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Le Courrier des addictions (12) – n ° 4 – octobre-novembre-décembre 2010 3 editorial Addictions sans drogue : un changement de paradigme Jean-Luc Venisse* L ors de la dernière table ronde du congrès international francophone que nous avons or- ganisé les 6, 7 et 8 octobre derniers à Nantes ("Prévenir et traiter les addictions sans dro- gue : un défi sociétal"), Louise Nadeau 1 évoquait, dans la continuité des propos qu’avait tenu la veille Marc Valleur 2 , un changement de paradigme dans le champ des addictions, les addictions à des substances psychoactives devenant une modalité addictive parmi d’autres après avoir occupé pendant longtemps tout le terrain. Bien sûr, ce singulier renversement n’est pas pour déplaire à ceux qui, depuis quelques décen- nies, font des addictions comportementales pures le cœur de l’addiction. Cela nous permet de réfléchir de façon plus libre au processus addictif dans sa complexité, à distance de l’effet propre des toxiques, longtemps aveuglant. Au premier plan, le consommateur, le sujet Favorisée par la politique de réduction des risques, notamment infectieux, l’approche par com- portements de consommation plutôt que par produits, promue par Nicole Maestracci au tra- vers du plan gouvernemental 1999-2002, avait commencé à nous ouvrir la voie. Recentrant le problème du côté du consommateur, au sens large, de façon à en faire un individu responsable, même s’il est éventuellement vulnérable, elle permettait de sortir de fonctionnements mani- chéens, reflétés par les dogmes de la dépendance indispensable au repérage, aussi bien que de l’abstinence comme seule perspective thérapeutique. L’addictologie au sens actuel du terme est véritablement née de ces décalages et remises en question, permettant par la même occasion de faire une place plus grande aux polyaddictions, les associations et relais de conduites addic- tives, avec ou sans drogue, étant la règle plus que l’exception. risque de dilution et de médicalisation de l’excès Le territoire de l’addiction s’est dès lors grandement étendu avec des risques de dilution du concept et de médicalisation de l’excès. Dans le même temps, le fait que la question de l’ad- diction puisse nous concerner tous d’une manière ou d’une autre, ne participe-t-il pas à une salutaire "déstigmatisation" ? Les évolutions extrêmement rapides de nos sociétés engendrent une tension extrême entre des appétits débordants à la mesure d’une offre de consommation sans limite et de l’exigence d’au- tocontrôle qui suppose des capacités d’autorégulation, loin d’être également réparties chez cha- cun d’entre nous, et de façon stable dans le temps. Les addictions sans drogue sont à la fois le re- flet de ces évolutions sociologiques et technologiques (qui affectent également notre rapport au temps ainsi qu’aux autres), et dans le même temps la mise à jour, la sortie de la clandestinité ou la redéfinition d’un phénomène ancestral, autrefois du domaine de la morale ou de la religion. Conduites anorexiques-boulimiques, pratiques sportives extrêmes, pratiques dommageables de jeux ou d’achats divers, ou encore comportements sexuels suffisamment envahissants pour générer une vraie problématique de dépendance, s’inscrivent dans cette logique d’un processus susceptible de s’organiser durablement. Celui-ci est à la croisée d’une multitude de facteurs, pour les uns prédisposants, pour les autres déclenchants ou d’entretien, à la fois du registre individuel et contextuel. Notons que le schéma trivarié proposé par Claude Olievenstein et développé depuis par Marc Valleur n’a pas pris une ride en 50 ans et qu’il s’applique tout autant aux addictions comportementales pures. À partir de ce constat en matière d’addictions à des substances psychoactives, il serait tout aussi illusoire d’imaginer que la solution pourrait se trouver exclusivement, ou avant tout, du côté d’un contrôle prohibitionniste de l’offre, ou du traitement biologique d’une maladie dite "chronique". Dès lors que l’addiction est clairement repérée à l’aide des critères transversaux de Goodman, * Chef du service d’addictologie, centre de référence du jeu excessif, CHU de Nantes. Président du Collège d’Addic- tologie de la Fédération française de psychiatrie. Espace Barbara, 9 bis, rue Bouillé, 44000 Nantes. "À l'aube du XXI e siècle" Huile sur toile, Anne de Colbert Christophorov. Le Courrier des addictions Directeur de la publication : Claudie Damour Terrasson Rédacteur en chef : Dr Didier Touzeau (Bagneux) Rédacteur en chef adjoint : Florence Arnold-Richez (Chatou) Comité de rédaction F. Arnold-Richez (Chatou) - Dr M. Auriacombe (Bordeaux) - I. Berlin (Paris) - Dr R. Berthelier (Arpajon) - Pr B. Christophorov (Paris) - Dr F. Cohen (Créteil) - Dr P. Courty (Clermont-Ferrand) - Dr A. Dervaux (Paris) - E. Fellinger (Strasbourg) - Dr L. Gibier (Tours) - F. Noble (Paris) - Dr D. Touzeau (Bagneux) - Dr J. Vignau (Lille). Comité scientifique Pr J. Adès (Colombes) - Pr D. Bailly (Lille) - Dr D. Barrucand (Limeil-Brévannes) - Pr G. Brücker (Paris) - Pr A. Charles- Nicolas (Fort-de-France) - Pr A. Féline (Le Kremlin-Bicêtre) - Pr C. Jacquot (Paris) - Pr Ph. Jeammet (Paris) - Pr G. Lagrue (Créteil) - Pr C. Lejeune (Colombes) - Pr H. Lôo (Paris) - Dr M. Mallaret (Grenoble) - Pr D. Marcelli (Poitiers) - Pr R. Molimard (Villejuif) - V. Nahoum-Grappe (Paris) Dr C. Orsel (Paris) - Pr Ph. Parquet (Lille) - Pr B. Roques (Paris) - Pr L. Stinus (Bordeaux) - Pr J. Tignol (Bordeaux) - Dr C. Toledano (Villejuif) - Pr J.L. Venisse (Nantes). Comité de lecture Dr H.-J. Aubin (Limeil-Brévannes) - Dr N. Ballon (Fort-de- France) - Dr F. Baumann (Paris) - Dr J. Bouchez (Bagneux) Dr P. Chossegros (Lyon) - Dr D. Cœur-Joly (Malakoff) Dr J.J. Déglon (Genève) - Dr Y. Edel (Paris) - Dr G. Garreau (Gentilly) - Dr E. Imbert (Ivry-sur-Seine) - Dr G. Lazimi (Romainville) - Dr A. Mucchielli (Nice) - Dr X. Laqueille (Paris) Dr W. Lowenstein (Paris) - Dr D. Richard (Poitiers) Dr S. Robinet (Strasbourg) - Dr R. Teboul (Montreuil). Société éditrice : EDIMARK (DaTeBe Éditions) Président-directeur général : Claudie Damour-Terrasson Rédaction Secrétaire générale de la rédaction : Magali Pelleau Secrétaire de rédaction : Brigitte Hulin Rédacteurs-réviseurs : Cécile Clerc, Sylvie Duverger, Muriel Lejeune, Philippe-André Lorin, Odile Prébin Premier rédacteur graphiste : Didier Arnoult Rédactrices graphistes : Mathilde Aimée, Christine Brianchon, Sébastien Chevalier, Virginie Malicot, Rémi Tranchant Technicienne PAO : Christelle Ochin Dessinatrice d’exécution : Stéphanie Dairain Commercial Directeur du développement commercial : Sophia Huleux-Netchevitch Directeur des ventes : Chantal Géribi Directeur d’unité : Béatrice Tisserand Régie publicitaire et annonces professionnelles : Valérie Glatin Tél. : 01 46 67 62 77 – Fax : 01 46 67 63 10 Abonnements : Florence Lebreton (01 46 67 62 87) 2, rue Sainte-Marie, 92418 Courbevoie. Tél. : 01 46 67 63 00 – Fax : 01 46 67 63 10 E-mail : [email protected] Site Internet : http://www.edimark.fr CPPAP : 0411 T 78631 – ISSN : 1294-2561 Trimestriel - Prix du numéro : 34 Adhérent au SNPM – Revue indexée dans la base PASCAL (INIST-CNRS) Addict déc2010+.indd 3 13/12/10 09:25

Addictions sans drogue : un changement de paradigme

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Le Courrier des addictions (12) – n ° 4 – octobre-novembre-décembre 20103

editorial

Addictions sans drogue : un changement de paradigme Jean-Luc Venisse*

L ors de la dernière table ronde du congrès international francophone que nous avons or-ganisé les 6, 7 et 8 octobre derniers à Nantes ("Prévenir et traiter les addictions sans dro-gue : un défi sociétal"), Louise Nadeau1 évoquait, dans la continuité des propos qu’avait

tenu la veille Marc Valleur2, un changement de paradigme dans le champ des addictions, les addictions à des substances psychoactives devenant une modalité addictive parmi d’autres après avoir occupé pendant longtemps tout le terrain.Bien sûr, ce singulier renversement n’est pas pour déplaire à ceux qui, depuis quelques décen-nies, font des addictions comportementales pures le cœur de l’addiction. Cela nous permet de réfléchir de façon plus libre au processus addictif dans sa complexité, à distance de l’effet propre des toxiques, longtemps aveuglant.

Au premier plan, le consommateur, le sujet

Favorisée par la politique de réduction des risques, notamment infectieux, l’approche par com-portements de consommation plutôt que par produits, promue par Nicole Maestracci au tra-vers du plan gouvernemental 1999-2002, avait commencé à nous ouvrir la voie. Recentrant le problème du côté du consommateur, au sens large, de façon à en faire un individu responsable, même s’il est éventuellement vulnérable, elle permettait de sortir de fonctionnements mani-chéens, reflétés par les dogmes de la dépendance indispensable au repérage, aussi bien que de l’abstinence comme seule perspective thérapeutique. L’addictologie au sens actuel du terme est véritablement née de ces décalages et remises en question, permettant par la même occasion de faire une place plus grande aux polyaddictions, les associations et relais de conduites addic-tives, avec ou sans drogue, étant la règle plus que l’exception.

risque de dilution et de médicalisation de l’excès

Le territoire de l’addiction s’est dès lors grandement étendu avec des risques de dilution du concept et de médicalisation de l’excès. Dans le même temps, le fait que la question de l’ad-diction puisse nous concerner tous d’une manière ou d’une autre, ne participe-t-il pas à une salutaire "déstigmatisation" ?Les évolutions extrêmement rapides de nos sociétés engendrent une tension extrême entre des appétits débordants à la mesure d’une offre de consommation sans limite et de l’exigence d’au-tocontrôle qui suppose des capacités d’autorégulation, loin d’être également réparties chez cha-cun d’entre nous, et de façon stable dans le temps. Les addictions sans drogue sont à la fois le re-flet de ces évolutions sociologiques et technologiques (qui affectent également notre rapport au temps ainsi qu’aux autres), et dans le même temps la mise à jour, la sortie de la clandestinité ou la redéfinition d’un phénomène ancestral, autrefois du domaine de la morale ou de la religion.Conduites anorexiques-boulimiques, pratiques sportives extrêmes, pratiques dommageables de jeux ou d’achats divers, ou encore comportements sexuels suffisamment envahissants pour générer une vraie problématique de dépendance, s’inscrivent dans cette logique d’un processus susceptible de s’organiser durablement. Celui-ci est à la croisée d’une multitude de facteurs, pour les uns prédisposants, pour les autres déclenchants ou d’entretien, à la fois du registre individuel et contextuel. Notons que le schéma trivarié proposé par Claude Olievenstein et développé depuis par Marc Valleur n’a pas pris une ride en 50 ans et qu’il s’applique tout autant aux addictions comportementales pures. À partir de ce constat en matière d’addictions à des substances psychoactives, il serait tout aussi illusoire d’imaginer que la solution pourrait se trouver exclusivement, ou avant tout, du côté d’un contrôle prohibitionniste de l’offre, ou du traitement biologique d’une maladie dite "chronique".Dès lors que l’addiction est clairement repérée à l’aide des critères transversaux de Goodman,

* Chef du service d’addictologie, centre de référence du jeu excessif, CHU de Nantes. Président du Collège d’Addic-tologie de la Fédération française de psychiatrie. Espace Barbara, 9 bis, rue Bouillé, 44000 Nantes."À

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Le Courrier des addictions

Directeur de la publication : Claudie Damour Terrasson

Rédacteur en chef : Dr Didier Touzeau (Bagneux)Rédacteur en chef adjoint : Florence Arnold-Richez (Chatou)

Comité de rédactionF. Arnold-Richez (Chatou) - Dr M. Auriacombe (Bordeaux) - I. Berlin (Paris) - Dr R. Berthelier (Arpajon) - Pr B. Christophorov (Paris) - Dr F. Cohen (Créteil) - Dr P. Courty (Clermont-Ferrand) - Dr A. Dervaux (Paris) - E. Fellinger (Strasbourg) - Dr L. Gibier (Tours) - F. Noble (Paris) - Dr D. Touzeau (Bagneux) - Dr J. Vignau (Lille).

Comité scientifique Pr J. Adès (Colombes) - Pr D. Bailly (Lille) - Dr D. Barrucand (Limeil-Brévannes) - Pr G. Brücker (Paris) - Pr A. Charles-Nicolas (Fort-de-France) - Pr A. Féline (Le Kremlin-Bicêtre) - Pr C. Jacquot (Paris) - Pr Ph. Jeammet (Paris) - Pr G. Lagrue (Créteil) - Pr C. Lejeune (Colombes) - Pr H. Lôo (Paris) - Dr M. Mallaret (Grenoble) - Pr D. Marcelli (Poitiers) - Pr R. Molimard (Villejuif) - V. Nahoum-Grappe (Paris) Dr C. Orsel (Paris) - Pr Ph. Parquet (Lille) - Pr B. Roques (Paris) - Pr L. Stinus (Bordeaux) - Pr J. Tignol (Bordeaux) - Dr C. Toledano (Villejuif) - Pr J.L. Venisse (Nantes).

Comité de lectureDr H.-J. Aubin (Limeil-Brévannes) - Dr N. Ballon (Fort-de-France) - Dr F. Baumann (Paris) - Dr J. Bouchez (Bagneux) Dr P. Chossegros (Lyon) - Dr D. Cœur-Joly (Malakoff) Dr J.J. Déglon (Genève) - Dr Y. Edel (Paris) - Dr G. Garreau (Gentilly) - Dr E. Imbert (Ivry-sur-Seine) - Dr G. Lazimi (Romainville) - Dr A. Mucchielli (Nice) - Dr X. Laqueille (Paris) Dr W. Lowenstein (Paris) - Dr D. Richard (Poitiers) Dr S. Robinet (Strasbourg) - Dr R. Teboul (Montreuil). Société éditrice : EDIMARK (DaTeBe Éditions)Président-directeur général : Claudie Damour-Terrasson

RédactionSecrétaire générale de la rédaction : Magali PelleauSecrétaire de rédaction : Brigitte HulinRédacteurs-réviseurs : Cécile Clerc, Sylvie Duverger, Muriel Lejeune, Philippe-André Lorin, Odile PrébinPremier rédacteur graphiste : Didier ArnoultRédactrices graphistes : Mathilde Aimée, Christine Brianchon, Sébastien Chevalier, Virginie Malicot, Rémi TranchantTechnicienne PAO : Christelle Ochin Dessinatrice d’exécution : Stéphanie Dairain

CommercialDirecteur du développement commercial : Sophia Huleux-NetchevitchDirecteur des ventes : Chantal GéribiDirecteur d’unité : Béatrice TisserandRégie publicitaire et annonces professionnelles : Valérie GlatinTél. : 01 46 67 62 77 – Fax : 01 46 67 63 10Abonnements : Florence Lebreton (01 46 67 62 87)

2, rue Sainte-Marie, 92418 Courbevoie. Tél. : 01 46 67 63 00 – Fax : 01 46 67 63 10E-mail : [email protected] Site Internet : http://www.edimark.frCPPAP : 0411 T 78631 – ISSN : 1294-2561Trimestriel - Prix du numéro : 34 €Adhérent au SNPM – Revue indexée dans la base PASCAL (INIST-CNRS)

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Page 2: Addictions sans drogue : un changement de paradigme

Le Courrier des addictions (12) – n ° 4 – octobre-novembre-décembre 2010 4

vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvveditorialparticulièrement opérationnels en pratique, avec les notions centrales de craving, de perte de contrôle, de dommages multiples, et d’efforts vains répétés pour réduire ou arrêter le comportement, le problème est l’ensemble des ressources thérapeutiques qui vont se révéler utiles. À commencer par le travail motivationnel, car, in fine, c’est toujours le sujet concerné qui devra mettre en œuvre le changement souhaité. En continuant par la notion de cheminement progressif par étapes et objec-tifs bien définis qui permet d’échapper à la logique du "tout ou rien" et du "tout tout de suite". Sans oublier l’identification des situations à risque de nouvelles pertes de contrôle ainsi que des stratégies pour y faire face. Sans oublier surtout l’accompagnement étayant, stable et continu, aussi prolongé que nécessaire, lequel doit inclure également une réflexion sur le sens que la conduite peut avoir en référence à la singularité d’une histoire.

Toujours au plus près de la défaillance du sujet à s’autoréguler

Ainsi, si chaque type d’addiction garde ses spécificités, y compris en termes d’approches thérapeutiques (thérapie cognitive centrée sur la restriction alimentaire et l’image du corps chez l’anorexique ou le boulimique, et sur les lois du hasard chez le joueur pathologique, par exemple), ce noyau dur du traitement de l’addiction, qui se situe au plus près de cette défaillance – dans les capacités du sujet à autoré-guler ses comportements et, au-delà, ses relations au plaisir et à la souffrance – est au cœur de tout projet thérapeutique addictologique.

Il est aussi l’une des principales justifications à une conception addic-tive de troubles qui pourraient, à bien des égards, être envisagés d’une autre manière, car il nous donne des outils pour des interventions qui ont déjà montré leur intérêt en pratique.Bien sûr, cela n’exclut pas, à un autre niveau, une démarche de pré-vention qui est également une protection du consommateur, avec le souci, bien compliqué à faire vivre concrètement, de protéger les su-jets les plus vulnérables sans priver le plus grand nombre d’une liberté de choix qui comprend aussi la liberté d’éventuels excès.On voit donc que si changement de paradigme il y a, les questions posées à tous les niveaux demeurent.D’où la nécessité d’aborder la question des addictions sans drogue de façon pluridisciplinaire, en croisant les regards sur des phénomènes en évolution permanente, avec une démarche de recherche intégrant toujours la transversalité des processus addictifs, quel que soit leur objet, et malgré les spécificités de chacune. C’est en tout cas l’esprit qui nous anime au moment de la création au sein de la fondation hos-pitalière des CHU de Nantes et d’Angers, de l’Institut fédératif des ad-dictions comportementales (IFAC).� v

L’hyperactivité aurait une origine génétique

vDes chercheurs anglais de Cardiff (Nigel Williams et al.) ont analysé le génome de 366 enfants souffrant du trouble d’hyper-activité avec déficit de l’attention (TDAH). Ils ont montré que

celui-ci était dû à des mutations génétiques qui interviennent dans la même aire cérébrale que celle impliquée dans la schizophrénie et l’au-tisme. Les chercheurs suggèrent que cette pathologie serait plutôt liée à un trouble neurodéveloppemental que comportemental. "Nos résultats donnent des preuves génétiques d’une hausse du taux de variation du nombre de copies chez les personnes atteintes de TDAH et suggèrent que cette pathologie n’est pas purement une construction sociale", concluent les auteurs de ce travail. Cette découverte pourrait aider à vaincre la stigmatisation attachée à ce trouble, qui affecte 2 à 4 % des enfants dans les pays occidentaux, alors qu’on l’attribue trop souvent à des compor-tements éducatifs inadaptés, comme l’alimentation ou l’environnement. Williams NM, Zaharieva I, Martin A et al. Rare chromosomal deletions and du-plications in attention-deficit hyperactivity disorder: a genome-wide analysis. Lancet 2010;376(9750):1401-8.

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1. Professeure titulaire au département de psychologie de l’université de Montréal, elle a mené de nombreux travaux de recherches ayant pour objet l'alcool et les drogues, particulièrement la comorbidité psychiatrique, l'épi-démiologie de l'alcool ainsi que le rapport des femmes avec les substances psycho-actives. 2. Chef du service de soins aux toxicomanes de l'hôpital Marmottan.

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