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Lycée Ste Geneviève R. Le Roux PC* 2018-2019 ADS et TIPE Composés organofluorés 1/1 ADS DE CHIMIE THÈME : COMPOSÉS ORGANOFLUORÉS Temps de préparation : 2 h Temps de présentation devant le jury : 15 min Entretien avec le jury : 25 min DOCUMENTS FOURNIS Article n°1 : « Tendances et défis en chimie organique du fluor » p. 56 à 66, l’Actualité Chimique n°301-302, octobre-novembre 2006. Article n°2 : « Le fluor en chimie organique : une montée en puissance », p 56-61, l’Actualité Chimique n°393-394, février-mars 2015. ANNEXE Une classification périodique des éléments est fournie. TRAVAIL À EFFECTUER Présenter un exposé d’une quinzaine de minutes sur le thème « Les différentes stratégies de synthèse des composés organofluorés » en utilisant les textes fournis et en faisant appel à votre culture personnelle. CONSEILS GÉNÉRAUX POUR LA PRÉPARATION DE L'ÉPREUVE En fin de préparation, rassemblez et ordonnez soigneusement TOUS les documents (transparents, etc.) dont vous comptez vous servir pendant l'oral, ainsi que le dossier, les transparents et les brouillons utilisés pendant la préparation. En entrant dans la salle d'oral, vous devez être prêts à débuter votre exposé.

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Lycée Ste Geneviève R. Le Roux

PC* 2018-2019

ADS et TIPE – Composés organofluorés 1/1

ADS DE CHIMIE

THÈME : COMPOSÉS ORGANOFLUORÉS

Temps de préparation : 2 h

Temps de présentation devant le jury : 15 min

Entretien avec le jury : 25 min

DOCUMENTS FOURNIS

Article n°1 : « Tendances et défis en chimie organique du fluor » p. 56 à 66, l’Actualité Chimique

n°301-302, octobre-novembre 2006.

Article n°2 : « Le fluor en chimie organique : une montée en puissance », p 56-61, l’Actualité

Chimique n°393-394, février-mars 2015.

ANNEXE

Une classification périodique des éléments est fournie.

TRAVAIL À EFFECTUER

Présenter un exposé d’une quinzaine de minutes sur le thème « Les différentes stratégies de

synthèse des composés organofluorés » en utilisant les textes fournis et en faisant appel à votre

culture personnelle.

CONSEILS GÉNÉRAUX POUR LA PRÉPARATION DE L'ÉPREUVE

En fin de préparation, rassemblez et ordonnez soigneusement TOUS les documents (transparents,

etc.) dont vous comptez vous servir pendant l'oral, ainsi que le dossier, les transparents et les

brouillons utilisés pendant la préparation. En entrant dans la salle d'oral, vous devez être prêts à

débuter votre exposé.

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l’actualité chimique - octobre-novembre 2006 - n° 301-30256

Nouvelles voies de synthèse

Tendances et défis en chimie organique du fluorBernard Langlois, Serge Ratton et Jean-Marc Paris

Résumé La chimie organique du fluor est une science qui ne s�est réellement développée que depuis la SecondeGuerre mondiale, mais qui connaît depuis une croissance spectaculaire, en raison de ses applicationsbiologiques (pharmacie, agrochimie) et de la découverte de nouveaux matériaux. Une recherche active, tantacadémique qu�industrielle, est menée depuis trente ans avec succès. De nombreux outils ont étédéveloppés mais beaucoup de défis restent à relever, comme la maîtrise de l�utilisation de F2 dans desconditions douces ou l�introduction stéréosélective d�atomes de fluor ou de groupements fluorés.

Mots-clés Fluor, acide fluorhydrique, fluorure d�hydrogène, composés organiques fluorés.

Abstract Trends and challenges in organic fluorine chemistryOrganofluorine chemistry is a science which has been really developed only since World War II, but thatshows a spectacular growth, essentially because of its biological applications (pharmaceuticals,agrochemicals) and the appearance of new materials. A tremendous and successful research, both from theacademic world and the chemical industry, is carried out from the 70�s. Numerous tools have been developedbut many challenges have to be overcome, such as the control of the fluorine use under mild conditionsor the stereoselective introduction of fluorine atoms as well as fluorinated moieties.

Keywords Fluorine, hydrofluoric acid, hydrogen fluoride, organofluorine compounds.

Historique

Le fluor a toujours semblé, au premier abord, un élémentmystérieux et fascinant, d’autant que la compréhension de

ses propriétés et de sa réactivité, surtout dans le domaine dela chimie organique, est un phénomène récent si l’on compareles connaissances que l’on en a à celles accumulées à proposde ses congénères que sont le chlore (découvert parK.W. Scheele en 1774) ou le brome (découvert par A.J. Balarden 1824). Par exemple, alors que A.L. Lavoisier n’éprouve pasla nécessité de préciser les premières mises en évidence del’acide chlorhydrique ou de l’acide bromhydrique, il précise,dans la seconde édition de son Traité élémentaire de chimie,à propos de « l’acide fluorique » (acide fluorhydrique) que :« C’est à M. Margraff que nous devons la première connais-sance de cet acide ; mais il ne l’a jamais obtenu que combinéà une quantité considérable de silice : il ignorait d’ailleurs quece fut un acide particulier […]. M. le duc de Liancourt, dansun Mémoire imprimé sous le nom de M. Boulanger, a étendubeaucoup plus loin nos connaissances sur les propriétés del’acide fluorique ; enfin M. Scheele semble avoir mis la der-nière main à ce travail » [1]. Et Lavoisier ajoute ingénument :« Il ne reste plus aujourd’hui qu’à déterminer quelle est lanature du radical fluorique » (en termes actuels : à isolerl’élément fluor !).

C’était sans compter avec la très grande affinité de l’acidefluorhydrique pour la silice, qui a retardé son isolement à l’étatpur jusqu’aux travaux de Gay-Lussac et Thénard, qui l’ontobtenu hydraté en 1809-1810 [2-3], puis de Frémy qui l’obtintanhydre en 1856 seulement [3]. Un autre frein fut sa hautetoxicité, que nous décrit de façon apocalyptique Louyet en1846 [4] : « Il est nécessaire de prendre les plus grandesprécautions pour se préserver de l’atteinte des vapeurs fluo-rhydriques […] car elles agissent avec la plus grande énergiesur l’économie animale. […] Outre les douleurs aiguës sousles ongles, l’inflammation momentanée des yeux, la fatigue dela vue, on est atteint de maux de poitrine, d’irritation prolongéedu larynx, de crachements épais et parfois sanglants et il fautbeaucoup de temps pour se rétablir. […] Le révérend Th. Knoxa failli en mourir ; le mal n’a disparu qu’en faisant usage del’acide cyanhydrique pendant six mois (!!). M. George Knox ena ressenti les effets pendant trois années, et a dû aller à Naples

Figure 1 - L’expérience historique d’Henri Moissan (vued’artiste !) [28].

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Nouvelles voies de synthèse

pour se rétablir. Quant à moi ma santé en a été profondémentaltérée, et j’ai craché le sang à plusieurs reprises. » Pour toutdire, Louyet y laissa la vie… et Moissan lui-même reconnaîtque « le fluor aura raccourci ma vie de dix ans » [5]. Ceci expli-que probablement que A.M. Ampère ait voulu changer le nomde fluor (adopté par H. Davy en 1813 en remplacement d’oxy-fluorique) pour celui de phtore (du grec « destructeur ») [6].

Il aura donc fallu presque un siècle, pendant lequel pasmoins de seize chimistes, et non des moindres (H. Davy,A.M. Ampère, M. Faraday, E. Frémy…), ont échoué danscette entreprise, pour que se réalise la prédiction de Lavoisier,à savoir l’isolement du fluor par Henri Moissan le 26 juin 1886,112 ans après celui du chlore (figure 1) !

Cependant, si l’isolement du fluor a eu des conséquencespresque immédiates en chimie minérale, il n’en a pas été demême en chimie organique puisque, dans l’ouvrage rédigé en1900 par Moissan et exclusivement consacré au fluor [7], lescomposés fluorés organiques n’occupent que 26 des 303pages, et encore s’agit-il essentiellement du fluorure deméthyle, du fluorure d’éthyle et du fluorure d’isobutyle. En fait,les composés organiques fluorés sont restés des curiositésde laboratoire jusqu’au début des années 1930, alors que lachimie organique du chlore, dopée par la Première Guerremondiale (et ses gaz de combat…), avait atteint le stadeindustriel depuis longtemps. Quelques jalons doivent cepen-dant être mentionnés [8], comme la synthèse du fluorure deméthyle par Dumas et Péligot en 1835, celle du fluorured’éthyle par Frémy en 1855 et la transformation du chlorured’acétyle en fluorure d’acétyle par Borodine en 1863. Durantcette période, le travail le plus remarquable fut celui du chi-miste belge Frédéric Swarts (probablement l’un des plusgrands noms de la chimie organique du fluor) (figure 2) qui,de 1890 à 1930, a patiemment étudié la réactivité des com-posés fluorés, en particulier ceux dérivés de l’acidetrifluoroacétique, et mis au point les réactifs à base de trifluo-rure d’antimoine pour substituer un ou plusieurs atomes dechlore par des atomes de fluor, ce qui a abouti à la premièresynthèse du (trifluorométhyl)benzène, produit de la plus hauteimportance en chimie fine.

En fait, cette relative stagnation peut être liée à une remar-que que faisait déjà Moissan en 1900 dans la préface de sonlivre [3] : « Trop confiants dans le parallélisme des réactions,nous ne nous servons, le plus souvent, pour préparer de nou-veaux composés du fluor, que de l’analogie qu’ils doiventprésenter avec les composés chlorés, bromés et iodés. Nousn’employons pas la méthode expérimentale dans toute sarigueur. […] Ce sont surtout les différences et non pas lesanalogies qui devraient nous attirer. A ce point de vue, l’étudedes composés fluorés réserve encore bien des surprises. »Oh combien !

Néanmoins, si la chimie des produits aliphatiques fluorésa peu évolué jusque dans les années 1930, la synthèse descomposés fluorés aromatiques a progressé, lentement maiscontinûment, car il a longtemps suffi pour cela d’adapter destechniques relativement standard [8]. Dès les années 1870,Schmitt et Von Gehren (1870) puis Lenz (1877) étudient ladécomposition des sels d’arènediazonium par l’acide fluo-rhydrique concentré, méthode qui sera perfectionnée parOstwald et Scherer en 1934 pour le compte de I.G. Farben,en opérant dans le fluorure d’hydrogène anhydre, ce qui pré-figure les procédés industriels actuels (vide infra). A la mêmeépoque, Paterno et Oliveri (1882), puis Wallach et Heusler(1888), décrivent la décomposition des N,N-dialkyl-aryltriazè-nes par HF, méthode qui sera réétudiée dans les années 1980,malheureusement sans débouché industriel. S’ensuit la mise

au point de la décomposition thermique des fluoroboratesd’aryldiazonium par Schiemann en 1927, méthode qui, aprèsamélioration, s’avère toujours pratique pour préparer desfluoroarènes au laboratoire, sans équipement spécifique, etaussi pour marquer des substrats aromatiques au fluor 18(utilisation en tomographie par émission de positons). Enfin,les premières synthèses de 2,4-dinitrofluorobenzène, utilisantla substitution nucléophile aromatique du 2,4-dinitrochloro-benzène à l’aide de fluorures alcalins, ont été étudiées parHolleman entre 1905 et 1915. Améliorée par Gottlieb en 1936,cette technique préfigurera le procédé de fluoration aromati-que « par échange d’halogènes » (procédé « Halex », videinfra).

Donc, dans les années 1930, un certain nombre desgrands outils de la chimie organique du fluor étaient décrits.Restaient à trouver les motivations qui allaient déclencher ledéveloppement de cette chimie. Quatre grands évènementsvont provoquer cette révolution [8] :• La découverte de fluides réfrigérants remplaçant l’ammo-niac par Thomas Midgley (ingénieur de la Société FrigidaireCo., filiale de General Motors) en 1928. Ce fut le point dedépart de la saga des CFC, avec la production, dès lesannées 1930, de CFCl3 (F11), CF2Cl2 (F12), CF2ClCFCl2(F113), ClCF2CF2Cl (F114), puis de CHF2Cl (F22). Ceci a per-mis, à la suite des travaux de Henne (figure 3), le développe-ment industriel des méthodes de fluoration par échanged’halogènes à l’aide de fluorure d’hydrogène anhydre, tech-nique qui reste encore l’outil majeur pour la production de(trifluorométhyl)arènes à grande échelle (vide infra).• La découverte fortuite du polytétrafluoroéthylène (PTFE),plus connu sous la marque Téflon®, par R.J. Plunkett(DuPont de Nemours) en 1938 (figure 4). Les propriétés

Figure 2 - Frédéric Swarts (1866-1940) [8].

Figure 3 - Albert Leon Henne (1901-1967) [8].

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58 l’actualité chimique - octobre-novembre 2006 - n° 301-302

Nouvelles voies de synthèse

remarquables de ce polymère vont induire une étude pous-sée, y compris sur le plan industriel, de toute une série d’olé-fines fluorées et de leur polymérisation avec, en particulier, lanaissance du poly(chlorotrifluoroéthylène) (PCTFE) et dupolyfluorure de vinylidène (PVDF), le plus employé despolymères fluorés à l’heure actuelle.• Le projet Manhattan [9], lancé dès 1941 par le gouverne-ment américain pour la fabrication d’une bombe nucléaire. Lanécessité de produire de l’hexafluorure d’uranium en grandequantité, pour procéder à l’enrichissement isotopique del’uranium, a induit une recherche technologique intensive surles générateurs de fluor (UF6 résulte de la fluoration de UF4par F2), essentiellement menée par G.H. Cady, L.A. Bigelowet W.T. Miller, son élève (figure 5). Il a ensuite fallu trouver desmatériaux résistant à UF6, produit très corrosif, c’est-à-direconcevoir des liquides caloporteurs, des lubrifiants et despolymères ne contenant que du carbone et du fluor. Il en arésulté un développement important des réactions de fluora-tion par F2 en phase gazeuse, de la fluoration par le trifluorurede cobalt (vecteur de fluor encore utilisé dans les années1980). S’y ajoute la perfluoration électrochimique (« procédéSimons » d’électrolyse d’un mélange de substrat hydrocar-boné et de fluorure d’hydrogène), découverte en 1941, maispubliée seulement en 1949 pour des raisons stratégiques évi-dentes, qui est encore très utilisée de nos jours pour laproduction de tensioactifs très performants.• La mise en évidence, dès les années 1960 et au fur et àmesure que le nombre de nouvelles molécules fluorées pro-gressait de façon vertigineuse, des modifications surprenan-

tes apportées, sur le plan biologique, à un substratorganique par l’introduction d’un ou plusieurs atomes defluor. Ces constatations ont alors fait entrer la chimie organi-que du fluor dans le domaine de la chimie fine, de la pharma-cie et de l’agrochimie. Avec les matériaux, ces applicationsconstituent toujours l’un des moteurs les plus puissants dudéveloppement de ce domaine.

La chimie organique du fluor est donc une science trèsjeune, comparée à celle des autres halogènes, qui n’a puprendre son essor que par la levée de verrous technologiquesimportants, liés à la difficulté de manipulation de réactifscomme HF ou F2 et à l’extrême pouvoir oxydant de ce dernier,mais aussi par la compréhension, parfois chaotique jusqu’en1945, des réactivités inhabituelles des composés fluorés.Mais la valeur n’attend pas le nombre des années et, depuisce démarrage spectaculaire, cette discipline a fait, et faitencore, l’objet d’une recherche très vivace dont les retom-bées sont importantes dans de nombreux domaines. Qu’enest-il de nos jours ?

Le développement de la chimie organique du fluor au cours des trente dernières années

Par ses caractéristiques électroniques et stériques, l’atomede fluor confère à la molécule qui le contient des propriétéstout à fait remarquables dans des domaines d’applicationsnombreux et variés (figure 6) : pharmacie, biomédical,

F

a

3C

OHN

b c d

Figure 6 - Exemples d’applications du fluor.a) La fluoxétine (Prozac®) : l’un des médicaments fluorés les plus connus ; b) Les liquides « perfluorés », qui peuvent dissoudre de grandes quantités de gaz : unesouris peut survivre en respirant dans ces milieux saturés en oxygène (respiration « liquide ») ; c) Les tensioactifs à longue chaîne perfluorée, qui sont les plusefficaces pour stabiliser les mousses utilisées dans l’extinction des grands incendies (cliché aimablement fourni par Martial Pabon, DuPont de Nemours France) ;d) La membrane Gore-Tex® en PTFE (structure microscopique à droite), imperméable à l’eau en phase liquide (donc à la pluie) et permettant d’évacuer l’eau enphase gazeuse (donc la transpiration) [29].

Figure 4 - Roy J. Plunkett en 1938 (à droite) [8].

Figure 5 - Lucius Aurelius Bigelow (1892-1973), à gauche [8], etWilliam T. Miller en 1941 [9].

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59l’actualité chimique - octobre-novembre 2006 - n° 301-302

Nouvelles voies de synthèse

imagerie médicale, phytosanitaire, colorants, cristaux liqui-des, tensioactifs, agents extincteurs, polymères...

Pour cette raison, les composés organofluorés occupentune place importante dans la recherche et le développementdes nouveaux principes actifs, monomères ou produits despécialités. De ce fait, le nombre de nouveaux produits fluo-rés, ainsi que celui des publications et brevets qui lesdécrivent, sont en progression constante et soutenue depuisla fin des années 1960 [10] (figure 7).

Incontestablement, la majeure partie de ces composésest destinée aux applications biologiques (pharmacie etagrochimie) : actuellement, environ 40 % des molécules phy-tosanitaires et 25 % des molécules pharmaceutiques sur lemarché ou en développement avancé comportent au moinsun atome de fluor. Cet engouement est dû à la modificationimportante des propriétés biologiques d’une molécule induitepar l’introduction d’un atome de fluor ou d’un motif fluoré telque CF3 ou, plus récemment, CHF2, SCF3, OCF3, SCHF2 etOCHF2 [11]. Ces modifications sont liées aux caractéristiquesintrinsèques de l’atome de fluor [12], à savoir :- un faible rayon de Van der Waals (1,47 Å), intermédiaireentre celui de l’hydrogène (1,20 Å) et celui de l’oxygène(1,52 Å) : le remplacement d’un atome d’hydrogène ou d’unefonction OH par un fluor modifie donc modérément levolume de la molécule ;- une polarisabilité nettement plus faible que celle del’hydrogène et de l’oxygène (F : 0,557 Å3 ; H : 0,667 Å3 ; O :0,820 Å3) et la plus forte électronégativité de tous les élé-ments (F : 3,98 ; O : 3,44 ; Cl : 3,16). Les liaisons C-F sontdonc toujours très polarisées, les répartitions électroniquesdes molécules fluorées sont très différentes de celles deleurs homologues hydrogénées, et les fonctions protiquesproches du motif fluoré sont acidifiées (par exemple, l’imida-zole présente un pKa de 7,1 alors que ses homologuesfluorés en position 2 ou 4 possèdent un pKa de 2,4) ;- une très forte hydrophobie apportée par les motifs fluorésaux molécules qui les portent, ce qui améliore leur biodispo-nibilité en facilitant leur passage transmembranaire (figure 8).Cette hydrophobie est quantifiée par le paramètre ΠR deHansch, attaché à chaque substituant R et issu de la mesuredu coefficient de partage entre l’eau et le n-octanol d’unaromatique PhR rapporté à celui du benzène (tableau I).

Ces applications expliquent l’attrait que présente lachimie des organofluorés pour les sociétés industrielles et,depuis les années 1970, cette grande famille de composésconnaît une croissance très forte en chimie fine, croissancequi serait encore plus élevée, au niveau industriel, si elle n’étaitpas limitée par les difficultés techniques et économiquesqu’occasionne l’introduction de l’atome de fluor à l’échelleindustrielle. Néanmoins, un travail considérable a été réalisédepuis trente ans par les chercheurs pour trouver des répon-ses à un certain nombre de problèmes fondamentaux,mais aussi aux nombreux défis synthétiques et techniquescaractérisant ce domaine.

Avancées de la recherche fondamentale

Durant cette période, la recherche académique s’estorientée dans plusieurs directions :

Réponses à des problèmes fondamentaux• L’atome de fluor étant très électronégatif, peut-on s’atten-dre à ce que, à l’instar de l’oxygène, il soit un bon accepteurde liaison hydrogène ? Cette question fait encore l’objet d’undébat, en particulier à l’initiative de D. O’Hagan et de J. Dunitz[13]. En effet, s’il est depuis longtemps admis que l’ion fluo-rure peut participer à des liaisons hydrogène, l’examen, dansles années 1990, des banques de données cristallographi-ques, maintenant bien étoffées en composés fluorés, n’a

Nou

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fluor

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Nom

bre

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Nom

bre

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Année

Année

Brevets Autres publications

Figure 7 - Évolution du nombre de produits fluorés et de publications liées [10].

Figure 8 - La conformation hélicoïdale d’une chaîne depoly(tétrafluoroéthylène) (en vert, pas de l’hélice : 26 CF2), quipermet de minimiser les répulsions coulombiennes entre lesatomes de fluor, est très différente de la conformation « zig-zag »d’une chaîne de poly(éthylène) (en blanc). Elle explique l’inertiechimique et l’hydrophobie des composés perfluorés [29].

Tableau I - Constantes de Hansch ΠR de différents substituantsfluorés.ΠR = log P(PhR) - log P(PhH) (eau/n-octanol). ΠR > 0 : substituant hydrophobe, ΠR < 0 : substituant hydrophile.

ΠR ΠR

H 0,00 F + 0,14

CH3 + 0,56 CF3 + 0,88

OCH3 - 0,02 OCF3 + 1,04

SCH3 + 0,61 SCF3 + 1,44

SO2CH3 - 1,63 SO2CF3 + 0,55

NHSO2CH3 - 1,18 NHSO2CF3 + 0,92

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60 l’actualité chimique - octobre-novembre 2006 - n° 301-302

Nouvelles voies de synthèse

révélé que peu de produits où la distance entre un atomed’hydrogène et un atome de fluor lié à un carbone est suffi-samment courte pour être compatible avec une liaison hydro-gène. Un consensus se dessine néanmoins pour admettreque le fluor peut être un faible accepteur de liaison hydrogène(interactions de l’ordre de 8 à 13 kJ/mol) alors que l’énergiede la liaison hydrogène avec l’oxygène est comprise entre21 et 42 kJ/mol.• Quelle est la taille d’un groupement fluoré ? En effet, sil’atome de fluor possède un faible rayon de Van der Waals, ilapparaît souvent plus volumineux dans nombre de réactionsou de processus biologiques. De même, le volume du groupeCF3 est expérimentalement assimilé à celui d’un motif isopro-pyle. Cela résulte du fait que les interactions coulombiennesavec un atome aussi électronégatif que le fluor doivent êtreprises en compte. B.E. Smart a bien résumé la situation [14] :« Bien que la plus grande taille du fluor, par rapport à l’hydro-gène, soit fermement établie, il n’est pas rare de rencontrerdes publications revendiquant l’absence d’effet stérique dufluor. Il n’y a rien d’inconsistant à cela, mais la confusion peutprovenir d’une mauvaise compréhension de la différence

entre la « taille » stérique, qui est une propriétémoléculaire intrinsèque, et « l’effet » stérique, quiest un phénomène extrinsèque. La taille stérique(rayon ou volume de Van der Waals) est un termeabsolu, mais le fait qu’il cause ou non un effet sté-rique est entièrement dépendant de la nature del’état de transition pour le processus particulier con-sidéré qui définit le degré d’interaction coulom-bienne entre l’atome ou le groupe en question et lesautres atomes. Il est sans signification de se deman-der si le fluor a un effet stérique sans spécifier le pro-cessus chimique ou physique impliqué. »

Ouverture vers la chimie bioorganiqueL’utilisation de différents motifs fluorés en phar-

macochimie s’est largement développée ces trentedernières années [11, 15]. Comme indiqué précé-demment, les substituants OCF3 et SCF3, qualifiésde super-halogènes du point de vue électronique,apportent une hydrophobie importante. Les grou-

pements OCHF2 et SCHF2, qui possèdent des hydrogènesrelativement acides, permettent de créer des liaisons hydro-gène avec les sites récepteurs. Il est aussi courant maintenantde substituer différentes fonctions organiques par des grou-pes fluorés susceptibles de mimer leur interaction avec lesrécepteurs enzymatiques. Par exemple, F peut remplacer OH,CF2 un oxygène, C=CF2 un C=O, CF2H est isostérique etisoélectronique de SH (figure 9), et C=C(F)- peut mimer uneliaison peptidique. Ces entités sont largement utilisées poursynthétiser des pseudo-peptides ou des mimes de nucléosi-des résistant à la métabolisation, donc plus efficaces.

Mise au point de nouveaux réactifs [15]De nouveaux réactifs de fluoration comme le DAST

(Et2NSF3) ou son analogue Deoxofluor®, plus stable donc uti-lisable industriellement, de même que des difluorométhylè-nediamines tétrasubstituées (vide infra), ont été développéspour substituer des fonctions alcools par un fluor ou trans-former des groupes carbonyles en motifs CF2. Ils remplacentavantageusement le tétrafluorure de soufre, très toxique.

En revanche, le fluor moléculaire a été peu utilisé en syn-thèse organique, jusqu’aux années 1990, du fait de sa granderéactivité car il engendre très facilement, à partir de liaisonsC-H, des réactions radicalaires en chaînes arborescentes, dif-ficiles à contrôler, ce qui exclut d’une part de calquer la chimieorganique du fluor sur celle du chlore et, d’autre part, limiteune extrapolation industrielle. Cependant, sous l’impulsion deR.D. Chambers [16], il est maintenant possible d’utiliser lefluor comme un pur électrophile en le polarisant (Fδ+-Fδ-) enmilieu acide fort. On peut alors le mettre en œuvre à tempé-rature ambiante (figure 10), ce qui ouvre de nouvelles pers-pectives.

Le fluor moléculaire restant cependant de manipulationdélicate sans installation adaptée, des réactifs de fluorationélectrophile, plus coûteux mais d’emploi aisé, ont été déve-loppés (figure 11). Certains sont chiraux et permettent destransferts de chiralité intéressants (e.e. = 60 à 70 %) [17].

Développement de la synthèse par synthonsDepuis les années 1970, on assiste à une floraison extra-

ordinaire de nouvelles molécules fluorées, de masse molécu-laire relativement faible mais fonctionnelles ou polyfonction-nelles, dont la réactivité est maintenant bien connue etmaîtrisée, et qui peuvent être utilisées comme briques deconstruction d’une quantité presque infinie de produits plus

Figure 9 - Le motif CHF2 mime parfaitement la fonction thiol, tant sur le plan stérique qu’auxniveaux électronique et électrostatique.

Ph SN

OO

FSPhO

O

(NFSI)

NN

F

Cl

BF4

BF4

(F-TEDA ou Selectfluor )R

N

N

F

F

BF4

BF4N

N

FBF4

HO

N

R

R = H, OMe

Figure 11 - Réactifs de fluoration électrophile.

Figure 10 - Modes de dissociation de F2.D(F-F) = 155 kJ.mol-1 (Cl-Cl : 242 kJ.mol-1), E° = 2,65 V (vs H+) (Cl-Cl :1,36 V).

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61l’actualité chimique - octobre-novembre 2006 - n° 301-302

Nouvelles voies de synthèse

élaborés. Elles sont maintenant accessibles à partir d’un cata-logue de plus en plus étoffé de précurseurs industriels.

Développement de méthodes de fluoroalkylation directeLa préparation de produits organiques fluorés par la

méthode des synthons est toujours la plus employée de nosjours, mais cette technique souffre cependant de quelquesinconvénients :- chaque molécule-cible doit être élaborée par un enchaî-nement spécifique de réactions ;- les précurseurs disponibles ne permettent pas toujoursd’envisager la synthèse la plus courte et la plus économique ;- le groupement fluoré est introduit très tôt dans la chaîneréactionnelle, ce qui n’est pas très économique.

Depuis le début des années 1990, on assiste donc à unerecherche soutenue de méthodes d’introduction directe demotifs fluorés (en particulier CF3), méthodes qui soient suffi-samment générales pour permettre le greffage sur dessubstrats élaborés, donc dans une étape tardive de la syn-thèse. En ce qui concerne la trifluorométhylation, réaction dece type la plus étudiée, des techniques et des réactifs ont étéélaborés pour engendrer le radical •CF3, des équivalents ducation +CF3 ou des équivalents de l’anion -CF3 (instable àl’état libre) [15, 18-21]. Quelques-unes de ces méthodes sontillustrées dans la figure 12.

La fluoroalkylation énantiosélectiveBien que travaillée par plusieurs équipes universitaires, la

trifluorométhylation énantiosélective reste aujourd’hui un défimajeur dans la mesure où quelques molécules trifluoromé-thylées bioactives chirales sont déjà sur le marché (figure 13).En effet, les tentatives connues de trifluorométhylation énan-tiosélective sont en nombre très limité et demeurent encoredécevantes puisque le transfert de chiralité ne dépassegénéralement pas 50 % à l’heure actuelle [22].

Une recherche intensive dans de nombreux pays (Europe,États-Unis, Ukraine, Japon, Chine…) a donc amené laconnaissance de la chimie organique du fluor, ainsi que de

ses applications potentielles, à un stade de maturité avancéen quelques décennies seulement. Qu’en est-il au niveau desréalisations industrielles ?

Avancées industrielles en chimie fine

Des systèmes de fluoration originaux et élégants sontdécouverts périodiquement au niveau académique, mais leurtransposition à l’échelle industrielle ne se concrétise que danspeu de cas. Les véritables percées industrielles demeurentrares. Par contre, les travaux portant sur les techniques tra-ditionnelles ont permis une amélioration significative dessystèmes existants. Les sociétés industrielles, leaders dudomaine, ont ainsi acquis une très grande maîtrise de leursprocédés de fluoration.

Les synthons fluorés, d’autre part, permettent l’introduc-tion sur les substrats non pas du seul atome de fluor mais desgroupements fluorocarbonés souhaités. Il s’agit d’une autredémarche adoptée plus récemment par les chimistes impli-qués en chimie fine pour faire face aux difficultés souventrencontrées pour introduire sélectivement l’atome de fluor surun substrat. Il existe de nombreux travaux de recherche dontcertains ont déjà donné lieu à des réalisations industrielles.

Procédés de fluoration directe en chimie fineA l’échelle industrielle, il existe trois réactifs permettant

l’introduction de l’atome de fluor sur un substrat organique.Deux d’entre eux sont utilisés à une très large échelle. Rare-ment en compétition, ces deux réactifs et les réactionscorrespondantes sont très souvent complémentaires :- l’acide fluorhydrique (HF),dont la mise en œuvre en chimiefine s’inspire de la forte expertise accumulée en chimie debase, dans les procédés de synthèse des CFC et HFC ;- le fluorure de potassium (KF), une alternative à HF lorsquece dernier n’est pas envisageable.

Le troisième réactif est le fluor élément (F2) qui est utilisépour des applications encore très limitées à ce jour. Alors queF2 réalise la fluoration par un processus électrophile/oxydant,HF et KF procèdent par processus nucléophile de substitutiond’un groupement libérable nucléofuge.

• Réactions de fluoration par HF et KFCes réactions peuvent se faire, selon le substrat et la

nature du groupement libérable, dans des conditions doucesou, au contraire, peuvent exiger des conditions très dures. Lanature du solvant et la présence éventuelle d’un catalyseursont des facteurs qui jouent souvent un rôle prépondérant surle déroulement de la réaction de fluoration. Dans le cas de HF,la réaction de fluoration peut se dérouler en phase liquide[23] ou en phase vapeur [24]. Les principes de ces grandes

CF3I

F3C SPh

O

CF3Br

+ e- Br-

.CF3

COPhS.

Br.

[19]

[20]

CF3SiMe3 F

CF3CO2K

CuI∆

F3C NR2H

OTMSF

[21]équivalent

CF3

SCF3

R1 R2 équivalent

CF3TfO

Figure 12 - Techniques de trifluorométhylation.

F3C O

NO

OHO

H3CO

Befloxatone(antidépresseur)

NH

O

F3CCl

O

Efavirenz (Sustiva )(anti-VIH)

R

Figure 13 - Molécules trifluorométhylées bioactives chirales.

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62 l’actualité chimique - octobre-novembre 2006 - n° 301-302

Nouvelles voies de synthèse

Encadré 1

Principes des grandes techniques de fluoration

Techniques de fluoration par HF en phase liquide

• Le groupement libérable est –N2+

* Réaction de Balz Schiemann :

* Et sa variante :

Ces deux techniques sont encore très largement utilisées à l’échelle industrielle malgré leurs nombreux et importants inconvénients(produits dangereux, toxiques, corrosifs, rejets élevés…).

• Le groupement libérable est un halogénure, en général Cl-

* Échange Cl/F sur un groupement –CCl3 :

Cette réaction très générale est réalisée à basse température (0 à 20 °C) et pression atmosphérique ou à haute température (80 à 120 °C)et pression élevée (10 à 20 atm) selon les substrats. Il s’agit d’une technique très performante (productivité élevée, pas de rejet salin…),mais qui exige un grand savoir-faire dans sa mise en œuvre industrielle.

* Et une variante, encore au stade du développement [23] :

Selon les conditions, il est possible d’accéder à - A -, - B - ou - C - sélectivement.

Techniques de fluoration par HF en phase gazeuse

• Le groupement libérable est un halogénure, en général Cl-

* Échange Cl/F sur un groupement –CCl3 aliphatique :

C’est principalement par cette technique, qui présente de nombreux avantages techniques et économiques, qu’est fabriqué l’acidetrifluoracétique. Le procédé alternatif, toujours en place, mettant en jeu les CFC comme matière première, n’est plus compétitif aujourd’hui.

* Remplacement –O-CO-Cl/F:

Cette technique est très générale (pour les produits qui supportent les hautes températures), mais n’a été exploitée qu’au stade piloteà ce jour [24].

Techniques de fluoration par KF

• Le groupement libérable est un halogénure, généralement chlorure, rarement bromure* Échange Cl/F en série aromatique ou hétéroaromatique :

La réaction est très générale et peut être conduite entre 80 et 250 °C selon les substrats. Dans certains cas rares, en l’absence de solvant,la température est supérieure à 300 °C. Les performances de la réaction sont liées à la qualité de KF (granulométrie, humidité…).

* Échange Cl/F sur un groupement chlorocarboné d’une fonction éther :Exemple de réaction où fluoration par KF et fluoration par HF liquide sont utilisées industriellement :

NaNO2

ArNH2 ArN2 + BF4- + NaBF4 + 2 H2O

HBF4 isolé thermolyse ArF + BF3 + N2

NaNO2

ArNH2 ArF + NaF + (x - 2) HF + H2O + N2 x HF

sel de diazo décomposé au fur et à mesure de sa formation

x HF

ArXCCl3 ArXCF3 + (x - 3) HF + 3 HClAr = aromatique et hétéroaromatique ; X = O, S, rien

HF

ArXCCl3 ArXCFCl2 + ArXCF2Cl + ArXCF3 + HF amine tertiaire - A - - B - - C -

x HF gaz H 2O liquide

CCl3COCl CF3COF + H2O CF3COOH + HF catalyseur

x HF gaz

ArOCOCl ArF + CO2 + HCl catalyseur

KF

ArCl ArF + KCl solvant polaire

Ar = aromatique et hétéroaromatique ; solvant polaire = sulfolane, NMP, DMAC, DMSO…

O

O

F

F

O

O

Cl

Cl

KF

Solvant polaire

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63l’actualité chimique - octobre-novembre 2006 - n° 301-302

Nouvelles voies de synthèse

techniques utilisées à l’échelle industrielle au moyen de pro-cédés en batch ou en continu sont illustrées dans l’encadré 1.

• Réactions de fluoration par F2Elles sont encore peu appliquées à l’échelle industrielle

pour de multiples raisons :- les contraintes règlementaires relatives à la manipulationde F2 (transport, stockage…) ;- la très forte réactivité de F2 qui affecte sa sélectivité,l’amenant à être plus souvent oxydant (dégradation)qu’agent fluorant ;- le prix relativement élevé qui en fait un agent fluorantréservé aux molécules à très haute valeur ajoutée, lorsque saforte réactivité permet néanmoins une sélectivité convenable ;- bien qu’attractif par son principe de réaction, et même siles travaux récents de R.D. Chambers et coll. sur la fluora-tion par F2 en milieu acide fort laissent entrevoir des possibi-lités de développement industriel, F2 n’a pas trouvé à ce jourde débouchés pouvant s’accommoder des inconvénientsmentionnés ci-dessus. Les exemples de l’encadré 2 mon-trent quelques réactions mettant en œuvre F2.

Nouveaux réactifs de fluoration en chimie fineAu cours des dix dernières années, plusieurs sociétés ont

développé de nouveaux réactifs fluorants procédant par dif-férents mécanismes, par exemple le DAST, le Deoxofluor®d’Air Products Co. ou le DFI de Mitsui Chemicals. Ces réactifssont onéreux et leur application est réservée à des produitseux-mêmes très chers (principes actifs pharmaceutiquesprincipalement). Les exemples de l’encadré 3 donnent uneidée des réactions qui peuvent être réalisées avec ces réactifsqui sont aujourd’hui commercialisés.

Les réactifs de fluoration électrophile récemment mis aupoint par le monde académique commencent à intéresser lesindustriels car ils permettent d’introduire l’atome de fluor dansdes conditions douces et quelquefois de manière énantio-sélective (encadré 3).

Procédés de synthèse d’organofluorés à l’aide de synthons fluorés

Dans certains cas, il est possible d’introduire le (ou les)atome(s) de fluor en même temps que leur proche environ-nement au moyen d’un synthon fluoré qui réagit avec lesubstrat. Plusieurs conditions doivent être réunies pourcela :- l’existence et la disponibilité d’un synthon capabled’apporter le groupement fluorocarboné souhaité,- la maîtrise de la réactivité de ce synthon,- la compétitivité de cette voie de synthèse par rapport auxvoies alternatives.

Quelques exemples typiques de synthons sont mention-nés dans les figures 14 et 15, autour desquels des « arbres-produits » ont été élaborés.

Il existe de nombreux exemples de grands procédésexploités aujourd’hui pour lesquels toutes ces conditionssont réunies et qui n’ont pas d’autre alternative réelle (cas del’anesthésique isoflurane, par exemple) (encadré 4). Un autreexemple très récent est la nouvelle synthèse de l’acide trifli-que (encadré 4), pour lequel deux procédés de fabricationindustrielle existent et se concurrencent aujourd’hui :- l’un fait appel à une fluoration directe : fluoration par F2électrogénéré (procédé exploité par la société japonaiseCentral Glass) ;- l’autre utilise CF3COOH comme synthon qui apportedirectement le motif CF3 (procédé découvert, mis au pointet exploité par la société française Rhodia).

Le cas du procédé « triflique » mettant en jeu la chimie deCF3COOH est sans aucun doute la plus récente et la plusimportante des innovations scientifiques et techniques dansle domaine de la chimie organique du fluor ayant aboutià une concrétisation industrielle et commerciale [25].

Ce concept de trifluorométhylation nucléophile par lessels de l’acide trifluoroacétique a été étendu à un grand nom-bre de cibles (trifluorométhyl sulfures, aromatiques trifluoro-méthylés) pour lesquelles il n’existe pas de voie de synthèse

Encadré 2Techniques de fluoration par F2

Perfluoration de groupes hydrocarbonés saturés

* Perfluoration d’un groupement méthyle par F2 électrogénéré

Il s’agit d’un des deux procédés utilisés pour produire l’acide triflique.

* Perfluoration de chaînes hydrocarbonées

Fluoration en série aromatique

La réaction doit être conduite à l’aide de F2 dilué dans l’azote et à basse température. Cette technique, qui souffre d’une sélectivitémédiocre due à la grande réactivité du fluor, n’a pas connu de concrétisation industrielle à grande échelle.

SCl

O OS

F

O O

F

F

F

F

SOH

O O

F

F

F

F2

-e-

H2O

Cl

On

F

On

F

FF

F FF2

(noté : RfCOF)

F2

ArH ArF

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64 l’actualité chimique - octobre-novembre 2006 - n° 301-302

Nouvelles voies de synthèse

Encadré 3Réactifs de fluoration

Réactifs fluorés transformant une fonction oxygénée en fonction fluorée

* Transformation d’alcools en dérivés fluoro :

Le Deoxofluor® est plus stable que le DAST et est préférable industriellement.

* Transformation de fonctions cétones :

Exemples :

Réactifs de fluoration électrophile

Ces réactifs permettent d’introduire un atome de fluor sur des sites riches en électrons.Dans certains réactifs, le fluor électrophile a été mis dans un environnement asymétrique, ce qui peut donner lieu à des réactions

stéréosélectives :

Exemples :

R3 OH

R1R2

R3 F

R1R2

NS

F

FF

NS

F

FF

O

O

DAST Deoxofluor

ou

R1

O

R2

NN

F F

R1

F

R2

F

R1R2

F

et / ou

NN

F F

H

O

H

F FOH

NO2

F

NO2

NN

F F

N+N

+

F

ClPh SN

OO

FSPh

OO

(NFSI)

N+

N+

F

FN

+N

FOH

N

R

(F-TEDA ou Selectfluor ® ) R = H, OMe

BF4-

BF4-

BF4-

BF4-

BF4-*

O O

FSelectfluor ®

NH

O

FF

F

O

Cl

NH

O

FF

F

O

Cl

F

Quinine derivative

flindokalner (BMS)

ee=88%

F CH3

F

NH2 NH2F

NH2F

F F

OH

CF3 CF3

NH2

CF3

OH

CF3

ClCl

CF3

Cl

OCF3 OCF3

Br

OCF3

NH2

SCF3

F

CO2H

F

NCl

CF3

SO2CF3

Figure 14 - Intermédiaires aromatiques industriels.

F3C

O

OH F3C

O

OEt

F3C

O O

OEt F3C OH

F3C

O

NH2F3C

O

O CF3

O

F3CS

OH

O O

F3CS

Cl

O O

F3C

O

RR = alk, Ar

F3CS

OS

CF3

O O O O

Figure 15 - Intermédiaires aliphatiques industriels.

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65l’actualité chimique - octobre-novembre 2006 - n° 301-302

Nouvelles voies de synthèse

alternative extrapolable. Des réalisations industrielles ont déjàété enregistrées [26].

Des dérivés de l’acide triflique permettent également demettre en œuvre des trifluorométhylations radicalaires etconstituent de nouveaux building-blocks pour l’industriepharmaceutique (encadré 4) [27]. De même, des sous-pro-duits de la synthèse de l’acide trifluoroacétique, commeXCF2CO2H (X = Cl, Br), sont des synthons pour l’introductionde groupement CF2 (encadré 4).

Tendances et perspectives

Les techniques de fluoration n’ont pas donné lieu, cesdernières années, à de véritables percées industrielles. Lesconditions de mise en œuvre des réactions sont telles que lesgrands produits qui en sont issus restent des intermédiairesde structures simples (intermédiaires dits « amont »), consi-dérés aujourd’hui comme des produits à faible valeur ajoutée(fluorés aromatiques en particulier). La plupart des produc-teurs occidentaux n’investissent plus dans de nouvelles

unités de fabrication ou de nouvelles capacités de productionen Europe ou aux États-Unis. A ce jour, la production d’unebonne majorité des grands intermédiaires de base est réaliséedans des pays à faible coût de main d’œuvre (Chine et Inde).

Cependant, dans le cadre d’une chimie verte, il serait sou-haitable d’étudier des méthodes de fluoration sans solvant,n’engendrant pas de sels minéraux, mais aussi susceptiblesd’améliorer les synthèses qui demeurent difficiles d’accèsaux hétérocycles fluorés, familles d’un grand intérêt pourleurs propriétés biologiques en particulier.

Peut-être les avancées prometteuses faites dans laméthode de fluoration purement électrophile par F2 en milieuacide permettront-elles un développement industriel dansun avenir proche, mais cette technique demeurera chère etexigera la maîtrise de normes de sécurité strictes dans samise en œuvre à grande échelle.

Enfin, les composés bioactifs porteurs d’un centrestéréogène devant actuellement être fournis sous formeénantiopure, il est impératif de développer de nouveaux réac-tifs fluorants chiraux. Le début de ce siècle en a vu apparaître

Encadré 4Réactions des synthons fluorocarbonés

Utilisation de synthons fluorés issus des procédés CFC et HFC

Une illustration est la synthèse de l’anesthésique isoflurane, procédé industriel mis en œuvre à l’échelle de plusieurs centaines de tonnespar an :

L’un des procédés industriels d’accès à l’intermédiaire trifluoréthanol consiste à hydrolyser le F133 :

Utilisation de nouveaux synthons fluorés non liés aux procédés CFC et HFC

* Nouveau procédé de fabrication de l’acide triflique, indépendant des procédés CFC et HFC et qui contourne la difficulté d’une fluorationdirecte :

* Nouveaux synthons de trifluorométhylation radicalaire, voie de synthèse exploitée au niveau industriel :

* Nouveau synthon fluoré pour réaction de difluorocyclopropanation, principe utilisé pour la production du zosuquidar d’Eli Lilly :

* Nouveau synthon fluoré pour l’introduction de CF2 :

base Cl2CF3-CH2-OH + CHF2-Cl CF3-CH2-O-CHF2 CF3-CH-O-CHF2

trifluoréthanol F22 UV Cl

H2O

CF3-CH2-Cl CF3-CH2-OH F133 base

+ SO2 1) H2O2

CF3-COO K+− CF3-SO2 K+ CF3SO3H

- CO 2 2) H+

OAcCF3 S

O

OX + OAcCF3

X

OAcCF3

Initiateurradicalaire

Base

-SO2

Bromureou

chlorurede triflyle

F

F

F CO2Li

FCl

-CO2 - LiCl

O

OH

O

OMe

O

F

FBr

O

O

OH

OMe

O

F F+Zn

gemcitabine

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66 l’actualité chimique - octobre-novembre 2006 - n° 301-302

Nouvelles voies de synthèse

quelques représentants, utiles pour la fluoration électrophile[17], mais ils ne peuvent être préparés à partir de F2. D’autresdevront donc être conçus pour pallier cet inconvénient.

Les techniques d’introduction directe de groupe-ments fluorocarbonés ont été beaucoup développées aucours des vingt dernières années par les équipes académi-ques comme par les leaders industriels occidentaux etjaponais, très actifs dans le domaine. Certaines de cestechniques sont encore couvertes par des brevets ; ellesont ouvert des champs d’investigation nouveaux. Les plusanciennes mettent en jeu des synthons fluorés en provenancede la chimie des CFC, puis des HFC. Les plus récentes visentà se démarquer de ces matières premières peu pérennespour des raisons écologiques.

Un domaine probable d’innovation pour la prochainedécennie est la découverte et le développement de nouveauxsynthons fluorés, n’ayant pas leur origine dans les CFC etHFC et donnant la possibilité d’introduire des groupementsfluorés plus élaborés dans des conditions douces (RfC-S,RfC-N, RfC-O, groupements fluorés chiraux, groupementspossédant un nombre restreint d’atomes de fluor, commeF2CH-R, ou portant des halogènes différents, commeFCHCl-R, etc.).

Par ailleurs, des molécules trifluorométhylées chiralesbioactives sont mises sur le marché aujourd’hui alors que lesexcès énantiomériques dans la trifluorométhylation énantio-sélective ne dépassent pas 50 % à l’heure actuelle. La miseen œuvre de méthodes énantiosélectives reste donc égale-ment un défi majeur dans la chimie du fluor et des composésorganofluorés.

La disponibilité de synthons « élaborés sur mesure » et lamaîtrise de leur réactivité permettraient l’introduction plustardive du fluor dans des synthèses multiphases plus conver-gentes de nouvelles structures complexes et fragiles.

Remerciements

Les auteurs remercient François Metz (Rhodia Recher-ches*) de sa contribution pour l’apport de certainesinformations contenues dans cet article.*Rhodia Recherches, Centre de Recherche et de Technologie de Lyon,85 avenue des Frères Perret, 69192 Saint-Fons Cedex.

Références

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sauf par les chimistes russes (même actuels), sous l�impulsion deG.H. Hess (1802-1850) dans son Traité de chimie de 1831, et par leschimistes grecs.

[7] Moissan H., Le fluor et ses composés, G. Steinheil, Paris, 1900, p. 240-266. L�auteur reconnaît lui-même, dans sa préface, que « nosconnaissances sur les composés organiques du fluor sont très limitées. »

[8] Banks R.E., Tatlow J.C., Synthesis of C-F bonds: the pioneering years,1835-1940, Fluorine, the first hundred years (1886-1986), R.E. Banks,D.W.A. Sharp, J.C. Tatlow (eds), Elsevier, Sequoia, Lausanne, 1986,chap. 4, p. 71-108 et références citées.

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the first hundred years (1886-1986), R.E. Banks, D.W.A. Sharp,J.C. Tatlow (eds), Elsevier, Sequoia, Lausanne, 1986, chap. 2, p. 33.

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Bernard Langloisest directeur de rechercheau CNRS et responsable del’équipe Synthèse, électro-synthèse et réactivité descomposés organiques fluo-rés au sein de l’UMR 5181(Méthodologie de synthèseet molécules bioactives), située sur le campusde l’Université Claude Bernard Lyon 1 àVilleurbanne1.Serge Rattona été directeur de recherche et développe-ment de la chimie fine chez Rhône-Poulencpuis Rhodia. Il est aujourd’hui gérant associéd’une société de conseil en chimie fine2 pourla synthèse de molécules organiques et leur

procédé industriel de fabrication.Jean-Marc Parisa été directeur du Programme antibactériens de Rhône-PoulencRorer, puis directeur scientifique pour la chimie organique et lesbiotechnologies du Centre de recherches de Rhodia à Lyon3. Ilest aujourd’hui détaché à mi-temps au CNRS dans le Labora-toire de biochimie de l’ENSCP.

1 Université Claude Bernard Lyon 1, Laboratoire SERCOF, UMRCNRS 51, 43 bd du 11 Novembre 1918, 69622 Villeurbanne Cedex.Tél. : 04 72 44 81 63. Fax : 04 72 43 13 23.Courriel : [email protected]

2 SRT Expertise & Conseil, 11 rue de la Rochette, 38090 Vaulx-Milieu.Tél. : 06 75 69 63 29. Fax : 04 74 94 68 25.Courriel : [email protected]

3 ENSCP, Laboratoire de biochimie (UMR CNRS 7573), 11 rue Pierreet Marie Curie, 75005 Paris.Tél. : 01 44 27 67 54. Fax : 01 44 27 67 01.Courriel : [email protected]

S. RattonB. Langlois

J.-M. Paris

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Chimie organique

l’actualité chimique - février-mars 2015 - n° 393-39456

Le fluor en chimie organique :une montée en puissanceThierry Billard, Emmanuel Magnier et Jean-Pierre Vors

Résumé L’atome de fluor est exceptionnel tant les propriétés conférées aux molécules par sa présence sontintéressantes. En quelques années, l’introduction douce et sélective d’un ou de plusieurs atomes de fluor àl’aide de réactifs stables et non toxiques a connu un essor remarquable. Cet article décrit les avancéesrécentes en listant tour à tour les méthodes de fluoration, de trifluorométhylation, l’imagerie médicale dufluor 18 et se termine par les applications en sciences du vivant.

Mots-clés Fluor, trifluorométhylation, TEP, médicaments, agrochimie.

Abstract Fluorine in organic chemistry: gaining momentumThe fluorine atom is remarkable since properties conferred by its presence in molecules are of great interest.During recent years, the smooth and selective introduction of one or several fluorine atoms with non-toxicand stable reagents has grown exponentially. This article describes the new reactions and reagents andparticularly the mono- and perfluoroalkylation methods, the medical imagery by fluorine-18 and ends by theapplications in life sciences.

Keywords Fluorine, trifluoromethylation, PET, drugs, agrochemistry.

e fluor occupe une place très particulière dans la classifi-cation périodique et dans le cœur des chimistes. Il pos-

sède en effet une double particularité. Sa présence modifieprofondément les propriétés (stériques, électroniques,conformationnelles, physico-chimiques…) des molécules etla faible polarisabilité de la liaison C-F confère une certaineinertie chimique. L’ensemble de ces caractéristiques a per-mis des progrès considérables, souvent méconnus, dans lavie quotidienne (réfrigération, matériaux et polymères hydro-phobes, sels pour batteries, cristaux liquides, produits desanté). Mais son introduction dans les composés organiquesest un des challenges les plus ardus de la chimie organique.Des développements récents, nombreux et remarquablesont permis de « démocratiser » la chimie du fluor, jusqu’ici« réservée » à des laboratoires spécialisés. Cet article nepeut, en aucun cas, prétendre à être complet ou exhaustiftant la littérature récente est abondante mais présente lesrésultats les plus marquants. Pour les lecteurs désireuxd’aller plus loin, quelques revues récentes sont proposéesdans les références.

L’introduction d’un seul atome de fluor sur une moléculeorganique est une des plus vieilles réactions de la chimie dufluor et les méthodes de fluoration industrielle des composésaromatiques restent encore assez limitées à la réaction deBalz-Schiemann et à l’échange halogène-fluor (réaction

Halex) [1]. Progressivement, la diversité moléculaire s’estfortement accrue et les réactions de fluoration se sont éten-dues à des motifs polyfluorés.

Méthodes de monofluoration

État de l’art des réactifs et méthodes existantes

Récemment, de nouvelles méthodes ont émergé, don-nant accès facilement à des molécules monofluorées enséries aromatique et aliphatique. En série aliphatique, mêmesi la classique substitution nucléophile avec des ions fluo-rures – KF, CsF, AgF, fluorure de tétrabutylammonium(TBAF)… – peut conduire à l’obtention de produits mono-fluorés, des réactifs permettant, entre autres, de substituerun groupement OH par un fluor sont également disponi-bles et très utilisés ces dernières années : Deoxo-Fluor®,XtalFluor®, Fluolead™, PhenoFluor™ (figure 1) [2].

Des équivalents de fluor électrophile (« F+ ») ont égale-ment été développés, permettant enparticulier d’introduire unatome de fluor à la place d’hydrogènes acides. Certains deces réactifs sont également commerciaux : Selectfluor®,NFSI (N-fluorobenzènesulfonimide), fluoropyridiniums(figure 2) [1, 3-4].

L

Figure 1 - Réactifs courants de déoxyfluoration.

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57l’actualité chimique - février-mars 2015 - n° 393-394

Chimie organique

Nouvelles méthodes utilisant la catalyse

Les réactions de couplages organométalliques, deve-nues maintenant classiques en chimie organique, ont trouvéces dernières années un nouveau champ d’investigation enchimie du fluor. Ainsi des réactions de fluoration, métalloca-talysées (Pd, Cu…) de composés aromatiques porteurs desmotifs esters boroniques, trifluoroborates, stannanes, sily-loxys, triflates, iode, brome, trifluoroborates et iodoniumsaromatiques, ainsi que des réactions d’activation C-H, ontété développées en utilisant soit des agents de fluoration

électrophile (Selectfluor®, NFSI…), soit plus simplement desions fluorures (CsF, AgF, KF) (figure 3).

Dans ces réactions, le métal favorise la substitution dugroupe partant présent sur le noyau aromatique par un atomede fluor via des mécanismes faisant intervenir des complexesC-métallés. À l’issue du processus, le métal est régénéré, nenécessitant ainsi son utilisation qu’en faible quantité. Cesméthodes sont des alternatives intéressantes aux méthodesde fluoration aromatiques déjà existantes car elles sontrégiosélectives et nécessitent des conditions moins drasti-ques [3, 5-9].

Méthodes émergentes

La fluoration radicalaire a longtempsété un domaine peu développé du fait desdifficultés à générer le radical F•, hormis enutilisant F2 qui conduit à des réactions dif-ficilement contrôlables et peu sélectives.Cependant, récemment, des méthodes defluoration radicalaire utilisant des réactifsdonneurs de « F+ » ou des ions fluoruresont fait leur apparition. Ces réactions sontessentiellement basées sur l’utilisation decatalyseurs métalliques. Des processusphotoredox ont également été développés(figure 4). En particulier, cette fluorationradicalaire a pu être utilisée pour réaliserdes fluorations de liaisons Csp3-H alipha-tiques, non activées, qui jusqu’à présentn’avaient pu être fluorées qu’à partir deF2 (figure 4) [10-12].

Méthodes detrifluorométhylationet de difluorométhylation

Les travaux de la littérature décrivantl’introduction d’un groupe trifluoromé-thyle sur un atome de carbone croissentde façon exponentielle. Ce phénomènes’explique à la fois par l’invention de nou-veaux réactifs stables (ainsi que l’amélio-ration des voies de synthèse des compo-

sés « plus anciens ») et l’apport récent de la chimieorganométallique (notamment de la chimie du cuivre et dupalladium) [3,13].

État des lieux des réactifs existants

Les réactifs de trifluorométhylation sont traditionnelle-ment présentés et classés en fonction de leurs propriétés :électrophile, radicalaire et nucléophile (figure 5). Le trifluoro-méthyltriméthylsilane, réactif de Ruppert-Prakash, est une

Figure 2 - Réactifs courants de fluoration électrophile.

Figure 3 - Fluoration aromatique métallocatalysée.

F

FF

[Métal]

O

H

HH

[Mn], TBAF

PhIO, AgF

O

H

HF

[Mn] : NN

NNMn

Cl

Figure 4 - Fluoration radicalaire.

Figure 5 - Principaux réactifs de trifluorométhylation.

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58 l’actualité chimique - février-mars 2015 - n° 393-394

Chimie organique

des principales sources de CF3 nucléophile avec le tri-fluorométhyle cuivre. Ce dernier, longtemps formé in situdans des conditions basiques donc peu tolérantes denombreux groupes fonctionnels, est maintenant préparédans des conditions douces et peut être stocké commele composé commercial, le Trifluoromethylator™. Lescomposés, précurseurs de CF3 radicalaire, sont l’iodo-trifluorométhane, le trifluorométhane sulfinate de sodium(ou réactif de Langlois) et le chlorure de trifluoromé-thanesulfonyle. Enfin, les molécules stables capables dedélivrer un groupe trifluorométhyle sur des nucléophilessont les trifluorométhyle sulfoniums (réactif de Ume-moto), les composés à base d’iode hypervalent (réactifsde Togni) et les sulfoximines.

Illustration du potentiel de chaque réactif

Le réactif de Ruppert-Prakash permet d’introduireune entité trifluorométhyle nucléophile par réaction avec desdérivés carbonyles ou des imines. L’association de ce com-posé avec du cuivre conduit à accroître significativement sonspectre de réactivité et à former ainsi des liaisons avec descarbones aromatiques, vinyliques, acétyléniques et mêmealiphatiques de type sp3.

La voie radicalaire connaît elle aussi une véritable renais-sance grâce à la mise au point de nouvelles méthodes et la(re)découverte de nouveaux réactifs. Ainsi, l’iodotrifluoromé-thane, le trifluorométhane sulfinate de sodium et le chlorurede trifluorométhanesulfonyle se sont révélés être d’excel-lentes sources de radicaux CF3, capables de réagir avecdes dérivés aromatiques et vinyliques.

Enfin, les dérivés sources de CF3 électrophile (sulfo-niums, iode hypervalent, sulfoximines) réagissent avec unetrès large gamme de nucléophiles carbonés ou d’hétéroélé-ments, à l’exception des nucléophiles durs. De plus, l’utilisa-tion de la photocatalyse a permis d’employer ces réactifspour générer des radicaux. De même, leur association avecle cuivre engendre la formation du réactif nucléophile CF3Cu.Ainsi, ces composés s’avèrent être très polyvalentspuisqu’ils sont employés dans les trois approches : nucléo-phile, radicalaire et bien sûr électrophile.

Évolution vers l’introduction de CF2H

Le groupe difluorométhyle est également au cœur despréoccupations de nombreux chimistes et sa préparation abénéficié des progrès des réactifs de trifluorométhylation. Eneffet, les versions difluorométhylées des réactifs électrophiles(iode hypervalent, sulfoniums et sulfoximines), nucléophiles(difluorométhyltriméthylsilane) et radicalaires (difluorométhyl-sulfinate de zinc) ont récemment été décrites. Leur réactivitéest très proche de leurs analogues trifluorométhylés.

Trifluorométhylationdirecte d’hétéroatomes

Les motifs OCF3 et CF3S figurentparmi les groupements fluorés les pluslipophiles. À ce titre, ils présentent un inté-rêt dans de nombreuses applications, eten particulier dans le domaine dessciences du vivant où la lipophilie d’unemolécule est souvent directement reliéeà sa biodisponibilité. L’introduction dansdes édifices moléculaires complexes de

ces groupes fait l’objet de développements récents résumésci-après.

Réactions de trifluorométhoxylation

Hormis l’emploi de réactifs onéreux, corrosifs et/outoxiques, le groupe OCF3 peut être préparé selon troisapproches, faisant appel à des conditions relativementdouces (figure 6). La première voie de synthèse (voie a)consiste à construire l’entité trifluorométhyle via le traitementd’un xanthate par un acide fluoré fort (HF/pyridine ou HF/Et3N) et une source de brome (ou d’iode) électrophile [14]. Ladeuxième approche (voie b) permet de transformer directe-ment les alcools en groupe OCF3 à l’aide du réactif de trifluo-rométhylation électrophile de Togni (voir avant « État des lieuxdes réactifs existants ») [15]. L’introduction nucléophile duOCF3 est la troisième alternative. La stabilisation de l’anioncorrespondant par des métaux (Ag ou Cs) ou des cationsvolumineux a permis de décrire soit l’emploi de ces réactifscomme nucléophiles face à des groupes partants (voie c) ensérie aliphatique, soit la trifluorométhoxylation d’aromatiquesstannylés ou boroniques (voie d) [16].

Réactions de trifluorométhylthiolation

La trifluorométhylthiolation de molécules organiquesreste la méthode la plus simple pour l’obtention de moléculesportant un motif CF3S. Récemment, de nouvelles méthodeset nouveaux réactifs ont vu le jour, offrant ainsi aux chimistesorganiciens plus de facilités pour greffer ce groupe SCF3 surde nombreux substrats (figure 7). En particulier, des réactionsde trifluorométhylthiolation métallocatalysées régiosélectivesen utilisant l’anion CF3S-, dans des conditions douces, ont étédéveloppées. Une autre avancée majeure dans ce domaine

R OCF3

R OCS2Me

HF.pyrNBS R = Ar, Al

R OHR = Al

Réactifde Togni

R GP

R = AlkylQ OCF3

Q = Ag, Cs,R4N, R3S

B(OH)2

R = Ar

AgOCF3

Voie a

Voie b

Voie c

R

Sn(Bu)3RouVoie d

Figure 6 - Principales voies d’accès au groupe OCF3.

CF3SCuCF3SAg

CF3SiMe3 / S8

F3CS O

OC18H27

N

O

O

SCF3

PhN

SCF3

OSCF3

I

SN

SCF3O O

CF3S CF3S

Figure 7 - Réactifs de trifluorométhylthiolation directe.

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59l’actualité chimique - février-mars 2015 - n° 393-394

Chimie organique

a été le développement de nouveaux réactifs de trifluoromé-thylthiolation électrophile, faciles à utiliser, susceptibles deremplacer CF3SCl (réactif gazeux toxique). Ainsi, des trifluo-rométhanesulfénamides et un composé de type thioperoxydeont été décrits. Ces réactifs se sont avérés être très efficacesdans de nombreuses réactions avec des électrophiles trèsvariés. Des réactions de couplage métallocatalysées et deC-H activation ont également été mises au point [17].

Molécules marquées au fluor 18et imagerie médicale

État de l’art et intérêt

La tomographie par émission de positons (TEP) permetde visualiser in vivo des phénomènes physiologiques, en uti-lisant des molécules marquées au fluor 18. Cliniquement,ce type d’imagerie est essentiellement utilisé en oncologie,mais d’autres champs d’applications sont en train d’émer-ger. Cependant, les méthodes d’introduction du fluor 18 surles molécules organiques sont pour l’instant limitées à desréactions de substitution avec des ions fluorures (18F-). Ensérie aromatique, la réaction de substitution nucléophilearomatique (SNAr) nécessite la présence d’un groupementélectroattracteur sur le noyau aromatique et restreint la pré-sence de l’atome de fluor aux positions ortho et para.Ces contraintes limitent les possibilités de développementde nouveaux radiotraceurs [18].

Nouvelles méthodes

Ces dernières années ont vu naître un regain d’intérêt pourla radiochimie du fluor 18. Ceci a permis de voir émerger denouvelles méthodes, directement inspirées des stratégiesprécédemment décrites, pour radiomarquer des molécules

en des positions difficilement accessiblesavec les méthodes classiques déjà exis-tantes [19-20]. La synthèse de moléculestrifluorométhylées, dont un des fluors dugroupe CF3 est un fluor 18, a également puêtre envisagée. Ceci a permis d’obtenir, parexemple, de la fluoxétine (Prozac®) radio-marquée (figure 8) [21]. Il faut cependantgarder à l’esprit que toutes ces nouvellesméthodologies ont encore besoin d’êtreautomatisées afin de pouvoir être utiliséesen routine pour la production de diversradiotraceurs utilisables en essai clinique.

Nouveaux radiotraceurs

Même si à ce jour la principale utilisationclinique de l’imagerie TEP est dédiée àl’oncologie, via l’utilisation de [18F]FDG, cetype d’imagerie commence à apparaîtredans la routine clinique des maladies neu-rodégénératives (Alzheimer…). Ainsi troisradioligands, marqués au fluor 18, pour lediagnostic de la maladie d’Alzheimer ontrécemment obtenu leur autorisation de misesur le marché auprès des instances euro-péennes (EMEA) et américaines (FDA) :Amyvid® (florbétapir), Vizamyl® (flutéméta-mol), Neuraceq® (florbétaben) (figure 9) [22].

Applications

Importantes en sciences du vivant

Depuis le premier brevet en 1959 décrivant l’usage favo-rable de composés fluorés sur la santé dentaire (Knoll A.-G.,DE971375), le fluor a parcouru un chemin considérable dansles sciences du vivant pour être aujourd’hui présent dansenviron 20 % des produits commerciaux pharmaceutiques[23] et dans 38 % de ceux dédiés à la protection des cultures[24] (figure 10). Par exemple, chez Bayer CropScience, lamoitié des produits mis sur le marché ces dix dernièresannées comporte au moins un atome de fluor.

Nature des groupes, exemples de structures

La diversité des groupes fluorés portés par les moléculesbioactives est notable (figure 11). Elle va d’un simple atomede fluor aromatique ou du groupe trifluorométhyle, considé-rés aujourd’hui comme entités fluorées classiques, à dessubstituants plus élaborés tels que les groupes trifluoromé-thoxyle, trifluorométhylsulfinyle et difluorométhyle, portéspar des hétérocycles ou des carbones chiraux.

L’analyse des groupes fluorés les plus fréquemment ren-contrés dans les composés pour la protection des culturesconfirme cette tendance [25].

Illustration d’une synthèse à grande échelle d’unintermédiaire clé

À titre d’illustration de la chimie réalisée à grande échelle(plusieurs centaines de tonnes), on peut citer l’engouementrécent pour des pyrazoles portant un groupe difluorométhyleen position 3. Ce synthon est présent dans les fongicides à

é

é

é

é é

Figure 8 - Nouvelles méthodes de radiofluoration au fluor 18.

Figure 9 - Radioligands TEP pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer.

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60 l’actualité chimique - février-mars 2015 - n° 393-394

Chimie organique

visée agrochimique inhibiteurs du complexe II de la respira-tion mitochondriale tels que le bixafen (Bayer CropScience),

le fluxapyroxad (BASF), et les sedaxane, isopyrazam et ben-zovindiflupyr (tous trois Syngenta) (figure 12).

Cet hétérocycle fonctionnalisé peut être obtenu demanière classique par l’action de la méthylhydrazine surle 2-éthoxyméthylène-alpha-difluoroacétoacétate [26]ou de manière plus originale par action de la TFEDMA(1,1,2,2-tétrafluoro-N,N-diméthyléthanamine) activée parle trifluorure de bore sur le 3-diméthylaminoacrylated’éthyle (figure 13) [27].

Influence de l’atome de fluor

L’atome de fluor revêt une importance fondamentaledans la mesure où il modifie sensiblement les propriétésphysico-chimiques liées à la pénétration et au transport,ainsi que la répartition électronique, modulant la méta-bolisation et l’affinité pour la cible. Par exemple, le rempla-cement d’un hydrogène aromatique par un fluor est une

Atorvastatine Fluticasone Efivarenz Pantoprazole Pfizer GlaxoSmithKline Bristol-Myers-Squibb Biogaran

Fipronil Tétraconazole Flucarbazone-Na Fluopyram Flubendiamide BASF Isagro Bayer CropScience Bayer CropScience Bayer CropScience

Figure 10 - Diversité des structures bioactives portant au moins un atome de fluor.

Nom

bre

de c

ompo

sés

Groupes contenant F

autre

s

Figure 11 - Nature des groupes fluorés.

Bixafen Fluxapyroxad Sedaxane Isopyrazam Benzovindiflupyr

Liaisons créées

86 %95%

--

NH2-NHMe

Figure 12 - Fongicides comportant un 3-difluorométhylpyrazole.

Figure 13 - Accès au 3-(difluorométhyl)-1-méthyl-1H-pyrazole-4-carboxylate.

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61l’actualité chimique - février-mars 2015 - n° 393-394

Chimie organique

pratique courante pour empêcher l’hydroxylation par méta-bolisation du carbone portant cet hydrogène. Un exempleillustratif vient de la comparaison de deux herbicides inhibi-teurs de l’acétolactate synthase (ou ALS), le sulfométuron-méthyle (DuPont) et le primisulfuron-méthyle (Syngenta). Leremplacement des groupes méthoxyles de la pyrimidine dupremier par des groupes difluorométhoxyles modifie le site demétabolisation principal qui passe respectivement du car-bone du OCH3 au carbone en position 5 de la pyrimidine. Deplus, le primisulfuron-méthyle peut être utilisé sur le maïs,contrairementausulfométuron-méthylequi ledétruit (figure 14).

La relation entre la structure d’un composé organique defaible poids moléculaire et les activités biologiques attenduesou indésirables étant par nature multifactorielle, il est difficilede prévoir l’effet de l’introduction d’un groupe fluoré. Il estdonc essentiel de tester le maximum de modifications enexploitant l’arsenal des synthons fluorés ou des méthodesde fluoration disponibles.

Conclusion

Ce bref panorama des récentes avancées de la chimie dufluor et de ses applications en sciences du vivant démontrebien l’engouement actuel que connaît la chimie organique dufluor, attirant de plus en plus d’acteurs de différents horizons.Les avancées récentes mettent à la portée des chercheurs denouvelles méthodes de fluoration et de nouveaux intermé-diaires fluorés qui peuvent être utilisés pour de multiplesapplications. D’un point de vue industriel, cette course àl’enrichissement de la panoplie des objets fluorés favorisel’exploration de l’espace chimique autour d’un « lead » (têtede série) dans la recherche du meilleur compromis entre coût,propriétés physico-chimiques, activité biologique, sécuritédes personnes et de l’environnement. Cet intérêt croissantdes chercheurs industriels tire la chimie du fluor vers l’avantet peut justifier de fructueuses collaborations université-industrie.

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[23] Prakash G.K.S., Fluorine: the new kingpin of drug discovery, ChemistryToday, 2012, 30, p. 30.

[24] E-Pesticide Manual, http://bcpcdata.com/pesticide-manual.html[25] a) Manteau B., Pazenok S., Vors J.-P., Leroux F.R., New trends in the

chemistry of alpha-fluorinated ethers, thioethers, amines, andphosphines, J. Fluorine. Chem., 2010, 131, p. 140 ; b) The PesticideManual, XVIe ed., C.D.S. Tomlin (ed), BCPC, 2012 (voir [24]).

[26] Syngenta, Process for the production of pyrazoles, EP1997808, 2008.[27] Bayer CropScience, Process for preparing 3-dihalomethylpyrazole-4-

carboxylic acid derivatives, WO2008022777, 2008.

Figure 14 - Sites de métabolisation préférentielle du sulfométuron-méthyle et duprimisulfuron-méthyle.

Thierry Billardest directeur de recherche CNRS à l’Institut de Chimie et Biochimiede Lyon (ICBMS, UMR 5246) et au CERMEP-Imagerie du vivant1.Emmanuel Magnierest directeur de recherche CNRS à l’Institut Lavoisier de Versailles(UMR 8180)2.Jean-Pierre Vorsest responsable d’un groupe de recherche chez Bayer SAS3.

1 Université Claude Bernard – Lyon 1, Bât. Raulin, 43 bd du 11 Novembre1918, F-69622 Villeurbanne.Courriel : [email protected]

2 Université de Versailles-Saint-Quentin, ILV, Bât. Lavoisier, 45 avenue desÉtats-Unis, F-78035 Versailles Cedex.Courriel : [email protected]

3 Bayer SAS, 14 impasse Pierre Baizet, La Dargoire, F-69263 Lyon Cedex 09.Courriel : [email protected]

T. Billard J.-P. VorsE. Magnier

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légcndemâsse atomique en

Classifi cation Périodique

IE+I

II

m

ry

!1

vII

1lto

Hnuméro atom

nomsynbole (2)

nores r(1) basé su lc12C(2) état physiqùe du colps pursimplc à 25"C el t,û13 b i

Se = solide; O = gdz I rif = liquide tltc= prépûré lar sJ,rthèse

12l l10

13 fl14

2noHe

369

Li4 9,0

Be5 r|),s

Bô r40

C N8160

o9 u,o

Fln zoa

Nell ro

Na12 143

Mg13 tin

Àl14 zs,t

Si15 3l"o

P16 u,r

SU t5F

CI18 :eJ

Ar19 3qr

Kn 4!,r

Can 4s,ù

Sc22 47,e

n23 ir,s

VU sz,o

Cr25 s4J

Mn?6 ss,ri

Fe2? s8,e

Co28 ss,r

Ni29 6.,s

Cu30 rs,r

Zn3l eg:t

Gan n,6

Ge33 iap

As34 n,o

SeJ5 79,9

Br36 &f

KrJ/ 85.5

Rb38 u,r

Sr39 ssp

Y4A ,tp

Zt47 e2:e

Nb42 9s,e

Mo['3 se

lIe44 10r,1

Ru45 107.9

Rh46 106,4

Pd47 rfr1p

Ag48 lr,a

cd49

'l'a,gIn

50 11ù7

Sn5l ul"i

sb52 121,6

Te53 Da,s

I54 13L3

Xe55 tr2p

Cs56 137,r

Ba5? És,e

La )Hf

73 $o,e

Ta74 rc,9

w15 1F{,7

Re/ù fs0J

Os II78 rcs,1

PtW 191,0

Au80 2ûr,6

lIgll1 4a,a

TI82 211,2

Pb83 209,0

Bi84 210

Po85 ro

AI86 221

Rn81 223

Fr88 zx

Ra89 n1

Ac(

lvr58 1{o,r

Ce59 r4oJ

Pr60 ru:t

Nd6l r45

Ihlr62 fi0,4

Sm63 15z,o

Eu64 rs7,l

Gd65 rsrp

Tb66 162,s

Dyfi r64J

Ho6E 16z3

Er69 16r,e

Tm70 r.,o

Yb./t 175,0

Lu\

vII

9I 232t

Th91 23r,o

Pa92 ?/is,o

U93 7.31,0

Np94 za2

Pu95 !-a3

Am96 u7

Omn97 zaj

BK9{l 2si 99 2sa

IEs100 2sj

Ith101 2s6

MId102 1sa

No103 2sI

(nt* f* , d.a. r . sr )