urbaine a pu améliorer nettement le cadre de vie de la population, il n’a pu à lui seul régler tous les problèmes de la Cité. De fait, la politique de la Ville a souffert durant des années d’un pilotage complexe, d’un cadre contractuel et législatif mouvant, tandis que l’évaluation de l’impact de la politique menée restait difficile à appréhender, malgré la mise en place d’indicateurs. Une prise de conscience s’est récemment opérée, amenant un changement dans l’appréhension de ces politiques, et passant d’un paradigme « d’action sociale » à une réflexion plus transversale autour de la « cohésion sociale ». Si l’on se réfère à l’une des interprétations possible de ce concept, cela requiert que tous les individus soient en mesure de participer à la vie économique et de profiter de ses avantages.

A l’issu des « émeutes de quartiers » qui ont touché un certain nombre de ces territoires en 2005, notamment en région parisienne, des initiatives ont vu le jour, dans l’urgence, pour apporter des réponses adaptées aux problèmes identifiés. Parmi celles-ci, une expérimentation a été menée dans l’Essonne à l’aide du sport, via le parcours animation sport (PAS), à destination des jeunes déscolarisés ; ce projet inclus un bilan de compétences, une formation en alternance adaptée menant aux différents métiers du sport, la mise en place de contrats de travail aidés par l’Etat. Mais son innovation repose surtout sur le recours de nouveaux

105 D’après le rapport 2010 de l’observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS), environ 40% des jeunes habitants en ZUS seraient sans emploi.

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outils de collecte et de management de l’information, qui seront développés plus loin. Le sport en tant que vecteur d’intégration sociale ne peut pas à lui seul jouer ce rôle de ciment de la société ou de prévention de la violence, s’il n’est pas accompagné ou orienté dans une dynamique, en l’occurrence de formation, d’offre éducative territoriale de qualité.

Grâce au maillage territorial des acteurs locaux, des bonnes pratiques existante sont pu ainsi être identifiées rapidement, analysées puis partagées entre toutes les parties prenantes, des solutions pragmatiques et viables ont pu être trouvées, afin d’initier un cercle vertueux pour ces adolescents en marge ou en passe de le devenir. Cette dynamique positive leur a permis non seulement de reprendre une formation et de trouver un emploi mais aussi, grâce à la transmission et au travail pédagogique en direction des plus jeunes, leur procurer un sentiment d’utilité sociale fort.

Une politique d’aide à l’insertion par le sport, menée à partir d’initiatives locales et plaçant l’intelligence territoriale et sociale au cœur de son action, a pu être mise en œuvre en urgence

Les politiques éducatives territoriales développées par les pouvoirs publics sont très complexes à mettre en œuvre, car elles impliquent de nombreux acteurs (tissu associatif, collectivités territoriales, Etat). Or dans la majorité des cas, chaque organisation intervient à son niveau, et ne prend pas en compte l’action des autres partenaires, qui peuvent intervenir en amont ou en aval, et n’échange pas d’informations avec les autres acteurs. C’est ici que les outils de l’intelligence économique ont toute leur utilité, car les services de l’Etat et les collectivités territoriales impliqués dans le développement de ces actions ont besoin d’une cohérence globale pour les mener à bien, que seule une approche transversale peut garantir.

Dans le département de l’Essonne, 28.3% de la population est âgée de moins de 20 ans. Et malheureusement, trop d’entre eux sortent du système scolaire sans avoir obtenu au préalable de véritable qualification. Ce constant est malheureusement édifiant de la rupture constatée entre le développement d’un pôle de classe mondiale comme le plateau de Saclay, où de nombreux chercheurs et ingénieurs très qualifiés travaillent, et cette portion de jeunes au chômage, et souvent en rupture totale avec leur famille, et la société. Les causes de ce problème sont multiples, et ne peuvent bien entendu être réduites ou imputées à la difficulté administrative ou institutionnelle de mise en œuvre les politiques publiques dans les territoires prioritaires. Mais comme tout problème survenant dans un environnement complexe, les réponses utilisées auparavant ne suffisent plus à définir des projets cohérents face à un nombre d’acteurs aussi important, et à un

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enchevêtrement des compétences entre les différents niveaux institutionnels, qui fait que l’on a parfois du mal à déterminer « qui fait quoi ».

C’est pourquoi les responsables de cette expérimentation ont décidé d’innover dans la conduite de ce projet, en ayant recours aux outils de l’intelligence économique, pour permettre à l’administration de s’adapter à un environnement et à une gestion de projet complexe. Pour les mener à bien, il a été nécessaire au préalable de mettre en place des outils permettant de collecter et d’exploiter les informations, notamment en provenance des acteurs de terrain proches des populations ciblées, afin de les partager avec l’ensemble des services concernés au niveau de l’Etat, ou des collectivités territoriales.

Ce nouveau management de l’information a permis de développer des politiques publiques ciblées, mais à partir de projets et d’acteurs existants sur le terrain, qui ont pu être rapidement détectés en croisant les différentes informations. Cette innovation dans cette mise en œuvre des services publics autour de ce projet a permis d’initier une boucle vertueuse : l’amélioration de l’offre éducative sur le territoire, et l’insertion par le sport. Ce nouveau management de la connaissance sociale et territoriale pourrait être schématisé ainsi :

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créativité et innovation participent, par la mobilisation et la cohésion du territoire, à la croissance et l’attractivité

Selon un récent rapport du Conseil d’Analyse Economique106, il convient d’étendre le terme innovation (ce qui est nouveau) à une compréhension large, qui ne se résume pas simplement à l’innovation high-tech, mais aussi low-tech (les nouvelles technologies mais aussi les nouveaux usages de cette technologie). Cette innovation inclue aussi les nouveautés dans ce qui peut exister déjà (par exemple au niveau des services publics, ou des politiques menées).

Or les innovations les plus porteuses sont souvent issues de situations de crise : c’est ainsi qu’à l’issue de ce qui a été appelé « la crise des banlieues » en France, des initiatives positives se sont développées, dont la dynamique propre ne demandait qu’à éclore davantage.

Ces différentes innovations du service public et de la conduite de projets ont reposé sur les éléments suivants :

Repérage des initiatives et bonne connaissance des acteurs associatifs de - terrain

Innovation dans le fonctionnement des services publics locaux et travail - en réseaux

Dispositif permettant d’éviter le recouvrement des rôles entre les différents - acteurs œuvrant à l’éducation et l’insertion des jeunes en difficulté

Liaison entre la formation, l’éducation, l’insertion professionnelle, - l’animation du quartier, le partage de règles et mise en œuvre d’un cercle « vertueux »

L’emploi doit être au cœur de l’action et de la cohésion sociale, et suivant - une organisation partant de la base et des projets existants

Afin d’éviter ces conséquences de « rupture sociale » négatives, le développement d’une région doit inclure en amont dans sa réflexion un volet de cohésion sociale, pour permettre au territoire de conserver une attractivité qu’il n’aurait pu maintenir dans un contexte d’insécurité, et malgré la présence d’acteurs économiques majeurs. Car pour réussir un développement complet, c’est autour de ses richesses et en conservant sa spécificité culturelle que le territoire doit croître, afin de conserver l’harmonie sociétale nécessaire à toute croissance durable. Compétitivité et attractivité vont de paire pour pouvoir être à même de développer un territoire. Et pour avoir oublié ce principe, de nombreuses villes

106 Créativité et innovation dans les territoires, rapport du groupe de travail présidé par Michel Godet, mai 2010

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ou régions en paient aujourd’hui le prix, et doivent désormais combler l’écart qui s’est creusé entre le volet de développement économique rapide qu’elles ont appelé de leurs vœux, et une partie de la population laissée pour compte, qui n’a pas été associée à cette réussite. Cela est confirmé par le rapport de la Task Force de Haut niveau sur la cohésion sociale au XXIème siècle, pour qui « L’une des fonctions les plus importantes de l’action publique est de garantir à chacun la possibilité de prendre part à la vie économique, notamment en ayant accès à l’emploi ».

Seules les entreprises créent de la richesse et pourront servir de moteur de développement et de croissance. Mais ce développement doit s’accompagner par les pouvoirs publics d’une certaine « harmonie sociale » s’il veut être synonyme d’attractivité et de durabilité. Comment sinon peut-on espérer attirer de nouveaux investisseurs si l’image du territoire est synonyme de tensions, d’insécurité, et de jeunes condamnés à la précarité ou au chômage ? Certes, d’aucuns pourraient argumenter qu’un territoire où cette qualité de vie serait le seul atout dont il dispose ne pourrait à lui seul créer de la richesse. Mais il s’agit bien de deux préalables indispensables. Et les choix qui sont fait à un instant « T » impacteront le territoire pour de nombreuses années. D’où l’importance de bâtir un projet de développement par l’entreprise en ayant recours aux outils de l’intelligence économique et territoriale, qui doivent permettre de maintenir de la cohérence et un développement harmonieux. Peut-on imaginer à long terme que des entreprises s’implantant sur votre territoire, mais ne recrutant que du personnel qualifié venant de l’extérieur, pourraient permettre un développement économique durable ? Si ces entreprises n’apportent qu’une faible plus value au territoire, et se développent en marge de celui-ci, il est à craindre, à moyen terme, que la population, qui dans un premier temps pourra se satisfaire à juste titre de l’accroissement de sa qualité de vie (habitat, conditions sanitaires et sociales), ne se retrouvera pas dans ce projet, et peu à peu, se marginalisera.

conclusion

Bien que le territoire de Dakhla, en cours de développement, ne peut pas être comparé à celui d’une partie de la région parisienne, l’expérience vécue par cette dernière ces 30 dernières années mérite d’être partagée, afin d’apporter une réflexion sur les réponses qui peuvent être apportées, et l’intérêt de recourir aux outils de l’intelligence territoriale en vue de développer économiquement et durablement le territoire.

Au lendemain de la 2nde guerre mondiale, la philosophie du plan Marshall reposait, parallèlement aux crédits octroyés aux Etats européens pour acheter des importations américaines, sur des flux financiers générés par ces ventes, que cet Etat octroyait à son tour à des agents économiques nationaux, afin qu’ils

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investissent. C’est bien la priorité donnée à l’aide aux entreprises locales et nationales qui a permis à un pays comme la France de se redresser et reconstruire son économie à cette époque. Bien que la situation soit désormais différente, une telle politique publique de développement, respectueuse de l’intégration de tous à la vie économique locale, semble plus propice au développement harmonieux d’une région, qu’une politique qui ne recourrait qu’à la recherche de compétitivité absolue et rapide. Car celle-ci ne profite que rarement à tous, et notamment aux jeunes les moins qualifiés, qui risquent dès lors de rester en marge de ce développement. La croissance doit se construire avec et au bénéfice de la population, non seulement en terme d’amélioration de la qualité de vie, qui, bien que positive ne permet pas à la population de devenir acteur de ce développement.

Toute la réussite du projet repose donc dans le diagnostic des atouts et faiblesses qui serviront de base à l’élaboration d’une stratégie, collectivement partagée, de développement durable du territoire, en complément d’un système d’intelligence territorial pour accompagner et évaluer sa performance économique, sociale et culturelle. L’Etat doit alors jouer un rôle d’impulsion, d’accompagnement des territoires, en associant l’ensemble des secteurs de la société concernés, dans un partenariat public-privé. Intéresser les jeunes à des activités créatives où ils peuvent avoir un avenir plus sur et proche de leurs ambitions, leur faire sentir que l’avenir se trouve dans leur territoire sans besoin de partir ailleurs, est une première étape qui leur permettra demain d’être les acteurs du développement de la région, du pays, de leur société et culture.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 355

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IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse356

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107 Données chiffrés issus du site Internet de la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Essonne : Effectifs salariés au 31.12.07 (privé + public) : 15 230 (23,6 % de l’I.D.F.) Source : INSEE, estimations d’emploi.

108 Pôle scientifique et technologique de renommée mondiale (www.saclay-scientipole.org)

109 Télécoms, sécurité & défense, automobile & transports, outils de conception et développement de systèmes www.systematic-paris-region.org

110 Institut universitaire de formation des maîtres à Etiolles, Université Evry - Val d’Essonne à Evry

111 Coca-Cola, Lu, Heudebert, Sanders112 A10, A6, RN20, RN7, la francilienne113 Pôle national de la biotechnologie (www.genopole.org)

114 Sciences du vivant et de la santé (site internet)115 Alcatel, Altis, Apple, Compaq, Ericsson, Hewlett Packard France, Motorola, Sagem,

Thomson116 Implantation de l’aéroport d’Orly, avec un transit de 23 millions de passagers annuel et 25 000

emplois crées117 Pôle national de l’optique de pointe (www.opticsvalley.org)

118 Aviation d’affaire, transport spatial et motorisation aéronautique www.pole-astech.org119 École nationale supérieure d’informatique pour l’industrie et l’entreprise à Evry

120 Institut national de la santé et de recherche médicale à Evry

121 Arianespace, le Centre National des Etudes Spatiales, Eurocontrol, Snecma,…122 Trois lignes de RER (B, C, D) et une interconnexion de TGV à Massy et de nouvelles

connexions à venir avec le projet de « GRAND PARIS »

123 Automobiles & transports collectifs sûrs pour l’homme et son environnement www.pole-moveo.org

124 Ecole supérieure d’électricité à Gif-sur-Yvette

125 Commissariat à l’énergie atomique à Gif-sur-Yvette

126 CEA, Généthon, Génoscope, Genset, l’Office National d’Etudes et Recherches Aérospatiales, Technicatome

127 La Seine, seule voie navigable du département, avec 900 000 tonnes de marchandises chargées et déchargées

128 Domaine du numérique www.capdigital.com129 Institut national des sciences et techniques nucléaires à Gif-sur-Yvette

130 Centre national de recherche scientifique à Gif-sur-Yvette

131 Carrefour France, FNAC logistique, Intersport France, Truffaut, UPS, Toys « R « us

132 Institut national de recherche agronomique à Leudeville

133 L’agriculture essonnienne est caractérisée par un dynamisme important (production à haute valeur ajoutée) même si ce secteur est de taille réduite (1 140 exploitations).

134 Ecole supérieure d’administration de l’armement à Villebon-sur-Yvette

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 357

intelligence économique collaborative

outil d’innovation au service du développement territorial et entrepreneurial

mme nina quelenis

Responsable de l’intelligence économique au Pôle de compétitivité industrielle et agro-ressources, France

qu’est ce que l’intelligence économique ?

L’intelligence économique tend à maîtriser des informations utiles à l’entreprise pour lui permettre de s’adapter à son environnement économique.

Elle repose sur 3 piliers offensifs ou défensifs que sont :

la veille (concurrentielle, technologique, réglementaire, marché...),•

la sécurité économique : gérer la confidentialité de ses données sensibles et •sécuriser son système d’information,

le lobbying.•

Dans un monde économique en perpétuel changement, caractérisé par de nombreux risques mais également des opportunités, l’Intelligence Economique permet à une entreprise :

d’anticiper (détecter des changements/ruptures)•

de limiter les risques (détecter les dangers)•

de progresser (détecter les écarts)•

d’innover, d’améliorer (détecter des idées)•

de se développer (identifier de nouveaux marchés)•

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse358

Le projet de développer l’activité d’intelligence économique s’inscrit dans une double perspective d’anticipation technologique et de compétitivité industrielle et économique, deux dimensions centrales pour le pôle. La cellule d’intelligence économique permet de répondre à un double objectif

Doter le pôle d’un outil d’anticipation technologique et de positionnement •économique

Soutenir les membres du pôle dans leur positionnement technologique et •industriel

Maîtrise et la protection de l’information stratégique pertinente, nécessaire à la compétitivité nationale et internationale de tout acteur économique.

C’est une grille d’analyse indispensable à la compréhension des nouveaux enjeux mercantiles

Economie de la connaissance / économie traditionnelle

Finalité pour état et entreprises :

Compétitivité économique-

Sécurité économique (protection des actifs (multiples et diverse) de - l’entreprise)

Maîtrise du patrimoine scientifique et technique-

La détection des menaces et opportunités-

Elaboration de stratégies d’influence au service des entreprises-

Outil d’interprétation permanant : -

De la réalité des marchés-

Des techniques et des modes de pensées des concurrents et des partenaires :-

Leur culture-

Leurs intentions -

Leurs capacités de mise en œuvre-

Doter le pôle d’un outil d’anticipation technologique et de positionnement - économique

Soutenir les membres du pôle dans leur positionnement technologique et - industriel

Identifier de nouveaux axes de développement et mettre des projets - stratégiques de rupture

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 359

Positionner le pôle par rapport à son environnement régional, national, voire - international et identifier des partenaires collaboratifs potentiels.

Sauvegarder et préserver les savoirs / savoirs-faire du pôle au travers d’action - de sécurité économique

Disposer d’informations pertinentes pour favoriser l’émergence et la mise en - œuvre opérationnelle des projets

Veiller les évolutions stratégiques (scientifique, technologique, concurrentiel, - réglementaires, sociétale…) et en donner l’accès public.

pôle de compétitivité

Les entreprises ne sont pas les uniques acteurs de cette guerre économique, de nouvelles formes de concurrence affectent désormais les territoires et la maîtrise de l’information est devenue l’un des déterminants clés de la compétition mondiale. Espace géographique borné inscrit dans un processus de construction sociale complexe sur une longue période, un territoire est composé d’acteurs économiques déterminés par une culture, un vécu, des connaissances, des savoir-faire, une histoire ... En ce sens, une organisation particulière du territoire a conduire à la spécification des ressources et la création d’avantages compétitifs. La politique d’aménagement du territoire lancée par la France en 2006 autour du concept de pôles de compétitivité découle de cette dialectique : différents acteurs locaux (entreprises, instituts de formation, centres de recherche et collectivités territoriales) partageant une gouvernance commune (intelligence économique) afin d’atteindre un objectif de développement commun.

De par leurs activités (création d’innovations, …), le contrôle et la maîtrise de l’information constituent pour les pôles de compétitivité des enjeux majeurs (mises en place de plateformes sécurisées d’échange d’informations entre les membres du pôle…) et justifient leurs intérêts à adopter et mettre en œuvre des démarches d’intelligence économique.

À ce titre, le SCIE (Service Centrale à l’IE), notamment par l’intermédiaire de son réseau régional (CRIE), participe à de nombreuses opérations visant à développer ou renforcer les démarches d’intelligence économique mises en œuvre au sein des pôles de compétitivité (par exemple par des actions de sensibilisation : organisation et participation à des ateliers, séminaires, élaboration de guides…).

Le développement des pôles de compétitivité à l’international, en particulier le développement de partenariats technologiques entre certains pôles et des clusters étrangers, constitue un enjeu important justifiant la mise en place d’une démarche d’intelligence économique spécifique pour accompagner les pôles. À cette fin le SCIE a rédigé des recommandations en vue de les sensibiliser à la nécessité

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse360

d’identifier et de protéger leurs informations stratégiques. Il s’agit des passeports à l’international. La démarche engagée par le SCIE s’inscrit dans le cadre de la convention signée le 13 janvier 2009 entre Ubifrance et la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (Ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi) en vue de favoriser le développement international des pôles de compétitivité.

la sécurité économique des pôles de compétitivité

Les pôles de compétitivité constituent des lieux privilégiés de circulation de l’information ; il est indispensable d’arrêter des règles de classification et de définir des modalités de stockage, de circulation et d’exploitation de cette information. Le recours à des plateformes sécurisées d’échange d’information est à encourager.

La mise en place d’une démarche de sécurité

Le programme de sécurité économique des pôles de compétitivité : la démarche menée par le ministère de l’Intérieur.

Les risques liés aux échanges d’informations numériques non maîtrisés propres aux pôles de compétitivité : solutions techniques et humaines, Direction Centrale de la Sécurité des Systèmes d’Information (DCSSI) et Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI).

L’intelligence économique fait partie intégrante des dépenses publiques dédiées aux pôles de compétitivité (à hauteur de 2 millions d’euros). Les pouvoirs publics ont donc invité chaque pôle à se doter d’un « correspondant en sécurité économique » pour prévenir les fuites d’informations stratégiques. Mais au niveau des pôles de compétitivité une telle démarche s’avère nécessairement complexe à mettre en œuvre.

Premièrement, parce qu’il faut d’abord délimiter un «périmètre de souveraineté» pour fixer des priorités (on ne peut pas tout protéger). Or tout ce qui stratégique pour un pôle de compétitivité n’est pas forcement stratégique pour l’Etat (et inversement !). Deuxièmement, parce que les pôles sont organisés en clusters pour favoriser les échanges transversaux. Ils associent donc des partenaires de cultures différentes : PME / PMI et grandes entreprises, chercheurs publics et privés, institutions françaises et étrangères. Sans sombrer dans la paranoïa, il faut reconnaitre que l’émergence de projets coopératifs de dimension internationale multiplie les niveaux d’interfaces et les risques.

Enfin, la logique d’une politique industrielle comme celle des pôles de compétitivité est fondée sur l’affichage de l’excellence française. En communiquant la carte des pôles, nous donnons à voir nos forces et nos faiblesses. Nous dévoilons nos axes de recherche. Des observateurs étrangers pourraient être tentés de combler

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 361

leurs lacunes par des transferts de technologies. La valorisation des savoir-faire est à la fois une opportunité et une menace.

l’intelligence économique au service des pôles de compétitivité

L’intelligence économique (IE) est une démarche organisée qui porte sur la recherche et le traitement d’informations utiles à la décision (volet offensif de l’IE) ainsi que la protection de ces informations notamment si elles sont considérées comme sensibles (volet défensif).

L’intelligence économique répond simultanément à deux besoins :

La mise à disposition d’informations pertinentes pour :•

créer des éléments de différenciation vis-à-vis de ses concurrents, - comprendre et anticiper les modifications de son environnement, - accéder à de nouveaux marchés, - favoriser l’innovation et la créativité ;-

La protection de son patrimoine d’information pour :•

se défendre contre des concurrents qui mettront en œuvre la méthode - décrite ci-dessus, éventuellement de manière déloyale, communiquer sereinement sur son activité, ses projets, sa stratégie, - travailler en toute confiance avec ses collaborateurs et ses partenaires, - en partageant l’information utile avec des destinataires identifiés.

intérêt d’engager une telle démarche pour les pôles de compétitivité ?

Dans le cadre de l’avènement de l’économie de la connaissance, l’intelligence économique est plus que jamais un facteur majeur de développement et de renforcement de la compétitivité des acteurs économiques, et notamment des pôles de compétitivité et de leurs membres. L’intelligence économique apporte des réponses aux besoins des pôles de compétitivité dans leurs démarches de développement, d’innovation et de renforcement de leur position. L’acquisition d’informations stratégiques, l’anticipation, la protection du patrimoine technologique, le suivi des évolutions réglementaires et normatives, technologiques, scientifiques et industrielles… permettent en effet à un pôle de se positionner par rapport à son environnement concurrentiel, d’identifier les pôles partenaires, complémentaires ou concurrents, et de se développer à l’international au travers des partenariats technologiques ou de recherche.

Ainsi, les pôles de compétitivité deviennent des acteurs clés en matière d’intelligence économique. En effet, les pôles de compétitivité sont par nature des acteurs clés pour la mise en place de démarches d’intelligence économique

car ils sont à l’origine de la production et de la circulation d’une grande masse d’informations souvent à forte valeur ajoutée, qui ne peut être diffusée sans contrôle. Vitrines de la technologie française, les pôles de compétitivité peuvent susciter des convoitises chez des concurrents étrangers, et il est indispensable que la gestion de leurs flux d’informations soit assurée dans de bonnes conditions de sécurité : règles de classification de l’information, utilisation de plateformes numériques sécurisées d’échanges d’informations, garantie des modalités de stockage…

Les pôles de compétitivité constituent des lieux privilégiés de circulation de l’information ; il est indispensable d’arrêter des règles de classification et de définir des modalités de stockage, de circulation et d’exploitation de cette information. Le recours à des plateformes sécurisées d’échange d’information est à encourager.

intelligence économique et pôles de compétitivité : développement d’une stratégie d’intelligence economique territoriale

Le pôle sert de structure d’interface entre :

Les acteurs public / privé, les acteurs de la recherche et de l’industrie ayant pour objectif la mise à disposition d’informations scientifiques et techniques, mais également commerciale, au travers d’un outil fédérateur. Le dispositif passe par :

Collecte et traitement des données informationnelles•

De la R&D au pilote•

Du pilote au scale-up•

Cet outil fédérateur est nécessaire au bon développement des projets innovants, vecteur de développement. Ce, au travers de la diversification de l’entreprise et de l’anticipation des changements de son marché, afin d’être un attracteur économique territorial.Cela implique :

une mutualisation des outils d’analyses et d’interprétations stratégiques,•

détection des signaux faibles ou forts •

déclanchement des ruptures technologiques et économiques majeures, •auxquelles seront sensibles les décideurs.

Ainsi, l’IE collaborative au sein des pôles de compétitivité a une double perspective :

anticipation scientifique & technologique •

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 363

compétitivité industrielle et économique•

Dont l’objectif est de :

mobiliser au mieux les compétences, les réseaux•

mobiliser les outils de crawling, de capitalisation et d’analyse statistique•

intégrer les usages de plusieurs typologies d’utilisateurs•

mettre en synergie les compétences individuelles,•

pour le bon déroulement des projets•

la double visibilité des actions ie au sein des pôles de compétitivité

ie oFFensiF

L’intelligence économique permet de détecter de nouvelles opportunités grâce à plusieurs types d’actions :

veille commerciale, marketing et concurrentielle, afin de mieux connaître •ses marchés, ses prospects, ses clients et leurs attentes, ses partenaires, ses concurrents et donc accroître sa performance commerciale ;

benchmarking, afin de se comparer en permanence à ses concurrents ou •à ses homologues dans le monde, et ainsi découvrir de nouvelles idées de produits, de services, d’organisation…

l’intelligence économique permet de détecter de nouvelles opportunités •grâce à plusieurs types d’actions :

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse364

veille technologique et lobbying dans les instances scientifique, de •normalisation et de brevet, afin de découvrir et de mettre en œuvre, avant ses concurrents, des opportunités techniques de tout ordre et anticiper plus rapidement des mutations techniques, notamment en matière de normes;

maîtrise de sa communication (lobbying, communication d’influence).•

ie DeFensiF

En ce qui concerne les menaces, là aussi l’intelligence économique au sein des pôles peut prendre plusieurs formes :

mesures de protection contre l’espionnage industriel ;•

sécurisation, protection des informations sensibles, •

communication : règles de protection, sensibilisation du personnel…•

veille de risques : en termes techniques (brevets, stratégie de PI, •publications), commerciaux (clients, fournisseurs), risques pays…

veille d’image et de réputation afin de détecter des menaces en terme •d’image et de se protéger contre d’éventuels détracteurs ou rumeurs ;

communication en temps de crise•

intelligence economique collaborative

C’est l’intelligence de la combinaison des ressources qui fait la différence entre les territoires compétitifs, précompétitifs et non compétitifs.

Cette combinaison porte principalement sur :

un espace géographique donné, •

des acteurs industriels, •

des centres de formation,•

des unités de recherches publiques ou privées •

L’ensemble de ces acteurs sont engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets communs à caractère innovant disposant de la masse critique nécessaire pour une visibilité internationale.

L’adhésion de tous les acteurs permet de développer une démarche précompétitive et/ou compétitive qui sous-tend le microcosme des pôles de compétitivité.

La mise en place d’une démarche d’intelligence économique est initiée par la création d’une cellule d’intelligence économique qui permet de répondre aux besoins des membres

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 365

Pôle de compétitivité : symbole d’une économie de la connaissance

L’économie de la connaissance se fonde sur le concept de coopétition. En effet, cette notion désigne l’association de comportements stratégiques de coopération et de compétition simultanés de la part de deux ou plusieurs entreprises.

La logique de coopétition s’applique dans le cas des pôles de compétitivité (projet collaboratif) et explique comment deux entreprises bien que concurrentes puissent être également partenaires.

Pour que la nouvelle économie de la connaissance devienne une source de développement et non de risques, il est une nécessité de prendre conscience, à tous les niveaux structurels des pôles, de l’importance et de la sensibilité des informations.

Il convient de construire une vraie démarche stratégique en termes de connaissance de l’environnement et de politiques de Propriété Intellectuelle, en ce qui des principaux concurrents et partenaires de nos membres / territoire ?

Mise en place d’une veille brevets •

Mise en place d’une veille commerciale •

Mise en place d’une veille réglementaire...•

Aussi, il est important d’analyser les capacités internes :

D’où viennent les idées d’innovation ? •

Qui accède aux informations ? •

Comment est organisé le KM ? •

Quels sont les moyens pouvant être affectés à la PI et à l’IE, •

Quel est la logique de ROI ?•

A partir de cette analyse, élaboration d’une stratégie IE et PI, qui devra être cohérente avec la stratégie d’entreprise

l’ie au sein des pôles de compétitivité

Cette démarche a pour objectif :

La mise en réseau des compétences scientifiques•

La mise en réseau des acteurs économiques•

L’implication du tissu industriel, entrepreneurial, R&D…•

La validation et mise à l’échelle des procédés de valorisation•

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse366

Le transfert de technologies•

La cartographie des acteurs et des décisionnaires (Divers groupes de travail •au sein de la CE)

L’utilisation des réseaux d’influence•

En ce qui concerne les menaces, là aussi l’intelligence économique peut prendre plusieurs formes :

mise en place de mesures de protection contre l’espionnage industriel ;•

sécurisation, protection des informations sensibles, •

stratégie de communication : règles de protection, sensibilisation du •personnel… communication en temps de crise

mise en place d’une veille de risques : en termes techniques (brevets, •stratégie de PI, publications), commerciaux (clients, fournisseurs), risques pays…

propriété intellectuelle

La propriété industrielle est, pour les entreprises du pôle de compétitivité, un élément-clé de la stratégie de développement :

elle permet de protéger et de valoriser les avantages compétitifs des •entreprises innovantes, notamment vis-à-vis d’entreprises dont les coûts de main d’œuvre sont beaucoup plus faibles ;

elle favorise les partenariats technologiques, qui ne peuvent être noués que •sur la base de droits respectés

La propriété intellectuelle concerne aussi bien les brevets, que les marques, ou le droit d’auteur, en passant par le certificat d’obtention végétaleµ. Aussi, est-il nécessaire de mettre en place au sein de toute entreprise innovante une stratégie brevet ou encore de propriété intellectuelle, garante de sa protection et de son évolution technologique.

législation

En 2006, la France a créé une délégation parlementaire pour le renseignement, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, composée de députés et de sénateurs. L’objectif de cette délégation est :

De renforcer la prise de conscience de l’importance croissante de l’IE, dont •la propriété intellectuelle est une dimension essentielle :

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 367

Sur le plan défensif : protection et valorisation des actifs incorporels et des •savoirs-faire, détection et lutte contre la contrefaçon,…

Sur le plan offensif : accès aux informations grises, exploitation des •informations brevets, marques comme stimulants de l’innovation et permettre l’anticipation des projets de concurrents,…

interaction ie et pi

Intelligence Economique et la Propriété Intellectuelle s’inscrivent dans la réflexion prospective de l’entreprise. Cela permet de détecter des Investissements stratégiques et structurants innovants indispensable à la compétitivité de l’entreprise

La propriété Intellectuelle (PI) est un outil de déstabilisation d’une entreprise qui a pour objectif :

D’empêcher le développement d’un produit ou d’un acteur économique au •travers :

D’action de contrefaçon, d’interdiction d’exploitation, de brevetabilité de •produits ou procédés…

En ce qui concerne l’Intelligence Economique, cet outil nous permet d’obtenir des informations sur la capacité de production d’un concurrent, ses approvisionnement, marges, ses outils et projets de R&D…

La Propriété Intellectuelle au travers de la veille brevet permettra à l’IE:

d’anticiper et d’évaluer les risques de contrefaçon•

d’identifier des acteurs économique, technique et scientifique dans un •marché spécifique

d’identifier des compétences dans un secteur d’activité donnée•

d’identifier et anticiper les stratégies de R&D de concurrents•

de localiser les pôles de recherche au travers des inventeurs•

de détecter les phases de rupture technologique par des méthodologies •d’identification de signaux faibles ;

Dans le cadre d’un cas pratique de la veille brevet au sein d’un pôle de compétitivité, il est possible d’identifier :

le développement d’un nouveau procédé pour l’industrie •

de tester une idée d’invention proposée par un partenaire industriel pour •un travail de R&D

d’appui à l’activité inventive•

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse368

Cas des non tissés d’isolation biosourcés (produit d’origine végétal) à destination de l’industrie du bâtiment

La veille brevet permet de détecter de nouvelles compétences en terme de recherche et nouvelles structures concurrentes utiles au pôle de compétitivité.

en termes de roi (retour sur investissement)

PI et IE sont des sources de dépense pour entreprise si ces démarches ne sont pas intégrées dans démarche stratégique globale.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 369

En effet, la PI et l’IE sont garantes de la pérennité et du développement dans une économie mondialisée (résistance à la pression des compétiteurs des pays en développement)

Car les brevets sont une source d’information facilement accessible sur les concurrents :

L’identification précoce des brevets publiés qui sont susceptibles d’interférer avec un projet d’innovation permet d’anticiper les risques juridiques en éviter que ce dit projet n’aboutisse à une contrefaçon, même involontaire.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse370

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 371

Vpartenariat université

entreprise région

Expériences internationales comparées

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse372

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 373

comment Former le partenariat université-entreprise pour le

Développement soutenable De la région,

expérience de la région de Freiberg / saxe en allemagne

pr Horst brezinskiDirecteur du MBA International Business in Developping and Emerging Markets ,

Université de Freiberg, Allemagne

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse374

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l’université, lieu De Jonction Des acteurs De la cité.

l’expérience de l’ugb du sénégal

Dr. mamadou-youry sallEnseignant-chercheur

Directeur de l’Insertion et des Relations avec les EntreprisesUniversité Gaston Berger de Saint-Louis

conception originelle de l’universitéi-

L’université «corporation des maîtres et des étudiants» est née, au XIIIe siècle, du projet de construire un cursus continu et progressif d’études conduisant des écoles (correspondant à nos actuels enseignements primaires et secondaires) jusqu’à un haut enseignement, comme l’on a dit très longtemps, ou jusqu’à un «enseignement supérieur», comme l’on dit aujourd’hui, avec lequel l’institution universitaire se confond.

Fonctions/missions de l’universitéii-

Ses fonctions (Renault Alain, 2002), sont toujours déclinées en termes de la formation au savoir de haut niveau, la formation du savoir lui-même (XIIIe siècle) ainsi que du recrutement d’élites

Cette troisième fonction a en effet été conçue dès le départ comme le produit naturel de la combinaison des deux autres, et c’est en grande partie elle qui a longtemps conféré à l’université son importance sociale, en même temps que son prestige : la corporation universitaire a compris son activité comme devant permettre, parmi son public, le recrutement d’élites. Il s’est agi initialement d’élites religieuses, sous la forme des membres de la hiérarchie de l’Église

À la faveur de la laïcisation de l’université, telle qu’elle s’accomplit peu à peu jusqu’au XVIIIème siècle, ces élites furent conçues de façon plus large, au sens des

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse378

élites dont la société moderne naissante pouvait avoir besoin pour sa gestion, pour son administration, bref: pour toutes les fonctions qui supposaient l’acquisition préalable d’un savoir supérieur à celui de la moyenne de la population.

Modèles d’université en rapport à ces fonctions l’Université a pris différentes trajectoires (Bachelet, 2003) :

université Des pHilosopHes

Elle a d’abord suit la conception des philosophes (Allemagne au début du XIXème siècle : Fichte, Hegel, Schleiermacher et surtout Von Humboldt), pour qui elle est le lieu de la recherche de la vérité scientifique qui ne peut se faire que sous l’égide de la philosophie.

l’univerrsite Des savants et (politiques)

Ensuite est venue l’ère des savants qui postulent que la science doit s’appliquer au perfectionnement des techniques et contribuer ainsi à la prospérité publique (Les Lumières). Alors, les scientifiques et les politiques s’associent pour revendiquer l’idéal de la science désintéressée et celle de la science utile. Ce dernier se définit dans le sens des apports possibles de la science aux techniques, à l’industrie et à la richesse nationale. Ce qui nous mène vers le troisième type.

l’université Des masses

L’université des masses. Là, elle est plutôt le point de convergence d’influences auxquelles elle s’efforce de s’adapter : ce sont, d’une part, les effets de la massification progressive de l’enseignement universitaire et, d’autre part, les conséquences de l’évolution économique et politique qui vont induire comme principale revendication ce que l’on appelle généralement une « démocratisation» de l’université (1968 et après).

université Des entreprise

Aujourd’hui, les entrepreneurs sont entrain de prendre le dessus sur tout. L’université des entreprises s’impose.

Dans l’interprétation que l’on tend généralement à en donner, la pérennité de l’institution universitaire semble se confondre avec les idées de stabilisation, de permanence, voire d’immobilisme, alors que, comme on vient de le voir, le changement est une constante et une réalité de l’histoire des universités. Mais dans la mesure où les universités « modernes» naissent au XIXe siècle, au moment où la marche de l’histoire paraît inexorablement liée à un progrès technique, économique et social continu, les changements sont plutôt perçus comme des moments d’une évolution progressive.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 379

Ce n’est en fait qu’au début des années 70, au moment où les effets conjoints de Mai 68 et de la dégradation économique se font sentir, que la notion de changement prend une autre dimension : celle de la rapidité. On commence à évoquer le fait que l’université doit, non plus adapter son fonctionnement, mais bien « adopter d’autres modes d’action» ; on insiste sur la nécessité d’une « réforme globale de l’Université ». Celle-ci ne peut plus se satisfaire d’ajustements ponctuels.

Mais il est indéniable que l’évolution de cette institution ne se confond pas avec l’effacement du passé et le début d’un processus modernisant. L’accumulation des acquis, pour ne pas dire des savoirs et connaissances semble être sont caractère de toujours. Ce qui fait qu’elle tend à intégrer maintenant les préoccupations de tous les acteurs de la Cité. Et elle constitue ainsi un (le) lieu de leur jonction. D’ailleurs celui-ci constitue le meilleur qui soit.

expérience de l’ugb

L’UGB, la deuxième université du Sénégal, entièrement conçue par des sénégalais, s’est orientée dans ce sens.

Sa mission et sa structuration se réfèrent à cet idéal. Notre propos qui porte sur l’Université, lieu de jonction des acteurs de la Cité, sera illustré par cet exemple.

Dès sa nomination, en janvier 2007, à la tête de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, professeur Mary Teuw NIANE a décidé de mettre en place une Direction de l’Insertion et des Relations avec les Entreprises (DIRE). Ce faisant il a montré sa volonté d’ouvrir plus grandement l’Université et de la rapprocher au monde socio-économique pour qu’elle assume mieux sa mission scientifique et culturelle. A cette fin, les espaces et structures suivants ont été mis en place :

Le Conseil d’Orientation et des Relations avec les Milieux Economiques 1) (CORME), dirigé par un chef d’entreprise (le PDG du groupe CHAKA), constitue son espace d’échange et d’enrichissement. Les représentants du patronat (CNESS, CNP), de la société civile (CONGAD, l’Ordre des architectes), du gouvernement (Direction de l’Emploi), des collectivités locales (Conseil Régional de Saint-Louis, Conseil Municipal de Saint-Louis, Conseil rural de Gandon), du milieu commercial (chambre de commerce de Saint-Louis) se réunissent régulièrement avec les dirigeants de l’UGB.

Le Domaine d’Initiative et d’Innovation Economique (D2IE), un site 2) de vingt hectares réservés aux PME/PMI innovants avec d’importantes facilités, constitue son lieu privilégié de partenariat et de collaboration avec les acteurs de développement économique.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse380

La ferme agricole : une centaine d’hectares permettant d’expérimenté touts 3) sortes de spéculations, d’améliorer la banque semencier du Sénégal, de renforcer la capacité des producteur agricoles de la région et d’améliorer leur productivité.

Le Forum d’Insertion et d’Echange avec les Entreprises (FI2E), qui a lieu 4) chaque année, constitue l’opportunité de dialogue entre les responsables pédagogiques, les étudiants et les chasseurs de compétences envoyés par les entreprises.

Les 48h d’Acteurs Economiques à l’UGB ou les Journées de l’Entreprise 5) à l’UGB, sont des évènements bien marquées dans l’agenda de l’Université.

conclusion

Implantée dans un village (Sannar) en 1990, un véritable centre urbain - se développe autour de l’UGB. Le périmètre de la ville millénaire (Saint-Louis) est entrain de s’étendre jusqu’à ses confins.

Une bonne proximité avec les acteurs de la cité est notée : Des rencontres - d’échange périodiques ont lieu entre eux,

Une bonne appréciation du patronat qui cite cette université comme - modèle à répandre.

Une meilleure intégration dans les plans de développement de la cité. - Elle est associée par les autorités locales à la politique de la coopération décentralisée, à celle de la recherche développement et autres initiatives.

L’Agenda événementiel de Saint-Louis comprend celui de l’UGB (Nuit - des étoiles, festival de la musique, deux rakka, rentrée solennelle, etc.)

réFérence :

Renault Alain (2002), Que faire des universités ? Bayard, Paris1) Bachelet Jean-François (2003), L’université impossible. Le savoir dans la démocratie 2) de marché. Editions Labor /Editions Espace de liberté.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 381

le partenariat université entreprise, l’eXpérience marocaine

pr Zayer el maJiD, Directeur de la technologieMinistère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur,

de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique

Le partenariat Université-Entreprise au Maroc est aujourd’hui une réalité. Ceci est le résultat d’un long processus de maturation dans le rapprochement entre le monde de l’université et le monde de l’entreprise. En effet, si on excepte les quelques écoles d’ingénieurs, ces deux mondes évoluaient chacun de son côté pour ne pas dire s’ignorer.

La prise de conscience et le déclic de les faire converger est née d’un chômage de plus en plus élevé des jeunes diplômés universitaires qui est en partie le résultat de profils et formations peu adaptés aux évolutions socio-économiques et en partie le résultat des difficultés rencontrées par les entreprises et de leurs capacités ou non à faire face aux mutations d’une économie désormais mondialisée.

Sans revenir en détail sur les différentes étapes qui ont marqué la naissance de ce rapprochement, il est néanmoins utile de revenir sur certaines ruptures avec des pratiques et des comportements à la limite de la méfiance les uns des autres. L’université ou plutôt le monde universitaire (enseignants et enseignes) était traversé par les courants idéologiques opposés à tout ce qui représente le capital, et l’entreprise était considérée comme le symbole par excellence de ce capital. De son côté, l’entreprise ne voyait dans le monde universitaire qu’un pourvoyeur d’éléments de contestation.

Aujourd’hui, fort heureusement, on peut dire que l’université et l’entreprise trouvent dans le partenariat un terrain d’entente et un début de réponse à la fois en matière de mobilisation des lauréats de l’université et à la fois en matière de mobilisation des compétences pour l’amélioration de la compétitivité des entreprises.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse382

Alors, les questions légitimes qu’on est en droit de nous poser aujourd’hui en matière de partenariat Université-Entreprise au Maroc sont les suivantes :

Quels sont les fondements politiques, juridiques de ce partenariat ?- Comment les pouvoirs publics ont mis en œuvre ces politiques ?- Quelles sont les organisations mises en place pour manager et gérer ces - structures d’intermédiation ?Quels sont les incitatifs et les moyens mis en place pour renforcer ce - partenariat ?Quels sont les obstacles à lever pour fluidifier et rendre naturel ce - partenariat ?

L’acte le plus important qui constitue aujourd’hui la référence en matière d’ouverture de l’université sur son environnement est la Charte de l’Education et de la Formation. Celle-ci traduite ensuite sous forme de lois et de texte d’application a permis à travers la loi 01.00 de consacrer les orientations et recommandations de la charte en dotant l’université de l’autonomie pédagogique, administrative et financière et surtout elle lui a permis de créer des entreprises ou de prendre part dans des filiales.

La charte a recommandé aussi aux universités à participer au développement socio-économique du pays en professionnalisant davantage les formations et en orientant la recherche scientifique vers une recherche appliquée au service de ce développement.

Pour cela, la loi qui régit l’enseignement supérieur a prévu en matière de gouvernance des universités que des représentants du monde socio-économique siègent en tant que membres à part entière dans les conseils des universités.

Pour compléter le dispositif juridique, il fallait aussi de s’attaquer au volet organisationnel et financier.

Sur le plan organisationnel, un programme a été mis en place pour organiser les structures d’interface université-Entreprises. Aujourd’hui, 26 interfaces sont opérationnelles et sont managés par plus de 180 personnes ayant bénéficiés de formations appropriées pour s’acquitter de leurs missions.

Parmi les missions de ces structures, on retrouve la promotion de l’université auprès des entreprises en matière de formation et de recherche mais aussi la promotion de l’entreprise auprès de l’université par l’organisation de visites, de forum, d’expositions sans oublier les stages pour les étudiants de l’université.

La professionnalisation des filières exigent l’implication des professionnels dans les formations. C’est pourquoi, leur présence apparait déjà au moment de la préparation des cahiers des normes pédagogiques en vue des accréditations.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 383

A tout cela, s’ajoute un programme de coopération tripartite entre le Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur, de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique, le Ministère du Commerce et de l’Industrie, et l’Ambassade de France au Maroc, mis en place en 2002. Il s’intitule « Valorisation de la Recherche et Mise à Niveau de l’Entreprise Marocaine ». Les trois réseaux mises en place dans ce cadre concourent tous à faire travailler les chercheurs avec les entreprises et vice-versa (voir annexe). Ce programme dont l’évaluation a montré la pertinence a été pérennisé par le Comité Permanent Interministériel pour la Recherche Scientifique et le Développement Technologique par le Programme d’appui à l’Innovation et au Développement Technologique (PAIDT). D’ailleurs, ce programme a permis aussi de soutenir des projets en incubation dans les universités qui ont abrité ces incubateurs. Certains projets sont sortis d’incubation et sont aujourd’hui portés par des jeunes entreprises innovantes.

Pour renforcer ce partenariat aussi, les pouvoirs publics ont encouragé l’investissement en transfert de technologie par l’implantation d’unités de R&D de grands groupes internationaux ou d’entreprises innovantes avec des actions de soutien au titre de la formation professionnelle au profit des lauréats des universités.

Toutes ces réalisations, si importantes qu’elles soient se devaient d’être appuyées par des moyens et des incitatifs financiers à la hauteur des ambitions.

C’est d’abord, les moyens provenant du Fonds National de Soutien à la Recherche Scientifique et au Développement Technologique, alimenté à la fois par 0,25% du chiffre d’affaires des exploitants du réseau public de télécommunications, (ce qui représente aujourd’hui environ 200 Millions de dirhams) et par 25 Millions de dirhams par an du budget général de l’Etat pour financer la recherche sectorielle.

Ensuite il y a les moyens obtenus à travers la coopération internationale en général et européenne en particulier, notamment les programmes cadres de la recherche-développement de l’Union Européenne. Ce sont plus de 20 Millions d’Euros de financement si on compte aussi les programmes Tempus pour les cinq dernières années.

Il y aussi et surtout les moyens alloués par le Programme d’Urgence pour donner un second souffle à la réforme et pour permettre à l’université d’améliorer ses services et prestations, de mettre à niveau et surtout de mener une recherche qui répond aux grands chantiers de développement socio-économique du Maroc. Un budget global de 12,6 Milliards de dirhams a été réservé pour la mise en œuvre de ce programme.

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Pour terminer sur cette batterie d’incitatifs, les pouvoirs publics ont mis en place le Grand Prix pour l’Invention et la Recherche en Science et Technologie qui récompense les inventeurs et les innovateurs marocains. Et enfin, l’initiative du Prix de la Compétitivité Université-Entreprise, initié par l’Association Marocaine de l’intelligence économique pour récompenser à la fois les équipes de recherche et les entreprises engagées dans des processus d’innovation et de collaboration.

C’est donc fort de tous ces acquis que ce Ministère s’engage à poursuivre les efforts dans l’objectif de lier davantage l’université marocaine à l’entreprise et en faire un véritable levier de création de richesse à forte valeur ajoutée.

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applications Des concepts De l’intelligence compétitive et De la veille stratégique à l’interactions etat /région / recHercHe / inDustrie

une réponse aux questions sociétales et industrielles cas particulier des huiles végétales et essentielles,

un modèle transférable pour une collaboration Franco-marocaine ?

Jacky KisterDirecteur de recherche CNRS

Université Paul CézanneLaboratoire « Systèmes Chimiques Complexes » Service 451

Faculté des Sciences de Saint Jérôme, UMR CNRS 6263

Cette présentation correspond à la philosophie du Laboratoire Systèmes Chimiques Complexes, UMR CNRS-CEA 6171 (1998-2007) puis équipe SCC dans l’UMR CNRS 6263 (2008-2011), laboratoire pluridisciplinaire tourné vers la recherche sociétale et répondant à des contrats d’objectifs.

L’expertise principale du laboratoire est la chimie analytique associée aux outils de traitement de données (chimiométrie) principalement dans le domaine de la spectroscopie vibrationnelle (Infrarouge, Proche (PIR) , moyen (MIR) et Raman et techniques microscopiques) associé ou non aux techniques chromatographiques. Le choix s’est porté sur ces techniques du fait de la rapidité d’acquisition des données, de la sensibilité et de la possibilité de traiter des échantillons solides, liquides ou gazeux, homogènes ou hétérogènes. Cette expertise analytique va se développer sur les thématiques de traçabilité et contrôle qualité et réactions de vieillissement.

Ces réactions de vieillissement peuvent être simulées ou naturelles, thermiques, photochimiques, bactériologiques ou par stress ultime (irradiation gamma). L‘étude de ces phénomène conduit d’une part à une connaissance

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse386

des mécanismes pour mieux en comprendre les causes, en fonction des produits ou des procédés de fabrication. A partir de cette connaissance, on peut s’attacher à limiter le phénomène soit par optimisation de la nature du produit ou de son procédé de transformation, soit en intervenant sur le process, soit par ajout de composés (antioxydants, polymères …). On peut aussi parfois, utiliser ce phénomène de vieillissement/oxydation pour modifier la réactivité d’un produit et en améliorer les propriétés (exemple des bitumes soufflés ou de certaines huiles essentielles dont la richesse olfactive peut provenir des lourds). L’objectif final est la réalisation de capteurs analytiques pouvant être transférés en milieu industriel, embarqués dans des véhicules ou directement sur les sites de production ou de traitement. Ces capteurs doivent donc le plus souvent être transportables ou miniaturisés, robustes et utilisables dans des conditions pouvant être extrêmes. Ainsi on participe à la conception de nouveaux matériaux, produits et procédés pour un développement durable. On va donc mettre en évidence le lien entre les propriétés rhéologiques ou industrielles et les mesures analytiques et on va mettre en place de nouveaux tests de vieillissement et de contrôle qualité en remplacement des tests anciens aléatoires sous la contrainte des nouvelles réglementations européennes (normes REACH) et internationales.

On comprend donc le fort « lien entreprise » du laboratoire, soit avec des grands groupes industriels ( Total, Esso , BP…) soit avec des PME- PMI, soit avec des start-up (SP3H) , des JEI (Jeunes Equipes Innovantes)(Meliatys) extérieures ou issues de nos étudiants et plus récemment avec les pôles de compétitivité en synergie avec les financements du Ministère et d’OSEO ANVAR comme le pôle mondial « Solutions Communicantes Sécurisées », et les pôles nationaux CAPENERGIES, MER-PACA, PEGASE….

Ce laboratoire construit selon un modèle « entreprise », répondant à des contrats d’objectifs par mise en commun d’expertises éparses complémentaires ,se positionne donc dans la logique actuelle du Ministère en création de valeurs et d’emplois : logique de l’Intelligence Economique.

Cette logique d’intelligence économique conduit à présenter la seconde expertise du laboratoire : l’Information Scientifique et Technique et la veille stratégique ( scientométrie, bibliométrie…)

Depuis maintenant plus de 20ans, nous participons aux développements d’outils de veille dans le domaine de la recherche fondamentale, des brevets, et de l’information en vrac issue du Web. Nos interventions sont aussi bien en recherche que dans les grandes filières d’enseignement.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 387

Il existe un fort parallèle entre le traitement de l’information analytique et le traitement de l’information stratégique, visant à faire apparaître des éléments décisionnels d’une masse d’informations. On y retrouve une même logique dans la méthodologie d’acquisition, la précision et la validation des données extraites et une similitude des traitements statistiques et de l’homogénéisation des données Enfin pour la phase d’interprétation, nous aurons les outils de visualisation graphique permettant l’ analyse par les experts.

Les laboratoires de recherche sont maintenant de plus en plus dans un système concurrentiel en interne comme en externe. Les outils de veille utilisés peuvent être des outils de survie financière des équipes ou une motivation initiale stratégique de prise de décisions. La priorité est la création de valeurs à court ou moyen terme, les transferts technologiques et la finalité des recherches. En enseignement, nous sommes engagés dans de nombreuses filières avec une priorité aux formations spécialisées et à l’emploi des étudiants

Comment se positionner dans un système concurrentiel

En identifiant les points d’expertises communs / différents / complémentaires.•

Par une politique de veille stratégique permanente conduisant à des •observatoires techniques et thématiques.

Par une politique de communications et de recherche active d’informations •dans des congrès internationaux spécialisés et dans les plus grandes exhibitions internationales.

Par une analyse fine des champs descripteurs de bases de données •spécifiquement créées pour les brevets comme en recherche fondamentale.

Cela conduit soit à une politique de recherche de niches ou clusters soit à des choix en milieu concurrentiel mais en essayant d’avoir toujours une avance technologique. Cela peut aussi conduire à des réorientations ou des abandons de domaines scientifiques ou à faire évoluer un thème ou à le diversifier par rétrécissement ou élargissement comme en entreprise, en utilisant tous les outils de créativité et d’innovation. Ainsi de par notre culture pétrolière la première phase de développement du laboratoire correspond aux produits pétroliers et dérivés (Bitumes, lubrifiants, carburants, polymères) puis dès 2004, nous avons évolué par fertilisations croisées vers d’autres domaines industriels comme l’agroalimentaire, la pharmacie et la cosmétologie (toujours en partenariat industriel).

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20

Vieillissement simulés / réels

Vieillissement physique

Vieillissement thermique

Vieillissement photochimique

Vieillissement bactérien

Vieillissement en stress ultime

Agroalimentairephytosanitaire

Produits pétroliers et dérivés

Cosmétologiegalénique

Lubrifiants

Brutspétroliers

Polymères

Bitumes polymères

Bitumes

EssenceGaz oil Pecticides

Diversification des différents types de vieillissement et des domaines industriels

pour entrer dans le cycle de l’intelligence economique « Maîtrise et recherche de l’Information stratégique utile pour les décideurs » nous devons

identifier- les concurrents ou les synergies d’expertises

identifier- les besoins

identifier - les créneaux de recherche

Pour cela il y a trois niveaux d’intervention correspondant :

aux outils de positionnement •

en développant des analyses SWOT « Forces, Faiblesses et Opportunités, - Menaces »

en développant une stratégie de différenciation ou de diversification-

aux outils de prise de décision •

en développant des fertilisations croisées et des transferts d’expertises - entre domaines connexes internes ou externes.en développant une logique de création de valeurs basée sur l’innovation - et la rapidité de réponse aux questions sociétales

aux outils de réalisation et de suivi ou même de repositionnement.•

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 389

Le résultat de cette interface STIC-Chimie en intelligence économique conduit à la stratégie du laboratoire :

Développer une stratégie de différenciation sur des thématiques •porteuses (Formulation-qualité-environnement), s’appuyant sur l’innovation et la politique de créneaux d’opportunités en gardant au cœur les grands domaines d’expertises « Chimie analytique - chimiométrie, traçabilité et vieillissement contrôlé ou simulé)

répondre aux questions sociétales par un positionnement en chimie •et Développement Durable visant à des transferts d’expertises, des systèmes analytiques transposables in-situ, embarqués (véhicules, bateaux, navette spatiale), miniaturisés ou systèmes experts simples.

intégrer le partenariat industriel • comme mode de travail en gardant par les financements propres une avance technologique et conceptuelle pour rester concurrentiel

Je ne reprendrai pas dans ce résumé les principes de la veille conduisant à la création d’informations stratégiques par rapport à un projet. Pour le laboratoire, indépendamment des financements conséquents, on peut noter de manière non exhaustive : *un prix innovation remis en 1986 par H curien ministre, de la recherche, *la création d’une plateforme collaborative de veille et d’animation du réseau PACo (ADEME-CEA) Cahier de Formulation 2005 vol XIII, 148-157 ; *l’Analyse d’un sujet Stratégique : HIV et formulation dynamique Information Sciences for Decision Making 2006. 24, N°336 (39p) ISSN 1265-499X,(Thèse J. Joachim 2006) ; *la participation à la création de l’Institute for Competitive Intelligence Indonésien lors de l’ International Seminar on Competitive Intelligence, Jakarta 11/10/2007 ; * la création avec le CNRS et le pôle mondial de compétitivité SCS d’une plateforme de veille et d’innovation en 2009 (SIS, Strategic Information Survey) en direction des PME et PMI ; * la participation au groupe d’experts en IE du CNRS (2007-2009) ; *la création d’un infocentre Recherche pour l’université 2007 (thèse N. Barts), *le prix du concours national du ministère de l’enseignement et de la recherche catégorie emergence, avec oseo et l’anr remis le 25/06/2009 par valérie pecresse pour le projet G.R.D.S. (thèse Cifre C. Sauzet soutenue le 03/07/2009, Directeur de thèse J. Kister, Codirecteur P. Prinderre (récipiendaire), thèse d’interface Veille Stratégique /Chimie / Pharmacie Galénique entre les Universités d’Aix-Marseille II et III, conduisant à la création de l’entreprise Meliatys (JEI), mise en incubateur d’entreprises interuniversitaires « Impulse » avec l’aide du dispositif d’amorçage Provence (Préfecture), d’OSEO et de S.I.S.

Si on se concentre sur le potentiel de collaborations avec le Sud - Maroc, je vais orienter directement ce résumé sur le vieillissement des

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse390

systèmes chimiques complexes, les huiles végétales et essentielles ; le contrôle qualité, la traçabilité, les normes et labels, les nouveaux tests de vieillissement et les transferts technologiques déjà en développement en Indonésie, Egypte, Tunisie et …Maroc. C’est un exemple de diversifications en partenariat industriel et de développements par fertilisations croisées

Des collaborations ont été développées avec l’Egypte (Université - d’Assiut) sur les huiles de Jojoba, avec l’Indonésie sur les huiles végétales et essentielles du Nord Sulawesi (Muscade, Girofle, Gingembre, Vétiver, Combawa, Calophyllum, Cananga..) (Université UNIMA de Manado) et de Java – Bali (Patchouli)(Groupe BaliContact),avec Madagascar sur le Cananga, avec la Tunisie sur les huiles d’Olives et le Maroc dans le cadre d’une action internationale CNRS-CNRST( Projet Chimie 02/09 n°22571 : Traçabilité des huiles d’olive vierges monovariétales du Maroc par corrélation entre caractéristiques chimiques, données spectroscopiques et chimiométriques.)

Le principe de ces études est identique à celles réalisées sur les bitumes et bitumes polymères avec TOTAL et les Ponts et Chaussées, et avec ESSO et la SCREG, à celles réalisées sur le vieillissement des lubrifiants industriels et le report des vidanges avec comme objectif 100.000 km (Total), à celles menées sur les carburants et biocarburants.(SP3H, CMR, CMN, PSA) ou sur l’assistance à l’exploration pétrolière ( Université de Barcelone, CEPSA et REPSOL). Si nous sommes capables de travailler sur la qualité et la traçabilité des huiles pétrolières et des dérivés industriels , nous devions être capables de travailler sur les huiles végétales et essentielles

Dans le domaine du vieillissement naturel ou simulé, nous avons mis au point des cellules de vieillissements simulés :

la première cellule de vieillissement simulée mise au point avec le concours de l’anvar est une cellule verticale in situ un appareil IRTF et utilisant la technique de dépôt dite en « lame sèche », avec variation de température et atmosphère oxydante.

la seconde génération de cellule de vieillissement, mise au point en partenariat avec la Société Nicolet, est une cellule horizontale adaptable sous un microscope IRTF pour l’étude de systèmes homogènes ou hétérogènes en atmosphère inerte ou oxydante et limitée à 200° C. Cette cellule donne la possibilité de cartographies structurales et fonctionnelles 3D et de cinétiques d’évolution thermique continues in situ le µIRTF. Cette cellule développée pour des études de maturation et vieillissement de produits pétroliers et dérivés (équipe J. Kister), a déjà eu son transfert technologique vers l’agroalimentaire et les huiles d’olive (Groupe du

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 391

Prof. J. Artaud), la galénique et la cosmétologie (Groupe du Prof. P. Piccerelle) et ponctuellement sur des sujets arômes, parfums sur d’autres équipes de l’UMR spécialisées en produits naturels, antioxydants, extraits de plantes (Groupe du Prof. E. Gaydou travaillant entre autres avec l’équipe du Prof Smadja de La Réunion)

la troisième génération de cellules de vieillissement développée au laboratoire nous permet l’analyse des produits volatils formés, relançant tous nos sujets dans le sens du Développement Durable . Le vieillissement peut être thermique ou /et photochimique.

le µraman nous permettrait l’étude directe des sources (matières premières) sans préparation spécifique, à relier directement avec les caractéristiques des huiles brutes ou vieillies, liées aux procédés d’extraction ou de séparation-purification.

Ces réactions de vieillissement peuvent intervenir tout au long de la vie d’un produit, pendant la fabrication selon les spécifications physiques, chimiques et biologiques du produit et pendant le stockage ou la phase de conservation. Cette phase peut être étudiée dans des conditions réelles ou extrêmes selon des tests normalisés. Le vieillissement peut intervenir pendant l’utilisation (période après ouverture PAO) en réel, en comparaison de tests en laboratoire, par analyse sensorielle ou par les tests consommateurs. Enfin, nous nous intéressons aussi aux problèmes d’élimination ou d’après-vie. Dans ce cas, on peut étudier les produits de dégradation, les temps de rémanence et l’impact sur l’homme et l’environnement.

Le plus souvent les tests de vieillissement de référence sont des tests anciens, fastidieux et assez imprécis. L’objectif est de les remplacer par des tests rapides, simples et fiables. Cela peut conduire à la mise en place de nouvelles normes et labels associées aux paramètres de traçabilité et de contrôle qualité.

Rien ne limite nos interventions sur la caractérisation des produits naturels » cela peut être l’étude du vieillissement des huiles essentielles et applications aux allergènes et/ou les nouvelles méthodes d’extraction (process) et les conséquences sur l’.analyse des composés volatils, semi-volatils et lourds.

Les deux points sont très étroitement imbriqués. Nous pouvons en effet définir la chaîne ASS (Arômes, Senteurs et Saveurs) comme représenté sur la figure de dessous :

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse392

Le contrôle qualité des produits industriels, d’origine naturelle, matières premières ou produits finis, a jusqu’à présent consisté en des mesures partielles, le plus souvent obtenues par des méthodes séparatives. Ainsi, par chromatographie on détermine la concentration d’un ou de plusieurs constituants du mélange complexe et l’acceptation du produit reposera alors sur la comparaison à des normes prédéfinies.

Cette approche très analytique accuse des limites quand il s’agit d’estimer une propriété globale telle que :

l’aptitude à une utilisation ou à une transformation ultérieure comme par - exemple la prédiction de la qualité huiles essentielles que formeront les plantes aromatiques.les qualités olfactives des produits formulés.-

Puisque les techniques spectroscopiques (IR, µIRTF, proche infrarouge, Raman et µRaman fluorescence…) constituent une investigation au niveau moléculaire, elles apportent pour le mélange complexe étudié, des informations sur chacune des espèces présentes dans le mélange et sur d’éventuelles interactions. Ce sont ces données globales qui sont susceptibles d’établir la propriété recherchée. La recherche est orientée vers le développement de méthodes tirant parti de la précision et de la fiabilité des méthodes spectroscopiques tout en permettant une mise en œuvre simple et rapide pour les utilisateurs potentiels.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 393

Les caractéristiques organoleptiques et chimiques des huiles essentielles varient en fonction de très nombreux paramètres (variétés, origines géographiques, technologies de fabrication…). L’industrie a besoin de modes de contrôles rapides tout au long de la filière pour répondre à des impératifs de qualité et de traçabilité.

On va donc intervenir sur la reconnaissance de terroirs, distinguer les crus, les process, les plantes, les chémotypes, la nature su sol….

Nos interventions peuvent répondre à plusieurs objectifs :

déterminer les particularités géographiques, variétales ou AOC des - huiles essentielles et végétales d’une région. Les résultats des techniques séparatives seront utilisés pour venir calibrer les modèles.rechercher si les méthodes spectrales peuvent être mise en œuvre pour - faire de la prédiction de qualité des huiles essentielles sur la base des caractéristiques des plantes brutes et de leurs modes de séchage ou de conservation.

Pour mener à bien ce projet nous nous proposons d’analyser un grand nombre d’huiles essentielles ou végétales représentatives de l’ensemble de la production d’une région, en intégrant aussi les paramètres d’exposition , de pluviométrie, paramètres pouvant varier d’une année sur l’autre avec les conséquences sur l’optimisation de récolte. En Provence ce travail a été réalisé sur les huiles d’olive, l’échantillonnage a été déterminant pour la réussite du projet. Il a été effectué en étroite collaboration avec les adhérents de l’ONIPAM (les professionnels du domaine). Ce travail a été réalisé aussi sur le jojoba d’Egypte, le patchouli ou la muscade d’Indonésie. L’ objectif est de faire des produits de qualité standard, constante et bien identifiée ou faire des variétés à haute valeur ajoutée par exemple pour la cosmétologie .

Sur la base des premiers résultats des échantillons représentatifs devront être extraits de la masse des données. Ces échantillons représentatifs seront par la suite étudiés dans les differents points. On peut pour cela utiliser les outils de la Méthodologie de la Recherche Expérimentale (MRE) pour optimiser le process ou le nombre d’expériences minimum à réaliser. Les outils de chimiométrie (outils statistiques, mathématiques et informatiques) vont être utilisés pour faire sortir l’information décisionnelle de la masse des données récoltées selon des techniques descriptives, prédictives en simple tableau ou en techniques multi-tableaux.(thèse PSA V. Gaydou 2010) Ces outils et ces expertises sont disponibles dans l’équipe en interne. On retrouve ici le cœur de l’expertise du laboratoire SCC : chimie analytique et chimiométrie. on est dans ce cas dans la phase de caractérisation du produit, les indicateurs analytiques obtenus sont des indicateurs structuraux.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse394

On peut aussi se concentrer sur les procédés (les nouvelles méthodes d’extraction) et sur la caractérisation des huiles obtenues. On peut proposer, en parallèle pour chaque technique d’extraction /purification /séparation, nos outils de caractérisations globales non séparatives et de réalisations systématiques des empreintes d’évolution à partir des cellules de vieillissement. Les résultats traduisent ainsi directement l’intérêt ou le problème d’une technique ou technologie en termes de retard au vieillissement, limitation de l’amplitude de celle-ci ou plus ou moins grande rapidité à atteindre le taux maximum d’évolution.

les indicateurs obtenus sont des indicateurs de vieillissement caractéristiques de la réaction 1 du schéma précédent

27

0,00

0,10

0,20

0,30

0,40

0,50

0,60

0,70

0,80

0,90

0 50 100 150 200 250 300 350 400

Temps (min)

Ic=o

Huile 1Huile 2

Les paramètres d’oxydation

Temps d’induction (Ti)

Temps de début de palier (Tdp)Pente

Hauteur de palier (Hp)

Temps de demi-vie (T1/2)

Une huile est dite performante si :-son temps d’induction est élevé,-sa pente est faible,-son temps de début de palier est élevé,-sa hauteur de palier est faible,-son temps de demi-vie est élevé.

TraitementsChimiométriques

en effet par cette technique de vieillissement simulé déjà au point et déjà utilisée dans d’autres domaines scientifiques, on peut, pour chaque procédé ou variante de procédé, pour chaque source ou mélange de sources, donner une empreinte initiale et une simulation du vieillissement positionnant chaque technologie en termes d’avantages et inconvénients en stabilité par des indicateurs chiffrés (durée de la phase d’induction ou de retard au phénomène de vieillissement, vitesse de dégradation (pente), début du palier de maximum d’oxydation, ½ vie.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 395

Les indicateurs obtenus sont à corréler avec les données lourdes issues des techniques séparatives. l’avantage de la technique de simulation globale est sa transposition industrielle qui devrait être rendue aisée rapidement. Cette approche cinétique de vieillissement simulé devrait permettre aussi l’utilisation des outils de la MRE (Méthodologie de la Recherche Expérimentale) et de la chimiométrie pour optimiser un procédé en fonction d’objectifs fixés par les industriels par rapprochement des données industrielles classiques ou de données de simulation.

en bilan : cette technique dite d’empreinte évolutive est un transfert que nous proposons directement à partir d’études réalisées sur des Systèmes Chimiques Complexes (SCC) et des Systèmes Moléculaires Organisés (SMO)du domaine pétrolier et agroalimentaire.

La connaissance des composés isolés issus des techniques séparatives devrait permettre après validation, d’identifier ces composés dans des mélanges par méthodologie mathématique sans faire appel aux techniques séparatives lourdes. Cet aspect demande un aspect validation assez long mais conduit à un outil décisionnel simple, à la possibilité d’un contrôle qualité du produit livré, stocké ou en cours d’utilisation pour l’utilisateur final ou le vendeur.

Ainsi nous pouvons valider une durée de vie annoncée, identifier les problèmes de stockage et de conservation. Cette logique de travail et d’objectif est la même que celle que nous avons développé pour les bitumes, les lubrifiants industriels, les huiles alimentaires et en particulier les huiles d’olives avec des partenariats industriels et des pays très diversifiés.

Dans ces sujets, nous proposons l’utilisation d’un outil d’évaluation et de simulation de vieillissement directement utilisable et améliorable technologiquement.

Le laboratoire regroupe depuis sa création en 1998, des experts des divers types de vieillissement, vieillissement global ou spécifique : photochimique (Catherine. Rebufa (M.C.)), thermique (Yveline Le Dréau (MC)), ultime par irradiation gamma (J. Raffi - CEA), procédé utilisé justement pour la conservation). D’autres experts sont directement concernés de part leur expérience de collaborations industrielles en Méthodologie de la Recherche Expérimentale (Michèle Sergent (PR) et Magalie Claeys (M.C.)) et en traitement de données (N. Dupuy (PR)). Enfin nous pouvons apporter notre concours sur la connaissance des antioxydants naturels en respect avec les normes REACH par l’identification et la caractérisation de nouveaux composés issus de végétaux et la réalisation d’hemisynthèses conduisant à des produits stables et de qualité constante (Emile Gaydou (PR) et Isabelle Bombarda (MC) )

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse396

Ainsi nous avons en interne toutes les compétences nécessaires pour discriminer les produits formulés en terme de tenue au vieillissement. Les outils analytiques et méthodologiques majeurs (techniques couplées et globales) sont disponibles en propre dans l’équipe. Enfin l’accès au spectropôle de Marseille (plateforme technique) pour les techniques lourdes (RMN, SM, couplages) est direct, rapide, sur place et déjà opérationnel.

VIterritoires et sécurité

économique

sécurité économique et territoires

les nouveaux enjeux de la compétitivité mondiale

Xavier leonetti

La mondialisation, et la concurrence exacerbée qu’elle engendre, constituent le décor de notre environnement quotidien. Chaque jour, le global rejoint le local. Le « village global » qui se construit sous nos yeux, intègre progressivement chaque individu dans un espace plus vaste.

Aujourd’hui, les territoires Marocains constituent un carrefour stratégique entre l’Afrique espace de développement du futur et les pays occidentaux, partenaires privilégiés. Dans ce cadre le développement des Provinces du Sud doit être conduit au travers d’une double ambition visant à la fois à une reconnaissance économique internationale durable tout en garantissant la préservation des valeurs et des savoir-faire locaux.

Cette démarche intervient dans une période où la mondialisation est source de tensions nouvelles symptômes d’une redistribution du pouvoir entre les nations.

En effet, l’apparition de nouveaux acteurs économiques et l’utilisation de systèmes d’information globalisés ont contribué au bouleversement de l’ensemble des relations internationales. Par ailleurs, la globalisation se traduit par un déplacement des oppositions politiques, du champ militaire vers la sphère plus discrète mais tout aussi redoutable de l’économie.

Dès lors, la sécurité constitue désormais l’étape première et indispensable à la conduite d’une démarche de développement économique. La définition de la sécurité prend ici une dimension globale et transverse, réalisant la jonction entre les dimensions technique, humain, financier, juridique, politique, stratégique, éthique et informationnel. Aussi, dans ce contexte, l’opinion publique manifeste des préoccupations croissantes. Les populations s’interrogent et s’inquiètent : Que sera le monde de demain ? Comment peut-on garantir la compétitivité d’un

territoire ? Est-il possible de concilier la poursuite du développement économique avec la préservation d’une identité culturelle et sociale?

Concevoir une politique publique de développement régional revient donc à adopter une démarche territoriale et pragmatique par laquelle la sécurité économique se fait outil de management et d’accompagnement de projets. La sécurité économique est un facteur de compétitivité territoriale. Elle est devenue à la fois une source et une conséquence du développement économique. En effet, non seulement en l’absence de sécurité le développement économique est impossible, mais de surcroît la crise économique potentialise l’insécurité sociale et publique.

La mondialisation économique s’est accompagnée d’une multiplication et d’une diversification des risques et des menaces. Désormais, les Etats et les entreprises doivent concevoir leurs stratégies de sécurité économique de manière globale afin de préserver au mieux leurs activités et leurs patrimoines. Ainsi, la sécurisation d’un espace revient par exemple en matière touristique à concevoir efficacement un plan d’aménagement urbain réduisant ainsi les risques des vols et de cambriolage. Cette prévention passive des risques a permis en région Provence-Alpes-Côte d’Azur de réduire de 30% la délinquance publique constatée sur certains espaces touristiques. De fait, la sécurité est devenue un argument commercial au service du développement économique d’un territoire.

De la même manière, l’insécurité climatique peut s’avérer une source d’insécurité économique. Dernièrement en décembre 2010, les intempéries qui ont frappé la région parisienne ont provoqué plus de 20 millions de pertes pour les entreprises de transport.

Les territoires sont donc aujourd’hui des espaces où se concentrent les risques et les menaces, à la fois comme « émetteur » et « récepteurs » des crises. Dans ce contexte, les acteurs économiques sont tenus par deux impératifs majeurs : il leur appartient, d’une part, d’améliorer la compétitivité économique et d’autre part, de garantir la sécurité globale et permanente de leurs activités. Anticiper et gérer la crise revient donc à concevoir une méthodologie de pilotage de l’entreprise conjuguant à la fois la quête de rentabilité et le respect des obligations de sécurité.

Le monde euro-méditerranéen constitue un carrefour stratégique de la compétitivité mondiale. La sécurité économique s’y conçoit comme un levier d’accompagnement de la croissance et du développement économique. Dans un monde où l’avantage concurrentiel réside de plus en plus dans l’obtention rapide d’une information de qualité, la mise en oeuvre d’un dispositif de veille informationnelle doit permettre la détection anticipative des risques et des menaces. Ainsi, la recherche et la collecte d’informations relatives à l’environnement économique de l’entreprise

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 401

offrent à cette dernière une « vision stratégique » de son activité. Sorte de GPS économique, le management de l’information devient alors un outil de conduite de l’activité de l’entreprise. Pour ce faire, le processus de gestion de crise doit faire l’objet d’étapes successives.

En tout premier lieu, en amont de la crise, la mise en oeuvre d’un dispositif de prévention de la crise requiert plusieurs types d’actions, il s’agit de :

définir les risques et menaces ;- d’évaluer les moyens de réaction qui sont à disposition du décideur ;- de définir les objectifs et les capacités de gestion de crise ;- d’analyser les conséquences possibles de la crise, veiller à identifier les - signaux faibles de développement des facteurs de crise.

Ensuite, au cours de la crise, la phase de pilotage et de gestion doit conduire :à alerter les acteurs ;- à les engager dans la résolution de la crise ;- à adapter le dispositif de gestion de crise si nécessaire. -

Enfin, à l’issue de la crise, au cours de la phase de retour à la normale, il s’agit :

d’identifier la fin de crise, - de « debriefer » les acteurs, - de gérer les conséquences administratives de l’après crise - de gérer les conditions de retour à la normale. -

Sur le modèle des plans étatiques de gestion de crise en France (plan Orsec, plan rouge), la résolution d’une crise doit faire l’objet d’un retour sur expérience (re-tex) qui sera source d’enseignements lors de la prochaine crise. Pour ce faire, le décideur doit insuffler une véritable culture stratégique de prévention et de gestion de la crise. Il appartient par exemple à la direction générale d’insuffler un véritable management de la crise, au moyen notamment d’une culture de résilience.

A l’origine la résilience correspond à un phénomène psychologique qui traduit « une capacité à bien vivre et à se reconstruire après un traumatisme ». En matière de Défense et de sécurité nationale, le Livre blanc de 2008 précise qu’il s’agit de « la volonté et de la capacité » à rétablir le fonctionnement normal d’un système après une catastrophe. Le texte ajoute d’ailleurs que la résilience concerne « non seulement les pouvoirs publics, mais encore les acteurs économiques de la société civile toute entière ». Pour une entreprise, la résilience constitue donc l’étape ultime de la prévention et de la gestion d’une crise. A l’extrême, il s’agit de prévoir l’imprévisible, qu’il s’agisse des attentats terroristes du 11

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse402

septembre 2001 ou bien de l’arrêt du trafic aérien européen en mai 2010 en raison de l’éruption volcanique en Islande.

La sécurité économique territoriale permet la coordination des espaces territoriaux : géographique, économique et politique.

La prévention, la gestion et la résolution des crises exigent donc un recours croissant à une grande variété d’expertises. Le caractère multi-dimensionnel des crises font qu’aujourd’hui les risques s’entremêlent. Dès lors les acteurs locaux doivent conjuguer leurs expertises afin de développer un modèle de sécurité transverse.

Cette mise en réseau des acteurs politiques, publiques et économiques doit en particulier permettre la réalisation collective d’un projet de développement territorial. Ainsi, au Maroc dans ses Provinces du Sud, les autorités publiques sont associées aux partenaires privés afin de conduire le développement de ces territoires. La région de Dakhla dispose par exemple d’un potentiel économique important. Au coeur des Provinces du Sud, cette région est à l’aube d’une croissante économique majeure. Bénéficiant d’un potentiel touristique exceptionnel, cette région dispose également de nombreux savoir-faire locaux. Aussi, depuis quelques années le développement de filières traditionnelles (élevage de dromadaires) côtoie la fabrication de molécules de haute technologie à partir des plantes de cactus. Ce territoire s’engage donc sur la voie du développement en associant sa culture à la modernité de l’économie internationale.

L’impulsion des pouvoirs public et tout particulièrement du roi Mohamed VI viennent alors épauler et dynamiser l’élan économique donné à cette région.

En France, les expériences menées en région Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Ile de France ont également démontré l’intérêt d’apprendre aux acteurs locaux à travailler ensemble. Ainsi, élus, chefs d’entreprises et cadres administratifs se retrouvent régulièrement autour de sessions de sensibilisation ou de formation à la sécurité économique. Dans ce cadre, la diffusion des bonnes pratiques de l’intelligence économique est réalisée au moyen d’une mise en réseau des acteurs locaux. Il s’agit d’associer les valeurs de territorialité, de proximité et de complémentarité.

Le développement des jeunes pousses économiques doit être conduit avec vigilance. En effet, les opérateurs économiques étrangers sont très souvent à l’affût des entreprises en phase de croissance. Le besoin de financement des entreprises devient alors une faiblesse dont savent de saisir de nombreux investisseurs. La développement d’un patrimoine économique doit intégrer une nouvellelle dimension de sécurité visant à la protection des savoirs et des connaissances acquises. Dans ce domaine, la France a très longtemps souffert d’une trop grande

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 403

naïveté. En effet, le rachat de la société Gemplus, leader de la carte à puce dans les années 1990, par un fond d’investissement étranger est aujourd’hui considéré comme un « Waterloo économique ». Depuis, le gouvernement français à mis en oeuvre un ensemble de dispositifs visant à protéger le patrimoine industriel et commercial de la France.

En conformité avec les règles de la libre concurrence, il s’agit de favoriser la création de centres de R&D au moyen de la création de pôles de compétitivité. Ainsi, sur le modèle américain, la France s’est dotée de pôles qui constituent des rassemblements d’entreprises et de savoir-faire visant à promouvoir l’innovation. Aujourd’hui, après cinq ans d’existence, le bilan de la mise en œuvre et du fonctionnement de ces pôles apparaît globalement positif. Les grandes entreprises ont su s’associer aux PME/PMI dans la recherche et le développement de projets communs. Bénéficiant de l’appui des collectivités locales de leurs lieux d’implantation, les pôles ont ainsi pu répondre pleinement à leur vocation première, à savoir devenir des pépinières d’innovation technique et technologique afin de promouvoir la croissance économique et donc l’emploi.

A présent, le développement des pôles de compétitivité entre dans une phase de maturité qui devra permettre, d’une part, d’associer plus largement le monde universitaire à celui de l’entreprise, et d’autre part, de constituer des pôles de développement de dimension internationale. Le projet méditerranéen est par exemple un vecteur de partenariat entre l’Europe et l’Afrique. L’association collaborative de savoir-faire et de culture devient alors un gage de modernité et donc de compétitivité. Dans ce cas, le partage des informations entre les acteurs économiques ne se limite pas aux échelons locaux. La construction d’un partenariat euro-méditerranéen durable s’appuie sur un socle de valeurs communes auxquelles répondent des ambitions de développement partagées.

Les enjeux de sécurité économique et de sécurité territoriale sont donc liés dans la poursuite d’un objectif de compétitivité commun. Dans le cadre de la conduite du projet euro-méditerranéen, le rôle des pouvoirs publics se conçoit désormais comme celui d’un accompagnateur, exerçant tour à tour les fonctions de stratège politique ou de facilitateur économique.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 405

pays pauvres très enDettés (ppte) et sécurité economique

ismail ould Khalef,Professeur d’économie à l’Université de Nouakchott

Pour un individu, vivre dans un pays ne suffit pas pour assurer son bien-être. Il est essentiel pour lui d’assurer sa sécurité économique, c’est-à-dire être protégé contre l’insuffisance des ressources. Les pays du globe sont ainsi très inégaux selon la sécurité économique qu’ils assurent à leurs habitants que selon leur capacité de produire ou de créer de la valeur. Les pays développés, à cause de l’ampleur et de la diversification de leur tissu de production procurent à leur population une plus grande sécurité économique. Dans les pays sous-développés, notamment les plus pauvres parmi eux, les entreprises se situent à l’extrémité de la filière industrielle, ou bien en amont ou bien en aval de celle-ci, mais rarement à l’intérieur. Cette position réduit la valeur ajouté dégagée et renforce d’autant l’insécurité économique. Elle compromet aussi la possibilité des citoyens de se nourrir, de se vêtir, de se loger, de se soigner, de s’éduquer, de se distraire, etc. En un mot leur capacité de subvenir à leurs besoins fondamentaux de façon permanente, c’est-à-dire, leur sécurité économique.

La question qui se pose est de savoir si, dans un environnement marqué par la mondialisation des échanges et l’hyper compétition économique, les entreprises, en Mauritanie, pris pour exemple de PPTE, peuvent-elles assurer une garantie pour le développement industriel national et aboutir à une sécurité économique des individus ? Ou encore l’environnement pour le développement industriel en général et celui des entreprises compétitives et diversifiées, en particulier, continue à être entravé par de nombreux obstacles qui limitent la performance de celles-ci ?

le potentiel de l’industrie mauritaniennei-

L’économie mauritanienne est peu diversifiée. Son analyse structurelle montre, cependant, de profonds changements, au cours des dix dernières années, au profit

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse406

des activités de services. Cette transformation résulte d’une part, de la mise en œuvre de vastes programmes de libéralisation et de réformes économiques, et d’autres parts, de la conjoncture internationale, rythmée par des croissances et des ralentissements de l’activité.

A nos jours, le tissu industriel mauritanien peut être organisé en quatre groupes principaux selon la sécurité économique que chaque ensemble procure à ses employés :

Un premier groupe où se rencontrent des entreprises ayant généralement un chiffre d’affaire relativement important. Il s’agit principalement des entreprises d’exportation des produits primaires (minerai de fer, mine d’or, de cuivre, produit pétroliers, produits de la pêche,), auxquelles on peut adjoindre les entreprises dans le domaine des télécommunications. Ces entreprises sont, du fait de leur poids et de leur vocation, capables de s’adresser directement au marché international soit pour l’écoulement de leur produit, soit pour se financer, soit pour les deux à la fois. Ce premier groupe d’entreprises assure généralement une bonne sécurité économique à ces employés tant du point de vue de la rémunération (au environ de 400.000 Ouguiya135 de salaire pour les cadres, une sécurité sociale, une prise en charge de 80% des frais médicaux, des évacuations sanitaires si cela est nécessaire) et de la pérennité de l’emploi que du point de vue de la promotion sociale (éducation des enfants, loisirs, etc.) Ce groupe peut aussi collecter une masse d’informations stratégiques utilisables pour ses besoins propres. Il a cependant l’inconvénient de ne fournir que des emplois très spécialisés ce qui limite énormément les chances des nationaux d’y accéder vu le manque qualification de la main d’œuvre locale.

Un deuxième ensemble regroupant les entreprises de production qui s’adresse, pour l’essentiel, au marché intérieur mauritanien et dans une moindre mesure au marché de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest. Il s’agit principalement des industries manufacturières et de transformation (farine, biscuiteries, couscous, boulangeries, etc.), des cimenteries, des activités de bâtiments et travaux publics. Ces entreprises relèvent de l’économie formelle moderne, physiquement localisable, disposant d’une comptabilité écrite et respectant certaines obligations de publicité légale. Les établissements de ce groupe se trouvent, depuis quelques années, surtout depuis la baisse de la protection douanière conséquence de la mondialisation, fortement concurrencé par les produits étrangers. Or, ces entreprises sont mal outillées pour mener cette guerre économique. Elles planifient faiblement leur investissement, utilisent des équipements parfois obsolètes et peu de personnel technique qualifié ce qui porte atteinte sévèrement à leur compétitivité et de là à leur épanouissement. La sécurité économique assurée par

135 1Euro = 380 Ouguiya

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 407

ce groupe est relativement modeste (rémunération inférieure à 400.000 Ouguiya), pérennité de l’emploi peu garantie surtout depuis qu’elles ne sont plus protégées des produits concurrents étrangers. Certaines d’entre elles ne fonctionnent plus ou fonctionnent à très faible capacité de production. De plus, les informations stratégiques qu’elles détiennent sont très limitées vue la place que ces entreprises occupent dans la chaîne de production, la forte concurrence à laquelle elles sont soumises et vue l’exigüité du marché auquel elles s’adressent.

Un troisième groupe, très disparate quant à ses caractéristiques et son poids économique, composé de milliers de petites et moyennes entreprises. Ce troisième ensemble joue un rôle extrêmement important dans l’équilibre du système social. Il offre 60%136 des emplois de la main d’œuvre urbaine et génère plus de 50% des revenus. Malgré cela, le groupe n’est capable que d’une planification minimale de ces activités et accède difficilement au crédit formel vue l’insuffisance des garanties qu’il présente au système bancaire.

Malgré son importance quantitative et son rôle primordial de modérateur de l’équilibre du système social, ce groupe apparaît très fragile pour assurer une sécurité économique viable. Les salaires qu’il fournit sont précaires et la pérennité de l’emploi limitée.

Le quatrième et le dernier groupe correspond à l’activité de subsistance à très court terme qui n’implique, dans la majorité des cas, aucune mécanisation du travail. Il s’agit essentiellement, de services de proximité et d’artisanat, c’est-à-dire la transformation directe et à très petites échelles, des matières premières. Les montants de financement, pour accéder à ce type d’activité, sont limités et les revenus procurés faibles. Les financements se font par le micro crédit car le système bancaire, faute de garanties suffisantes, évite de financer ses opérations. Ce quatrième groupe ne procure aucune sécurité économique au sens de l’ampleur de la rémunération et de la pérennité de l’emploi à ceux qui y vivent, il s’agit d’activité de subsistance et de survie.

Le constat auquel on peut aboutir, selon la répartition des entreprises, est que l’industrie mauritanienne demeure peu développée. Malgré les nombreuses réformes entreprises par l’Etat pour améliorer l’environnement des affaires la segmentation des entreprises reste très nette :

une industrie d’exportation de produits primaires orientée principalement - vers l’extérieur et déconnectée du marché local ;

une industrie qui s’adresse au marché local, composée d’une centaine - d’industrie manufacturière intervenant à grande majorité dans

136 Gandéga Sylli, Etat généraux de l’Industrie, Nouakchott, juillet 2010

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse408

l’agroalimentaire et de millier de petites et de micro-entreprises, installées en majorité dans les deux plus grandes concentrations du pays : Nouakchott et Nouadhibou. Depuis quelques années et si on se réfère à la croissance des importations, la production de ces entreprises semble soumise à une rude concurrence qui laisse penser à une production insuffisante et à une différence nette de qualité et de prix.

Cette évolution de produits importés n’est qu’une conséquence de l’ouverture du marché national sans une garantie de contrepartie réelle pour les produits nationaux. Cet enjeu concurrentiel soumet la production nationale aux facteurs de compétitivité. Les insuffisances peuvent être constatées sur les coûts des facteurs, les circuits de distribution et de commercialisation. En bref sur l’environnement pour le développement industriel.

l’environnement du développement industriel en mauritanieii-

Les infrastructures de base (voies de communication, accessibilité à l’eau, de l’électricité, du téléphone, etc.), les infrastructures scientifiques et technologiques, les infrastructures sanitaires et éducatives jouent un important rôle en matière de coût des facteurs de production et donc dans la compétitivité des industries. Ces infrastructures avec le marché constituent ce qu’on appelle communément l’environnement de l’entreprise. Nous limitons le champ de notre analyse aux coûts des services infrastructures et aux coûts des facteurs de production.

les coûts des services infrastructuresii.1-

On abordera dans cette section successivement les coûts de l’électricité, de l’eau, du transport et celui des télécommunications.

L’électricitéII.1.1-

L’électricité en Mauritanie est du domaine de la Société Mauritanienne d’Electricité (SOMELEC), société publique qui a le monopole de la production et de la distribution. En 1999, les pouvoirs publics ont décidé, dans le cadre des programmes d’ajustements et de réformes appuyés par les institutions de Breton Wouds pour être éligible au PPTE, de libéraliser le secteur de l’énergie, mais cette libéralisation demeure théorique puisque le capital de la société demeure à 100% du domaine de l’Etat. La SOMELEC qui n’a pas trouvé d’acquéreur connait des problèmes liés à la couverture des besoins aussi bien en quantité qu’en qualité.

Les taux de couverture sont faibles et varient fortement suivant la a. localisation géographique : moins de 1% des populations en zone rurale à plus de 30% à Nouakchott et à Nouadhibou ;

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 409

La production d’électricité n’arrive pas à s’adapter à une demande en b. constante progression, notamment pour les plus grandes concentrations ;

La qualité de l’offre d’électricité est mauvaise : les délestages, les c. coupures intempestives et les variations de tension sont fréquents. Cette situation s’est fortement aggravée ces dernières années. Les entreprises et même les ménages, pour protéger les appareils, continuer à produire et rester éclairés se sont dotés de stabilisateurs de tensions et de groupes électrogènes.

Les tarifs actuels sont jugés trop chers par rapport aux tarifs appliqués d. dans la sous région surtout pour la moyenne et la haute tension (35,4 UM au Sénégal contre 60 UM en Mauritanie pour la moyenne tension).

Tous ces inconvénients ne sont pas de nature à faciliter la tâche des entreprises en matière de réduction des coûts dans un monde où la lutte pour la pénétration des marchés est sans merci.

L’eauII.1.2-

La situation de l’eau n’est pas meilleure que celle de l’électricité puisqu’elle en dépend. En effet, la société Nationale de Distribution d’Eau (SNDE) est confrontée aux aléas et au coût de l’électricité. De plus, elle fait face à la vétusté de son réseau, à sa qualité et même à la disponibilité de la ressource. C’est pourquoi les entreprises manufacturières font de ce problème, de sa disponibilité (coupures fréquentes) et de son prix (321 UM/m3) leur préoccupation principale.

Les transports II.1.3-

Les contraintes climatiques, l’immense étendue du territoire, l’état des routes sont autant de défis pour le transport des hommes et des marchandises.

Les coûts de transport, particulièrement élevés en Mauritanie, posent de sérieux problème de compétitivité à l’économie nationale. Seul le transport routier sera traité dans ce qui suit car il constitue de loin le moyen le plus utilisé. En 2004 il représentait 90% de la totalité des transports137.

Les coûts du transport routier actuel sont variables et le marché est très anarchique. Si on compare les tarifs entre la Mauritanie et le Sénégal pour deux mayens de transport similaires on obtient une différence qui peut aller de 7 à 10 UM par km de route en l’avantage du Sénégal. On peut ajouter au prix du transport celui de l’état du réseau (constitué en grande majorité de pistes rurales mal entretenues) et du parc auto (véhicules, pour l’essentiel, de seconde main venus d’Europe).

137 Rapport de la BM, 2004

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse410

Depuis quelques temps, surtout avec la montée du chômage, l’activité du transport se développe et le parc automobile augmente fortement et rapidement. Mais cette augmentation n’est pas accompagnée par une amélioration de la qualité des mayens utilisés ni par un meilleur respect des consignes de sécurité.

Les Télécommunications II.1.4-

Depuis la réforme du secteur en 1999, d’indéniables progrès en matière de disponibilité de l’offre des services et de réduction des coûts ont étés réalisés. La télé-densité a connu un bond sans précédent passant de 0,6% en 1999 à 67% en 2008, soit en moyenne plus d’un téléphone pour deux habitants138. Cette expansion est essentiellement due à l’explosion de la téléphonie mobile où trois opérateurs se font concurrence dans le pays. Sur ce plan le secteur des télécommunications offre de réel avantage de compétitivité ou du moins il ne constitue pas une contrainte majeure.

le coût des facteurs de productionii.2-

L’efficacité des entreprises, abstraction faite de leur nature juridique, dépend dans une large mesure de la productivité, du marché du travail, de l’accès au financement, des capacités managériales de leurs dirigeants mais aussi des mentalités et des valeurs culturelles de la société dans son ensemble. Il ne sera ici question que des deux principaux facteurs de production à savoir le capital et le travail.

Le capital II.2.1-

Les banques en Mauritanie sont en majorité des filiales de groupes commerciaux privés. Ces institutions donnent la priorité dans le financement aux opérations de leur groupe. Cette réalité rend difficile l’accès au crédit. Le financement est difficile, non pas parce qu’il est trop cher (12,7% contre 7% dans la sous région139 de taux d’intérêt réel) mais aussi parce qu’il exige des garanties souvent contraignantes. A ces difficultés vient s’ajouter la faiblesse de l’épargne140 et donc la pénurie des ressources longues pour le financement des investissements.

A l’ensemble de ces contraintes on peut citer encore :

les considérations sociologiques : il s’agit des considérations religieuses - qui empêchent une partie des dirigeants des entreprises de faire recours au prêt à intérêt et limite les dépôts en banques des épargnants ;

138 Rapport de l’autorité de régulation 2008139 Isselmou Ould Mauhamed, EGI, 2010140 Isselmou Ould Mohamed, Oc, 2010.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 411

l’incommodité du système bancaire : celui-ci n’existe que dans les - grandes agglomérations et les services qu’il fournit aux clients sont très limités ;

les demandes de crédit : ceux-ci ne répondent pas obligatoirement aux - normes à cause principalement d’une fiabilité souvent douteuse des comptes et de la faiblesse des garanties.

En définitive, c’est l’ensemble de ces écueils qui explique le sous-développement du Système bancaire en Mauritanie, le manque de liquidité et la cherté du financement des investissements.

Le Coût du travailII.2.2-

Si on se réfère aux données statistiques les plus récentes de l’Enquête Permanente des Conditions de Vie des Manages (EPCVM)141 on peut lire les chiffres relatifs suivants : taux d’activité = 52,2%, travail salarié = 35,2%, taux de chômage 32% de la population active avec un taux de chômage des femmes avoisinant les 70%, 45,2% des occupés travaillent pour leur propre compte.

La répartition sectorielle de l’emploi montre une prédominance de l’élevage et de l’agriculture en milieu rural et du commerce et des services en milieu urbain. La part dans les activités industrielles est très faible, à peu près 3% de l’offre globale d’emploi.

Dans un environnement pareil la productivité et la compétitivité ne peuvent se développer vue le volume des opérations, le chiffre d’affaire des entreprises, l’incommodité du système bancaire et l’inadéquation des compétences techniques aux besoins du marché.

Pour ce dernier point, les avantages comparatifs de la Mauritanie sont toujours très réduits. Certes, l’enseignement s’est amélioré mais il s’agit surtout d’un enseignement général non professionnalisé. L’enseignement technique est toujours limité à cause surtout de son coût dans un pays très endettés. Or, si les études montrent une corrélation positive entre le niveau d’instruction et la productivité : en moyenne l’achèvement du niveau primaire permet un gain de productivité de 22% et le niveau secondaire 60%142 par rapport à l’analphabète, il en est de même entre le niveau d’instruction générale et le niveau d’instruction technique et professionnel.

Ce manque d’instruction et de technicité influe négativement sur la productivité. Il se manifeste très clairement sur le marché local qui se trouve fortement ravitaillé

141 ONS, EPCVM, 2008142 Isselmou Ould Moahamed, EGI, Nouakchott 2010

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse412

en produits concurrents étranger provenant de diverses origines : Europe, Chine, Moyen Orient, CEDEAO, etc.

En définitive, l’accès limité des produits, la faiblesse de la diversification, l’étroitesse du marché, la forte concentration dans certaines zones, le coût élevé des facteurs de production, le manque d’une main d’œuvre qualifié, l’endettement de l’Etat, l’application de programmes d’ajustement imposés pour obtenir l’appui des institutions de financement, non pas pour soutenir le développement mais pour réduire la dette ne sont jamais de nature à créer un environnement évolutif pour la production locale. Au vu de ces aléas, il en découlerait incontestablement une limitation de la compétitivité des produits locaux et une réduction de la capacité de production des entreprises industrielles ainsi que de leur capacité à fournir une sécurité économique à leurs employés.

En conclusion, pour créer un environnement pour les industries locales, éviter l’affaiblissement des PPTE en général et la Mauritanie en particulier dans l’avenir, lutter contre les inégalités sociales il convient d’installer l’impératif de sécurité économique à l’avant des stratégies de relance économique. Tout le monde : Etats, entreprises, citoyens, société civile et acteurs du développement vont devoir travailler à l’assimilation des questions de sécurité économique. Ils doivent ensemble se mobiliser pour atteindre cet objectif. C’est grâce à cette solidarité sociale profonde et à une stratégie de relance économique structurée et bien étudiée au service de l’ensemble que les entreprises des pays très endettés peuvent atteindre l’objectif de la sécurité économique des citoyens.

bibliograpHie

Seraphin Prao, ppte : les économies sous assistance respiratoire, All africa.com Gandéga Sylli, Etats Généraux de L’industrie (EGI), Nouakchott, Juillet 2010

PHILIPPE CLERC, les échos, 30/10/2009

Isselmou Ould Mohamed, EGI, 2008.Gérard Pardini, introduction à la sécurité économique, librairie Eyrolls.com

Conférence Internationale sur le Financement du Développement, Monterrey du 18 au 22 mars 2002.Rapport d’avancement du DG du FMI et du Président de la BM, FMI, 21 avril 1999.

Rapport de la BM 2004.Damien Millet, L’initiative PPTE : entre illusion et arnaque, CADTM, 21/12/2003

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 413

intelligence territoriale et enJeuX De sécurité economique

le cas de casablanca

pr. sabah cHraibi

Les grandes régions métropolitaines regroupent un dixième de l’humanité, mais elles concentrent près de la moitié du PIB mondial et les trois quarts de la création de la technologie.

Casablanca touchée par cet universalisme urbain et ville organisée en grappe, forme la plus grande région métropolitaine du Royaume du Maroc, concentre un sixième de la population marocaine et constitue la première place financière de la région MENA. (Voir ANNEXE 1).

Dotée d’un potentiel économique important mais appelé à se régénérer, la capitale économique du Maroc est l’objet d’une interrogation sur son devenir, dans le cadre des nouvelles orientations d’une régionalisation avancée, au national et d’une concurrence à l’international davantage exacerbée par la crise.

Le Maroc s’est engagé dans un processus de modernisation administrative dans lequel les paramètres de la régionalisation sont aujourd’hui au centre des débats. Les choix institutionnels sont moins timides que par le passé mais leur articulation dans les rapports de pouvoir reste prudente dans un contexte politique en transition démocratique.

Néanmoins, la mondialisation, la globalisation des économies et des échanges, le développement du partenariat public privé et la coopération tracent de nouvelles voies d’interventions régionales.

L’intelligence territoriale ne se résumant pas à une simple inscription des villes et des territoires dans une optique publicitaire, la voie vers des politiques régionales de sécurité économique est le fait d’actions et de stratégies où l’humain est acteur et sujet ; c’est dire que penser les espaces dans la seule projection de performance

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse414

économique ne peut conduire à l’équilibre des sociétés ni à l’harmonisation des performances régionales.

Si aujourd’hui des régions économiques s’inscrivent dans le paysage du Royaume du Maroc dans des projets de pôles : Tanger, Nador, Agadir…, le pôle économique que constitue Casablanca et sa région risque-t-il de s’essouffler du fait de cette concurrence ? Et dès lors comment notre région du centre pourrait-elle être dans l’intelligence de la compétitivité régionale, agir ou se projeter avec le challenge d’une garantie de cohésion sociale qui ne serait pas sacrifiée au primat de l’économiquement quantifiable ?

Pour cela, un certain nombre de risques sont à éviter ou à atténuer liés à la sécurité juridique, économique, à l’équilibre social, à la légitimité institutionnelle, etc. …

Les principales démarches sont à opérer dans le cadre d’une stratégie territoriale concertée et novatrice fondée sur la connaissance, l’expertise, le partenariat en mettant en exergue un certain nombre de questionnements :

Quelles orientations majeures pour une croissance et un développement - durables?

Quelles modalités d’appui pour une définition et une mise en œuvre - participative des politiques publiques locales ?

Quel appui à la formation pour le renforcement des compétences des élus - et personnels des collectivités publiques et privées ?

Quel appui à l’émergence et au renforcement de réseaux d’expertise en - accompagnement des collectivités ?

Comment encourager les mécanismes de redevabilité politique et de - contrôle citoyen ?

Comment prendre en compte la cohabitation des légitimités existantes à - Casablanca ?

Quelles spécificités d’intervention de la ville pour la mise en place des - instances participatives ?

Comment favoriser la participation et la défense des intérêts des - groupes les plus vulnérables, pour un partage équitable des fruits de la croissance?

Gérer un territoire, gouverner un espace, promouvoir une région, là où il y a une décision à prendre reste l’incontournable participation dans tout projet de développement : c’est là l’intelligence managériale, condition de sécurité économique, au-delà de la simple information pour comprendre et maîtriser une

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 415

décision ; c’est là aussi le moyen de gérer au mieux ou de dépasser des risques d’échec ou d’inefficacité des politiques mises en œuvre.

Dans la même logique de participation, l’élément central est l’approche genre pour rappeler simplement que plus de la moitié des citoyens acteurs ou cibles des actions publiques sont des femmes. Ne pas prendre en compte cet aspect c’est prendre le risque d’inefficience des actions de gestion des espaces. Emprunter une démarche d’analyse globale, intégrant dans l’approche spatiale intelligence économique et développement des territoires, incluant hommes et femmes dans les projections de la croissance et du progrès, c’est là une règle de qualité de la gouvernance publique.

Les villes sont des mégas entreprises, devant conduire intelligemment leurs politiques dans un contexte de compétitivité intramuros et au-delà des frontières. Statistiques et systèmes d’information sont certes aujourd’hui incontournables pour une économie « intelligente » ; encore faut-il que dans nos pays en quête de développement, intégrer des systèmes d’intelligence dans nos processus de décision ; former nos décideurs dans nos villes locomotives est dès lors une exigence du politiquement intelligent.

le savoir vecteur de promotion de la ville

Il y a des expressions de modes que les pouvoirs utilisent allègrement comme dans des prêts à consommer !

Nous avons eu les années : stratégie ; planification, bonne gouvernance avec luxe de pléonasme et aujourd’hui l’intelligence !

La promotion de notre cité par la connaissance ne devrait pas être une simple ouverture à l’implantation d’établissements d’enseignement, mais essentiellement à une politique fondée sur une connaissance éclairée des besoins de formation en parfaite harmonie avec les projections de développement de la région.

Les préalables d’information, de concertation sur le tissu productif suppose des acteurs de la ville « avisés » et des structures de veille permanentes.

Certes, dans un Maroc en mouvement, une ville mastodonte, elle-même en ébullition économique et sociale, se doit d’être dans l’air du temps et l’ensemble de ses préfectures, de ses arrondissements, de ses départements, qui sont autant d’entreprises au sens d’unités de production de services à même de promouvoir la ville, ne peuvent gérer un espace dans sa complexité, qu’en s’informant.

Si les systèmes d’information constituent de nos jours des instruments de prédilection sur les données spatiales et les réalités sociales, c’est l’utilisation qu’on en fait qui détermine les politiques intelligentes ou défaillantes ».

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse416

Le recours à des cabinets conseils et des bureaux de notation est désormais une pratique courante du gouvernement de notre ville, Casablanca dans ses démembrements multiples entre arrondissements, préfectures et provinces souffre non seulement d’indigence de statistiques fiables et cohérentes, mais aussi de lectures savantes et de politiques réactives, même quand quelques chiffres existent. Son unité n’a pas permis ni de fédérer autour d’un projet de « ville » ni par ailleurs de construire des bases de données d’orientations générales.

Mais une question demeure, celle de la formation de nos élus. Est-elle d’un niveau à même d’assurer une gestion saine et intelligente de notre collectivité ? A ce titre, quelques chiffres sont éloquents.

Les résultats des élections communales de 2009 révèlent que 51% de ces élus ont un niveau d’instruction secondaire ou supérieur contre 46% en 2003. Chez les femmes élues, il est de 71%.Elles sont seulement un peu plus de 3000 soit à peine 12 pour cent de l’ensemble des décideurs locaux.

Le management des affaires locales, dans un contexte de globalisation des échanges et des économies, ne peut souffrir ni de l’indigence de la connaissance, ni d’une faible représentation d’un potentiel féminin. Une telle marginalisation constitue pour des organisations financières, liant la démocratie à la sécurité de l’investissement, une déperdition de capital humain et un risque d’insécurité sociale.

Le dynamisme économique est le fait de ressources humaines, compétentes et engagées. L’administration de la ville de Casablanca, malgré un parc d’universités et de grandes écoles, publiques et privées, et donc d’un potentiel dont elle profite peu. Elle souffre par contre d’un personnel pléthorique, dépassant les vingt milles agents avec plus de fonctions d’exécution que de cadres de conception et d’orientation.

De ce fait le chantier de la réforme de la fonction publique locale a été lancé mais il peine à être dans la performance, faute d’un diagnostic des lacunes et des besoins, d’une définition des profils et des postes.

Le management public, à l’instar de la gestion d’entreprises, se fonde sur l’éclairage des projections des politiques par des chiffres et des scénarios du possible et du réalisable, sur la maîtrise des techniques comptables et financières, sur la capacité à fédérer les acteurs autour de projets structurants, de penser le positionnement stratégique de la ville, à développer les synergies et à promouvoir la cohésion sociale.

« La gouvernance est un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux, d’institutions, visant à atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des environnements fragmentés incertains. Ce processus se distingue par

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 417

sa capacité à intégrer, à donner forme aux intérêts locaux, aux organisations, groupes sociaux et à les représenter à l’extérieur, à développer des stratégies plus ou moins unifiées, en relation avec le marché, l’Etat, les autres villes et les autres niveaux de gouvernement”. Il peut donc donner naissance à un nouvel acteur politique collectif.»*

La bonne gouvernance se dessine ainsi dans toute sa complexité, sans être pour autant inaccessible. Des exemples de villes ayant enregistré des performances notoires sont multiples ( Lyon, Barcelone) ; et quelle que soit la « spécialisation » retenue pour l’une ou l’autre, un appui demeure permanent : celui de la formation et de la recherche développement, soutenu par les entreprises.

L’offre de formation se diversifie à Casablanca, entre enseignent public et privé, l’affirmation de l’opportunité sur le marché des nouvelles venues est évidente en raison des programmes retenues par le Royaume : plan émergence, Rawaj, Maroc-numérique, et dont Casablanca est largement réceptive, mais la pertinence des filières et la qualité des enseignements sont à confirmer.

Les universités et écoles supérieures de la capitale économique peuvent-elles être aujourd’hui d’un meilleur répondant aux exigences du marché ? Pourraient-elles faire face à la concurrence des «universités multinationales», et ce à travers la préservation de l’espace d’innovation et du savoir ainsi que la préparation des jeunes lauréats pour affronter les mutations de la nouvelle économie mondiale en accompagnant les entreprises dans le processus d’amélioration de leur compétitivité.

Les services de la ville sont ses premières entreprises et ceux qui facilitent les services aux autres.

La fonction publique de Casablanca, pléthorique, est d’un faible encadrement (moins de dix pour cent) est appelée à une réforme profonde, à la mise en place d’une stratégie de développement de ses interventions et donc au renforcement de ses capacités.

Les formations proposées restent insuffisantes et peu qualifiantes ; ponctuelles, techniques et ne permettant pas d’ouverture sur une approche de prospective.

Quelques mastères spécialisés portant sur la gestion des villes et des territoires restent d’accès limité à un champ conventionnel avec l’administration centrale et d’un financement qui dépasse globalement les moyens des 16 arrondissements que compte la ville.

* Patrick Le Galès, Antoine Vion “Politique culturelle et gouvernance urbaine l’exemple de Rennes”, Politiques et management public, vol. 16, n°1, p5

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse418

Le conseil de la ville pourrait tenter la solution d’une école de management public, avec des formations à la carte en continue, en sessions suivies, en partenariat avec les entreprises et les centres de recherche.

La maîtrise de la gestion financière

Le premier axe de ce que devrait être la gouvernance de notre métropole est de mobiliser ses ressources, cela porte notamment sur une maîtrise de la fiscalité locale. Trop nombreux, les taxes et impôts locaux contribuent faiblement aux ressources de la ville de Casablanca, qui restent par ailleurs largement dominées par les concours de l’Etat : Tva, taxe urbaine, taxe d’édilité et patente. .

Les ressources budgétaires de Casablanca demeurent insuffisantes, en étant estimées à une moyenne de 21 DH par habitant et par an. Par ailleurs: la mise en œuvre de la réforme fiscale locale, si elle a le mérite de procurer des ressources financières additionnelles, elle pêche néanmoins par un traitement identique pour l’ensemble des communes urbaines sans tenir compte des besoins sociodémographiques et économiques inégales entre elles. C’est dans la capitale économique du Royaume que la taxe sur la valeur ajoutée est largement collectée mais, soumise à la logique de la redistribution, elle ne profite pas dans la proportion requise à la ville.

A cela il faut ajouter la faible capacité des services de la ville recouvrir le produit des impôts et des taxes auprès des contribuables.

L’organisation financière et comptable, à l’instar des autres collectivités locales, est par ailleurs lourde et complexe, en termes de tutelles notamment. Mais plus que le poids des procédures c’est le savoir - faire qui assurément fait défaut.

…«Nous n’avons pas de problèmes de financement de nos villes. Au contraire, les projets de développement sont bloqués par des défaillances de gouvernance, de transparence comptable, de professionnalisme des intervenants et de mise en place de systèmes d’information fiables»….

« Les carences du système de décentralisation et de capacité de gestion des affaires locales ont été ainsi dévoilées. Paradoxe inexplicable d’un état des que lieux qui fait que les ressources financières disponibles ne sont que faiblement utilisées ». (Direction Générale des Collectivités Locales – Voir les jeudis de la gouvernance)…

La ville de Casablanca, s’inscrivant dans des projets structurants et dans des grands chantiers, entre autres transport, assainissement, résorption de l’habitat insalubre et donc exigeant des financements lourds, a été soumise à une notation de solvabilité, à l’instar de Marrakech et Salé ; les premières à s’être engagées dans un tel exercice.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 419

Il apparaît, en conséquence, que le contexte économique des trois villes est favorable et propice à l’investissement, malgré certaines contraintes et risques.

Cette notation a été initiée par la Direction générale des collectivités locales et les villes concernées, avec le soutien de l’agence américaine pour le développement international (USAID), dans le cadre du Projet de Gouvernance Locale (PGL). Le PGL est un projet de l’USAID (mis en œuvre par RTI International) dont l’objectif est de renforcer la décentralisation et la performance des collectivités locales au Maroc. La notation fait suite à un diagnostic quantitatif et qualitatif qui rend compte essentiellement, de la démocratie locale, de la dynamique urbaine, du développement économique (potentiel et vitalité du tissu économique) de la fiscalité : pression fiscale, dépenses, charge de la dette, capacité de remboursement …

Casablanca est confrontée à des contraintes et des défis.

les contraintes : urbanisation accélérée, développement de nouveaux moyens de transport, réalisation de nouveaux programmes d’équipements, prise en compte des problématiques environnementales, notamment celles liées aux risques.

Les défis : qualité de vie, transparence politique et sécurité des citoyens, l’adaptation des outils juridiques et institutionnels.

Il est fait une évaluation de projets structurants dont les impacts sur les indicateurs sont identifiés.

Les notes obtenues par les trois villes démontrent qu’elles sont en mesure d’accéder aux capitaux privés. Selon l’agence Fitch, elles « traduisent un cadre institutionnel favorable, un endettement à ce jour, modéré au regard du niveau d’épargne brute. Les notes prennent également en compte des marges de manœuvre budgétaires limitées, le dynamisme des recettes étant entravé par l’existence de restes à réaliser structurellement importants et les dépenses étant, pour l’essentiel, peu compressibles ».

Réalisé à partir de données certes objectives, ce diagnostic a pour ambition de mesurer la « performance » de la gestion financière des villes concernées :

Elle donne aux investisseurs une vision globale et objective de la situation - et des évolutions probables et valorise les facteurs d´attractivité de la ville.

Elle est un gage de bonne gouvernance et donne confiance aux acteurs - économiques.

Elle aide à une meilleure perception des enjeux et nourrit la réflexion sur - le projet communautaire.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse420

L’objectif global est d’évaluer, de manière objective et dans une perspective dynamique, les performances d’un territoire urbain et de permettre aux élus de disposer des repères indispensables pour leur action.

Cette notation permet donc de donner de la visibilité aux investisseurs et de se positionner sur le marché.

«Pour mieux gérer la situation financière des villes, il n’est plus possible de se baser sur le modèle de gestion classique», admet, de son côté, Mohamed Sajid, président du Conseil de la ville de Casablanca. Le système est en pleine mutation et les besoins énormes. À titre d’exemple, doter la capitale économique d’un tramway ne coûtera pas moins de 40 milliards de DH à la ville.

Pour les responsables de la ville «des efforts de restructuration urbaine sont nécessaires pour éviter le développement anarchique des communes». Toujours selon le rapport, «cette structure démographique pourrait entraîner des dépenses fortes et inflationnistes».

Autre point important que soulèvent les experts, «les communes n’ont pas suffisamment de flexibilité sur leurs recettes de gestion». Car le Conseil communal ne fixe ni le taux, ni la base des taxes transférées. Mieux encore les «recettes sont nombreuses mais ont un faible rendement, et l’attribution des transferts TVA obéit à des critères échappant au contrôle des communes».

Casablanca a un endettement plutôt faible. Sa capacité de désendettement a été évaluée à moins de trois ans. Cependant, cette situation, selon Fitch, va s’accentuer si la réalisation des plans d’investissement se fait dans le respect des calendriers envisagés par la ville. De toute évidence, l’absence de prospective financière ne lui permet pas de connaître l’impact du plan d’investissement sur ses finances.

Le développement et la mise à niveau des grandes villes marocaines rendent indispensable l’accès à des sources de financement diversifiées comprenant les capitaux privés. La notation financière est un passage obligé pour l’accès au financement privé. En effet, la note permet aux institutions financières d’évaluer le risque encouru et de fixer des conditions de crédit adaptées à ce risque. La note est également un outil de bonne gouvernance locale car elle implique de jouer le jeu de la transparence et permet aux villes de se comparer aux niveaux national et international.

« La ville blanche », comme d’autres communes continue de privilégier les emprunts auprès du Fond d’Equipement Communal (FEC), sans oser les emprunts privés ; pour certains la notation de solvabilité est une démarche est intéressante mais prématurée ; les capacités d’endettement des villes sont subordonnées à des préalables de maîtrise du patrimoine et des biens, du recouvrement des impôts et des taxes et surtout de compétences dans la gestion des deniers de la ville.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 421

Ce dont a besoin la ville, ce sont les compétences de proximité et, surtout, la moralisation dans les dépenses budgétaires publiques, en tenant compte des dispositions de la nouvelle loi sur la fiscalité locale (voir ANNEXE 2). Encore faut-il nos agents puissent maîtriser les instruments d’information, de collecte et de mesure.

Dans son état actuel, la fiscalité locale reste peu rentable faute d’inspection assurée par des compétences humaines motivées et intéressées.

Casablanca a des ressources notamment foncières mais dont l’inventaire n’est pas établi ce qui obère largement ses ressources financières.

« Ne mesurant ni résultats, ni capitaux, notre comptabilité publique incite à détruire notre capital collectif » B. MARTIN-VALLAS.

La question du foncier étant déterminée par la problématique de la gestion urbaine.

Dans ce sens, une clarification des compétences est nécessaire, elle a été avancée dans le cadre des amendements de la charte communale qui vise à répartir les compétences des pouvoirs de police administrative en matière d’urbanisme mieux définis ; le président du conseil d’arrondissement peut prendre l’initiative de mobiliser des ressources dans le cadre de conventions avec des partenaires pour financer les équipements de proximité ; la création d’une « conférence des présidents des conseils d’arrondissements » ; la gestion financière des arrondissements, un budget pour l’animation sociale avec un minimum garanti ; le Budget pour la gestion locale des arrondissements établi sur la base de critères objectifs ; l’institution du schéma directeur des équipements d’arrondissement, adopté obligatoirement par le conseil communal ; le renforcement du rôle du secrétaire de la commune ; l’élargissement de la coopération par voie de conventions pour les projets et activités d’intérêt commun avec les organismes publics et les ONG ; la création de groupements d’agglomération ; la création de sociétés de développement local. .. La panoplie est intéressante et sa mise en œuvre doit suivre .

Des projets structurants et des partenariats intelligents

Appelée à jouer un rôle moteur dans le cadre de l’ouverture du Royaume aux zones de libre-échange, les défis de Casablanca sont à la dimension de son statut de capitale économique : qualité de vie, transparence politique, gouvernance institutionnelle et sécurité des citoyens.

Les contraintes sont majeures : urbanisation accélérée, croissance économique insuffisante pour créer suffisamment de richesse, marché intérieur peu développé du fait de la modestie des revenus des ménages, parcs industriels peu compétitifs,

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse422

faible productivité du secteur informel, recherche et développement embryonnaire, inadéquation formation/emploi, coût élevé du foncier et de l’immobilier, frilosité du secteur bancaire…

Toutefois, les opportunités ne sont pas des moindres : proximité du marché européen, soutiens apportés par les pays industrialisés au développement du Maroc, croissance du tourisme mondial, développement des formes modernes de distribution, potentiel de croissance de l’artisanat,, potentiel d’un littoral très étendu pouvant être mieux valorisé, croissance démographique en baisse.

Casablanca vise l’accélération de la croissance économique et la création d’emplois pour inscrire son économie au cœur de la mondialisation, de grands chantiers sont lancés , dans d’amélioration des conditions de vie des populations, en multipliant les perspectives de développement et de modernisation de la ville, en lui préservant son potentiel économique et don rang en tant que grande métropole internationale et en renforçant son attractivité à l’égard des investisseurs.

Cela ne serait possible sans une paix sociale et sans un contrat de confiance entre la ville et ses opérateurs. La question urbaine est au cœur des débats. La restructuration de la ville par la réforme projetée suffirait- elle par la simple inscription de texte. (Voir ANNEXE 3 et 4).

Casablanca a connu plusieurs visions, à chaque changement de dirigeants. Elles ne manquent pas d’intérêt, sauf que c’est le rythme des réalisations qui reste d’une lenteur désolante, quand cette ville est censée avoir un rôle majeur à l’international.

Elle investit désormais dans des secteurs porteurs : Business Process Outsourcing offshoring ; l’aéronautique (sous-traitance des grands donneurs d’ordre européens); l’automobile; le tourisme et les loisirs (tourisme d’affaires mais aussi tourisme national et de niche comme la santé); la recherche en valorisant le potentiel des universités; la logistique; la distribution, le call center; la finance.

Si en effet il y a lieu d’introduire des métiers émergeants mettant en œuvre de nouvelles technologies, il faut alors apporter une qualification à la gestion de ces projets et investir dans la formation.

Le challenge reste celui du positionnement sur l’échiquier des grandes métropoles mondiales, qui n’est pas seulement une affaire d’économie et d’acteurs économiques.

« Gagner des parts de marché, créer des richesses et des emplois dans un environnement international concurrentiel, exige la conjugaison d’efforts de toutes natures : l’éducation et la formation professionnelle, le développement

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 423

humain, les conditions de vie et le cadre de vie, la sécurité des personnes et des biens, y jouent un rôle fondamental ».

« Tout aussi fondamental est le niveau d’équipement et d’organisation du territoire sur lequel s’exerce l’activité économique. Il ne s’agit pas seulement de prévoir des espaces pour les activités économiques, mais d’assurer efficacement la circulation des flux des marchandises, de la main d’œuvre, de la clientèle, de l’information, assurer la production et le transport de l’énergie, assurer un environnement physique adéquat pour des activités exigeantes telles que le tourisme ».

L’intelligence territoriale a pour objectif suprême la promotion de l’humain, la dimension d’un tel objectif oblige à un partenariat public-privé fondé sur un engagement responsable. Le choix des partenaires suppose des préalables : connaissances juridiques, maîtrise des instruments comptables et financiers, et surtout une vision claire des projets de développement.

L’évaluation des résultats des différentes gestions déléguées opérée par la ville de Casablanca sont loin d’être probants. Une concertation plus rigoureuse auprès des opérateurs à priori, des évaluations d’étapes en cours, et des mesures de performance post exécution, sont nécessaires.

La prise en compte des propositions de la société civile est une exigence du management démocratique, Casablanca comptant plusieurs milliers d’associations, intervenant dans plusieurs domaines et ayant confirmé au-delà de sa vitalité des capacités certaines.

Le gouvernement de la ville doit désormais être à l’écoute des citoyens, c’est ce pacte qui est gage de stabilité et de sécurité économique.

Ces partenariats stratégiques donneraient l’opportunité à ces 20000 agents de la ville de Casablanca de renouer avec la savoir pour faire de leurs services, leurs département, leurs divisions et leurs directions des centres d’impulsion à des véritables politiques de la ville ; les finances restant certes importantes mais leur gestion l’est bien plus !

Il n’y a pas de développement sans dynamique économique, il est une condition indispensable pour améliorer l’accès aux moyens de production pour les deux niveaux qualité et quantité. Un partenariat public privé, fondé sur un engagement responsable et de partage des compétences, est une voie incontournable.

Une coordination des actions publiques et activités productives privées pour impacter au mieux les conditions et les modes de vie de casablancais(es). Dès lors les principales démarches sont à opérer dans le cadre d’une stratégie de développement territorial concertée et novatrice.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse424

Le dialogue entre toutes les parties concernées par l’accès de tous aux services essentiels : eau, assainissement, déchets, énergie, transports, télécommunications.

Le principal défi pour la mise en œuvre des services essentiels réside dans l’établissement de ce dialogue entre les institutions nationales, régionales, locales et déconcentrées : les pouvoirs locaux, les acteurs économiques, les fournisseurs de services, les populations afin de correspondre aux besoins locaux en termes techniques, financiers et culturels. C’est surtout former à une citoyenneté active et à une gouvernance responsable.

conclusion

gouverner casablanca c’est avoir et de façon intelligente, une ambition de performance, et c’est aussi donner la possibilité au public de consulter des actes pris par la ville.

Etre citoyen à Casablanca c’est retisser le lien avec sa ville, ses institutions ; contribuer à développer les filets sociaux ; accomplir son devoir d’électeur avec la responsabilité politique que cela implique ; favoriser l’accès équitable au savoir et au pouvoir ; gendériser les rapports de vie dans la ville ; repenser la culture d’appartenance à sa cité en recréant des référentiels de valeurs fondés sur le patriotisme, la solidarité active et la tolérance.

Et donc développer l’économie de la connaissance, encourager les réseaux de communication et les médias de proximité (ex des radios Tv Casablanca ?).

Etre citoyen c’est être dans une audace d’interpellation des opérateurs, de questionnement des acteurs institutionnels et de participation active ; c’est aussi créer des entreprises solidaires et citoyennes et socialement responsables et c’est penser le futur pour une alliance des générations : l’avenir se prépare et ensemble.

Casablanca est un grand chantier, la sécurité économique doit être à la mesure des réponses aux attentes des citoyens.

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anneXes

anneXe 1monograpHie De casablanca

55 % Des unités productives

60% Main d’œuvre industrielle

39% Population active du Maroc

35% Consommation électrique nationale

Première place financière du Royaume du Maroc & du Maghreb

Siège de nombreuses entreprises nationales/internationales & multinationales (Région

Afrique du Nord & Afrique de l’ouest)la bourse est l’une des plus dynamiques d’Afrique, la première du Maghreb, la troisième d’Afrique après celles de Johannesburg et du Caire, la troisième du Monde Arabe après celles de Riyad et du Caire.Capitalisation : plus de 60 Milliards de dollars.le port est le deuxième port du continent Africain, le premier exportateur au niveau Mondial de phosphates.Traitement de chaque année : plus de 20 millions de tonnes de marchandises et 500 000 conteneursles infrastructures de transport urbain : la grande Ville économique est dotée d’un nœud autoroutier le plus important du pays ; l’autoroute Urbaine de 22 Km qui dessert la ville sur un axe Nord-Sud et d’une Autoroute de contournement, d’une longueur de 33 Km qui donne la naissance à 3 axes majeurs du pays.

l’autoroute : Casablanca-Rabat ; Casablanca-Marrakech-Agadir ; Casablanca- El Jadida ; Casablanca-Tanger ; Casablanca-Fès-Oujda en cours.

le transport aérien : la ville est desservie par l’aéroport le plus important du Maroc et du Maghreb. L’aéroport international Mohammed V-Nouasser est situé à près de 30 Km du centre-ville, véritable hub pour la compagnie aérienne Royal air Maroc avec ses 3 terminaux d’une capacité de 11 millions de passagers ; desservi par 45 compagnies aériennes, relié à 70 destinations internationales.

le chemin de fer : Casablanca est desservie par Al Bidaoui, réseau express régional ferroviaire (RER) comprenant 8 stations ; train navette rapide ; projet casa 2010 : développement d’un réseau de transport de masse comprenant (deux lignes de métro, trois lignes de tramway, une ligne RER)le tourisme : troisième ville touristique du Maroc (Tourisme d’affaires)Projection : prolonger la durée de séjour des visiteurs qui n’excède pas deux jours en moyenne. Lancement par le conseil Régional du Tourisme de plans spécifiques pour mettre en place des infrastructures adéquates.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse426

anneXe 2principauX apports De la loi 47-06

Les apports de cette réforme, dont l’objectif est de renforcer l’autonomie financière des collectivités et accompagner la politique marocaine de décentralisation sont certains. Il s’agit notamment de la suppression de certaines taxes à faible rendement ou qui faisaient double emploi avec celles de l’Etat, la fusion de certaines taxes touchant la même assiette, tout en instaurant une nouvelle répartition des produits des taxes. Ainsi, la nouvelle loi compte 11 taxes instituées ou réaménagées au profit des communes urbaines et rurales. De même, elle a apporté plus de simplification, comme le montre, par exemple, le remplacement de la patente par la taxe professionnelle et la taxe urbaine par la taxe d’habitation.S’agissant des impôts réaménagés, la taxe sur le transport public de voyageurs (taxis, autocars…) sera désormais calculée sur la base de l’activité et non sur la licence. Par ailleurs, la liste des établissements ciblés par la taxe de séjour sera élargie à travers l’intégration des Riads et Maisons d’hôtes. En ce qui concerne la répartition des produits des taxes, il est à noter que les régions auront les produits de certaines taxes, de même que les préfectures et les provinces (trois taxes). Pour la taxe professionnelle, les exonérations sont totales et de façon permanente pour plus d’une trentaine d’organismes (Sonadac, Sala Al Jadida ou encore les agences de développement du Nord…). Une réduction permanente de 50 % est accordée aux contribuables ayant leur domicile fiscal ou leur siège ou exerçant une activité principale dans la province de Tanger.La loi 47-06 a également le mérite d’uniformiser les procédures de recouvrement pour l’ensemble des taxes, avec deux modifications importantes. Il s’agit de l’adoption d’un texte unique regroupant toutes les taxes des collectivités locales et l’adaptation de la fiscalité locale au contexte de la décentralisation. En plus de la fixation des tarifs et des taux des taxes selon une fourchette, la loi renforce les prérogatives des conseils élus en matière de vérification et de contrôle. Parmi les autres nouveautés apportées par la loi 47-06 figure l’harmonisation de la fiscalité locale avec celle de l’Etat. Cette harmonisation porte sur les procédures relatives aux sanctions et majorations, au contrôle et vérification, à la notification et droit de communication, au contentieux et rectification des impositions.

Le code de recouvrement des créances publiques sera désormais appliqué à la fiscalité des collectivités locales. Ainsi, à titre d’exemple, et en harmonisation avec les sanctions prévues dans le Code général des impôts, pour la taxe professionnelle, taxe d’habitation et taxe de services communaux, 15% est prévu pour défaut de déclaration et 10% de pénalité et une majoration de 5% pour le premier mois de retard et de 0,5% par mois ou fraction de mois supplémentaire.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 427

anneXe 3les 4 granDs proJets urbains De casablanca

Quatre grands projets sont ainsi mis en chantier. Ils devront être achevés en 2013.

Ainsi au cœur de ville, les grands projets de la Marina, de la Nouvelle Corniche, de l’Avenue Royale, d’El Hank, la nouvelle gare de Casa Port, la reconquête d’une partie du port par la ville, le Casa City Center (en cours de construction) vont complètement transformer la façade maritime de Casablanca et son centre-ville ; 20000 ha seront ouverts à l’espace urbain d’ici 2025.

Sur le site de l’aéroport d’Anfa, qui bénéfice d’un environnement résidentiel et économique très privilégié (quartiers résidentiels de haut standing, centralité tertiaire autour du Technoparc, proximité de l’université), un grand projet urbain devrait voir le jour, avec un programme diversifié comprenant de l’habitat diversifié des activités, des équipements et des espaces verts.A l’Est de la ville, se dessine une polarité forte et un quartier résidentiel valorisé depuis Beausite jusqu’à l’Océan, le déséquilibre Est/Ouest de l’agglomération de Casablanca est patent au niveau de l’habitat et de la qualité du cadre de vie. C’est un enjeu à l’échelle du SDAU que de réduire cette disparité.Le secteur de Beausite et le quartier à dominante résidentielle d’Ain Sebaa constituent déjà une centralité intéressante qu’il faudrait renforcer pour en faire un grand pôle urbain à même de restructurer l’Est de la ville.

La concrétisation d’une composition urbaine forte par un axe majeur allant jusqu’à l’Océan et la valorisation de la façade maritime et du quartier s’Ain Sebaa devrait devenir des objectifs prioritaires. Un grand parc public pourrait également être envisagé sur Bernoussi (friches industrielles) devraient permettre de concrétiser des zones l’amélioration de la qualité de ces quartiers.

anneXe 4

scHema Directeur De casablanca – voies D’acces

Pour désengorger les voies d’accès à Casablanca, une grande voie allant du port, porte Oukacha plus précisément, à l’autoroute a été programmée. L’objectif est d’arriver à attirer un trafic de 2 500 entrées et sorties de poids lourds par jour afin de réduire la pression sur la route côtière. A ce titre, il est important de signaler la difficulté que pose le complexe portuaire de la métropole aux urbanistes et responsables de la ville. Ces derniers devaient choisir entre trois options :

La première prévoit une extension à l’est du port. -

La seconde se rapporte à l’édification d’un nouveau port entre Casablanca et - Mohammédia, à l’ouest du complexe de la Samir.

La troisième, qui semble avoir l’avantage prévoit de déménager le quai de - l’OCP vers le port de Jorf Lasfar et de dédier le quai portuaire casablancais aux conteneurs de ce port.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse428

bibliograpHie

Politique culturelle et gouvernance urbaine l’exemple de Rennes, Patrick Le - Galès, Antoine Vion Politiques et management public, vol. 16, n°1, p5

Blog internet « Casablanca demain »-

Les Jeudi de la Gouvernance – Le Conseil de la Ville de Casablanca-

Le Programme de Gouvernance Locale (PGL)-

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 429

sécurité et Développement territorial

l’intelligence économique territoriale : un paradigme en jeu?

pr mario sandovalVice Président de l’Association Internationale

Francophone d’Intelligence Economique :

« …Il faut agir dans trois domaines à la fois, le développement, la sécurité et les droits de l’homme, faute de quoi on ne réussira sur aucun front. Il n’y a pas de sécurité sans développement, il n’y a pas de développement sans sécurité, et il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement si les droits de l’homme ne sont pas respectés » (Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU dans son rapport du 21 mars 2005 intitulé Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et respect des droits de l’homme.)

La Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies143, la Charte des Nations Unis144, ainsi que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples145, prévoient des droits sociaux que les gouvernements s’efforcent de faire respecter grâce à des protections attachées à l’emploi et octroyées par des politiques sociales. Le bien-être est pluridimensionnel là où l’insécurité est autant économique que physique146. Or la sécurité économique n’est pas toujours au rendez-vous.

143 Parmi les articles 22, 23, 24 et 25…http://www.un.org/fr/documents/udhr/index.shtml 144 Par exemples les articles 13, 55… http://www.un.org/fr/documents/charter/index.shtml 145 Préambule, articles 22, 23 …http://www.aidh.org/Biblio/Txt_Afr/instr_81.htm146 Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social

Professeur Joseph E. STIGLITZ (14 sep 2009). Le bien-être est pluridimensionnel. Pour cerner la notion de bien-être, il est nécessaire de recourir à une définition pluridimensionnelle. À partir des travaux de recherche existants et de l’étude de nombreuses initiatives concrètes prises dans le monde, la Commission a répertorié les principales dimensions qu’il convient de prendre en considération. En principe au moins, ces dimensions devraient être appréhendées simultanément : a) les conditions de vie matérielles (revenu, consommation et richesse) ; b) la santé ; c) l’éducation ; d) les activités personnelles, dont le travail ; e) la participation à la vie politique et la gouvernance ; f) les liens et rapports sociaux ; g) l’environnement (état présent et à venir) ; h) l’insécurité, tant économique que physique.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse430

Plus que dans d’autres domaines où s’appliquent les méthodes et techniques de l’intelligence économique, dans la sphère territoriale, la variable de sécurité multidimensionnelle est le pilier vital à la mise en place de toute initiative d’intelligence économique territoriale (IET). La sécurité est un pré requis à niveau stratégique et opérationnel, pour les décideurs publics ou privés. Vis-à-vis des acteurs participants, elle rassure quand à leurs engagements humains, financiers, techniques, scientifiques. Finalement, la sécurité est l’élément essentiel pouvant garantir la réussite du projet si tous les autres facteurs sont bien positionnés.

Dans cette perspective nous devons observer la sécurité économique d’une part comme l’ensemble des mesures visant à garantir un environnement économique sûr, équitable, et dynamique, propice aux innovations, aux investissements intérieurs et étrangers et à une croissance soutenue, et d’autre part comme l’ensemble des moyens actifs et passifs permettent d’assurer la sauvegarde du patrimoine informationnel de l’entreprise ainsi que ses activités.

Les champs d’études de l’intelligence économique territoriale sont à géométrie variable car les concepts de « régions, territoires et pays du sud » sont limitatifs, et ne représentent pas une catégorisation ou des indicateurs mesurés par l’intelligence économique. Par exemple, il existe des régions des pays du sud, les Bric147 (selon une approche géographique ou politique), ou encore les Civets148, qui sont bien placés dans la compétitivité et l’innovation internationale. La sécurité a été et demeure présente dans chaque politique publique de ces pays accompagnant le développement territorial.

nous sommes en présence des diversités ou des visions conceptuelles pour définir l’intelligence territoriale. Nous pouvons faire cinq catégorisations non limitatives.

1- par l’univers de l’intelligence economique :

plutôt l’intelligence économique territoriale : a) « deux versants de l’intelligence territoriale : celui issu de l’intelligence économique comprise comme une démarche, des méthodes et des outils propres au monde des entreprises, que l’on « adapterait » au besoin du développement économique d’un territoire. Celui plus large, qui comprendrait le contenu des savoirs et des compétences constitutifs d’un territoire, notion même d’intelligence collective, qui porterait l’avenir du territoire selon la

147 Brésil, Russie, Inde, Chine. 148 Colombie, Indonésie, Vietnam, Egypte, Turquie, Afrique du sud

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 431

démarche plus classique de développement local mais en lui apportant une culture de veille et de stratégie qui lui ont trop souvent fait défaut. »149

utilisationb) par un territoire (une collectivité ou un groupe de collectivités) des techniques utilisées par l’intelligence économique comme pourrait le faire une entreprise (stratégie, veille, influence,..) qui se traduit par une veille exogène et endogène, des opérations de marketing territorial, en quelque sorte une vision moderne du développement économique.

en tant qu’ic) ntelligence économique pilotée au niveau d’un territoire, qui consiste à sensibiliser des entreprises aux méthodes et outils de l’IE (opération collective, clusters, pôles, etc.) et à leur fournir tous les moyens pour qu’elles mettent en place une démarche d’IE en leur sein.

2- par la conduite « intelligente d’un territoire » dans son développement par rapport à son contexte social, géographique, ses ressources et son organisation spatiale qui vient plutôt des experts en matière de gestion géographique des ressources (géographes, urbanistes,..) une vision qui se rapproche plutôt du développement économique durable.

3- par les sciences sociales et humaines : La géographie régionale (et l’économie spatiale), la sociologie et l’économie du développement ainsi que les autres disciplines ont les mêmes champs d’études. Les géographes (et dans une moindre mesure les sociologues ou les économistes) s’approprient le territoire et son développement. Quels sont les différences entre cette géographie et l’Intelligence Economique ? Qu’apporte cette dernière par rapport à la géographie territoriale ?

4) Par l’approche scientifique du réseau des experts européen150, pour qui : « L’intelligence territoriale est la science dont l’objet est le développement durable des territoires et dont le sujet est la communauté territoriale », mais l’approche conceptuel depuis la fin des années 90’ à évolué et continue jusqu’à maintenant151.

149 Demazière C. et Faugouin P. Anticiper les mutations économiques des territoires : quelles implications pour l’action publique locale ? Paru dans : Actes colloque Atelier d’Intelligence Stratégique (ATELIS), Poitiers, janvier 2005, p. 387-395

150 http://www.intelligence-territoriale.eu/index.php/fre/ 151 L’évolution du concept d’intelligence territoriale dans le cadre de l’action de coordination du

réseau européen d’intelligence territoriale par Jean-Jacques Girardot. http://www.intelligence-territoriale.eu/index.php/fre/Recherches-en-cours/Concept-of-territorial-intelligence/L’évolution-du-concept-d’intelligence-territoriale-dans-le-cadre-de-l’action-de-coordination-du-réseau-européen-d’intelligence-territoriale

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse432

D’abord, une première définition en 1999152 puis en 2002,153et les deux approches restent liées à l’action d’après.

Pour les experts du réseau européen, l’intelligence territoriale s’est nourrie des sciences économiques et de la géographie, mais aussi des sciences et technologies de l’information et de la communication (STIC) et du management des connaissances. Les liens avec l’intelligence économique et les STIC sont souvent au centre des définitions courantes de l’intelligence territoriale.

5) L’intelligence territoriale est analysée aussi à la lumière des quatre principes fondateurs du conseil de l’europe, à savoir se base sur: 1) les droits de l’Homme (concept de « bien public mondial ») et la démocratie ; 2) la «cohésion sociale » ; 3) le « dialogue interculturel et interreligieux » (concept de « démocratie culturelle ») ; 4) l’espace de sécurité et de paix européen rattaché à une nouvelle notion, la «Culture de la paix » .154

la sécurité dans le développement du territoire.

Pour un Etat, la stratégie de développement d’une région, d’un territoire, devient un impératif de sécurité nationale. Par exemple, en France en temps de paix, la Circulaire du 14 février 2002155 règle le rôle de l’Etat dans les domaines de la défense et la sécurité économique. Aux Etats-Unis le président a signé le 22 septembre 2010 la Directive présidentielle sur la politique de développement mondial, qui « reconnaît le développement comme revêtant une importance vitale pour la sécurité nationale des États-Unis » et comme constituant « un impératif stratégique, économique et moral »156 et fait mention de cette vision lors du discours aux Nations unies à New York, au Sommet sur les Objectifs du millénaire

152 « L’intelligence territoriale est un moyen pour les chercheurs, pour les acteurs et pour la communauté territoriale d’acquérir une meilleure connaissance du territoire, mais également de mieux maîtriser son développement. L’appropriation des technologies de l’information et de la communication, et de l’information elle-même, est une étape indispensable pour que les acteurs entrent dans un processus d’apprentissage qui leur permettra d’agir de façon pertinente et efficiente. L’intelligence territoriale est notamment utile pour aider les acteurs territoriaux à projeter, définir, animer et évaluer les politiques et les actions de développement territorial durable ».

153 « Le concept d’intelligence territoriale désigne l’ensemble des connaissances pluridisciplinaires qui, d’une part, contribue à la compréhension des structures et des dynamiques territoriales et, de l’autre, ambitionne d’être un instrument au service des acteurs du développement durable des territoires ».

154 Le concept d’Intelligence Territoriale : apports du Conseil de l’Europe par Annie Humbert-Droz Swezey, 07 juin 2010. http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00490013_v1/

155 http://admi.net/jo/20020323/ECOZ0200005C.html 156 Le président Obama fait du développement l’un des « piliers centraux » de sa politique http://

www.america.gov/st/develop-french/2010/September/20100923153732x0.4534265.html

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 433

pour le développement (OMD). Enfin au Mexique, le « Plan de développement d’Etat 2005-2011 », précise les politiques publiques qui doivent assurer la sécurité intégrale à chaque citoyen et cela selon trois piliers fondamentaux : par la Sécurité Sociale, la Sécurité Economique et la Sécurité Publique. La Sécurité économique est considérée comme un facteur clé dans la création d’emploi, aux activités touristiques et elle doit s’insérer à la lumière des nouvelles tendances de l’économie globale157.

La sécurité multidimensionnelle doit agir comme variable transversale pour aboutir aux objectifs158 d’une intelligence économique territoriale. Le sentiment d’insécurité est latent dans tout territoire et a un impact sur les acteurs économiques publics et privés. Cela peut freiner le développement et la cohésion sociale, favorisant le désordre et la violence. C’est la perception relatée par le Bureau International du Travail dans divers rapports,159 qui constatent que « la sécurité économique non seulement favorise la tolérance et confère un sentiment de bien-être mais encore est bénéfique pour la croissance et la stabilité sociale ».

Lors du sommet de Lisbonne de l’OSCE la dimension économie a été analysée comme une des tâches assignées à cette organisation. L’économie d’un territoire, d’une région, est au même niveau que la sécurité en sens stricte «… Il est désormais généralement admis que l’avantage comparatif de l’OSCE réside dans le fait que, lorsqu’elle aborde les questions économiques, elle devrait se concentrer sur les questions qui ont une influence directe sur la sécurité….. Il existe un rapport étroit entre le développement économique et la sécurité régionale. »160.

Dans ce même esprit « le principe de la sécurité économique internationale » a été présenté par un expert canadien « …les nations doivent coopérer entre elles sur le plan économique dans le cadre du système de l’ONU dans le but de supprimer toutes les causes économiques de friction internationale, de réduire les facteurs d’instabilité sur les marchés internationaux, de réaliser le plein-emploi

157 http://www.edomex.gob.mx/legistelfon/doc/pdf/gct/2011/ene172.PDF 158 Connaitre, comprendre et suivre le territoire. Identifier et contribuer à mettre en œuvre des

projets créateurs de richesse et d’activité. Mettre en réseau les acteurs publics et privés au service du développement du territoire. Anticiper les mutations du territoire. Valoriser le territoire

159 Economic Security for a better world, Programme sur la Sécurité socio-économique, Bureau international du Travail, 2004, La sécurité économique pour un monde meilleur (23/07/2010), L’insécurité économique constitue une crise mondiale 16 décembre 2009, La sécurité économique favorise la tolérance et le bonheur et est bénéfique pour la croissance et le développement 16 décembre 2009

160 OSCE : Intégration des questions relatives à la dimension économique dans les tâches assignées à l’OSCE. Rapport du président suisse en exercice. Sommet de Lisbonne, 29 novembre 1996.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse434

et de favoriser le développement des ressources productives de tous les États membres…. »161

Ainsi, la sécurité aura pour objectif de créer les conditions favorables au développement du territoire ; d’anticiper, de maitriser et de prévoir les éléments constitutifs d’une cartographie où se croisent plusieurs facteurs (voir figure 1)

RisquesMenaces

Vulnérabilités

Juridique

Négative

Coopération

Co -développement

Publiqueet

Privée

BiensPersonnes

et Services

Territoriale

Région

Sécurité HumaineSécurité

Multidimensionnelle

DéveloppementCroissance

Investissements

SECURITEHolistique

SSéécuritcuritéé ééconomique et territoireconomique et territoire

L’Intelligence économique territoriale est un projet où le partenariat public-privé est de rigueur, et où chaque acteur a un rôle particulier. En ce qui concerne le secteur privé, le principe de l’entreprenariat assure que « les créateurs d’entreprise apportent une sécurité économique à d’autres personnes ; ils contribuent à la diffusion de la prospérité »162,

L’articulation sécurité-développement-territoire est une hypothèse d’analyses pour démontrer qu’en l’absence d’un de ces piliers, le système implose. Il ne peut y avoir une stratégie d’intelligence territoriale avec des indicateurs négatifs, avec une insécurité, de la violence, ou méfiance…

161 Deblock, Christian, “ La sécurité économique internationale : entre l’utopie et le réalisme ”. Les Presses de l’Université du Québec, 1992

162 La création d’entreprise au service de l’économie, 26/06/2008, http://www.america.gov/st/econ-french/2008/June/20080626162749jreeduos0.7504236.html&distid=ucs

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 435

La rencontre de Dakhla doit être le lieu d’un débat approfondi sur le modèle d’intelligence territoriale idéal pour la région, ainsi que le traitement d’autres étapes nécessaires à la mise en place d’une architecture d’intelligence compétitive. La sécurité holistique163 est le premier pilier d’un modèle d’intelligence territoriale, elle est la théorie stratégique de tout dispositif de développement territorial où le partenariat public et privé est fondamental. Le développement d’un territoire ne peut pas se pérenniser, se développer sans sécurité. Une architecture future d’intelligence territoriale doit pouvoir développer un nouvel indice croisé d’intelligence économique territoriale et sécurité.

163 Approche de la Sécurité qui s’intéresse à son objet comme constituant un tout.

VIIconFérence De clôture

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 439

societes et cultures ouest-saHariennes.

saqiyat al-Hamrâ et tiris

pierre bonteDirecteur de recherche émérite au CNRS

Laboratoire d’anthropologie sociale, Collège de France, Paris

C’est au début des années 1970 que j’ai eu pour la première fois l’occasion de me rendre au Sahara alors espagnol. Séjournant trois ans durant à Zouérate puis à Nouadhibou, où j’étudiais les effets sur la société tribale saharienne de l’exploitation d’une mine de fer par une société française, la MIFERMA, j’empruntais de temps à autre le vieux DC3 des lignes espagnoles joignant La Guera à Las Palmas par Villa-Cisnéros et el Ayoun. Des escales prolongées me permirent de visiter ces petites agglomérations coloniales où, hors la forte présence espagnole, les activités apparaissaient bien endormies. La région cependant bruissait aussi des projets d’exploitation des phosphates de Boukraa qui annonçaient, comme le fer de Mauritanie, le nouvel avenir du Sahara des nomades.

Mon expérience saharienne s’est depuis affirmée, s’appuyant sur de longs séjours dans l’Adrar tmar, L’Adrar des dattes, qui m’ont permis de rédiger une thèse d’État dont est tirée une trilogie, en cours de publication à ce jour : un premier volume est sorti, L’émirat de l’Adrar mauritanien. Harîm, compétition et protection dans une société tribale saharienne (Karthala, 2008), un second sortira l’année prochaine, Récits d’origine. Contribution à la connaissance du passé ouest-saharien, un troisième sera achevé ensuite portant sur la colonisation de l’actuelle Mauritanie.

Mes recherches ont porté prioritairement sur l’espace mauritanien, mais j’en ai aussi exploré les limites. J’ai appris ainsi sur la Saqiyat al-Hamrâ, lieu de légendes et de mythes séculaires, entre les pistes arides du désert et une mer qui ouvre sur le monde, face aux Canaries, entre cap Juby et cap Blanc. J’ai parcouru aussi le Tirîs et je l’ai connu fleurissant, après les fortes pluies de 1969, attirant

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse440

tous les nomades, encore nombreux alors, de l’Ouest-saharien, illustrant ainsi sa réputation de terre hospitalière aux hommes et à leurs dromadaires.

la saqiyat al-Hamrâ et le tirîs, berceau du peuplement de l’ouest saharien

Venant au sud de wed Nûn et de wed Draca, le vaste bassin de la Saqyat al-Hamrâ, marque la fin de la transition, relativement rapide, qui fait passer des piémonts de l’Atlas au désert saharien. Nous sommes alors incontestablement, comme le notait déjà Robert Montagne164 en 1930 dans un autre monde, celui des éleveurs nomades, où s’effacent les traces de vie sédentaire. À cette frontière physique ne correspond pourtant pas une frontière humaine. De manière séculaire, des populations venant du nord, Berbères sanhâja, dès le premier millénaire de notre ère, puis Arabes Banî Hassân, à partir des XIII-XIVes siècles, ont franchi cette frontière, se sont installées dans le désert où elles ont multiplié leurs troupeaux de dromadaires, et elles sont parties à la conquête des pâturages méridionaux de l’Ouest saharien, se mêlant pour donner naissance à une culture tribale, pastorale et nomade, originale, celle des baydhân (Maures), parlant un même dialecte, le hassâniya.

Les auteurs arabes médiévaux appelaient désert de Kakudam, ou Kawkudam, cette vaste zone, dont l’axe va de la Saqiyat al-Hamrâ à la Hamadha de Tindûf, jouxtant les pâturages réputés du Tirîs, où ont débuté ces mouvements séculaires de tribus qui n’ont plus guère rencontré d’obstacles jusqu’aux fleuves Sénégal et Niger, hors les massifs de l’Adrar et du Tagant. Ibn Khaldoun note que là se trouvaient initialement les principaux clans lamtûna. Là se situent aussi, note l’orientaliste britannique H.T. Norris, le berceau du mouvement des murabitûn au XIe siècle, avant qu’ils ne partent à la conquête du Maghreb et de l’Espagne musulmane : « C’est là, beaucoup plus qu’au cœur de l’Adrar, du Tagant et du Hohd, qui apparaissent plus tardivement dans la saga, ou seulement de manière intermittente dans ces premières périodes, que la base des activités de cAbdallah ibn Yasîn et de son maître Wajjâj ibn Zalwî se situe principalement. Les distances par rapport à Nûl Lamta, Sijilmasa et le Sous étaient relativement courtes. Ici se situe le «petit Sahara» des Maures »165.

C’est dans cette même région que les Arabes macqil, Banî Hassân, quelques siècles plus tard, après un long séjour dans le Sûs, où ils se sont mêlés aux populations berbérophones locales, s’installent d’abord avant d’entamer leur rapide expansion

164 Montagne Robert, « Les limites du Maroc et du Sahara atlantique », Études Notes et Documents sur le Sahara occidental, VIIème Congrès de l’Institut des Hautes-Études marocaines, Rabat, 1930 : 111-118.

165 Norris H.T., Saharan Myth and Saga, Oxford, Clarendon Press, 1972 : 87.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 441

le long de deux axes, à l’ouest et à l’est de l’Adrar. Certains d’entre eux cependant sont restés au Nord : la tribu des Awlâd D’laym se rattache à leur nasab et a exercé un temps son hégémonie sur les pâturages du « petit Sahara ».

sociétés et cultures ouest-sahariennes

Ces apports, et celui de populations d’autres origines encore, se sont coulés dans le moule commun d’une culture tribale, pastorale et nomade ouest-saharienne. L’islamisation ancienne de ces régions et la diffusion de l’usage de la langue arabe, le dialecte hassâniyya, langue « bédouine » ainsi que la classent les dialectologues, ont contribué à cette homogénéisation culturelle et sociale. Certes ces groupes perpétuent l’idée de leurs origines distinctes que souligne l’ordre tribal distinguant les généalogies : les uns se rattachent aux Arabes Bani Hassân, les autres aux Berbères sanhâja, d’autres encore se réclament de la maison du Prophète, des Quraysh ou des Ansârs…, mais cette organisation tribale commune est aussi source de convergence de la culture saharienne.

La tribu se définit comme constituée de la descendance d’un ancêtre commun, un ancêtre apical masculin auquel on se rattache en ligne paternelle, patrilinéaire dans le langage des chercheurs qui se sont penchés sur les sociétés tribales. L’importance exclusive que ces chercheurs accordent à la règle de filiation unilinéaire, dont l’application entraîne l’affiliation exclusive des individus à des groupes, « discrets » diraient les mathématiciens pour souligner qu’on ne peut faire partie de deux tribus, masque d’autres aspects de leur fonctionnement. Les enquêtes que j’ai menées soulignent que les tribus présentent souvent une forte hétérogénéité, rassemblant des familles et lignées de diverses origines, affiliées par des alliances matrimoniales ou politiques. Elles peuvent intégrer aussi des « clients », qui sollicitent la protection de groupes dont la casabiyya, l’« esprit de corps », est plus puissante. Il existe entre elles des distinctions plus notables encore de statut : elles sont moins fortes dans le nord de l’Ouest-saharien que dans le sud, mais on retrouve l’opposition teintée de valeurs hiérarchiques entre tribus « guerrières », tribus « « religieuses », et celles qui devaient solliciter la protection pérenne d’autres tribus contre des redevances régulières.

Un autre trait de cette culture saharienne est la place importante de la production pastorale. La plupart des tribus vivaient avant tout de l’élevage, à laquelle s’ajoutaient quelques activités agricoles sur les grayr, zones argileuses retenant l’eau, ou dans les palmeraies qui n’étaient réellement développées autrefois que sur les confins nord, le long des wed Nûn et Draca, ou dans l’Adar. La place de l’élevage, concernant essentiellement des dromadaires et du petit bétail, s’observe dans l’alimentation qui fait une large place au lait et à ses dérivés, mais elle s’observe aussi dans la vie sociale : du bétail circulait dans toutes les circonstances exceptionnelles, mariage (sadaq), règlement des conflits (diya), sacrifices dans

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les grandes circonstances religieuses ou pour solliciter la protection (dhbiha ou tacrgiba), prêts institutionnalisés de batail, pouvant se perpétuer de générations en générations, etc., tissant entre les hommes le lien social ; les dromadaires, les « vaisseaux du désert », dont l’usage se répand au premier millénaire, ont permis aussi le développement des échanges à travers le Sahara.

Le pastoralisme nomade qui est la forme que prend l’élevage en ces régions façonne aussi la vie sociale et la culture ouest-africaine. À la différence des formes d’élevage extensif, il repose sur les déplacements des troupeaux en fonction des pâturages, eux-mêmes variables selon les conditions climatiques et les types de végétation. L’accès à l’eau jouait aussi un rôle essentiel dans l’orientation des déplacements. Si les troupeaux sont répartis entre les familles (les tentes, khaymât), ils doivent avoir accès à de vastes territoires dont l’exploitation, l’aménagement (creusement de puits) et la sécurisation ne pouvait se faire qu’à un niveau collectif plus large, la tribu généralement, ou des regroupements plus ou moins confédérés de tribus alliés. Les conflits pastoraux créent des rapports de force qui peuvent déboucher sur des hégémonies pastorales. On s’affrontait cependant moins pour des territoires dont l’exploitation restait ouverte de manière contrainte – la Saqiyat, et plus encore le Tirîs pouvaient rester des années sans pluies, obligeant à se replier vers des pâturages plus méridionaux, les éleveurs méridionaux étant eux-mêmes parfois obligés de s’installer sur les pâturages du nord bien arrosés166 – que pour razzier le bétail dont la circulation après les pillages des ghazw entraînait une certaine redistribution au profit des moins bien lotis par le sort… et les pluies.

Les familles se déplaçant avec leurs troupeaux ont un mode de vie nomade. Le terme khayma, la tente, désigne aussi la famille. Chaque famille a théoriquement une certaine autonomie pour organiser ses déplacements, choisir les lieux de campement, les pâturages et les puits sur lesquels elle dispose de droits d’accès en fonction de son appartenance à une tribu, ou d’accords circonstanciés (aghvar) qu’elle peut négocier à cette occasion. En fait les liens sociaux, la parenté ou l’alliance de mariage en particulier, les nécessités de coopération, les besoins de sécurité, etc., conduisent les chefs de tente-famille à se regrouper au sein de campements, qui autrefois pouvaient comprendre un nombre important de

166 L’émir de l’Adrar, Ahmed uld M’hammed, à la fin des années 1880, est amené par suite des conditions climatiques au sud, à remonter vers le Nord, à sept cent kilomètres de là, avec sa hella (campement émiral), jusqu’au Sahel atlantique et sur les terrains de culture de l’Imrikli, au sud de la Saqiyat ; il y séjournera plus d’une année durant. À cette occasion cet émir prestigieux, l’« émir de la paix », intervient dans un conflit suscité par l’assassinat d’un tributaire des Awlâd Tidrarîn par les Ludaykât, une fraction importante des Awlâd D’laym. Il suscite l’intervention des Awlâd Billaw (Rgaybât Sahel) qui écrasent les Ludaykât à al-Arayda en 1890.

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tentes selon les conditions sécuritaires ou du fait de l’attirance qu’exerçaient des notables, politiques (hella ou mahsar) ou religieux.

La vie nomade a façonné profondément la culture ouest saharienne. Elle contribue à définir et organiser sa culture matérielle, qui comprend peu d’artefacts, ceux qui peuvent être transportés sur le animaux de charge : la tente, quelques calebasses et sacs de cuir pour serrer les provisions, le « porte-bagage » (amshaghab) où sont rangés sous la tente ces artefacts, les selles, bâts et harnais, les nattes, tapis et coussins pour aménager l’intérieur de la tente, les outils et armes transportables, les effets personnels enfin. La tente n’est pas seulement la pièce essentielle du mobilier, elle est aussi un ensemble de signes qui nous parlent du lien social. Comme dans les sociétés bédouines ou touaregs, la tente est un bien féminin, le vélum est confectionné par les femmes et renouvelé par le tissage des flij à l’occasion d’un travail collectif (tuiza) féminin. Les hommes habitent de ce fait la tente de leur mère, avant d’intégrer celle de leur épouse ; ils répugneront, en cas d’absence de la femme pivot de la tente, à l’habiter seul, préférant se réfugier ailleurs ou dormir à la belle étoile. Monde féminin, la tente est associée aussi à l’hospitalité et à l’asile pour qui se saisit des piquets. Elle est le symbole de l’autonomie de la femme nomade, confortée au Sahara, chez les baydhân comme chez les Touaregs par des traditions anciennes, relevant peut être de la berbérité originelle. La monogamie est la règle, en dehors de quelques notables religieux. Le divorce est aisé, y compris à l’initiative de la femme, et le remariage de la femme divorcée ne soulève pas les problèmes qu’il peut poser au nord du Maghreb. Le statut de la femme est ainsi relativement élevé ; elle jouit d’une certaine liberté de déplacement, qu’elle utilise surtout entre sa famille de naissance et celle qu’elle acquiert par son mariage. Autre symbole de la culture ouest-saharienne, la malhafa, vêtement féminin drapé, est de fait resté, avec le dialecte particulier, le signe d’identification le plus clair de l’appartenance à cette culture ouest-saharienne167.

Car celle-ci a connu en fait depuis deux générations des bouleversements qui ne tiennent pas seulement à la conjoncture politique dans cette partie du Sahara. On les observe de même en Mauritanie voisine. L’exode rural et pastoral, l’urbanisation massive, ont réduit la part de la population ayant un mode de vie pastoral et nomade. Les signes matériels de cette culture ouest-saharienne ont en partie disparu. Tentes et palmiers deviennent des icones, des images patrimoniales véhiculées par les média ou utilisées avec de nouvelles expressions

167 Sur la khayma dans le contexte contemporain on consultera la thèse, effectuée sous ma direction, de Sébastien Boulay, La tente dans la société maure (Mauritanie), entre passé et présent. Ethnologie d’une culture matérielle bédouine en mutations, Thèse de doctorat en anthropologie et ethnologie, Muséum national d’Histoire naturelle, 2003.

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culturelles. Le port de la malhafa suit les fluctuations de la mode, devient le signe de nouvelles différenciations sociales. Celles-ci relèvent de l’éducation moderne, des nouvelles activités économiques, de l’enrichissement de certains. Encadrée dans de nouvelles institutions administratives et politiques, la tribu perd de son efficacité à organiser collectivement la vie sociale. On parle désormais de tribalisme, terme plutôt dévalorisé et aux connotations archaïsantes, passéistes. Les revendications d’autonomie, dont tient compte l’État marocains, soulignent cependant la vitalité de cette culture ouest-saharienne, fut-elle quotidiennement recomposée pour s’adapter à ces changements. Cela justifie, sans nul doute, que dans le cadre de cette rencontre dont le thème concerne l’irruption de la modernité entrepreneuriale au sein de ces sociétés, on se préoccupe aussi de leur passé. J’y reviendrai donc plus longuement.

les saints de la saqiyat al-Hamrâ

Dans ce monde saharien, les hommes, nomades, dépouillés de biens matériels conséquents, ne laissent cependant qu’une trace fugitive et on ne connaît pas le détail des mouvements pastoraux, de la (re)composition périodique des tribus, des conflits qui les opposent ou des alliances qui les rassemblent. Ainsi a presque disparu sous ces appellations rendues célèbres par les murabitûn et par les auteurs qui ont rendu compte de leur épopée, la descendance des Lamtûna, des Massûfa et plus encore des Gudâla qui ont dominé un temps cette partie du monde située entre l’Èbre et le fleuve Sénégal, diffusant l’or du Soudan à travers le bassin méditerranéen. On peut certes identifier des continuités mais l’histoire tribale ancienne conservera à jamais une certaine opacité168. N’en sont souvent retenues que les « gestes » fondatrices, les références aux origines, entre légende et histoire, que l’on peut néanmoins décrypter pour identifier les tenants et les aboutissants des évolutions séculaires. La floraison, qui se situe aux alentours des XVI-XVIIes siècle, des « saints de la Saqiyat el-Hamrâ », rassembleurs de quelques unes des grandes tribus actuelles, correspond à un moment de cet ordre. Le fait est d’autant plus notable que, dans l’ensemble du Maghreb, jusqu’en Tunisie et en Libye, on observe la formation de nouvelles tribus qui se référent à ces saints fondateurs de la Saqiyat.

Le Maghreb à cette époque connaît une crise grave dont les causes sont multiples : pression des États chrétiens européens, poussée ottomane, crises économiques, sécheresses et épidémies y ont, entre autres, contribué tout au long du XVIe siècle. Au Maroc le développement considérable des confréries (turuq) soufies et la place croissante du chérifisme auquel se rattachent les dynasties sacadiennes

168 Que contribue cependant à dissiper Mustapha Naïmi, La dynamique des alliances ouest-sahariennes, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2004.

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et calaouites, apparaît comme une réponse à cette crise. Dans le sud-marocain et dans la Saqiyat al-Hamrâ les populations sont agitées de profonds mouvements religieux qui prennent, dans ces terres d’« anarchie » (sayba), la forme d’une vénération cultuelle à l’égard de saints personnages autour desquels se rassemblent descendants et disciples sous une même identité tribale. Trois de ces saints ont eu un destin particulièrement riche et méritent notre attention pour être les (re)fondateurs de plusieurs des tribus associées à la Saqiyat al-Hamrâ.

Sans en être l’ancêtre éponyme, Sîdi Muhammed al-Ghanbûr – faqih réputé et détenteur du pouvoir de la tazubba, vengeance mystique contre ceux qui l’offensaient – a réorganisé la tribu des Awlâd Tidrarîn, qui serait originaire de l’Adrar tmar, de Wadân plus précisément. Attirant des disciples venus se mettre sous sa sainte protection, la tribu connaîtra alors un certain éclat avant de passer dans la clientèle des Awlâd D’laym. Plus notable encore est le destin de Sîd’Ahmed ar-Rgaybî, ancêtre chérifien des Rgaybât, tribu constituée autour de sa descendance et de ses disciples. Son itinéraire, parfois discuté, le rattache au célèbre al-Mashish, disciple d’Abû Madyan et enseignant d’al-Shadhîlî, le maître soufiste du sud-marocain. Plus remarquable encore est la vie légendaire du sharif Sîd’Ahmed al-cArûsî autour duquel s’est constituée la tribu des al-cArûsiyîn. Son rattachement au mouvement soufi se fonde sinon sur une chaîne précise qui énumérerait ses inspirateurs, du moins par sa localisation initiale en Tunisie où s’est développée une tarîqa carûsiyya au XVe siècle. Selon la version la plus répandue, mais il existe des variantes, son arrivée fait suite à un conflit avec le Sultan marocain à la suite duquel, menacé d’être mis à mort, il fut miraculeusement transporté jusqu’en ces lieux, par l’ange Djibril selon certains, tenu dans les airs par la ceinture de son sarwal qui finit par céder au dessus d’ar-Ryad, là où il vécut et où il est enterré169.

Au XVIIe siècle, et encore au XVIIIe, les al-cArûsiyîn jouèrent un rôle important dans l’Ouest-saharien en particulier sous l’autorité du fils du saint éponyme, Ibrahîm. On les trouve intervenant dans les affaires tribales de la Gebla, le sud-ouest mauritanien, alliés aux Banî Hassân au moment où se créent les émirats. On les trouve aussi dans la vallée du Sénégal et jusqu’à Walâta, et même à Tombouctou qu’ils menaceront un temps. La tribu, tout en développant alors ses qualités guerrières, contribue à la diffusion saharienne du mouvement chérifien et soufi. Dans ce cadre s’affirment de nouvelles origines (ansab) et se recomposent les casabiyyât tribales, intégrant vraisemblablement les populations berbères et arabes qui occupaient depuis des siècles le « Petit Sahara », le désert de Kakudam,

169 Hamet Ismaèl, « Littérature arabe saharienne », Revue du Monde Musulman, 1910, X : 194-213 et XI : 380-405.

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ce nom disparaissant des récits de l’époque où le commerçant autochtone l’emporte sur les voyageurs érudits des périodes médiévales.

le regard des naufragés européens

De nouvelles affiliations se dessinent alors, le paysage tribal restant encore imprécis. La découverte par les Européens, Portugais d’abord puis d’autres, relevant de tous les peuples marchands d’Europe, des côtes de l’Afrique et des Canaries au XVIe siècle, commence à déplacer cependant le regard sur la région. Au XVIIIe et dans la première partie du XIXe siècle, certains de ces navigateurs tomberont dans le piège des côtes sahariennes et feront naufrage, plus particulièrement, pour des raisons de courants et de grosse mer, sur la côte située entre le cap Juby et le cap Blanc170. Ils portent sur ceux qui les recueillent un regard d’une grande naïveté ethnocentriste certes mais qui nous informe sur les populations au milieu desquelles ils ont vécu durant des mois, voire parfois des années.

Les principales tribus parcourant la Saqiyat al-Hamrâ et les régions voisines sont identifiables dans les récits des naufragés, malgré les déformations que subissent leurs noms. Ce sont souvent de petits groupes de pêcheurs, familiers des côtes, tels les Foykât et les Mejjat, qui découvrent le naufrage, mais deux tribus sont plus particulièrement citées comme recueillant les naufragés : les Awlâd Bûsbac et les Awlâd D’laym, plutôt localisés au sud du cap Bojador. Leur aspect « sauvage »171 inspire une terreur extrême aux esprits déjà bouleversés par l’échouage. Au Tell (nord) sont encore cités les Tekna (Yaqût, Ayt Ussa), les Izargiyîn et parfois les Chleuhs ; au sud (Gebla) les fractions des Awlâd D’laym sont quelquefois distinguées (Awlâd Tegeddi) ainsi que les tribus des émirats du Trarza et du Brakna. Dans la région de la Saqiyât al-Hamrâ et plus à l’est sont cités les al-cArûsiyîn, les Awlâd Tidrarîn et de nouveau les Awlâd Bûsbac. Les naufragés notent aussi les rapports mouvants entre les tribus. À la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, les Awlâd D’laym ont une position hégémonique et apparaissent souvent alliés aux Awlâd Bûsbac eux-mêmes parfois proches des Tekna à cette

170 S’y ajoutent de plus longue date les pêcheurs canariens, qui généralement n’ont pas laissé de récits de leur aventure. Des accords locaux pouvaient exister entre les Canariens et les tribus pour négocier le rapatriement des naufragés. Sur les relations entre Canariens et Sahariens cf. l’ouvrage récent d’Alberto Lopez Borgados et Jesus Martinez Milan (éds.), Cultures du littoral. Dynamiques frontalières entre les Canaries et la côte saharo-mauritanienne, Barcelone, Edicions Bellaterra, 2010.

171 Ces guerriers farouches portaient une chevelure abondante accentuant leur air effrayant. Il n’est pas surprenant que ces « sauvages » soient soupçonnés de « cannibalisme » quand Follié, naufragé en 1814 au sud de wed Nûn, les observe de loin allumer de grand feu où ils « suspendent » la tête en bas leurs prisonniers ; ceux-ci sont retrouvés pourtant intacts, il s’agissait d’évacuer l’eau de mer qu’ils avaient avalée et de les réchauffer après leur séjour dans l’eau !

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époque. Ces Awlâd Bûsbac nouvellement entrés dans le « Petit Sahara » s’y font activement une place grâce à leurs activités guerrières et commerciales172.

L’accueil des naufragés dans les tribus locales n’est pas une œuvre « humanitaire » mais une opération rentable qui s’organise progressivement avec la multiplication des naufrages à partir de la fin du XVIIIe siècle. Elle s’accompagne du pillage des cargaisons, les épaves étant brulées pour éviter qu’elles ne servent de repères pour la navigation. Les naufragés passaient ensuite de main en main, objets de spéculation portant sur le montant du rachat qu’on pouvait espérer ; ceux bien mis, aux « mains blanches » étaient plus particulièrement recherchés. Au gré de ces transactions et des déplacements des campements173 ils restaient plus ou moins longtemps prisonniers. Durant cette période ils étaient considérés comme des « esclaves » et utilisés aux tâches du campement (ramassage du bois, garde des troupeaux) que, non préparés à les accomplir, ils ressentaient comme très éprouvants, tout comme l’était la nourriture frugale et parfois rare pour les nomades eux-mêmes.

Dans la grande majorité des cas, à l’exception de quelques négociations menées au Trarza et à Saint-Louis, le rachat s’effectuait au nord, à Mogador où une présence européenne permanente (consuls et négociants) la facilitait, multipliant les intermédiaires spécialisés dans cette tâche, juifs ou individus issus des tribus locales. La remontée vers le nord pour gagner wed Nûn ou le Sûs, pouvait être lente et marquée de longues stations. L’intervention du souverain du Maroc qui revendiquait, dans le cadre des traités avec les États européens, un strict contrôle des rachats, pouvait compliquer encore les transactions. Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, des pouvoirs locaux interviennent cependant activement pour détourner ces opérations à leur profit. Elles sont plus particulièrement le fait de deux « maisons » fortement impliquées dans le commerce saharien : celle des Ahl Bayrûk dans wed Nûn, à Gulimîn, dont l’intermédiaire saharien est un certain Sîd’Ahmed des Awlâd Bûsbac, dont le rôle est souvent évoqué dans les récits de naufragés ; celle d’Iligh dans le Tazerwalt, plus au nord, est organisée autour d’un personnage religieux dont le prestige régional est très grand, Sîdi Hashîm ibn cAlî Bû Damîca, en relation lui aussi avec les Awlâd Bûsbac.

172 Se réclamant d’une origine chérifienne, cette tribu a eu un passé agité au Maroc, Passant de la région de Fès à celle de Marrakech, en conservant leur turbulente réputation, les Awlâd Bûsbac sont repoussés vers le Tafilalet et la Saqiyat al-Hamrâ par le makhzen sous le règne en particulier du Sultan calaouite Mawlay cAbdallah dans la première partie du XVIIIe siècle

173 Certains restèrent captifs durant de longues périodes tel le jeune Scott qui le fut pendant plus de six ans (1810-1816) et se déplaça avec ses maîtres temporaires jusque sur les bords du fleuve Niger. Il s’agit d’un cas par ailleurs de tentative de conversion, justifiée par le jeune âge de l’intéressé, généralement nulle pression ne s’exerçait en ce sens, cela aurait signifié renoncer au rachat et intégrer le converti dans la société locale. Des cas de ce genre sont cependant attestés.

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Ces deux puissances régionales, qui tenteront tout au long du siècle de nouer des relations directes avec les Européens, joueront un rôle important durant la majeure partie du XIXe siècle, avant que le makhzen ne restaure en partie son autorité en fin de siècle. La région de la Saqiyat al-Hamrâ est cependant de longue date concernée par les activités commerciales à travers l’Ouest-saharien. S’il existe sans doute de longue date un trafic côtier, cité à l’époque almoravide mais dont j’ai trouvé la trace dans les traditions orales et qui a pu être renouvelé par la présence européenne du cap Blanc à Saint-Louis, en passant par l’île d’Arguin, les caravanes traversent plutôt le bassin supérieur de la Saqiyât, qui contient des points d’eau plus ou moins permanents comme la Gelta Zammûr. Les grands marchés caravaniers sont cependant plus au nord, dans wed Nûn, wed Draca et le Tafilalet et la sédentarisation dans les qsûr caravaniers n’est pas ici la règle, à l’exception, tardive, de Smara à l’initiative de Shaykh Mâ al-cAynîn, ou, plus à l’est encore, de Bir umm grayn, au nord du Tirîs, où tente de s’établir Shaykh Sîdi M’hammed al-Kuntî, ou même de Tindûf, relais de l’importante tribu caravanière des Tajakant. À cette époque de grandes caravanes traversent encore la région, regroupant des milliers d’hommes et de chameaux174 pour gagner le Soudan, plus particulièrement Tombouctou, sur les mêmes pistes qu’ont empruntées les expéditions sahariennes du makhzen sous les sacdiens et les calaouites dans les siècles précédents, mais non loin aussi du triq al-lamtûni qui, à la fin du premier millénaire de notre ère, est le nom donné à la première grande piste caravanière nord-sud passant déjà par la Gelta Zammûr.

Conflits tribaux et hégémonies régionales au XIXe siècle

Contrairement aux idées héritées d’une vulgate coloniale qui vise à justifier la conquête, les activités commerciales sahariennes sont loin de décliner au XIXe siècle et elles connaissent même un regain notable, plus particulièrement entre le Maroc et le Soudan du fait de l’affaiblissement parallèle du trafic vers l’Algérie

174 Riley, citant des acteurs locaux de ce commerce, évoque une caravane de 800 hommes et de 3000 chameaux gagnant sans encombre Tombouctou au début du XIXe siècle, le même commerçant décrit peu après une autre caravane de 1000 hommes et 4000 chameaux, anéantie par une tempête de sable, des conflits internes et des attaques de pillards (Riley J., Naufrage du brigantin américain, Le Commerce, sur la côte d’Afrique, traduction de J.-G. Peltier, Paris, Le Normand, 1818). La situation se perpétue durant une partie du XIXe siècle : Les Tajakanat « sont surtout convoyeurs et conduisent de grandes caravanes de sel et de gomme dans les cercles importants du sahel, Ouadan, Chinguiti, Tichitt, Oualata et Araouan et échangent leurs marchandises contre celles que leur portent les Maures de la même origine ou d’autres fractions. Quelques caravanes, mais constituées alors de 2 à 3000 hommes allaient autrefois directement à Banemba avec du sel pour y acheter des captifs » (Commandant R de Lartigue, « Notice sur les Maures du Sénégal et du Soudan », Renseignements coloniaux, 1897, 3 : 41-72, page 49).

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conquise par les Français175. S’inscrivant dans le contexte du marché mondial par l’intermédiaire des comptoirs européens du Sénégal où des cités maritimes marocaines, ce commerce se diversifie, de nouveaux produits se répandent au Sahara, le thé et le sucre par exemple, et les toiles de guinée deviennent un étalon monétaire ; les caravanes sillonnent le Sahara alimentant une demande locale croissante176, la commandite se renforce et de nouvelles méthodes commerciales se diffusent. Elles sont le fait des commerçants tekna et sbacî qui s’implantent dans l’ensemble de l’Ouest-saharien, ainsi que dans les comptoirs français du sud ou à Tombouctou. Le développement des activités commerciales au XIXe siècle contribue à alimenter les conflits tribaux dans le « Petit Sahara » et à aiguiser les luttes pour exercer établir une hégémonie régionale.

Le rapprochement de données jusqu’alors dispersées permet ainsi de repérer dans la seconde partie du XIXe siècle, entre les tribus du nord de l’Ouest-saharien, un réseau d’alliances qui se structure autour des deux grandes maisons commerçantes, celle d’Iligh et celle des Ahl Bayrûk qui contrôlait pour une part le commerce transsaharien. Les Ahl Bayrûk s’appuient sur leur tribu d’origine, les Tekna, mais agissent en concertation avec deux tribus de commerçants issus du sud, les Tajakanat et les Kunta, et s’appuient souvent sur les Awlâd D’laym qui assurent la sécurité des caravanes et contribuent à leur organisation. La maison d’Iligh s’appuie sur le réseau de plus en plus dense des Awlâd Bûsbac et sur les Rgaybât, puissance régionale montante.

Ces réseaux, qui peuvent souffrir de nombreuses entorses selon les circonstances locales, ne peuvent se comprendre que dans le cadre plus général des alliances

175 Cf la synthèse sur les mouvements trans-sahariens au XIXe siècle dans un ouvrage collectif édité parElizabeth Savage (ed.), The human commodity. Perspectives on the Trans-Saharan Trade, Frank Cass, 1994. Un ouvrage récent, plus centré sur la dimension régionale, renouvelle aussi la question : Ghyslaine Lydon, On Trans-Saharan Trails. Islamic Law, Trade Networks and Cross-Cultural Exchange in Nineteenth Century West Africa, Cambridge, Cambridhe University Press, 2009.

176 Le futur général et gouverneur Faidherbe s’en fait l’écho depuis le Sénégal : « Il part actuellement au Maroc, par l’oued Noun, un certain nombre de caravanes (quatre, cinq ou six selon les années) qui se dirigent vers l’Adrar. Ces caravanes nombreuses au départ de 500 à 1000 chameaux se fractionnent en route, tant pour la facilité du ravitaillement que pour la commodité de leur commerce. Elles ne partent pas chargées de telle marchandise, pour tel point déterminé, d’où elles doivent ramener tel produit ; elles emportent une grande variété de marchandises qu’elles échangent à un point quelconque de leur itinéraire, contre des produits quelconques qu’on leur offre à des conditions avantageuses ; elles échangent ces mêmes produits contre d’autres suivant les circonstances, dirigeant leur course çà et là à la recherche de marchés avantageux, agissant enfin comme un navire pacotilleur, faisant escale en divers lieux sans autre but arrêté que de faire des échanges à de bonnes conditions et de trouver du fret » (1859, op. cité, page 152).

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qui, transcendant les affiliations généalogiques tribales, opposent les tribus ou des éléments de la tribu entre eux en prenant une forme duelle : l’opposition de deux partis. Ces alliances peuvent être pérennes dans le cas des leff dont Robert Montagne a souligné les fonctions dans le Sûs177, ou encore chez les Tekna où les fractions d’une tribu fortement hétérogène – elle comprend des berbérophones et des arabophones – s’opposent en deux leff, Ayt cAthmân, plus sédentaires, et Ayt aj-Jamal, en partie orientés vers l’élevage camelin. Plus au sud, ces alliances, moins formalisée et plus instables, prennent une forme plutôt factionnelle, défaites ou renouvelées selon les circonstances, tout en perpétuant ce caractère duel que l’on observe dans la distinction des Awlâd D’laym orientaux et occidentaux, ou encore des Rgaybât Sahel et al-Gwasîm.

L’histoire tribale ne peut être traitée au seul niveau local, elle implique la prise en compte des mouvements de population liés au pastoralisme nomade et au commerce, ainsi que de ces jeux d’alliance, sources de l’extension des conflits au niveau régional.

Déjà signalés dans la région au XVIe siècle par Léon l’Africain, les Awlâd D’laym y exercent incontestablement une certaine hégémonie à la fin du XVIIIe siècle et durant une partie du XIXe siècle. Ils ne sont pas seulement installés dans la partie occidentale, le long de la côte où les naufragés européens sont bien involontairement leurs hôtes. On les trouve aussi à l’est de la Saqiyat al-Hamrâ, où deux fractions importantes, les Awlâd Salîm et les Awlâd al-Mulât occupent les pâturages camelins jusqu’au Hank et l’Igidi, aux limites de l’Algérie contemporaine. Ce sont surtout des éleveurs de dromadaires mais la maîtrise des pâturages favorables à cet élevage leur donne aussi des capacités d’expansion militaire et politique qui se traduisent par les multiples conflits qui les opposent à leurs voisins. Ces conflits sont particulièrement aigus avec les émirats de l’Adrar et du Trarza qui bloquent à cette époque leur poussée vers les pâturages méridionaux. Ces guerres répétées ont pu contribuer à leur affaiblissement progressif, mais aussi à accentuer les distinctions statutaires et tributaires qui s’instaurent entre eux et leurs clients tribaux, Awlâd Tidrarîn et Awlâd cAbd al-Wahad qui chercheront d’autres protecteurs plus souples dans leurs stratégies tribales, et qui les trouveront chez les Rgaybât.

Au XVIIIe siècle, cette tribu rassemblée en se référant à l’un des saints de la Saqiyat al-Hamra, occupe encore une position mineure dans cette région. Leur élevage camelin sur les pâturages désertiques voisins prend rapidement de l’importance et leur assure une place croissante sur la scène régionale. Tout au long du XIXe

177 Dans cette région, les tribus ou fractions se tribus s’opposent terme à terme au sein des deux leff Isuktan et Igezzulen. Robert Montagne, Les Berbères et le Makhzen dans le sud du Maroc, Paris, Alcan, 1930 (réed. Maroc, Editions Afrique-Orient, 1989).

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siècle, ils mèneront une série de guerres, toujours finalement victorieuses, contre les principales tribus de la zone qui leur permettront de fonder leur hégémonie dans le domaine pastoral178.

Leurs premiers compétiteurs sont les Awlâd Bûsbac, eux aussi en voie d’établissement dans la région et qui composent d’abord avec les Awlâd D’laym. Entre 1799 et 1813 une série de conflits les oppose aux Rgaybât et, après une longue période de rapprochement entre ces deux tribus, ils reprendront à la fin du XIXe siècle jusqu’à ce que les Awlâd Bûsbac soient rejetés vers le sud et battus à Fucht et Lemden. Le conflit avec la tribu des Tajakanat, dont les intérêts pastoraux sont à la mesure des activités caravanières, s’étale aussi durant tout le XIXe siècle, marqué d’escarmouches et de guerres locales, jusqu’à la prise et au sac de Tindûf, en 1894, les troubles accompagnant la conquête coloniale de l’Ouest-saharien affaiblissant par ailleurs la tribu en ruinant ses activités caravanières. C’est avec les Awlâd D’laym, qui représentaient la principale force politique et militaire sur les pâturages camelins convoités, que les luttes seront cependant les plus longues et les plus rudes. Un premier épisode, dans les années 1820 et 1830, ne fut pas décisif. Quelques décennies plus tard le conflit reprend sur deux axes.

Au sud-ouest, les Rgaybât repoussent les Awlâd al-Lâb, un groupe apparenté aux Awlâd D’laym, qui, durant la première partie du XIXe siècle, avait préservé une certaine autonomie dans les zones limitrophes de l’Adrar et du Tagânit ; ils leur infligent finalement une sévère défaite vers 1880. A l’est, les engagements seront plus décisifs encore contre les Awlâd D’laym orientaux, Awlâd Salîm et Awlâd al-Mûlât, qui avaient été progressivement refoulés vers les pâturages camelins plus lointains de l’Igîdi. Les Awlâd Salîm étaient déjà plus ou moins passés sous la protection des Rgaybât Sahel ; un nouveau conflit les décime et les amène à rejoindre les Awlâd al-Mûlât en 1889. Les Awlâd D’laym orientaux éprouvent alors de grandes difficultés pour maintenir leur prééminence sur ces pâturages de l’Igîdi, convoités simultanément par les Kunta et les Brabish de l’Azawâd ainsi que par les Touaregs de l’Ahaggar. Profitant de ces conflits, les Rgaybât les attaquent et occupent cette zone. Les restes des Awlâd D’laym de l’est se dispersent et s’intègrent aux Brâbar et aux Rgaybât (fraction Skarna).

En un peu plus d’un siècle après qu’ils aient commencé à pratiquer l’élevage camelin sur ces pâturages sahariens septentrionaux, les Rgaybât ont ainsi affirmé leur emprise pastorale sur toute la zone qui avait été, dans les siècles antérieurs, le berceau de l’influence sanhâjienne, puis de celle des Banî Hassân.

178 Il existe nombre de travaux sur les Rgaybât parmi lesquels nous retiendrons ceux de Sophie Caratini, Les Rgaybat (1610-1934), Paris, L’Harmattan, 1989

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse452

Ils détiennent à la fin du XIXe siècle un troupeau camelin important et ils ont intégré comme clients une partie des groupes tribaux qu’ils ont repoussés ou soumis. Leur expansion et le renforcement de leur nombre, ainsi que de leurs capacités militaires leur permettront de mobiliser des forces considérables, au XXe siècle, contre les troupes coloniales et les tribus « soumises » du sud.

Revenons un temps sur la perspective locale. La tribu rgaybi s’est d’abord constituée dans la région de wed shbayka, entre wed Drâca et Saqiyat al-Hamrâ. Dans cette même région, Gacada, où a pu commencer à se développer leur élevage camelin, est appelé parfois l’ilwish (peau de mouton ornée pour la prière) de Sîd-Ahmed Rgaybi. Cette région restera dominée par les Rgaybât al-Gwasîm lorsque les Ahl Sahel occuperont progressivement des pâturages périphériques de plus en plus lointains, vers l’est et le sud. À nouveau s’affirme la vocation de la Saqiyat al-Hamrâ et du Tirîs comme berceau du peuplement de l’Ouest-saharien, au confluent de traditions pastorales et agricoles, aussi rudes que soient les conditions de vie dans le désert, et peut être même à cause de cette rudesse des casabiyyât « bédouines » que soulignait déjà Ibn Khaldoun.

Il m’a semblé préférable de parler d’hégémonie « pastorale », dans le cas des Awlâd D’laym puis des Rgaybât, plutôt que d’hégémonie « territoriale », car l’accès aux pâturages ne relève pas d’un droit exclusif et relève de rapports de force militaires et politiques pour le contrôle des troupeaux, toujours menacés de pillage (ghazw), et des ressources hydriques et végétales. Une fois leur hégémonie instaurée sur le nord, les Rgaybât continueront le mouvement de pression séculaire sur les troupeaux et les pâturages du sud. Ils mèneront ainsi une guerre courte (1902-1904) mais meurtrière contre les Awlâd Qaylân, la puissante tribu hassân (guerrière) de l’émirat de l’Adrar, puis contre les tribus soumises aux Français. Pillant celles-ci ou combattant les GN (Groupes nomades) coloniaux, ils signent des traités provisoires et vite oubliés lorsque les conditions climatiques les ramènent au sud, et remontent dans les zones dissidentes du nord quand elles y sont favorables. Paradoxalement, après leur soumission (1934) et pour garantir celle-ci, c’est l’administration coloniale qui leur ouvre l’accès à ces pâturages méridionaux en décrétant (1936) la liberté d’accès aux pâturages sous son contrôle.

De nouveaux almoravides ?

On observe d’autres tentatives de contrôle des tribus du nord, qui préserveront toujours néanmoins leur autonomie, leurs capacités de choisir leurs alliances ou d’assumer leurs conflits, à la différence de la situation qui prévaut dans les formations émirales qui se créent dans le sud-ouest et le centre de l’actuelle Mauritanie. Elles sont le fait de personnages religieux consacrés qui développent leurs entreprises dans la seconde partie du XIXe siècle.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 453

Une première tentative avortera rapidement et ne dépassera pas le cadre régional. Shaykh Sîdi M’hammed al-Kuntî est originaire de la tribu des Kunta, de la branche de l’Azawed malien où s’est diffusée à la fin du XVIIIe siècle la tarîqa qâdiriyya à l’initiative de son grand-père Shaykh Sîdi al-Mukhtâr. L’ordre confrérique qu’a établi celui-ci repose sur les affiliations religieuses mais il a aussi une dimension économique – mettant l’accent sur le commerce du sel de Taoudenni et le commerce caravanier – et une influence politique qui s’exercera surtout dans la boucle du Niger et chez les Touaregs voisins. Shaykh Sîdi M’hammed al-Kuntî s’emploiera à appliquer ce même modèle dans le nord de l’Ouest saharien où les Kunta de l’Adrar exploitent déjà la grande saline d’Idjîl. Tout en intervenant dans les affaires de l’émirat de l’Adrar, il se constitue une clientèle de disciples guerriers qui le suivent aveuglement, et avec leur soutien, sans doute celui des Kunta de la région, des Tajakanat et des Awlâd D’laym chez lesquels il séjourne, il s’installe dans la Saqiyat al-Hamrâ. Il restaure en particulier les puits de Bir Umm Grayn bien situé pour contrôler les caravanes. Son autorité cependant n’est pas reconnue par les Awlâd Bûsbac, concurrents commerciaux, et par les Rgaybât luttant pour instaurer leur domination sur les pâturages du nord, et il est tué lors d’un combat qui l’oppose à ces tribus, en 1865 à Gûr Gnayfida dans le bassin supérieur de la Saqiyat al-Hamrâ.

Peu après, à partir de 1873, un autre homme de religion s’installe dans la Saqiyat al-Hamrâ. Il s’agit de Shaykh Mâ al-cAynîn, né en 1830 d’un père, Shaykh Muhammad Fadhîl, fondateur d’une tarîqa soufie dans les Hodh, l’est de la Mauritanie actuelle. Très jeune il a voyagé et suivi des enseignements au Maroc et il a effectué le pèlerinage aux Lieux Saints ; il a fait ensuite de longs séjours dans l’Adrar et le Tirîs, s’installant un temps à Tindouf, effectuant des miracles qui frapperont les esprits, avant de décider de s’installer dans la région où il avait de nombreux disciples, malgré une certaine réserve des Rgaybât. Sa capacité d’intervenir dans les conflits tribaux – il régla ainsi nombre de différends entre les Awlâd Bûsbac et les Rgaybât, ou encore entre ceux-ci et les Awlâd Qaylân de l’Adrar en 1904 – contribue à renforcer son autorité dans la région, où il finit par construire, à partir de 1898 le qsar de Smara, bien situé sur les pistes caravanières179. Les disciples regroupés autour de lui ou sous l’autorité des muqqadem qu’il nommait dans les tribus constituèrent vite une force appréciable.

Il avait très tôt noué des relations avec le makhzen marocain, avec le Roi Mawlay Hassân (1873-1894) qui se proposait, par son intermédiaire, d’intervenir dans ces lointaines affaires tribales dans lesquelles le makhzen essayait de reprendre la main. Mawlay cAbd al-cAziz favorisa de même son influence dans la région

179 La construction de Smara fut décidée après deux autres tentatives de sédentarisation, toujours dans la Saqiyat al-Hamrâ, à Dar Hamrâ puis à al-Maltga.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse454

ainsi que le développement de sa tarîqa fadhiliyya dans l’ensemble du Maroc. La menace coloniale, simultanément dans l’Ouest-saharien et au Maroc, le conduisit à intervenir de manière croissante dans les affaires marocaines. Partisan de l’organisation du jihâd pour repousser les envahisseurs, il obtient des secours de Mawlay cAbd al-cAziz pour organiser la résistance en Mauritanie après la mort de Coppolani180, retardant jusqu’en 1909 la conquête de l’Adrar. Craignant une offensive française et privilégiant ses ambitions marocaines, Shaykh Mâ al-cAynîn avait quitté Smara181 pour s’installer dans la qasba de Tiznit en 1907 ; il en fit le centre de la résistance aux pressions françaises sur le Maroc auxquelles le makhzen répondait de plus en plus difficilement. Après le remplacement du souverain par son frère Mawlay al-Hafidh qui se proposait de traiter avec les Français. Shaykh Mâ al-cAynîn organisa la résistance et il leva une armée parmi les tribus du Haut-Atlas et du Sous. Il subit cependant un grave revers militaire et il dut se replier sur Tiznit où il mourut en octobre 1910 et où il est enterré. Son fils, Ahmed al-Hiba (1877-1919), reprit ses objectifs de jihad et se proclama Sultan en 1912 dans le Sûs avant d’être repoussé par les troupes coloniales.

La colonisation mit fin au projet politique saharien des Ahl Shaykh Mâ al-cAynîn, dans lequel nombre d’auteurs ont cru voir une réécriture, après un millénaire, de l’épopée des murabitûn, des Berbères lamtûna, conquérant le Maghreb, et une partie de l’Espagne, et repoussant les puissances européennes sous la bannière de la défense de l’islam. Elle finit aussi par venir à bout de l’irrédentisme des tribus du nord de l’Ouest-saharien, avec l’occupation française des « Confins », en 1934, qui va permettre une occupation plus effective par les Espagnols des territoires sahariens qu’ils revendiquaient, en particulier de la Saqiyat al-Hamrâ le Tirîs restant partagé entre les deux pays. Le choix de faire d’el-Ayoun le centre administratif de la colonie souligne à nouveau l’importance historique de cette région pour le peuplement du « petit Sahara » et plus généralement de l’ensemble de l’Ouest-saharien.

180 Coppolani est l’inspirateur et le principal acteur de la conquête française de la Mauritanie. Il mourut à Tijigja en 1905, au cours de l’attaque d’un groupe de résistants recrutés dans la confrérie soufie des ghûdf dans l’Adrar.

181 Smara fut effectivement attaquée et occupée quelques jours par les troupes françaises du lieutenant-colonel Mouret en 1912, au mépris des accords entre la France et l’Espagne, pour répondre à la résistance efficace des nomades du nord et aux attaques meurtrières des tlamidh de Shaykh Mâ al-cAynîn.

VIIIconclusions et enseignements

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 457

vincent perraultJournaliste, Chef du service économique, LCI

L’exercice qui m’est offert aujourd’hui de procéder à la synthèse des travaux des Rencontres Internationales de Dakhla du mois de Novembre 2010 sont un honneur en premier lieu, mais une lourde tâche !

Quoi de plus difficile de faire la synthèse, au plus proche de la réalité, des nombreuses tables rondes, des travaux riches, de propos tenus pas des experts en intelligence économique des 5 continents.

C’est avec un grand plaisir, et une grande humilité que j’ai pu suivre durant ces 2 jours, les travaux des différents ateliers, au nombre de 6, avec des thèmes très variés mais très complémentaires, indissociables les uns des autres comme une « maison à bâtir » avec ses fondamentaux, ses règles.

Observer, écouter, suspecter parfois même les intentions des uns et des autres, d’ores et déjà, au travail d’intelligence économique à l’intérieur même des ateliers ! alors évidemment construire une nouvelle vision des territoires, concilier les stratégies spécifiques d’autonomie des territoires avec les stratégies nationales d’intégration et de centralité, pour tout cela il eut fallu finalement un élément essentiel : de la GENEROSITE ! Générosité au sens du temps passé à réfléchir par chacun des participants…

Beaucoup de matière, d’informations recueillies mais évidemment beaucoup de réflexion sur l’utilisation au mieux de cette matière économique, comment finalement chers Amis rendre ce volume d’information INTELLIGENT par et pour tous et en 1er lieu pour les acteurs régionaux locaux, un processus à terme profitable à toute l’économie du Maroc…

j’ai été frappé de voir comment, et c’est quelque part rassurant, les uns et les autres se sont souciés de l’émergence de fragilités économiques dans cette compétition déjà bien engagée, une compétition rude sans concession entre les territoires et les régions…. des travaux très riches avec des échanges de points de vues de

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse458

grande qualité, venus des 4 coins du monde, Asie, Amérique du Sud, Europe, pacifique, qu’il m’est difficile de vous restituer dans leurs précisions à la minute, tant les discussions ont été denses et fournies.

Alors bien sur le Maroc peut être l’une des solutions pour améliorer la compétitivité industrielles des entreprises étrangères certes, mais ca doit marcher dans l’autre sens également… et notamment sur la capacité des entreprises marocaines à être fortes face à une concurrence internationale et notamment asiatique de grande envergure, d’autant que le maroc d’un point de vue économique possède un cadre macro-économique plutôt favorable, même si le ministre des finances marocain Monsieur Mezouar a été obligé de concocter une loi de finance 2011 sous la pression… Pression des prix pétroliers, qui se confirme ! helas… associée à une hausse du budget de la caisse de compensation des prix le tout dans un contexte de croissance qui ne devrait pas atteindre les objectifs de 6%, chiffre seuil pour un retour massif de l’emploi dans le pays, au demeurant, 5% de croissance avec une inflation de moins de 2% et un déficit budgétaire contenu à 3 et demi %, c’est encourageant pour le développement industriel régional, décentralisé, d’autant que ce gouvernement est réellement décidé à faire de cette loi de finances une priorité respectueuse du tissu économique et social dans tout le pays !

Si tu me le permet cher Driss, j’ai une idée à faire avancer, puisque l’intelligence économique a besoin de moyen, a besoin d’énergie, mais aussi d’argent… qu’il est prévu des réductions de 10% sur les dépenses de fonctionnement de l’état , et qu’il est question de faire la guerre aux dépenses de l’administration, ne peut on pas envisager que la rationalisation du train de vie de l’Etat permette de subventionner des actions ciblées et opportunes pour de l’intelligence économique dans chaque régions en tenant compte de leurs spécificités, voilà un très bon moyen de créer de la croissance intelligemment !

Lorsque le Maroc à la chance de posséder une plate forme de commerce internationale, qui dessert les plus grands pays du monde ainsi que ses voisins grâce aux accords de libre échange et bien voilà un outil qui doit se mettre au service des régions et du tissu économique régional.

L’intelligence voudrait que la participation de l’Etat par exemple se situe au niveau des performances à transmettre aux entreprises et aux organismes régionaux notamment sur le travail des agences de notations qui ont relever la notation du Maroc, voilà qui doit être mieux exploité, parce que ca veut dire que la stratégie choisie, tout du moins pour le moment, est cohérente et équilibrée///

Lorsque se crée les 3M, les métiers mondiaux du Maroc, que sont l’offshoring, l’automobile, l’agro alimentaire ou le textile et bien ca veut dire que le secteur industriel se structure, voilà un bon vecteur de communication spécialisée !

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 459

Mais mes chers amis, j’ai aussi compris, vu et entendu durant ces ateliers que rien ne se ferait sans la formidable machine humaine ! comment accorder de l’importance aux infrastructures régionales, nationales locales, sans prendre en compte celui ou ceux qui les font tourner, alors oui et heureusement l’intelligence humaine s’est invité durant ces 2 jours, ce qui a permis de remettre au centre des travaux les ressources humaines … dès lors, comment faire fructifier l’économie du savoir et de la connaissance au service des territoires, et au-delà au service des populations, DE LA POPULATION MAROCAINE TOUTE ENTIERE finalement !

J’ai entendu des interrogations de ci de là : quels outils à mettre en place pour améliorer la compétitivité des territoires, comment protéger le savoir, le savoir faire et le patrimoine de ces territoires face à la concurrence ? comment maintenir un niveau élevé de performance dans le but de préserver la cohésion sociale et la réalité économique ? Sujet ô combien d’actualité au regard du chaos, quelques jours seulement après les rencontres internationales de Dakhla, sujet qui a « embraser » une partie de l’Afrique du nord et du moyen orient…

Si la Tunisie, l’Algérie ou encore l’Egypte s’était posé cette question de la cohésion sociale et de la réalité économique comme l’a fait le Maroc peut être que les évènements se seraient déroulés d’une manière différente... nous n’uarions sans doute pas vu ou assister à ce triste spectacle de populations, transformées en « émeutiers » de la faim…

Du dialogue, de la confiance, du partage, de la Concertation, des piliers mes chers amis indispensables pour l’évolution des peuples et que seul le Maroc pour l’heure a réussi à intégré dans son schéma directeur.

Ne soyons pas angélique, bien sûr qu’il reste un travail de titan à réaliser pour élever le pays au rang des tous premiers d’Afrique du Nord, mais fallait-il attendre la révolte des peuples pour réagir, le Maroc a fait un autre choix, celui du respect, de l’écoute et de l’entraide avec son peuple. Puisse le Maroc servir de laboratoire social, d’une intelligence « délocalisée » pour reprendre un terme d’actualité, pour l’ensemble des peuples décidés à l’observer dans son évolution.

Inventer des plates formes intelligentes entre l’état, les administrations et les PME, les acteurs privés, favoriser cet échange, favoriser l’évolution de cet économie du SAVOIR et de la connaissance…

Chers amis, souvenez vous , et c’est plutôt rassurant, que si l’intelligence est effectivement destinée à rassembler des énergies et des compétences au service de la compétitivité des territoires, et bien elle n’est pas l’apanage des SEULS GRANDS GROUPES, ! les PME n’ont plus de territoire national protégé c’est terminé ! et la concurrence devenue leur priorité quotidienne.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse460

Alors oui aux observatoires, oui aux associations de toutes parts sur le sujet, oui à toutes les initiatives plus ou moins positives d’ailleurs… mais une idée centrale est ressortie chers amis entre hier et aujourd’hui ici à Dakhla, c’est l’obligation d’être rationnel face à des initiatives très et parfois trop nombreuses, au risque même d’être redondants, il me semble primordial, essentiel de coordonner les actions au niveau national, mais avec ce souci permanent évidemment de faire redescendre en direction des régions, mettre en place finalement un dispositif d’intelligence économique efficace, ce qui doit être la règle également dans l’autre sens… des régions en direction de l’Etat.

Je voudrais terminer chers amis par cette phrase que je vous invite à méditer, quand vous aurez un peu de temps… un message franchement réaliste et encourageant pour l’avenir… messages des générations qui nous suivent, qui nous observent et qui nous ont juste prêté un grand terrain de jeux qu’il faudra un jour leur rendre en bon état si possible…

des jeunes qui s’adressent à nous, à vous, aux dirigeants aux chefs d’entreprises à ceux qui réfléchissons dans les anti chambres , aussi intelligents soient ils, qu’ils n’oublient jamais que quelque soit le domaine, l’activité, la région, la couleur, il est une vérité universelle, Mesdames, messieurs « SOUVENEZ VOUS toujours qu’on a toujours besoin d’un plus petit que soi pour grandir, y compris en économie ».

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 461

Declaration De DaKHla

Les élus, les opérateurs et les représentants des Chambres de commerce et d’industrie marocains et français et des Confédérations des entreprises, les directeurs généraux des Agences de développement des provinces du Sud, du Nord, les représentants des forces vives économiques, scientifiques et sociales, les présidents des Associations, les experts académiques et praticiens des cinq continents182 réunis à Dakhla dans les Provinces du Sud du Royaume du Maroc les 22 et 23 novembre 2010;

reconnaissant que cette réunion internationale pionnière tenue grâce l’engagement et l’hospitalité des autorités du Royaume du Maroc et qui a rassemblé sur le sujet novateur de l’intelligence territoriale des personnalités du monde académique et des experts praticiens des cinq continents a permis,

d’atteindre un niveau très riche d’échanges et de créativité inspiré par - l’esprit de prospective,

des réalisations d’ores et déjà concrètes à travers la signature de - conventions relatives à des projets de coopérations en matière de développement, d’innovation, d’intelligence territoriale et de formation;

considèrent que le Royaume du Maroc et aujourd’hui particulièrement ses Provinces du Sud, situés à la porte de l’Afrique sub-saharienne constituent un territoire-creuset du codéveloppement du futur, un laboratoire vivant d’un développement ouvert à la fois sur l’Afrique porteuse d’un nouvel espoir de croissance et de développement et sur le Nord – l’Europe, partenaire privilégié;

soulignent qu’à ce titre les pays africains et francophones et la communauté des CCI réunies dans la Conférence Permanente des Chambres de commerce et d’industrie Africaines et Francophones et les Confédérations Nationales des

182 Représentant de l’Argentine, du Brésil, du Burkina Faso, du Sénégal, de la Mauritanie, de la Tunisie, des Emirats Arabes Unis, du Canada, des Etats-Unis, de la France, de la Belgique, d’Allemagne , d’Italie, du Portugal, des Iles Caraïbes, du Royaume du Maroc, de la Serbie, de la Bulgarie, du Vietnam.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse462

entreprises ont un rôle essentiel à jouer, y compris dans le renforcement des liens avec les Pays anglophones du Continent Africain.

sont convaincus que la crise mondiale douloureusement vécue par les nations, les peuples et les entreprises du Sud et du Nord constitue un terreau fertile pour innover et penser les modèles de développement inédits de notre siècle ;

reconnaissent que l’appartenance à des réseaux de savoir, de connaissance, de capacités d’intelligence et d’expertise partagés et fondés sur des valeurs communes de confiance, de solidarité, mais aussi de diversité culturelle respectée représente une force puissante de développement et de coopération.

considèrent qu’à ce titre les réseaux des CCI et des Confédérations des entreprises jouent un rôle majeur dans l’accompagnement des entreprises très petites et moyennes au service des territoires et des projets de développement en partenariat avec les institutions publiques en charges du développement local.

partagent la conviction que l’intelligence économique entendue comme la maîtrise de l’information et des connaissances au service des stratégies de développement nourrit « la force de frappe coopérative » indispensable pour forger des alliances inédites face aux périls contemporains qui ne peuvent plus désormais être affrontés seuls;

considèrent que l’ampleur des mutations sociales, techniques, économiques et l’urgence obsédante de la création de nouvelles richesses et d’emplois en particulier par la promotion de l’entrepreneuriat placent la démarche d’intelligence territoriale au centre des leviers de développement et d’innovation de nos territoires au Sud comme au Nord.

sont convaincus que les dynamiques de développement local par l’entreprise fondées sur la mobilisation du « génie humain » et basée sur une démarche d’intelligence économique et stratégique, tout en contribuant à la promotion de nouvelles générations de modèles de régionalisation, constituent un puissant mouvement de développement durable tout entier orienté vers la réduction des inégalités de développement, la création de nouvelles sources de revenus, la sécurité économique et le codéveloppement solidaire mutuellement partagé.

Décident à ce titre,

de contribuer- activement à l’hybridation des réseaux d’experts et de praticiens afin d’entrainer des usages innovants et une utilisation créative de l’intelligence économique au service d’un aménagement des territoires pertinent et adapté aux nouvelles mutations des systèmes productifs locaux et régionaux impulsées par les réalités actuelles de la mondialisation.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 463

Ces réseaux permettent à chacun dans sa diversité de s’enrichir, mais - aussi d’intégrer une dynamique d’innovation collective et de coopération par le partage d’expertises et d’expériences entre territoires, entre acteurs du développement des champs de l’industrie, de l’artisanat, de la culture et du social;

d’instituer- la communauté d’experts et de praticiens de l’intelligence territoriale réunis à Dakhla comme réseau de savoir et de connaissance dont les travaux seront animés par les Associations fondatrices et qui sera susceptible de se réunir à échéances régulières à l’invitation des communautés nationales de praticiens et d’experts présents à Dakhla, afin de poursuivre et de développer les échanges, suivre et évaluer les travaux et les projets engagés dans ce cadre.

Fait à Dakhla, le mardi 23 novembre 2010

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 465

اإعالن الداخلة

الفرن�سية، و كذا املغربية و ال�سناعة التجارة و الفاعلون و ممثلو غرف املنتخبون و نحن

فدراليات املقاولت، و املديرون العامون لوكالة تنمية الأقاليم اجلنوبية و ال�سمالية، و ممثلو

القوى احلية القت�سادية و العلمية و الجتماعية، و روؤ�ساء اجلمعيات، و اخلرباء اجلامعيون

22 يومي املغربية للمملكة الأقاليم اجلنوبية بالداخلة يف املجتمعني القارات اخلم�س من

و23 نونرب 2010.ال�سلطات املغربية و حفاوتها، التزام الرائد، الذي عقد بف�سل اللقاء الدويل اأن هذا - نقر

حول اخلم�س القارات من اخلرباء و اجلامعي العامل �سخ�سيات من ثلة جمع والذي

�سكل مقارنة«، دولية املقاولة، جتارب عرب اجلهوية التنمية و الرتابي »الذكاء مو�سوع

فر�سة �سانحة لبلوغ م�ستوى نقا�س غني و خالق ا�ست�رشافا لآفاق م�ستقبلية واعدة و

حل�سد اجنازات ملمو�سة متثلت يف توقيع اتفاقيات متعلقة مب�ساريع تعاون يف جمالت

التنمية، البتكار، الذكاء الرتابي، و التكوين.

- نعترب اأن اململكة املغربية، خ�سو�سا اأقاليمها اجلنوبية، يف الوقت الراهن، التي تعترب بوابة

على اإفريقيا جنوب ال�سحراء ت�سكل اأر�سا خ�سبة مل�ستقبل التنمية امل�سرتكة و خمتربا حيا

يف خدمة تنمية منفتحة على اإفريقيا امل�سلحة باأمل متجدد للنمو و التنمية، على ال�رشيك

الأوروبي خ�سو�سا،

الفرنكوفونية، و جمموعة غرف التجارة و ال�سناعة امللتئمة اأن الدول الإفريقية و - نوؤكد

مبنا�سبة املوؤمتر الدائم لغرف التجارة و ال�سناعة الإفريقية و الفرنكوفونية، و

الكونفدراليات الوطنية للمقاولت لها دور اأ�سا�سي يف تعزيز الروابط مع الدول الإفريقية

الناطقة باللغة الجنليزية:

لهم قناعة را�سخة اأن الأزمة العاملية التي تعي�سها الأمم و ال�سعوب و مقاولت اجلنوب •و ال�سمال ت�سكل اأر�سا خ�سبة لالإبداع و البتكار و التفكري يف مناذج غري م�سبوقة

للتنمية يف هذا القرن.

يعرتفون باأن النتماء اإىل �سبكات املعرفة و العلم و قدرات الذكاء و اخلربة املتبادلة •املبنية على القيم امل�سرتكة املتمثلة يف الثقة، و الت�سامن و التنوع الثقايف، كل ذلك

ميثل قوة رافعة للتنمية و التعاون.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse466

- نعترب اأن �سبكات غرف التجارة و ال�سناعة، و كونفدراليات املقاولت تلعب دورا اأ�سا�سيا

يف مواكبة املقاولت ال�سغرى و املتو�سطة خلدمة املجالت الرتابية، و م�ساريع التنمية،

ب�رشاكة مع املوؤ�س�سات العمومية املعنية بالتنمية املحلية.

- نقت�سم القناعة اأن الذكاء القت�سادي باعتباره اأداة للتحكم يف املعلومة و املعارف خلدمة

ا�سرتاجتيات التنمية و تغذي »القدرة على التعاون« ال�رشورية من اأجل بناء حتالفات غري

م�سبوقة يف مواجهة املخاطر املعا�رشة التي ل ميكن مواجهتها ب�سكل انفرادي.

- نعترب اأن حجم التحولت الجتماعية و التقنية و القت�سادية، و كذا ال�رشورة امللحة خللق

ثروات جديدة و توفري منا�سب �سغل اإ�سافية عن طريق ت�سجيع املبادرة احلرة، �سيجعل

باملناطق البتكار و التنمية، جمالت يف حموريا عن�رشا الرتابي الذكاء مقاربة من

اجلنوبية و ال�سمالية.

»العبقرية تعبئة على املبنية املقاولة املحلية عرب التنمية ديناميات اأن قناعتنا نعرب عن -

ت�سجيع الإ�سهام يف مع ال�سرتاتيجي، و القت�سادي الذكاء مقاربة على و الب�رشية«

تقلي�س تروم التي امل�ستدامة للتنمية قويت حركة ت�سكل للجهوية، اجلديدة الأمناط

الفوارق و خلق م�سادر جديدة للدخل، و الأمن القت�سادي، و التنمية الت�سامنية ذات

املنافع املتبادلة.

و يقررون:

الإ�سهام الفعلي يف »تالقح �سبكات اخلرباء« و املمار�سني ق�سد توليد ا�ستعمالت اأول:•

متكيف و للرتاب ناجع اإعداد خدمة يف القت�سادي للذكاء مبدعة و متجددة

يتما�سى مع التحولت اجلديدة لأنظمة الإنتاج املحلية و اجلهوية التي يفرزها واقع

اإدماج و اإغناء تنوعه، �رشيك، يف و طرف لكل ال�سبكات هذه ت�سمح و العوملة.

بني التجارب و اخلربة تقا�سم على اعتمادا التعاون، و اجلماعي البتكار دينامية

املجالت الرتابية و فاعلي التنمية يف ميادين القت�ساد و ال�سناعة التقليدية، كما على

�سعيد الثقافة و الجتماع.

ثانيا: اإحداث �سبكة جمموعة خرباء و ممار�سني للذكاء الرتابي املجتمعني يف الداخلة•

اجلمعيات قبل من الأعمال فيها نظمت التي و العلم، و املعرفة �سبكة اإطار يف

املوؤ�س�سة، و التي من �ساأنها توحيد املجموعات الوطنية للممار�سني و اخلرباء املتواجدين

يف الداخلة يف اإطار اآجال منتظمة بهدف متابعة و تطوير التبادل و مواكبة و تقييم

الأ�سغال و امل�ساريع التي مت اللتزام بتنفيذها و امل�سادقة عليها يف هذا الإطار.

و حرر يف الداخلة، يوم الثالثاء 23 نوفمرب 2010.

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 467

Declaration oF DaKHla

Elected officials, stakeholders and representatives of Moroccan and French Chambers of commerce and industry and of employers’ confederations, directors-general of the Agencies for development of the northern and southern provinces, representatives of the economic, scientific and social active community, presidents of associations, academics and practitioners from the five continents, convening in Dakhla, within the bounds of the southern provinces of the Kingdom of Morocco on November 22 and 23, 2010;

Whereas they recognize that this vanguard international conference which the Moroccan authorities have made possible on the strength of their commitment and hospitality, has brought together prominent experts and towering academics from the five continents to debate such novel theme as territorial and intelligence and thereby,

Enjoy a the cut and thrust of discussion along the lines of a forward-- looking creative approach,

And concrete achievements as evidenced by the agreements entered into - for the purpose of cooperation geared towards development, innovation, territorial intelligence and training;

whereas the Kingdom of Morocco and now its Southern Provinces, as a gateway to sub-Saharan Africa, stand as a melting pot congenial to future-oriented co-development, an actual design house ready to serve Africa as a continent yearning for more growth and development and to stand by Europe, deemed to be a privileged partner;

Whereas they maintain that, in this respect, African and French-speaking countries alongside the Chambers of commerce and industry convening for the sake of the Standing Conference of chambers of commerce and national employers’ associations, have prominent part to play in, among other things, solidifying the bonds with the English-speaking countries of the Africa.

Whereas they are persuaded that the world crisis, which dealt sore and harmful blows to nations, peoples and business of the North and the South alike, is a

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse468

valuable opportunity to rethink innovatively such development models as to be in tune with our times;

Whereas as they acknowledge that affiliation with networks of knowledge, knowhow and expertise, shared and founded on such common values as confidence, solidarity, and respect for cultural diversity, is conducive to a new drive of development and cooperation.

Whereas they consider, to this effect, that the networks of chambers of commerce and the employers’ associations and confederations have a part to play in mentoring and supporting, tiny, small- and medium-sized businesses in furtherance of local development projects in poartnership with the authorities and institutions concerned.

Whereas they suitably agree that economic intelligence, intended as a technique designed to harness information and knowledge to further development strategies, nurtures « cooperation-oriented strike power » deemed to be key to building new coalitions to come to terms with the modern world dangers which now no country alone can afford, at present, to deal with;

Whereas they consider that massive social, technological and economic changes, and the obsessively urgent task of creating additional wealth and job opportunities, especially by promoting entrepreneurship, are such that a territorial intelligence approach is instrumental in any development and innovation pursuit intended for our territories be that in the South or in the North.

Whereas they are totally persuaded that business-driven local development dynamics born of mobilization of the « human genius » and based on an economic and strategic approach, while promoting new generations of devolution models, will be a strong momentum for sustainable development meant to reduce inequalities, create new sources of income and to bring about economic security and mutually beneficial solidarity-based co-development.

now, therefore,

Will actively contribute - to cross-fertilization of experts’ and practitioners’ networks in such a way as to make innovative use of economic intelligence in furtherance of relevant land-use management, adapted to new changes in the local and regional productions systems as fashioned by globalization.

Such networks will allow, diversity permitting, for everyone’s part in the play, yet enable them to work synergetically and innovatively through sharing expertise and experience between territories and development

IntellIgence terrItorIale et développement régIonal par l’entreprIse 469

stakeholders in the areas of industry, arts and crafts, culture and social and community services;

Will establish - the community of the experts and practitioners of territorial intelligence meeting in Dakhla into a knowledge and expertise network which will be led by the founding Associations along the lines of an agenda that features regular meetings to be convened by such national communities of experts and practitioners, for the purpose of further exchange of ideas, and of monitoring and evaluation of projects initiated on that occasion.

Dakhla, november 23th, 2010

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DeclaraciÓn De DaKHla

Los funcionarios electos, los operadores y representantes de Cámaras de Comercio e Industria marroquíes y franceses y de las Confederaciones de empresas, los directores generales de las Agencias de desarrollo en las provincias del sur, del norte, los representantes de las fuerzas económicas, científicas y sociales, los presidentes de asociaciones, los expertos académicos y profesionales de los cinco continentes, se reunieron en Dakhla, en las provincias del sur del Reino de Marruecos los 22 y 23 de noviembre de 2010 y ;

reconociendo que esta reunión internacional pionera celebrada gracias al compromiso y a la hospitalidad de las autoridades del Reino de Marruecos, que ha reunido en torno al tema innovador de la inteligencia territorial a personalidades del mundo académico y a expertos profesionales de los cinco continentes183, ha permitido ,

lograr un nivel muy elevado de intercambios y de creatividad inspirados - por el espíritu de prospectiva ,

realizaciones, de ahora en adelante, concretas a través de la firma - de convenios relativos a proyectos de cooperación en los ámbitos del desarrollo, de la innovación, de la inteligencia territorial y de la formación ;

consideran la posibilidad de que el Reino de Marruecos y, hoy en particular, sus provincias del sur ubicadas en la puerta de África subsahariana, sea la tierra del crisol del co-desarrollo del futuro, un laboratorio vivo de un desarrollo abierto tanto a África, que lleva una nueva esperanza para el crecimiento y el desarrollo, como al Norte – con Europa que es un socio privilegiado;

recalcan que como tal, los países africanos y francófonos y la comunidad de las CCI reunidas en la conferencia permanente de las Cámaras de Comercio e

183 Representantes de Argentina, de Brazil, de Burkina Faso, Senegal, de Mauritania, de Túnez, de los Emiratos Arabes Unidos, de Canada, de los Estados Unidos, de Francia, de Bélgica, de Portugal, de las Islas del Caribe, del Reino de Marruecos, de Serbia, de Bulgaria y de Viêt-Nam.

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industría africanas y francófonas y la Confederaciones nacionales de empresas tienen un papel esencial que desempeñar inclusive en el fortalecimiento de los vínculos con los países de habla Inglés del continente africano ;

están convencidos de que la crisis mundial sufrida por las naciones, los pueblos y las empresas del Sur y del Norte es un contexto propicio para pensar e innovar los modelos de desarrollo inéditos de nuestro siglo;

reconocen que la pertenencia a redes de saber, de conocimiento, de capacidades de inteligencia y de experiencia compartidos y basados no sólo en valores comunes de confianza y de solidaridad sino también en una diversidad cultural respetada es una fuerza poderosa para el desarrollo y la cooperación.

consideran que como tal las redes de las CCI y de las Confederaciones de empresas desempeñan un papel principal en el apoyo a las muy pequeñas y medianas empresas al servicio de los territorios y de los proyectos de desarrollo en colaboración con las instituciones públicas encargadas del desarrollo local.

comparten la convicción de que la inteligencia económica que se entiende como dominio de la información y del conocimiento al servicio de las estrategias de desarrollo nutre “la fuerza de asaltos cooperativa” imprescindible para forjar nuevas alianzas para hacer frente a los peligros contemporáneos que ahora ya no se pueden enfrentar solo;

consideran que la importancia del cambio social, de las técnicas económicas y de la urgencia obsesiva de creación de nuevas riquezas y empleos en particular a través de la promoción del espíritu empresarial, colocan la inteligencia territorial al centro de las palancas de desarrollo y de innovación de nuestros territorios en el Sur tal como en el Norte.

están convencidos de que la dinámica de desarrollo local a través de las empresas basada en la movilización del “ingenio humano” y en un proceso de inteligencia económica y estratégica, a la vez que ayuda a promover nuevas generaciones de modelos de regionalización, es un potente movimiento de desarrollo sostenible totalmente orientado hacia la reducción de las desigualdades en el desarrollo, la creación de nuevas fuentes de ingresos, la seguridad económica, la solidaridad y la cooperación al co-desarrollo solidario mutuamente compartidos.

Deciden como tal

- contribuir activamente a la hibridación de las redes de expertos y profesionales con fin de animar usos innovadores y creativos de la información económica al servicio de una planificación regional pertinente y adaptada a las nuevas mutaciones de los sistemas productivos locales y regionales impulsados por la realidad actual de la globalización.

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Estas redes no sólo permiten a cada uno enriquecerse en su diversidad, sino también integrar una dinámica de innovación colectiva y de cooperación mediante el intercambio de conocimientos y experiencias entre territorios, entre los actores del desarrollo en los ámbitos del artesanato,de la cultura y en el ámbito social ;

- establecer la comunidad de expertos y de profesionales de la inteligencia reunidos en Dakhla territorial como red de saber y de conocimientos, cuyo trabajo será animado por las asociaciones fundadoras y que será susceptible reunirse a plazos regulares por invitación de las comunidades nacionales de profesionales y expertos presentes en Dakhla, con el fin de continuar y ampliar los intercambios y evaluar el trabajo y los proyectos emprendidos en este marco.

realizado en Dakhla, el martes, 23 de noviembre de 2010

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post Face

Hommage à la rencontre Internationale de Dakhla

Réunis à Dakhla,Pour nous dire le la,De l’IT bien servie,Grâce à Driss Guerraoui.

Saut dans l’intelligence,Et dans l’excellence, Bien alimentés,Par la « Saharaoui Vallée »,

Vingt pays, cinq continents,Ont mêlé leurs talents, Pour bien tracer la voieA la « Déclaration de Dakhla »

L’IT est à l’homme,Ce qu’est l’eau pour le drome,Source de vie et d’images,Pour ces fils des nuages.De belle sérénitéQui aident l’Humanité

A bien vivre le progrès, Créer la solidaritéDes cultures, des fiertésDe l’Euro-Méditerranée

Merci à nos amis,Pour ces éléments de vie.

Jean-Yves Delaune, Ecrit dans l’avion qui nous conduisait de Dakhla à Laâyoune, le 24 novembre