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Actes Identite Langue Etat

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Haut commissariat à l'AmazighitéAsqamu Unnig n Timmuz ɣ aaAsqamu uUnniG n timuz$a

Direction de la Promotion Culturelle

ACTESdes Colloques

Identité, langue et EtatBibliothèque Nationale d'Algérie

El Hamma, Algerles 18/19 et 20 mars 2003

La permanence de l'architecture amazighe

et l'évolution des cités en AlgérieGhardaïa

les 21/22 et 23 avril 2003 

Haut Commissariat à l'Amazighité

2008

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Identité, langue et EtatBibliothèque Nationale d'Algérie

El Hamma, Alger

les 18/19 et 20 mars 2003

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SOMMAIRE

* Allocution d’ouvertureSi El Hachemi ASSADDirecteur de la Promotion Culturelle  9

* Les emprunts anciens en berbère : pour un examencritique de la question

Mohand Akli HADDADOUUniversité Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou  13 

* Identité, langue et Etat : Le rapport dialectiqueKhalfa MAMERI

Dr. d’Etat en sciences politiques, Univ. Paris I.Ancien maître de conférences à l'Université d'Alger 

Ancien député, ancien ambassadeur  35 

* Oralite et écriture : une complémentaritéGilbert GRANDGUILLAUME

EHESS, Paris  49 

* La terre, la femme et le pouvoir chez les Touaregs :le cas des Kel Azjer

Dida BADIAttaché de recherche CNRPH, Alger  57 

* Identité amazighe, entre spécificité et mondialisationAbdelkader KACHER

Maître de conférences en droit constitutionnel  73 

* La question linguistique et la nature de l’EtatDr Mouloud LOUNAOUNCI

Sociolinguiste  95 

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* Le breton, un exemple de langue régionale d’enseignement :Quelle analogie possible avec le tamazight ?

Anna Vari CHAPALINUniversitaire, bureau européen 

des langues moins répandues, Paris  113 

* Tifinagh la phénicienne et la conception villageoisede l'Amazighité

Miloud TAIFIUFR des sciences du langage, Maroc  123 

* La langue : problématique de construction

de l'identité et de la citoyennetéMohamed Lakhdar MAOUGAL

Maître de conférences, Université d'Alger  133 

* Pour une identité plurielle Anne Marie HOUDEBINE

Professeur, Universitaire, Paris V. 135 

* Les fondements juridiques de la langue amazigheou le droit face à l’identité culturelle : société etEtat de droit

Mostafa MAOUENEEnseignant chercheur, Université de Sidi Bel Abbés  137 

* Etat, espace et identité : de la filiation séculaireà l’infra-dénomination

Farid BEN RAMDANEEnseignant chercheur, Université de Mostaganem/ 

CRASC Oran  139 

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Allocution d’ouverture

Madame la Ministre de la Communication et de la Culture,Monsieur le Président du conseil de la langue Arabe,Mesdames et Messieurs les représentants des institutions,Excellence,Messieurs les délégués du mouvement associatif amazigh,Mesdames et Messieurs,

’est un grand honneur pour nous de partageravec vous ces moments forts qui serontcertainement humbles, historiques et sereins.

  J’aimerais, en mon nom et au nom du comité

d’organisation, vous souhaiter une cordiale bienvenue et par lamême occasion remercier le directeur de la BibliothèqueNationale qui s’est associé avec nous pour l’organisation de cerendez-vous.

Nous tenons aujourd’hui ce colloque car force est deconstater que face aux manifestations d’incompréhensions, desurenchères, d’hostilité et de mépris qui caractérisent les débats

sur la problématique de l’Amazighité, il faut opposer uneactivité intellectuelle, une résistance de la pensée, de l’action etun débat serein, majeur et scientifique.

Les thèmes que nous voulons débattre  à travers cecolloque sont complexes et sensibles. C’est dire, combien lacharge qui nous incombe de devoir simplement offrir latribune pour introduire, simplifier et vulgariser le débat maisaussi cerner une problématique qui tire ses arguments

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Actes du Colloque international 

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théoriques et d’analyses dans plusieurs disciplinesacadémiques.

Pourquoi ce choix ?D’abord sur sujet représente un axe fondamental del’actualité des intellectuels Algériens d’hier et d’aujourd’hui.C’est un événement qui couvrira une partie de l’analyse d’uncombat de toute une génération depuis le mouvement national

  jusqu’à l’avènement du mouvement citoyen en passant par leprintemps de 1980.

Il est donc naturel que le HCA propose ce thème enécho aux préoccupations des universitaires qui travaillent surces questions. C’est à travers le discours de ce panel despécialistes en linguistique, en anthropologie, en littérature eten histoire, ici présents, que nous puiserons certainement de lamatière pour une réflexion juste et des analyses pertinentes.Leurs écrits ont déjà mis l’accent sur le vif du sujet et traité lerapport dialectique entre Identité, Langue et Etat.L’analyse des liens et de l’interaction entre ces éléments sera

envisagée lors de cette même matinée, première séance quemonsieur le professeur KACHER va nous faire l’honneur deprésider.

L’objectif donc est de développer les axes prospectifs dece thème générique. Cette approche contribuera, je l’espèretrès vivement à fournir une opportunité d’acter l’émergenced’une véritable réhabilitation de Tamazight en Algérie.

Tamazight étant de fait langue nationale mais aussireconnue, en tant que telle, dans la loi cadre du pays, voicimaintenant une année, doit véhiculer une langue decommunication dans la société et doit par conséquent, devenirune langue des institutions de l’Etat.Ceci passe par l’examen des voies et moyen en mesure de luidonner un caractère officiel en faisant une langue écrite,codifiée et normalisée.

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Identité, langue et Etat 

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Comme soubassement à cet acquis, le HCA considère laconstitutionnalisation de Tamazight comme une mesureinsuffisante car celle-ci n’est pas suivie par une implication

entière de l’environnement institutionnel.Aussi il y a lieu de réaffirmer la position de notre

institution qui consiste à dire que la restauration de notreidentité, notre Algériannité passe nécessairement par laréhabilitation des langues nationales, l’Arabe et le Tamazight.

Merci.

Si El Hachemi ASSADDirecteur de la Promotion Culturelle 

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Les emprunts anciens en berbère :pour un examen critique de la question

Mohand Akli HADDADOUUniversité Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou 

’emprunt est un phénomène universel : qu’ils’agisse de guerre ou relations pacifiques, aucunpeuple n’a pu développer sa culture de façon

autonome, toutes les langues se sont trouvées, à un moment ouà un autre de leur histoire, en contact avec d’autres langues etont subi, d’une façon ou d’une autre, leur influence. Le berbèrene fait pas exception à la règle et il est aisé de reconnaître dans

son vocabulaire les traces des cultures et des civilisations qu’ila côtoyées : cultures et civilisations puniques, latines, arabes,turques, romanes… et, contrairement à ce que l’on croit, il adû en prêter lui-même. C’est, en effet, un phénomène connudans l’histoire des langues que les vainqueurs, tout enimposant leur langue, se laissent influencer par celle desvaincus (J. MANESSY-GUITTON, 1968, p. 830). Aujourd’hui,on soupçonne des vocables, égyptiens, grecs et latins, d’être

d’origine libyque. C’est le cas du nom du singe en grec,  pithé  qui proviendrait du berbère abidaw, iddaw, ou de celui del’oasis, en égyptien, waêat, qui serait le nom autochtone dudésert de Libye. (Sur ces mots voir, V. BLAZEK, 1984 et J.LECANT, 1993).

Mais quand un savant allemand du dix-neuvièmesiècle, Movers, affirma qu’une partie des cultures légumineuseset des mots qui les désignent chez les Latins sont d’origine

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Actes du Colloque international 

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berbère, il s’attira cette remarque de l’historien français, S.Gsell :

« On a allégué des mots berbères ou prétendus tels qui 

ressemblent plus ou moins à des mots grecs ou latins, ayant la même signification, et on a soutenu que ceux-ci ont été empruntés aux Africains. Mais pour les termes qui sont vraiment apparentés, c’est aux Africains que l’emprunt est imputable » (S. GSELL, 1913, p. 314)

Il est vrai qu’à l’époque, on était plutôt enclin à croireque les Berbères, frustes et primitifs, ne pouvaientqu’emprunter aux autres, non seulement le savoir et lestechniques mais aussi les mots qui les véhiculent. C’est ainsi,qu’au cours des années, on a dressé des listes d’empruntspuniques mais surtout latins, glanés dans tous les dialectesberbères, même ceux qui, comme le touareg, ont échappé auxdominations punique et romaine. En fait, la question desemprunts anciens en berbère a été, dés l’origine, marquée parce présupposé idéologique du Berbère acculturé qui s’estcontenté d’enregistrer les modèles culturels qu’on lui imposait.Les faits de langue -correspondances phonétiques et

morphologiques- sont rarement invoqués, les auteurs secontentant de vagues ressemblances. Il est vrai que les critèreslinguistiques, comme le -us final des mots latins ou le -im dupluriel des mots phéniciens, sont trop peu nombreux pourpermettre d’établir des correspondances régulières. Il ne restealors que les similitudes phonétiques et ce présupposé que leberbère doit une partie de son vocabulaire technique auxautres langues. Répétons que ces critères sont contestables et,

en tout cas, ils n’offrent pas suffisamment de garanties pourdéterminer si un mot berbère est d’origine phénicienne oulatine. Et même si l’identification est plausible, rien ne prouve,comme le signale R. KAHLOUCHE, que c’est le berbère qui estl’emprunteur et non ces langues (1992, p. 93).

Un examen des listes de mots supposés phéniciens oulatins, dressées au cours des années par différents auteurs etque nous réunissons ici, montrera combien, à l’exception dequelques termes, les prétendus emprunts sont douteux.

Beaucoup de mots, notamment ceux qui réfèrent à la vie

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Identité, langue et Etat 

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quotidienne et à l’environnement naturel des Berbères sontcertainement d’origine autochtone.

L’emprunt puniqueSelon l’historien latin Diodore de Sicile, les Phéniciens se sontinstallés sur les côtes libyques bien avant la fondation de Gades(actuelle Cadix, en Espagne) vers 970 avant JC. L’historien grecStrabon pensait, lui, que les Phéniciens ont fondé des villes enLibye, c’est à dire l’actuel Maghreb, bien avant l’époque deHomère (S. GSELL, 1913, p. 359 et s.). Quoi qu’il en soit, laprésence phénicienne sur les côtes maghrébines doit remonterà une époque très ancienne, sans doute à partir du 12ièmesiècle avant JC, Lixus, l’actuelle Larache sur la côte atlantiquedu Maroc ayant été fondée au milieu du 12ième siècle avant

  J.C, Gades vers 1110, Utique, non loin de Tunis vers 1101.Carthage, couronnement de l’expansion phénicienne enMéditerranée occidentale, a été fondée, elle, vers 814. (Sur lachronologie de la présence phénicienne au Maghreb, voir F.DECRET, 1977, p. 237 et s.)

Au début, les Phéniciens ont cherché l’alliance des

Berbères et ont payé pendant prés de quatre siècles un tribut àleurs chefs, en échange du territoire qu’ils avaient reçu pourconstruire leur ville. Beaucoup de Berbères ont dû d’ailleurss’installer à Carthage et y exercer les métiers les plus divers,principalement celui de soldat.(F. DECRET, opus cité, p. 82 et s.)

Il est certain que comme de nombreux peuples dubassin méditerranéen, les Berbères ont bénéficié de la

civilisation carthaginoise à laquelle ils ont emprunté desinventions et des techniques, notamment dans le domaineagricole. Mais à partir du 5ième siècle avant J.C, Carthage aadopté une politique impérialiste, annexant de nombreuxterritoires, dépouillant les paysans des riches terres agricoles,soumettant les populations à de lourds impôts et abolissant letribut payé aux princes numides. C’est le début des hostilitésentre Carthage et les Etats berbères qui s’étaient constitués dansles régions indépendantes. Mais Carthage devait se heurter à

un ennemi encore plus redoutable, Rome, qui, inquiète de

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Actes du Colloque international 

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l’expansion punique dans la Méditerranée occidentale, lui alivré une première guerre (264-241), lui arrachant plusieursde ses colonies en Europe. Une deuxième guerre (218-201) la

priva du reste de ses possessions. C’est alors au tour desBerbères, menés par Massinissa, de s’emparer de territoirespuniques, d’abord le long de la Petite Syrte, en Tripolitaine,puis en Tunisie centrale et dans la région des Grandes Plaines,pourvoyeuse de céréales. C’est alors que les Carthaginoisprennent la décision de reconquérir leurs territoires. Rome,considérant qu’il s’agit d’un casus belli et, résolue à en finiravec la cité punique, lui déclare de nouveau la guerre (150).Défaits, les Carthaginois refusent de se rendre. Ils subissent unlong siège de trois ans et leur ville prise est entièrementdétruite et la population qui a échappé au massacre est réduiteen esclavage et dispersée (printemps 146).

La fin de Carthage ne signifie pas la fin de la languepunique qui a continué à être utilisée dans les anciensterritoires carthaginois. Déjà, au temps de Massinissa,pourtant en guerre constante contre les Carthaginois, elle a étéélevée au rang de langue officielle dans le royaume numide.

Elle a dû garder un certain statut, après la destruction deCarthage : ainsi, la dédicace du mausolée de Massinissa àDougga est rédigée en libyque et en punique (H. BASSET, 1921,p. 343, J. B CHABOT, 1940, p. 3-4). Mais l’usage du punique adû être restreint et de toutes façons, la masse des Berbères, quivivaient hors de Carthage, n’a pas subi son influence au pointde se puniciser.

La survivance du punique durant la période romaine a

suscité, dans la seconde moitié du 20ième siècle, unepolémique parmi les historiens français. S’appuyant sur desécrits de Saint Augustin où il est question de langue punique, S.GSELL (1913-1928 tome VI, p.111) et E.F. GAUTIER (1952, p.146) ont soutenu que la langue de Carthage s’est maintenue

 jusqu’à la fin de la période romaine. Cette idée a été contestéepar Ch. COURTOIS (1950) qui a montré que Saint Augustinemployait  punicus  et lingua punica pour désigner le berbère.On a pensé que la question était tranchée mais la polémique a

repris avec la découverte d’inscriptions puniques tardives. Ch.

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Identité, langue et Etat 

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SAUMAGNE (1953) qui s’est appuyé justement sur cesdécouvertes, a soutenu que le punique est resté en usage auMaghreb jusqu’au 6ième siècle de l’ère chrétienne. T. LEWICKI

(1978, p. 187-188), s’appuyant sur le témoignage d’un auteurmusulman du Moyen âge, repousse cet usage jusqu’au 10ièmesiècle de l’ère chrétienne. De toutes façons, même si le puniquea survécu jusqu’à cette date, son usage - ou seulement l’usagede son écriture - devait se limiter à des groupes réduits. En toutcas, d’une cohabitation presque millénaire avec lui, le berbèrene garde que quelques mots puniques. L’influence a dû êtreplus importante dans le passé et il n’est pas exclu qu’une

 grande partie des mots puniques aient été couverts par l’arabe,langue sémitique étroitement liée au phénicien.

Le vocabulaire d’origine punique en berbèreOn relève une vingtaine de termes dont beaucoup sont attestésdans la quasi totalité des dialectes et qui font donc partie duvocabulaire berbère commun.

- aɣanim (K., Chl, MC etc) «Roseau», rapporté à la racine

QNM, hébreu : qanim (STUMME, 1912, p. 125,SCHUCHARDT, 1919, p. 165, VYCICHL, 1952, p. 202).- aɣrum (Nef., K, Chl etc.) « Pain», teɣormit «Croûte de pain»(To), hébreu qerûm «Croûte ».- ahâtim < azâtim (To) «Huile» tahatimt «Olivier», hébreu :zetim (VYCICHL, opus cité, p. 201).- armun (Nef.) «Grenades», nom d’unité taremmunt ; hébreu :rimmôn, arabe : rummân (VYCICHL, opus cité, p. 201).

- taɣessimt (Chl., Nef. etc.) «Concombre», hébreu : qiccɛim (VYCICHL, p.200).- agulzim (Chl) «Houe, pioche» (SCHUCHARDT, opus cité,p.165, VYCICHL, opus cité, p.201).- awerdal (Chl.) «Moutarde», punique hrdl (VYCICHL, opuscité, p. 201).- deffu (Nef.) «Pomme», tadfwit (K.) adfu (Cha), hébreu tappûḥ,arabe tuffaḥa (VYCICHL, opus cité, p. 201).- axencim (Chl) «Poing» (VYCICHL, opus cité, p. 202).

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Actes du Colloque international 

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- alim (K., Chl., MC etc) «Paille», agalim (K.) «Paille mâchée»(STUMME, opus cité, p. 127, SCHUCHARDT, opus cité, p. 165,VYCICHL, p. 199).

- agusim (K.) «Ecorce de noyer», hébreu egozim(SCHUCHARDT, p. 165, VYCICHL, p. 199).- aẓalim (Chl) «Oignon» (STUMME, opus cité, p. 125).- uzzal (Nef., Ghd., K., Chl etc) «Fer», hébreu barzel (STUMME,opus cité, p. 126).- agadir (Chl, K., To etc.) «Mur, rempart» gadir (Siw.), hébreugader, arabe ǧidâr (STUMME, opus cité, p. 123, VYCICHL,opus cité, p. 199).- amendam (To) «Quelque chose de semblable», mendam,féminin tamendamt, punique : * mad’m (VYCICHL, opus cité,p. 200).- amadir (Chl.) «Corde», hébreu ma’der (STUMME, opus cité,p. 125, VYCICHL, opus cité, p. 200).-anas «Cuivre», punique : nḥs, hébreu, neḥoset (VYCICHL,opus cité, p. 200).- agulmim (Nef., Chl, MC, K. etc) «Mare, étang, réserve d’eaunaturelle» (STUMME, opus cité, p.164-165, VYCICHL, p.200).

- enir (To) «Lampe», inir (Siw.) iunir (Nef.), hébreu ner.- admim (K.) «Aubépine» (SCHUCHARDT, opus cité, p. 164).- idim, pl. idamen (Chl.) «Sang» (SCHUCHARDT, p. 165).- aɣatim (To) «Sandale» (SCHUCHARDT, opus cité, p. 165).- areḍlim (K.) «Merisier» (SCHUCHARDT, opus cité, p. 129).- timeǧerdim (K.) «Clématite» (SCHUCHARDT, opus cité, p.168).- tagumimt (Wrg) «Gorgée» (SCHUCHARDT, opus cité, p. 164).

- askim (Chl.) «Bois suspendu à une poutre» isekkim (K.)asekkum, skum (Cha.), (SCHUCHARDT, opus cité, p. 169).- atarzim (K.) «Nitraria tridentata (plante)» (SCHUCHARDT,opus cité, p. 169).- atermum (K.) «Postérieur, anus» (SCHUCHARDT, opus cité, p.169).- taɣurrimt (Chl) «Paille» (SCHUCHARDT, opus cité, p. 169).- azuzim (K.) «Plantago serraria, plante» (SCHUCHARDT, opuscité, p. 170).

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Identité, langue et Etat 

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- acilmum, cilmum (K.) «Fruit de l’orme» (SCHUCHARDT, opuscité, p. 170).- elmed (To) «Apprendre », hébreu lâmad (VYCICHL, opus cité,

p. 200).- ɣar (K. Chl. etc.) «Appeler, lire» (VYCICHL, opus cité, p. 201).- agerjum (K.) «Gorge» (idem).

Un certain nombre de mots, donnés comme puniques,sont certainement d’origine arabe : c’est le cas de inir «lampe»et de agerjum « gorge ».

Dans la liste donnée, le critère d’identification desemprunts puniques est surtout morphologique : l’emploi dumorphème du pluriel -im , attesté également en hébreu, langueétroitement liée au phénicien et avec laquelle les mots berbèressont souvent confrontés dans ce type de recherche.

On remarquera que c’est le vocabulaire de la botaniquequi est le plus redevable au punique. Il n’y a là rien d’étonnantquand on sait que les Carthaginois étaient passés maîtres dansl’art de l’agriculture et de l’arboriculture (voir F. DECRET, opuscité, p. 87). Il n’est pas impossible que les Berbères aient appris

d’eux l’art de greffer et de soigner les arbres et qu’ils aientamélioré, à leur contact, leurs techniques et leurs instrumentsagricoles. On fera remarquer, cependant que les principalesplantes cultivées sont spontanées en Afrique du nord et qu’ellesportent des noms berbères qui paraissent d’une grandeantiquité, puisque communs à la plupart des dialectesberbères : irden «blé», timẓin «orge» pour les céréales,tazemmurt «olivier» (à côté du touareg tahatimt, qui serait, lui,

d’origine punique), tazart «figuier» pour l’arboriculture (voir E.LAOUST, 1920, p.265 et 409-464). Les données linguistiqueslaissent donc croire que la culture de ces plantes est antérieureà l’arrivée des Phéniciens.

Si on peut imaginer que des plantes non autochtonespuissent porter des noms empruntés, le rattachement deplantes sauvages -donc forcément spontanées- à des motsétrangers ne se justifie pas. Pourquoi, en effet, les Berbèresemprunteraient-ils aux Carthaginois le nom de l’aubépine ou

celui du roseau qui font partie de leur environnement naturel ?

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Actes du Colloque international 

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Au demeurant, faut-il rattacher au punique tous les mots qui seterminent par -im ? Ils sont certainement plusieurs dizaines etil n’y a aucune raison de leur supposer une origine étrangère.

(Sur ces mots, voir J. PEYRAS et D. BAGGIONI, 1991).Un certain nombre de mots donnés comme puniquespourraient appartenir au vocabulaire chamito-sémitiquecommun, auquel appartiennent le berbère et le phénicien. C’estle cas de elmed «apprendre», ɣar « appeler, lire » etc. attestésdans les différentes branches de la famille. Il y a, enfin, les motsvoyageurs que l’on retrouve dans des aires qui ne sont pasforcément apparentées. C’est le cas de aɣanim «roseau» quel’on retrouve en latin sous la forme cana.

L’emprunt latinLes Romains sont restés moins longtemps au Maghreb que lesCarthaginois, mais leur influence linguistique semble plusimportante, si l’on croit les listes d’emprunts latins en berbère,dressées par différents auteurs.

A la différence du phénicien, apparenté au berbère, lelatin est une langue indo-européenne, donc génétiquement

différente. Cependant, les aires linguistiques des deux languesétant géographiquement proches, il n’est pas exclu qu’elles sesoient mutuellement influencées et même qu’elles aient partagéun fonds commun que l’on appelle parfois fonds méditerranéen .

Rappelons d’abord que la rencontre de Rome et dumonde berbère s’est faite dans la violence : celle d’une longueconquête qui a commencé avec les guerres puniques et la lutte

entre les Romains et les Carthaginois pour l’hégémonie dans laMéditerranée occidentale, qui s’est poursuivie par desingérences politiques et militaires et qui s’est achevée par uneoccupation qui devait durer plusieurs siècles.

Les historiens français de la période coloniale ontsouvent parlé de miracle romain fait, en Afrique comme dansle reste de l’Empire, d’unité et de stabilité. Cette vision idéalisteet apologétique de l’impérialisme romain est non seulementfausse mais surtout elle voile, pour ce qui est du Maghreb, les

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Identité, langue et Etat 

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résistances militaires et culturelles des populations autochtonesà la romanisation (voir M. BENABOU, 1976, p. 9 -20).

Si dans les villes, le modèle culturel et donc la langue

latine ont fini par s’imposer, dans les campagnes, lespopulations sont restées largement berbérophones. On parlaitmais aussi on écrivait le berbère, ainsi qu’en témoignel’abondance des inscriptions libyques datant de la périoderomaine. Que des inscriptions soient bilingues ou quebeaucoup d’autres aient été retrouvées à proximité des centrespuniques ou romains ne signifie pas, comme on l’a parfoisaffirmé (par exemple M. BENABOU, opus cité, p. 48) qu’il n’y avait pas, avant la pénétration carthaginoise ou romaine, detradition épigraphique libyque et que c’est par imitation desCarthaginois et des Romains que les Berbères se sont mis à

 graver des textes sur les pierres. Ce n’est pas parce qu’on n’apas encore retrouvé d’inscriptions dans les régions éloignéesdes centres romains que l’écriture n’était pas utilisée dans cesrégions. Bien des stèles ont dû disparaître et d’autres restent àdécouvrir. Pour le seul Maroc, indigent en matièred’inscriptions, le nombre de stèles découvertes a été multiplié

par trois, en trente ans (L. GALAND et alii, 1966, p. 12-13).Enfin, signalons que des inscriptions autochtones ont étéretrouvées au Sahara, dans une région où les Romains n’ontpas exercé d’influence. Et de nos jours, le seul groupeberbérophone à avoir conservé l’usage de l’écriture est celuides Touaregs.

Comme pour le punique, on peut reconnaître dans lesdialectes berbères actuels, des mots d’origine latine mais les

longues listes d’emprunts dressées depuis plus d’un siècle, sontcertainement exagérées. Il ne faut pas oublier, non plus, quedes considérations idéologiques ont souvent présidé lesrecherches, notamment durant la période coloniale où lesemprunts latins ont été parfois interprétés comme des restes delatinité, voire des survivances de Rome au Maghreb (M.CWAGNER, 1936).

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Actes du Colloque international 

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Mots latins ou supposés latins en berbère

a- La série des mots du calendrier julien, encore en usage dans

les campagnes maghrébines (sur le calendrier « berbère », voir J. SERVIER, 1962, GENEVOIS, 1975).- yannayer, nnayer (K) ennayer (MC) innayer (Chl), innar (To), latin januaris «janvier».- furar (K) febrayer (MC) xubrayer (Chl) forar (To), latin :februarius «février».- meɣres (K) mars (MC et Chl) mars (To), latin : mars «mars».- brir, yebrir (K) ibril (MC) ibrir (Chl) ibri (To), latin, aprilis «avril», on rapporte également à ce mot le nom de la grêle,abruri (K., MC etc.), (STUMME, opus cité, p. 187).- mayyu, maggu (K) mayyu (MC) mayyuh (Chl) mayyu (To),latin : maius «mai».- yunyu, yulyu (K) yunyu (MC) yulyu (Chl) yunioh (To) , latin :junius «juin».- yulyu(z) (K) yulyuz (MC, Chl) yulyez (To), latin : julius «juillet».- ɣuct (K, MC, Chl) ɣuccet (To), latin : augustus «août», on

rattache également à ce nom le mot awussu qui désigne unepériode de canicule (L.SERRA, 1990).- ctember (K) ccutanbir (MC, Chl) cetenber (To), latin :September «septembre».- tuber, ktuber (K) ktuber (MC, Chl) tuber (To), latin : october «octobre».- nwamber, wamber (K) ennwamber (MC, Chl) wanber (To) ,latin : november «novembre».

- ǧember, duǧember (K) dduǧumber (MC) dujambir (Chl)dejanber (To), latin : december «décembre».

b- Plantes cultivées et sauvagesE. LAOUST (1920, p. 506) a dressé une liste d’une dizaine demot rapportés au latin et plus rarement au grec.- tarubia (Chl) «Garance voyageuse», latin : rubia.- tifirest (Chl, MC, K etc.) «Poire commune», latin : pirus.- ulmu (K) «Orme champêtre», latin : ulmus.

- gernunec (Chl), gerninuc (K) «Cresson», latin : crisonus.

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Identité, langue et Etat 

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- ifilku (K) «Fougère», latin : felix, felicis.- blitu (K) «Chenapodium album, latin : blitum.- sarremu (Chl) «Ronce», latin : sarmentum «Sarment».

- azebbuj (R, K) «Oléaster», latin : acerbus «Amer».- tinuat (Chl) «Tan», latin : tanum.- abellaluz (MC) «Tige d’asphodèle», latin : bulbus et grecbolbes.- akerruc (K) «Chêne», akerruc «Chêne vert» (MC, Chl), latin :qercus.

On ajoute à cette liste :

- tilintit, tlintit (Chl) «Lentilles», latin : lens, lentis (STUMME,1912, p. 122, E. LAOUST, 1920, p. 269, note 1).- ikiker (Chl) «Pois chiche», latin : cicer (prononcé : kiker)(STUMME, opus cité, p. 122, E. LAOUST, opus cité, ibidem).- abawn (Chl) ibawen (K) «Fève», latin : fabae (STUMME, opuscité, p. 122).- ileli «Millet» (Ghd) ilni (Nef), latin : milium (E. LAOUST, opuscité, p. 268).

- tayda (Wrg) «Ecorce de pin servant à tanner», latin : taeda (J.DELHEURE, p. 374).- abiw (Wrg) «Céléri», latin : apium (J. DELHEURE, opus cité, p.36).

c- Agriculture, matériel agricole- urti (Chl) «Jardin, verger», latin : hortum , horti (STUMME,opus cité, p. 122).

- iger (Chl, K etc.) «Champ», latin : ager (STUMME, p. 122).- anarar (Ghd) «Meule de paille» annar (Chl, K) «Aire à battre»,latin : area (S. BOULIFA, 1913, p. 390).- afinar, afenyar (MC) «Meule de paille», latin : fenucum (E.LAOUST, opus cité, p.364).- atemun (R, MC, K) «Flèche de la charrue», latin : temonem (E.LAOUST, opus cité, p. 286).- awraru, awatru (Chl) «Perche de la charrue», latin : aratrum «Charrue» (STUMME, opus cité, p. 127, E. LAOUST, opus cité,

p. ).

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Actes du Colloque international 

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- tayuga (MC, Chl, k etc.) «Attelage, paire de bœufs, couple»,latin : yugum «Joug» et «Attelage, couple, paire» (STUMME,opus cité, p. 122, E. LAOUST, p. ).

- azaglu (K, Chl etc.) «Joug», latin : jugulum «Gorge, clavicule»(E. LAOUST, opus cité, 293).

d- Animaux- afalku (K etc.) «Gypaète barbu (oiseau de proie)», latin : falco «Faucon» (SCHUCHARDT, opus cité, 40).- ajraw (Chl etc.) «Grenouille, latin : x (SCHUCHARDT,opus cité, p. 40).- amergu (K) «Grive», latin : mergus (SCHUCHARDT, opuscité, p. 40).- tafullust (Chl) «Poule» afullus «Coq», latin : pullus (E.DESTAING, 1920 p. 227, STUMME, opus cité, p. 122).- asnus (Chl) «Ane», latin : asinus (STUMME, opus cité, p. 122).- ajaṭṭus (Chl), aqiṭṭus (Néf) «Chat», latin : cattus (STUMME,opus cité, p. 122).

e- Objets

- taɣawsa (To, Nef, K etc.) «Chose, objet», latin : causa (H.SCHUCHARDT, opus cité, p. 73).- afarnu (Chl, MC etc.) «Four», latin : furnus (E. LAOUST, opuscité, p. 3).- maru (Nef) «Mur », latin : murus (H. SCHUCHARDT, opuscité, p. 64, également STUMME, tamarut, opus cité, p. 121).- agben (Siw) «Cabane», latin : vulgaire : caparena «Hutte»(STUMME, opus cité, p. 99).

- berǧen (To) «Tente en poils», latin : barca (G.S. COLIN, 1926,pp. 57-58).- anaw (Chl) «Navire», latin : navis (STUMME, opus cité, p.122).- tabburt (K, MC, etc.) «Porte», latin : porta (STUMME, opuscité, p. 122).- tekamurt (Nef) «Fenêtre», latin : camur «Voûte» (E. LAOUST,1932, p. 237).- kamur (Wrg) «Chambre, pièce d’appartement», latin : camera 

(J. DELHEURE, 1987, p. 147).

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Identité, langue et Etat 

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- tlima, trimma (R) «Lime», latin : lima (RINASIO, 1932, p.336).- tara (Sokn) «Terrasse», latin : aera «Sol uni, emplacement,

place etc.» (E. LAOUST, 1932, p. 301).- abelun (Nef) «Tapis», latin : velum (E. LAOUST, opus cité, p.299).- tuṭebla (Nef) «Table, tronc de palmier scié», latin : tabula (W.VYCICHL, 1993, p. 265).- tusebla (Nef) «Alêne», latin : sebula (W. VYCICHL, ibid).- Ɣasru (Nef) «Ksar, village fortifié au Sahara», latin : castrum,plutôt que de l’arabe qaṣr, qui dériverait lui aussi du latin (G.S.COLIN, 1927, p. 93).- qisi (Nef) «Fromage», agisi (Cha), même sens, latin : caseus (H. SCHUCHARDT, opus cité, p.53).

f- Autres mots- akurat (Wrg) «Chef de clan, de quartier», latin : curatus (J.DELHEURE, 1987, p. 154).- amerkidu (Wrg, Mzb) «Grâce», latin merces (J . DELHEURE,opus cité, p. 195).

- abekkaḍ (To) «Péché», latin : peccatum (Ch. De FOUCAULD,1951-52, p. 52 ).- aneǧlus (To) «Ange, chéri», latin : anoelus (Ch de FOUCAULD,opus cité, p. 1332).- tafaska (To) «Fête du sacrifice» (Ch. de Foucauld, opus cité, p.365).

De tous ces emprunts -la liste n’est pas exhaustive- il

n’y a que la série des noms de mois qu’on peut rattacher, sanshésiter, au latin. Et encore, il n’est pas sûr que l’emprunt se soiteffectué directement du latin au berbère. On pense, en effet,que les dialectes berbères n’ont fait que reprendre lesdénominations du calendrier copte d’Egypte, calqué sur lecalendrier julien et que les conquérants arabe ont diffusé auMaghreb sous le nom de ɛ âm al ɛ a  ǧ amî, «l’année profane». Lapreuve est que certaines mansions du calendrier copte, commea ḥ eggan, nnissan etc., se retrouvent dans le calendrier berbère

alors que les subdivisions romaines, ides , calendes et nones , y 

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Actes du Colloque international 

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sont inconnues. (Voir J. SERVIER, 1962, p. 283-285, L.GENEVOIS, 1975, p. 4-10.)

On peut supposer qu’une partie de la terminologie

relative à la charrue est empruntée au latin, les Romains ayantpu, en effet, introduire des modifications dans la charrueberbère ou plutôt, les Berbères ayant pu adopter certainséléments de l’araire romaine. «L’attelage actuel de l’araire berbère , écrit E. LAOUST, est romain ou visiblement modifié du romain et non de l’égyptien, le corps désignant les parties essentielles sont tous berbères… » (1922, p. 301).

Mais il reste l’hypothèse que les Berbères n’aient rienemprunté : « (leur charrue) est-elle l’instrument modifié d’un 

modèle importé par des étrangers ? Est-elle due, au contraire, à l’initiative intelligente des autochtones ? C’est possible quoique nous soyons habitués jusqu’ici à considérer les Berbères comme tributaires de l’étranger pour les acquisitions précieuses qui ont le plus contribué, comme la charrue, au développement de la civilisation » (E. LAOUST, ibidem).

Faut-il invoquer également la possibilité d’acquisitionstechniques pour ce qui est de certains objets : afarnu « four »,

anaw « navire », tekamurt « fenêtre », tusebla « alêne » etc. ? Lesressemblances phonétiques et sémantiques sont fortes danscertains cas et plaident donc pour l’emprunt, mais il restel’hypothèse que les mots appartiennent à un fonds commun, cefonds méditerranéen que l’on évoque parfois. Par ailleurs,l’origine latine de certains mots n’est pas certaine. C’est le casde pirus duquel on fait dériver le berbère ifires « poire » maisque les dictionnaires étymologiques latins mentionnent comme

d’origine inconnue.Le vocabulaire « religieux » pourrait être le résidu de lapériode chrétienne de l’Afrique, avec des mots commeamerkidu « grâce » < merces  « grâce, salut » notions quiappartiennent à la terminologie ecclésiastique et surtouttafeska « fête de l’aïd el kébir » qui proviendrait de  pascua  « Pâques ». Même si les dialectes où ces mots sont attestés(mozabite, ouargli, touareg) ne sont pas situés dans lesanciennes zones christianisées, on peut supposer qu’ils y ont

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Identité, langue et Etat 

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été transportés par les contacts entre les populations du nordet du sud, ou les déplacements du nord vers le sud.

Certains mots comme aqiṭṭus « chat » (Nef) ou asnus

« âne » (Chl) sont isolés et pourraient bien être des emprunts.De prime abord, la motivation de l’emprunt n’apparaît pasdans la mesure où il existe des dénominations berbères et desurcroît commun à la majorité des dialectes. Peut-être, faut-ilsupposer des raisons sociologiques comme les interdits quifrappent certains mots berbères jugés maléfiques et lesremplacent par des équivalents étrangers jugés plus neutres.

Ces cas mis à part, on voit mal comment les dialectesberbères emprunteraient des mots pour nommer des référentsqui font depuis toujours partie de leur environnementnaturel : « faucon », « grenouille », « orme », « fève » ou mêmedes techniques et des objets qui, en toute apparence sontlocaux : « hutte », « tente en poils », « fromage », « levain » etsurtout les noms de plantes sauvages. On peut objecter que desdénominations de référents locaux sont, dans beaucoup dedialectes berbères empruntées à l’arabe. Il faut répondre queles contacts entre l’arabe et le berbère sont plus étroits que

ceux qui pouvaient exister entre le latin, principalementlangue des cités romanisées, et le berbère. Les pressionsexercées par l’arabe, ainsi que la masse du vocabulaireemprunté ont fini par atteindre même les domaines de la vietraditionnelle. (Voir R. KAHLOUCHE, 1992, p. 17 et s.)

Enfin, quelques mots considérés comme des empruntspeuvent s’expliquer par le berbère. Ainsi awusu « période decanicule » pourrait provenir du verbe awes « bouillir, avoir

chaud », attesté dans quelques dialectes, ifires « poires »pourrait se rattacher au verbe efres, attesté, lui, dans plusieursdialectes avec les sens de « couper, tailler, émonder », iger « champ » peut provenir du verbe ger, avec le sens général de« mettre, introduire » mais qui connaît des sens secondairesdont celui, attesté en kabyle, de « produire, en parlant d’unchamp ou d’un verger ». Le nom du jardin et du verger, urti,pourrait également être rapporté à un verbe berbère : erti,attesté en touareg avec le sens de « être mêlé, être un mélange

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Actes du Colloque international 

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de deux ou plusieurs éléments » (Ch. De FOUCAULD, 1951-1952, p. 1673).

Le vocabulaire « religieux » (supposé d’origine

chrétienne) a également de fortes chances d’être berbère. Eneffet, abekkaḍ « péché », rapporté au latin peccatum , doit plutôtêtre rattaché au verbe bekkeḍ, attesté en chleuh, avec le sens d’« être aveugle ». Quant à tafeska « sacrifice de l’aïd el kébir »,rapporté au latin  pascua  « Pâques » (le mot latin lui mêmeprovient de l’hébreu  pesa ḥ ), il pourrait avoir lui aussi uneorigine berbère. Le chleuh qui possède le terme, connaît le motasefk, pl. isefka « cadeau consistant en une bête égorgée offertpar le mari à sa femme qui accouche », tafeska, comme asefk pourraient dériver du verbe efk (métathèse : ekf) qui signifie« donner », ils auraient ainsi le sens de « don, offrande ».

Parmi les apparentements douteux, citons pour finirtabburt « porte », en fait la forme originelle du mot esttawwurt, le bb étant une variante de ww qui se réalise aussi,parfois, gg , ce qui fait qu’il ne saurait provenir du latin  porta .Au demeurant, A. BASSET (1925) a montré depuis longtempsque le mot se rattache à un verbe wer signifiant « fermer,

obstruer ».

ConclusionComme on na pu le voir, beaucoup de mots berbèreshabituellement rapportés au punique et au latin s’expliquentpar le berbère. Les listes des emprunts se réduisent ainsi et, àl’exception de quelques séries, la plupart des mots recenséssont douteux. Le même examen critique doit être fait pour les

emprunts arabes anciens : arguant de l’abondance de cetemprunt, de son ancienneté et de son extension à tous lesdomaines du lexique, des auteurs n’hésitent pas à attribuerune origine arabe à des mots berbères, sur la seule foi deressemblances formelles ou sémantiques. Qu’il s’agisse del’apport punique , latin ou arabe, le même préjugé des Berbèrestributaires de l’étranger, pour tout ce qui est de la culture et dela civilisation, est toujours sous-jacent, quand il n’est pasclairement formulé, dans des articles ou des ouvrages, hier,

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Identité, langue et Etat 

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voulant les assimiler aujourd’hui dénigrant leur langue et leurculture.

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l’avancement des sciences , 34ième congrès, Cherbourg, Paris,pp. 617-624.- BLAZEK, V, 1984, Grec "pithecos", Linguistica , 24, Lubjana,p. 444-447.- BLAZEK, V, 2000, Toward the discussion of the Berber-Nubian lexical parallels, in Etudes berbères et chamito- sémitiques , Mélanges offerts à K.G. Prasse, Peeters, Paris,Louvain, pp. 31-42.

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Actes du Colloque international 

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Camps , université de Provence, repris dans Manuel de linguitique berbère II , pp. 259-274.

COCCO, V, 1969, Termine di cultura commune aldominio linguistico semitico-mediterraneo ed atlantico :prelatino sap(p)inus  « Pinus mugus L », arabe safinatun , ebr.sepinah « imbarcazuione », ispan. tcapar , chapirro , ecc.« roble », Proceedings of the international congress of   onomastic sciences , Vienne , 10, t. 2, pp. 95-105.- COHEN, M, 1947, Essai comparatif sur le vocabulaire et la   phonétique du chamito-sémitique , Paris, Champion, 248 p.réédition 1969.

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Actes du Colloque international 

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Identité, langue et Etat 

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Identité, langue et Etat :Le rapport dialectique

Khalfa MAMERIDr. d’Etat en sciences politiques, Univ. Paris I.

Ancien maître de conférences à l'Université d'Alger Ancien député, ancien ambassadeur.

Monsieur le PrésidentMesdames, Messieurs

a première réaction, plus instinctive que

réfléchie au moment où, fin février dernier,mon ami le docteur Mouloud Lounaoucim'avait demandé de faire une communication sur le thème,était de me dire deux choses : premièrement, qu'il y a sûrementun lien –mais lequel- entre les mots de la troïka choisis et, quedeuxièmement, le choix de ces trois vocables suggère aussil'existence d'un problème qu'il convient de bien identifier pourlui proposer si possible une solution.

  J'ai cru trop vite que mon plan était tout tracé et quemon intervention était à demi élaborée.

Il m'a fallu déchanter aussi rapidement que j'avaisaccepté d'offrir ma contribution, car sitôt plongé dans mesvieux livres d'université j'ai retrouvé, non sans frayeur tous les

 grands penseurs qui m'avaient fait tant souffrir.De Platon à John Rawls en passant par Hobbes, Locke,

Rousseau, Montesquieu, Hegel, Marx et bien d'autres encore, leconcept d'Etat dans sa nature, comme dans sa forme et sa

M

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Actes du Colloque international 

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fonction n'a cessé de travailler voire d'opposer les plus grandsesprits du genre humain.

Que de luttes et même de révolutions n'ont pas été

menées pour orienter, contrôler sans jamais maîtriser tout àfait le monstre LEVIATHAN plus raide, plus fort que jamais.Aujourd'hui encore l'Etat pose problème.

Alors comment me tirer d'affaires si peu que ce soit làtant de maîtres penseurs ont consacré toute une vie et usé tantd'énergies.

Tout simplement en essayant de ramener le thème à madimension de citoyen qui a sûrement une identité, qui parleune ou plusieurs langues et qui fait face quotidiennement àl'omniprésence de l'Etat, à sa puissance voire à son arrogance.

Mr le Président

Qu'il ait fallu plus de 40 ans pour que l'Etat algérienaccepte pour la première fois d'ouvrir un débat scientifique surses principales composantes, est en soit un signe doublementrévélateur d'abord d'une société bloquée par, des sujets tabous,

ensuite par le frémissement d'ouverture et de liberté qu'onpourrait déceler.En vérité nous sommes, nous Algériens, au pied du mur,

car nous ne pouvons plus longtemps ignorer ou feindre de lefaire qui nous sommes, d’où nous venons et que voulons nousêtre? Sans quoi non seulement nous risquons malmenés parune marche du monde terriblement accélérée, mais aussi derester indéfiniment un sujet voire un objet de l'histoire sans en

être un acteur aussi modeste soit-il.Permettez moi d’affirmer d’entrée de jeu en laissantéclater ma conviction la plus profonde que si l’Algérie est là oùelle est aujourd’hui c’est précisément parce que ses dirigeantssuccessifs, détenteurs du pouvoir d’Etat, ont fait une impassetragique sur son identité authentique et sur l’une de seslangues.

Nous recherchons plus loin quelles sont lesresponsabilités de l’Etat dans cette impasse tragique où se débat

l’Algérie.

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Identité, langue et Etat 

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Pour l’heure interrogeons nous sur identité et seslangues en espérant ne pas soulever une tempête de passions etde contestations accumulées pendant des décennies par un

discours officiel mystificateur et oppresseur.Mr le Président,

Toute personne possède dés sa naissance un patrimoineidentitaire et linguistique indiscutable il peut évoluer mais

  jamais disparaître tout à fait. On peut établir par conséquent,comme première proposition qui devrait avoir une force de loinaturelle que l'identité et la langue maternelle d'une personneont un droit d'antériorité sur l'Etat. Tant il est vrai qu'on peutvivre sans Etat mais non sans sa langue et son identité qui sontdes marqueurs de personnalité comme les gènes le sont en

  génétique humaine.Gardons-nous de compliquer une matière qui l'est

suffisamment à travers les âges comme à travers les espaceset qui a fait se disputer les plus grands penseurs del'humanité. Ramenons les choses à l'observation quotidienne

qui doit être à la portée du plus humble des hommes, pourdire ceci :Tout observateur, étranger ou non, qui circulerait en

Algérie serait frappé d'entendre suivant les endroits et les  groupes, au moins quatre langues, données sans préférenced'ordre : l'arabe dialectal, l'arabe classique, le français, et leberbère ou TAMAZIGHT appelé ici le kabyle, là le chaoui,ailleurs le mozabite et d'autres noms encore.

Pour peu que cet observateur cherche à mieuxcomprendre ce qu'il a vu ou entendu pour se demander quelssont par exemple les étendues ou les statuts de ces langues, ilva se heurter à des portes closes voire à des interdits.

C'est que, bien sûr, et nous le savons tous, seule lalangue arabe a été déclarée langue nationale et officielle àl'exclusion de toutes les autres.

Et c’est là où, je n’hésite pas à l’affirmer, que résidel’une dans causes de l’impasse historique de l’Algérie.

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Actes du Colloque international 

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Car chacun sait que jusqu'en 2002, la langue Amazighen'était non seulement pas reconnue, mais aussi interdite etpourchassée avec plus ou moins de sévérité, suivant les

endroits, les autorités et les périodes.Passe encore sur la langue française si l'on ose enparler, jugée et condamnée comme langue du colonisateuralors q'elle est en usage dans la plupart des administrations dupays et même dans la vie courante malgré les assauts répétéscontre l’Etat pour en interdire l'utilisation. On n'a pas fini, enAlgérie de mesurer les retombées négatives, ou le manque à

 gagner en matière économique, sociale, culturelle, technique ettout simplement civilisationnelle d'un tel ostracisme pour nepas dire sectarisme.

Expulsée du progrès, l'Algérie se demande quarante ansaprès son indépendance, ce qui lui est arrivé alors que lescauses de sa panne sont identifiables.

Que dire de TAMAZIGHT langue originelle dont latrace se perd avec la naissance du peuple Algérien ? Ici chaqueAlgérien doit faire un arrêt sur lui –même et se demandersérieusement, mais courageusement qui il est et d’où il vient ?

Sans qu'il soit possible de nous prononcer aveccertitude sur le point de savoir "d’où nous venons " nouspouvons au moins, faute de mieux, nous raccrocher à ce quiest relativement bien établi en ce qui concerne les donnéesethnologiques et linguistiques du peuple algérien.

S'il est bien vrai que le peuple algérien est pratiquementà 99,99% d'origine berbère comme l'affirment au moins unauteur aussi maghrébin qu'Ibn KHALDOUN et l'un des

meilleurs historiens français contemporains qu'était CharlesAndré JULIEN, on peut se demander pourquoi tant decontroverses et de passions agitent encore les algériens àpropos de leur identité.

Quant a la langue Amazighe, elle a survécu depuisl'origine des temps aussi bien à l'érosion impitoyable du tempsqu'à toutes les langues mieux armées qu'elle, à tous points devue, qui ont accompagné la conquête du pays.

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Identité, langue et Etat 

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Quels que soient aujourd'hui en 2003 son niveautechnique, scientifique et son étendue en Algérie, il devraitêtre possible de lui accorder au moins le mérite d'exister et

d'être utilisée par des millions de personnes qui lui vouent unattachement voire un amour charnel et existentiel.Avant de nous poser la question sur la responsabilité

de l'Etat face au binôme identité langue,Il n'est pas sans intérêt de rappeler même en peu de mots quin'auront ni la saveur ni la hauteur des maîtres penseurs en lamatière qu'auront été entre autres, JOHAN FICHTE et ERNESTRENAN, le lien qui existe ou non entre les deux premiersvocables de notre thème.

Pour le philosophe allemand qui est le « père de l'unitéallemande et le fils de la révolution et de Napoléon " suivantle jugement si judicieux de Bertrand de JOUVENEL, l'auteurd'un puissant livre sur le pouvoir la langue maternelle » etplus largement encore « l'éducation est l'ancrage à partirduquel tout peut reprendre après que "nous avons tout perdu"pour reprendre son expression.

N'oublions pas que la flamme patriotique allumée par

FICHTE à travers ses 14 discours à la nation allemande, serabrandie, deux mois à peine, le dimanche 13 décembre 1807,après la défaite foudroyante infligée à la Prusse par lesarmées de NAPOLEON à la bataille de IENA.

Que reste-t-il à une nation et à son peuple lorsqu'ils onttout perdu ? se demandera le philosophe allemand, sinon lalangue maternelle à partir de laquelle tout peut être repris etreconquis.

Tel était le message des discours à la nation allemandescellant aux yeux de la postérité l'apport de FICHTE dans lerapport quasi mystérieux, mais indestructible entre identiténationale et langue maternelle.

Malgré des circonstances analogues et à moins d’unsiècle de distance, l’historien ERNEST RENAN tirera desconclusions sensiblement différentes de celle de son illustreprédécesseur Allemand.

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Actes du Colloque international 

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Prise à son tour dans le tourbillon de la défaite la Francede 1871 ne se consolera plus de la perte de L’ALSACE – LORRAINE annexée par la Prusse du chancelier de fer

BISMARK.C’est dans ce contexte historique que l’auteur de lacélèbre question « QU’EST- CE QU’UNE NATION » répondrale26 mars 1882 du haut de la prestigieuse SORBONNE que lalangue pas plus que la race et la religion ne « sauraitconstituer une base suffisante à l’établissement d’unenationalité moderne « et qu’il n’y a «rien de plus faux » que deregarder les langues « comme des signes de races ».

Si forts qu’aient été les jugements de FICHTE et deRENAN, confrontés l’un et l’autre au désastre national d’unedéfaite militaire totale, il serait pourtant excessif voire erronéde les opposer radicalement car le premier voulait sortir sanation de l’abîme ou l’avait plongé le triomphe de Napoléon

 grâce à la langue restée pure de son peuple alors que le seconda voulu démontrer que le fait pour les Alsaciens et les Lorrainsde parler l’allemand, langue de l’envahisseur et du vainqueurne donnait nul droit à l’annexion de cette province française

car au-delà de la race, de la langue et de la religion ce qui faitsurtout « une nation (qui) est une âme, un principe spirituelc’est d’abord «la possession en commun d’un riche legs desouvenirs ensuite et surtout » le désir de vivre ensemble ».

A lire de prés, Ernest RENAN, il n’a jamais exclu deconsidérer la langue comme un élément constitutif d’uneidentité et d’une nation même s’il le juge insuffisant.

Il faut par conséquent se garder de se draper dans les

sentences de l’historien français pour écarter un lien de cause àeffet entre langue et identité et entre chacun de ces élémentsavec la nation elle-même ou l’Etat qui en est son supportcomme on le verra un peu plus loin.

Pour le moment il faut surtout insister sur ce caractèred’instinct de conservation que beaucoup d’autres accordent àla langue maternelle comme si elle était la gardienne éternelleet incorruptible de l’âme d’un peuple.

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Identité, langue et Etat 

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L’histoire est riche d’exemples ou face malheurs et auxsorts des armes, les peuples vaincus n’ont eu d’autre refuge quede s’enfermer dans leur langue en attendant des jours

meilleurs.Pour illustrer mon propos, je ne résiste pas à l’envie devous renvoyer à la dernière classe d’Alphonse DAUDET oudans une sorte de fusion de sentiments et d’émotions quasiintenable entre le maître et l’élève, l’auteur fait dire ceci aupremier qui devait dès le lendemain céder sa place au maîtreallemand : « quand un peuple tombe esclave, tant qu’il tient salangue, c’est comme s’il tenait la clef de sa prison… ».

Mr le Président

Au terme de ce long détour, qui n’a pour seul but quede rattacher l’Algérie à la pensée universelle, il nous faut parconséquent garder en mémoire que la langue maternelle étantl’âme d’un peuple, elle est inséparable de son identité.Sans doute il nous faut aussi pour chasser toute confusion etéviter tous malentendus lourds de conséquences, établir

clairement une distinction entre une langue maternelle dans lesens qu’elle remonte à l’origine d’un peuple et une langueintroduite à la suite de circonstances historique mêmelointaines.

Ces clarifications étant faites, il nous faut à présentouvrir le cœur du débat, avec pour point de mire notre proprepays pour répondre à la question centrale de savoir si l’EtatAlgérien s’est acquitté de sa mission fondamentale de

 gestionnaire et de promoteur du bien commun.Ici aussi un détour par l’universel est indispensablepour arriver au cas de l’Algérie dès lors que le concept d’étatconstruit à partir du 16ème siècle n’est pas spécifique à telleou telle nation.

Il nous d’abord rappeler que de Platon à nos jours,l’idée d’Etat est née et s’est renforcée de la double exigence dela liberté individuelle et du besoin de vivre ensemble quepossèdent tous les individus à travers les âges, les endroits et les

civilisations.

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Actes du Colloque international 

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Liberté et vivre ensemble sont au cœur de la naissancede l’Etat.Ce qui pose problème et qui fait se disputer tant d’esprits, c’est

de savoir surtout comment se forme un Etat et comment sedéfinissent ses missions et de la manière de les assumer.Sans retracer toutes les étapes historiques de l’évolution dupouvoir et de son passage de l’individu à l’institution, il nousfaut cependant rappeler les deux apports philosophiques et

  juridiques qui sont les caractères essentiels de l’Etatd’aujourd’hui.

Le premier apport qui remonte au 16ème siècle voit letransfert du pouvoir de l’individu à l’institution, on passed’un pouvoir individualisé qui repose sur une personne à unpouvoir institutionnalisé incarné par l’Etat.

Le deuxième apport infiniment plus importantaujourd’hui relève du contractualisée formulé avec uneautorité brûlante par Jean Jacques Rousseau, dans le contratsocial (1762) mais aussi par son illustre prédécesseur que futl’anglais John LOCKE avec son «essai sur le gouvernementcivil (1960) ».

Il serait déplacé de ma part de résumer des œuvresaussi élevées dans la pensée humaine et qui resterontimpérissables aussi longtemps que les humains vivrontensemble.

Ce que je cherche à retenir pour la compréhension duthème qui nous rassemble mais aussi pour son expositionclaire et rigoureuse c’est que le pouvoir accordé par la librevolonté des hommes à l’Etat n’a de sens et pour objet que si les

dirigeants de cet Etat se donnent pour obligation au moinsmorale de réaliser le bien commun ou pour être plus clair lesaspirations des citoyens .

Liberté et contrat social disions nous sont au cœur de laformation et de l’existence de l’Etat. Il nous faut parconséquent, pour assoire définitivement notre affirmation,donner quelques références qui appartiennent au patrimoinede la pensée universelle, sans trop les multiplier bien entendu.

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Identité, langue et Etat 

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Commençons par John LOCKE considéré à juste raisoncomme le premier théoricien du contrat social qui fonde lesrelations entre l’individu et l’Etat. Pour lui nous citons :

« Les hommes étant tous naturellement libres, égaux etindépendants, nul ne peut être tiré de cet Etat et être soumis aupouvoir politique (donc à l’état) d’autrui, sans son propreconsentement, par lequel il peut convenir, avec d’autreshommes, de se joindre et s’unir en société pour leurconservation pour leur sûreté mutuelle, pour la tranquillité deleur vie, pour jouir paisiblement de ce qui leur appartient enpropre »Tout est dit. Et si l’on voulait recourir à une leçon de chosespour savoir comment l’Etat Algérien s’acquitte de ses missions,il suffirait de transformer les affirmations de John LOCKE eninterrogations et d’essayer d’y répondre sereinement ethonnêtement

 Jean Jacques Rousseau ne propose rien d’autre dans son« contrat social » qu’une sorte d’association ou de pacte entretous les membres d’une société ou chacun apporte ce qu’ilreçoit en retour sans obéir à personne d’autre qu’à lui –même

fondu dans le souverain.Enfin, dernière et célèbre philosophie de l’Etat c’estcelle de Hegel qu’on peut résumer tout simplement par deuxaffirmations qui lui sont empruntées. Pour lui «l’Etat est lasphère de la conciliation de l’universel et du particulier ou plusclairement encore ». « L’Etat est la réalité de la libertéconcrète ».

Quittons le monde des philosophes pour entrer dans

celui des grands juristes auxquels il est revenu de définir l’Etatdans ses organes, ses règles de fonctionnement et ses limites.Pour Georges BURDEAU l’un des maîtres incontestés de

la science politique française des décennies récentes, l’Etat estun instrument de réalisation des aspirations de la société ; il «apour fonction de gérer des intérêts collectifs. Plus fortementencore il dira, que l’Etat est un plébiscite quotidien ».

L’avantage du vocabulaire juridique sur celui desphilosophes, porte, si je puis dire, sur les obligations assignées

à l’Etat.

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Actes du Colloque international 

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Il ne devrait pas être difficile par conséquent des’entendre sur ce qu’est l’Etat et surtout sur ses obligations.Ici nous entrons de plein pied dans les objectifs assignés à notre

colloque qui se ramènent en quelque sorte à la questioncentrale de savoir quelles les obligations de l’Etat vis-à-vis del’identité et de la langue des populations ? Autrement dit est – ce que l’Etat est le produit des deux premiers éléments denotre thème ? Ou encore est-ce que l’Etat dans son rôle de

 gestionnaire des intérêts collectifs s’acquitte non seulement del’obligation minimum et incompressible de les respecter, maismieux encore, de les sauvegarder et de les promouvoir ?

Ici deux approches sont possibles et complémentairespour répondre aux questions posées.La première consiste à affirmer en s’appuyant sur lesréférences philosophiques et juridiques données à dessin qu’enfait l’Etat, ou plutôt les dirigeants qui en ont la charge n’ont àla limite pas le choix s’agissant de l’identité et des languesd’un pays. Ils ont non seulement, pour mandat de respecterces identité et langues qui sont au cœur du pacte social

 générateur d’Etat, mais plus encore de les promouvoir..

Il y a en effet une différence de nature entre réaliser unprogramme politique d’un gouvernement sur des plans aussidivers que l’économie, le social, la diplomatie et les élémentsidentitaires d’une nation au premier rang desquels se trouvede façon aussi visible et aussi indiscutable la langue.En d’autres termes et théoriquement un Etat n’a pas le pouvoird’ignorer une langue, encore moins de la combattre d’unefaçon ou d’une autre.

La langue étant un élément constitutif de l’Etat en vertudu fait qu’elle est un moyen d’expression, il ne peut pas y avoir d’Etat là ou il n’y a pas de population.

C’est ici qu’on peut mesurer toutes les atrophies d’unEtat qui serait non pas atteint dans l’un de ses organesconstitutifs et nourriciers, mais qui aurait volontairement etpolitiquement décidé de l’ignorer ou de le neutraliser.

On voit mal le corps humain, auquel l’Etat a été souventcomparé se passer de l’un de ses organes essentiels.

 Je vous laisse deviner toutes les conséquences.

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Identité, langue et Etat 

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De ce qui précède, il ne s’en suit nullement et je ne l’aià aucun moment imaginé que l’Etat doive forcément traduireen tous point les intérêts conflictuels des individus formant

une société. Simplement que la langue et l’identité d’un peuplene relèvent pas de l’arbitrage de l’Etat. Elles sont au-dessus delui.

Certes il peut y avoir des divergences sur l’importanceet la qualité des identités et des langues en présence, mais passur leur existence. Il suffit d’observer, d’écouter et dereconnaître. Ainsi pour reprendre le cas de notre pays il estclair qu’aujourd’hui la survie des parlers locaux, dessentiments profonds des populations sur ce qu’elles sont,mêmes si elles ne recourent pas aux méthodes d’investigationdes chercheurs ou des historiens en sciences sociales devraientsuffire à attester de leur identité.

L’identité d’un peuple n’est pas affaire de brevet àdéposer pour en garantir l’authenticité ou l’inventeur ni mêmeaffaire d’autorité scientifique d’un auteur quelle en soit lascience. L’identité est au contraire affaire de sensibilité, decroyance et d’attachement à travers les âges et les générations.

La deuxième approche conduit au cas de l’Algérie.Que l’Etat algérien ne se soit pas acquitté de ses obligations vis-à-vis de la collectivité nationale est me semble t-il si évidentque notre effort doit plus porter sur le pourquoi de ce constatque sur le constat lui-même !

Mais, pour éviter toute fuite de conscience devantl’évidence même, rappelons qu’aujourd’hui encore à l’heure oùnous tenons le colloque, la constitution algérienne de décembre

1996 considère l’Algérie comme «pays arabe » seulement àl’égale d’ailleurs de ses devancières à commencer par lapremière constitution du pays, celle de septembre 1963.

Certes l’Amazighité a été introduite tardivement, en1996, comme l’un des trois éléments de l’identité algérienne,mais le socle et l’esprit de toutes les constitutions du pays ontété bâtis sur l’arabité longtemps considérée et pratiquée commel’élément exclusif.

La constitutionnalisation de Tamazight comme langue

nationale le 08 avril 2002, soit quarante ans après

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Actes du Colloque international 

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l’indépendance du pays, ne change pas grand-chose à l’espritet à la conduite des affaires publiques de l’Etat algérien.

 Je sais que ce thème sera traité demain dans le cadre du

présent colloque. Je me limiterai par conséquent d’affirmer enrapport avec ma propre contribution que cetteconstitutionnalisation est encore trop partielle à supposerqu’elle n’ait pas été déjà dénaturée et ruinée par des intentionsmaintes fois affirmées et des arrières pensées évidentes.

En un mot comme en mille, aussi longtemps que lalangue Amazighe n’aura pas un statut de langue officielle, cequi la mettrait au moins sur un pied d’égalité juridique avec lalangue arabe, il serait vain de croire à sa sauvegarde et à sapromotion par les services de l’Etat. Encore moins à sonélévation au statut d’élément constitutif à part entière del’identité algérienne.

Mr le Président

Arrivé à ce stade de réflexion qui avait pour objet dedresser un constat ou l’état des lieux sans jamais nous écarter

du sens universel donné aux trois mots de notre thème, il nousfaut en conclusion tenter de dire pourquoi il en est ainsi enAlgérie.

La première proposition explicative qui s’offre à l’espritc’est de dire que probablement l’Etat algérien n’a pas encore,40 ans après l’indépendance, atteint son stade de maturité.Si on se réfère une fois de plus au professeur Burdeau, ilfaudra peut être se consoler de répéter à sa suite que l’Etat

«n’est pas conçu une fois pour toutes. Il est une créationcontinue ».Faut il alors croire que l’Etat algérien reste encore ce

pouvoir individualisé et que son institutionnalisation estinscrite dans son parcours naturel. Ce serait là une thèseoptimiste qui aurait au moins le mérite de consoler sur ce quireste à faire.

En fait, il est clair qu’en matière politique, il n’y a nidéterminisme ni automatisme. L’arbitrage des conflits d’intérêts

en présence est au cœur de la lutte politique. Elle remonte en

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Identité, langue et Etat 

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vérité aux premiers jours de la création ou de l’apparition del’homme sur terre.

S’agissant plus prosaïquement du rôle de l’Etat algérien

dans son rapport dialectique avec l’identité et les langues dupays, il n’est ni excessif ni intempestif d’affirmer que lescirconstances qui ont vu naître cet Etat en 1962 pèsentencore lourdement aussi bien sur sa nature que sur sesfonctions.

Faute d’avoir récupéré tout le passé du peuple algérienpour construire la nation algérienne, l’Etat dont c’était lafonction première, a ruiné ses propres fondements.

Comment en effet les populations Algériennes, toutesles populations Algériennes peuvent se projeter et sereconnaître dans un Etat qui ignore, ou plus grave encore, quis’oppose à leurs aspirations identitaires et linguistiques, quisont comme nous l’avons affirmé dès le départ préexistantes àtous les autres droits, y compris à celui de l’Etat.

Bien sûr, dans le parcours des peuples, rien n’est jamaisirrémédiable. L’Etat algérien peut encore, il doit surtout être lemiroir de ce que sont les Algériens dans leur identité et leurs

langues profondes s’il veut assumer sa fonction historique, laseule qui soit universelle, celle d’un instrument de réalisationdes aspirations de la société.

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Oralite et écriture :une complémentarité

Gilbert GRANDGUILLAUMEEHESS, Paris  

e thème de l’oralité et de l’écriture peut paraîtrepeu adapté dans un colloque qui concerne lalangue berbère. Celle-ci en effet, à la différence

d’autres langues, ne peut s’appuyer sur une longue traditionécrite qui la consoliderait dans le contexte moderne oùl’écriture a pris une importance reconnue. La questiontoutefois vaut bien d’être posée car elle permet de réfléchir sur

le devenir de la langue berbère.Celle-ci en effet, après des années difficiles, a fini, en

Algérie comme au Maroc, par être reconnue, et l’existence dece Haut Commissariat en est le symbole. Cette reconnaissancede la langue, en tant qu’élément identitaire de l’Algérie, est àconsolider, à affermir, mais une étape décisive a été franchie.Une nouvelle étape serait à envisager maintenant qui pourraitse formuler ainsi : que faire de cette victoire ? Quelle place

donner à cette langue théoriquement et symboliquementreconnue ? Dans les deux pays concernés par le berbère,l’Algérie et le Maroc, il semble qu’il y ait une hésitation sur lestâches à accomplir. Sur quels objectifs concrétiser la quêteidentitaire ?

Il ne semble pas que soit envisagée quelque part lavolonté de se contenter de la seule langue berbère, qu’elle soitkabyle, chaouie ou autre. Cet enfermement dans lemonolinguisme, aucune société ne peut se le permettre de nos

L

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  jours, quelle que soit l’importance de sa langue. Le problèmeest donc de définir quelle place donner au berbère dans lecontexte des langues en usage en Algérie : les langues parlées

arabes, l’arabe moderne et le français. Toutes ces langues sonten Algérie en situation non seulement de coexistence, maisd’échange permanent, comme le montrent les études relativesau code-switching . Toutes apportent une référence identitairespécifique en rapport avec une partie de l’histoire vécue. Lesexaminer dans leur ensemble amène à constater la multiplicitédes références identitaires, mais aussi à poser la question deleurs champs d’utilisation spécifiques. C’est ici qu’apparaîtl’intérêt d’une réflexion sur l’oralité et l’écriture, que jevoudrais aborder d’abord dans leur aspect théorique avant d’ententer une application à la langue berbère.

Oralité et écriture : une complémentaritéLa position de la langue dans l’oralité et dans l’écriture a faitl’objet de nombreuses études. La plus célèbre à ce jour est lelivre de Jack Goody 1. Dans ces études remarquables, l’auteurévalue l’impact spécifique de chaque registre, en insistant sur

l’apport de l’écriture. Ce faisant il constate une sorte dehiérarchisation, comme en témoigne cette citation :« Le matériel que nous avons examiné concernant les différences entre langues orales et écrites ou entre les deux registres, pour limité qu’il soit, met en lumière quelques similarités frappantes avec une autre différence dont on a   parlé en termes culturels vagues. C’est la différence entre ce que Lévi-Strauss appelle le sauvage et le domestique, ce que 

d’autres appellent le primitif et l’avancé, ou le simple et le complexe, le chaud et le froid… »2. Selon l’auteur l’écritureaurait apporté non seulement la conservation du passé, maisun mode de réflexion spécifique.

La possibilité qu’offre l’écriture de transmettre les  grandes œuvres du passé a consacré une supériorité dans la

1 Jack Goody, Entre l’oralité et l’écriture , PUF, 1994, traduction française deThe interface between the written and the oral, Cambridge, 1993.2 Ibidem, p.295-296. 

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plupart des civilisations, entraînant une dévalorisation descultures purement orales. L’époque moderne a surenchéri dansce sens, lorsque l’analphabétisme, puis l’illettrisme, ont été

considérés comme des tares sociales. Il s’y est ajouté enOccident, dans les grandes cultures monothéistes, unevénération particulière du Livre, réceptacle de la révélation etsouvent attribut d’un corps d’interprétateurs.

Dans la culture arabe, le rôle de l’écrit a été encore plusmagnifié par la place exceptionnelle du Coran. Il s’en est suiviune sorte de « fétichisation de la langue », selon l’expressiond’Abdallah Laroui, qui a placé à part une langue à référence etusage spécifiquement écrits. Par rapport à celle-ci lamultiplicité des langues parlées témoigne, selon certains, d’unesorte de désintégration à partir d’un pur modèle initial, mais detoute façon d’une infériorité manifeste qui les réservait à uneforme uniquement orale.

De cette dévalorisation des langues parlées, lespolitiques linguistiques suivies au Maghreb depuis lesindépendances ont amplement témoigné. Cette dévalorisationlinguistique s’est souvent accompagnée d’une stigmatisation

sociale : c’est ce que révélait il y a quelques années un numérode la revue Peuples Méditerranéens3 consacré à cette question.Cette stigmatisation concernait toutes les langues parlées auMaghreb, plus ou moins exclues à une certaine époque tant desmedia que de l’expression publique, sans parler de l’école. Elletouchait les parlers arabes autant que les parlers berbères.Mais alors que les premiers pouvaient se perpétuer dans lalangue arabe écrite, il n’en était pas de même des parlers

berbères qui se sont sentis fortement menacés à une époquepar la politique d’arabisation. Ils étaient en outre défavoriséspar l’absence de monuments écrits. Enfin l’antérioritéhistorique du berbère par rapport à l’arabe au Maghrebconduisait certains idéologues à y voir la survivance d’unesorte de jâhiliyya fantasmatique. 

3Peuples Méditerranéens N° 79, Langue et stigmatisation sociale au Maghreb , Paris, avril-juin 1997.

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Il est heureux qu’il soit possible de parler aujourd’huide cela au passé. Mais le problème des rapports entre l’oralitéet l’écriture mérite d’être approfondi. En effet l’insistance sur

l’aspect hiérarchique a contribué à voiler un aspect importantde leur relation, je veux dire leur complémentarité.Il faut d’abord souligner que les grands textes de

l’humanité ont d’abord existé sous forme orale et ont ététransmis sous cette forme durant des périodes plus ou moinslongues : c’est le cas de l’Iliade et de l’Odyssée, du Talmud, dela Bible, et du Coran. Cela veut dire qu’ils ont existé sous uneforme orale, puis sous une forme écrite, pour revenir par lasuite à des formes orales dans la récitation, le commentaire,l’exégèse. Ceci nous permet de constater qu'écriture et oralités’articulent comme deux phases de la transmission culturelle,qui doit faire alterner stabilité et mouvement comme deuxphases de la vie. Ces deux phases sont d’ailleurs soulignées parles noms qui désignent en arabe les consonnes et les voyelles.Les consonnes sont dites sawâkîn (celles qui sont stables), et lesvoyelles harakât  (celles qui bougent) : le texte écrit ne peutprendre vie que par l’adjonction des voyelles qui permettent sa

prononciation. La succession de l’écrit et de l’oral est analogueà celle de la stabilité et du mouvement, et en dernier ressort, dela mort et de la vie. Les deux phases sont essentielles. Il existedans la tradition culturelle arabe un ouvrage qui explique cecide façon très claire: il s’agit du recueil des Mille et Une Nuits :la conteuse Shahrazade avait lu de nombreux écrits, elles lesracontent au roi malade en les adaptant à sa situation et le

 guérit par ces récits, pour finalement leur donner une nouvelle

forme écrite4

.A partir du moment où on constate la nécessité absoluede ces deux phases de stabilité et de mouvement dans latransmission de toute culture, il est évident qu’ils existent aussidans les langues dites purement orales. Chacune distingue les

4 Je me permets pour ceci de renvoyer à mon article « Entre l’écrit et l’oral :la transmission. Le cas des Mille et Une Nuits », dans Les Mille et une nuits dans l’imaginaire du XX° siècle , dir. Hafid Gafaiti et Christiane Achour, àparaître chez L’Harmattan

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Identité, langue et Etat 

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éléments stables qui sont transmis tels quels, c’est-à-dire qu’ilssont appris par cœur et traversent les générations sous cetteforme. Très souvent la forme poétique, par le support qu’elle

apporte à la mémoire, a permis la conservation des œuvres.Mais elles l’ont été aussi sous forme de poèmes, de récits. Leterme arabe qui désigne le fait de mémoriser est muhâfadha , etil évoque l’idée d’un dépôt qui serait transmis de génération en

  génération. Il ne faut pas oublier non plus que dansl’enseignement du Moyen Age, les grands traités, quoiqueécrits, étaient appris par cœur.

Il est bien évident que les langues berbères ont ellesaussi connu cet équivalent de l’écrit et transmis jusqu’à ce jourdes œuvres des anciens. Les techniques d’aujourd’hui, parl’enregistrement vocal et visuel, permettent de passerdirectement à un autre stade de conservation qui court-circuiterait l’écrit. La période de changement intensif et debouleversement culturel que nous traversons porte en effet àenvisager la perte de la filière de la mémoire et à se préoccuperd’un autre mode de transmission. L’enregistrement est possible,mais malgré tout le désir de fixer par écrit ces trésors du passé

est évident.Un regard sur le passé nous montre que dans leslangues berbères cette alternance de vie et de mort, d’oubli etde mémoire, de changement et de stabilité a bien fonctionnécomme dans toutes les langues. Elle nous enseigne que toutelangue doit toujours combiner ces deux aspects si elle veutcontinuer à vivre, elle doit toujours réaliser une combinaisonde la mémoire du passé avec les réalités d’aujourd’hui, pour

produire un nouveau « dépôt » à transmettre aux générations àvenir. C’est à ce point précis que nous en sommes dans cecolloque, et c’est ici que nous conduisent ces réflexions surl’écrit et l’oral : que faire aujourd’hui avec la langue berbère,comment l’adapter, sans doute à l’écrit, et dans quel champd’utilisation la situer ?

Ecrire le berbère et pour quels usages ?De ce qui précède il ressort que le recours à l’écriture ne peut

 guère être éludé dans le cas du berbère. La question posée est

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Actes du Colloque international 

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donc : dans quels caractères ? Le choix se pose entre troissystèmes : les caractères tifinagh , qui seraient la forme la plusauthentique, mais sans doute la moins pratique, les caractères

latins, ou les caractères arabes. A ce qu’on m’a dit, le Marocvient d’opter pour le tifinagh : ce qui est, à mon sens, le moyend’échapper à un choix difficile entre caractères arabes et latins.

La difficulté du choix relève à mon sens deconsidérations idéologiques liées à la tension entre arabe etfrançais apparue dans la question de l’arabisation. Il semble deplus en plus admis que les problèmes ne trouveront de solutionque dans le passage de l’optique idéologique à l’optique réalisteet linguistique, et de la conscience de l’opposition des langues àcelle de leur complémentarité. La transcription du berbère entifinagh a des avantages symboliques en certainescirconstances, telles que les noms des localités à l’entrée desagglomérations. Mais pour l’essentiel, le choix est à opérerentre caractères arabes et latins. A mon sens la possibilitédevrait être laissée de prendre l’un ou l’autre, car l’essentieln’est pas là. L’utilisation de caractères arabes peut être plusaisée pour les personnes plus à l’aise dans l’écriture arabe que

dans le français, à condition qu’un code de signes spécifiquessoit fixé. La transcription latine peut présenter l’avantage d’uneplus grande précision par l’utilisation de voyelles, et par lecaractère international du code sur lequel elle se fonde.L’important serait d’offrir à ceux qui le souhaitent la possibilitéd’écrire les textes berbères en leur fournissant un système detranslittération adéquat (en caractères arabes ou latins).

Ce serait une erreur de considérer que la langue

berbère ne concerne que les zones berbérophones. Leslinguistes ont constaté de longue date que les parlers arabes duMaghreb sont fortement influencés, dans la phonétique, la

 grammaire et la sémantique, par les parlers berbères qu’ils ontremplacés, et dont certains étaient encore vivaces il y a unsiècle. Etant donnée la généralité de cet état de fait, on peut sedemander s’il ne serait pas utile de proposer dans toutes lesrégions, même arabophones, une initiation au berbère de façonà donner aux enfants une conscience de la profondeur de la

langue qu’ils parlent, et par là même, d’admettre une certaine

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spécificité de l’identité algérienne. Dans les zonesberbérophones, cette initiation à l’école devrait leur donner lesoutils nécessaires pour mettre par écrit des fragments de la

langue qu’ils parlent en famille, et d’entrer en contact avecquelques œuvres du patrimoine transmis à travers contes,mythes et proverbes. Dans cette optique, le mode detranscription serait celui qu’il leur serait le plus aisé d’utiliser.

Par contre l’étude des langues berbères et de leurinterférence avec les parlers arabes devrait retenir l’attentionde chercheurs en linguistique et en sociolinguistique. Lepassage à l’écrit s’impose ici également, et selon une méthodeplus précise. Etant donnée la généralisation de deux modesd’écriture en Algérie, le recours à l’un ou à l’autre devrait êtrelaissé libre dans la transcription, l’essentiel étant que lacodification soit suffisamment reconnue pour êtreopérationnelle.

Au-delà de ces deux secteurs de l’école et de larecherche universitaire, quelles utilisations pourraient êtrefaites de l’écrit ? La survivance des langues berbères n’est pasacquise d’avance. Dans les années passées, l’opposition qu’elles

ont rencontrée a plutôt favorisé leur maintien par un réflexe dedéfense. La reconnaissance dont elles bénéficient actuellementrisque au contraire de diminuer les motivations,principalement dans les situations urbaines. Les documentsécrits ont l’avantage de conserver la langue, ils ne garantissentpas qu’elle continue à être parlée si d’autres facteursn’interviennent pas, comme le souci des parents de transmettreleur langue à leurs enfants, ou celui des associations locales

d’en organiser la survie. C’est peut-être ici qu’il pourraitparaître souhaitable que l’intérêt pour la langue berbère et lepatrimoine qu’elle incarne ne soit plus le souci d’unecommunauté seulement, mais d’une Algérie dans son ensemblequi admettrait la spécificité de son identité et de son histoire.

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La terre, la femme et le pouvoir chez les Touaregs : le cas des Kel Azjer

Dida BADIAttaché de recherche 

CNRPAH, Alger 

Résumé :

a considération du seul caractère nomade de lasociété touarègue par nombre de chercheurs quil’ont étudié, la présente sous forme de groupes

épars dont le caractère dominant est le «nomadismeécologique », concept cher aux géographes.Cette vision a contribué à détourner le regard de ces

chercheurs d’une dimension très importante pour lacompréhension de la cosmogonie et des fondementscivilisationnels de cette société.Elles sont rares, en effet lesétudes systématiques consacrées aux touareg sédentaires etleur rapport avec leur espace.

Pour notre part, nous tenterons, à travers ce texte, quirend compte d’un travail en cours qui consiste en l’étude dudroit coutumier relatif à la gestion du foncier chez les touaregdu tassili n’Azjer (nomades et sédentaires), dans uneperspective d’anthropologie historique, d’appréhender lerapport qu’ont les Kel Azjer et à travers eux, tous les Touareg,à leur espace. Rapport, qui, pensons-nous, doit intégrer lesmatériaux qui permettent la lecture de leur passé.

L

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Ainsi les deux espaces, nomade et sédentaire doiventêtre traités en ce que le premier a d’horizontal et le deuxièmede vertical. L’horizontalité du rapport à l’espace nomade

permet d’insérer l’histoire de la région dans un cadremaghrébin et africain plus larges, alors que la verticalité del’espace sédentaire donne une profondeur historique dupeuplement de la région qui l’enregistre sur la stratigraphiearchéologique.

Traditionnellement, dans le domaine nomade lesterritoires de parcours que constituent les pâturages,appartiennent à l’ensemble du groupe (tawsit  ). Ce sont lesterres de suzeraineté ; elles constituent la propriété publiqueinaliénable dont l’amnoukal est en fait le gestionnaire et le

 garant, comme les parcours coutumiers (akal n amenoukal  ).Elles sont constituées, traditionnellement, de ce qui est appelé(amadal wa settefen) qui signifie le domaine noir. Opposé audomaine blanc (amadal wa mellen), qui appartient au groupedes Imenghassaten qui était le garde royale des Imanan(takouba n manan).

Le domaine noir recouvre le plateau gréseux du Tassili,

les vallées et canyons qui s’y trouvent. La propriété dudomaine noir implique également celle des animaux sauvages(gibier) qui s’y trouvent, à l’exception des ânes sauvages(ihoulelen) qui eux, appartiennent aux Kel Touan, descendantdes Imazzararen, lesquels, dit-on, furent emportés par unecrue qui n’en a laissé que les ânes et une fille appelée Touan,qui fût leur ancêtre. Ce domaine est dit noir, parce que c’estl’endroit où abondent les ombres, l’eau et la végétation, mais

surtout parce qu’il est constitué de rocaille patinée.Le domaine blanc, quant à lui, est constitué des plainesd’Admer (mot qui signifie le buste, le plateau gréseux étant latête) qui contrastent par leur blancheur avec la noirceur duplateau. C’est un espace ouvert et ensoleillé où abondent lesdunes de sable et les plaines étendues faites de reg et d’erg. Ilévoque l’ouverture vers le reste du monde touareg (Air etAhaggar).

La limite entre les deux domaines est matérialisée, dit – 

on, par des balises (tiknouten ) portant la marque des Imanan

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(ameslag) au lieu dit Abada-hegrene. Cependant, la séparationentre les deux domaines n’est pas rigide car il existe un espaceintermédiaire appelé (tanebra n oudad) ou pâturages

nocturnes du mouflon. La limite de cette aire est constituée del’ombre (télé) du massif vers le coté sud. C’est la limite oùpaissent les mouflons quand ils descendent de nuit du massif.Selon la tradition, les mouflons chassés dans cet espaceappartiennent à celui qui les a chassés.

La chute des Imanan en tant que groupe dominantpolitiquement dans la région a entraîné celle de leurs alliésImenghassaten, après l’émergence des Ouraghen vers 1660.Cette chute n’a pourtant pas induit des modifications majeuresdans le statut juridique du domaine foncier nomade. Bien qu’ilen ait résulté une nouvelle répartition des plébéiens, cequ’illustre le dicton suivant.

Amenoukal ila wer yehkem, Aheggar yehkam wer ila.

Ce qui pourrait se traduire par : l’Amenoukal possèdemais ne gouverne pas. Aheggar, lui gouverne mais ne possède

pas. A l’intérieur de ces deux espaces vivaient les tribusvassales qui ont, chacune leur territoire de parcours dont lapropriété est collective. Sous l’autorité du chef (amgar ) de latribu, celle-ci a le droit de prendre quelques mesures pour lepréserver, soit de ses propres membres, soit des membres desautres tribus. Comme exemple de ces mesures, la tribu, sousl’autorité de son chef, peut procéder à la mise en défends

(agadal ) d’une ou plusieurs vallées de son territoire, pourpermettre la régénérescence des pousses après les chutes despluies, avant d’y autoriser l’accès aux troupeaux. Cette mesureest restrictive pour tout le monde, y compris pour ses propresmembres.Autre type des terres, ce sont celles transmises par héritage,akhidderen ou le lait vivant ; celles-ci sont aliénables etpeuvent être qualifiées de propriété privée, comme les terresagricoles mises en valeurs.

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Le statut des terres dans le domaine sédentaireLes terres dans les centres sédentaires (Djanet, Aherher, etc…)bénéficient d’un statut particulier qui les rapproche de celui

des terrains de parcours mais s’en distingue surtout par lanature de la propriété. Elles sont de deux types :

1- Les terres réservées au foncier bâtiElles correspondent à un territoire légué par un ancêtrecommun, mythique ou réel du groupe. Ce territoire dont leslimites physiques sont connues et consignées, ou supposéesl’être, par écrits dans des documents en peau ou en tissu appelé(al.khabes, de l’arbre, habous), appartient à tous les membresdu groupe en question. A ce titre, ceux-ci peuvent construire,sans restriction, des maisons qu’ils légueront, après leurdisparition à leurs filles, qui les transmettront, à leur tour, parhéritage, à leurs descendantes. C’est ainsi que la propriété de lamaison familiale fondée par le père se voit revenir à ses fillesaprès sa mort, et les garçons, une fois grands, se voient obligésd’en fonder une autre, qu’ils légueront à leurs filles. Le droit depropriété dans ce cas précis s’applique uniquement aux murs

(igoudar ) et n’implique pas celle de la terre qui, elle reste lapropriété collective de l’ensemble des femmes du groupe.

2- Les terres réservées au foncier agricoleDe même que le foncier bâti, le foncier agricole, (la surfacecultivée) revient par héritage aux filles ou à la fille dupropriétaire l’ayant mis en valeur en leur qualité depropriétaires du sol.

L’origine de la propriété féminine des jardins vient dufait que l’ancêtre ayant créé l’exploitation est tenu de laconsigner par écrit au nom de ses filles sous forme d’un actede propriété appelé al. Hhabes ou akh idderen, en touareg, lelait vivant. Ainsi, la production est répartie en fonction dunombre des filles inscrites dans l’acte initial. Par exemple, si lesfilles inscrites dans le habous étaient au nombre de trois,comme c’est le cas pour les Kel Araben, la production est, parconséquent, répartie en trois parts égales. Chacune des parts

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Identité, langue et Etat 

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est destinée aux femmes descendantes de l’une ou l’autre detrois ancêtres aux noms desquelles est rédigé le habous.

Une plantation (jardin) est gérée sous forme d’une

concession faite par les femmes, à un homme souvent leurfrère, qui en assure la gestion et l’entretien ainsi que lacoordination entre les différents intervenants dans le processusde production. Dans ce cas précis, le frère a le choix entrecréer son propre jardin ou travailler la terre de sa sœur pourbénéficier de son usufruit tant qu’il est vivant, sous certainesconditions.

En général, il finit par choisir cette dernière solution etcela pour deux raisons, au moins :-l’engagement moral qu’il a envers sa sœur-la difficulté qu’il y a à trouver de nouvelles surfacescultivables à mettreen valeur sur le territoire de son groupe.

Touzzar ou l’ouverture de la campagne des semailles :Au début de chaque campagne agricole les hommes apportentla semence à la mosquée où il est procédé à la lecture du Coran

en présence de l’imam.Cette opération appelée (Touzzar  ) du verbe (izar  ), être lepremier, les primaires, en fait, permet de sanctifier le grainafin d’obtenir une récolte abondante.Après la lecture du Coran, la semence est distribuée à tous leshommes présents possédant des parcelles à ensemencer. C’estl’imam qui doit marquer le début de la campagne enprocédant le premier à ventiler la semence sur les sillons de

son jardin il est, procédé, alors à l’ouverture solennelle de lacampagne agricole.

Le chant de labour ( asahagh n naklaben ) :

Inamaza ? Ou sont les hommes ?Taso Qu’ils viennent (refrain)Aikin kasaa guerkeh Labourer la terre agricoleTaso Qu’ils viennent (refrain)

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Mi ed yossen ? Qu’est venu ?Taasso Qu’ils viennentMi termessem ? Qui a avez vous rencontré ?

Taasso Qu’ils viennentMi yessanen ? Qui sait faire ?Tasso Qu’ils viennentIgmed ed ayor ghor em

Ce chant chanté pendant le labour par deux groupes delaboureurs. Un groupe répète les vers, tandis que l’autrerépond par le refrain. Il faut noter que les trois premiers versde ce chant sont dits dans la langue haoussa.Ceci pose la question de la profondeur africaine de la cultureberbère au Sahara. Les gens à qui nous avons demandéd’expliquer la présence des vers en haoussa dans le chant delabour des kels Djanet répondent que par le passé les Haoussavenaient souvent à Djanet pendant la période des labours. Pourne pas les offenser et se sentir dépaysés, les laboureurs faisaientexprès d’introduire ces vers dans le chant en les invitant à se

 joindre à eux. Cependant, cette explication ne tient pas compte

de la présence des personnes haoussa parmi les agriculteurs decette région. Ceci, nous pousse à nous interroger sur l’originede l’agriculture et le savoir-faire qui y est lié dans cette régiondu Sahara ouverte à la fois sur l’Afrique sub-saharienne et larive occidentale de la Méditerranée.

Les intervenants dans le procès de productionTraditionnellement le travail s’effectuait d’une manière

collective et manuellement, sous la responsabilité de celui queles femmes propriétaires avaient chargé du jardin.- Anagam : ou le puisatier est qui puise l’eau du puits pourirriguer les parcelles.- Wan tamara : ou l ‘animal qu’utilise le puisatier pour tirerl’eau, du puits.Cet animal peut être un bœuf, un zébu, un chameau ou un âneCar à Djanet, en plus de sources pérennes propriété collectivedu clan, il existe dans chaque jardin un puits creusé

collectivement par les membres du groupe de parenté grâce à

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Identité, langue et Etat 

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la twiza. Il faut signaler, ici, que le système d’irrigation par lafouggara, que l’on connaît au Twat -Tidikelt, n’est pas utilisédans L’Ajjer, malgré quelques tentatives pour son introduction

sous l’impulsion de l’administration coloniale Djanet.Ces tentatives ont tourné court, du fait certainementde la petitesse des surfaces irriguées et de l’organisation socialedes habitants de Djanet qui fait que l’exploitation de leurs

 jardins se fait dans un cadre familial restreint.Mais l’explication que donnent certains agriculteurs de Djanetreste la plus plausible. Selon eux, le niveau de la nappephréatique de l’Oued Eguerew sue les berges duquel sontimplantés les jardins, est relativement profond, surtout enpériodes de sécheresses prolongées, et de ce fait ne permet pasl’utilisation d’un tel ouvrage qu’ils connaissent cependant bien.

- Temaseswit : est une femme à laquelle on confie le travailconsistant à orienter le cours d’eau vers les parcelles à partird’un bassin collecteur appelé (tizemt  ). Cette tâche lui estspécialement confiée en raison de sa facilité.

- Wa n tifest : Celui qui apporte la semence.

La récolte terminée, Il est procédé, alors, avant toutpartage, au prélèvement de la part consacrée à la l’aumône etqui doit parvenir à la mosquée. A cette aumône régulières’ajoute une autre qui doit être prélevée sur la récolte d’un

 jeune arbre fruitier (palmier) qui produit pour la première foisafin que ses prochaines productions soient abondantes et

chargées de la baraka.Le contrat de la production La première personne à être payée est timaseswit qui obtient le1/7 (tas essahet) de la récolte générale avant sa répartitionentre les différents contractants.-Un quart (ta s ekkozet) de la récolte revient à anagam.-Un quart (ta s ekkozet) de la récolte revient au propriétaire del’animal de traction (tamara).

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Actes du Colloque international 

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-Un quart (ta s ekkozet) de la récolte revient à la personneayant fourni la semence.-Un quart (ta s ekkozet) de la récolte revient au propriétaire

du jardin. La répartition est faite en fonction du nombre deshéritières descendantes directes de l’ancêtre fondatrice pourlaquelle le habous a été rédigé. Si cette dernière a deux filles, lequart de la récolte appartenant au propriétaire est divisé endeux parts qui vont être distribuées à part égales auxdescendantes de chacune d’elles.

Il faut noter que si celui qui travaille la terre est assezentreprenant, il pourrait toucher à lui seul les trois quarts de larécolte du jardin.

Ce régime ne concerne que le blé, le miel et les culturesmaraîchères. Quand au palmier dattier il est soumis à un autretype de contrat !Les parcelles sont espacées d’un mètre chacune, réparties entreles deux propriétaires, chacun devant céder cinquantecentimètres pour permettre le passage aux bêtes de sommes.

Le contrat relatif à l’exploitation du palmier

Celui qui est en charge du travail agricole dans le jardinappartenant à des héritières (leur frère, en général) bénéficiede la moitié (1/2) de la récolte de chaque palmier qu’il auralui-même planté, jusqu’au 9e palmier. Quant à la récolte du10 palmier, elle lui revient en totalité. Il reçoit le régime dedatte de son choix sur tout palmier qu’il n’aura pas planté. Le10e palmier est la propriété inaliénable du travailleur du

  jardin, et à ce titre, il peut le léguer à ses descendants

féminins, le vendre, l’offrir ou le donner en dot.L’autre type de palmier est celui transmis par héritage auxpropriétaires féminins et donc leur appartenant en entier. Cetype de palmier dont la récolte ainsi que celle de jeunes poussesqu’il aura générer appartient en totalité à la propriétaire du

 jardin, s’appelle (aghersawi ).Il faut rappeler que, comme pour les autres produits

maraîchers, la part des héritières est calculée sur le nombre desancêtres féminins au nom desquelles est rédigé le habous (si les

héritières sont au nombre de trois, la récolte est, alors, divisée

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en trois parts, chacune étant répartie sur le nombre dedescendantes). C’est ainsi qu’au fur et à mesure que le nombredes héritières augmente, la part qui revient à chacune d’elles

diminue, jusqu’à arriver à ce que les Kel Djanet qualifient de«ce qui colle au doigt » (teltegh adad ) qui veut dire que la partde dattes qui revient à une personne pourrait égaler celle quicolle au doigt.Cependant, les héritières qui le désirent peuvent par elles– mêmes cultiver une partie du jardin et augmenter ainsi leurrevenu.

Le palmier est la valeur de change la plus sûre chez lesKel Djanet; il est donné en dot ou offert pour honorer unpersonnage important. Mais la propriété d’un palmiern’implique aucun droit sur la terre où il est planté.

Les chutes des dattes appartiennent au propriétaire dusol où elles sont tombées. Si elles sont tombées dans le jardinmitoyen, elles appartiennent alors au propriétaire de celui-ci.Elles peuvent être également ramassées par des nomades oupar des pauvres qui ne possèdent pas de jardins et qui vont ledisputer au propriétaire. L’acte de ramasser des dattes tombées

sur le sol n’est pas considéré comme du vol car celle- cin’appartiennent à personne dès le moment où elles sontdétachées de l’arbre.

Les enfants mâles peuvent hériter des produits (arbres)plantés par leur père, ainsi que de sa part de la récolte.Un homme qui n’a pas de sœur jouit de l’héritage de sa mèretant qu’il est vivant, mais dès qu’il meurt, celui ci revient à lafille de sa tante; ou aux filles de ses tantes, s’il en a plusieurs.

Le chant de fécondation du palmier dattier (asirer ) Durant l’opération de pollinisation du palmier dattier les

 jardiniers chantent le chant suivant :Yella teged teyné ô dieu fait qu’il donne des

dattesWeddigh tida… n abondance et non pas

des tida

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Actes du Colloque international 

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Koud wer hi tekfi d alek in ahiwa Si tu me donnes pas enrécompense un bonrégime

Ekfegh kem tedanghat n torha Je te frapperai avec unbâton de torha

Inalbaguen : les surveillants agricoles A l’approche de chaque campagne de récolte, les habitants dechacun de trois villages initiaux de Djanet se réunissent à lamosquée sous l’autorité de leur amghar et en présence del’imam (alfeqqi). Lors de cette assemblée, il est procédé à ladésignation de ce qui est appelé (inalbaguen) qui sont despersonnes qui vont constituer les surveillants agricoles parmiles hommes qui présentent la meilleure condition physique.Les tâches des surveillants agricoles consistent à effectuer destournées de surveillance pour prévenir des vols ou desdommages qui pourraient survenir durant cette périodedélicate (amaris) où la récolte arrive à maturité. Ces dommagessont souvent l’œuvre des animaux domestiques égarés ou desenfants.

Si un animal (chèvre ou chameau) pénètre dans un jardin et y cause des dégâts, le propriétaire de l’animal est tenude rembourser au jardinier les dommages causés, aprèsestimation par les inalbaguen et avalisation par le chef duvillage.Si des enfants sont pris en flagrant délit, les Inalbaguen leurconfisquent leurs habits qu’ils ne restitueront qu’aprèsréparation du préjudice causé au propriétaire du jardin.

Il arrive que des enfants appartenant à l’un des villagesprovoquent quelques dégâts dans les jardins du village voisin.Dans ce cas, il est rarement procédé au remboursement desdommages subis, les propriétaires cessant toute poursuite, parpudeur. Ainsi, les gens d’Almizan racontent des cas ou desenfants d’Agahil ayant pénétré dans un jardin y avaient causéquelques dégâts. Les gens d’Agahil qui avaient réclamé ledédommagement furent critiqués par des poètes d’Almizandans des joutes poétiques mémorables que l’on récite jusqu’à

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présent. Le poème suivant de la vieille Anna de kel Elmizan,illustre bien ce cas :

Dis aux kel AgahilEnn as i kel Agahil amsuraf Dis aux kel Agahil, pardonElkhukh wan tené adegh nessola s la récolte des abricots de

cette année, on n’en veutpas

Ad teknim iyyesan teknim imugar jusqu’à ce que chevaux etchameaux vous amassiez

Teknim ihwaren ak d tekdenfas les tapis et les couvertures,vous tissiez

Yezzar elqaid iga d tiwinas le caïd en tête sellant samonture

Telkam as erreghyet ta n emras une clique des vauriens lessuit à distance

Ainsi, la question de la propriété de la terre et larépartition de son produit entre les héritières permettent de

réactiver les généalogies et de se représenter le rapport aupassé afin que chaque récolte constitue une occasion pour laréaffirmation de l’unité du groupe. C’est ainsi que le cycleagricole sert d’élément de remémoration permanente conférantà la mémoire ancrée sur la topographie une dimensiondynamique.

La cosmogonie touarègue au féminin

« Ti n Hinan est arrivée dans l’Ahaggar en provenance deTafilalet, au Maroc, à dos de chameau, accompagnée de saservante Takamat qui a su sauver la petite caravane d’une mortcertaine en ayant l’idée de fouiller dans une fourmilière ou ellea trouvé des grains. Et de ce fait, elle a préservé sa maîtresse.Arrivées dans l’Ahaggar, elles découvriront un peupled’ignorants qui vivait de la chasse au mouflon et de la cueillettedes graminées sauvages. Ces autochtones, dont les tombeauxparsèment aujourd’hui le Sahara central ne connaissaient pas

le chameau, parlaient un « tamahaq » archaïque et s’appelaient

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Actes du Colloque international 

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Isabaten. Tin n Hinan a donné naissance à une fille dénomméeKella, qui à son tour, engendra le groupe de commandementdes Kel Ghela ».

Ce résumé du mythe de Tin n Hinan, l’ancêtrelégendaire des Touareg de l’Ahaggar, se répète sous d’autresformes, cependant, à travers tous les groupes de la sociététouarègue.Ainsi, le phénomène Tin n Hinan y est représenté presquepartout sous la forme de femmes légendaires chez les groupesoù le système matrilinéaire persiste encore, et/ou sous celled’hommes ou le même système commence à laisser la place à lapatrilinéarité. Ces femmes ont en commun avec Ti n Hinan,d’abord l’appropriation d’un espace donné, et ensuite lafondation d’un groupe de parenté qui va hériter de cet espace àl’intérieur des tissarrad, limites territoriales connues etreconnues par l’ensemble des groupes. Ces limites ont desrepères physiques ou géographiques nettement définis.Lesquels groupes de parenté fonderont un pouvoir politiquetirant sa légitimité des liens de filiation qui les rattachent lesuns aux autres, autour d’un pole élu parmi ce même groupe de

filiation tawsit qui forme la confédération. Cette institutionpolitique s’appelle amenoukal, ce qui correspondait au chef suprême qui, à son tour se justifie par une idéologie basée surla parenté, le liant à l’ancêtre féminin que le mythe ne cesse detravailler et de perpétuer. C’est le cas de Tin n Hinan, pour le

  groupe des Kel Ahaggar, et de sebnas, pour celui des kelFerouan, pour ne citer que ces deux exemples : sebnas, àl’instar de Ti n Hinan, est arrivé à Iferouan (le nord du Niger)à

dos de chameau, accompagné de deux autres femmes, dont ellea dit qu’elles étaient ses timghad « tributaires » ; Sebnas a reçule territoire d’Iferouane de l’amenoukal Azerzer qu’il a épouséparce qu’elle était monté à dos de chameau.

Depuis lors ces descendants héritèrent de ce territoire et y fondèrent leur pouvoir politique en tirant leur légitimité deleur lien avec Sebnas.Les autres groupes de la confédération tiwsatin de statutinférieur imghad par rapport au groupe au sein duquel est

choisi l’amenoukal, se réclament d’un ancêtre des nobles au

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pouvoir et avait par rapport à leur ancêtre la même positionqu’eux-mêmes occupent actuellement dans la hiérarchiepolitique et sociale. C’est ainsi que les groupes imghad ou

"tributaires", dans l’Ahaggar, se réclament toujours deTakammat, la compagne de Tin n Hinan lors de son arrivéedans le pays.

La masculinisation d’un schémaAutant que le mythe de Tin n Hinan est connu, pour avoir faitl’objet d’une vulgarisation littéraire depuis longtemps, celuides Ifoughas, dont nous allons présenter le résumé, est aucontraire, peu connu, par le fait que le groupe auquel il serapporte n’a pas fait l’objet du même intérêt de la part deschercheurs que celui des kel Ahaggar. Nous présentons cemythe pour appréhender la permanence du modèle structuralde la société touarègue sous l’influence de l’Islam.« Quand Mokhamed El Makhtar Aitta a quitté AL.Moughrib, ilétait accompagné de son père Ibrahim, mais ce dernier mourutà bouda, au twat, alors qu’Aitta poursuivi son chemin versl’Adagh, accompagné d’un autre homme du nom d’Aggag

Alamine, l’ancêtre des Iraganatende de l’Adaga. Après uncertain temps passé dans l’Adagh, Aitta est reparti à AlMoughrib, pour revenir plus tard accompagné de son filsGhabdu Assalam, et tous les deux s’étaient installés dansl’Adagh, jusqu’au décès d’Aitta. A ce moment là, GhabduAssalam avait beaucoup d’enfants. Devenu vieux il décida derepartir en pèlerinage au Twat et à Al Moughrib où il avaitlaissé ses parents, mais il mourut et fut enterré en cours de

route, dans un endroit appelé Iwallen, dans le Tanazrouft, surla route du Twat. Sa tombe est là-bas jusqu’aujourd’hui ».Il faut préciser, cependant, que comme tout document

transmis oralement, et à l’instar de celui de Tin Hinan, le mythede fondation des Ifoughas présente plusieurs variantes, dontnous avons choisi la plus dominante.

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ConclusionIl faut relever, enfin, la similitude entre les modalités detransmission de la propriété foncière et de la détention du

pouvoir politique chez les Touareg. En effet, la femme hérite dela terre et la transmet à ses filles; l’homme, quant à lui, peutbénéficier de l’usufruit de celle-ci en fournissant sa forcephysique, comme l’illustre bien ce dicton « ales itat ur ila » quel’on peut traduire par « l’homme se nourrit mais ne possèdepas ». La femme hérite également du pouvoir politique,conforté par le pouvoir économique qu’elle transmet à ses filleset que l’homme exerce en leur nom. Cette homologie entre ladétention par la femme de la propriété foncière et du pouvoirpolitique dénote la place privilégiée qu’elle occupe dans lasociété des Imouhagh en tant que matrice assimilée à la terre etdonc, à l’origine de leur univers. Ce principe puise ses racinesdans le schéma structural de la société touarègue qui fait de ladescendance féminine une idéologie. Cette dernière fonde etlégitime à la fois, le pouvoir politique sur une parcelle deterritoire matrimonial. Ce pouvoir émane et s’exerce au nomde la propriété féminine de la terre en tant que réceptacle du

 groupe de parenté.La structure sociale est transposée sur le foncier et se litavec une profondeur historique qui l’enracine dans le substratnaturel. Un tel enracinement permet à cette structure derésister à ce qui est considéré comme un travail permanent denivellement opéré par le religieux orthodoxe qui vise soneffritement en vue de sa reformulation en adéquation avec lemodèle patriarcal qui imprègne la société maghrébine.

L’adage suivant: alghada teghber echarigha (la coutumeprime sur la chariâa) que mettent en avant les Kel Djanetchaque fois qu’est évoquée la question de la conformité dumodèle structural de leur société avec l’orthodoxie religieuse,constitue aussi bien une forme de résistance qu’un travaild’harmonisation du sacré avec leur cosmogonie.

C’est ainsi que le modèle structural de la sociététouarègue fait que la captation et l’intégration d’élémentsnouveaux s’opère par la femme. C'est-à-dire qu’un homme

venu d’ailleurs ne pourra jamais fonder un lignage qui se

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réclamera de lui comme ancêtre fondateur à l’instar de se quiest en usage dans les sociétés où le patriarcat est dominant.Selon le modèle touareg, seul la femme, en rapport avec la

terre en tant que matrice est réceptacle, donne accès auxéléments constitutifs de l’identification au groupe local.

Bibliographie

- BADI (D), 1994, Ta-n-Ihinan /Tin-Hinan: un modèle structural de la société Touarègue , Dossier et recherches surl’Afrique, Ed. CNRS, Meudon.- DUVEYRIER(H), 1864, Les Touareg du nord , Paris.- GARDEL 1961, Les Touareg Ajjer du nord , Baconnier, IRS,Alger.

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Identité amazighe,entre spécificité et mondialisation 

Abdelkader KACHERMaître de conférences en droit constitutionnel  

Introduction générale

ntre le un de l’individu et le tout  de l’universellehumanité, comment résoudre la question desparticularités, de leur reconnaissance, de leur

statut juridique et des nécessaires différentiations ?

Durant cinq siècles, le droit international a donné àcette question complexe une réponse simple : l’Etat. Cetteréponse était politique car, dans chaque société étatique, lamainmise sur l’appareil de l’Etat a permis à quelquesparticularités d’étouffer toutes les autres (Monique Chemillier-Gendreau, Humanité et souveraineté : essai sur la fonction dudroit international, chapitre 10, la revendication d’identité,éditions de la Découverte, Paris, 1995, p. 322).

L’entendement et l’étude du fait culturel exigent desquestions qui intéressent les sujets d’un rapport identitaire,linguistique et éducatif puisqu’elles représentent des repères dela culture nationale et affirment son indépendance.

Face à l’impasse de l’affirmation culturelle depuisl’indépendance, due à une politique imprévoyante etirréfléchie, qui reste pour longtemps imperceptible, on en est

E

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Actes du Colloque international 

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arrivé à considérer l’Algérie comme un Etat sans identité jusqu’à quelques années passées.

A ce propos, on note ainsi un éclaircissement très

important présenté par Luis Martinez, qui remarque que«l’identité est construite par l’exclusion », en référence auxévénements, qu’avait déjà vécus la Kabylie en 1963 (L.Martinez, « identité et Etat en Algérie », Confluencesméditerranéennes, N) 11, 1994, cité par BENZENINEBelkacem, dans son article intitulé : « Quelle identité pourquelle nation ?», publié dans Le Quotidien d’Oran n° 2315 du18/08/2002, p. 07, note 2).Ma démarche d’approcher la question identitaire Amazigh enAlgérie est confortée par plusieurs éléments interpellatifs :

En suivant un documentaire sur la chaîne publiquefrançaise « France 5 », diffusé le samedi passé (15/03/2003,décrivant certains éléments constitutifs de l’identitéVietnamienne, je me suis reposée plusieurs questions sur lavalidité de l’approche, jusqu’ici défendue par les détenteurs dela théorie de l’Etat-nation, notamment en Europe, à l’aube de lamondialisation et autres intégrations régionales interposées.

La détermination de ces derniers qui exportaient leurthéorie, sur d’autres civilisations et sociétés, est de plus en plusremise en cause de par les crises internes vécues ou, que viventencore, un certain nombre de pays décolonisés d’Afrique (lecas de la Cote d’Ivoire, entre autres est significatif à plus d’untitre).

Ainsi l’Europe qui avait colonisé puis imposé ses valeurset fondements de société sur la base d’éléments étrangers aux

composantes culturelles locales, et a instauré un système devaleurs propres à leur société n’a pas contribué à une prise encharge des composantes identitaires internes.

Les anglais voulaient « anglophoner » leurs zonesd’influences, qui reçoit ses « lettres de noblesse » par la lutte decoulisses imposant un « gouverneur Secrétaire général del’ONU », de culture anglaise, alors que les français installèrentl’organisation de la francophonie au sein de leur « hinterland »,depuis Boutros Boutros Ghali à Abdou Diouf , l’héritier du

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penseur de la négritude comme référence active del’affranchissement des servitudes des damnés de la terre.

Se sentant menacés même dans un monde post seconde

  guerre mondiale, par l’avènement inattendu, et par pouvoirfinancier interposé du Plan Kenz-Wait, de la suprématie de lalangue anglaise comme langue officielle de la communautéinternationale dans son ensemble, le constituant françaisengagea une réforme de la loi fondamentale en 1994, pour seprémunir de ce «fléaux » outre atlantique. Le Français devientofficiellement langue de la France historique du vieux mondeface à l’appétit insatiable du nouveau monde qui veut

 gouverner le monde uniformisé.L’exemple hégémonique des deux tendances

« civilisationnelles et linguistiques » précédentes peut être priscomme facteur générateur de pouvoir de domination d’unelangue sur d’autres, en instaurant un régime à la « Nation laplus favorisée » même dans le domaine identitaire.

A la lecture de l’historique identitaire, à cet effet, lalangue évoque en Algérie, depuis le recouvrement del’indépendance politique, l’une des questions les plus

complexes dans le discours politique ainsi que dans les étudessociales. « Cela est dû aux diversités linguistiques, à l’héritagecolonial et à la démarche obscure et ambiguë qu’a pratiqué lepouvoir politique en place dans notre pays à cet égard »(souligne Belkacem BENZENINE, dans son article précité).

Pour se confirmer, ces particularités, oubliées, seréfèrent, à l’heure de la mondialisation, au concept du contrôledes individus sur leurs Etats, mais aussi des individus sur les

organisations internationales, que leurs Etats ont créées et, enretour, contrôle des organisations internationales sur lamanière dont les Etats en usent de la démocratie universelle.C’est le sens voulu par certains instruments juridiquesinternationaux, à l’exemple du Traité de Maastricht qui ainstauré un régime de la subsidiarité communautaire. L’unedes caractéristiques de cette nouvelle donne, au niveaunational et international, est justement de réaffirmer l’identitéde chacun dans la symbiose commune des autres.

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Dès lors, la langue présente deux sortes de rapports :1- Elle peut être tout d'abord l'objet- Soit qu'elle bénéficie d'une protection spécifique (le

pluralisme ou conflit des langues est l'objet de l'intervention dudroit), auquel cas la liberté d'utilisation des langues n'apparaîtque dans les contrats internationaux, comme un prolongementde l'autonomie de la volonté;- Soit qu'elle protège elle-même l'exercice des droits subjectifs.De ce fait, la langue, en tant qu'objet de la règle de droit a, dela sorte, une fonction ambivalente, qui est source de confusionde la part du législateur.

2- La langue peut ensuite avoir un rôle plus modeste lorsqu'elleconstitue l'un des présupposés de la règle de droit, poursuivantalors deux fonctions différentes de révélation ou indice d'unesituation juridique ou de création d'un droit.

La prise en compte de la langue par le droit, en Francepar exemple, est ancienne (depuis le fameux Serment deStrasbourg du 14 février 842, ou qu'elle soit le fait de l'Eglisedepuis 813 quand le Concile de Tours avait ordonné au Clergé

de prêcher en langue courante - in rusticam romanam linguam - là où les fidèles ne comprenaient pas le Latin ), oudu pouvoir monarchique ( en 1529, est inauguré par François1er un enseignement en français dans le collège des troislangues - ancien Collège de France).

L'Académie Française, chargée de "codifier la langue"dans un dictionnaire, est fondée par Richelieu en 1635, aprèsqu'une décrétale "Surescpecula" de 1219, ait interdit

d'enseigner le droit romain à l'université de Paris, sous peined'excommunion.Dans le sillage de causalité relationnelle, de l'histoire de

la langue et le droit français, l'un des textes les plus connus, estl'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 qui imposel'usage de la langue française à tous les actes de procédure etaux actes publics en général. (Ainsi les motifs de l'article 111de l'Ordonnance sont clairement exposés à l'article 110comparable avec l'article 11 du titre XIV de l'Ordonnance

criminelle de 1670, relative à la langue de la procédure

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Identité, langue et Etat 

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criminelle, qui prévoit l'intervention d'un interprète si l'accusén'entend pas le Français). Cependant, l'Ordonnance diteVillers-Cotterêts n'interdisait pas l'usage des autres langues,

dites provinciales.Il faudra attendre la période dite "révolutionnaire" pourque l'adage un roi, une langue devienne une Nation, unelangue (avec la confirmation du concept de l'Etat-Nation).Cette action passive a fait apparaître le problème linguistiquecomme un fait politique (sur les conséquences et lesimplications linguistiques de l'intervention juridique de l'Etatdans le domaine de la langue, voir les actes du Colloque du LacDelage - Québec - du 3 au 6 octobre 1976, office de la languefrançaise, qui concluait que : liée de près à la l'éveil des nationalités en Europe, la langue ne devient un objet de droit qu'au XIX siècle .

En Algérie, après une intervention nuancée et amputéedu constituant Algérien, en 1996, réajustée partiellement enavril 2002, la question de la langue Tamazight sillonnait,depuis quatre décennies d'indépendance, timidement le senshorizontal des chemins qui descendent à la recherche d’une

prise en charge plus opérationnelle par le législateur, àl'exemple de la revalorisation de la langue arabe.Dès lors l'objet de l'intervention du législateur, pour

aller loin et plus dans la réhabilitation de la langue Tamazight,consiste à définir le statut de cette langue en parallèle à l'autrelangue (l'arabe), par l'adoption de textes faisant sortir les

  garanties et la sécurité fondamentales accordées à la langueTamazight mise en danger par la volonté délibérée et par

inconscience coupable de certaines gens non-éclairées depuisle recouvrement de la souveraineté nationale.La langue Tamazight cherche dans son espace vital,

l'Algérie, une protection par le droit à travers deux actionscomplémentaires :- Le constituant par son officialisation comme langue nationaleet officielle de la République Algérienne, et,- Le législateur par la mise en œuvre d'un statut et régime

  juridique de confirmation de jure d'une réalité de facto pour

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Actes du Colloque international 

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une confirmation et un rayonnement dans l’universalité du3ème millénaire.Qu'en est-il au jour d'aujourd'hui?

Suivons la chronologie interpellative du processus longet lent de cette œuvre de restauration, de l'un des élémentsconstitutifs et fondamentaux de notre personnalité nationalealgérienne, afin de poser un certain nombre d'observationspréliminaires d'approches sur le devenir de sa réhabilitation etde sa promotion qualitative dans un monde où les droitsfondamentaux de la personne humaine et des peuples est enévolution presque positive.

  Jésus COLLADO, dans fundamentos de linguistica  general, Madrid, éditions (GREDOS), 1978, souligne que :« Dans toutes les langues subsistent des traces des événementspolitiques, sociaux et culturels opérés au sein descommunautés respectives de ses sujets. Pour cette raison, nouspouvons affirmez que l’histoire d’une langue fait partie del’histoire d’une nation » (repris par Mr. Ben ALLOU Lamine,"point de vue", in AAct n° 864, semaine du 6 au 12 mai

1982.p.19).Il n’est pas fortuit lorsque le constituant algérien en1989, (Décret Présidentiel n°- 89-18 du 28-02-1989, relatif àla publication de la révision constitutionnelle- JORA (9), du01-03-89-), cite avec fidélité la Liberté du peuple algérienacquise et revendiquée sans cesse au travers de son histoirelongue, lointaine, pour affirmer l’affectivité de ce principe quin’accepte aucune dérogation dans son application intégrale.

Le terme Liberté utilisé plus de dix fois dans lepréambule de la constitution de 1989, porte un sens et unevaleur fondamentale - Amazigh, au sens Homme libre.

En Algérie, la langue arabe académique est dotée d’unstatut officiel (article 3 de la constitution de 1996) et sous-tendue d’une loi portant sa généralisation (loi N° 91-05), enrevanche, la langue tamazight, dont le caractère national estincontestable, à moins d’en faire une langue étrangère, ce quiserait le comble de l’aliénation, reste encore sans statut,

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réellement et clairement contraignant, dans son propre aire géographique.

Cela étant, l’écho de la revendication de masse quant à

la réhabilitation et la promotion de la langue tamazight depuisl’analyse du discours officiel à travers des déclarationssolennelles, ayant valeur d’engagement étatique de larépublique à son insertion dans les principes généraux de laconstitution Algérienne révisée en 1996 puis revue pour lacirconstance en avril 2002, dans la perspective de sonaffermissement de son effectivité dans tous les domaines, est unprocessus lent, mais plutôt positif dans l’attente d’une volontépolitique effective de donner une suite favorable aux attentesdes jeunes en action contributive.

Une telle démarche, courageuse et réconciliatrice deséléments de la personnalité algérienne dans ses différentescomposantes de manifestation, posera d’une manièreirrévocable les piliers du droit à un développement participatif de la langue tamazight, tant au niveau nationalqu’international et, prémunira notre société des risques d’unealiénation par intégration interposée et imposée dans des zones

de «libre-échange des idées et de cultures sans frontière » entreles plus forts au détriment des plus démunis.Ce processus, inscrit dans le temps, ouvre l’espoir à un

optimisme légitime pour la prise en charge de la langue de tousles Algériens, avec l'engagement et la responsabilisation dechacun et de tous les acteurs de la vie nationale. Cetteresponsabilité interpelle la conscience collective pour laréhabilitation et la promotion et le développement de la langue

de Massinissa, tamazight, en réconciliant l’être algérien avecson identité et son histoire civilisationnelle.Cela, prémunira sans aucun doute la société des aléas et

autres menaces d’hégémonie d’une langue sur les autresreléguées au statut de sous langues, à l’ère de lamondialisation.

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Actes du Colloque international 

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II. La lueur de la prise en charge officielle de la languetamazight.Le peuple algérien n’a pas perdu son identité au cours de la

route, note Monsieur Azzeddine Zalani, les Algériens sont ceque leurs ancêtres ont été, tout simplement c’est cette visionhistorique, national et patriotique qui doit s’imposer. La prisede conscience identitaire d’une nation se fait grâce à lapermanence du fait historique. Seul l’enracinement dansl’histoire produira le consensus identitaire, loin de constituerun retour vers le passé, le ressourcement historique, permetaux nations de se réaliser (voir El Watan du 04 - 07 - 97 page7). Cette prise de conscience appelle impérativement etirrévocablement une action de prise en charge officielle.

Conséquence des luttes pacifique pour la restaurationd’un droit fondamental de l’homme et de la femme algérienne,de sa langue maternelle, le droit de la pratiquer et de lapromouvoir, en tant qu’exception culturelle dans une gestationde la globalisation et de la mondialisation, nous permet dedévelopper et d’utiliser pleinement, effectivement etefficacement nos qualités, notre intelligence, nos talents et

notre conscience et satisfaire nos aspirations spirituelles etautres.Le respect des éléments composant l’identité de

l’homme, dans sa dimension égalitaire, ainsi que leurprotection, est une exigence de plus en plus affirmée etreconnue.

Le déni des droits de l’homme et des libertésfondamentales, pris au sens actif, conjugué à l’exclusion de la

pratique de sa langue en particulier, est tragique à titreindividuel et personnel, mais, encore, il crée le désordre sur leplan social et politique.

La conscience de la prise en charge, en réponse àl’exigeante légitimité de sa revendication, est le bien venu, entant qu’élément, presque satisfaisant mais pas assez consolidé,au travers de certains actes officiels et publics de la hauteautorité de l’Etat algérien notamment à la lumière du décretinstituant le Haut Commissariat à l’Amazighité (HCA), puis

l’apport de la révision constitutionnelle de 1996 et celle de

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Identité, langue et Etat 

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2002, conjugué, enfin, à d’autres instruments juridiques àportée exécutoire.

Pris conformément à la Constitution de 1989 ( article

74-6ème), en tant qu’engagement et acte juridique appelant,de ce fait, une sanction constitutionnelle sur tout le territoirede la République dès sa publication au journal officiel (conformément aux dispositions de l’article 04 de l’ordonnancen° 75-58, du 26 septembre 1975, modifiée et complétée,portant code civil algérien ), cette loi, portant institution duHCA, réhabilitant et appelant à promouvoir la languetamazight, régit donc toutes les matières auxquelles se rapportela lettre et l’esprit de l’une de ses dispositions ( article 1er duCCA) ;

Portant le sceau du premier Magistrat du pays, lePrésident de l’Etat Algérien ;

Publié au journal officiel de la République AlgérienneDémocratique et Populaire, n0 29 du 28 mai 1995, p. 4 etsuivants, est, de cette nature, obligatoire et exécutoire sur leterritoire de la République algérienne démocratique etpopulaire (article 4 CCA) ;

Le décret Présidentiel, précité, se réfère, pour source, àla Plate forme portant Consensus national sur la périodetransitoire, (publiée par décret présidentiel n° 94-40, du 29

  janvier 1994, JORA, n° 06 du 31/01/1994, p. 3, considérécomme étant une constitution de fait), notamment son article13-6ème, qui confère au Président de l’Etat toutes lesprérogatives et pouvoirs constitutionnels dévolus au Présidentde la République conformément à la constitution de 1989, se

veut une confirmation et une garantie supplémentaire dansl’assise constitutionnelle de cette loi ;Précédé d’engagements publics solennels du Président

de l’Etat, notamment :- La Déclaration du 5 décembre 1994, devant le Conseil desministres, réuni sous sa présidence ;- La Déclaration du 25 mars 1995 devant les participants à laConférence pour l’enseignement de l’histoire, avec tout ce qu’acet événement comme poids moral et de sens profond dans la

consolidation de la mémoire collective de la nation algérienne ;

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Actes du Colloque international 

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- La Déclaration contenue dans le Discours du Présidentprononcé publiquement lors sa visite officielle dans la wilayade Sidi Bel Abbès ;

Ces engagements solennels et officiels lient l’Etatalgérien, au travers de ces déclarations, de portée exécutoire, selisent comme une volonté d’être lié conformément aux termesmêmes utilisés, et la forme porte peu dans ce domaine, car : « ilest reconnu que les déclarations revêtant la forme d’actesunilatéraux et concernant des situations de droit ou de faitpeuvent avoir pour effet de créer des obligations juridiques...car, ayant un objet très précis ( ici la reconnaissance officiellede la légitimité de la revendication identitaire detamazight) » comme il ressort de l’arrêt de la Courinternationale de justice dans les conséquences des actesunilatéraux des Etats, en l’affaire des essais nucléaires dans lepacifique, CIJ, arrête du 20 décembre 1974, Recueil 1974, pp.267-268 ;

Confirmé et ‘’constitutionnalisé explicitement dansl’objet du préambule de la constitution révisée en 1996 -publiée au JORA, n° 76 du 08 décembre 1996 - dans les

engagements consensuels repris dans la plate forme portantEntente Nationale - JORA, n° 54 du 19 septembre 1996 -La publication au JORA, est la condition sine qua non del ‘application effective de l’adage, érigé en règleconstitutionnelle par l’article 60 de la constitution de 1996,selon lequel « nul n’est censé ignoré la loi » , surtout s’il en veutéviter que la fiction inévitable qu’il conforte ne devienne deplus en plus fictive, note G. BURDEAU, 1986,ed. Dès lors, l’on

peut considérer que la publication apparaît « comme lecorollaire nécessaire de la présomption selon laquelle « nuln’est censé ignorer la loi » (MAYRAND, 1991 :853). En outre,elle permet de satisfaire aux exigences du juge qui n’appliqueque les textes (M. LARABA, le droit conventionnel algérien,Idara, p. 370).

Mises en application sur le territoire de la RépubliqueAlgérienne Démocratique et Populaire, au travers del’enseignement de et en tamazight, dans les différents secteurs

de l’enseignement et de la formation, Décrets exécutifs n°s 97-

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Identité, langue et Etat 

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155 et 97-156, du 10 mai 1997, sus cités, extensible auxautres secteurs, avec une lecture minutieuse des dispositionsd’autres textes à l’instar du décret exécutif n° 98-46 du 08

février 1998, JORA, n° 06 du 11/02/1998, p.4 et 5.Les réunions de travail périodiques des ministèreschargés de l’application et de la bonne exécution del’enseignement et e la pratique quotidienne, à l’exemple desconsultations engagées par Monsieur le Ministre de l’Educationnational le 29/06/97 , dans la perspective d’œuvrer àl’enseignement de la langue tamazight, au fait l’enseignementde ou en ou de et en tamazight ?, dans les différends cycles dufondamental et du secondaire, ( voir le quotidien Liberté du1er juillet 1997 ) ;

Pour ce qui précède, il y a lieu, et il est permis de jeterun premier constat, plutôt à-positif, dans le processus del’évolution et non de régression de la « prise en charge » dansla voie de la « constitutionnalisation ».

Après, le parachèvement de son « officialisation et de sa  généralisation » au niveau interne (nationalement parlant)dans l’enseignement et dans les autres secteurs, notamment

  judiciaire, pour une réhabilitation et une promotioneffectivement efficace, du point de vue scientifique,pédagogique, social, culturel, enfin civilisationnel en tant quelangue de la nation de l’Etat Algérien, de CHACUN ET DETOUS.

III. Le second souffle de la revendication identitaire, ou laDéclaration de La Soumam II à l’écho du 12/03/2002.

Conséquence logique d’une revendication « légitime et juste »comme il ressort des déclarations officielles des autoritésalgériennes, la plate-forme rédigée dans la vallée de laSoumam, à El-Kseur en juin 2001, reprend encore une fois etavec des termes on ne peut plus claires et forts, l’urgence etl’impérative accomplissement du processus de parachèvementde l’identité nationale.

Après près d’une année qui a vu l’émergence dumouvement citoyen, le pouvoir, décide enfin, devant l’opinion

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Actes du Colloque international 

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nationale et internationale de « négocier » pour répondrepresque favorablement à « l’éveil du juste ».

Une Déclaration d’intention, prise au sens

d’engagement solennel du premier magistrat du pays, en lapersonne du Président de la République Algérienne, fait acte le12 mars 2002 de la revendication légitime et juste de la

 jeunesse des deux printemps.C’est donc bien de l’identité du peuple algérien dans

son intégralité qu’il s’agit lorsqu’on parle d’amazighité et lecaractère national des composantes de cette amazighité ne peutdonner lieu à aucune contestation qu’il s’agisse de la langue oude la culture amazighes, confirme le Président A. Bouteflika, le12 mars 2002.

Légitime », la revendication identitaire souffre depuisdes décennies de malentendus », « elle doit être régléemaintenant afin d’épargner aux générations futures les risquesde rupture », martèle encore le Président de « tous » lesalgériens (El Watan, n° 3426, du 13/03/02, pp.1et3).

Reconnaître constitutionnellement la langue amazighe(tamazight) comme langue nationale n’est que le

parachèvement d’un processus consacré et dans les faits etdans la pratique institutionnelle. Cette autre affirmation-confirmation du Président de la République est une approche

 juridique proprement dite. Sans remonter aux sources du droitet des obligations, il y a lieu de constater, à travers les conceptsutilisés par le président, qui confirme bien l’existence d’unerègle émergente consacrée dans les faits comme étant unenorme de jus cogens « la coutume impérative », observée et

respectée par la communauté nationale dans son ensemble etles institutions de la République dans la pratique quotidienne.Le président observe et confirme officiellement donc

l’existence d’une reconnaissance de facto de la languetamazight comme langue nationale (lorsqu’il utilise le terme« faits », et comme langue officielle en se référant à la pratiquedes institutions de la République).

Cette reconnaissance de facto appelle donc et sansaucun doute une reconnaissance de jure par constitution

interposée. Car cette reconnaissance, pour le besoin de

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Identité, langue et Etat 

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l’effectivité de tamazight, n’est en fait, que la mise en œuvre duprocessus inscrit dans l’esprit de consolidation du processus derestauration de la personnalité nationale «unique». (Discours

du Président, extraits, repris par le Quotidien « La Tribune n°2024 du 13/03/02, p. 1).En suivant la logique développée par le premier

magistrat du pays dans son discours déclaratoire, nousrelevons les observations suivantes :

Le président, en affirmant, je le cite : « nous avons tousle devoir (j’aurai aimé le terme obligation) de faire en sorte queles hésitations soient levées (après près d’un demi siècle del’émergence de la « question berbère » entre algériens, 22 ansaprès les conséquences de l’interdiction d’un « coursconférence » de l’auteur de la colline « inoubliable » et prèsd’une année ( avec son lots de sacrifices humains de la

  jeunesse) du printemps « noir », alors que la questionalgérienne dans sa globalité en tant que question dedécolonisation et d’autodétermination n’a pris que près de 5ans pour que la communauté internationale dans son ensemblene se prononce pour l’octroi de l’indépendance aux peuples et

territoires non autonomes au sens de la Charte des nationsunies et de la Déclaration 1514/1960),- Les procès d’intention (de qui par rapport à quoi) écartés,- Les préjugés surmontés (entretenus par qui par rapport àquoi et à qui, se devait encore de le dire pour l’histoire) ;

L’utilisation de tels termes et concepts est encore unefois un aveu du président que la question identitaire en Algérie,notamment dans son aspect amazigh, a été délibérément

occultée et ou écartée du processus de parachèvement de lapersonnalité algérienne post-indépendance.La Déclaration du Président de la République faite à la

Nation, devant les représentants des deux chambres (APN etSénat) en présence des représentants de partis politiques, duGouvernement de la République, du mouvement associatif etde la société civile de la communauté nationale dans sonensemble (voir le quotidien « La Tribune, n° 2024, du13/03/02, p.1), est un engagement de l’Etat algérien devant la

communauté nationale et internationale au sens de la

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Actes du Colloque international 

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« jurisprudence » de la Cour internationale de Justice (Voir, CIJ,Arrêt du 20/12/1974).

Des déclarations de cette nature peuvent avoir et ont

souvent un objet très précis (ici, l’objet est laconstitutionnalisation de la langue tamazight) (…) l’Etatintéressé étant désormais tenu en droit de suivre une ligne deconduite conforme à sa déclaration. Car, un engagement decette nature exprimé publiquement (devant l’ensemble de lareprésentation nationale -Parlement -) et dans l’intention de selier, même hors du cadre de négociations internationales, a uneffet obligatoire (CIJ, arrêt, pp. 267-268).

Afin de mettre à exécution ses engagements publics, lePrésident de la République décide, conformément à l’article176 de la Constitution, que l’officialisation de tamazight peutêtre menée sans le recours à la voie référendaire, car c’est unemesure de bon sens (Le Quotidien d’Oran, n° 2181 du13/03/02, p. 03).

Le Conseil des ministres entérine le 1er avril 2002 (cen’est pas un poisson d’avril, mais bien d’une revendicationd’avril) l’engagement du Président en adoptant le projet de loi

portant révision de la Constitution pour laconstitutionnalisation de Tamazight comme langue nationale(Voir le Quotidien « La Tribune n° 2041 du 02/04/02, p. 1).En la consacrant dans le corpus normatif de la constitution,après son introduction évasive dans le Préambule de laRévision opérée en 1996, Tamazight reprend son statut normalde langue nationale en Algérie.

Au cours de cette réunion de la haute instance

exécutive, le Président invite le gouvernement dans sonensemble à mettre en place tous les mécanismes juridiques etinstitutionnels nécessaires pour le développement de la languetamazight nationale, dont il a officiellement reconnu l’étendu.

IV. Tamazight est également langue nationale.La Constitutionnalisation de la langue tamazight «consacreradonc l’obligation pour l’Etat algérien d’œuvrer à sa promotion (contenu déjà dans le décret portant institution du HCA, cité

plus haut, et à son développement (concept utilisé enfin dans

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Identité, langue et Etat 

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le vocabulaire officiel) à la lumière des directives, dont le gouvernement est destinataire, relatives à l’obligation de faire.« Préparer immédiatement les instruments juridiques et

institutionnels nécessaires pour traduire ces finalités dans despolitiques actives de mise en application » (conclut le Présidenten Conseil des ministres du 1er avril 02, comme il ressort de lasynthèse donnée par le Quotidien d’Oran n° 2198, du02/04/02, p. 06).

Sur saisine du Président de la Républiqueconformément aux procédures constitutionnelle en vigueur(article 176 de la Constitution) en date du 1er avril 2002,enregistrée au Secrétariat du Conseil Constitutionnel le même

  jour, sous le n° 27/02 et en vertu de laquelle il soumet auConseil Constitutionnel un "Projet de loi portant révision de laConstitution" dont l'objet porte sur l'ajout d'un article nouveauainsi formulé :"Art. 3 bis. - Tamazight est également langue nationale.L'Etat œuvre à sa promotion et à son développement danstoutes ses variantes linguistiques en usage sur le territoirenational".

Le Conseil constitutionnel,- Considérant que la constitutionnalisation de Tamazightlangue nationale (…),(avis n° 01/A.RC/CC/ du 3 avril 2002,

  JO n° 22 du 3/04/02, p. 3) ne porte pas atteinte au statutconstitutionnel de la langue arabe en tant que "languenationale et officiel" a fait une interprétation de causalité entreles deux langues nationales qui ne se superposent et ne seconcurrence pas, puisque la langue Tamazight qui sera

constitutionnalisée n'est pas officielle.- Considérant en conséquence, que le projet de révision de laConstitution initié par le Président de la République (…) neporte pas atteinte aux principes généraux régissant la sociétéalgérienne, aux droits et libertés de l'homme et du citoyen, nin'affecte d'aucune manière les équilibres fondamentaux despouvoirs et des institutions constitutionnelles…,

Le conseil constitutionnel en se prononçant de cettemanière aurait du confirmer cette évidence par la référence à

l'article 178 qui devait être modifié avec le rajout d'une autre

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Actes du Colloque international 

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référence relative à la langue Tamazight, pour la prémunir detoute tentative de remise en cause.

Cet avis motivé pousse plus loin pour confirmer que

cette constitutionnalisation constitue une consolidation descomposantes fondamentales de l'identité nationale que sontl'Islam, l'arabité et l'Amazighité (l'ordre entre les composantesdevrait être plus objective du point de vue chronologique del'avènement de l'un et des autres - Amazighité, Islam, etarabité) dès lors qu'elle représente un élément constitutif del'Amazighité qui est une des composantes fondamentales del'identité nationale énoncée à l'article 8 (2ème titre) de laconstitution prévue au titre des principes généraux régissant lasociété algérienne et définie au préambule de la constitution.

Le Parlement convoqué, en ses deux Chambres réunies,pour le 8 avril 2002 est appelé pour la première fois dans leurhistoire en cette composante, pour se prononcer sur le projetde loi portant révision constitutionnelle sans la soumettre àréférendum populaire (Décret présidentiel n° 02-106 du 3avril 2002, JO (22) du 3 avril 2002 p. 4).

L’Assemblée Populaire Nationale (APN) et le Sénat

(Majless El Oumma), réunis au Palais des Nations, adoptentl’amendement de la Constitution impliquant laconstitutionnalisation de la langue Tamazight, telle queproposé par l’exécutif et entériné par la Commission mixteconformément à la loi, avec une majorité assimilée à uneunanimité.

Aucun parlementaire ne s’est prononcé contre larévision de la Constitution de 1996.

Sur les 514 sièges que compte le Parlement, 484parlementaires étaient présents le 08/04/02.482 ont voté en faveur de l’amendement proposé par laprésidence de la République et adopté par le Conseil desministres.

La Constitution est confortée par un article 3 bis quidispose, enfin, que :«Tamazight est également langue nationale »

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Identité, langue et Etat 

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«L’Etat œuvre à sa promotion et à son développementlinguistique en usage sur le territoire national » (Loi n° 02-03du 10 avril 2002, JO n° 25 du 14 avril 2002 p. 11).

Tamazight devient, enfin après une longue marche dessiècles, constitutionnellement et d’une forme officielle, l’un despiliers fondamentaux de la personnalité algérienne.

V. Les conclusions d’une seconde lecture d’un rêve inachevé :le caractère national officialisé de la langue de Massinissaappelle inéluctablement son officialisation pour affermir notreidentité face à la mondialisation.Après avoir tiré les premières observations d’étapes, et lesobservations, émises depuis, en relation de principe avecl’esprit de la juste et légitime revendication identitaire, le rêvedes justes n’est pas totalement et intégralement réalisé du faitde l’amputation du feed-back du concept impliquant lecaractère «officiel», à l’exemple de l’article 3 relatif aucaractère national et officiel de l’autre langue national qu’estl’Arabe.

Le processus étant engagé, il est permis d’espérer que

cet autre aspect juridique suivra la consécration desmanifestations des comportements et de la pratique de lacoutume sage pour la rendre plus opérationnel dans tous lesdomaines de la vie quotidienne.

Une seconde relecture de la « Réal-politic » permettradans un proche avenir le développement positif et soutenu dela langue Tamazight dans un rayonnement national, régionalet universel qui permettra à cette langue millénaire d’avoir une

fonction juridique plus harmonieuse.Cet espoir est permis à partir d’un certain nombre derepères à commencer par les implications du Décretprésidentiel promulgué le dimanche 07/04/2002, relatif austatut « des droits des victimes des « événements » ayantaccompagné le mouvement pour le parachèvement de l’identiténationale » (Voir en ce sens le quotidien « le Matin » n° 3080du 09/04/02, p. 02).

Intervenant lors des travaux du colloque international

sur "Tamazight face aux défis de la modernité", (Boumerdès,

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Actes du Colloque international 

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15-17 juillet 2002) Mme Dalila Morsly, universitaire à Angers(France) insista sur le fait qu'avant d'officialiser une langue, "ilfaut réfléchir sur les diverses fonctions que cette langue peut

avoir dans son nouveau statut et lui en développer d'autres" .pour dire qu'une langue évolue parce qu'elle fonctionne. Il fautque la langue serve, et que le locuteur réfléchisse à quoi celle-ci sert". Car comme concluait M. Rabah Kahlouche, Recteur del'Université Mouloud Mammeri, de Tizi-Ouzou, en suivant lalogique développée par Mme Tigziri Nora, Doyen de la Facultédes lettres et sciences humaines à l'Université MouloudMammeri: "du moment où il y a une norme unique, leTamazight ne peut, dans ce sens être perçu comme étant unelangue maternelle, et son enseignement se fait, enconséquence, pour certaines communautés berbérophones,comme une langue étrangère".

Les travaux du séminaire clôturé le 17/07/2002,portent essentiellement sur :1- Mise en conformité, avec l'article 3 bis de la constitution, detout l'arsenal législatif et réglementaire régissant la vienationale.

2- Etablissement d'une évaluation-audit par un organismeexterne, de l'opération d'enseignement de Tamazight menéedepuis 1996;3- Création urgente des structures scientifiques chargées del'aménagement des variétés de Tamazight en vue de laformalisation;4- Introduction de Tamazight comme langue d'enseignementdans les structures pré-scolaires rattachées au ministère de

l'Education nationale pour la rentrée 2003-2004 (Voir lesconclusions in le quotidien "Liberté" n° 2976 du 19-20 juillet2002, p. 11.

Une épine reste, toutefois, à extraire du parcoursmillénaire d’une revendication juste et humaine, à l’ère de lamondialisation.

Il est dans l’intérêt de la communauté de destin deparachever cette réforme en introduisant une modificationdéductive de la précédente sur l’article 178 de la constitution

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Identité, langue et Etat 

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en vigueur pour asseoir définitivement cette légitimitéidentitaire dans une sécurité et une garantie constitutionnelle.

Il n’est pas insurmontable, à partir des leçons tirées du

vécu douloureux de la société civile qui a porté haut l’une despierres angulaires de la cohésion sociale et identitaire del’Algérie millénaire, en confirmation de l’identité Amazigh denotre communauté d’histoire civilisationnelle et de destinsouhaité dans une harmonie féconde, de parachever le socled’une cohésion porteuse d’espoir et lendemains prometteurs.

L’article 178 de notre constitution doit donc répondre àces attentes légitimes en le confortant de la dimensionamazighe enfin assumée, conformément aux vœux des jeunesqui ont sacrifier leur vie pour cet idéal d’existence dans unmonde où les spécificités culturelles s’affirment et seconfirment jour après jour.

Une formulation en relation aux révisions potentiellesde notre loi fondamentale saura intégrer cette dimension par lareformulation suivante :« Article 178. - Toute révision constitutionnelle ne peut porteratteinte :

1- Au caractère républicain de l’Etat ;2- A l’ordre démocratique basé sur le multipartisme ;3- A l’Islam, en tant que religion de l’Etat ;4- A l’arabe et Tamazight, comme langues nationales etofficielles ;5- Aux libertés fondamentales, aux droits de l’homme et ducitoyen ;6- A l’intégrité et à l’unité du territoire national.

Une telle approche éclairée répond indubitablementaux attendus déclaratoires, de plusieurs acteurs de la vieinternationale, à l’image des notes introduites par le Présidentde la République française, en visite d’Etat en Algérie, le03/03/2003, lorsqu’il insista sur la consolidation et lapréservation des spécificités culturelles dans un monde enperspective de gestion par ensembles, comme est le cas del’Union européenne, et ou du vent de la globalisation qui nerespecte aucune limite frontalière (revisiter le journal télévisé

ENTV, de 20 heures, du 03/03/2003).

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Actes du Colloque international 

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Les débats d’actualité, au cœur même des paysdéveloppés, Etats-Nation, se recentrent de plus en plus sur lapriorité accordée aux instruments juridiques protecteurs des

identités nationales pour une humanité assumée dans sadiversité.Pour notre langue tamazight, on ne peut la développer

ni la prendre en charge effectivement si la bonne foi n’est pasde rigueur.

A interpeller les signes d’une indifférence coupabledans la prise en charge du développement et de la promotionde notre langue nationale tamazight, il y a comme un certainmutisme, voir même une réserve de prendre acte et de rendreopérationnelle la décision suprême de la constitution qui obligetout acteur à répondre à une obligation de résultat.

L’harmonisation, le développement et la promotion denotre langue nationale tamazight se mesureront par la volontédes institutions concernées par le discours constitutionneld’engager une réforme des mentalités, jusqu’ici d’exclusion,semées dans la formation des normes régissant la sociétéalgérienne dans sa diversité linguistique.

La langue tamazight ne doit, sous aucun prétexte, restéecloîtrée dans un mur de silence à la Berlin acculée à répondreaux critères de langue régionale ou minoritaire au sens voulupar la Charte européenne des Langues régionales ouminoritaires (adoptée à Strasbourg le 5 novembre 1992, par lesEtats membres du Conseil de l’Europe. Au sens de cette Chartel’expression «langues régionales ou minoritaires » s’entend detoute(s) langue(s) pratiquée(s) traditionnellement sur un

territoire d’un Etat par des ressortissants de cet Etat quiconstituent un groupe numériquement inférieur au reste de lapopulation de l’Etat ; et différente(s) de la (des) langue(s)officielle(s) de cet Etat. Article 1er de la Charte, RGDIP T/96.1992).

En réconciliant l’être algérien à ses langues notresociété contribuera sans aucun doute à préserver lesfondements culturels et identitaires de la composante humainede notre société face aux différentes hégémonies culturelles,

civilisationnelles, économiques et existentielles qui frappent à

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Identité, langue et Etat 

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la porte introductive du 3ème millénaire entamée par desconflits d’identité et de chocs des civilisations.

L’officialisation de la langue tamazight libérera, sans

aucun doute, les énergies créatrices des jeunes intellectuelsn’tmazgha pour porter le message ancestral de notrecivilisation millénaire, « n’zra ansa d’nekka, nezra n’dan’tseddou a vava inouva», comme message de paix desolidarité, d’humanisme, dans une interdépendance fondée surle respect mutuel des identités et des différences constructives.

Puisse le bon sens guider nos gouvernants à éviterd’autres souffrances à notre jeunesse et notre peuple dans sonensemble en rendant justice à une cause juste par une équitéprater legem.

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La question linguistiqueet la nature de l’Etat

Dr Mouloud LOUNAOUNCISociolinguiste 

Vous avez juridiquement tort  parce que vous êtes politiquement minoritaire.

André Laignel

orsque j’invitais Mme Anne Marie HOUDEBINE au

colloque, elle me répondit qu’elle ne nous seraitpeut-être pas d’une grande utilité, elle qui n’est nipour les communautarismes ni pour les nationalismes. Elle medonne, ainsi, l’occasion de tranquilliser la salle en disant que jene suis personnellement ni un partisan d’un quelconquenationalisme archaïque ni d’un communautarisme rétrograde.Pourtant je suis un adversaire impénitent de toutes les formesde centralisme et d’oppression de quelque nature quelle soit.Chaque être humain a le droit de vivre pleinement la vie qu’ilse sera choisie. Rien ni personne n’a le droit de l’enfermer dansun choix qu’il n’a pas librement accepté.

 J’aurai souhaité avoir parmi nous H. Giordan, que nousavons invité et qui malheureusement n’a pas pu faire ledéplacement, parce qu’il a rapporté dans l’une de sescommunications les nombreux conflits violents qui se sontdéroulés dans le monde par la faute des Etats qui refusentd’accepter la diversité au nom de la sacro-sainte

uniformisation citoyenne seule à même de permettre de fonder

L

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Actes du Colloque international 

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la nation. Pour la seule année 1988, il a été dénombré 111conflits dont 99 sont directement liés aux questions qui nouspréoccupent ce jour. Ceci pour dire que les questions, objet

d’étude de ces journées, sont loin d’être exclusivementalgériennes.La bêtise est certainement la chose la plus partagée dans

le monde. Il est clair que ma communication, le titre que j’aiproposé me semble explicite, sera éminemment politique.

 J’avoue que je ne situe pas encore la frontière qui existe entreles questions touchant à la société et la question du pouvoir.

Vous me pardonnez, donc, si je développe, ici, des idéesqui jusqu’à ces dernières années étaient contre-révolutionnaires et vous amenaient, si vous étiez chanceux,devant la cour de sûreté de l’Etat. Aujourd’hui, le pouvoir faitpreuve de plus d’intelligence, il nous laisse discourir mais il nerègle pas pour autant les problèmes.Du point de vue identitaire, l’Algérie continue houleusement àse rechercher. L’instabilité est quasi permanente et le triptyqueconsacré par le préambule de la constitution définissantl’Algérie comme arabe musulmane et amazighe n’a pas apaisé

les passions. Et pour cause tout dans la société exclu letroisième critère.L’administration, l’école, la caserne et la mosquée demeurentles lieux de propagande exclusive de l’islam et de l’arabe. Rienne doit, en effet, déranger cet édifice étatique construit pierrepar pierre à l’image de l’Etat français.

On oublie trop souvent que tout est en perpétuelleconstruction, que tout est changeant et qu’on ne saurait figer

sans dommage l’évolution naturelle d’une nation.C’était P. Bourdieu qui parlait de marché linguistique pourmontrer combien étaient âpre le combat que se livrent leslangues. Je crois que l’on peut parler également de marchéidentitaire parce que cette volonté de se solidariser avec desêtres qui partagent les mêmes valeurs ne participent passeulement d’une pressante recherche de sécurité. Cetterecherche identitaire n’est pas un acte gratuit, elle conduitnécessairement à des individus matériels ou symboliques. C’est

dire qu’à tout moment s’élaborent une stratégie de pouvoir qui

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Identité, langue et Etat 

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nous permet, en fonction du lieu et/ou du moment de nousrapprocher ou de nous éloigner de l’autre.

De nombreux matériaux nous permettent de construire

une identité et, c’est précisément, pour cela que cette notion estélastique car nous n’utilisons jamais tout le répertoire. Seuls,les éléments nécessaires à la stratégie sont mis à contribution.Ces matériaux qui peuvent être d’ordre historique,sociologique, culturel, politique… sont le plus souvent desmythes qui sont, toutefois, fondateurs.

Ce mythe a pour but d’expliquer, de justifier et demaintenir l’ordre établi des choses : c’est une idéologie (YvesPerson in Les Temps Modernes N° 324-325-326 deaoût/septembre 1973).Il me parait clair que ceux qui, inversement, veulent renversercet ordre font appel à d’autres mythes et par là même à uneautre idéologie, donc aux questions de pouvoir politique.Le couple identité/pouvoir remonte à des temps immémoriaux.Pour ne parler que de L’Afrique du Nord, Massinissa face auximpérialismes phéniciens et romains disait déjà : « L’Afriqueaux Africains ». C’est sous la bannière de l’Eglise que les

Berbères s’uniront contre l’occupant Romain. Au 4è siècleFirmus constituera une armée composée de donatistes et decirconcillions et accentuera le caractère national berbère. 

Au 8è siècle le kharéjisme fut à la fois musulman etopposé au pouvoir des califats arabes d’orient et à leursreprésentants dans le pays. Le Berghwatisme, né du tumultekharéjite ira encore plus loin en se donnant un prophète et uncoran berbères.

Cette question directement liée à la nature du pouvoir,donc instrumentalisée à merci, n’a cessée de faire des vaguesdans l’histoire de l’humanité et Tamazgha n’y a évidemmentpas échappé.Chaque conquérant a imposé son identité, sa culture, sa langueet sa religion et tout a été fait pour que l’assimilation soit laplus complète possible c'est-à-dire qu’elle avait pour finalité ladisparition totale d’une quelconque appartenance à laberbérité. Phéniciens, Romains ont imposé leur vision du

monde. Les Arabes, Turcs et Français n’ont guère fait mieux et

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Actes du Colloque international 

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toujours avec un argument bien commode, civiliser ce peuplebarbare qui aura pourtant donné à la culture universelle desPharaons, des empereurs, des évêques, des papes et des savants.

Des faits niés, pour qu’elle n’apparaisse jamais cettequestion qui dérange, celle d’une identité qui pourrait mettreen péril l’ordre établi. Lorsque le mouvement national acommencé au début du siècle, les partis, qu’ils soientindépendantistes ou assimilationnistes ont éludé la questionamazighe. Tous les militants qui avaient eu l’outrecuidance derevendiquer l’amazighité furent éliminés sans aucun étatd’âme.

La carte d’identité de l’hypothétique Algérieindépendante était faite. Le pays ne pouvait être qu’arabe etmusulman et son histoire ne pouvait commencer qu’au débutdu 7è siècle c'est-à-dire avec la conquête arabe.

Ce déni identitaire sera d’autant important que nousavons subi une colonisation française qui nous a inculquél’esprit jacobin qui sied tout à fait aux gouvernants de l’Algérieindépendante.Centralisateurs, concentrant tous les pouvoirs au niveau de la

capitale d’où ils scrutent, observent, dirigent et gèrent, lesdécideurs ne pouvaient accepter une quelconque ouverture,une quelconque tolérance qui ne pouvait qu’entamer unepartie de leur pouvoir qu’ils voulaient total.

Toutes les revendications berbères qu’elles soientculturelles, linguistiques ou politiques seront systématiquementet sévèrement réprimées Une répression somme quemonolingue, monoculturel et mono identitaire C'est-à-dire

une nation où l’uniformisation citoyenne est obligatoire pourque s’accomplisse pleinement l’Etat.C’est pourquoi la revendication amazighe sous toutes sesformes est caduque lorsqu’elle ne s’accompagne pas derevendications touchant à la nature de l’Etat.IL faut, en effet, aller vers une administration de la nation quisoit compatible avec ces revendications. Un Etat qui prône ladiversité et l’inter-tolérance.Un Etat où démocratie ne signifie pas « tyrannie de la

majorité ».

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Identité, langue et Etat 

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Le besoin d’identification se justifie aussi par le besoin derejeter celui qui nous ignore. C’est ainsi que l’algériannité, estnée de l’anti-colonialisme. Etat défini national était d’avoir

répondu, sur ce plan, à la définition très jacobine de l’Algérie.Cet effet miroir qui opposait à la grande nation française,  gauloise et chrétienne une Algérie arabe et musulmane nepouvait qu’entraîner à terme le courroux de ceux qui nes’identifient pas comme arabes mas aussi de ceux qui ne sontpas musulmans (il y en a bien que minoritaires et aussi bienplus discrets Algérien tous les citoyens qui n’étaient pasfrançais, la grande erreur du mouvement par peur dereprésailles).

C’est la raison pour laquelle, dès les premiers débutsdu mouvement national, ont commencés les dissensions entreles tenants de l’arabo-islamisme pur et dur et ceux plusmodérés qui voulaient, modestement, introduire la composanteamazighe. La radicalisation des premiers a amené celle desseconds aboutissant dans un premier temps à la crise diteberbériste de 1949 et au mouvement culturel berbère (mcbpas MCB) à l’indépendance.

Le mythe de l’unité (idéologie du système) qui veut quele révolution est faite par le peuple et pour le peuple devaitaboutir à un algérien ressemblant à tous les autres .On auraitvolontiers décidé d’un phénotype si la biologie le permettait.Un réflexe très franchoullard, le système n’ayant pas puéchapper à l’histoire qui la produit.

Cette politique uniformisante, d’essenceobligatoirement fasciste, ne pouvait qu’entraîner le

mécontentement, timide au départ, d’une très grande franged’Algériens. C’est précisément ce sentiment d’injustice, qui faitque l’on veut être, qui amène à des dérives de typesnationalitaires (nous avons des exemples quotidiens à latélévision).Dans une de mes lectures qui traitait de ces questions, j’airetrouvé un exemple heureux.

L’auteur comparait l’identité aux poupées gigognes(russes si vous voulez) j’avoue que c’est, aussi un peu mon

idée. L’identité avec un grand I n’est, à mon humble avis que

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Actes du Colloque international 

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la somme d’une multitude d’entités plus petites et pas toujourségales .la grande poupée contenant toutes les autres étant bienévidement ( du moins pour ceux qui se définissent comme

Amazigh ) celle de l’amazighité.LE mot est taché, l’identité ne se décrète pas. C’est unedémarche individuelle, volontaire qui fait qu’on n’est quel’image qu’on a de soi.

Décider que tous les algériens sont des imazighens est, àmon avis, totalement faux. Seuls le sont, ceux qui assumentpubliquement cette identité. La langue que l’on pratique(souvent dite maternelle) ne construit pas à elle seule l’identitécollective. J’ai, personnellement, de nombreux amisarabophones fiers de leur amazighité et je connais des kabylesde mon propre village qui ne jurent que par leur arabité. Alors

 je vous pose la question qui des deux camps est amazigh. Mavérité est faite: les premiers plutôt que les seconds. Commentexpliquer si la langue, seule, portait l’identité l’attitude desmilitants berbéristes canariens qui n’ont plus rien gardé deleur idiome.

Si aujourd’hui on devait faire une typologie, on

retrouverait trois catégories d’Algérie et bien sûr, lespasserelles existant toujours, de nombreuses variantes. J’exclus,bien évidemment les extrêmes qui relèvent plus de la passionque de la raison.1- Ceux qui s’identifient totalement à l’Occident invoquantcomme justificatif (parce qu’ils se culpabilisent malgré tout ) lanotion de modernité. Ceux-là ont décidé de rompre la chaînede transmission intergérationnelle de l’identité (à commencer

par la langue). Ils sont mus, de fait, par des calculs d’ordrepragmatique. Assurer à leurs progénitures un confort matérielque procure cette francité et leur éviter d’entrer dans le champde confrontations politiques. L’argument qu’il donne est simpledans sa logique. Le discours des deux autres camps est éculé etobsolète. Le monde se transformant en un grand villagepourquoi s’encombrer de problèmes d’identité. C’est oublierque l’homme est d’abord un être subjectif et que lesmathématique n peuvent expliquer son comportement.

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Identité, langue et Etat 

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2- Ceux qui s’identifient à l’Orient (arabité et islamité) qui sontle produit, de l’histoire dans une faible proportion et surtout del’idéologie nationaliste et du système éducatif de l’Algérie

indépendante. Ceux-là détiennent le pouvoir politique et donc,le pouvoir d’imposer, à tous, leurs mythes. Sidi Okba asupplanté Koceilla et Kahina est présentée comme juive avectoute la connotation que cela suppose.Tout se passe comme s’il fallait effacer la mémoire antérieure àla conquête arabe. Cette idéologie a été confortée par tous lestextes officiels, notamment les constitutions même si, trèssymboliquement, la dernière est venue reconnaître ladimension amazighe du pays (en préambule) mais unedimension simplement muséographique. Pour eux foutouhatessont plus que jamais à l’ordre du jour.3- Enfin, ceux qui s’identifient aux autochtones. Ils serecrutent, principalement, chez les amazighophones, surtoutkabylophones mais pas seulement.. Je l’ai dit plus haut,beaucoup d’arabophones assument cette identité et ils sont deplus en plus nombreux. C’est dans cette catégorie d’Algériensque se recrutent les militants activistes de la cause berbère.

Pour eux l’identité est acquise à la naissance. C’est un bienpatrimonial inaliénable. Toutes les cultures autres que celledite authentiques ne sont que des rajouts qui se sontsuperposés mais qui, dans tous les cas, ne représentent qu’unecouche superficielle. Le mythe de tamazgha à reconstruire estprésent à chaque instant.

Voilà présentés, les acteurs de ce conflit complexe,inextricable, chaque camps ayant sa propre citadelle à

défendre. Mais un conflit où les belligérants combattent àarmes inégales puisque ceux qui ont pour eux la forcelégitime, détiennent tous les leviers pour imposer leur propreidentité. C’est ainsi qu’ils peuvent agir sur l’environnementculturel qui est à la fois l’expression de la mémoire d’unpeuple, un marqueur identitaire et le levain d’unredéploiement pour que s’accomplissent et se diffusent lesidées.C’est cet environnement qui est à même de construire un

imaginaire collectif favorable à une auto valorisation

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Actes du Colloque international 

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préalable à toute sécurité culturelle et linguistique. Oncomprend, dès lors, les luttes qui s’engagent autour de ce« bastion à prendre ».

La manipulation de l’onomastique (In amennas quidevient Ain Amenas, Ighil Izzane réécrit en ghilizane ou la listeofficielle des prénoms excluant tout référent amazigh),l’abolition des limites territoriales naturelles au profit delimites administratives pour mieux diluer les cultures etlangues minorées nous instruit sur le modèle de constructionidentitaire choisi.

Le choix de la langue ou même celui du support  graphique revêt, de fait, un caractère idéologique. Le débatautour du tifinagh, latin ou arabe est à ce titre édifiant.Chacun d’eux  renvoyant, consciemment ou non, un choix desociété défini

C’est ainsi que l’arabe classique a, dés la naissance dumouvement national, bénéficié d’un statut privilégié puisqu’il aété assigné le rôle de rivaliser avec la langue du colonisateur.L’indépendance, en reconduisant cet état de fait, vamarginaliser l’arabe algérien, présenté comme l’enfant

illégitime de l’arabe littéraire, et le berbère présenté commefacteur de division de la nation qui ne trouverait sa pleinedéfinition que dans la « liquidation » de ces deux languespopulaires. Ainsi fut programmé leur mort en décrétant unearabisation généralisée et rapide. A quoi bon maintenir cesdialectes incapables de transmettre le savoir quand la nationdispose d’un outil linguistique qui a été le support de la scienceet de la philosophie.

On comprend, aisément que ce simple jeu de termesassoie une hiérarchie dans les langues et détermine desrapports de domination qui ne sont pas que linguistiques. Cetteidéologie est précisément celle de l’Etat-nation jacobin qui nepeut s’accommoder de la diversité.Ne sont donc algériens, patriotes, nationalistes que ceux quis’expriment dans l’arabe littéral.

Tous les autres sont relégués au rang de renégats et leurdisparition doit être programmée pour que s’accomplisse

pleinement la nation.

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Identité, langue et Etat 

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En matière de politique linguistique l’Algérie officiellen’a pas innové. Elle s’est contentée de reprendre, dans unmimétisme choquant, celle de l’ancienne puissance

colonisatrice avec quelques décennies (parfois des siècles) deretard. C’est ainsi que la loi portant « généralisation de lalangue arabe » est la pâle copie de l’Edit de Villers Cotterets quiinstaura la langue de Paris comme seule langue française.Comme en 1893 en France, on fera un recensementlinguistique en 1966, en Algérie et on s’arrangera pour trouverque la majorité du peuple écrit l’arabe littéral et que leslangues fonctionnelles (tamazight et arabe parlé) sont en recul. 

L’existence d’autres langues, principalement dutamazight, est perçue comme subversive. Les décideurs viventavec la crainte permanente d’une sédition. Cette loi exclusivisterappelle à s’y méprendre celle interdisant l’allemand en Alsace(1712-1893). Déjà, l’on constate que la décision d’arabisationest aussi impopulaire et inapplicable que l’a été la francisationde l’Alsace. J’en veux pour preuve la refrancisation del’environnement dans les semaines qui suivent les décretsfaisant obligation aux citoyens d’écrire strictement en arabe

littéraire. Il faut dire aussi qu’elle n’a jamais occupé la rue et lasphère privée et que sa survie ne tient, en fait qu’auxdividendes qu’elle assure.

Comme la France de Talleyrand en 1791, l’Algérieofficielle va instrumentaliser l’école et créer un conseilsupérieur de l’Education pour réduire à néant toutes leslangues autre que celle de la république en prenant garde quecette dernière, véhicule en priorité l’idéologie du pouvoir en

place pour le reproduire et le perpétuer. Toute autre langue dupays sera désignée comme incapable de générer la pensée.Cette politique linguistique n’est, en fait, pas nouvelle.

Elle découle de l’idéologie raciste propre auxencyclopédistes du 18 siècle en France qui partageaient lemonde en sauvages et en civilisés. Nous pouvons citer nombrede rapports, conventions, lois décrets qui ont gérer la politiquelinguistique de la France du 18è pour bien monter quel’Algérie officielle ne fait que singer son ancien maître.

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Actes du Colloque international 

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Le décret de la convention rappelant que l’instructionne doit se faire qu’en langue française du 26-10-1793, lecomité de salut public du 17-12-1793 interdisant l’usage de

l’allemand en Alsace, le rapport barrère du 27-01-1794précisant « chez un peuple libre, la langue doit être une et lamême pour tous » ont directement inspiré nos « législateurs ».

L’enseignement facultatif (avec autorisation desparents) du berbère sera un maigre acquis de la contestationmais surtout le produit d’une vente concomitante. Il faut, enéchange, adhérer sans faille, à la politique d’arabisation.

Cette politique a d’ailleurs été pratiquée par letristement célèbre Staline qui sous couvert de tolérancelinguistique a, de fait, imposé le Russe comme seule langued’unicité.Cette arabisation relève d’un impérialisme linguistique qui a lemérite d’être explicite.

Elle a pour but l’assimilation pure et simple de tousceux qui parlent autrement. Cela présuppose, un peupleimmature et infantile qui doit être guidé par des espritsautrement plus clairvoyants.

Par décence, j’en citerai aucun (je suis sûr que chacun de vousa une bonne dizaine de noms en tête). Cela nous rappelleétrangement la déclaration de George Pompidou faite le 01-01-1972 « l’histoire nous montre que notre peuple, voué parnature aux divisions et à l’individualisme le plus extrême n’apu, au cours des siècles, constituer la nation française que parl’action de l’état ». Pourtant, nous savons qu’aujourd’hui laquasi-totalité des pays développés et socialement stables ont

opté pour l’intolérance culturelle et linguistique.Dans ces pays, le monolinguisme est assimilé àl’analphabètetisme. Nos gouvernants le savent et ont depuislongtemps pris le soin d’envoyer leur progéniture dans lesécoles de l’occident.

Comme en France du 16è ou le français, qui voulaits’émanciper de l’impérialisme du latin du latin, s’est retournécontre les autres langues de France, en Algérie l’arabe littérals’est mis face aux langues algériennes. Comme en France du

16è c’est sous couvert religieux que l’Algérie officielle essaie

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Identité, langue et Etat 

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d’imposer une langue ésotérique pour des motifsexclusivement politiques.

N’a-t-on pas définie la langue nationale (Ibn Badis en

1936) avant même de définir la nation (Aba ne Ramdane en1956).Comme en France encore, celle de Jules Ferry (1881-1884),l’enseignement obligatoire avec enseignement de touts lesmatières en langue française est décrété comme cela l’a étépour l’arabisation de l’école fondamentale.

Même l’honorable institution qui patronne ces journéeset légiférée par des textes qui ressemble étrangement au textefrançais de la loi Deixonne de 1951, laquelle par différentesastuces a été rendue inapplicable. L’absence de moyens tantmatériel, financier qu’humain ne permet pas au HCAd’accomplir les taches qui lui sont assignées (pardonnez-moide faire son avocat sans même l’accord de ses responsables).

Bien entendu, je ne ferai pas l’impasse sur la trèssymbolique loi reconnaissant le berbère comme languenationale (article 3bis de la constitution). L’Algérie officiellereconnaît quatre décennies après son indépendance son

plurilinguisme. Mais cela ne peut avoir que des traductionsmineures en pratique. Seul le statut de la langue officiellepermet à cette « langue du cœur » le passage à la « langue dupain ». Un statut qui permettrai au berbère de garantir sapérennité car seules perdureront les langues économiquementviables.

N’oublions pas que chaque année le patrimoineuniversel s’appauvrit de 25 langues.

Mais nous l’avons dit plus haut, le centralisme étatiquen’en a cure. Seule importe la langue de et du pouvoir. C’stpourquoi le réformisme n’a jamais été qu’une réponse deforme à des problèmes de fond. Il me semble clair que lasauvegarde des langues, culture et identité algériennes passepar une refondation totale de la nation. L’Etat central tel qu’ilexiste un frein toute émancipation culturelle et linguistique. Ilfaut nécessairement aller vers une autre administration de lanation. Un Etat qui soit compatible avec la naturelle diversité

des peuples. Un Etat qui nous permettrait de faire l’économie

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Actes du Colloque international 

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des querelles qui datent d’un autre siècle. De nombreux paysl’ont fait et ils sont majoritaires à travers le monde. L’Algériedoit s’en inspirer.

L’intégration politique des citoyens passenécessairement par leur intégration culturelle. La constructiond’une société solidaire capable de stabilité passe par le droitd’être unie dans la différence.

 Je ne minimise pas pourtant la difficulté d’une telle entreprisetant les clichés et les idées reçues ont la peau dure. D’autantdes années les autorités ont développé un nationalisme étriqué.Pendant des années on a entendu un patriotisme désuet endéveloppant le réflexe de l’éternel agressé. Il faut toujours êtreaux aguets et se serrer les coudes pour défendre ce territoirequ’est la patrie au sens animal du terme. Et c’est au nom decette nation toujours en guerre que le meurtre devient légal etlégitime. Un meurtre justifié par la sempiternelle main del’étranger qui a forcément un ennemi intérieur qui ne peut êtrequ’une minorité spécifique présentée comme élément defragmentation. Le complot ainsi établi justifie alors larépréssionavec l’aval de la majorité nationale. Le pouvoir en

place bénéficie, encore, d’un autre sursis.Parallèlement, l’Etat central va instaurer la violencelégitime (la force du droit) et mener des actions idéologiquespar le biais du contingent (valeurs nationales, fidélité aurégime, lutte contre les particularismes régionaux…) et del’école, lieu de production/reproduction de la consciencenationale. Les « hasards de la république » que sont lesenseignants vont permettre la socialisation de l’idée de

communauté nationale unique. Point de droit à la diversité.La mosquée, elle-même, devient le poste avancé durégime en place. Soumis à l’autorité du ministère des affairesreligieuses, le responsable de ce lieu de culte est chargéd’apprendre aux croyants la docilité et la soumission. Les partispolitiques nationaux, dirigés pour la plupart par les

 gouvernants, ne sont pas en reste puisqu’ils servent d’efficacesrelais de transmission à la politique du pouvoir.

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Identité, langue et Etat 

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Ces instruments combinés assurentl’intégration/assimilation et pérennise, ainsi, l’Etat-nationmalgré toutes ses insuffisances.

C’est au nom de pseudo unité, efficacité, modernité et progrèsque l’Etat Unitaire Centralisé va agir sur le culturel enimposant une langue unique (support de la communicationsociale et politique), sur l’économie loco-régionale) et lepolitique (en étendant à tout le territoire national et contretoute logique, les mêmes catégories de gestion administrative.

Il faut noter, en particulier, l’effort qui est fait pournormaliser la langue puisqu’elle s’accompagne, de facto, d’unenormalisation à la fois politique, idéologique et religieuse.La perpétuation des privilèges nécessite que l’Etat centralimpose ses pouvoirs symboliques et l’identité nationale va êtreinvoquée contre toute velléité régionale.

L’idéologie faisant, même les populations marginalisées(socialement démunies, donc les plus nombreuses) setrouveront au coté de l’Etat contre ces populations (qu’on aurasoin de désigner comme support de l’ennemi extérieur) quiveulent diviser la nation.

Afin de maintenir une totale hégémonie, l’Etat central vadiaboliser toute fierté identitaire régionale. Le savoir-fairelocal, pourtant producteur de richesses, sera méprisé et lesparticularismes régionaux mis à l’index.

Pourtant il n’y a pas de peuple homogène. Le mythe del’unité et des constantes nationales n’est qu’illusion. Le mondene cesse de bouger et d’évoluer dans le sens à la fois de laconstitution de grands ensembles et de la promotion régionale.

La décision de créer un Etat régionalisé et paritaire nousparait sage. Elle mettrait définitivement un terme aux non-ditsrelatifs aux problèmes des particularismes régionaux. En effet,tous les indicateurs d’attitudes et d’opinions montrent que noussommes (tout au moins en Kabylie) dans une phase ou dominela pensée pré nationaliste pouvant rapidement évoluer vers unepensée sécessionniste qui aboutirait vers une séparation sur labase ethnolinguistique et non plus vers une  une autonomie dedécision comme cela pourrait se faire dans un Etat régionalisé

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Actes du Colloque international 

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Ce dernier impliquerait :1- La territorialité :L’état doit être composé de régions naturelles et le plus

homogène possible et non plus délimité artificiellement demanière administrative. Elles doivent impérativementregrouper des citoyens qui ont décidé d’avoir des lienssolidaires et de construire un même projet de société. La wilayaest une création artificielle dans le sens où elle ne recouvre pasune réalité sociologique et culturelle. Cette entité répond à desobjectifs politiques, notamment électoralistes. Tout est fait, eneffet, pour qu’une minorité linguistique ou autre ne soit jamaismajoritaire sur un territoire donné.2- Une répartition des compétences :Aujourd’hui, est le fait constat de la lourdeur dans la gestiondes affaires des Etats centralisateurs. Il faut alléger largementl’administration en octroyant à la région des tutellessectorielles. L’Etat central ne gardant que les ministères dits desouveraineté. Autrement dit la défense, la diplomatie, le trésorpublic. Rien n’interdirait, alors, l’enseignement obligatoire duberbère ou de l’arabe algérien.

3- La fonction législative :Les régions doivent participer en tant que telle. Unecomposition paritaire du parlement national devrait être unfidèle reflet des régions.4- Transferts de compétence :La région doit toujours avoir la possibilité d’accepter ou refuserles transferts de compétences.Il s’agit, en effet, d’une régionalisation modulable dans le sens

où le niveau d’autonomie est directement lié à la demandesociale régionale.5- La cour suprême :L’Etat régionalisé implique l’existence d’une cour suprêmechargée d’abriter les conflits de compétence entre les régions etl’Etat central, de veiller à la constitutionalité des lois et décretsvotés par la région. Cette instance veillera, également, à la miseen place de « gardes fous » empêchant toute démarchefascinante.

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Identité, langue et Etat 

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6- Solidarité interrégionale :La solidarité et la collaboration interrégionale et entre région etEtat central sont nécessaires. Même si les ressources naturelles

sont des biens communs à toute la nation et donc distribués.Equitablement à travers les régions, certaines d’entre ellespeuvent accuser un retard économique. Les régions les plusriches sont tenues, lors, leur prêter main forte en participationà la péréquation.7- La fiscalité :Si la politique fiscale est de la compétence de l’Etat centralavion doit disposer des revenus de sa fiscalité, En outre, chaquerégion doit participer à la reconstitution du trésor public parune participation financière évaluée de façon paritaire.8- les partis politiques :Ils peuvent avoir des compétences régionales ou nationales.9- La diversité :L’Etat –régions implique la diversité linguistique, ethnique,religieuse et socioculturelle l'exclu, donc, out dogme tendant àuniformiser la société.10- liberté individuelle et collective :

L’Etat - régions est synonyme de droits et libertés individuels etcollectifs.

La question linguistiqueCe mode d’organisation de la nation outre qu’il est le reflet dela société réelle, permet le principe de territorialité qui vise àcirconscrire une aire géographique à une langue déterminée.Ainsi le statut de langue co-officielle pourrait être/octroyé au

tamazight dans les régions qui le souhaiteraient. Son usage y sera prioritaire dans les relations du citoyen avec les autoritésrégionales et dans l’enseignement. Cette langue aura àbénéficier d’un coefficient compensatoire pour les dommagessubis.L’exemple de L’Espagne est édifiant et pourrait être pourL’Algérie, une source d’inspiration. D’autre exemples commel’Italie, l’Allemagne, le Canada… nous invitent à revoir notresystème institutionnel et constitutionnel pour éviter toute

dérive séparatiste.Ces révision des textes fondamentaux

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Actes du Colloque international 

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permettront de repenser le concept de démocratie qui ne doitplus être compris comme «la tyrannie de la majorité». Aucontraire, elle doit être l’outil qui permette à le minorité d’avoir

des droits. Son expression se fait à travers la protection deslibertés individuelles et collectives et l’égalité de droits de tousles citoyens. Cette démocratie doit être totalement au service del’homme. Tous les textes devront nécessairement être rédigésdans cet esprit pour permettre l’émergence d’un Etatconsensuel.

Il est évident que ces objectifs dépendent de la volontéde vivre ensemble. Le choix de garder une unité politique dupays, doit faire rechercher les buts qui pourraient être réaliséspar l’ensemble.Le centralisme fait de l’Etat et de la nation une même entité quirepose sur la notion de souveraineté nationale. La nation, entant qu’entité sociologique, est confondue avec l’Etat qui estune entité juridique. Dés lors, toute diversité est rejetée. C’estprécisément cette erreur historique qu’entend réparer larefonte de l’Etat et ce, à travers les objectifs, notamment l’unitédans la diversité des régions, que précisera une nouvelle

constitution.Le peuple algérien fait de deux communautéslinguistiques n’implique pas forcément une vision« nationalitaire ». Sa réalisation est même impossible puisqueles deux communautés ne sont pas individualisées dans deszones géographiques déterminées. Les régions berbérophonesne sont, en effet, pas contiguës de façon à former un ensemblehomogène.

En outre, il faut rappeler que le parcours historique dece peuple algérien est identique puisqu’il s’agit d’un peupleamazigh ayant subit les même oppressions et ayant étéégalement le produit d’une même acculturation.La reconnaissance officielle de ces deux communautés, la priseen compte des réalités régionales éviteront, contrairement à ceque disent ses détracteurs, toute balkanisation.Ce sont des rapports de dominance et d’occultation des réalitéssociologiques qui sont à l’origine d’actions séparatistes. pour

prévenir toute dérive sécessionniste, les rapports entre les

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Identité, langue et Etat 

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régions et l’Etat central ne doivent pas être des rapport desubordination.

Au plan culturel l’identité régionale doit être reconnue

et promue. Les torts qui lui ont été causés par le centralismedoivent être réparés par l’administration centrale. Les diversesstructures culturelles régionales ne doivent plus être de simplesrelais de diffusion de formes culturelles préfabriquées ailleurs.Instrument d’ouverture, elles doivent être mises au service desinitiatives culturelles régionales.

L’enseignement sera totalement rénové et sera adaptéaux réalités et aux besoins régionaux.L’enseignement du Tamazight (langue co-officielle) seraobligatoire dans les régions amazighophones et facultatif dansles autres régions du pays. Cela aidera à une meilleurecohésion interrégionale et développera une intertolérance quimanque cruellement dans une Algérie déchirée.Une Algérie qui retrouvera, enfin, une paix sociale et politiquedans une Afrique du nord des régions.

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Le breton, un exemple de languerégionale d’enseignement :Quelle analogie possible avec le tamazight ?

Anna Vari CHAPALINUniversitaire, bureau européen 

des langues moins répandues, Paris 

DIWAN : des écoles bilingues immersives languebretonne/français. Un exemple de diversité dans

l’enseignement.

Un siècle de revendication linguistique

epuis plus d’un siècle existe en France unerevendication constante pour la reconnaissancedes langues parlées par différentes population :

c’est ainsi qu’en 1870 déjà, parmi les signataires de la premièrepétition pour l’enseignement « des langues provinciales », on

trouve notamment le nom du celtisant Charles de Gaulle quin’est n autre que l’oncle du général de Gaulle, futur Présidentde la république. En 1903, 1909 des parlementairesinterviennent pour l’enseignement du breton.En1919, une nouvelle pétition est adressée par le député bretonde l’Estourbeillon au président des Etats-Unis Wilson lors de lanégociation du traité Versailles.En 1934 : 305 communes bretonnes votent une motion pourl’enseignement du breton.

D

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Actes du Colloque international 

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Toutes ces demandes sont vaines. L’enseignement deslangues régionales est interdit et les enfants qui les utilisentsont souvent réprimés à l’école.

En1951, enfin est votée la loi Deixone qui autorisel’enseignement de certaines langues régionales hors du tempsscolaire mais sans aucun moyen. Elle restera donc sans effet.En 1968 une pétition pour un « statut des langues de France»,lancée par le mouvement Emgleo Breiz recueillait 150 000signatures en Bregtane.

Au cours des vingt dernières années, dans différentesrégions, de très nombreuses assemblées élues ont pris positionen faveur des langues régionales. Ainsi, en Bretagne, toutes lesassemblées élues ont voté de nombreux voeux pour réclamerau Gouvernement et à l’Etat un véritable statut pour la languebretonne ou encore, à partir de 1992 la ratification de laCharte Européenne des langues régionales ou minoritaires. Cetobjectif qui a fait descendre des milliers de personnes dans larue et recueille l’assentiment de la très grande majorité de lapopulation, jusqu’à 92% selon les derniers sondages. Plus de40 propositions de loi sur les langues régionales ont vu le jour

depuis un demi-siècle sans qu’aucune ne soit jamais inscrite àl’ordre du jour du parlement fixé par le Gouvernement. C’estpourquoi, constatant que la volonté de l’Etat conduisait à lamort de leur langues et à l’uniformité linguistique, des parentsde différentes régions où ces langues sont parlées, ont crée desécoles bilingues langue régionale/français fonctionnant sur leprincipe de l’immersion dans la langue régionale : les Ikastolaau pays basque en 1969, puis en 1977 et 1979 les écoles de

langue bretonne, catalane et occitane, puis des écoles enalsacien. Ces écoles ont dù être créées hors du système scolairepublic ou privé officiel sous forme associtive, avec l’aide defonds obtenus par de nombreuses cntributions volontaires, defêtes et, peu à peu, de subventions de collectivités,départementales et régionales.

Signature et non ratification de la Charte Européennedes langues régionales ou minoritaires

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Identité, langue et Etat 

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En1999 le gouvernement de Lionel Jospin signe la CharteEuropéenne des langues régionales ou minoritaires retenant 39articles sur 98, la charte étant une convention à la carte. Mais

le Président de la république Jacques Chirac saisit le ConseilConstitutionnel qui dans son arrêt du 15 guin 1999 juge que laCharte est incompatible avec la Constitution Française etqu’elle ne peut être ratifiée. Le Président Chirac refusera demodifier la Constitution.

Le cas des écoles bilingues immersives DIWANDepuis son origine en 1977, Diwan affirme son caractèred’école publique : elle est laïque et gratuite. Elle est accessible àtous les enfants et toutes les familles sans distinction de choixphilosophique ou de ressources. C’est une école publique defait, l’article 2 de la Charte de Diwan adoptée en 1977,rappelle que (Diwan existe du fait des carences d’uneEducation Nationale qui ne donne pas sa place à la languebretonne, mais Diwan réclame la prise en charge de ses écolesdans un service public d’enseignement démocratique et rénovéen Bretagne, permettant l’utilisation du breton comme langue

véhiculaire de la maternelle à l"université, dans tous lesdomaines de l "enseignement ).La mise en place des écoles à été une démarche de citoyens quiont décidé de prendre l’avenir de leur langue en mains. Aidésde sympathisants puis avec l’appui des collectivités(communes, Départements, Région), ils ont relevé le défi posépar la politique uniformisatrice de l’Etat, c’est à dire bâtir devéritables écoles publiques sous forme associative, pour

permettre la transmission de la langue bretonne, leurpatrimoine collectif. La tâche est d’autant plus difficile que toutest à faire et à inventer avec très peu de moyens : former desenseignants, faire de la recherche pédagogique, trouver lesfonds nécessaires, vaincre la peur et les appréhensionslégitimes de populations qui ont rejeté leur langue :la languefrançaise, seule langue reconnue, est la seule qui permette lapromotion sociale de leurs enfants. Les Bretons ont fini paradmettre l’infériorité de leur langue, de leur culture et d’eux-

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Actes du Colloque international 

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mêmes, les forts taux d’alcoolisme et de suicides en Bretagne y trouvant une explication indéniable.Un long chemin pour parvenir au statut public conforme à la

mission de Diwan.Depuis sa création Diwan à toujours entretenu desrelations avec le Ministère de l’Education pour obtenir la priseen charge de ses établissements tout en conservant son systèmepédagogique : L’immersion dans la langue bretonne se révèle le système leplus efficace pour tendre à un bilinguisme équilibré en fin decursus primaire:la même maîtrise de la langue française queles enfants monolingues francophones, et une maîtrise de lalangue bretonne. Les contenus sont les programmes officiels del’Education Nationale.En1983 les écoles Diwan obtiennent une première conventionet une subvention du Ministère de l’Education Nationale, horssystème officiel.

En décembre 1985 le Ministère propose d’intégrer lesécoles Diwan au service public sous statut expérimental entenant compte des spécificités pédagogiques avec titularisations

des instituteurs comme fonctionnaires. Mais cet accord estannulé par le Conseil Constitutionnel.

En 1987 le Ministère propose des contrats simples(prévus par la loi Débré qui régit en France les rapports del’Etat et des établissements privés) à condition que la pédagogiede l’immersion soit abandonnée. Finalement seules les classespré-élémentaires (école non obligatoire) et les dernières classesde primaire où l’enseignement en français est plus important,

sont mises sous contrats.La demande sociale des parents étant de plus en plusforte, de nouvelles écoles se sont créées et des négociations,souvent ponctuées de manifestations, se sont poursuivies pourobtenir des postes d’enseignants supplémentaires, maistoujours avec des statuts précaires : 16 enfants en avril 77,ouverture du secondaire 1988, 1098 enfants en 1993. Lemanque de moyens entraîne une crise financière et le dépôt debilan… Le Tribunal de Quimper accepte un plan de

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Identité, langue et Etat 

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redressement étalé sur 10 ans, qui sera apuré en 1999 avecl’aide financière des collectivités locales. La même année leMinistère F. Bayrou rend publiquement hommage aux

pionniers des Calandretas, Ikastola et Diwan et propose auxécoles associatives de langue régionale des contratsd’association dans le cadre de la loi sur les écoles privées.Diwan accepte, rappelant qu’elle n’a pas d’autre choix etréaffirme sa volonté de concourir au service publicd’enseignement.En 1988 Diwan fête ses 20 ans et demande toujours lareconnaissance de la mission de service public. Le 29 avril1999 le premier ministre Lionel Jospin adresse une lettre parlaquelle il propose des négociations pour un statut public,mais sans modifier la loi.Mai 2001 ; Un protocole E.N/Diwan pour le passage sousstatut public

Après deux années de négociations difficiles, en mais2001, le Ministre de l’Education Nationale Jack Lang vientsigner à Rennes « le protocole d’accord pour le passage sousstatut public des établissements Diwan pratiquant

lenseignement bilingue par immersion en langue bretonne ».Dans les mois suivants sont publiés au journal officiel arrêté etcirculaires découlant du protocole.

Mais le 30 octobre 2001, le Conseil d’état saisi par dessyndicats d’enseignants et des fédérations de parents d’élèves,suspend les textes réglementaires.Divan reprend les négociations avec le Ministère qui proposeune nouvelle version des textes avec une nouvelle formulation :

ces nouveaux textes sont publiés au journal officiel du 27 avril2002.Mais, sur un nouveau recours, le 15 juillet 2002, le conseild’état suspend à nouveau les textes qui devaient entrer envigueur en septembre 2002 lors de la rentrée scolaire.L’utilisation d’une autre langue que le français comme langued’enseignement est jugée contraire à la loi Toulon de 1994 surl’utilisation de la langue française. Cette décision bloque ànouveau le passage sous statut public des établissements Divan

malgré le vote favorable du parlement en décembre 2001, et

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Actes du Colloque international 

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les délibérations positives des collectivités bretonnes et lesoutien de l’opinion publique.

Le jugement sur le fond est intervenu le 29 novembre

2002 : le Conseil d’état a annule les textes concernant lesécoles immersions.Les décisions du Conseil d’état s’appuient sur la loi Toulon(1994) qui dispose que «la langue de l"enseignement est lefrançais», mais ne tiennent pas compte du fait que la loi avaitprévu des « exceptions justifiées par les nécessités del"enseignement des langues régionales » (article 11), et que deplus elle avait précisé que les dispositions de la loi« s'appliquent sans préjudice de la législation et de laréglementation relatives aux langues régionales et nes'opposent pas à leur usage » ( article 21, que le conseil d’état atotalement passé sous silence). La loi Toubon ne pouvait doncservir à annuler la réglementation concernant les languesrégionales.L’Iran compte pour cette année scolaire 2800 élèves, 38établissements de l’école pré-élémentaire au lycée.Au Comité des droits économiques sociaux et culturels des

NationUnies.La démonstration est ainsi faite  que sans modification tantlégislative que constitutionnelle la reconnaissance publique dela pédagogie par immersion des écoles Diwan et des autresécoles associatives qui utilisent la langue régionale commelangue d’ensiegnement et langue de vie sociales pourratoujours étre bloquée.

C’est donc l’avenir de la langue bretonne et des autres

langues régionales qui est en jeu. D’un coté, l’Etat, à travers sespréfets et ses tribunaux administratifs, interdit les aides descollectivités aux écoles associatives, ce qui empêche leurdéveloppement et entrave leur fonctionnement, et d’un autrecôté, leur refuse tout statut public.

Au cours de sa 27ème session, entre le 12 et le 30novembre 2001, saisi par l’assosiation « pour que vivent nonlangues », associée au comité français du bureau européen, lecomité des droits économiques sociaux et culturels du Haut

Commissariat pour les droits de l’Homme des Nations

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Identité, langue et Etat 

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Unies(CESCR) a sévèrement mis en cause le refus de la Francede reconnaître le droit à l’existence des minorités. Le CESCR luia demandé de ratifier Convention cadre européenne sur les

minorités nationales, la Charte européenne des languesrégionales ou minoritaires, de lever sa réserve sur l’article 27du Pacte international sur les droits civils et politiques, et derenforcer ses efforts pour l’enseignement des et dans lesLangues régionales ou minoritaires. Elle lui a en outredemandé d’assurer la plus large information sur sesrecommandations et de lui faire connaître les mesures prisespour y satisfaire, notamment dans son prochain rapport auCESCR à remettre pour le 30 juin 2006

Une demande au Parlement Européen Au moment où le Président de la République Française défend à

  Johannesburg « l"égale dignité de toutes les cultureshumaines » et « le respect du pluralisme linguistique » n’est-ilpas temps pour la France de mettre ces principes en œuvre ?Aussi, nous avons sollicité le Parlement Européen pour qu’ilappuie la recommandation du Comité des droits économiques

sociaux et culturels des Nations Unies.Vote du rapport au parlement européen sur le respect de lacharte des droits fondamentaux : Extraits du rapport duParlement Européen adopté le 15 Janvier 2003.Rapporteur : Mme Joke Siebel PSE, NL :

« La France est le seul pays de l"UE à ne pas avoir signéla convention-cadre pour la protection des minoritésnationales. L"explication "classique" avancée par les autorités

Françaises est que l"egalité des citoyens est ici enntravvée .Lecomite de survreillance pour le pacte des Nation uniesrelaatif aux droits éconimiques, sociaaux et culturels (CESCR),a souligné le fait que l"egalité de traitement en droit n"est pastoujours suffisant pour pouvoir réaliser l’égalité des droits des

  groupes minoritaires, s’agissant notamment de leurs droitsocioculturelles. Selon le CESCR, la France devrait signer etratifier les conventions du CdE pour la protection des

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Actes du Colloque international 

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minorités nationales et des langues régionales ouminoritaires »…

« Le Parlement européen, Vu…Diversité, culurelle, religieuse et linguistique 65 se

réjouit de la signature par la Belgique en 2001 de laconvention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection desminorités nationale; appelle la France à faire de même ;recommande en outre à la Belgique, à la France, à la Grèce, auLuxembourg et aux Pays-Bas de ratifier cette convention ;66. recommande à la Belgique, à la Grèce, à l’Irlande et auPortugal de signer la Charte européenne des langues régionalesou minoritaires ; se réjouit de la ratification de cette charte en2001 par l’Autriche, l’Espagne et le Royaume-Uni, et appelle laBelgique, la France, la Grèce, l’Italie, L’Irlande, le Luxembourget le Portugal à faire de même ;67. appele tous les Etats membbres à reconnaitre les l’exceptiondu Danemaark et des Pays-Bas, qui l’ont déja fait ‘à siigner età ratifier la convenntion n 169 de l’OIT relaative aux

populations autochtones ;68. appele les Etats membres à reconnaitre les minoritésnationales vivant sur lrur territoire et à assurer leurs droitsconnformément aux dispositions des cconventionssusmentionnées ;Encourage en outre les Etats membres à interpréter au senslarge la notion de «minorité nationale » et à toutes lesminorités ethniques dont l’èmaanncipaation et l’intégration

sociale constituent un objectif politique ; »Aujourd’hui, les écoles Divan préparent un recours à la CourEuropéenne des Droits de l’Homme à la suite de la Décisiondu Conseil d’état.

Après ce tableau que certains pourront trouver biensombre en ce qui concerne la France, je peux vous assurerqu’il existe également des difficultés dans d’autres étatsmembres de l’union Européenne et ailleurs dans le monde,mais nous nous devons d’être optimistes : En un an, de

nouvelles législations sur les langues régionales ou

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Identité, langue et Etat 

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minoritaires ont été votées en Italie, En Suéde. La Finlande etl’Irlande préparent de nouvelles lois linguistiques. Le processusde ratification de la Charte Européenne des langues continue

dans de nombreux pays. Il est clair que ce domaine devient, endépit de la timidité des traités, une véritable politiqueEuropéenne.Dans les états comme la France ou les droits linguistiquestraduits sur le plan juridique sont faibles il est toutefoispossible en tenant compte des compétences des communes,communautés de communes, régions, départements, de faireque des institutions développent des éléments de politiquelinguistique à leur niveau et que des réalisations soienteffectives. Il faut insister auprès des élus et leur montrer qu’ilest possible de répondre à la demande sociale et culturelle sansattendrePar exemple la ratification de la charte ou une loi cadre, rienne les y empêche, et plus tard les textes de loi pourrontconforter tout ceci.

  Je suis venue évoquer ici pour évoquer avec vous la diversitédes langues, sur le terrain avec les écoles associatives et dans

les textes légaux mais surtout pour vous écouter et partageravec vous sur votre expérience.Pour conclure je voudrais vous dire que tous ici nous pouvonsêtre heureux de faire partie de la diversité culturelle et plutôtqu’héritée de nos parents, nous devons considérer que nousl’empruntons à nos enfants et faire qu’elle se développe dansl’unité et l’égale dignité de toutes les langues et cultures.

  Je vous remercie encore pour votre invitation .bon couragepour le travail qui nous reste à accomplir.

Merci de votre attention.

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Tifinagh la phénicienneet la conception villageoise de l'Amazighité

Miloud TAIFIUFR des sciences du langage, Maroc 

Introduction

a question berbère a connu, au Maroc, depuis unedizaine d’années, des rebondissements successifsportés aussi bien par les mouvements associatifs,

les partis politiques que par des universitaires. La revendication

pour la reconnaissance officielle de la langue berbère étaitdevenue ainsi une problématique nationale dont tout le mondes’est saisi : dans la rue, dans les institutions de l’état et dans leshautes sphères du pouvoir. Depuis pratiquement le discoursroyal de feu Hassan II dans lequel il annonça un éventuelenseignement du berbère et l’appel à la création d’un Institutqui aurait pris en charge la sauvegarde et la promotion de lalangue et de la culture berbères, les langues, surtout celles qui

étaient restées muettes jusqu’alors, se sont déliées.On a assisté ainsi à une prolifération de discours etd’écrits souvent enflammés, étalés sauvagement dans certains

  journaux nationaux et, surtout, dans des bulletins et revuesdiffusés par le tissu associatif. Tout le monde se trouvasubitement une âme militante en recouvrant le sentimentd’appartenance, longtemps refoulé, ou du moins caché, soit parcrainte, soit délibérément pour des raisons politiques. Ils’ensuivit alors une confusion générale aussi bien dans les idées

L

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Actes du Colloque international 

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que dans les positions. L’amazighité étant à l’ordre du jour,même ceux qui l’ont combattue avec véhémence, changèrentde plume et apportèrent leur soutien, souvent compatissant, à

la revendication en arguant que, après tout, des berbères, ouplutôt des berbérophones existent bel et bien au Maroc, et qu’ilfallait les écouter.

Cet engouement a eu des conséquences importantesmais redoutables. Emportée par le zèle des uns et des autres, lamilitance berbère s’est radicalisée au point de commettre desratés discursifs qui ont des effets corrosifs, frôlant souvent duracisme primaire du type "les Arabes à la mer". Bien plus, l’idéede la création d’un parti politique berbère germa dans lesesprits et commença à prendre forme. Plusieurs assembléesorganisées par les associations se sont terminées dans desarguties, des chicanes et des surenchères. Les tribuns semesuraient à qui allait proposer des plates formes les plusextravagantes et les plus utopiques, dénigrant le réel social etles conjonctures politiques à l’échelle nationale. On soutintainsi que le mouvement berbère est la seule et unique voie desalut pour sauver le Maroc du délabrement politique et du

sous-développement culturel et idéologique qui entraventl’essor économique et civilisationnel qui permettrait au paysd’accéder à la modernité.

La question berbère prit en l’espace de trois ans desdimensions considérables au point que Chafik Mohammed,l’actuel recteur de L’IRCAM, prit l’initiative d’élaborer unmanifeste dans lequel il reproduit les idées forces proposées etdéfendues par les ténors du mouvement amazigh. Le document

fut entériné par des signatures non seulement desreprésentants du tissu associatif mais aussi par celles despersonnalités politiques et/ou intellectuelles. C’est cedocument, ainsi peaufiné, qui fut par la suite soumis àl’appréciation du palais. La réponse ne tarda pas.

Le roi, dans un discours, fait à Ajdir, en plein paysberbère de l’Atlas central, annonça la création d’un InstitutRoyal pour la Culture Amazighe. La cérémonie fut grandiosepuisqu’on ameuta tout le monde : les conseillers royaux, les

dirigeants des partis politiques, et naturellement les

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Identité, langue et Etat 

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représentants de la mouvance berbère. Même certainsuniversitaires, linguistes, furent conviés. Le discours a étéprécédé de toute une campagne de sensibilisation et d’annonce

qui ont conféré à l’événement une dimension solennelle ethistorique.La déclaration ainsi faite ne resta pas cependant,

comme le craignaient certains, une simple manifestationd’intention bienveillante à l’égard de la revendication berbère.Bien au contraire, un dahir royal, élaboré probablement bienavant la proclamation officielle, entérina la décision, inscrivantainsi, pour la première fois, la composante berbère au Maroc,dans la table des lois.

Le Dahir fut suffisamment commenté aussi bien par lesmilieux associatifs que par la presse nationale. Deux points onttoutefois retenu l’attention générale, puisqu’ils constituent lesfondements mêmes de la décision royale. Le premier est relatif à la légitimité institutionnelle : L’Institut Royal pour la Cultureamazighe (IRCAM) est mis sous l’égide du Palais et ne dépendpas des Instances de l’Etat, le financement de sonfonctionnement et de ses taches est pris en charge par les

deniers de la Couronne. Le second point est afférent auxlatitudes dont disposent les membres de la commission quiprésiderait au destin de l’Institut, le dahir est dans ce cas, d’uneclarté indéniable : toute décision, quelle que soit sa nature et saportée, ne peut être prise officiellement et mise en applicationque si elle reçoit l’aval du Roi.

Le recteur de l’Institut (nommé par dahir) est chargé deproposer au Roi les membres de la commission qui allait mettre

en application toutes les dispositions explicitées dans le texteofficiel pour sauvegarder et promouvoir la langue et la cultureberbères, concernant aussi bien l’enseignement, les arts et larecherche. Après des tractations et des manœuvres, etquelques intrigues qui ont suscité la curiosité générale, unecommission fut enfin constituée : quelques présidentsd’associations, quelques ingénieurs, quelques journalistes,quelques avocats, et enfin quelques universitaires, spécialistesdu domaine berbère. La commission ainsi formée buta sur le

premier accroc, celui du choix de l’écriture. Tout le monde

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Actes du Colloque international 

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attendait avec impatience la proposition qui allait être soumiseau Roi. Mais l’expectative ne fut pas cependant passive, bien aucontraire, l’imminence d’une décision officielle pour doter le

berbère d’une assise scripturale, provoqua une fébrilitépolitique et discursive réanimant des démons endormis. Ledébat fut houleux et féroce.

Ma lettre, ta lettre, sa lettre...Le débat sur les modalités d’écriture du berbère ne date pascependant d’hier. Déjà en 1979, la question fut abordéepubliquement lors d’une journée d’études organisée, à Nador,par l’une des premières associatives berbères « intilaqa t-taqafiya ». Depuis lors, plusieurs écrits, émanant aussi bien desmilitants que des universitaires, ont débattu et desconsidérations historiques et politiques et des problèmestechniques de l’écriture du berbère. Il y eut ainsi un cumuld’idées et de propositions. Trois tendances se partagent l’espacede réflexion, chacune mettant en avant des arguments qui luisemblent judicieux et probants.

Le débat est traversé et déterminé naturellement par des

catégories de pensée, des visions du monde et des optionsidéologiques selon les intérêts défendus et les projets de sociétéenvisagés. La confrontation s’est avérée inévitable et, animéepar un jusqu’au-boutisme excessif, se transforme en unaffrontement outrancier.1- les tenants de l’arabité, plus confrontés dans leurs discours,mettent en avant l’appartenance de facto du Maroc à lacommunauté arabe, ou du moins arabophone. La langue arabe

(classique) étant la langue officielle et instrument dufonctionnement des institutions et l’outil pédagogique dans lesystème éducatif, il est impensable que la langue berbère,réduite souvent, avec une malveillance délibérée, à desdialectes, voire des parlers, soit écrite avec des caractèresautres qu’arabes. L’argumentation va plus loin en s’appuyantsur l’autre atout, déterminant et décisif, sa sacralité : languedu Coran, donc langue de tout musulman, là aussi il estimpensable que les berbères, musulmans depuis des siècles,

adoptent une graphie étrangère. La mouvance islamiste parle

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même d’hérésie, considérant que l’usage de la notation à baselatine serait un manquement grave, voire une apostasie quimérite un châtiment exemplaire. Certains voient parallèlement

dans l’usage de la lettre latine un retour du colonialisme et lerenforcement de l’hégémonie de la France alors que le Maroc arecouvré son intégrité culturelle en se fondant dans le vivierarabo-musulman. Certains journaux d’obédience islamiquesont allés même jusqu’à écrire que les berbères veulent écrireleur langue avec des lettres francophones ; ce qui montre àl’évidence que la surenchère a atteint son paroxysme.

Le choix de tifinagh n’a pas non plus échappé auxassauts effrénés de la mouvance islamique : l’usage de tifinaghappellerait le même châtiment, car c’est une graphie utiliséepar les berbères lorsqu’ils étaient encore païens, voir athées etle retour a cette tradition scripturale constituerait unreniement de l’islamisation du Maroc et un rejet de l’arabe,langue du Livre sacré.2- Les tenants de la notation latine ne manquent pasd’arguments. Ils se fondent tout d’abord sur les expériences etles pratiques déjà anciennes de l’emploi des caractères latins

pour noter le berbère. L’autre atout est le savoir cumulé par lesrecherches scientifiques menées depuis un siècle sur les faits delangue et de culture berbères et un fonds littéraire nonnégligeable :- Les travaux de dialectologie pendant l’ère coloniale et post-coloniale,- Les travaux académiques : monographies, thèse et actes decolloques et de rencontres scientifiques,

- Les travaux lexicographiques (le dictionnaire de Foucauld :touareg-français, celui de Dallet : kabyle-français et celui deTaïfi : tamazight-français ...)- Les revues internationales : Littérature Orale Arabo-berbère,Annuaire de l'Afrique du Nord, Encyclopédie Berbère, Awal,Etudes et Documents berbères...)- Des corpus de littérature orale- Des grammaires portant l’un ou l’autre des dialectes berbères- Une production littéraire de plus de plus de plus foisonnante :

romans, nouvelles et poésie.

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Tout ce savoir et toute cette production dans le domaineberbère sont consignés dans l’espace scriptural au moyen d’unenotation à base latine, qui a connu des amendements et des

raffinements au fur à mesure de l’avancement desconnaissances et de l’analyse des particularismes linguistiquesdu berbère dans toute sa diversité.

Les tenants de la lettre latine font ensuite état d’autresarguments plus politiques. Ils soutiennent que la berbérité doitnécessairement se dégager de la gangue de l’arabité qui l’aétouffée pendant des siècles. La lettre latine serait ainsilibératrice et permettrait à la langue berbère, qui occupe déjàdu terrain à l’échelle internationale, de s’insérer davantagedans la modernité. La lettre latine serait aussi unificatrice dudomaine berbère car il est impensable qu’il y ait différenciationd’écriture alors que tout le monde appelle à l’émergence deTamazgha qui ferait front à l’arabisme dominant. La lettrelatine serait enfin porteuse de la démocratie dans sa dimensionlaïque, ce qui assurera au Maroc une évolution politique plussereine, loin des extrémistes qui en menacent la stabilitéinstitutionnelle.

L’option de la transcription à base latine est défendueune grande frange du tissu associatif, qui de communiqués encommuniqués, n’a pas cessé d’expliciter ses positions. Desuniversitaires, acquis depuis longtemps à la cause, ont, euxaussi manifesté leurs attitudes favorables à la lettre latine en serapportant essentiellement à l’efficacité et à la rentabilité de latranscription latine, tant au niveau infrastructurel (supportsinformatiques) que pédagogiques (transparence et lisibilité).

3- Les tenants de l’option tifinagh disposent eux aussi d’unargument de taille qui milite en faveur de cette graphie dite«endogène » face aux lettres arabe et latine qui proviennentd’un ailleurs historique. Le tifinagh, en tant que tracescripturale originelle répondrait mieux, de ce fait, à lasensibilité des berbères et permettrait la réappropriation del’histoire et l’affirmation d’une identité linguistique etculturelle enfin retrouvée. Les défenseurs de tifinagh sont sansdoute les plus enthousiastes et les plus lyriques. La glorification

d’un passé lointain, souvent relu avec bienveillance ou fardé

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Identité, langue et Etat 

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pour les besoins de la cause, a donné lieu à des envolées quiprovoquèrent, d’écho en écho des résonances psychologiquesconsidérables auprès de la jeune militance berbérophone,

comme en témoigne cet appel pathétique lancé par la revueAmazigh (n° 3-4, p. 4) : « Belle trouvaille, tu en conviens !Aussi cet alphabet fut-il appelé «notre trouvaille » : tifi-negh.Admire en passant ce collectif » notre trouvaille », car personnene pouvait rien posséder en particulier. Tout devait être mis encommun... Hé bien reprends ton alphabet, reprends tonécriture, puis reviens à ta belle langue et fais-en uneparure... ». Fervent appel à une réconciliation des berbères avecleur histoire dans sa dimension scripturale, avec leur lettreoriginelle.

Passés, toutefois, les effusions des retrouvailles et lesdébordements discursifs qu’elle produisit, le principe duréalisme naïf reconquit de nouveau les esprits et le regainpour tifinagh s’estompa au profit de la lettre latine qui est, del’avis dominant, plus salvatrice et prometteuse pour lapérennité et la promotion de la langue berbère.

Mais c’est sans compter avec la pression de plus de plus

forte, à travers une presse déchaînée, de la mouvance islamistequi s’était jurée de faire barrière à toute incursion de la lettreétrangère, investie de tous les maux possibles, dans le paysagescriptural marocain. Et c’est ainsi que, capitulant devant lamenace directe et sans ambages de la mouvance islamique,L’IRCAM soumit au Roi l’option retenue par la commission quidéfinit et arrête les orientations politiques de l’Institut. Le Roientérina la décision, dans un souci affiché de compromission,

de l’adoption de tifinagh pour écrire officiellement etinstitutionnellement la langue berbère. Le couperet de l’IRCAMtomba donc, tranchant, mettant fin à tout débat et à toutecontestation. Pourtant une telle décision est grosse deconséquences redoutables. Voyons donc ce qu’il en est.

Le couperet de l’IRCAMLes premières questions que nous pouvons nous poser, celles-làmêmes que les responsables de l’Institut ont délibérément

occultées, sont les suivantes :

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a- ce système graphique appelé tifinagh, existe-il vraiment, telque le proclament haut et fort les nostalgiques d’un passé

 glorieux ?,

b- a-t-il un ancrage historique réel, comme le soutiennentcertaines lectures de l’histoire des berbères ?,c- a-t-il enfin une présence actuelle tant au niveau de lapratique scripturale que dans l’intuition et la conscience deslocuteurs berbérophones ? Pour répondre à ces premièresquestions, des points d’histoire s’avèrent nécessaires.

On classe généralement les langues en deux catégories :les langues écrites et les langues orales, celles qui n’ont jamaisété matérialisées par une quelconque graphie. De ce point devue, le berbère n’est certainement pas une langueexclusivement orale, mais il n’a pas connu non plus, ni dans lepassé, ni dans le présent, une promotion graphique à l’instardes langues écrites. Le berbère serait donc plutôt une languemixte, ayant toujours eu des rapports sporadiques avecl’écriture, mais celle-ci, quelle que soit son origine et saprovenance n’a jamais été un tremplin qui aurait permis auberbère d’accéder à la civilisation de l’écrit dans ses dimensions

historiques et culturelles.Parmi les différents supports graphiques dont le berbèrea fait usage figure évidemment le tifinagh, ou du moins ce quiest considéré comme tel. Il s’agirait plutôt du lybique ou dulibyco-berbère, comme le dit clairement Galand (1988, p.209) : « On s’accorde aujourd’hui, écrit-il, à nommer libyquela langue de plus de mille inscriptions découvertes dans toutel’Afrique du Nord, de la Tunisie au Maroc ». Le plus ancien

lybique daterait de 138 avant J.C.. Le lybique probablementd’origine phénicienne serait l’ancêtre de l’écriture touarègueactuelle appelée justement tifinagh, la racine du mot (FNQ/Ġ)indiquant explicitement son origine ; alors que le découpage,proposé par certains, comme il a été signalé ci-dessus, en tifi-negh (notre trouvaille) n’est que la pure fantaisie.

Selon les chercheurs qui ont mené des investigationsdans le domaine (Chabot : 1940, Février : 1956, Basset : 1959,Galand : 1966 et Chaker : 1984), le lybique ne constituait pas

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un système graphique complet : seules les consonnes, et pastoutes, sont dotées de symboles scripturaux ; il n’était pas plusnon ni homogène ni uniforme. Bien plus, il n’a pas eu une

utilisation massive et encore moins officielle. Même le tifinaghtouareg actuel, qui est pour ainsi dire la butte-témoin dulybique est, selon Galand (1988, p. 211), « d’un usagecourant, mais limité à des tâches modestes : billets, graffiti,formules gravées sur des objets. »

Le tifinagh promu par l’IRCAM est de ce faitintrouvable, à moins que les décideurs de L’Institut aientdécouvert un système d’écriture qui aurait échappé à lavigilance des chercheurs. Rien n’est moins sur, car en réalité, ils’agit du néo-tifinagh. Une invention pure et simple qui datedes années 70, c’est à dire dans l’histoire actuelle. Des milieuxkabyles parisiens ont essayé à partir des données du lybique etde l’écriture touarègue de construire un système complet, enajoutant des symboles et pour les consonnes manquantes etpour les voyelles.

C’est cet alphabet graphique, qui a connu par la suitedes modifications, selon les options des utilisateurs, dont s’est

saisie frénétiquement la militance berbère, pour l’exhiber,l’arborer et le brandir comme preuve irréfutable de l’ancragedu berbère dans la civilisation de l’écrit. Comportementlégitime certes, mais qui manque sûrement de discernement. Letifinagh, néo ou pas néo, n’a jamais eu dans l’histoire et encoremoins dans l’actuel état des choses, un quelconque impact, unequelconque portée relativement à la masse les locuteursberbérophones au Maroc et en Algérie, comparativement à la

lettre arabe et latine. Le tifinagh reste un simple argumentidéologique et politique utilisé par les militants de la Tamazghapour consolider davantage le sentiment d’appartenancedifférentiel exaspéré exagérément

Mais à vouloir être soi-même, dans une virginitéscripturale et culturelle réfractaire à pour pénétration, enédifiant un passé lointain, même douteux, on risque de secondamner à se confiner davantage dans un isolement fatal.La langue berbère et les cultures qu’elle véhicule souffrent

d’une réclusion qui en menace la pérennité. La langue est

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dialectisée à outrance et profondément altérée par l’hégémoniede l’arabe ; la culture est folklorisée sciemment pour laconsommation touristique. Il ne reste donc que l’usage de

tifinagh pour faire du berbère un objet de musée parmid’autres vieilleries. Tel est, me semble-t-il, le dessein deL’IRCAM, ou plus exactement de sa fameuse commission, dontles membres ont été désignés, qui assume l’option politiqueretenue. Tifinagh contiendra l’amazigité dans un village enrefrénant cet élan formidable de la jeunesse berbérophone quia toujours rêvé de voir sa langue et sa culture prendre un essorinternational.

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La langue : problématique de constructionde l'identité et de la citoyenneté

Mohamed Lakhdar MAOUGALMaître de conférences, Université d'Alger 

Résumé de la conférence :

a langue en tant qu'outil d'interactivité etd'échange peut constituer un ciment social parl'effet de l'intercourse, ou encore un sédiment

communautaire par l'effet de l'esprit de clocher. Il reste que la

nature de l'Etat et sa construction symbolique peut faire de lacommunauté nationale une unité citoyenne ou un conglomératd'identités exclusives.

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Pour une identité plurielle

Anne Marie HOUDEBINEProfesseur, Universitaire, Paris V.

Résumé de la communication

-L’identité et le rapport à l’autre :L’identité se forge dans la parole de l’autre et sondésir ; la façon, dont l’enfant est accueilli et

nommé, influence son destin. Ainsi se constitue son nouageidentitaire entre images et discours, réalité et imaginaire, des

parents, de son entourage familial et social et de lui-même.

2- La fonction identificatrice des langues et des cultures :Les langues, et les discours, comme les cultures rythmant les

  gestes, les mimiques, les postures, les façons de se vêtir, lesmanières de table, les salutations, construisent, transmettentl’accès au monde sémiotisé qui cadre chaque être humain,devenant ainsi plus être de culture qu’être biologique (Sartre).

Langues et cultures proposent, imposent, non seulement desvision du monde aux sujets qui s’y construisent, maiségalement des marque spécifiques, celles qui notifient l’identitépersonnelle, (psychique, construite plus ou moinsimaginairement ou co-construite dans et par l’héritage familialet langagier, historique, et social), la sexuation et l’identitéclanique communautariste, ou l’identification plusuniversalisante, permettant d’échapper à la rigidité descodifications identitaires localement imposées.

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3-La rupture de transmission et la question de l’identité :Car c’est d’identifications diverses, de traverséesd’identifications que se forge une identité comme citoyenneté

humaine, sans fixité ni attachement à un sang ou un sol.Pourtant ces fantasmes de lien à une origine insistent d’autantplus qu’ils font défaut. Les cures psychanalytiques nousl’apprennent; les médias s’en emparent qui disent la dureréalité des répétitions cherchant à inscrire un réel qui s’est jouéet enfoui sans pouvoir s’élaborer psychiquement. Ainsi en est-ildes ruptures de transmissions, par exemple des traumatismesqu’on appelle historique, quand la famille n’en dit rien, etquand la société ne permet pas de suppléer à la silenciationfamiliale, par ses propres interdictions de dire ce qui s’estpassé. Les générations suivantes en héritent et en souffrent,cherchant sans fin à lever cet insu. Alors parfois pour se

 garantir de se sol perdu, tel la langue des parents et les non-dits qu’elle transmet, des sidérations vécues toujours actuelles,l’héritier se fige et adhère à tout ce qui peut faire sol.Adhésions, à une secte, à un fantasme communautaire, à unedrogue, à une armée, à un meurtre à recommencer. Comme

l’enfant battu peut devenir maltraitant, répétant samaltraitance dans une identité confuse, un meurtre non ditrevient, transmis inconsciemment et s’affiche, se réalise -comme dans le dernier film de Chabrol "La fleur du mal"-pour enfin être parlé, devenir symbolisable, et en quelque sorteapaisé, lâchant les figements identitaires, ou tropindividualistes, niant autrui.

4- Pour une identité plurielle (archipélique) :Alors seulement peut revenir une respiration plus libre et nonune fixation à une identité originaire d’autant plus figée,rigidifiée, adhésive qu’elle se dérobait sans cesse. Déployer desidentités pourra peut être faire accéder à ce difficile devenirhumain, jamais achevé, et accepter une universalité faite dedifférences, identité plurielle pour une universalité elle-mêmearchipélique (Edouard Glissant), plurielle.

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Les fondements juridiques de la langue amazigheou le droit face à l’identité culturelle :société et Etat de droit.

Mostafa MAOUENEEnseignant chercheur, 

Université de Sidi Bel Abbés.

Résumé:

'Algérie est-elle en train de devenir une sociétédémocratique et pluraliste ?

Aujourd'hui plusieurs signes en témoignent. Ladernière constitution dont elle s'est dotée la société algériennepar référendum populaire le 23 février 1989 et modifiée le 10avril 2002 contient toutes les dispositions nécessaires àl'instauration et à la garantie du fonctionnement d'un véritableprocessus démocratique dans un état de droit moderne.

L'apport essentiel de la nouvelle constitution réside

certainement dans ses différentes dispositions qui consacrel'introduction et la reconnaissance officielle de la langueamazighe et la liberté de création d'association à caractèrepolitique et balaie du même coup le monopole qu'a connul'Algérie près d'un quart de siècle. Ainsi, deux ans après sonentée en vigueur cette disposition constitutionnelle a reçupleine et entière application.

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Mais pour spectaculaire que soit cette nouvelle libertépolitique, il ne faudrait pas oublier ni minimiser un autreaspect novateur quoique moins apparent, apporté par la

nouvelle constitution à la vie politique et culturelle du pays.Il s'agit de la création d'un conseil constitutionnel chargéde veiller au respect de la constitution et partant, aufonctionnement de la nouvelle organisation politique pluralisteet démocratique notamment en matière de liberté d'expressiondes opinions des uns et des autres dans le respect des valeursuniverselles des droits de l'homme et de la diversité descultures dans notre pays qui s'est adhéré pleinement dans lebut de transposer ces principes universels dans le nouveaudroit constitutionnel algérien depuis 1989 .C’est dans cetteoptique que se situe notre communication.

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Etat, espace et identité :de la filiation séculaire à l’infra-dénomination

Farid BEN RAMDANEEnseignant chercheur, 

Université de Mostaganem/CRASC Oran 

Résumé:

st-ce que la nomenclature toponymique nationaleofficielle actuelle restitue-t-elle, du point d vuehistorique, une filiation séculaire tels que l’ont

cristallisés dans l’espace des noms de lieux à caractèreethnonymiques ou ethniques (noms de tribus) aussi prestigieuxque Louata, Matmata, Oulhassa, Flita, etc. L’espace dans ledomaine maghrébin est soumis à de fortes tensions historiquesde colonisation, dé/colonisation, re/colonisation. Parconséquent, les noms propres de lieux, de tribus et depersonnes vont entretenir entre eux des rapports originaux,centrés sur des représentations mentales privilégiant

beaucoup plus le droit de sang. Comment l’état national, aprèsl’indépendance, va-t-il recomposer du point de vuesymbolique le volet linguistique de cette reterritorialisation ?Sur quels paradigmes de re/fondation va-t-il ré/articuler ledécoupage administratif des wilayates, daira et communes ?Quelles sont leurs consistances territoriales ? Sinon, commentexpliquer que de temps en temps, la presse nationale fait étatde véritables « batailles rangées » entre tribus de wilayateslimitrophes ?

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Programme du Colloque

Journée du 18 mars 2003* 8h30-10h00 : Accueil et accréditation* 10h00 : Allocutions d’ouverture

MatinéePrésidence des travauxM. Abdelkader KACHER

* 10h30-10h50 : «Les emprunts anciens en berbère : Pour un examen critique de la question »

Par : Mohand Akli HADDADOU Université Mouloud Mammeri Tizi-Ouzou

* 11h00-11h30 : «Identité, langue et Etat : le rapport dialectique »

Par : Khalfa MameriDr. d’Etat en Sciences politiques, Université Paris I

* 11h30-12h30 : D E B A T S

Après-midiPrésidence des travauxM. Mostefa MAOUENE

* 14h30-15h00 : «Oralité et écriture : une complémentarité »Par : Gilbert GRANDGUILLAUME EHESS, Paris

* 15h00-15h30 : « La langue : problématique de construction de l’identité et de la citoyenneté »

Par : Mohamed Lakhdar MAOUGAL Maître de conferences, Université d’Alger

* 15h30-17h00 : D E B A T S

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Journée du 19 mars 2003

Matinée

Présidence des travauxM. Mohamed Lakhdar MAOUGAL

* 10h00-10h20 : «La terre, la femme et le pouvoir chez les Touaregs : le cas des Kel Azjer »

Par : Dida BADIAttaché de recherche, CNRPAH, Alger

* 10h30-10h50 : «Tifinagh la phénicienne et la conception 

villageoise de l’amazighité »Par : Miloud TAÏFIUFR des Sciences du langage, Maroc

* 11h00-11h20 : «Pour une identité plurielle »Par : Anne Marie HOUDEBINE Professeur, Universitaire, Paris V.

* 11h30-12h30 : D E B A T S

Après-midiPrésidence des travaux

Gilbert GRANDGUILLAUME

* 14h30-15h00 : «Identité amazighe, entre spécificité et mondialisation »

Par : Abdelkader KACHER Maître de conférencec en droit constitutionnel

* 15h00-15h30 : «Les fondements juridiques de la langue amazighe ou le droit face à l’identité culturelle : société et Etat de droit »

Par : Mostafa MAOUENEEnseignant chercheur, Université de Sidi Bel Abbés

* 15h30-17h00 : D E B A T S 

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Journée du 20 mars 2003

Matinée

Présidence des travauxAnne Marie HOUDEBINE

* 10h00-10h20 : «Etat, espace et identité : de la filiation séculaire à l'infra-dénomination »

Par : Farid BEN RAMDANE Enseignant chercheur, Université de Mostaganem/CRASC Oran

* 10h30-10h50 : «La question linguistique et la nature de 

l’Etat »Par : Dr. Mouloud LOUNAOUCI Sociolinguiste

* 11h00-12h00 : D E B A T S

* 12h00 : Fin des travaux

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La permanence del’architecture amazighe

et l’évolution descités en Algérie 

Ghardaïales 21/22 et 23 Avril 2003

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SOMMAIRE

* Présentation de la ProblématiqueHamid BILEKS/Directeur HCA   149

* L’habitat préhistorique en Afrique du Nord :Eléments d’architecture

Mourad BETROUNIPréhistorien, D.P.C. au M.C.C.  155

* L’habitat préhistorique en AlgerieMohamed HAMOUDI 

Chercheur OPNA Tamanrasset, CNRPAH Alger  161 

* L’architecture royale numide en Algérie ;les tombeaux de Numidie et de Maurétanie

Sabah FERDIChef de la circonscription archéologique de Tipaza  165 

* La double commande du bâti amazighClaudine CHAULET 

Sociologue, Université d'Alger   173 

* Quand la contestation identitaire qualifie la ville :Tizi-Ouzou, une si inattendue destinée

Mohamed Brahim SALHI Sociologue. Université M. Mammeri de Tizi-Ouzou 

Chercheur Associé au CRASC/Oran   181 

* La tente : une unité de production spatioculturelle dans lacosmogonie des nomades sahariens

Dida BADI Attaché de recherche au CNRPAH   191 

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* Genèse et évolution d’un espace villageois :Taourirt Mokrane en Kabylie

Akli MECHTOUB

Maître assistant, Université de Tizi-Ouzou   199 

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Présentation de la Problématique

Hamid BILEKS/Directeur HCA 

armi les différentes missions allouées au HautCommissariat à l’Amazighité, et qu’il se doitd’honorer, la question du patrimoine historique et

culturel occupe une place prépondérante dans la réhabilitationde la personnalité algérienne, de son identité plurielle et sesvaleurs ancestrales.

La rencontre d’aujourd’hui s’inscrit dans la droite ligne

de notre patrimoine à tous. Le colloque sous le thème « lapermanence de l’architecture amazighe et l’évolution des cités

en Algérie » trouve place dans le mois du patrimoine qui s’étaledu 18 avril (  journée du monument ) jusqu’au 18 mai ( journée des musées ). Pour cette initiative, le H.C.A. a été accompagnépar le Ministère de la Communication et de la Culture qui aaussi entre autres missions, la préservation et la réhabilitationdu patrimoine culturel. Qu’il trouve ici nos sincères

remerciements.Les spécialistes, chacun dans son domaine, activent et

contribuent pour une meilleure prise en charge de cepatrimoine. La jonction de leurs efforts servira certainement lacause. Le travail de synthèse des différents ouvrages etréflexions ne peut être concrétisé que dans des rencontressimilaires.

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Actes du Colloque international 

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L’identification de l’objet à prendre en chargeconcernant cette rencontre est bien défini dans les axes denotre programme, dont les chercheurs, qui sont ici parmi nous,

tenteront d’apporter un éclairage qui mènera vers un butmajeur qui se résume dans notre « Algérianité ».

Il y a des domaines où l’ignorance du passé, sinon sanégligence, nous rattrape dans la gestion de notre présent et laplanification de notre avenir. Saint Augustin disait : « Le passé c’est la mémoire, le présent c’est l’action, le futur c’est l’imagination ». Ce triptyque temporel est aussi valable dans ledomaine qui nous réunit aujourd’hui, à savoir commentprendre en charge notre patrimoine, legs de nos ancêtres ?Comment le vivre au présent et qui a-t-il lieu de faire pourl’éterniser ?

Il serait peut-être opportun d’essayer d’apporterquelques éléments de réponses aux difficultés quotidiennesdans lesquelles se débat ce patrimoine et le chargé de saprotection et de sa promotion. La contribution sera de taille

une fois l’histoire de notre patrimoine connue et assumée. Apartir de ce moment les questions à soulever seraient beaucoupplus objectives, à savoir :

- Que veut-on faire de ce patrimoine ?- Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour le

réhabiliter ?- Comment le protéger et le mettre en valeur ?- Enfin, et dans notre cas, comment trouver cette

adéquation de préserver le cadre ancien intégré dans les modesde vie d’aujourd’hui ?

La problématique de ce colloque porte sur lepatrimoine architectural, l’histoire de la formation des cités,leurs organisations, les facteurs socioculturels, économiques, etsécuritaires… qui ont façonné le mode d’implantation de lasociété algérienne où la dynamique des peuplements, lesdéterminismes historiques et géographiques ont donné un

paysage miroir de tous ces facteurs réunis.

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La permanence de l’architecture amazighe et l’évolution des cités en Algérie 

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Partant du fait de la « fonction » de la Cité qui va au-delà du concept matériel ou utilitaire, la problématique de saformation, de son organisation et de son évolution parait donc

très complexe.La citation de J. J. Rousseau (dans : Le contrat social ) :

« Les maisons font la ville, les citoyens font la cité » nousmontre à quel point il est impossible de penser une ville, unecité, extraite de son contexte véritable et de sa raison d’êtrepremière « l’Homme et son environnement immédiat formé debesoins multiples de survie ».

A l’occasion de cette rencontre, nous allons traiter del’origine de l’organisation des premières occupationshumaines, de l’évolution de celles-ci et la création despremières formes de la cité ; les conditions de leur genèse, leurforme, les techniques de construction et les matériaux utilisés.Il s’agira, aussi, de l’évolution des villes (village, ksour, médina,centre urbain) en Algérie de l’antiquité à nos jours, tout enmettant l’accent sur l’approche scientifique en s’intéressant à

« l’homme et à son espace ». Comme dans la majeure partie dessociétés montagnardes, les cités amazighes vivent en autarcie,donc dans une économie sévère de pénurie. Il semble, alors,déterminant que les matériaux locaux, extraits à proximitésoient utilisés en exclusivité. Dans cette architecture l’art debâtir n’est pas restreint à un acte technique.

Il serait, donc, question de l’habitant autant que de

l’habitation ; des relations qui les unissent autant que desunités elles-mêmes. Les débats évolueront autour del’architecture et de l’habitat, non pas comme maison, gîte, abriconstruit seulement, mais comme espace organisé, vécu etsymboliquement marqué.

Le genre de vie d’un groupe social comprend tous lesaspects culturels, matériels, spirituels et sociaux qui affectent laforme de l’habitat, de la maison, donc de la cité. Cette dernière

(la cité) facilite le genre de vie choisi et par là on déduit que

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Actes du Colloque international 

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l’organisation architecturale de la cité n’est pas simplement unobjet matériel.

Si pourvoir un abri est la fonction passive de la cité, sonbut actif est la création de l’environnement le mieux adapté aumode de vie d’un groupe qui constituera l’unité sociale del’espace.

Dans notre pays, le constat concernant ce patrimoinearchitectural est amer. « L’ancienne cité » vieillie mal quandelle n’est pas menacée de disparition. « La nouvelle cité » évolueet se développe dans l’anarchie et la désolation. La main del’homme y est pour beaucoup, la politique de la prise en chargede ce patrimoine doit être décomplexée pour qu’elle devienneefficace.

Au-delà de l’harmonie qu’il faut trouver entre lesformes et les usages, il faut rechercher la dynamique departicipation qui fera que l’étude de la cité et de la ville ne soitpas l’apanage de certaines disciplines, alors que l’usager pour

qui est conçu le projet est souvent considéré comme un objetquantifiable.

Allant du fait que la ville est le fait des usagers, il fautdonc mettre à la disposition du projet un savoir acquis quitiendrait compte des particularismes humains,sociohistoriques, culturels, bref, anthropologique. La politiquede la marginalisation des sciences sociales, donc de la

marginalisation de l’habitant, conduit vers l’échec anticipé del’unité sociale et architecturale. Pour éviter cela, il estimportant de trouver une entente, une cohérence entre les troisparties impliquées dans le projet, à savoir le décideur, letechnicien et l’habitant.

Comme vous allez le constatez, le chantier est immense.Les études scientifiques sur l’histoire (passé et présent) etl’évolution des cités pourraient sans doute nous éclairer et nous

aider à prendre les décisions réfléchies pour une prise en

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La permanence de l’architecture amazighe et l’évolution des cités en Algérie 

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charge effective de ce patrimoine et une meilleure organisationde l’évolution et du développement à venir.

Pour répondre à toutes ces préoccupations, nousespérons à travers cette rencontre regroupant les différentesreprésentations liées à ce patrimoine (architectes, urbanistes,anthropologues, sociologues, archéologues, juristes, politiqueset usagers) débattre dans la sérénité et la quiétude, afind’assurer une protection durable et une réhabilitation certainepour notre patrimoine, oh, combien important pour notreconstruction identitaire.

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L’habitat préhistorique en Afrique du Nord :Eléments d’architecture

Mourad BETROUNIPréhistorien, D.P.C. au M.C.C.

e suis préhistorien et je travaille sur des périodesassez anciennes, plusieurs fois millénaires où lesnotions d’architecture et de bâti n’étaient pas à

l’ordre du jour.L’homme était prédateur, vivant de chasse et de

cueillette. Il habitait dans les grottes, les abris sous roches, lescabanes et huttes en matériaux périssables.

Il serait trop hasardeux d’essayer de retrouver lesmarques et les traces d’un certain urbanisme et d’une certainearchitecture dans les temps préhistoriques paléolithiques, d’il y a plus de 20.000 ans. Il faudrait attendre le 10éme millénaire(au néolithique) pour commencer à entrevoir les premièresmanifestations d’un habitat en dur possédant ou non unappareillage architectural.

Qu’est-ce qu’un préhistorien peut donc apporter à un

sujet aussi contemporain que celui de l’architecture en généralet de l’architecture amazighe en particulier ?S’il ne peut apporter de solutions et de réponses, par

absence même de l’objet lui-même, il peut par contre et, c’est làl’importance, inscrire cette question –celle de l’architecture-dans une perspective plus large, d’échelle millénaire,pour apprécier les processus qui vont mener, du non bâti aubâti, de la non architecture à l’architecture.

J

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Actes du Colloque international 

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La préhistoire nous permet en fait d’aller au-delà del’histoire, c'est-à-dire de l’écrit, de ce qui a été écrit, dedépasser l’histoire, de la transgresser même pour voir ce qu’il y 

a derrière ou ce qu’il a en dessous.Une première question s’impose à nous : où commencel’histoire en Afrique du nord et qui en a défini la limite ?Les historiens, géographes et autres archéologues qui onttravaillé sur l’Afrique du nord, ont convenu quasi-unanimement que l’histoire de l’Afrique du nord commenceavec Carthage et les premiers comptoirs puniques établis sur lacôte maghrébine.

Ils ont convenu que cette histoire s’est réalisée en deuxtemps :

- Un temps préhistorique, sauvage, primitif, fait dechasseurs, cueilleurs et de nomades errants.

- Un temps historique, de civilisation, fait de bâtisseursde villes et cités, venus de l’est.Cette équation est devenue une conviction, un dogme qui régittout l’arsenal épistémologique de notre histoire et qui a fait quece qui relève de l’ordre de la cité d’une manière générale et de

l’architecture d’une manière particulière, en Afrique du nord,est rapporté à l’autre, celui qui vient d’ailleurs.

Que nous révèle l’archéologie ?En Afrique du nord, les premières traces de constructions endur n’apparaissent, d’une manière quasi systématique, qu’a lapériode dite protohistorique, phase de transition de lapréhistoire à l’histoire que nous ne pouvons situer avec trop de

précisions faute de dates précises au Carbone 14.Le fait le plus caractéristique est celui de la rareté desstructures d’habitat en dures, à fonction domestique et civiles,par opposition à la richesse, la diversité et la large répartitiondes structures funéraires en pierre tels les tumulus, bazinas,tertres, chouchets et autres formes de sépultures.

Ce fait à été immédiatement rapporté à l’absence, enAfrique du nord, d’une culture urbaine et donc d’uneorganisation humaine dense, structurée et permanente. Dans

cet entendement là, les structures funéraires ont été

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La permanence de l’architecture amazighe et l’évolution des cités en Algérie 

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interprétées comme étant l’œuvre de populations et decivilisations étrangères qui ne faisaient que passer par là.

C’est en partant justement de ces observations,

notamment, qu’il a été convenu de caler le début de l’histoirede l’Afrique du nord, avec Carthage et les premiersétablissements de comptoirs puniques sur la cote maghrébine.Nous passons, ainsi, sans transition et sans interférencesaucunes de la grotte préhistorique aux premières constructionspuniques.

Les monuments funéraires préhistoriques « protohistoriques » :quelles significations ?

Si nous insistons quelque peu sur la dimension mégalithique,nous réalisons d’abord, qu’à peu prés à la même période,correspondant aux dernières phases néolithiques , tout leMaghreb et le Sahara était recouvert de structures funérairesen terre ou en pierre qui vont du simple amoncellement deterre ou de pierres ,que des auteurs ont appelés tertres ettumulus , aux structures à appareil architectural appeléesbazinas. Certains auteurs n’avaient pas jugé utile de distinguer

ces deux grands ensembles au risque de trouver une certainelogique évolutive et ont appelé le tout : tumulus.Dans la toponymie berbère ces structures funéraires

sont appelées bazinas, Redjem ou kerkour à la différence desdeux derniers termes, le mot bazina n’est connu qu’en Algérieorientale et en Tunisie ou il désigne essentiellement deséléments en reliefs (djebel bazina)

Aujourd’hui depuis G. Camps, 1961, le mot Bazina

renvoi à un tumulus à revêtement extérieur. Cette distinction apermis de déceler une véritable évolution architecturale allantdepuis le tumulus le plus élémentaire, aux grands Mausoléesnord africains, des djeddar, du Medracen et du Tombeau « dela chrétienne », en passant par les différents types de Bazinas (Bazinas à enceintes concentriques, à carapace, à degrésquadrangulaire, à base cylindrique, à sépultures multiples) etdes dolmens qui ajoutent, complètent et combinent deséléments architecturaux sans toucher à la structure sur

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Actes du Colloque international 

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laquelle reposent les assises du culte et de la traditionancestrale.

Les Mausolées des royaumes numides : des bazinas auxappareils architecturaux élaborés.Les grands Mausolées des royaumes numides sont desmonuments funéraires dont la situation, les dimensions, lescaractéristiques architecturales et les contenus archéologiques,renvoient à des rites et coutumes funéraires africains enracinéstrès profondément dans la préhistoire (sépultures dolméniques,tumulus et bazinas) et qui marquent, à ce niveau, la frontière(spirituelle) avec la culture latine et phénicienne qui s’est

  greffée, intelligemment, en épousant les formes préétablies eten y adjoignant des éléments architectoniques nouveaux. « Lesapports étrangers ne sont que des revêtements nouveauxdonnés à des traditions anciennes » comme disait G. Camps àpropos des techniques architecturales de ces monumentsfunéraires.

Qu’en est-il de la cité ?

Du point de vue de l’architecture, les édifices et autresstructures bâtis d’origine autochtone ne se reconnaissent quepar leurs caractères funéraires. Quant à l’architecturedomestique et civile, celle des villes, des maisons et de palaisnumides, elle est totalement fondue ou confondue dans uneurbanisation punico-romaine par surimposition et vernissagede façades.

De la cité des morts à la cité des vivants :Les observations effectuées au Sahara, essentiellement,permettent d’avancer que la rareté des structures d’habitat endur n’est pas liée forcément à l’absence d’une culture urbaine.Elle est plutôt à reporter à la nature du rapport entretenu entrele domaine du vivant et celui du mort .L’habitat en dur,dimension fondamentale du monde des vivants, est réalisé surmatériau en argile, pisé, roseaux et palmiers dont la durée devie est limitée.  Cette qualité du matériau de construction

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traduit en elle –même, le caractère éphémère de l’habitat duvivant par opposition à l’habitat du mort.

La relation aux morts est toute différente puisqu’elle est

marquée d’une valeur sacrée (respect et en même temps peurde mort). Le souci de sauvegarder et d’entretenir les morts enconstruisant des structures funéraires en pierres, relève decette préoccupation du sacré et du religieux.

C’est cette relation sacrée à un espace partagé entrel’éternel (dureté, consistance, pérennité, dominance) etl’éphémère (fragilité, vulnérabilité, faiblesse) qui semblecommander l’architecture sociale et culturelle du peuplementnord africain depuis les temps préhistoriques.

Cette vision du monde est nécessairement antagoniqueavec la théorie consacrée d’une histoire centrée sur la ville et ladimension monumentale. C’est avec Carthage et les comptoirspuniques d’ abord, romains ensuite, que s’est établit, par ladomination, l’ordre nouveau de la « cité des vivants « qui vatransgresser la « cité des morts « en lui empruntant sesmatériaux de constructions.

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L’habitat préhistorique en Algérie

Mohamed HAMOUDI Chercheur OPNA Tamanrasset, CNRPAH Alger 

e par ma profession, le sujet dont je vais vousparler concerne l’organisation de l’espace chezl’homme préhistorique en Algérie et ses

différentes structures d’habitats connues. Il est, certes, loin dubâti et de l’architecture tel qu’ils sont connus mais préfiguredéjà ce que sera l’organisation spatiale de l’habitat. Jusqu’àmaintenant, les fouilles ont mis à jour différentes structuresd’habitats provenant de sites épipaléolithiques et néolithiques.

La protohistoire est connue surtout par ces monumentsfunéraires de taille parfois impressionnante.

Le paléolithiqueLe paléolithique est la période la plus ancienne de lapréhistoire et se divise en Paléolithique inférieur et moyen. Cespériodes sont datées de plus de deux millions d’années pourles plus anciennes et autour de 20 000 ans pour les plus

récentes où l’homme vivait de cueillette et de chasse.On ne connaît pas de structures d’habitat bien agencée de cettepériode. Seul le gisement de N’Gaous5 a livré une structurecomposée d’un dallage constitué de pierres poséesintentionnellement sur une aire importante.

5 Site fouillé par N. Saoudi du CNRPAH.

D

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Actes du Colloque international 

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L’épipaléolithiqueL’épipaléolithique est la période intermédiaire entre lepaléolithique et le néolithique. Elle se caractérise par deux

importantes civilisations l’Ibéromaurusien (entre -20 000 et -10000 ans) et le Capsien (entre -9000 et -5000 ans). Lapremière occupe la partie littorale et tellienne du pays et portéepar l’homme dit de Mechta Afalou et la seconde ses hautesplaines orientales. Son artisan est le protoméditerranéen. Ceshommes vivaient de cueillette, de chasse et de pèche.

Les gisements ibéromaurusiens sont nombreux à avoirlivrés des structures d’habitats bien agencées. L’abri sous roched’Afalou Bou R’mel à Bejaia en est un exemple qui illustre bienles préoccupations de l'homme ibéromaurusien à ajuster sonespace vital.

En effet les travaux dirigés par S. Hachi du CNRPAH,depuis 1983, ont mis au jour des sols d'habitats dont le plusimportant est daté d'environs 12 500 BP ou les fonctions ettâches quotidiennes des occupants de cet abris sont nettementcirconscrites (aires de tailles, foyers, âtres…). Il s’agit selonl’auteur d’une « structure d’habitat complexe dont on ignore la

durée d’occupation faute de données radiométriques précises.Cet habitat serait clôturé par une haie soutenue par un pierrierdu coté nord. Son ouverture devait se situer du côté N-O, c’està dire vers la source de lumière. A l’intérieur de cet enclos,utilisant les parois sud et Est comme murs naturels, se tiennentles foyers construits qui ont dû servir de foyers de chauffage,de défense et d’éclairage. Du côté Ouest se trouve un atelier detaille avec deux grosses pierres sur lesquelles devaient s’asseoir

les tailleurs. Les nucleus étaient préchauffés dans un grandfoyer à plat. Au sud, se situe la zone de couchage »6 Le capsien n'a pas livré de structure d'habitat bien que

sont nombreux les sites fouillés de cette culture. On serait tentéd'assimiler cette carence à la nature même des sites. Cesderniers (appelés communément escargotières) se présentent

6 Hachi (S), 1988 : L’habitat préhistorique en Afrique du Nord : Point desconnaissances et nouvelles découvertes. Habitat, tradition et modernité.Revue d’Architecture et d’Urbanisme n°2, juin 1994.

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La permanence de l’architecture amazighe et l’évolution des cités en Algérie 

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sous forme d'amas de cendres très meubles ce qui empêche laconservation des structures si structure y en a.

Le NéolithiqueC’est la dernière période de la préhistoire et se caractérisesurtout par l’avènement d’un nouveau mode de pensée et devie. C’est à dire que l’homme s’est rendu compte qu’il peutmodifier son environnement par un système de production, parla culture matérielle ou par les expressions symboliques.

Les structures les plus remarquables de cette époqueproviennent des gisements des régions sahariennes. Lenéolithique méditerranéen est connu à travers des travauxanciens qui, alors, ignoraient, ou n'avaient aucun intérêt pourles structures d'habitats. Les travaux sur le néolithique detradition capsienne (Hautes plaines orientales) effectués par C.Roubet ont mis1’accent sur les cultures matérielles etl’économie pastorale préagricole.

En régions sahariennes, le site de plein air de BordjMelala (Ouargla) étudié en 1976 par J. Tixier7 et daté de 7 000ans a révélé des aires d'activités s'étendant sur plus de 2000m2,

un habitat partiellement clos avec à l'intérieur des airesspécialisées pour cuisson, broyage, chauffage, préparationd'objets de parure et stockage de liquides et de graines. Al'extérieur des ateliers de taille de trapèzes et de rectangles(objets lithiques) ont été identifiés.

Dans la même région G. Aumassip8 décrit desinstallations saisonnières composées de haltes proches defoyers avec un mobilier archéologique disséminé autour. A

Aschech (Bas Sahara), ce sont des structures circulaires pluscomplexes qui sont décrites. L'intérieur de la structure estsombre avec un abondant matériel archéologique. A son centre

7 Tixier (J) avec la collaboration de F.Marmier et G. Trecolle, 1976 : Lecampement préhistorique de Bordj Mellala, Paris, Cercle de Rech. et d’Et.Préh.8 Aumassip (G), 1986 : Le Bas Sahara dans la préhistoire. Etudes d’Antiq.Afr., CNRS. 

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se trouve un grand foyer avec deux autres plus petits de part etd'autre. Selon l'auteur cette structure serait un fond de cabane.Le site D'Amekni dans Hoggar central, fouillé par G. Camps9, a

lui aussi fourni d'importantes structures d'habitat aménagéesentre des blocs de granite et ayant comme toiture des haies detypha soutenues par des charpentes en bois de ficus.

Au Tassili n'Ajjers, c'est l'abri sous roche de Ti NHanakaten10 fouillé par G. Aumassip qui a fournit desstructures vieilles de 7500 à 7000 ans avant J.C11. Comportantune litière végétale tapissant une partie du sol d’une cabanedans l’abri. Les végétaux ont été bien conservés sous 1.5 m decendre provenant des occupations postérieures.

9 Camps (G), 1969 : Amekni, Néolithique ancien du Hoggar. Mém. X.CRAPE, Alger.10 Aumassip (G), 1981 : Ti N Hanakaten (Tassili n’Ajjer- Algérie). Bilan de 6compagnes de fouilles. Libyca 28-29 :115.11 Hamoudi (M), 2002 : Etude d’un aspect du néolithique saharien : Lebovidien inférieur d’après la séquence 4 de Ti N Hanakaten (Tassili n’Ajjers

 –Algérie). Mem. Magister. Inst. D’Archéol. Univers. D’Alger. 

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L’architecture royale numide en Algérie ;les tombeaux de Numidie et de Maurétanie

Sabah FERDIChef de la circonscription archéologique de Tipaza 

omme toutes les œuvres d’art, l’architecture, cetart de bâtir et d’orner les édifices soit sous formed’une modeste habitation ou d’un grand

monument public ou résidentiel, ne peut être dissociée ducontexte social, culturel et historique sans lequel il nous estimpossible de la comprendre.

Lorsqu’on évoque l’architecture monumentale en

Algérie, il s’agit, en général, de vestiges des monumentsromains ou islamiques. La diversité et la multiplicité de cesvestiges datent du début de la colonisation romaine jusqu’à laconquête ottomane. Ils sont tellement impressionnants que lesmonuments dits « préromains » sont peu nombreux etfacilement repérables dans l’espace compris entre la grandesyrte et la cote atlantique. Mais leur gabarit compenselargement leur nombre restreint. Ces monuments parvenus à

nous appartiennent exclusivement au type de sanctuairesisolés, juchés sur des montagnes où a celui des grandsmonuments funéraires situés à l’écart des habitats et des villes.

Il est à remarquer que durant deux siècles, des fouillesintenses ont été consacrées à la mise au jour de cités del’époque antique ou islamique ; ces cités, dans leur majorité,ont été bâties sur des villes plus anciennes .Rares sont lesrecherches menées in situ dans le but de retrouver des édificesantérieurs sous les couches des civilisations postérieures

C

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(puniques ou romaines) .C’est pour cette raison que nousignorons encore les caractéristiques de l’habitat et des villespréromains.

Rappel historiqueLes berbères ou numides sont les premiers habitants duMaghreb. Ils sont connus depuis le 13e millénaire et sontinstallés sur la partie orientale du Maghreb ; les Maures sur lapartie occidentale, les Gétules sur les confins sahariens.

Aux environs des IVème- IIIème avant JC, uneconfédération de tribus maures s’est constituée dans le nord duMaroc actuel ; elle a comme roi Syphax et pour capitale Siga(l’actuelle Takembrit) et celui des Massyles à l’est aux confinsdes territoires carthaginois avec comme roi Massinissa (203-148 avant JC.) et pour capitale Cirta (l’actuelle Constantine). Ilest à noter que les deux royaumes étaient antagonistes ets’étaient affrontés de multiples fois. Pendant un certain temps,Syphax s’était même emparé de la capitale massyle Cirta. Lessources latines nous informent que ce dernier était le roi le pluspuissant de l’Afrique antique. 

Les sources écritesBien qu’on ait beaucoup écrit sur l’Afrique, il faut admettrecombien sont pauvres les sources littéraires ou les documentsarchéologiques concernant les royaumes numides et maures.

Les textes anciens (latins ou grecs) n’y font allusion quedans la mesure où certains faits contribuent à expliquer ou àinfléchir le cours des événements méditerranéens. Les auteurs

anciens ne se soucièrent de l’histoire originelle des royaumesautochtones que lorsqu’elle leur parut intéresser Rome ouCarthage (guerres puniques ou les guerres civiles romainesentre César et Pompée: l’Afrique fut un des principaux champsde leurs bataille.

La NumidieA la mort de Massinissa (148 avant JC), ses terres sontpartagées entre ses trois fils Micipsa, Gulussa et Mastanabal.

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La permanence de l’architecture amazighe et l’évolution des cités en Algérie 

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Les deux derniers meurent et Micipsa continue l’œuvre de sonpère jusqu’en 149 av JC.

A sa mort, il laisse trois héritiers : ses deux fils Haderbal

et Hiempsal et son neveu Jugurtha qui devient ensuite lesouverain de la Numidie. Il commet l’erreur de laissermassacrer des marchands romains. Ce qui déclenche une

 guerre entre lui et Rome vers 110 avant JC, Jugurtha demandeet obtient l’aide de Bochus, roi de Maurétanie. Le grand Mariusremporte la victoire grâce à la trahison de Bochus et Jugurthaest fait prisonnier en 105 av. JC.

La Numidie est aussitôt divisée : le tiers occidental estdonné à Bochus (de Siga à Cherchell). Le reste est partagé endeux et remis à deux princes différents dont l’un fut Gauda(frère de Jugurtha).

La MaurétanieCe royaume est mal connu au II ès avant JC. On sait queBochus est roi en 105 et qu’il a agrandi son territoire enrecevant le tiers occidental de la Numidie ; on sait aussi quevers 80-87 ce territoire est partagé entre Bochus II à l’est

(partie algérienne) et Bogud à l’ouest (le Maroc).Le royaume Maure de Bochus II s’étend vers l’est jusqu’à la rivière de l’Ampsaga (oued El Kébir) et jusqu’à SigaTakembrit. Le royaume de l’ouest reste à Bogud pour un temps.Au cours des combats qui suivirent la mort de césar (44),Bochus II soutient le parti d’Octave, celui-ci donne à Bochus IItous les territoires de Bogud. Il y a, à ce moment-là, réalisationde l’unité de la Mauritanie. Quand Bochus meurt en 34-33 av.

 JC. Octave remet la Mauritanie à Juba II (fils de Juba Ier, roi deNumidie).

Les monuments préromains de l’Algérie ancienneLes vestiges et monuments datant de l’époque libyco puniquesont peu nombreux et répandus dans un vaste espace comprisentre la grande Syrte et la cote atlantique. Ils appartiennenttous au type des sanctuaires isolés, placés sur des montagnes ouau type des grands monuments funéraires situés à l’écart des

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habitats et des cités. Parmi ces monuments nous citerons parordre chronologique :

Le MedracenLe mausolée royal de Numidie appelé Medracen est situé à 34Km au nord-est de Batna, sur une colline, au dessus de laplaine d’El Mader, à 9 Km au sud-est d’Ain Yagout.

Ce mausolée qui « ressemble à une grosse colline« d’après la description d’El Bekri est érigé au milieu de reliefsqui l’encastrent du nord et du sud. Il est visible contre lesdjebels Azem et Tafraout.

Ce monument, berceau de la dynastie massyle fut érigéautour des années 200 avant JC. Ses dimensions sontimpressionnantes. Il mesure 58,86 m de diamètre et 18 m dehauteur. Il est constitué d’un socle circulaire formé de deuxassises de pierre, d’un tambour cylindrique (5,85m h) forméde 60 colonnes engagées portant chapiteaux d’ordre dorique.Au dessus de ceux-ci, un entablement composé d’une cornichesaillante et d’une gorge égyptienne et de quatre fausses portesplacées dans les axes. Enfin, couronnement en trône de cône

constitué de 23 gradins circulaires donnant accès à une plateforme finale, servait sans doute de piédestal à une statuecolossale. On accédait au tombeau, après avoir grimpé audessus de la corniche et gravi trois gradins. On se trouve, alors,à 6m au dessus du niveau du sol. Les fouilles révélèrent des

 galeries surmontées de poutres de cèdre et un caveau funérairerectangulaire.

La qualité de l’exécution et le soin apporté à la finition

est inégalable dans l’architecture environnementale de larégion. La perfection de la taille des pierres, leur jointure, leurscellement avec des crampons, noyés dans le plomb, attestentde la présence d’artisans qualifiés qui ont fait preuve d’uneréelle créativité et audace dans l’exécution des travaux. Leraffinement observé dans la technique de construction laissesupposer que le ou les propriétaires de ce majestueuxmonument appartenaient sans doute à la dynastie massyle.Etait-ce, Gaia, le père de Massinissa, mort autour de 208 av.

 J.C ?

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La permanence de l’architecture amazighe et l’évolution des cités en Algérie 

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Une dernière remarque : le Medracen a certainementservi de modèle pour les bâtisseurs du Mausolée royal deMauritanie. Au caractère berbère du monument s’ajoutent les

influences grecques et puniques, reflets de l’ouverture de lacivilisation numide au monde méditerranéen.

La Soumaa du KhroubPrès de Cirta (l’actuelle Constantine) capital du royaumemassyle, à 3km à l’Est, fut érigée, vers le milieu du IIe s.av. JC,le mausolée dit « Soumaa du Khroub ». Il est accroché à unecrête rocheuse haute de 770 m, visible de très loin, depuis lacrête des monts de chettabah. C’est une tour qui s’élève de 30mde haut, d’une base large de 10,50m au dessous d’un socleconstruit en blocs de pierre qui abritait la cella principale,détruite, était « posé sur un second socle  constitué de troismarches à la base et la corniche profilée qui, à son tour,supportait le premier étage massif dont les fausses portes,richement décorées avec des dormants et des frontons profilés,étaient flanquées de boucliers. Vient ensuite un second podiumavec sa base, sa sima et un monoptéros à 12 colonnes doriques.

(M. Bouchenaki). Ce monument, de l’intérieur, à l’aspect d’untemple, sert de support « à une couverture à 4 pentes posée surune architrave et frise ».

A plus de 20m de haut, les blocs qui forment la toituresont maintenus au moyen de crampons de fer scellésparallèlement les uns par rapport aux autres. Au dessus de cetétage, s’élevait la pyramide octogonale (haute de 9m) et ornéede bandeaux profilés constituant le sommet d’une plate-forme.

Ce mausolée témoigne lui aussi de la dynastie et de lavolonté d’un des plus puissants souverains bâtisseurs duMaghreb antique : l’Aguelid Massinissa (208-148 av. JC).

Le Mausolée de Siga-TakembritMausolée situé sur la rive droite de l’oued Tafna, en face deSiga, au dessus du djebel Skouna. Ce monument qui porteaujourd’hui le nom de kerkar el arais ou mausolée de BeniRehane mesure 15m de diamètre et pouvait avoir, à l’origine,

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une hauteur de 30m. Il était constitué de trois niveaux ouétages :

Un étage inférieur reposant sur un piédestal de trois

 gradins. Un étage médian reposant sur deux gradins.Un étage inférieur reposant lui aussi sur 5 gradins et couronnéd’un pyramidion.

Syphax avait fait, vraisemblablement, construire cemausolée, mais il n’eut pas la chance d’y être enterré, puisqu’ilmourut prisonnier près de Rome. Son successeur Vermina et ouses héritiers (201-191 av. JC) y sont peut-être inhumés ?

Le Mausolée Royal Maurétanien de Tipaza

Un ou deux siècles séparent le monument royal bâti au nord del’Aurès et le mausolée non moins imposant et majestueuxconstruit à Tipaza sur le littoral. Ce bâtiment à destinationfunéraire est situé sur la route qui mène d’Alger à Cherchell.Ses dimensions sont impressionnantes ; 185.50 m3.

A l’extérieur, il présente 60 colonnes engagées de typeionique, 4 fausses portes (une à chaque point cardinal) dont lesmoulures forment des voix, ce qui a valu au monument la

fausse appellation de tombeau de la chrétienne.On pénètre dans le monument par une porte basse et étroitesituée dans le soubassement du monument sous la fausse portede l’est.

A l’intérieur, après avoir traversé un caveau et unvestibule, on accède par un couloir circulaire à deux autrescaveaux ; le second étant orné de trois niches, à l’est, au nord etau sud. Toutes ces pièces ont été trouvées vidées.

De part sa situation, à environ 1 Km du rivage, sur unehauteur de 290 m du niveau de la mer et faisant partie d’unechaîne de colline parallèles à la mer, ce monument est visiblede plusieurs kilomètres à la ronde et laisse supposer que sonpropriétaire était également un puissant souverain ayant

 gouverné Iol-Caesarea à la première moitié du I er s.av .JC. Lesdonnées de l’archéologie excluent Juba. Il nous est permis depenser, des lors, au roi maure Bochus l’ancien ou son héritierBochus II. 

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La permanence de l’architecture amazighe et l’évolution des cités en Algérie 

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A travers ces quatre exemples les plus représentatifs,nous pouvons imaginer le rang de l’architecture royale numideet le prestige des rois de Numidie et de Mauritanie qui se

considéraient les égaux des monarques hellénistiques d’orientavec qui, comme l’attestent les sources écrites ou matérielles,ils entretenaient des relations privilégiées. Cette architectureroyale, dérivée des tumuli funéraires (la bazinah), est devenuel’expression de la puissance hellénistique dominante qui lesvalorisait socialement. Cette forme d’architecture a laissé uneempreinte si profonde qu’à la fin de l’antiquité (au 6-7e s.après JC.) d’autres monuments de forme pyramidale dans larégion de Frenda servaient de sépulture à de puissantssouverains berbères.

ConclusionCe patrimoine n’est pas un acquis, il est en constructioncontinue. Après en avoir hérité, nous en devenons, à notretour, des artisans, comme l’ont été avant nous nos illustresprédécesseurs. Serions-nous des artisans, qui usent et abusentdes biens qui nous sont confiés ou des artisans qui songent au

bien être des générations futures, des artisans dilapident ou desartisans consciencieux de leur responsabilité vis-à-vis duprésent et de l’avenir. Des artisans imprévoyants ou desartisans qui construisent. Chacun aura un jour à rendrecompte de la gestion du patrimoine qui lui a été légué. Cepatrimoine et ces musées doivent servir à relativiser notrepropre culture « civilisations, nous savons que nous sommesmortelles » disait P. Valery. L’humanité et en son sein l’Algérie

n’est pas ce qu’elle a été mais ce qu’elle veut être. Lespatrimoines nous permettent de nous enrichir du passé et derelativiser notre présent et nous rendre plus libre pourconstruire notre avenir.Antiquitas saeculi inventus mundi

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Bibligraphie

- M.Bouchenaki : Cités antiques d’Algérie, coll. Art et culture,

Alger1978.

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La double commande du bâti amazigh

Claudine CHAULETSociologue, Université d'Alger 

a question posée ici est celle des caractèrescommuns qui pourraient se manifester dans lesdifférentes constructions des populations du

Maghreb, et qui relèveraient donc d’une « culture amazigh »commune, évidente ou latente. Je la poserai, non en tant quespécialiste du bâti ancien ou actuel, mais en sociologue, et aussien observateur sensible à l’impression de familiarité éprouvéeen regardant des sites pourtant évidemment différents.

Cette question est difficile, car la réponse ne relève pasdu technique (il y a des constructions en pierre et d’autres enterre, dont les formes s’opposent, des toits de tuile et des toitsen terrasse …) ni de l’adaptation au milieu (dans certains cas,montagnes humides et froides en hiver, dans d’autres climatsaharien). Elle est d’autant plus complexe que beaucoup deconstructions anciennes ont disparu, et qu’il est impossibled’établir une filiation entre les monuments antiques identifiés

et les constructions plus récentes, les uns plus ou moinsconiques, les autres à plan quadrangulaire. Je la chercheraidans la façon de s’implanter dans les milieux naturels etd’organiser les rapports entre les habitants, d’abord autrefois – en passant du milieu rural aux concentrations citadines, puisactuellement, en interrogeant ce qui se construit spontanémentaujourd’hui avec des techniques, donc des formes, différentes.Mon but n’est pas de conclure, mais de lancer débats etrecherche.

L

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Le témoignage du passéLes constructions anciennes sont mal connues, sans cesseremplacées par d’autres qui ont pu emprunter aux styles

dominants à leur époque, et peu étudiées. Pour l’essentiel, cequ’on connaît, à part l’évidente urbanité ibadite et quelquesvilles anciennes comme Constantine, relève de la constructionrurale, et encore faut-il avoir recours à des études et desphotographies non récentes pour tenter de démêler la part dubâti originel des apports successifs et des emprunts dont ilstémoignent.

L’habitat des gens ordinaires se caractérise, commedans l’ensemble des pays musulmans par l’introversion : lesouvertures sont tournées vers l’intérieur, les façades ne sontpas démonstratives du statut social des occupants. Il fautcependant noter que les plans à cour centrale organisant laconstruction des toits ou terrasses en carré, avecéventuellement arcades, ce qui renverrait à l’archétype gréco-romain, sont plutôt d’influence citadine. Les maisons kabyles,les maisons aurasiennes, nombre de maisons sahariennes sontbien ouvertes sur un espace central, mais qui n’est pas un

« west-ed-dar » au sens architectural du terme : les pièces sontconstruites et remaniées indépendamment les unes des autres,au fur et à mesure des mariages qui en créent le besoin, leurcouverture est conçue séparément, la cour ou l’ouverture versle ciel est ce qui est laissé entre ces bâtis successifs.

Plus significative me paraît l’absence, du moins depuisles « djeddar » de monuments destinés à rendre sensiblel’autorité : pas de palais imposants ou de tombeaux

impressionnants, si on met de coté les constructions dedynasties qui attiraient les artisans et les modes architecturalesde tout le monde musulman, même pas de « maisonscommunes » qui auraient pu inspirer plus tard unearchitecture publique civile. « Tadjmath », dans les villagesanciens, était abritée par une rue couverte comme les maisonsenvironnantes, à peine reconnaissable de l’extérieur.

Les seules fonctions ayant suscité des formesarchitecturales différenciées sont la religion et la défense.

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La permanence de l’architecture amazighe et l’évolution des cités en Algérie 

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La religion a suscité partout des salles de prière souventmodestes et accordées à la façon de construire locale, et desminarets caractéristiques : toujours uniques, toujours à base

carrée, parfois de taille impressionnante, parfois avec uneallure un peu pyramidale donnée par un rétrécissement vers lesommet, comme au Mzab et dans les régions du sud qui s’ensont inspirées. Mais il faut aussi remarquer que les lieuxd’exercice religieux étaient souvent séparés des lieux d’habitat ;tombeaux de saints marqués par des édifices à base carrée(symbole de la terre) et couverture en coupole (symbole duciel) et zaouîa(s) avec bâtiment pour l’hébergement, alors queles petites agglomérations n’étaient pas toutes dotées d’unminaret.

La défense a organisé le bâti de plusieurs façons qui meparaissent mériter attention, d’autant plus qu’elle étaitnécessaire en périodes de conflits locaux fréquents, mais n’apas laissé de grands « châteaux-forts » comparables à ce qu’onpeut voir dans d’autres régions du monde, ruines évidentesd’un pouvoir féodal.

La défense était d’abord assurée par le groupement des

habitations, règle quasi-générale, que ce soit en petits paquetsde quelques habitations appartenant à des gens liés entre eux,ou par groupement de plusieurs de ces « paquets » enensembles plus importants, en gros « villages » organisés. Danstous les cas, la protection est assurée par le choix d’un sitedéfensif, et par l’articulation des constructions entre elles detelle façon qu’il soit impossible à un « étranger »de pénétrerentre les maisons contre la résistance de leurs habitants : la

capacité de défense du groupe vient de sa cohésion, aussi bienau moment de la construction en bloc compact accroché ausite qu’au moment où chacun prend son arme.

Une manifestation significative de cette forme dedéfense est l’institution de la « guelaa », institution connue sousdes noms différents dans tout le Maghreb et, si on en croit latoponymie (Kalaa…), autrefois fréquente : le groupe construit,entretient, organise (règlements) et fait garder un « grenierfortifié » dans lequel chacun de ses membres (les chefs de

famille) possède une ou plusieurs cases individuelles où il met

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à l’abri ses biens les plus précieux, grains, fruits secs, dattes,tente et autres objets. Il peut aussi y mettre à l’abri, en casd’attaque, son troupeau et sa famille. Les biens sont privés, et

la défense est collective, au niveau du groupe d’appartenance.Il semble que nombre de « Ksour » ait joué ce rôle, même si ilsont pu assurer en même temps la protection d’habitantspermanents.

Une autre étape, manifestement différente, estreprésentée par la mise en place d’une organisation communepermanente capable de mobiliser des moyens pour construireet entretenir, autour de groupes agglomérés mais socialementdifférenciés, une muraille : alors naissent des villes, dont lesvilles du Mzab sont un modèle, avec leur minaret central etleurs institutions urbaines : le fait qu’on continue à les nommer« Ksar » indique sans doute une parenté, une autre évolutionpossible étant les « casbah » féodales du sud marocain.

Mais d’autres régions ont connu d’autres histoires, enparticulier celles où la sécurité était suffisante pour que chacun

 garde chez soi et ses animaux, et ses provisions : les maisonskabyles sont célèbres, et pour leurs « ikoufan », et pour leur

hébergement intérieur du bétail familial, et pour le senssymbolique attribué à chacun des espaces affectés à chaqueusage. On a moins remarqué que chaque construction, montéeavec l’aide du groupe pour un ménage particulier, donne surun espace commun à plusieurs frères mariés, chacunconservant un « foyer » séparé, en hiver dans la construction,en été dans un coin de la cour. De même que les terres ouautres biens auxquels on pouvait avoir accès en tant que

membre d’un groupe étaient toujours exploitéesindividuellement.C’est cette double commande, à la fois par le groupe

d’appartenance assurant protection et droits, et par le caractèreprivé de l’effort productif et de ses résultats, qui me paraît êtrece qui s’exprime à travers les réalisations si apparemmentdifférentes des constructions des multiples groupes amazigh(s).Un trait de culture.

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Les transformations actuellesElles sont tellement importantes qu’il est souvent difficile deretrouver les situations mêmes récentes sous les paysages

actuels. L’habitat tend à se disperser et à descendre vers lesvoies de communication principales, qui tendent à délaisser lescrêtes protégées des ennemis et des crues pour les vallées et lespiémonts. Dans les endroits favorisés, les espaces qui autrefoisdélimitaient l’implantation des groupes se remplissent, entreautres par les locaux affectés à des services ou activités qui lesconcernent indifféremment. Ailleurs des implantationsanciennes sont abandonnées ou périclitent. Souvent, quelquehéritier se permet d’implanter à la place de l’ancienne maisonune construction qui contrevient aux normes d’égalitéapparente et au style commun sur lesquels reposait l’image dela cohésion du groupe. On aurait une impression de dissolution

 générale du modèle précédent..Pourtant on doit reconnaître que la culture commune a

produit, en mettant en œuvre les potentialités techniquesoffertes par le ciment, le ferraillage et la dalle, un nouveaumodèle architectural : la maison familiale de plusieurs étages,

comportant autant d’appartements semblables que le chef defamille avait de fils mariés ou à marier, le rez de chaussée étantaffecté à des activités artisanales ou commerciales pouvant êtrecommunes, et l’achèvement étant souvent étalé dans le temps.Combinaison des aspirations à la cohésion et à la sécurité,désormais économique, d’un groupe restreint à la plus procheparenté et des tendances individualistes des ménages, cemodèle s’impose partout, éventuellement isolé en milieu rural,

formant par accolement les rues de nouvelles périphériesurbaines, et ceci malgré son échec relatif, chaque fois que lesfils destinataires, et surtout leurs épouses, répugnent à cetteforme « moderne » de groupement entre frères et d’exclusiondes sœurs supposées partir habiter chez leur mari. Cet échecrelatif, qui a entre autres conséquences stérilisé l’épargne des

  générations parties travailler durement au loin, peut être lucomme celui de la non adaptation d’un modèle ancien auxconditions actuelles de la socialisation

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Un autre échec est celui de l’adoption des apparencesde la modernité telles que les montrait l’habitat colonial, alorsqu’elles conduisaient à des inadaptations, tant du point de vue

des relations internes aux familles que de celui des conditionsclimatiques, sans parler des ruptures esthétiques. Nombre denouvelles « villas » aux balcons inutilisables et aux décorsplaqués choquent, et choque encore plus l’extrême rareté desconstructions aisées qui ont été conçues autour d’un west ed- dar , ou même d’un espace d’activité familial ouvert vers le cielet non exposé aux regards extérieurs.

Mais c’est sans doute l’évolution actuelle des villes quipose les questions les plus difficiles. La ville coloniale avaitretenu le modèle extraverti de la population à laquelle elle étaitdestinée, et le souci d’exprimer l’autorité de ses créateurs àtravers ses plans et ses façades (dont quelques unes faussement« mauresques » !). Ses habitants d’après l’indépendance,comme ceux des nouveaux bâtiments « sociaux » plus récents,eux aussi extravertis, ont eu bien du mal à s’y faire, comme lemontrent les nombreux travaux de sociologues et d’architectessur « l’habiter » des citadins actuels. Les innombrables

constructions nouvelles, publiques ou privées, dépourvues deréférences historiques, ont adopté une apparence de modernitéstandardisée. Quant aux nombreuses nouvelles mosquées, ellesont le plus souvent eu recours à des modèles orientaux adaptésaux techniques de construction actuelles, avec souvent desminarets multiples, des coupoles en béton et des décorsauparavant inimaginables localement.

C’est cependant la difficulté de reconnaître ou

d’adopter les normes de comportement nécessaires pourfaciliter ou rendre possible la cohabitation dans un mêmeimmeuble de ménages n’ayant pas de référence commune quirend les situations urbaines difficiles. Cette difficulté a étéaggravée par la privatisation des logements, qui fait appel àl’individualisme des occupants sans l’équilibrer par lareconnaissance d’un intérêt commun : les voisins restentsouvent des « étrangers » les uns aux autres, et les associationsde résidents ne semblent réussir que lorsque les associés

partagent d’autre part leur emploi ou leur formation, ou pour

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un objectif ponctuel. Sans pour autant qu’une autoritésupérieure soit reconnue.

Bien plus, les grandes villes, sous le coup des difficultés

quotidiennes de transport, d’eau, de niveau de vie, semblent sefractionner en sous-ensembles d’où émerge une conscience dequartier, de « houma », qui mobilise les souvenirs pour créerun sentiment de groupe, une cohésion potentielle maisporteuse d’antagonismes, alors que l’autorité de la Ville, le pland’urbanisme, la réglementation restent ignorés.

ConclusionLa double commande, par le ménage restreint au sein de la

  grande famille, et par l’ensemble organisé d’un groupe de  grandes familles, a très longtemps produit, pour lespopulations du Maghreb, un cadre bâti adapté aux conditionscomme aux normes de vie et qui a contribué à la reproductionsociale et culturelle d’ensemble. Elle a participé à l’ordreurbain quand celui-ci était porté par un mouvement religieux,une dynastie ou le commerce de longue distance.

Elle a perdu son efficacité pour les grandes villes

modernes, et surtout pour la capitale d’un Etat centralisé.Son maintien et son adaptation aux situations nouvellessemblent compromis par le déséquilibre croissant entre lepoids des groupes et le poids des aspirations individuelles, tellesque les façonnent les inégalités d’accès à l’argent et aussil’exigence généralisée chez les jeunes filles d’accéder aulogement séparé par ménage nucléaire.

C’est ainsi tout un pan de la culture amazigh, celui qui

s’exprimait à travers l’organisation de l’espace de la viequotidienne et assurait à travers elle la socialisation des générations successives, qui est mis en cause.

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Quand la contestation identitaire qualifie la ville :Tizi-Ouzou, une si inattendue destinée

Mohamed Brahim SALHISociologue. Université M. Mammeri de Tizi-Ouzou 

Chercheur Associé au CRASC/Oran 

ne si inattendue destinée. Pourquoi ?Si on observe attentivement une carte postaledes années 40/60 pour ceux qui n’ont pas eu

l’occasion d’y vivre à ces époques là, cette ville, capitale du« pays kabyle » aujourd’hui, apparaît comme l’un des exemplesédifiants du boom des années 70/80 qui a complètement

renversé les destinées d’un modeste bourg de colonisation,flanqué, au nord, d’un village algérien confiné derrière ledernier boulevard du damier colonial.

Si, en effet, la mutation de ce bourg est spectaculaire, ilfaut dire que sa qualification en tant que ville symbole de sonterroir, c’est-à-dire dotée d’une forte légitimité pour lespopulations kabyles sera non seulement lente à se dessinermais très laborieuse ; Tizi-Ouzou doit son statut actuel et son

prestige dans les représentations courantes en Kabylie, à uneforte convergence entre une captation des effets de lamodernisation par le haut, dont elle a tiré une très grande part,et les effets cumulés des contestations identitaires des années80/90.

I- Un long processus de requalificationSi on fait une rétrospective de l’évolution de cet établissement

U

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humain, la destinée de cette ville apparaît en effet commeinattendue.Entre la fin du 18ème siècle et la fin du 19ème siècle, rien ne

laisse présager le développement d’un établissement humaind’envergure et surtout un espace polarisant dans son terroir.C’est Dellys, à l’ouest qui cumule des atouts et une histoire quien font objectivement un centre urbain et de commandementpour tout le territoire allant de l’extrémité occidentale de laBasse-Kabylie (vallée de l’Isser) jusqu’au fond du blocmontagneux du Djurdjura. En dehors de ressources historiquespropres, Dellys par sa position de port stratégique est, dès lapériode ottomane, promue à un statut politico-administratif etéconomique haut. L’occupation française en 1844 consolidecette position, et ce jusqu’au tournant des années 1870. Schématiquement, la région de Dellys se présente comme unezone de colonisation agraire assez convoitée. La saisie des biensHabous, des terres beylicales, de celles des tribus insurgées de1871, consolident la colonisation dans les plaines autour deDellys. Cette ville, siège du commandement militaire pour toutela Grande-Kabylie (Subdivision de Dellys), rayonne par ailleurs

grâce aux activités portuaires assez denses. La ligne de cheminde fer reliant le port à Alger d’une part et à Boghni par Draa-Ben-Khedda d’autre part, donne à Dellys les allures d’unvéritable collecteur de marchandises et de produits agricoles etvinicoles dans l’ouest de la Grande-Kabylie.

Tous ces atouts seront perdus un à un après 1871(fermeture de la voie ferrée en1890, ralentissement desactivités portuaires, fin de la prééminence administrative sur la

Kabylie), lorsque la colonisation opte pour Tizi-Ouzou commepoint névralgique et central du contrôle militaire etadministratif de la Kabylie du Djurdjura, Dellys déclineinexorablement.

Après 1962, la ville de Dellys, tout en conservant unstatut de station balnéaire, un port relativement actif, uneactivité de pêche de loin la plus dynamique sur l’ensemble dela côte kabyle jusqu’à Azzefoun (avec une tentative deconsolidation en 1982/84) n’explose pas pour autant à l’image

de Tizi-Ouzou ou même de certains bourgs de la Basse-Kabylie

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occidentale. En effet, dans l’armature urbaine nationale en1987, Dellys se situe à la 144ème position derrière Draa-Ben-Khedda (122ème), Bordj-Menaël (78ème), alors que Tizi-Ouzou

occupe la 37ème

position. Les années 1990, à la faveur d’uneviolence d’une extrême intensité, Dellys plonge dans unestagnation qui prolonge une sorte de relégation qui se dessinedés la période coloniale. Il est vrai que cette région semble être,sinon le parent pauvre, du moins une sorte de zone oubliée etméconnue qui ne suscite pas beaucoup de curiosité, à l’inversede Tizi-Ouzou. Par ailleurs, sur le plan politico-administratif,cette ville, qui polarise objectivement une grande régionnaturelle autour d’elle, ne s’est jamais imposée comme chef lieu de wilaya face à la fois à Tizi-Ouzou mais aussi àBoumerdés.

Toutes ces remarques montrent que la seule ébauched’espace urbain aux confins ouest des montagnes de Grande-Kabylie est Dellys. Mais sa position, assez excentrée par rapportà son voisin montagneux oriental, une très faible intricationsur les plans humains et culturelle entre les populations desmontagnes et celle de la région de Dellys, et le fait que Dellys

soit perçue aussi comme une sorte de poste de contrôle et dedomination militaire et politique opère une articulation avec lepays montagneux. Et ce sans compter le fait qu’au tournant desannées1870 rien ne sera fait pour la favoriser, au contraire.

La Grande-Kabylie est, par ailleurs, dépourvue decentre urbain et donc de traditions urbaines. Mais plus quecela, l’image de la ville dans l’imaginaire sociale kabyle nereprésente pas une valeur sûre et elle ne jouit que d’une

légitimité douteuse. Contes et poésies d’époques (celle de SiMohand entre autres) fournissent de sérieux indices sur cedéficit de légitimité que nous retrouverons collé aux talons deTizi-Ouzou pendant longtemps.

II- Le bourg colonial : déficit de légitimitéTizi-Ouzou est, pour la période ottomane, une place militairestratégique dans la vallée est du Sebaou. Le Bordj turc, qui

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abrite une nouba, permet de verrouiller l’entrée de la partie estde la vallée12. Il semble que pour cette époque une smala étaiten place en contre bas de la fortification militaire13.

Cependant, cet embryon d’agglomération n’a pas derayonnement ou de dynamique particulière et est mêmedépourvu d’un marché qui se trouve plus à l’ouest (Sebt AliKhodja à Draa Ben Khadda). Il est cependant acquis qu’unnoyau important de population algérienne était en place aumoment de la conquête française.

En 1851, alors que Dellys est une place militairefrançaise (depuis 1844), le Bordj turc de Tizi-Ouzou estrestauré pour servir de résidence au Bachagha du Sebaou14. Enfait, l’emplacement de cette fortification au cœur de la valléedu Sébaou la désigne comme une place d’appui importantepour une opération sur la Haute Kabylie. En 1854, le bordj esttransformé en entrepôt fortifié. En 1855, il est aménagé pourrecevoir des activités militaires. En 1855/56, il est transforméen grande caserne avec un hôpital militaire. Avec la conquêtede la Kabylie montagneuse en 1857, il devient un nœudstratégique sur le plan militaire. Autour de Tizi-Ouzou, 15 000

ha sont déclarés domaine de l’Etat et seront expropriées en1856. Le tracé du futur centre de colonisation est confié au génie militaire et les lots destinés à la concession sont établis àla même époque15. Mais la colonisation, en dehors de sonaspect purement militaire, est pour le moins tâtonnante. C’estune population de « cantiniers et d’ouvriers » qui viennents’accrocher sur les pentes en contre bas du fort militaire et ce« dans des conditions précaires et sans aucune protection

12 Il a été construit en 1720-1721 par Ali Khodja. Cf. Mohamed Dahmaniand all.-Tizi-Ouzou, fondation et croissance .- Tizi-Ouzou, Ed.Aurassi,1993. P.33.13 voir Zenboudji-Zahaf Samia. La Haute ville de Tizi-Ouzou, Structures, Habitat et territorialité . Mémoire de magister, Institut d’architecture,UMMTO, 2001.14 Les militaires français ont dans un premier temps repris l’organisationadministrative turque. Cf. P. Menezo, op. cit. et N. Robin. op.cit.15 P. .Menezo ; op.cit et E. Scotti op. cit. 

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contre les attaques »16. C’est le Décret impérial du 27 octobre1858 qui constitue le tournant dans la politique decolonisation de Tizi-Ouzou et de sa région immédiate. Les lots

urbains sont attribués à une population européenne d’originemodeste pour la plupart. En effet, sur 58 bénéficiaires dont laprofession est connue (sur un total de 77), 55% sont desouvriers journaliers ou de petits artisans (maçons,charpentiers, forgerons…)17. Les 45% restant sont de petitscommerçants (boulangers, cafetiers, charcutiers…). Lapopulation européenne pour sa part passera de 600 à 350entre 1856 et 185918. La colonisation semble piétiner dans lamesure où une partie de la population quitte la ville : « …la 

  population s’éleva de 1858 à 1860 à prés de 600 habitants, formant une milice de 90 à 100 hommes. Beaucoup de colons n’ayant pas obtenu ce que cette conquête leur avait fait espérer, se tirèrent peu à peu et la population resta de 300 habitants environ jusqu’en 1870 » 19 . Davantage encore, il y aurait pour Tizi-Ouzou un recul en l’absence d’unélargissement de la base foncière de la colonisation qui ne sefera qu’après la répression de l’insurrection de 1871 : « Cet 

Etablissement  dépérissait d’année en année. Il ne restait guère que ceux qui pouvaient trouver un moyen de subsistance dans le travail manuel ou dans le commerce des denrées alimentaires et de première nécessité, lorsque survint l’insurrection de 1871, qui fut pour la colonie une source d’or et une source nouvelle de prospérité » 20 . Même si le bourg decolonisation prend forme, notamment par l’installation desédifices emblématiques de la colonisation21, c’est après 1871

16 E. Scotti. op. cit.17 E. Scotti. op. cit.18 P. Menezo. op. cit. et Gavoix. Notice sur Tizi-Ouzou. Alger, V. Aillaud,1878. Pp 26-27.19 Gavoix. op. cit.p27.20 ibid.p27.21 Sur les détails de la formation de la ville de Tizi-Ouzou et les principesurbanistiques qui instruisent son développement, voir le très bon travail deSamia Kitous. Processus des espaces centraux à partir d’un cas algérien : Tizi-Ouzou. Mémoire de Magister en urbanisme. Alger, EPAU, 2001.

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que se dessine complètement sa configuration à la faveurnotamment des séquestres qui alimentent un flux de colons. Lapopulation algérienne est refoulée vers le nord du périmètre de

colonisation dans un espace de confinement qui systématise lacoupure sociale et spatiale entre deux sociétés et deux cultures.Toutefois il convient de remarquer que quelques famillesalgériennes sont à cette époque déjà installées dans le bourgcolonial22. Elles seront rejointes à la fin du 19ème siècle par desfamilles venant de l’intérieur de la Kabylie. Plussystématiquement, c’est au tournant des années 20, avec unedéprise certaine de la colonisation dans l’est de la trouée duSebaou que le premier âge de la kabylisation du centre colonials’ouvre. Lots urbains, commerces et fermes de la banlieue deTizi-Ouzou sont rachetés par des kabyles.

Le statut de Tizi-Ouzou comme centre de colonisationavec vocation de contrôle sur sa région se confirme dans lesannées 1870/80. Commune de plein exercice, chef lieud’arrondissement et siège du Tribunal de premier instance,Tizi-Ouzou grignote un à un les avantages que confèrent cesfonctions de commandement au détriment de sa rivale côtière,

à savoir Dellys. En même temps, les flux commerciaux sedensifient notamment à la faveur de la liaison avec Alger par lechemin de fer (juin 1888), mais aussi de nombreuses lignes dediligences puis, dés le début du 20ème siècle, d’autocars. Parailleurs, de nombreuses localités de l’intérieur de la Kabyliesont reliées à Tizi-Ouzou. Dans les années 40 et 50, se sontaussi fortement développées les lignes dites service desmarchés. Elles desservent les marchés hebdomadaires y 

compris les plus lointains comme ceux de Sidi-Aïssa (sud de larégion de Aîn-Bessem). Le marché hebdomadaire de Tizi-Ouzou, qui se tient le samedi, polarise des flux de grandedensité. En fait, l’activité commerciale et administrative donneà Tizi-Ouzou les allures d’une petite ville au cœur d’uneconfiguration montagneuse dépourvue de nœud urbain. Lesinfrastructures sanitaires (1947/48 pour l’hôpital) et scolairesde rang secondaire (le seul lycée est implanté à Tizi-Ouzou)

22 E. Scotti. op. cit.

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ont, de façon certaine, assis la prédominance de ce bourg decolonisation qui, chemin faisant, se qualifie au rang de ville.Mais, de notre point de vue, on ne peut pas dire que Tizi-

Ouzou est autre chose qu’un relais administratif et commercialet un passage obligé vers Alger. Elle est plus traversée par lesmontagnards de Haute Kabylie que sérieusement fréquentée oumême adoptée. Cette situation perdurera jusqu’à la fin desannées 60. En effet, les espoirs d’installation en ville ne sefocalisaient pas sur Tizi-Ouzou mais sur Alger.

Il convient de souligner un certain nombre de pointsimportants :1- Le début d’un mouvement de kabylisation du centrecoloniale établit une première articulation et une continuitéavec le bloc montagneux.2- Une petite bourgeoisie commerçante se forme dans la fouléede ce mouvement de rachat et se consolidera au courant de lapremière moitié du 20ème siècle. De plus, les premiers lettréssortis de l’école française émergent progressivement dans desemplois administratifs subalternes. Mais on notera aussil’installation dans le bourg colonial de kabyles dotés d’une

formation haute (médecin, pharmacien, avocat…).3- Ces catégories constituent l’ossature du mouvementnational. PPA, UDMA, Ulémas, feront de Tizi-Ouzou un espacerelaie pour leur essaimage en Haute Kabylie. Et donc :4- Tizi-Ouzou s’insère dans son environnement comme espacede contestation de l’ordre colonial. Symboliquement, si nous nesommes pas encore dans une phase de légitimation de celui ci,l’esquisse est palpable. Cette ville n’est pas seulement un centre

administratif et politique de domination et de contrôle. Elle estaussi un espace d’expression politique polarisant.

III- Du bourg colonial à l’agora amazighe : Tizi-Ouzou serequalifieNous savons que d’une façon générale, les villes algériennes etles gros bourgs de colonisation ont été submergés par lespopulations algériennes pendant l’été 1962 et particulièrementtout au long des deux premières semaines de juillet 1962, pour

 y fêter l’indépendance, mais pas seulement. En effet, il s’agit de

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marquer la fin d’une époque d’exclusion des centres dedécision et de pouvoir localisés justement dans ces localités etvilles. Symboliquement, la conquête spatiale recouvre et

redouble une volonté de participation à la construction dunouveau pouvoir, ou de le contester.Tizi-Ouzou n’échappe pas à ce mouvement d’ensemble.

C’est, en effet, vers elle que convergent les populations kabylesde la montagne. Pour une frange restreinte, ce fut aussil’occasion d’occuper quelques « biens vacants ». Mais le plusmarquant est que le deuxième âge de la kabylisation de Tizi-Ouzou s’ouvre à cette époque.

Bien entendu, les flux humains restent limités en termerésidentiel dans la mesure où la ville garde encore saconfiguration ancienne et n’offre pas de possibilités d’accueillirtous les candidats à une installation en ville. De plus, jusqu’autournant des années 70, si on excepte le lancement de l’usinede textile de Draa-Ben-Khedda et les emplois administratifsinduits par la mise en place de l’administration algérienne, rienn’attire encore les flux de main-d’œuvre autour de la ville.

Mais, déjà, les signes d’une polarisation autour de Tizi-

Ouzou se dessinent. Ils sont dans un premier temps d’ordresymbolique et politique. En effet, après l’euphorie despremières semaines de l’indépendance, et les longuesprocessions venant de l’intérieur montagneux, les premierssignes forts d’une contestation du nouveau pouvoir se mettenten place dans cet espace. C’est ainsi que Tizi-Ouzou sert deplace emblématique à la première dissidence politique enSeptembre 1962. Plus tard, en 1963-64, c’est cette ville qui se

charge d’accueillir le dispositif répressif de la rébellion du FFS.La fameuse et redoutable « milice populaire » du régimed’Ahmed Ben Bella règne à partir de Tizi-Ouzou où elle ouvreces centres d’interrogatoire et de détention, en l’occurrence lanouvelle prison de la ville qui, encore partiellement enchantier, est gérée par cette milice de triste renom que lerégime du Président Boumediene dissoudra dés l’été 1965.

Dans le fond, la première décennie de l’indépendance sera

celle où la ville entretiendra une image ambivalente :

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objectivement qualifiée comme cœur politique emblématique,elle n’en est pas moins encore un centre de domination et decommandement peu en phase avec un terroir frondeur. Le

déficit de légitimité n’est pas résorbé.C’est dans les années 70 que les destinées de la ville deTizi-Ouzou se renversent totalement, à la faveur de la fortepolitique de modernisation entreprise par l’Etat national sematérialisant par un afflux d’investissement et de projets quibouleversent la configuration de ce bourg de colonisation et desa région immédiate.

L’un des effets remontant de cette dynamique demodernisation est la formidable attraction qu’exerce désormaiscette ville sur les porteurs de savoir et qualification haute,originaires de la région, qui y reviennent s’installerdurablement. Une élite est en gestation dans cette espace etporte un projet à la fois d’articulation avec le « pays kabyle »profond et la modernité induite par le climat général quiaccompagne le volontarisme du projet politico-économiqueimpulsé par le haut23. Dans un premier temps, ces « cadres »seront perçus comme des médiateurs entre le projet global et

les aspirations locales. Mais avec une certaine distance et unelégitimation par le bas qui reste à peu prés proportionnelle àcelle de la ville dans laquelle il s’installe, c’est à dire assezmitigée. Mais le renversement s’opère. Tizi-Ouzou prend du

 galon en tant qu’espace central de médiation du « pays kabyle »avec le niveau central et national.L’ouverture de l’Université de Tizi-Ouzou en Septembre 1977avec un dynamisme politique qui se manifeste très

précocement dans les années 78/79 (contestationsestudiantines internes) achève le reprofilage de ce bourg decolonisation. Une élite est là maintenant intra muros et au

23 Nous avons analysé de façon très précise cette question dans plusieursarticles : Mohamed Brahim SALHI, « Local en contestation. Citoyenneté en construction. Le cas de la Kabylie »,  Insaniyat, Revue Algérienned’Anthropologie et de sciences sociales, N°16, janvier-avril 2002, pp55-97&  « Modernisation et retraditioanalisation à travers les champs associatif et 

 politique : le cas de la Kabylie » , Insaniyat, n° 8, Mai-Août1999, pp 21-42. 

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cœur de la Kabylie, activant des attitudes d’attente despopulations à la recherche de porte - paroles.L’entrée en contestation de ces élites, et ce à partir de noyaux

de contestation basés à Tizi-Ouzou (Université, hôpital etSONELEC), légitiment par le bas autant les contestataires quel’espace dans lequel ils s’expriment. Tafsut n Tizi-Ouzou  estune double renaissance : pour l’identité amazighe d’une part etpour cette ville qui en devient le forum central ou l’agoraamazighe pour toute la fin du 20ème siècle. La ritualisation du20 avril avec sa grande procession qui traverse le ventre de laville chaque année propulse sa notoriété au delà des frontièreslocale et nationale.Tizi-Ouzou se requalifie durablement à la faveur de cettecontestation identitaire qui, il faut le dire, bonifieconsidérablement les atouts lourds que lui ont procuré les fluxd’investissements et les effets de la modernisation par le hautdont, il faut le souligner, elle a tiré très fortement profit.

ConclusionIl y a seulement un siècle, rien ne laisse présager cette destinée,

comme nous avons essayé de le montrer dans cettecontribution. Elle est donc inattendue.Le poids de la contestation identitaire conjuguée à des facteurslourds au plan économique, notamment au cours des années70/80, est incontestablement la clef de la fabrication d’unstatut et d’une requalification qui donne un label à Tizi-Ouzou.Et ce même si, de façon relative, cette ville ne mobilise pas forcement de fortes ressources historiques comme certaines de

ses paires dotées de repères bien plus denses (Tlemcen,Bejaia…).

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La tente : une unité de production spatioculturelledans la cosmogonie des nomades sahariens

Dida BADIAttaché de recherche au CNRPAH 

u milieu d’un territoire de nomadisation appelé(ahenzouzegh), la tente est à la fois le centre deproduction économique et culturel mais

également le lieu de résidence par excellence. Ce qui fait lepoint d’ancrage territorial pour le nomade.

Dans ce territoire, (ahenzouzegh), propriété communede la tribu, toutes les ressources animales ou végétales sont

mises à contribution pour assurer la survie des hommes etperpétuer, ainsi, le mode de vie nomade grâce à une fineconnaissance du milieu. Ainsi, la reproduction d’un tel modede vie implique une formidable et ingénieuse capacitéd’adaptation sans cesse renouvelée aux conditions les plusextrêmes de la vie dans le désert.

Dans ce processus d’adaptation, la mobilité est unedonne essentielle pour assurer la recréation et la perpétuation

de l’habitat nomade.Grâce à la notion de mobilité, le nomade est arrivé àdéplacer son espace par le biais de l’octroi à chacun des objetsqui constituent son mobilier domestique une fonctionspécifique.

Celle-ci définie et délimite l’espace et permet sareproduction à l’occasion de chaque déplacement pourchanger de milieu naturel.

A

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La tente réplique du cosmos :La tente est constituée des trois parties principales que sont levélum, l’ossature en bois et le mobilier domestique.

Le velum est constitué de peaux de mouton ou demouflon tannées et cousues les unes aux autres.Le tannage de peaux se fait à l’aide des gousses des

fruits séchées de l’Acacia albida (taggar).Séchées, les goussesdes sont pilées et mélangées à l’eau pour donner lieu à unepréparation liquide appelée (tadert) dans laquelle on faittremper la peau durant une semaine. Ce temps passé ,les peauxsont retirées et séchée au soleil avant d’être cousues les unesaux autres avec des lanières en peau, par les femmes ou lesartisanes, pour constituer le vélum. Il pourrait être constitué dequarante à soixante dix peaux selon les moyens dupropriétaire.

Une fois terminé, le vélum est peint à l’ocre rouge sur sapartie exposée au soleil, ce qui lui donne une couleur rougeocre adaptée à l’ensoleillement au Sahara. L’ocre rouge(tamaghé) est extraite des gisements en plein-air qui abondentdans les massifs sahariens, elle est d’abord pilée, puis mélangée

à de l’eau jusqu’à devenir liquide. Il n’est probablement passans intérêt de préciser que le vélum ne peut être peint qu’uneseule fois, c’est à dire quand il est neuf.

L’ossature ou la charpente de la tente est constituéed’une nef de trois paires de poutres fourchues séparéesd’environs deux mètres et demi. La deuxième paire estlégèrement surélevée par rapport aux deux autres, ce quidonne au toit de la tente sa forme en demi –cercle qui lui

permet de résister aux vents dominants.Deux longues perches transversales appelées(areguirega) viennent se poser sur les extrémités fourchues detrois poutres. Chaque paire de poutre est liée par une petiteperche latérale. Les deux paires de poutres latérales appelées(timankayen) et décorées par pyrogravure, délimitent deuxespaces privés dans la tente. Un espace réservé au mari où ilpose sa selle de chameau et un autre espace richement décoréappelé (tégé) réservé à la femme. L’espace commun à tous les

membres de la famille ainsi qu’aux amis et aux parents

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éloignés se trouve au milieu de la tente, il est appelé (ammas nehen) et délimité par la deuxième paire de poutres(tigattewen).

Le mobilier de la tente est constitué de la grande nattepare-vent (eseber) d’environ cinq mètres de long. Elle faitl’objet d’un minutieux et pénible de plusieurs mois par lafemme qui doit trouver, dans la nature, des brins d’ (afezou)(panicum turgidum) mesurant environ un mètre chacun et lesassembler à l’aide de fines lanières en cuir. La natte estrichement décorée dans sa partie supérieure. Ces décors sontsous forme de motifs symbolisant des astres, des animauxsauvages se trouvant dans l’environnement ou même desdessins de personnages repris de manière schématique

A l’intérieur de la tente il y a également : Un ensemblede coussins en cuir (adefour), (idfar) de dimensions diverses.Le grand sac décoré (thaihait) ou la femme met ses effetspersonnels qui est fermé à l’aide d’une clef (asarou) au moyend’un cadenas (tanast) caractéristique de l’artisanat touareg , laselle de chameau pour femmes (akhaoui) ; et dans un coin versla sortie, on trouve des bats d’ânes en bois (aroukou), des seaux

en cuir (adaj), une corde pour puiser l’eau du puits (ereoui) ,une outre pour battre le lait (aguioer) et une autre à eau.Une grosse calebasse (tazawat) ou l’on collecte le soir le

lait de chèvre pour le transformer en petit lait afin de le battre(asendou) et en extraire le beurre (oudi), avant de le repartirentre les membres de la famille par la femme qui a la charge de

 garder et de distribuer les provisions. La calebasse (tazawat) estrecouverte d’une petite natte (tesawsawat) pour protéger le lait

de la poussière. Elle est parfois posée à même le sol sous la tégéou surélevée par un piquet fourchu dans son extrémité demanière à la contenir. En plus de la calebasse (tazawat) ontrouve un ensemble de bols en bois de dimensions différentesqui servent de vaisselle. Une louche (tamolat), un biberon pourbébés (eghelleé), des cuillères en bois (tisoukalen) fontégalement partie de cet ensemble de petits objets. Une grandebouteille en cuir (tahettint) pour conserver le beurre est

 généralement suspendue à un piquet dans la partie de la tente

appartenant à l’homme.

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Du coté de la tente ou sont déposés les affaires del’homme, on trouve la selle de chameau (tarik) avec sesdépendances (petit tapis de selle...) appelé (tasedfert), un petit

sac de voyage (azawwa) ou il met les ustensiles du thé, un grand sac (abawen) pour les habits (aljabira), différents sacs encuir (timhiten) ou son conservées les provisions.

Dans le domaine nomade c’est la tente (ehen) ou lademeure en touareg qui structure l’espace et permet sareproduction après chaque déplacement du campement. C’estautour d’elle que l’espace est hiérarchisé : chaque portion decelui-ci a une fonction spécifique et chaque objet du mobilieroccupe une place qui lui est réservée par rapport au tégé ou lavoûte. Celle-ci étant l’espace réservé à la femme. L’espace estdélimité, non pas, par une limite physique, mais par safonction spécifique.

La tente est le centre autour duquel rayonnent toutes lesautres activités vitales du nomade. Elle est au milieu d’un cycled’activités qui s’ouvre avec le levé du jour et se décline avecson couché.

Ce cycle est inauguré par le départ des animaux

domestiques quand ils quittent l’étable pour aller paître. Et lesindividus quand ils sortent du campement pour aller vaquer,chacun, à ses occupations selon une répartition des taches quedéterminent l’âge et le sexe.

Chez les nomades, aussi loin que pourrait aller unindividu, ses pensées sont, non pas à un endroit précis, uneville par exemple, mais à l’endroit où pourrait se trouver satente. Celle-ci est assimilée au pays dont elle est le symbole

qu’on chante dans les vers après lesquels on soupir quand onest loin de chez soi.Les caravaniers qui vont loin du pays, des mois durant,

reviennent, non pas à leur point de départ circonscrit par descoordonnées géographiques fixes, mais à leur tente qui,reprises, d’emplacement accomplissant, de la sorte, un circuitdont la rareté est l’une des caractéristiques essentielles dudésert, sont intégrées dans un cycle spatio-temporel dont latente est le point de départ.

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Cette capacité qu’ont les nomades à reproduire sanscesse leur espace détermine le rapport horizontal qu’ils ont àcelui §ci .le rapport qui intègre la notion de mobilité pour

nécessité de survie.Pour les nomades touaregs ceci pourrait se traduire commesuit : dans ce domaine nomade particulier, l’espace estsubdivisé en deux entités opposées que sont :- l’espace domestique qui est le domaine maîtrisé par leshommes.- L’espace sauvage qui est le domaine des Kel Essouf.

1- L’espace domestique Il est constitué autour de la tente et ses annexes immédiates entant qu’unité résidentielle :La tente elle est articulée autour de Tégé ou la voûte en tantqu’espace central.

Dans la tégé se trouvent les affaires personnelles de lafemme ainsi que toutes réserves en vivres de la famille. C’est lapartie la plus belle et la plus décorée de la demeure, c’est enquelque sorte son « front ».

Il faut rappeler que le terme tégé est aussi octroyé pourdésigner la voûte céleste, dont la tente représente le modèleréduit sur terre.

La partie opposée à la tégé est réservée à l’homme qui y interpose sa selle de chameau et ses effets personnels. Elle estde décoration sommaire et frustre. Elle est le négatif de lapartie féminine.

Le milieu de la tente est l’espace commun à tous les

membres de la famille qui sont, habituellement, constitués deparents et de leurs enfants. Le lit conjugal (tadabout) esttoujours du coté de tégé alors que les enfants dorment aumilieu de la tente sur des nattes d’afezzou) (panicum).

L’orientation de la tente se fait en fonction de ventsdominants.L’autre domaine vital très important est l’espace situé audevant de la tente (dat ehen) où les membres de la famille seréunissent, le soir, autour du foyer pour se chauffer ou

raconter des récits et des contes.

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C’est au devant (dat ehen) de la tente que se déroulenttoutes les activités liées à la cuisine. C’est aussi devant la tenteque sont suspendues les outres à eau (abayogh), et déposés les

bats d’ânes (aroukou) et ceux des chameaux de somme(takhawit).

2- L’espace sauvageL’espace domestique est guetté par les Kel Essuf afin del’investir une fois vidé par les humains. Il devient alors timiharou ruines inhabitables par les hommes pendant une durée.Cette période est le temps nécessaire pour que disparaissenttoutes traces de l’occupation antérieur. L’espace redeviendra denouveau vide et vierge et prêt à accueillir de nouveauxhabitants. Les Kel Essuf investissent des endroits précis plus qued’autres tels que les cendres du foyer (ezed), les traces deboucherie, les ordures ménagères et le milieu de la tente.

Le feu du foyer placé devant la tente illumine l’étable(asgen). C’est l’asgen qui délimite le domaine domestique et ledomaine sauvage. C’est dans l’asgen que sont parqués lesanimaux domestiques.

Déjà, la limite de la lumière du foyer annonce le débutde l’obscurité et donc du monde sauvage qui échappe à lamaîtrise de l’homme. Un autre  espace se situant derrière latente (deffer ehan) est dit néfaste car il est le réceptacle descréatures inhumaines du monde parallèle des Kel Essouf. Lepare-vent de la tente constitue la cloison qui sépare deuxmondes opposés dans leurs natures mais similaires dans leurcomposition en ce sens que celui des humains est le négatif 

positif de celui des Kel Essouf.Dans cet espace sont jetés les os et les déchets destinés ànourrir ces créatures. C’est aussi l’endroit où sont faits lesbesoins intimes des gens. C’est également le domaine des mortsoù sont enterrées les personnes décédées. En un mot c’est lenégatif de la vie des hommes.Tous les espaces situés devant la tente peuvent se déplacer si latente change d’orientation.

L’homme traverse la limite du domaine sauvage quand

il quitte l’étable (asgen) de sa tente pour se retrouver

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La permanence de l’architecture amazighe et l’évolution des cités en Algérie 

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complètement fragilisé par un milieu qu’il ne maîtrise pas. Carc’est le domaine des gens des solitudes ou les Kel Essouf,opposés aux gens de la tente.

Tout au long du cycle qui le ramène à la tente, dans sarecherche de nourriture et de l’eau, l’homme est confronté àun milieu qui lui est hostile, car la tente, dans l’esprit dunomade, est synonyme de repos et de stabilité : ihanan estl’endroit auquel on revient après un long voyage pourretrouver les siens. Le terme ehan est tiré du verbe ahu, « êtrededans », ehan « ce qui contient », il est continu dans la« tente ».

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Genèse et évolution d’un espace villageois :Taourirt Mokrane en Kabylie

Akli MECHTOUBMaître assistant, Université de Tizi-Ouzou 

ans cette réflexion, on a l’intention d’esquisserles grandes phases au cœur desquelles ont prisforme les premiers noyaux du village Taourirt

Mokrane. Durant les premiers mouvements du long processusde sa formation, cette expansion n’a jamais été le fruit d’unequelconque planification, elle reste fondamentalement liée auxrapports d’une société avec son espace physique naturel.

C’est à partir de deux modalités de fixation au sol, avanttout d’essence socioculturelle, que sera expliquée la genèse dece village : la fixation suivant les groupes de parenté et ensuitela préférence à l’établissement sur les lieux hauts et élevés.

En fait, des modalités séculaires de fixation au sol ontété relevées dans certains villages des Aurès (D.J Gouzon).

C’est par Taddart qu’est couramment appelé TaourirtMokrane. La traduction première de Taddart est le village.

Etant donné les contours fuyants de ces concepts, on veut resterfidèle au sens partagé dans toute la région en utilisant le motvillage pour désigner Taddart. Située à 3km de Larbaa NathIraten (chef lieu de commune et de daira) dans la Wilaya deTizi-Ouzou.

1- Fixation suivant l’Appartenance au groupe de parentéDes études réalisées sur la structure sociale en Kabylie ontexpliqué, dans le passé, une organisation basée sur des niveaux

D

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d’appartenance qui liaient l’unité sociale la plus petite, lafamille, à de grandes organisations sociopolitiques. Des

  groupes de parenté, de voisinage, d’influence se retrouvent

soudées les uns les autres au point qu’il devient difficiled’expliquer la famille ou toute la société en ignorant l’autre.(M.Boutefnouchet ).

Dans la même réflexion, P.Bourdieu a déjà décrit lamême organisation sociale obéissant à un système de cerclesconcentriques. A chacun de ces cercles correspond un niveaud’organisation qui est défini par l’association des autres cerclessitués en aval, la somme de plusieurs unités inférieures donnelieu à l’unité en amont. « De cette série d’emboîtementssuccessifs résulte l’unité de la société globale ». (P.BOURDIEU).Bazagana et A : Sayad dans l’étude sur les structures familialesà At Yenni ont témoigné de la même organisation. A mesureque s’effectue le rapprochement au centre de ce système decercles concentriques, un sentiment de solidaritéd’appartenance à des familles s’intensifie.

En définitive, à partir de ces quelques donnéesindicatives, on veut mettre l’accent sur l’existence de liens

solides de parenté et d’alliance qui réunissaient fortement desfamilles d’une part entre elles et ensuite à de grandes entitésenglobantes. L’individu lui même n’a de place dans le corpssocial que par l’intermédiaire de son groupe familial(M.Boutefnouchet).

L’hypothèse est que lors des premières fixations auxsols dans le cas de Taourirt Mokrane, la sédentarisation s’esteffectuée en favorisant d’abord une concentration suivant son

appartenance au groupe de parenté et d’alliance.2- Une préférence à l’établissement sur les lieux hauts- La hauteur donne aux choses de l’envergure ; elle occupedans l’imaginaire et à travers différentes cultures une placeprivilégiée. «Toute valorisation n’est elle pas verticalisation ».(G.Bachelard).

Monter vers le haut signifie d’abord la lutte contre laforce de la pesanteur. Ce contre force révèle par son intensité

une énergie que dispose la personne ou l’objet en mouvement.

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La permanence de l’architecture amazighe et l’évolution des cités en Algérie 

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Escalader un endroit transmet l’image d’un acte libérateur etune impression de dominer le monde se dégage quand on setrouve au sommet d’une montagne (A.ARNHEIM).

Socialement, monter au sommet traduit une accessionvers des statuts supérieurs. « Les schèmes verticalisantsaboutissent sur le plan du macrosome social aux archétypesmonarchiques comme ils aboutissent sur le macrosome naturelà la valorisation du ciel et des sommets ».

Dans son analyse de la maison kabyle, P.Bourdieu a faitapparaître une opposition entre le haut et le bas, où chaqueactivité socialement valorisée occupe la place en amont.Addaynin (écurie) qui est réservé aux bêtes est bien révélateurde ces intentions. Sa position au contre bas de tigherghert(Aguns, Taqaâet), réservé aux humains, a donné le nom decette espace. « Adda » qui est la racine de Addaynin veut direen langue kabyle le bas.

Les lieux localisés en aval sont, par contre, ceux quiservent de support aux eaux stagnantes où des « êtrestranshumains », redoutés de tous, y rôdent. L’eau est « habitée »par les djins ; elle est en partie chtonienne et dangereuse (C.L.

Dujardin). Toute forme de cohabitation entre ces êtrestranshumains est inimaginable, l’aval est réservé pour lespremiers (eaux) et l’amont pour les humains. En fuyant lespoints bas, ce sont les points hauts, les sommets qui sont doncoccupés.

Un autre exemple qui témoigne de la position de forcedont jouit le haut est signifié dans une expression de défilargement usitée en Kabylie (Rnigh – ak assawen). Elle veut

exprimer que malgré la position élevée dont disposel’adversaire, elle ne suffira pas à se tirer d’affaire. Cetteexpression montre encore une fois les attributs de force qu’onaffecte à tout ce qui est haut et élevé.

3- Hypothèse sur la formation du tissu villageoisC’est de ces deux modalités de fixation au sol, c'est-à-dire unefixation suivant les groupes de parenté et d’alliance, et ensuitele choix des lieux hauts que sera expliquée la formation de ce

village.

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Quatre grandes étapes dans l’évolution de Taourirt Mokrane sedistinguent dans la morphologie générale dégagée.

3.1- La formation de deux noyaux :Deux sommets d’une altitude sensiblement égale (695m)émergent du profil général dessiné par le relief. L’hypothèse laplus vraisemblable, ce sont ces deux points culminants quiavaient accueilli les premières installations. De ces deux pointshauts descendent des pentes d’intensité variable en atteignantsouvent, en présentant par endroits des pentes très raides. Leversant contournant At Aaqil se dresse en une véritablebarrière naturelle contre l’extérieur. Quant au premiersommet, le plus proche de la place safir, occupe une positioncentrale par rapport à la forme naturelle du monticule ets’ouvrent à lui des perspectives visuelles dans plusieursdirections. Il domine plus que tout autre endroitl’environnement immédiat.

C’est d’abord autour de ce point qu’ont eu lieu lespremières installations de familles. Elles forment sur l’espacepublique un premier noyau qui grandit au fil du temps jusqu’à

acquérir une homogénéité.En abordant la question dans les entretiens avec certainsinformateurs, on s’accorde de manière grossière à situer cettepartie du village comme étant la partie la plus ancienne.

Autour du deuxième sommet (At Aaqil) s’est formé undeuxième noyau. Il est probable que sa formation ait lieuparallèlement avec le premier, s’étalant à travers plusieursdirections, notamment suivant la crête dessinée par le relief.

Actuellement, il est aisé d’identifier les quelques famillesimplantées sur cet endroit dont l’arrivée est relativementrécente. L’hypothèse d’un déplacement d’individus du premiernoyau vers le deuxième est envisageable puisque certainspatronymes sont rencontrés dans les deux endroits.

3.2- Unité du groupeSuite à la consommation progressive du foncier, les noyauxatteignent des limites de densification. Avec l’impossibilité de

construire sur les pentes très escarpées et la préservation des

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terres fertiles (Timizar), l’extension a atteint la zoneintermédiaire aux deux sommets, des deux versants de la lignede crête qui plus tard deviendra la rue principale du village

(Abrid n taddart)Quelques faits remarquables peuvent être cités :-Avec la fusion des noyaux, le village est pourvu d’une

totalité cohérente, d’une unité morphologique. Spatialement,l’unité du groupe n’est plus perçue comme un regroupementde familles, mais surtout perçue comme une nécessité departager une diversité d’activités.

-Actuellement cinq Iderma (groupes lié par la parenté)forment ce groupe villageois. Jaques Berques insistait sur laconscience de la formation du groupe en transcendant unsimple assemblage de plusieurs lignages. C’est surtout lepartage d’un même cadre de vie économique et social, unmême lien, une histoire et un destin commun qui est la basemême de cette unité.

-Par leurs formes et dimensions, certains espacesphysiques sont hautement unificateurs. Ils sont la propriété del’ensemble des habitants de Taourirt Mokrane et gérés par les

bons offices du groupe.-Lemsella (lien de prière), une large étendue qui sertoccasionnellement au lieu de prière reste par ses dimensions lapropriété de l’ensemble du village.  Elle constitue avec Taassastle premier seuil du village qui le distingue de l’extérieur.

-Taassast est l’espace physique qui ressemble beaucoupà la djemaa décrite par Mouloud FERAOUN (le fils du pauvre).C’est un lieu de détente, de rencontre et où se prennent

l’ensemble des décisions par les hommes. Taassast veutlittéralement signifier (lieu de garde). Exprime-t-elle en fait unespace aux aguets.

La mosquée érigée à At Aaqil reste aussi un espace fortementunificateur. Le même cas semble s’exprimer à travers la rueprincipale du village appelée à juste titre Abrid n Taddart (ruedu village) ce qui dénote l’unité même du village.

La place Aafir qui est sur le prolongement de Taassast

est par excellence un espace communautaire. Elle est aussi une

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des matérialisations du seuil qui distinguent un intérieur et unextérieur.

Il est par ailleurs tout à fait probable que le code

coutumier de Taourirt Mokrane soit apparu durant cettedeuxième phase. La vie en groupe, transcendant la simple  juxtaposition de familles, nécessite un besoin de légiférer lesrapports entre personnes et maintenir l’ordre.

3.3- La place Aafir, un seuil franchiLa grande densification autour de ces deux noyaux ainsi que lapartie intermédiaire a engendré une extension au delà de laplace Aafir.

Le premier seuil qui marquait une opposition entre unintérieur et un extérieur se voyait dépassé par cette extension.Une photographie datant du début du 20 siècle fait état d’uneoccupation partielle par des abris en branchage de cette partiesituée au delà de Aafir. C’est une réserve foncière courammentdénommée les terres « Lmecmel ». La densification de cettepartie du village s’intensifiait jusqu’à donner à la place Aafirune position centrale.

Par un mécanisme d’extrapolation, la place Aafirdélégue sa fonction de seuil à une autre place constituée au fildes années. À partir d’Aafir, l’extension a pris deux directionsprincipales suivant les lignes dessinées par le relief, les famillesfixées dans cette zone sont toutes issues du déplacement decelles déjà installées suite à leur agrandissement.

3.4-Un habitat dispersé

Cette étape est intervenue après une poussée démographiqueau sein du village, une densification d’abord de l’espace etensuite l’apparition de difficultés liées à une proximitédurement vécue… cette croissance suit généralement ladirection définie par la rente. L’entretien a révélé de fortesintentions de s’établir à la périphérie du village, le long desaxes mécaniques. On peut envisager comme raison à cettepréférence dans les rapports de voisinage très denses, l’absencede moyens et de commodités à l’intérieur du village et la

recherche d’espaces libres. La grande disponibilité de terrains

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dans cette partie périphérique traduit une production d’uncadre bâti ayant rompu avec la contiguïté et l’ordre compact àl’intérieur du village. La nature de cet habitat, dispersé, peut-

être comparé à celui qualifié par Nadia Messaci de « troisième  génération », caractérisée pour la rupture avec une proprelogique interne.Cette dispersion de l’habitat veut-elle traduire unaffaiblissement des liens de parenté et communautaires.

Bibliographie

1- ARNHEIN (Rudolph), dynamique de la forme architecturale,Bruxelles, Editions, Edition Pierre Mandago, 1977, 284 P 2- BACHELARD (Gaston), L’air et les songes.3- BERQUES (Jacques), De l’Euphrate à l’Atlas, Paris, EditionSindbad, 1978, 415 P 4- BOURDIEU (Pierre), Les sens pratiques, Paris, Editions deMinuit, 1980.5- BENTEFNOUCHET (Mustapha), La famille algérienne,

évolution et caractéristiques récentes, Alger, Editions SNED,1982, 316 P.6- DURAND (Gilbert), Les structures anthropologiques del’imaginaire, Paris, Editions Bordas, 1984.7- LACOSTE – DUJARDIN (Camille), Le conte kabyle, étudeethnologique, Alger, Editions Bouchene, 1991, 536 P.8- MESSACI (Nadia), L’Habitat des Ath Waghlis, chaos spatialou ordre caché ? Mémoire de magistère, université de

Constantine, 1988.9-MECHTOUB (Akli),Taourirt Mokrane, une dynamique de lapermanence, mémoire de fin d’étude en Architecture,université de Tizi-Ouzou. Sous la Direction Melle OUBOUZAR Leila.10- MECHTOUB (Akli), Environnement social et Habitat aumilieu villageois, le cas de Taourirt Mokrane en Kabylie,mémoire de magistère en langue et culture Amazighe. Année2000.

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Programme du Colloque

Journée du 21 avril 2003* 09h30 : Présentation de la problématique  Par : Hamid BILEKS/D au HCA

MatinéePrésidence des travaux

M. Kheireddine LAADJOUZ

* 10h00-10h30 : «La législation en matière de protection du  patrimoine culturel et l'architecture »

Par : Rachida ZADEM  Juriste, inspectrice du patrimoine au M.C.C.

* 10h30-11h00 : «L'habitat préhistorique en Afrique du Nord : Eléments d'architecture »

Par : Mourad BETROUNI Préhistorien, D.P.C. au M.C.C.

* 11h00-11h30 : «L'habitat préhistorique en Algérie »Par : Mohamed HAMOUDIChercheur OPNA Tamanrasset, CNRPAH Alger

* 11h30-12h00 : «L'architecture royale numide en Algérie ; Les tombeaux de Numidie et de Maurétanie »

Par : Salah FERDIChef de la circonscription archéologique de Tipaza

* 12h00-12h30 : D E B A T S

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Après-midiPrésidence des travaux

M. Youcef MERAHI

* 15h00-15h30 : «La double commande du bâti amazigh »Par : Claudine CHAULET Sociologue, Université d'Alger

* 15h30-16h00 : «Quand la contestation identitaire qualifie la ville : Tizi-Ouzou, une si inattendue destinée »

Par : Mohamed Brahim SALHI Sociologue, Université M. Mammeri de Tizi-Ouzou

Chercheur associé au CRASC/Oran

* 16h00-16h30 : «L'Odyssée de la ville, la ville création historique particulière »

Par : Mammar MANSOUR Architecte

* 16h30-17h00 : «L'Aghrem »Par : Kaci MAHROUR Architecte-urbaniste, EPAU d'Alger

* 17h00-18h00 : D E B A T S

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Journée du 22 avril 2003

Matinée

Présidence des travauxMm. Rachida ZADEM

* 09h30-10h00 : «Khedaouedj El Amia, un palais musée »Par : Amel MOKRANIArchitecte, Musée des arts traditionnels

* 10h00-10h30 : «La tente : une unité de production spatioculturelle dans la cosmogonie des 

nomades sahariens »Par : Dida BADIAttaché de recherche au CNRPAH

* 10h30-11h00 : «Genèse et évolution d'un espace villageois : Taourirt Mokrane en Kabylie »

Par : Akli MECHTOUBMaître assistant, Université de Tizi-Ouzou

* 11h00-11h30 : «Aghbala : ville berbère de petite Kabylie »Par : Kheireddine LAADJOUZArchitecte, Ordre des architectes d'Alger

* 11h30-12h30 : D E B A T S

Après-midi

Présidence des travauxMm. Claudine CHAULET

* 15h00-15h30 : «Incursion dans l'architecture traditionnelle des Aurès : l'architecture de la maison : un 

 patrimoine en danger. Exemple : le quartier du SUR des Ath Frah »

Par : Khadidja ADEL 

Chercheur universitaire, Université de Constantine

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* 15h30-1600 : «L'habitat traditionnel du Mzab »Par : Younès BABA NEDJAR & Noreddine BOUARAOUAArchitectes, OPVM

* 16h00-16h30 : «Sauvegarde, réhabilitation des ksour et  promotion de l'architecture locale »

Par : Zoheir BALALOU & Moussa EL MAL BAHMED Architecte, OPVM

* 16h30-17h30 : D E B A T S

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Journée du 23 avril 2003

Matinée

Visite guidée des sites historiques

- Les Ksour (Ghardaïa, Beni Izgheu)OPVM

- Système de partage des eaux et palmeraiesOPVM

- Projet Ighrem "TINEMIRIN"Ammi BABA

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Tiẓrigin n Usqamu Unnig n TimmuzɣaEditions du Haut Commissariat à l'Amazighité

-o-O-o-

Collection “Idlisen-nneɣ”01- Khalfa MAMRI, Abane Ramdane, ar taggara d netta i d bab n timmunent , 2003

(Tasuqelt Abdenour HADJ-SAID d Youcef MERAHI )02- Slimane ZAMOUCHE, U ḍ an n tegrest , 2003.03- Omar DAHMOUNE, Bu tqulhatin , 2003.04- Mohand Akli HADDADOU, Lexique du corps humain , 2003.05- Hocine ARBAOUI, Idurar ireqmanen (Sophonisbe ), 2004.06- Slimane ZAMOUCHE, Inigan , 2004.07- S. HACID et K. FERHOUH, La ṣ el ittaba ɛ la ṣ el akk d : Tafunast igujilen , 2004.08- Y. AHMED ZAYED et R. KAHLOUCHE, Lexique des sciences de la terre et lexique 

animal , 2004.

09- Lhadi BELLA, Lun  ǧ a , 2004.10- Antoine de St EXUPERY, Le Petit Prince , 2004 (Tasuqelt Habib Allah MANSOURI,

Ageldun amec ṭ u ḥ  )11- Djamel HAMRI, Agerruj n teqbaylit , 2004.12- Ramdane OUSLIMANI, Akli ungif  , 2004.13- Habib Allah MANSOURI, Amawal n tmazi ɣ t tatrart , édition revue et augmentée ,

2004.14- Ali KHALFA, Angal n webrid , 2004.15- Halima AIT ALI TOUDERT, Ayen i ɣ -d-nnan gar yetran , 2004.16- Moussa OULD TALEB, Mmi-s n igellil , 2004 (Tazwart : Youcef MERAHI)17- Mohand Akli HADDADOU, Recueil des prénoms amazighs , 2004.

18- Nadia BENMOUHOUB, Tamacahut n Bas ɣ ar , 2004.19- Youcef MERAHI, Taqbaylit ass s wass , 2004.20- Abdelhafidh KERROUCHE, Te ɣ zi n yiles , 2004.21- Ahmed HAMADOUCHE, Ti ɣ ri n umsedrar , 2004.22- Slimane BELHARET, Awal ɣ ef wawal , 2005.23- Madjid SI MOHAMEDI, Afus seg-m , 2005.24- Abdellah HAMANE, Merwas di lberj n yi ṭ ij - a ḥ ric I , 2005.25- Collectif, Tib ḥ irt n yimedyazen , 2005.26- Mourad ZIMU, Tikli, tullisin nni ḍ en , 2005.27- Tayeb DJELLAL, Si tinfusin n uma ḍ al , 2005.28- Yahia AIT YAHIATENE, Fa ḍ ma n Summer , 2006.

29- Abdellah HAMANE, Merwas di lberj n yi ṭ ij - a ḥ ric II , 2006.30- Lounes BENREJDAL, Tamacahut n bu yedmim , 2006.31- Mezyan OU MOH, Tamacahut n umeksa , 2006.32- Abdellah ARKOUB, Nnig wurfan , 2006.33- Ali MAKOUR, Ḥ med n ugellid , 2006.34- Y. BOULMA & S. ABDENBI, Am tmeqqunt n tje  ǧǧ igin , 2006.35- Mohand Akli SALHI, Amawal n tsekla , 2006.36- O. KERDJA & A. MEGHNEM, Amawal amec ṭ u ḥ n ugama , 2006.37- Ali EL-HADJEN, Tudert d usirem , 2006.38- Hadjira OUBACHIR, Uzzu n tayri , 2007.39- Djamel BENAOUF, Di tmurt u ɛ ekki , 2007.

40- Akli OUTAMAZIRT, Targit , 2007.

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41- Mohamed Salah OUNISSI, Tametna n umenzu , 2007.42- Ramdane ABDENBI, Anagi , 2007.43- Ramdane LASHEB, Ccna n tlawin ɣ ef  ṭṭ rad 54/62 , 2007.44- Said CHEMAKH, Ger zik d tura , 2007.45- Said IAMRACHE, Timenna n Sa ɛ id I ɛ emrac , 2007.46- Mohamed MEDJDOUB, Baba Carlu , 2007.47- Nadia BENMOUHOUB, Tafunast igujilen , 2007.48- Ali MOKRANI, Agama s tugniwin , 2007.49- Fatma ELKOUCHA, Tamedyazt n Yasmin , 2007.50- Naima HADJOU, Amennu ɣ n tudert-iw , 2007.51- Hocine LAOUES, Gar umqadmu d umnelti , 2007.52- Omar KHAYAM, Ruba ɛ iyyat , 2007 (Tasuqelt Abdellah HAMANE)53- Ferdinand DUCHENE, Tamilla , 2007(Tasuqelt Habib Allah MANSOURI)54- Slimane ZAMOUCHE, Agellil akk d ineffuten yelhan , 2007.55- Djamel HAMRI, Anadi di tmedyazt , 2007.56- Khaled FERHOUH, Ḥ ku-ya ɣ -d tamacahut , 2007.

57- Lhadi BELLA, Awal d usefru , 2007.58- Omar DAHMOUNE, Agu , 2007.59- Yahia AIT YAHIATENE, Untigun, 2007.60- Tiddukla Yusef U Qasi - Si Muḥend U Mḥend, Tafaska n tmedyazt, 2008.

Actes de colloques- Actes des journées d'étude sur « La connaissance de l'histoire de l'Algérie », mars

1998.- Actes des journées d'étude sur « L'enseignement de Tamazight », mai 1998.- Actes des journées d'étude sur « Tamazight dans le système de la communication »,

 juin 1998.- Actes des journées d'étude sur « Approche et étude sur l'amazighité », 2001.- Actes du colloque sur « Le mouvement national et la revendication amazighe »,

2002.- Actes du colloque international sur « Tamazight face aux défis de la modernité »,

2002.- Actes des séminaires sur la formation des enseignants de Tamazight et

l'enseignement de la langue et de l'histoire amazighe, 2003.- Actes des stages de perfectionnement pour les enseignants de tamazight, mars

2004.- Actes du colloque sur « Le patrimoine culturel immatériel amazigh », 2006.- Actes du colloque sur « Le libyco-berbère ou le Tifinagh ; de l'authenticité à l'usage

pratique », 2007.

Revue « Timmuzgha »Revue d'études amazighes du Haut Commissariat à l'Amazighité :N° 01, avril 1999, ----- N° 18, mai 2008.

Autres publications- Chafik MOHAMED, Aperçu sur trente trois siècles de l'histoire des imazighènes ,

1997.- Annuaire des associations culturelles amazighes, 2000.- Idir El-Watani, L'Algérie libre vivra , 2001.

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- Mohand Oulhadj LACEB, La phonologie générative du kabyle : l'emphase et son harmonie . Tome1, Histoire et fondements d'un débat argumentaire , 2007.

- Mohand Oulhadj LACEB, La phonologie générative du kabyle : l'emphase et son harmonie . Tome2, Analyse et représentation phonologique , 2007.

- Collectif, Mouloud FERAOUN, Evocation , Actes du Colloque, 2008.- Catalogue des publications du HCA, 2008.

Consultings- Kamel BOUAMARA, Nekni d wiyi ḍ , 1998.- Mouloud FERAOUN, Ussan di tmurt , 1999 (Tasuqelt Kamel BOUAMARA)- Nora TIGZIRI - Amar NABTI, Etude sur « L'enseignement de la langue amazighe : 

bilan et perspectives », 2004.- Iddir AMARA, Les inscriptions alphabétiques amazighes d'Algérie , 2006.- Kemal STITI, Fascicule des inscriptions libyques gravées et peintes de la grande 

Kabylie , 2006.- Mohand Akli HADDADOU, Dictionnaire des racines berbères communes ,

2006/2007.- Abdellah NOUH, Glossaire du vocabulaire commun au Kabyle et au Mozabite ,

2006/2007.- Sadaq BENDALI, Awfus amaynut n tutlayt tamazi ɣ t , 2007.- M'hammed DJELLAOUI, Tiwsatin timensayin n tesrit taqbaylit , 2007.- Kamel BOUAMARA, Amawal n tunu ɣ in n tesnukyest , 2007.- Moussa IMARAZENE, Manuel de syntaxe berbère , 2007.- M'hammed DJELLAOUI, Tiwsatin timensayin n tmedyazt taqbaylit , 2007.- Moussa IMARAZENE, Tim ɛ ayin n leqbayel , 2007.- Nora BELGASMIA, L'expression écrite en tamazight , 2007.- Mouloud LOUNAOUCI, Projet de création d’un Centre de terminologie amazighe, 

TERAMA , 2007.

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