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Signaux – définition, origine, interprétation et conséquences Le terme « signal » fait référence à une information qui relate un lien possible entre un effet indésirable et un médicament, lien jusqu’alors in- connu ou insuffisamment documen- té (2). En d’autres termes, il s’agit d’un « risque » médicamenteux po- tentiel qui requiert toujours une éva- luation exhaustive avant de pouvoir être confirmé ou réfuté. Les caracté- ristiques d’un signal sont variées : effet indésirable encore in- connu ; changement de nature (sévéri- té, spécificité, fréquence, évolu- tion, issue, etc.) d’un effet indé- sirable connu ; Actualités de pharmacovigilance Chantal Violand, Rudolf Stoller, Centre national de pharmacovigilance, Swissmedic L’importance de la pharmacovigi- lance et les bases légales à l’origine de l’obligation faite à tout profes- sionnel de la santé d’annoncer les effets indésirables graves, nou- veaux ou médicalement pertinents, ainsi que le fonctionnement du ré- seau suisse de pharmacovigilance ont déjà été détaillés (1). Une sta- tistique des annonces reçues, et surtout les risques qu’elles ont per- mis d’identifier, feront l’objet de cet article. Les risques identifiés par le centre national de pharma- covigilance (ci-après, CNP) en 2005 seront présentés selon la na- ture des effets indésirables et des classes thérapeutiques les plus re- présentées et illustrés par quelques actualités de pharmacovigilance pertinentes pour l’ensemble des professionnels de la santé. Volume 33, N° 1-2, 2006 ISSN 0378-7958 1 identification de nouveaux fac- teurs de risque ; problème relatif à l’utilisation ou la prescription d’un médica- ment. Les signaux évalués conjointe- ment par le CNP et d’autres divi- sions de Swissmedic sont issus de différentes sources suisses et inter- nationales, la majeure partie consistant en annonces transmises par les centres régionaux suisses de pharmacovigilance. Habituellement, plusieurs annon- ces sont nécessaires à l’identifica- tion d’un signal, sous réserve de la gravité de l’effet indésirable et de la nature des informations à disposi- tion. Différents facteurs intervien- nent dans l’interprétation et l’éva- luation de signaux identifiés à par- tir d’annonces spontanées d’effets indésirables ainsi que dans la déci- sion des mesures de sécurité à im- plémenter. En effet, seule une partie des ef- fets indésirables graves ou nou- veaux effectivement survenus sont notifiés. La propension des pres- cripteurs à annoncer dépendra no- tamment de la nature de l’effet in- désirable, de la pathologie et des comorbidités du patient. Il est à cet égard important de rappeler que, si la suspicion clinique seule est suffi- sante pour justifier la notification d’un effet indésirable, la confirma- tion préalable d’une relation de cause à effet entre un médicament et un événement indésirable n’est ni nécessaire ni requise. Table 1 : Réseau suisse de pharmacovigilance. GE VD STIS 1 TI BE BS ZH CSIT 2 PHARMACOVIGILANCE SWISSMEDIC WHO ADR MONITORING PROGRAMME Pharmaceutical industry PATIENT HEALTHCARE PROFESSIONAL 1 STIS = Swiss Teratogen Information Service Risques liés aux médicaments au cours de la grossesse 2 CSIT = Centre suisse d’information toxicologique (TOX Zentrum)

Actualités de pharmacovigilance - HUG · 2018. 10. 3. · Letter, DHCPL») ainsi qu’à la ré-évaluation et l’adaptation de plus de 35 monographies de produits. Sous la loupe

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Signaux – définition,origine, interprétation etconséquences

Le terme «signal» fait référence àune information qui relate un lienpossible entre un effet indésirable etun médicament, lien jusqu’alors in-connu ou insuffisamment documen-té (2). En d’autres termes, il s’agitd’un «risque» médicamenteux po-tentiel qui requiert toujours une éva-luation exhaustive avant de pouvoirêtre confirmé ou réfuté. Les caracté-ristiques d’un signal sont variées:

– effet indésirable encore in-connu ;

– changement de nature (sévéri-té, spécificité, fréquence, évolu-tion, issue, etc.) d’un effet indé-sirable connu ;

Actualités de pharmacovigilanceChantal Violand, Rudolf Stoller, Centre national de pharmacovigilance, Swissmedic

L’importance de la pharmacovigi-lance et les bases légales à l’originede l’obligation faite à tout profes-sionnel de la santé d’annoncer leseffets indésirables graves, nou-veaux ou médicalement pertinents,ainsi que le fonctionnement du ré-seau suisse de pharmacovigilanceont déjà été détaillés (1). Une sta-tistique des annonces reçues, etsurtout les risques qu’elles ont per-mis d’identifier, feront l’objet decet article. Les risques identifiéspar le centre national de pharma-covigilance (ci-après, CNP) en2005 seront présentés selon la na-ture des effets indésirables et desclasses thérapeutiques les plus re-présentées et illustrés par quelquesactualités de pharmacovigilancepertinentes pour l’ensemble desprofessionnels de la santé.

Volume 33, N° 1-2, 2006ISSN 0378-7958

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– identification de nouveaux fac-teurs de risque ;

– problème relatif à l’utilisationou la prescription d’un médica-ment.

Les signaux évalués conjointe-ment par le CNP et d’autres divi-sions de Swissmedic sont issus dedifférentes sources suisses et inter-nationales, la majeure partieconsistant en annonces transmisespar les centres régionaux suisses depharmacovigilance.Habituellement, plusieurs annon-ces sont nécessaires à l’identifica-tion d’un signal, sous réserve de lagravité de l’effet indésirable et de lanature des informations à disposi-tion.

Différents facteurs intervien-nent dans l’interprétation et l’éva-luation de signaux identifiés à par-tir d’annonces spontanées d’effetsindésirables ainsi que dans la déci-sion des mesures de sécurité à im-plémenter.

En effet, seule une partie des ef-fets indésirables graves ou nou-veaux effectivement survenus sontnotifiés. La propension des pres-cripteurs à annoncer dépendra no-tamment de la nature de l’effet in-désirable, de la pathologie et descomorbidités du patient. Il est à cetégard important de rappeler que, sila suspicion clinique seule est suffi-sante pour justifier la notificationd’un effet indésirable, la confirma-tion préalable d’une relation decause à effet entre un médicamentet un événement indésirable n’estni nécessaire ni requise.

Table 1 : Réseau suisse de pharmacovigilance.

GE VD

STIS1 TI BE BS

ZHCSIT2

PHARMACOVIGILANCESWISSMEDIC

WHO ADR MONITORINGPROGRAMMEPharmaceutical

industry

PATIENT → HEALTHCARE PROFESSIONAL

1 STIS= Swiss Teratogen Information ServiceRisques liés aux médicaments au cours de la grossesse

2 CSIT= Centre suisse d’information toxicologique (TOX Zentrum)

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Le nombre de notificationspourrait au contraire être forte-ment augmenté pour un effet indé-sirable, un médicament ou unecondition particulière qui auraientété surmédiatisés, par exemple.

Lorsqu’un signal est confirmé,les mesures prises varient, la plusfréquente étant l’adaptation de lamonographie du produit, parfoisassociée à une information desti-née aux professionnels de la santé(communiqués, publications, etc.),en fonction de la gravité et de lanature du signal. Certains cas re-quièrent le retrait du marché de lasubstance.

Finalement, il est important derelever qu’il n’est pas possible d’é-valuer la fréquence/incidence del’effet indésirable à l’origine du si-gnal sur la seule base d’annoncesspontanées d’effets indésirables.Cette estimation requiert la priseen considération de la fréquence/incidence de l’effet indésirabledans une population de base, lenombre de patients exposés ou lenombre de médicaments adminis-trés.

Statistique des signauxévalués en Suisse en2005

En 2005, des 3313 rapports depharmacovigilance émis en Suisse,76 signaux sur 124 (61%) ont étéidentifiés par le CNP (3), témoi-gnant d’un accroissement de l’acti-vité signal de 19% par rapport à2004.

Les atteintes d’ordre généralont été les plus représentées. Cettecatégorie regroupe les effets indé-sirables non spécifiques à un systè-me, tels que syndrome de sevrage,augmentation/diminution de tauxplasmatique d’une substance, réac-tion d’hypersensibilité, inefficacitéd’un traitement, douleurs, etc.Viennent ensuite les atteintes car-diaques/troubles du rythme, puisles atteintes hépatiques et neurolo-giques. Un nombre considérablede signaux a concerné la tératovigi-lance, en particulier les risques de

malformations. Les interactions,essentiellement de type pharmaco-cinétique, ont été contributivespour 8 signaux. Les « secondaryterms» regroupent ensuite les ef-fets indésirables de type « erreurmédicamenteuse» et « emploi horsindication reconnue ».

Les psycholeptiques (anti-psychotiques, anxiolytiques, hyp-notiques et sédatifs) ont été à l’ori-gine des signaux les plus fréquents.Les psychoanaleptiques (antidé-presseurs, psychostimulants et trai-tements antidémence) arrivent enseconde position, juste avant lesagents antinéoplasiques/immuno-modulants et les vaccins. Viennentensuite les hormones sexuelles etles antiviraux systémiques puis lesanalgésiques. Les produits phyto-thérapeutiques ont également étéreprésentés.

Ces différents signaux ontconduit à la publication de 17 let-tres aux professionnels de santé(«Dear Healthcare ProfessionalLetter, DHCPL») ainsi qu’à la ré-évaluation et l’adaptation de plusde 35 monographies de produits.

Sous la loupeCertains signaux énumérés ci-

dessous sont en cours d’investiga-tion. Il serait donc très utile de rap-porter tout effet indésirable quipuisse leur être lié.

TératovigilanceLamotrigine (Lamictal®) etmalformations

La société GlaxoSmithKline SAa signalé une nette augmentationdes malformations congénitalesmajeures (MCM) liées à la lamotri-gine, dose-dépendantes, à des dosesjournalières de 200 mg (4). Lesdonnées suggèrent aussi, pour lapremière fois, une augmentationsignificative du taux de fentes pala-tines. Ces informations encore nonpubliées proviennent d’un rapportpréliminaire du «North AmericanAntiepileptic Drug (NAAED)Pregnancy Registry ». La survenue

de fentes palatines, ainsi que la re-lation de dose-dépendance parrapport aux malformations, n’ont àce jour pas été confirmées par lesautres banques de données ; il estnéanmoins probable que le risquede malformations congénitalesmajeures soit légèrement augmen-té pour les nouveau-nés exposés inutero à la lamotrigine par rapportaux enfants non exposés. Ce risqueest apparemment inférieur à celuiinhérent aux anticonvulsivants«plus anciens » tels que la phény-toïne, le phénobarbital ou l’acidevalproïque.

En Suisse, on n’a signalé aucu-ne fente palatine après exposition àla lamotrigine. La base de donnéessuisse contient une annonce rap-portant une atrésie œsophagienneavec fistule trachéo-œsophagienneaprès une exposition à de la primi-done (500 mg/j), de la lamotrigi-ne (50 mg/j) et du topiramate(300 mg/j) durant les 10 premiè-res semaines de grossesse.L’imputabilité de ces trois substan-ces a été jugée possible par l’an-nonceur. A l’instar de tous les anti-convulsivants, la lamotrigine nedevrait être administrée durant lagrossesse que si l’indication estclairement établie, et à la dose laplus faible possible. La monogra-phie du produit a été adaptée enconséquence et un communiquépublié en date du 20 mars 2006(5).

Paroxétine – risque de mal-formations — exposition au1er trimestre de la grossesse

La firme GlaxoSmithKline atransmis l’an dernier les résultatspréliminaires d’une étude épidé-miologique rétrospective portantsur 3581 femmes ayant pris desantidépresseurs au cours de leurgrossesse. Il s’agissait de réperto-rier les malformations chez desnouveau-nés de patientes ayantpris du a) bupropion durant le 1er

trimestre, b) durant la grossesse àl’exception du 1er trimestre et c)d’autres antidépresseurs (AD) du-rant la grossesse. L’analyse par

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sous-groupes de cette dernière ca-tégorie a identifié un risque aug-menté de survenue de malforma-tions majeures (OR : 2,20 95% CI :1,34 – 3,63) pour la paroxétine parrapport aux autres AD. Le risquede malformations cardiovasculairess’est également révélé augmentépour la paroxétine (OR : 2,08 95%CI : 1,03 - 4,23) par rapport auxautres AD, avec en particulier 10enfants présentant des anomaliesdu septum interventriculaire sur les14 malformations cardiovasculai-res objectivées.

Une analyse plus récente etportant sur un plus grand nombrede cas (5956 enfants nés de 5791femmes ayant pris des AD pendantle 1er trimestre de grossesse),confirme un risque accru de mal-formations congénitales (OR :1,82, 95% CI : 1,17-2,82) pour laparoxétine par rapport à d’autresantidépresseurs, en particulier detype cardiaque (OR: 1,54 ; 95%CI : 0,81-2,92).

Une étude sur les données duregistre suédois des naissances amontré un risque deux fois plusélevé de malformations cardiaqueschez les enfants exposés à la pa-roxétine par rapport à la popula-tion totale. Ces anomalies concer-naient principalement le septuminterventriculaire et le septuminterauriculaire.

Les résultats préliminairesd’une étude danoise portant sur unregistre de 150000 femmes en-ceintes révèlent que 5% des 1054femmes ayant pris des inhibiteurssélectifs de la recapture de la séro-tonine (SSRI) durant le 1er trimes-tre ont donné naissance à un en-fant présentant des malformations,contre 4% de celles n’y ayant pasété exposées (6).

Au vu des données actuelles,une interruption de grossesse lorsd’exposition à la paroxétine n’estpas indiquée. Cette substance nedevrait toutefois pas être nouvelle-ment prescrite aux femmes encein-tes ou à celles qui envisagent de l’ê-tre. Une alternative thérapeutiqueest à envisager en cas de grossesse

chez une femme sous traitement,ce dernier ne pouvant être poursui-vi qu’en cas de nécessité absolue.L’interruption du traitement sefera de manière progressive afind’éviter un syndrome de sevrage.

En Suisse, aucune malforma-tion cardiaque n’a été identifiée surun total de 326 rapports reçuspour la paroxétine. Deux rapportssignalent une « anotia » et un«hydrops foetalis » respective-ment.

Ces données ont fait l’objet decommunications de Swissmedic,de l’envoi d’une DHCPL et lesmonographies des différents pro-duits concernés ont été adaptéesen conséquence (7).

Erythromycine — malforma-tions cardiovasculaires –sténoses pyloriques

Une étude suédoise (8) a révéléune augmentation de la survenuede malformations cardiovasculaires(31 cas/1844 femmes contre 17attendus) chez des enfants exposésà de l’érythomycine au cours dupremier trimestre de grossesse.

En Suisse, aucune malforma-tion cardiovasculaire n’a été rap-portée avec ce produit. Seuls ontété signalés un cas de fente palatinechez un enfant dont la mère a utili-sé de l’érythromycine topique du-rant le 1er trimestre de grossesse et1 avortement chez une patientesous traitement d’érythromycine,métamizole et ciprofloxacine.

Au niveau international, 3 mal-formations cardiaques, 1 anomaliedu septum interauriculaire, 1 ano-malie du septum interventriculaire,1 malformation vasculaire périphé-rique, 4 malformations multipleset 36 sténoses pyloriques ont étéidentifiées pour l’érythromycine.

Le risque de malformation sousérythromycine, substance réputée« sûre» durant la grossesse, est ac-tuellement en cours d’évaluationet les données disponibles serontdétaillées dans les monographiesdes produits concernés.

Actualités suisses etinternationales depharmacovigilancePimécrolimus(Elidel® Crème)Tacrolimus (Protopic®Pommade) – risquecarcinogène

Ces deux substances sont desinhibiteurs de la calcineurine indi-qués dans le traitement de la der-matite atopique. Des mises engarde contre le risque carcinogène(risque de lymphomes en particu-lier) et des recommandations d’u-tilisation de ces produits ont étépubliées dans le Journal Swiss-medic en avril 2003 et en 2005(FDA, Swissmedic 18.03.05) enraison de leur mécanisme d’action(immunosuppresseur), de résultatsd’expérimentation animale et derares annonces d’événements indé-sirables.

La FDA a publié une mise àjour (19 janvier 2006) à ce sujet ensignalant que les modifications sui-vantes étaient portées aux mono-graphies de ces traitements :« risque carcinogène, prescriptionuniquement en seconde intention,usage non recommandé en dessousde l’âge de 2 ans et chez les patientsimmunodéprimés, le profil de sécu-rité lors d’utilisation à long termen’étant pas établi – administrationsur la plus courte durée possible –ménager un intervalle libre si uneplus longue période de traitement estnécessaire » (9).

Une annonce directe d’un pa-tient, pas encore confirmée médi-calement, signale un lymphome deHodgkin s’étant manifesté à proxi-mité du lieu de l’application aprèsdeux ans de traitement d’un eczé-ma atopique avec Elidel® et Proto-pic®.

L’adaptation des monographiesde ces produits est en cours enSuisse également.

Tacrolimus topique(Protopic®) – diabète

La survenue d’un diabète detype 1 « atypique» (anti-GAD et

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anti-IA2 dans les normes) a étésignalée chez un enfant de 3 ansaprès emploi intermittent deProtopic® durant une année.Selon le Compendium, les concen-trations sanguines secondaires àl’administration unique ou répétéede tacrolimus topique sont habi-tuellement inférieures à 1 ng/mlmais des concentrations supérieu-res ont été transitoirement obser-vées. Des effets systémiques (into-lérance à l’alcool) ont été mis enévidence lors d’application to-pique.

En administration systémique(patients greffés), où des concen-trations supérieures à 5 ng/mlsont recherchées, la survenue dediabète et d’hyperglycémie est uneffet indésirable connu avec cettesubstance. Ce signal est en coursd’évaluation.

Hydroxycarbamide (Litalir®)– néoplasies et ulcèrescutanés

Un patient traité durant 8 anspar hydroxycarbamide pour unepolycythémie essentielle a présen-té 14 carcinomes spinocellulaires,2 ulcères jambiers, de multipleshyperkératoses prémalignes et unlichen plan prémalin. Il s’agit dupremier cas de néoplasies cuta-nées notifié en Suisse sous traite-ment d’hydroxycarbamide. Labase de données de Swissmediccontenait déjà 3 annonces d’ulcè-res cutanés, sur un total de 68 ef-fets indésirables spontanémentrapportés pour cette substance(suspectée ou concomitante), aumoment de l’évaluation de ce si-gnal. Des rapports de néoplasiescutanées ont été identifiés dans lalittérature et la base de donnéesde l’OMS renfermait quelque 30rapports de néoplasies cutanées et80 ulcères cutanés sur un total de3318 effets indésirables sponta-nément annoncés pour l’hy-droxycarbamide. La notice d’in-formations du produit a étérévisée en conséquence.

Alfuzosine (Xatral®) –hépatotoxicité et risqued’interactions (CYP 3A4)

Une revue des annonces spon-tanément notifiées pour l’alfuzosi-ne en Suisse a permis d’identifier 5rapports d’atteintes hépatiques(sur un total de 41). L’imputabilitéa été jugée possible pour deuxd’entre eux. Deux cas avec «de-challenges » positifs ont été pu-bliés, un patient souffrant toutefoisd’une hépatite B chronique conco-mitante (10). La base de donnéesde l’OMS contenait 29 atteinteshépatiques (sur un total de 1393effets indésirables) dont 3 ictères, 5hépatites et 1 défaillance hépa-tique. Aucune atteinte hépatiquen’était mentionnée dans la mono-graphie du produit, qui sera doncréévaluée.

Par ailleurs, la voie de métaboli-sation principale de cette substanceest le CYP 3A4 et l’administrationd’inhibiteurs puissants de ce cyto-chrome (par ex. kétoconazole,itraconazole, érythromycine, etc.)est susceptible d’augmenter laconcentration de l’alfuzosine et lerisque d’effets indésirables (hypo-tension/syncope entre autres). Lerisque d’interaction sera intégrédans la notice d’informations de cemédicament.

Mirtazapine (Remeron®) –syndrome sérotoninergique –interaction avecl’escitalopram

Un patient traité à long termepar 45 mg/j de mirtazapine a pré-senté, une semaine après l’intro-duction concomitante de 10 mg/jd’escitalopram, un syndrome séro-toninergique (sueurs profuses,rigidité, hyperthermie, tachycar-die, hypertension et élévation desCK). Il recevait simultanément700 mg/j d’amisulpride, 10 mg/jde zolpidem et 1 mg/j de lorazé-pam. L’évolution fut favorabledans la semaine après l’arrêt desantidépresseurs et la diminution dela posologie de l’amisulpride.

La mirtazapine, un alpha2-blo-quant présynaptique, accroît latransmission noradrénergique etsérotoninergique centrale. Uneinteraction pharmacodynamiqueet pharmacocinétique (CYP 2D6principalement) avec l’escitalo-pram est vraisemblablement àl’origine de ce syndrome sérotoni-nergique, dont la notice d’infor-mations ne fait pas mention. Il s’a-git de la 4e annonce de sy.sérotoninergique en Suisse pour lamirtazapine (total 301 rapports) etde la 3e interaction rapportée (avecle tramadol et la venlafaxine précé-demment). De nombreuses publi-cations ont été faites à ce sujet et labase de données de l’OMScontient 29 sy. sérotoninergiques(total 5132 rapports) pour la mir-tazapine. La monographie du pro-duit est par conséquent en cours derévision.

Inhibiteurs de laphosphodiestérase de type 5(sildénafil — Viagra®,tadalafil — Cialis®, vardéna-fil — Levitra®) – atteintesoculaires

Au 18 mai 2005, 43 annoncesde neuropathies optiques isché-miques étaient parvenues à la FDApour les inhibiteurs de la phospho-diestérase de type 5 (PDE-5) (sil-dénafil = 38, tadalafil = 4, vardéna-fil = 1). Dans 25 cas sur 43, ils’agissait du sous-type «neuropa-thie optique ischémique antérieurenon artéritique » (en anglais « nonarteritic anterior ischaemic opticneuropathy » ou NAION). Trente-six des 43 patients ont souffertd’une perte de la vision, qui a per-duré ou est devenue permanentepour 26 d’entre-eux. La plupartdes patients présentaient des fac-teurs de risque vasculaire pour laNAION, qui recoupent ceux de ladysfonction érectile (âge > 50 ans,hypertension, diabète, tabagisme,etc.).

En Suisse, aucun cas n’a étérapporté pour ces trois substances ;d’autres troubles de la vision ont

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été signalés pour le sildénafil (7rapports sur un total de 99) : 1thrombose veineuse rétiniennechez un patient hypertendu nontraité, 1 infarctus de la choroïde, 1rétinopathie st. II-III développéeen 2 ans de prise de Viagra® chezun patient diabétique, 1 trouble del’accomodation, 1 diplopie, 1 élé-vation de la pression intraoculairesurvenue sous sildénafil — sansautre précision — et l’aggravationd’un glaucome suite à la prise desildénafil.

Swissmedic a publié deux com-muniqués sur son site Internet(11) et les notices d’informationsdes produits respectifs ont étéadaptées.

Ferrum III parentéral(Venofer®) – réactionsd’hypersensibilité de typeimmédiat de degré IV –indication et vitesse deperfusion

Sur un total de 55 annonces re-çues pour le Venofer® (suspectéou concomitant), 25 rapports(45,5%) concernent des réactionsd’hypersensibilité de type immé-diat (ITR), dont 16 de degré IV (=choc hypotension), soit 29% detous les rapports envoyés pour leVenofer® et 64% des ITRs rappor-tées.

Dans 4 cas (tous des ITR IV), lavitesse de perfusion en fonction dela dose n’avait pas été respectée.En d’autres termes, on a identifiéun problème d’administrationdans un quart des chocs hypoten-sions annoncés. Elle était correcteselon 6 rapports (dont 3 ITR IV)et non précisée pour les 15 annon-ces restantes (dont 9 ITR IV).

Seules 2 annonces (ITR III)mentionnaient que le traitementper os avait été un échec auparavant(non précisé dans les 23 cas restant).

Au total, 1089 effets indésira-bles pour les produits contenant du«saccharated iron oxide» sont ré-pertoriés, au niveau international,dans la base de données de l'OMS,dont 20 chocs anaphylactiques.

Ces données suggèrent :

1. une fréquence peut-être plusélevée d'ITR graves par rapportà une utilisation conforme auCompendium.

2. une possible méconnaissancedu mode d’administration dansun quart des ITR IV annoncéesen Suisse (vitesse de perfusionpar rapport à la dose) ;

3. une possible utilisation hors in-dication du fer intraveineux (1re

intention alors qu’il n’est indi-qué que lorsqu’un traitementper os s’est révélé inefficace ouest impossible).

En règle générale, et en particu-lier pour les médicaments présen-tant un risque non négligeable desurvenue d’ITR, il est essentiel deréserver la voie parentérale aux si-tuations où l’administration per osne peut pas ou plus être employée.

Desmopressine (Minirin®,Nocutil®, Octostim®) –hyponatrémie, convulsions

En Suisse, 20 rapports (1er en1996) au sujet de 45 effets indési-rables ont été spontanément noti-fiés pour la desmopressine, dont 7annonces d’hyponatrémie avec ousans convulsions, toutes qualifiéesde « graves » (hospitalisation ourisque vital) mais heureusementsans conséquences pour les pa-tients concernés. Cinq d’entreeux étaient âgés de 3 ans à 12 ans,traités pour énurésie (4 cas) etpolydipsie (1 cas), sans traitementconcomitant. Quatre d’entre-euxont présenté des convulsions. Unseul avait reçu une dose un peusupérieure à la posologie recom-mandée ; on n’a pu déterminer sila restriction hydrique avait étérespectée pour l’ensemble des pa-tients. Les valeurs de sodiumétaient comprises entre 116 et125 mmol/L (Normes : 136-145mmol/L). Les 2 adultes (M,58 ans et F, 70), traités pour unstatus postadénectomie pour adé-

nome hypophysaire et polydipsierespectivement, ont présenté deshyponatrémies sans convulsions.

La base de données de l’OMS,recense un total de 1197 rapportscontenant 2452 effets indésirables,dont 156 convulsions, 45 convul-sions grand mal, 36 comas, 11hypertensions intracrâniennes,267 hyponatrémies, 11 convul-sions hyponatrémiques, etc.

Les notices d’informations desproduits concernés, plus particu-lièrement celle destinée aux pa-tients, sont en cours de réévalua-tion afin de renforcer les mesuresde précautions concernant notam-ment la restriction hydrique.

Rosiglitazone (Avandia®,Avandamet®) – Œdèmemaculaire

De rares cas de survenue oud’aggravation d’œdèmes maculai-res ont été associés à la rosiglitazo-ne. Certains patients ont montréune amélioration des symptômes àl’arrêt et l’un d’entre eux une réso-lution complète lors de la diminu-tion de la posologie. La plupart despatients présentaient simultané-ment des œdèmes périphériques,effet indésirable connu et fréquentdes glitazones. L’œdème maculairefait partie des complications d’unerétinopathie diabétique mais unerelation causale avec la rosiglitazo-ne est possible. Par conséquent, ilconvient d’être attentif à la surve-nue de symptômes évocateurs afind’interrompre le médicament etd’initier un traitement spécifique.

Aucune annonce ne nous estparvenue à ce sujet en Suisse.

La notice d’informations de cesproduits a été adaptée en consé-quence et une DHCPL a été en-voyée (12).

Acétate de glatiramère(Copaxone®) – atteinteshépatiques

Une patiente traitée depuis plu-sieurs années par de l’acétate deglatiramère pour une sclérose enplaques a présenté, à plusieurs re-

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Toute correspondance éditoriale doit être adressée au Dr J. Desmeules.

prises, des atteintes hépatiques ré-versibles à l’arrêt du traitement.Une biopsie a finalement confirméune hépatite d’origine médica-menteuse. Il s’agit de la troisièmeatteinte hépatique rapportée enSuisse pour cette substance sur untotal de 24 rapports enregistréspour le glatiramère. La base dedonnées de l’OMS, avec 1971 rap-ports contenant 7281 effets indési-rables pour le glatiramère, signale18 fonctions hépatiques anorma-les, 2 insuffisances hépatiques, 1cirrhose hépatique, 7 hépatites, 6atteintes hépatocellulaires, 2 ictè-res et 14 augmentations des testshépatiques.

L’annonceur n’a pas identifiéd’atteintes hépatiques dans la litté-rature (recherche PubMed, Micro-medex, Martindale) et la noticed’informations n’en mentionne pasnon plus. Ces données sont actuel-lement en cours d’évaluation et lanotice d’informations sera adaptée.

Que retenir ?

Le profil de sécurité des nou-veaux médicaments est imparfaite-ment connu. L’identification de si-gnaux permet d’améliorer lasécurité d’emploi des produits thé-rapeutiques également après com-mercialisation. Cette identification

se fait en grande partie sur la based’annonces spontanées par les pro-fessionnels de la santé. La qualitéet la quantité de ces annonces per-mettent d’instaurer des mesuresindispensables à la protection del’individu et des populations.

La Communauté Européenne arécemment édicté de nouvelles re-commandations qui mettent enexergue l’importance de la phar-macovigilance. Une approche pro-active sera requise par les autoritésd’enregistrement qui exigeront lasoumission d’une stratégie de ges-tion des risques («Risk manage-ment plan») lors de la demanded’autorisation de mise sur le mar-ché d’un nouveau médicament. Cedocument comportera un plan depharmacovigilance définissant lesmodalités de surveillance desrisques médicamenteux prévisi-bles, potentiels, ainsi que ceuxpour lesquels les connaissancessont encore lacunaires (13, 14).

Références :1. Pharma-Flash 2004 ; 31 ; 5.2. Safety of Medicines, A guide to detec-

ting and reporting adverse drug reac-tions, Why health professionals needto take action, WHO 2002.http ://whqlibdoc.who.int/hq/2002/WHO_EDM_QSM_2002.2.pdf

3. Centre national de pharmacovigilance,Swissmedic (données non publiées).

4. Morrow, JNNP 2006 ; 77 : 193.5. Swissmedic, mars 2006.

http ://www.swissmedic.ch/fr/fach/

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6. Wogelius, Pharmacoepidemiol DrugSafety 2005 ; 14 : S72 : 143.

7. Swissmedic, janvier 2006.http ://www.swissmedic.ch/fr/fach/overall.asp?theme=0.00087.00001.00001 & theme_id = 923 & news_id= 4668 & page = 1

8. Källén. Reprod Toxicol 2005 ; 20 (2) :209.

9. FDA, janvier 2006.http ://www.fda.gov/cder/drug/in-fopage/protopic/default.htmhttp://www.fda.gov/cder/drug/in-fopage/elidel/default.htm

10. Abstracts : Yolcu. Ann Pharmacother2004 ; 38 (9) : 1443 ; Zabala. J ClinPharm Ther 2000 ; 25 (1) : 73.

11. Swissmedic, juillet 2005.http ://www.swissmedic.ch/cgi/news/index.asp?sitetype= laien & news_id= 4577 http ://www.swissmedic.ch/cgi/news/index.asp?sitetype= laien & news_id= 4576

12. Swissmedic, décembre 2005.http ://www.swissmedic.ch/files/ar-chiv/051212 % 20DHP % 20letter %20macular % 20Oedema_definitive %20Version_FR. pdf

13. EMEA Guideline on RiskManagement Systems for MedicinalProducts for Human Use –EMEA/CHMP/96268/2005.http ://www.emea.eu.int/pdfs/human/euleg/9626805en.pdf

14. ICH E2E – PharmacovigilancePlanning.http ://www.ich.org/LOB/media/MEDIA1195.pdf

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