Affaire de Wilde Ooms Versyp c Belgique 18 Juin 1971

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    CO SEILDE LEUROPE

    COU CILOF EUROPE

    COUR EUROPE E DES DROITS DE LHOMME

    EUROPEA COURT OF HUMA RIGHTS

    COUR (PLNIRE)

    AFFAIRES DE WILDE, OOMS ET VERSYP ("VAGABONDAGE")

    c. BELGIQUE (AU PRINCIPAL)

    (Requte no 2832/66; 2835/66; 2899/66)

    ARRT

    STRASBOURG

    18 juin 1971

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    Dans les affaires De Wilde, Ooms et Versyp,

    La Cour europenne des Droits de lHomme, statuant en sance plnirepar application de larticle 48 de son Rglement et compose de MM. lesJuges:

    Sir Humphrey WALDOCK,Prsident,H. ROLIN,R. CASSIN,. E. V. HOLMBCK,A. VERDROSS,E. RODENBOURG,A. N. C. ROSS,T. WOLD,

    G. BALLADORE PALLIERI,H. MOSLER,M. ZEKIA,A. FAVRE,J. CREMONA,S. BILGE,G. WIARDA,S. SIGURJNSSON,

    ainsi que de MM. M.-A. EISSEN, Greffier, et J. F. SMYTH, Greffier adjoint,Rend larrt suivant:

    PROCEDURE

    1. Les affaires De Wilde, Ooms et Versyp ont t dfres la Cour par leGouvernement du Royaume de Belgique ("le Gouvernement"). A leur originese trouvent les requtes que des ressortissants belges - Jacques De Wilde,Franz Ooms et Edgard Versyp - avaient introduites en 1966 devant laCommission europenne des Droits de lHomme ("la Commission"), en vertude larticle 25 (art. 25) de la Convention, et qui avaient trait certains aspectsde la lgislation belge sur le vagabondage et de son application aux troisintresss. En 1967, la Commission avait ordonn la jonction desditesrequtes pour autant quelle les avait dclares recevables. Le 19 juillet 1969,elle avait adopt leur sujet le rapport prvu larticle 31 (art. 31) de laConvention, rapport dont la transmission au Comit des Ministres du Conseilde lEurope a eu lieu le 24 septembre 1969.

    La requte du Gouvernement, qui renvoyait aux articles 45, 47 et 48 (art.45, art. 47, art. 48) de la Convention, a t dpose au Greffe de la Cour le 24octobre 1969, dans le dlai de trois mois institu par les articles 32 par. 1 et47 (art. 32-1, art. 47).

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    2. Le 28 octobre 1969, le Greffier a obtenu du Secrtaire de laCommission vingt-cinq exemplaires du rapport de celle-ci.

    3. Le 10 novembre 1969, le Prsident de la Cour a procd, en prsence duGreffier, au tirage au sort des noms de six des sept Juges appels former laChambre comptente, M. Henri Rolin, Juge lu de nationalit belge, sigeantdoffice aux termes de larticle 43 (art. 43) de la Convention. Les six Jugesainsi dsigns taient MM. . Holmbck, A. Verdross, G. Balladore Pallieri,A. Favre, J. Cremona et S. Sigurjnsson. Le Prsident a galement tir au sortles noms de trois Juges supplants savoir, dans lordre, MM. A. Bilge, E.Rodenbourg et G. Maridakis.

    Conformment larticle 21 par. 7 du Rglement, M. . Holmbck aassum la prsidence de la Chambre.

    4. Le Prsident de la Chambre a recueilli par lintermdiaire du Greffier

    lopinion de lagent du Gouvernement, de mme que celle du Prsident de laCommission, quant la procdure suivre. Par une ordonnance du 23novembre 1969, il a dcid que le Gouvernement prsenterait un mmoiredans un dlai devant expirer le 15 fvrier 1970 et que les dlgus de laCommission auraient la facult dy rpondre par crit dans un dlai dont uneordonnance du 12 fvrier 1970 a fix lchance au 9 avril 1970. Lesmmoires respectifs du Gouvernement et de la Commission sont parvenus auGreffe les 9 fvrier et 9 avril 1970.

    5. Ainsi que le Prsident de la Chambre ly avait autoris par uneordonnance du 18 avril 1970, le Gouvernement a dpos un second mmoirele 10 juin 1970. Le 1er juillet 1970, le Secrtaire de la Commission a informle Greffier que les dlgus ne souhaitaient pas prsenter de duplique.

    6. Les 10 janvier et 3 mars 1970, le Prsident de la Chambre avait chargle Greffier dinviter Commission et Gouvernement produire une srie dedocuments qui ont t verss au dossier en fvrier, avril et mai 1970.

    7. Runie Strasbourg le 28 mai 1970, la Chambre a dcid, en vertu delarticle 48 du Rglement, "de se dessaisir avec effet immdiat au profit de laCour plnire", par le motif que la Commission avait soulev, dans lesconclusions de son mmoire, "certaines questions sur lesquelles il (tait)dsirable que la Court (pt) se prononcer en sance plnire".

    Conformment aux articles 21 par. 7 et 48 par. 3, combins, du Rglement,

    Sir Humphrey Waldock a assum la prsidence de la Cour pour lexamen desprsentes affaires.8. Les 28 et 29 septembre 1970, la Cour a tenu Paris une runion

    consacre la prparation de la phase orale de la procdure. A cette occasion,elle a dcid de prier la Commission et le Gouvernement de lui fournir des

    pices et renseignements complmentaires quelle a recueillis respectivementles 30 octobre et 16 novembre 1970.

    Quelques autres pices ont t dposes par lagent du Gouvernement les15 et 17 mars 1971.

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    9. Par une ordonnance du 1er octobre 1970, le Prsident a fix au 16novembre 1970 la date douverture des audiences, aprs avoir consult

    lagent du Gouvernement et les dlgus de la Commission.10. Les dbats ont commenc dans la matine du 16 novembre 1970

    Strasbourg, au Palais des Droits de lHomme; ils se sont poursuivis lelendemain et le surlendemain.

    Ont comparu devant la Cour:- pour le Gouvernement:M. J. DE MEYER, professeur

    lUniversit de Louvain, assesseur au Conseil dtat,agentet conseil;

    - pour la Commission:M. M. SRENSEN, dlgu principal, et

    M. W. F. DE GAAY FORTMAN, dlgu.Dans laprs-midi du 17 novembre, M. Srensen a inform la Cour que les

    dlgus de la Commission comptaient se faire assister sur un pointparticulier par Me X. Magne, avocat au barreau de Bruxelles. Lagent duGouvernement ayant exprim des objections, la Cour a donn acte auxdlgus, par un arrt du 18 novembre, de leur intention duser du droit queleur reconnat larticle 29 par. 1 in fine du Rglement.

    La Cour a ou MM. Srensen et De Meyer en leurs dclarations etconclusions ainsi quen leurs rponses aux questions de plusieurs Juges. Ellea entendu en outre, dans laprs-midi du 18 novembre, un bref expos de MeMagne sur le point quavait mentionn le dlgu principal.

    La clture provisoire des dbats a t prononce le 18 novembre.11. M. le Juge G. Maridakis, qui avait assist aux audiences, na pu

    participer lexamen des prsentes affaires au-del du 31 dcembre 1970, leretrait de la Grce du Conseil de lEurope ayant pris effet cette date.

    12. Aprs avoir prononc la clture dfinitive des dbats et dlibr enchambre du conseil, la Cour rend le prsent arrt.

    FAITS

    13. La requte du Gouvernement a pour objet de soumettre les affaires DeWilde, Ooms et Versyp au jugement de la Cour. Le Gouvernement y marque,sur plusieurs points, son dsaccord avec lavis formul par la Commissiondans son rapport.

    14. Les faits des trois causes en question, tels quils ressortent duditrapport, des mmoires du Gouvernement, de celui de la Commission, desautres documents produits et des explications orales des comparants, peuventse rsumer ainsi:

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    A. Affaire De Wilde

    15. Jacques De Wilde, ressortissant belge n le 11 dcembre 1928 Charleroi, a pass une grande partie de son enfance dans des orphelinats. A samajorit, il sest engag dans larme franaise (Lgion trangre) et y a servidurant sept ans et demi. Titulaire dun livret de pension dinvalidit de guerre 50% et dun livret de pension militaire de retraite, il peroit des autoritsfranaises une somme qui slevait en 1966 3.217 FB par trimestre. Ilexerce, au moins loccasion, le mtier douvrier agricole.

    16. Le 18 avril 1966, 11 h. du matin, le requrant sest prsent lapermanence de police de Charleroi o il a dclar quil avait cherch en vaindu travail et quil navait ni toit ni argent, le consulat de France Charleroi nelui ayant pas consenti une avance sur la prochaine tranche de sa pension,

    payable le 6 mai. Il a, en outre, affirm navoir "jamais t plac commevagabond" jusque-l. Le mme jour midi, M. Meyskens, adjoint aucommissaire de police, a estim que De Wilde se trouvait en tat devagabondage et la mis la disposition de lofficier du ministre public deCharleroi; en mme temps, il a demand aux services comptents un bulletinde renseignements concernant lintress. Ce dernier, priv de sa libertdepuis 11 h 45, a tent de senfuir quelques heures plus tard. Immdiatementrejoint par un agent, il a contest la police le droit de "le maintenir enarrestation pendant vingt-quatre heures" et a menac de se suicider.

    Le bulletin de renseignements, dat du 19 avril 1966, a rvl quentre le17 avril 1951 et le 19 novembre 1965, le requrant avait subi treizecondamnations correctionnelles ou de simple police et, contrairement sesdires, avait t mis cinq fois la disposition du gouvernement pourvagabondage.

    17. Le 19 avril, vers 10 h du matin, le Tribunal de police de Charleroi,statuant contradictoirement en audience publique et aprs avoir vrifi"lidentit, lge, ltat physique, ltat mental et le genre de vie" delintress, a considr comme tablies les circonstances qui avaient faittraduire celui-ci en justice. En vertu de larticle 13 de la loi du 27 novembre1891 "pour la rpression du vagabondage et de la mendicit" ("la loi de1891"), il a mis le requrant " la disposition du gouvernement pour tre

    enferm dans un dpt de mendicit pendant deux ans"; il a charg "leministre public des mesures dexcution".18. Intern dans ltablissement de Wortel puis, le 22 avril 1966, dans

    celui de Merxplas, De Wilde a t envoy le 17 mai 1966 au centre mdico-chirurgical de St. Gilles-Bruxelles do il a regagn Merxplas le 9 juin 1966.Le 28 juin 1966, on la transfr ltablissement pnitentiaire de Turnhout

    pour refus de travail (article 7, deuxime alina, de la loi de 1891) et, le 2aot 1966, celui de Huy en vue de sa comparution devant le Tribunalcorrectionnel qui lui a inflig, le 19 aot, trois mois demprisonnement pourvol domestique. Il est retourn Turnhout un peu plus tard.

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    19. Les 31 mai et 6 juin 1966, soit environ un mois et demi aprs sonarrestation et quatre semaines aprs lenvoi de sa premire lettre la

    Commission (3 mai 1966), le requrant a crit au ministre de la justice eninvoquant les articles 3 et 4 (art. 3, art. 4) de la Convention. Soulignant quilavait touch, le 6 mai, 3.217 FB au titre de sa pension, il stonnait de ne pasavoir encore recouvr sa libert. Il se plaignait en outre dtre astreint travailler pour un salaire horaire de 1 FB 75. Il ajoutait quil avait refus detravailler pour protester contre lattitude dun chef de pavillon de Merxplas,lequel avait prtendu tort pouvoir lui "prendre" 5% de sa pension. Ildnonait enfin les sanctions disciplinaires entranes par un tel refus - cachotet "cellule sans faveur" - et les entraves apportes sa correspondance. Le 7

    juin 1966, le ministre de la justice a pri le directeur de la prison de St.Gilles dinformer De Wilde "que sa demande de libration" du 31 mai serait

    "examine en temps opportun".Le requrant est revenu la charge le 13 juin, puis le 12 juillet 1966. Dans

    cette dernire lettre, il interrogeait le ministre sur les raisons qui avaientprovoqu son transfrement la prison de Turnhout. Il signalait aussi quilnexistait dans cet tablissement aucun travail qui lui permt de gagner lasomme ncessaire la constitution de sa "masse de sortie". Le 15 juillet, leministre la fait aviser que son largissement anticip pouvait "treenvisag" sil observait une "bonne conduite au travail" et "lorsque lereclassement (serait) assur".

    De Wilde sest nouveau adress au ministre le 8 aot 1966. Grce sapension, avanait-il, il avait "de largent en suffisance"; du reste, "le fruit de(son) travail" dpassait dj 4.000 FB. Quant son reclassement, sa dtentionle rendait daprs lui "impossible": elle lempchait de correspondrelibrement avec les employeurs et lassistant social ngligeait de laider. Leministre a considr nanmoins, le 12 aot 1966, que la demande "ne(pouvait) tre accueillie prsentement".

    Le 13 aot 1966, lintress a crit une fois de plus au ministre enaffirmant quil pouvait trouver gte, couvert et travail dans une ferme.

    20. Les 25 et 26 octobre 1966, le ministre de la justice a dcid que lerequrant pourrait tre largi lexpiration de la peine prononce contre lui le19 aot, ds que son reclassement paratrait assur par loffice de radaptation

    sociale de Charleroi (article 15 de la loi de 1891).De Wilde a recouvr sa libert Charleroi le 16 novembre 1966. Sadtention avait dur un peu moins de sept mois, dont trois moisdemprisonnement correctionnel.

    21. Selon un rapport de ladministration des tablissements pnitentiaires,le requrant a encouru une seule sanction disciplinaire entre le dbut de soninternement (19 avril 1966) et la date de sa requte la Commission (17 juin1966): pour avoir refus de travailler Merxplas, il a t priv de cinma etde visites en parloir commun jusqu son transfrement Turnhout.

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    22. Dans la requte quil a introduite devant la Commission le 17 juin1966 (no 2832/66), De Wilde invoquait les articles 3 et 4 (art. 3, art. 4) de la

    Convention. Il slevait dabord contre son "emprisonnement arbitraire",ordonn en labsence dinfraction de sa part, sans condamnation sa chargeet nonobstant les ressources dont il disposait. Il sinsurgeait aussi contrel"esclavage" et la "servitude" dcoulant ses yeux de lobligation detravailler pour une somme drisoire et sous peine de sanctions disciplinaires.

    Le 7 avril 1967, la Commission a dclar la requte recevable; auparavant,elle en avait prononc la jonction avec celles de Franz Ooms et dEdgardVersyp.

    B. Affaire Ooms

    23. Franz Ooms, ressortissant belge n le 12 avril 1934 Gilly, sestprsent le 21 dcembre 1965, 6 h 15 du matin, devant M. Renier, adjointau commissaire de police de Namur, "afin dtre plac comme vagabond moins quun service social ne (lui trouvt) une occupation o (il pourrait) trelog et nourri en attendant un travail rgulier". Il a prcis quil avait habitces derniers temps chez sa mre Jumet mais quelle ne pouvait pluslentretenir; quil avait perdu un emploi de monteur en charpentes Marcinelle et navait pas russi sen procurer un autre depuis un mois endpit de ses efforts; quil navait plus de ressources et que le Tribunal de

    police de Jumet lavait "condamn" en 1959 pour vagabondage.

    24. Le mme jour vers 10 h., le Tribunal de police de Namur, statuantcontradictoirement en audience publique et aprs avoir vrifi "lidentit,lge, ltat physique, ltat mental et le genre de vie" de lintress, aconsidr comme tablies les circonstances qui avaient fait traduire celui-cien justice. En vertu de larticle 16 de la loi de 1891, il la mis " la dispositiondu gouvernement pour tre intern dans une maison de refuge"; il a charg "leministre public des mesures dexcution".

    25. Ooms a t intern tantt Merxplas, tantt Wortel. Il a pass aussiquelques semaines au centre mdico-chirurgical de la prison de St. Gilles-Bruxelles (juin 1966).

    26. Le 12 avril 1966, soit un peu moins de quatre mois aprs son

    arrestation et environ cinq semaines avant de saisir la Commission (20 mai1966), le requrant a sollicit son largissement auprs du ministre de lajustice. A len croire, il souffrait de tuberculose et ses parents consentaient le reprendre leur domicile en vue de le faire placer dans un sanatorium. Le 5mai, le ministre a estim la demande prmature aprs avoir recueilli lavis -dfavorable du mdecin et du directeur de ltablissement de Merxplas.

    Franz Ooms a rclam derechef sa libration le 6 juin en crivant cette foisau premier ministre. Il avanait que "malade depuis (sa) dtention", il navait

    pu gagner par son travail les 2.000 FB ncessaires la constitution de samasse de sortie, et rptait que sa mre acceptait de le loger chez elle et de

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    subvenir ses besoins. Le ministre de la justice, auquel le cabinet dupremier ministre avait transmis la demande, la juge elle aussi prmature; le

    14 juin, il a pri le directeur de la prison de St. Gilles den informer lerequrant.

    Le 25 juin 1966, les oeuvres sociales de lArme du Salut de Bruxelles ontattest que Franz Ooms serait "occup et hberg en (leurs) tablissementsds sa libration". Lintress a communiqu cette pice au directeur de lacolonie de Wortel le 1er juillet, mais sans rsultat.

    Par une lettre du 15 juillet au mme directeur, Mme Ooms mre aconfirm les dires de son fils. En rponse, le directeur la invite le 22 juillet produire un certificat dembauche, soulignant qu"au moment de sa sortieventuelle", le requrant devrait avoir, en sus dun gte, "un travail assur parlequel il (pt) pourvoir son entretien".

    Mme Ooms sest adresse en outre, le 16 juillet, au ministre de la justicepour implorer "la grce de (son) fils". Le ministre la informe, le 3 aot1966, que ce dernier recouvrerait sa libert quand il aurait, "par son travail

    pnitentiaire, runi la somme dargent prescrite par le rglement commemasse de sortie aux vagabonds interns pour une dure indtermine ladisposition du gouvernement".

    Dans un rapport du 31 aot 1966, tabli lintention du ministre de lajustice, le directeur de la colonie de Wortel a relev que Franz Ooms avaitsubi jadis plusieurs condamnations pnales, quil en tait son quatrimeinternement pour vagabondage, que sa conduite navait rien dexemplaire etque le fruit de son travail atteignait seulement 400 FB. Daprs un certificatmdical annex au rapport, les examens auxquels il avait t procd sur la

    personne du requrant navaient rvl aucune anomalie. En consquence, leministre a charg le directeur, le 6 septembre 1966, de faire savoir lintress "que ses plaintes" avaient t "considres comme non fondes".

    Le 26 septembre 1966, Ooms sest tourn nouveau vers le premierministre. Pour sexcuser de sa dmarche, il invoquait lattitude ngative dudpartement de la justice. Il se prtendait victime d"injustices monstres"quil attribuait sa qualit de Wallon. Il allguait notamment quon lui avaitinflig Merxplas, le 23 mars 1966, trois jours de cachot et un mois de"cellule sans faveur" pour avoir refus daller coucher dans un dortoir

    malodorant o la lumire demeurait allume toute la nuit. Enferm nu, puis"en tenue lgre", dans un cachot glacial, il y aurait contract un dbut depneumonie et de tuberculose qui lui aurait valu de passer trois mois ausanatorium de ltablissement de Merxplas. Il protestait aussi contre le rejetdes multiples demandes de libration prsentes tant par lui-mme que par samre. En conclusion, il dclarait accepter louverture dune enqute destine vrifier lexactitude de ses assertions et il se disait prt exercer au besoinun recours devant une "instance nationale", au sens de larticle 13 (art. 13) dela Convention.

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    Deux jours plus tard, le cabinet du premier ministre a inform le requrantque sa lettre avait t transmise au dpartement de la justice.

    Ooms a t libr doffice Charleroi le 21 dcembre 1966, un an jourpour jour aprs sa mise la disposition du gouvernement (article 18, premieralina, de la loi de 1891).

    27. Dans la requte quil a introduite devant la Commission le 20 mai1966 (no 2835/66), lintress signalait quil se trouvait au sanatorium deltablissement de Merxplas mais que sa mre consentait le fairehospitaliser dans un tablissement "civil". Sa maladie, ajoutait-il, lempchaitabsolument de travailler et, partant, de gagner les 2.000 FB de la masse desortie; du reste, il lui aurait de toute manire fallu au moins un an pour runirune telle somme, raison de 1 FB 75 par heure. Ds lors, il stonnait de ceque le ministre de la justice et qualifi de prmature sa demande

    dlargissement.Ooms, que lon avait transfr entre-temps la prison de St. Gilles-

    Bruxelles, a complt sa requte initiale le 15 juin 1966. Il affirmait que sonaffection pulmonaire, due des mauvais traitements et une nourritureinsuffisante, tait prsent gurie mais quelle avait laiss des "traces" lerendant inapte "tout travail lourd". Il soulignait dautre part que sa mre,titulaire dune pension, le rclamait chez elle. Dans ces conditions, il estimaitavoir le droit dtre libr, droit quil reprochait aux autorits belges de ne pasreconnatre. Il soutenait en outre, en invoquant larticle 6 par. 3 b) et c) (art.6-3-b, art. 6-3-c) de la Convention, quau moment de son arrestation il avaitsollicit en vain lassistance gratuite dun avocat; le fait a t contest devantla Cour par lagent du Gouvernement.

    Dans la mesure o Franz Ooms se plaignait - apparemment dans des lettresultrieures - de mauvais traitements et dune atteinte sa libert deconscience et de religion (articles 3 et 9 de la Convention) (art. 3, art. 9), sarequte a t repousse le 11 fvrier 1967 pour dfaut manifeste defondement (annexe II du rapport de la Commission); le 7 avril 1967, laCommission la dclare recevable pour le surplus aprs en avoir prononc la

    jonction avec les requtes de Jacques De Wilde et dEdgard Versyp.

    C. Affaire Versyp

    28. Edgard Versyp, ressortissant belge n Bruges le 26 avril 1911, exerceau moins loccasion le mtier de dessinateur; il semble avoir eu sondomicile Schaarbeek.

    Le 3 novembre 1965 21 h., il sest prsent devant M. Meura,commissaire-adjoint de police Bruxelles; il tait porteur dune missive deloffice de radaptation sociale qui rclamait pour lui une nuit dhbergement.Se dclarant sans domicile, travail ni ressources, il a demand "avecinsistance son envoi aux colonies de bienfaisance"; il a prcis quil avaitsjourn "antrieurement Merxplas" et quil ne dsirait "aucune autre

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    solution". Aprs avoir pass la nuit au dpt communal, o il avait dj logla veille, il a t pris en charge, le 4 novembre 9 h., par loffice de

    radaptation sociale. Le mme jour, celui-ci a certifi que rien ne sopposait,"en ce qui concerne (ses) services", ce que le requrant ft "dfr lofficier du ministre public en vue de son envoi ventuel aux colonies de

    bienfaisance de ltat": trs bien connu de loffice, tant "en section post-pnitentiaire quen section vagabondage", il avait caus par "son apathie, safainantise et son penchant la boisson", lchec des efforts dploys jadis

    pour le reclasser; il refusait du reste "toute autre solution sociale" que soninternement. En consquence, Versyp a t mis aussitt la disposition duministre public.

    29. Quelques heures plus tard, le Tribunal de police de Bruxelles, statuantcontradictoirement en audience publique et aprs avoir vrifi "lidentit,

    lge, ltat physique, ltat mental et le genre de vie" de lintress, aconsidr comme tablies les circonstances qui avaient fait traduire celui-cien justice. En vertu de larticle 13 de la loi de 1891, il la mis " la dispositiondu gouvernement pour tre enferm dans un dpt de mendicit pendant deuxans". Il a confi le soin darrter les "mesures dexcution" au ministre

    public qui, toujours le 4 novembre 1965, a requis le directeur du dpt demendicit de Merxplas de recevoir Versyp en son tablissement.

    30. Versyp a t intern tour tour Wortel, Merxplas et Turnhout.31. Le 7 fvrier 1966, soit plus de trois mois aprs son arrestation et plus

    de six mois avant de saisir la Commission (16 aot 1966), il a crit de Wortelau ministre de la justice pour rclamer son transfrement la sectioncellulaire de Merxplas. Sa demande na pas t expdie Bruxelles, enraison dune visite imminente de linspecteur gnral qui y a fait droit lelendemain.

    Le 10 mai 1966, lintress a sollicit son dplacement de Merxplas laprison de St. Gilles-Bruxelles o, pensait-il, le chef du service de radaptationsociale russirait lui procurer "un emploi lextrieur" qui lui permt de"vivre comme un citoyen honnte". Il relevait que sa cohabitation "avecdautres vagabonds Wortel et Merxplas" avait "dmoli" son moral etquayant d tre soign deux reprises lhpital, il avait nglig son travail;il sengageait cependant soccuper "de (ses) affaires lextrieur plus

    assidment pour viter quune telle situation ne se (reproduist)". Dans unrapport dat du 16 mai, la direction de ltablissement de Merxplas a soulignque Versyp, titulaire de neuf condamnations pnales et intern quatrereprises pour vagabondage, avait pass en cellule la plus grande partie de sonexistence de dtenu et ne pouvait saccoutumer la vie en commun; aussi a-t-elle suggr quon le transfrt, sa demande, dans une prison cellulaire (opzijn vraag naar een celgevangenis). Envoy en consquence, le 23 mai, la

    prison de Turnhout et non celle de St. Gilles, le requrant sen est plaint le 6juin au ministre de la justice qui a ordonn son retour Wortel.

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    ARRT DE WILDE, OOMS ET VERSYP ("VAGABONDAGE")c. BELGIQUE (AU PRINCIPAL)

    Le 22 aot 1966, Versyp a pri le ministre de lui donner loccasion de sereclasser "dans la socit selon (ses) aptitudes, par lintermdiaire du service

    social de Bruxelles". Le 6 septembre, la direction de la colonie de Wortel lainform, sur les instructions du ministre, que lon examinerait son cas quandle montant de sa masse de sortie montrerait quil tait mme daccomplir untravail convenable.

    Le 26 septembre, lintress a protest auprs du ministre contre cetterponse. A len croire, on lavait "sournoisement" empch "de gagner quoique ce (ft)", tant Wortel qu Turnhout, afin de le "retenir plus longtemps".Ainsi, on avait voulu Wortel lui imposer un travail auquel il tait inapte - larcolte des pommes de terre - tandis quon lui en refusait dautres quil taitcapable dexcuter. En outre, on avait prtendu lui interdire de correspondreavec la Commission, sans rsultat du reste car il avait invoqu le rglement en

    vigueur et alert le parquet. Bref, il se sentait en butte une hostilit qui lepoussait dsirer quitter Wortel pour Merxplas ou, mieux encore, pour laprison de St. Gilles dont le service de radaptation sociale, avanait-il, luiprocurerait un travail appropri et un gte "dans un home Bruxelles".

    Le ministre de la justice a class sans suite la lettre dont il sagit; le 28septembre 1966, il a pri le directeur de la colonie de Wortel den aviser lerequrant.

    Versyp a recouvr sa libert le 10 aot 1967, en vertu dune dcisionministrielle du 3 aot (article 15 de la loi de 1891) et aprs un an, neuf moiset six jours dinternement. Le 1er aot, la direction de la colonie de Wortelavait exprim un avis favorable la nouvelle demande dlargissement quilavait prsente quelque temps auparavant; elle avait not, entre autres, quiltrouverait plus aisment un emploi dans limmdiat qu lchance du termefix en 1965 par le juge de paix de Bruxelles, cest--dire au mois denovembre.

    32. Dans la requte quil a introduite devant la Commission le 16 aot1966 (no 2899/66) et quil a complte le 6 septembre 1966, lintresssappuyait sur les articles 4, 5 et 6 par. 3 c) (art. 4, art. 5, art. 6-3-c) de laConvention. Il se plaignait dabord de son internement: soulignant quil avaitun domicile certain Schaarbeek et navait jamais mendi, il stonnait quonlet plac dans un dpt de mendicit. Il allguait en outre quil navait pas

    eu loccasion de se dfendre devant le Tribunal de police de Bruxelles le 4novembre 1965 car les dbats avaient dur " peine deux minutes" et on nelui avait pas accord lassistance dun avocat doffice. Il sinsurgeait aussicontre divers aspects du rgime quil subissait. Pour le mettre hors dtat derunir les 2.000 FB constituant la masse de sortie, on laurait laiss plusieursmois sans aucun travail adquat. Dune manire gnrale, ajoutait-il, lesdirecteurs des divers tablissements se concertaient pour prolonger aumaximum la dtention des vagabonds; de son ct, le gouvernement"cultivait" le vagabondage qui lui fournissait une main doeuvre presquegratuite (1 FB 75 par heure de travail manuel) et de gros bnfices. Versyp

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    affirmait enfin que ses nombreuses lettres aux autorits comptentes, parexemple linspecteur des prisons, le parquet (juillet 1966) et le ministre de la

    justice (juin et aot 1966), revenaient invariablement "chez le directeur" quiles classait sans suite; elles ne faisaient lobjet daucune dcision ou, telle sademande de transfrement Bruxelles, se heurtaient une rponse ngative.Lune dentre elles, adresse le 7 fvrier 1966 au ministre de la justice sous

    pli recommand, avait mme t ouverte par le directeur de la colonie deWortel, lequel ne lavait pas expdie.

    Le 7 avril 1967, la Commission a dclar la requte recevable; auparavant,elle en avait prononc la jonction avec celles de Jacques De Wilde et de FranzOoms.

    D. Donnes communes aux trois affaires

    33. Aux termes de larticle 347 du Code pnal belge de 1867, "lesvagabonds sont ceux qui nont ni domicile certain, ni moyens de subsistance,et qui nexercent habituellement ni mtier, ni profession". Ces troisconditions sont cumulatives: elles doivent se trouver runies en mme tempsdans le chef dun mme individu.

    34. rig jadis en dlit (Code pnal de 1810) ou en contravention (loi du 6mars 1866), le vagabondage ne constitue plus en lui-mme une infraction

    pnale depuis lentre en vigueur de la loi de 1891: seul revt un caractredlictueux le vagabondage "qualifi" tel que le dfinissent les articles 342

    345 du Code pnal en vigueur, lesquels nont t appliqus aucun des troisrequrants. Le vagabondage "simple", lui, tombe sous le coup de la loi de1891.

    35. Selon larticle 8 de ladite loi, "tout individu trouv en tat devagabondage est arrt et traduit devant le tribunal de police" - compos dun

    juge unique, le juge de paix. Le ministre public et le tribunal peuventcependant dcider la mise en libert provisoire (article 11).

    La comparution a lieu "dans les vingt-quatre heures", laudienceordinaire du juge, "ou celle que lofficier du ministre public requerra pourle lendemain". Si lintress le demande, "un dlai de trois jours lui (est)accord pour prparer sa dfense" (article 3 de la loi du 1er mai 1849); ni De

    Wilde, ni Ooms ni Versyp nont us de ce droit.36. Si aprs avoir vrifi "lidentit, lge, ltat physique, ltat mental etle genre de vie" de la personne traduite devant lui (article 12), le juge de paixestime quil sagit dun vagabond, larticle 13 ou larticle 16 de la loi de 1891entre en jeu.

    Larticle 13 concerne "les individus valides qui, au lieu de demander autravail leurs moyens de subsistance, exploitent la charit, comme mendiantsde profession", et les "individus qui, par fainantise, ivrognerie oudrglement de moeurs, vivent en tat de vagabondage"; larticle 16, "les

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    individus trouvs en tat de vagabondage ou mendiant, sans aucune descirconstances (...) mentionnes larticle 13".

    Dans la premire hypothse, le tribunal met le vagabond " la dispositiondu gouvernement pour tre enferm dans un dpt de mendicit, pendantdeux ans au moins et sept ans au plus"; dans la seconde, il peut le "mettre ladisposition du gouvernement pour tre intern dans une maison de refuge", etce pour une dure indtermine mais qui en aucun cas nexcdera un an (cf.le paragraphe 40 ci-dessous).

    Larticle 13 a t appliqu Jacques De Wilde et Edgard Versyp, larticle16 Franz Ooms.

    La distinction entre les "tablissements de correction" dnomms "dptsde mendicit" et les "maisons de refuge" ou "colonies de bienfaisance"(articles 1 et 2 de la loi) est devenue purement thorique; on y a substitu un

    systme dindividualisation des traitements appliqus aux interns.Linternement dans un dpt de mendicit figure au casier judiciaire; en

    outre, certaines incapacits lectorales frappent les vagabonds "mis ladisposition du gouvernement" (articles 7 et 9 du Code lectoral).

    37. Les juges de paix appartiennent lordre judiciaire et ont le statut demagistrat, avec les garanties dindpendance quil implique (articles 99 et 100de la Constitution). Les dcisions quils rendent sur la base des articles 13 et16 de la loi de 1891 sont cependant considres par la Cour de cassationcomme des actes de caractre administratif, et non comme des jugements ausens de larticle 15 par. 1 de la loi du 4 aot 1832. En consquence, elles nesont susceptibles ni dopposition ni dappel, ni - sauf si elles excdent leslimites traces par la loi (cf. le paragraphe 159 du rapport de la Commission)- de pourvoi en cassation. La jurisprudence de la cour suprme de Belgiqueest constante sur ce point.

    Quant au Conseil dtat, il na eu jusquici connatre que de deuxrecours en annulation dirigs contre des ordonnances dinternement pourvagabondage.

    Dans un arrt Vleminckx du 21 dcembre 1951, il avait rserv la questionde savoir si une dcision prise le 14 juillet 1950 par le Tribunal de police deBruxelles en vertu de larticle 13 de la loi de 1891 manait dune autorit quiavait "agi comme autorit administrative au sens de larticle 9 de la loi du 23

    dcembre 1946"; le recours dont le sieur Vleminckx lavait saisi le 31 juillet1950 avait t repouss par le motif

    "que la dcision attaque (constituait) une dcision prparatoire qui (avait) t suiviede la dcision du gouvernement dinterner le requrant dans un dpt de mendicit(...); que le requrant ne (pouvait) justifier daucun intrt lannulation dunedcision permettant seulement au gouvernement de linterner alors que la dcisiondinternement (ntait) pas attaque".

    Le 7 juin 1967, en revanche, soit deux mois aprs que la Commission eutretenu les requtes de Jacques De Wilde, Franz Ooms et Edgard Versyp, leConseil dtat a rendu un arrt annulant la dcision par laquelle le Tribunal

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    de police de Gand avait, le 16 fvrier 1965, mis un sieur Du Bois ladisposition du gouvernement en application de larticle 16 de la loi de 1891.

    Avant dexaminer le fond, il a vrifi la recevabilit, conteste par le ministrede la justice, du recours que le susnomm avait exerc le 14 avril 1965. A lalumire des textes en vigueur, des travaux prparatoires et de la"jurisprudence constante du pouvoir judiciaire", le Conseil a estim que lamise dun vagabond la disposition du gouvernement ne dcoule pas de "laconstatation dune infraction pnale", mais sanalyse en une "mesureadministrative de scurit", et que la dcision la prescrivant est donc "dordre

    purement administratif", "en sorte quaucun recours organis" ne soffrecontre elle " lintress (...) devant les cours et tribunaux". Il a ajout que

    pareille "dcision administrative du juge de police" ne saurait passer pour"une mesure prparatoire devant permettre au gouvernement de prendre la

    vritable dcision dinternement": "elle est elle-mme la dcision proprementdite qui place lintress dans une situation nouvelle lgalement dfinie" et,

    partant, est "par elle-mme de nature faire grief"; du reste, "lintress sevoit immdiatement priv de sa libert avant toute autre dcision dugouvernement".

    Aux termes de larticle 20 par. 2 de la loi du 23 dcembre 1946 portantcration du Conseil dtat, lorsque ce dernier "et une cour ou un tribunal delordre judiciaire se sont dclars lun et lautre soit comptents, soitincomptents pour connatre de la mme demande, le rglement dattributionsur le conflit est poursuivi par la partie la plus diligente et jug par la Cour decassation" qui statue "chambres runies". Aucun conflit de ce genre ne paratavait t soumis jusquici la cour suprme de Belgique en matire devagabondage.

    Le Gouvernement belge prpare depuis assez longtemps une rforme de laloi de 1891. Daprs les indications fournies la Cour le 17 novembre 1970,le projet dont il sapprte saisir le Parlement prvoit notamment que lesdcisions des juges de paix pourront faire lobjet dun recours auprs dutribunal de premire instance.

    38. "Les individus valides interns dans un dpt de mendicit ou dans unemaison de refuge" ont lobligation daccomplir les "travaux prescrits dansltablissement" (article 6 de la loi de 1891). Ceux qui, tels Jacques De Wilde

    et Edgard Versyp, refusent de sacquitter de cette obligation, sans motifplausible aux yeux des autorits, sexposent des sanctions disciplinaires."Les cas dinfirmit, de maladie ou de punition peuvent entraner suspension,cessation ou privation de travail" (articles 64 et 95, combins, de larrtroyal du 21 mai 1965 portant rglement gnral des tablissements

    pnitentiaires)."Sauf retrait par mesure disciplinaire", les vagabonds interns ont droit

    "un salaire journalier" appel "gratification". Des retenues sont opres "titre de frais de gestion" - "au profit de ltat" - et "pour former la masse desortie" qui sera "dlivre partie en espces, partie en vtements et outils". Le

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    ministre de la justice fixe le taux de ladite masse et, en fonction des diversescatgories de "reclus" et de travaux, celui du salaire et des retenues (articles 6

    et 17 de la loi de 1891; articles 66 et 95, combins, de larrt royal du 21 mai1965).

    A lpoque de linternement des trois requrants, la masse de sortie constituer ainsi - les sommes quun vagabond peut recevoir de sourcesextrieures ntant pas prises en considration - slevait 2.000 FB, dumoins pour les "colons" des maisons de refuge (circulaire ministrielle du 24avril 1964).

    Quant la gratification horaire minimale "effectivement paye" auxinterns - sauf dductions ventuelles "pour dgts ou malfaons" -, elle taitde 1 FB 75 jusquau 1er novembre 1966, date laquelle elle a augment de25 centimes (circulaires ministrielles des 17 mars 1964 et 10 octobre 1966).

    Incessible et insaisissable, elle se divisait en deux fractions gales: la "quotitrserve" qui, inscrite au compte de lintress, lui servait runir la massede sortie, et la quotit disponible quil touchait sans plus attendre (articles 67et 95, combins, de larrt royal du 21 mai 1965).

    39. Daprs les articles 20 24 et 95 de larrt royal du 21 mai 1965, lacorrespondance des vagabonds interns - qui cet gard comme dautres sevoient assimils aux condamns dtenus - peut tre soumise un contrle lexception toutefois de celle quils changent avec lavocat de leur choix, ledirecteur de ltablissement, linspecteur gnral et le directeur gnral deladministration des tablissements pnitentiaires, le secrtaire gnral duministre de la justice, les autorits judiciaires, les ministres, les prsidentsdes chambres lgislatives, le Roi, etc. Leur correspondance avec laCommission ne se trouve pas mentionne dans ledit arrt, mais le ministrede la justice a inform les directeurs des tablissements pnitentiaires et dedfense sociale, y compris ceux de Merxplas et Wortel, qu"il y a lieu,lorsquun dtenu adresse une lettre cet organisme, de ne pas la censurer etde la faire parvenir, dment affranchie pour ltranger par lexpditeur (...),au service du contentieux (...) qui se chargera de lenvoi du pli sondestinataire" (circulaire du 7 septembre 1957, telle quelle tait en vigueur lpoque de linternement des trois requrants; cf. aussi le paragraphe 31 ci-dessus).

    40. "Les individus interns dans une maison de refuge" tel Franz Ooms -ne peuvent "en aucun cas y tre retenus contre leur gr au-del dun an"(article 18, premier alina, de la loi de 1891). Ils recouvrent de plein droit leurlibert avant lexpiration de ce dlai "lorsque leur masse de sortie (a) atteint lechiffre (...) fix par le ministre de la justice" qui, en outre, les fait largir silestime que leur internement "nest plus ncessaire" (articles 17 et 18,deuxime alina, de la loi de 1891).

    De leur ct, les vagabonds enferms dans un dpt de mendicit telsJacques De Wilde et Edgard Versyp - le quittent soit lchance du terme dedeux sept ans "fix par le tribunal", soit une date antrieure si le ministre

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    de la justice juge "inutile de prolonger linternement" (article 15 de la loi de1891), la constitution de la masse de sortie et les autres ressources ventuelles

    de lintress ne suffisant pas cet gard.Aucun vagabond dtenu ne parat avoir saisi jusquici le Conseil dtat, en

    vertu de larticle 9 de la loi du 23 dcembre 1946, dun recours en annulationdirig contre une dcision ministrielle qui aurait repouss sa demandedlargissement.

    41. Devant la Commission et la sous-commission, les trois requrants ontinvoqu les articles 4, 5 par. 1, 5 par. 3 , 5 par. 4, 6 par. 1, 6 par. 3 b) et c), 7,8 et 13 (art. 4, art. 5-1, art. 5-3, art. 5-4, art. 6-1, art. 6-3-b, art. 6-3-c, art. 7,art. 8, art. 13) de la Convention. Deux dentre eux, savoir De Wilde etVersyp, ont allgu aussi la mconnaissance de larticle 3 (art. 3).

    42. Dans son rapport du 19 juillet 1969, la Commission a conclu:

    - lexistence dune violation des articles 4 (art. 4) (neuf voix contredeux), 5 par. 4 (art. 5-4) (neuf voix contre deux) et 8 (art. 8) (dix voix contreune);

    - labsence de violation des articles 3 (art. 3) (unanimit) et 5 par. 1 (art.5-1) (dix voix contre une);

    - linapplicabilit des articles 5 par. 3 (art. 5-3) (unanimit), 6 par. 1 (art.6-1) (dix voix contre une), 6 par. 3 (art. 6-3) (dix voix contre une) et 7 (art. 7)(unanimit).

    Elle a estim en outre que "la prise en considration de larticle 13 (art. 13)ne (simposait) pas" (unanimit).

    Le rapport contient plusieurs opinions individuelles, les unesconcordantes, les autres dissidentes.

    43. Aprs la saisine de la Cour, les requrants ont ritr, et parfoisdvelopp, la plupart de leurs arguments antrieurs dans une note que laCommission a jointe son mmoire. Ils ont marqu, suivant le cas, leuraccord ou leur dsaccord avec lavis de la Commission, devant lequel DeWilde et Versyp ont dclar sincliner en ce qui concerne larticle 3 (art. 3) dela Convention.

    EN DROIT

    I. SUR LES QUESTIONS DE COMPETENCE ET DE RECEVABILITESOULEVEES EN LESPECE

    44. Dans ses mmoires de fvrier et de juin 1970, le Gouvernement avaitdemand la Cour, en ordre principal,

    "de dire que les requtes introduites contre la Belgique par Jacques De Wilde le 17juin 1966, par Franz Ooms le 20 mai 1966, et par Edgard Versyp le 16 aot 1966,

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    ntaient pas recevables, les requrants nayant pas puis les voies de recoursinternes, et que la Commission (...) aurait donc d les rejeter en vertu des articles 26 et27 par. 3 (art. 26, art. 27-3) de la Convention."

    De son ct, la Commission avait pri la Cour, dans son mmoire davril1970,

    "1) en ordre principal:

    - de dclarer irrecevable la demande, formule par le Gouvernement belge, de direque la Commission aurait d rejeter les trois requtes en vertu des articles 26 et 27 par.3 (art. 26, art. 27-3) de la Convention, pour le motif que la Cour nest pas comptente

    pour se prononcer sur les dcisions de la Commission relatives la recevabilit desrequtes;

    2) en ordre subsidiaire:

    - de dclarer irrecevable ladite demande, pour le motif que le Gouvernement belgeest forclos de prsenter une telle demande devant la Cour, nayant pas soulevlobjection de non-puisement des voies de recours internes devant la Commission austade de la recevabilit des requtes;

    3) en ordre plus subsidiaire:

    - de dclarer mal fonde ladite demande, tant donn quau moment o laCommission a t saisie des trois requtes aucun recours efficace nexistait en droit

    belge contre les dcisions des juges de paix en matire de vagabondage."

    45. Lors des dbats oraux, lagent du Gouvernement a conclu ce quil

    plaise la Cour:- "de dcider quelle est pleinement comptente pour statuer sur la recevabilit des

    requtes et, en particulier, pour vrifier si les requrants ont ou nont pas puis lesvoies de recours internes";

    - "de constater lirrecevabilit des requtes (...), les intresss nayant pas observles dispositions de larticle 26 (art. 26) de la Convention".

    Linobservation de larticle 26 (art. 26) aurait consist non seulement dansle non-puisement des voies de recours internes, mais aussi, pour EdgardVersyp, dans le dpassement du dlai de six mois.

    Pour leur part, les dlgus de la Commission ont maintenu sanschangement, cet gard, les conclusions de leur mmoire davril 1970.

    46. La Cour se trouve ainsi appele rechercher, avant tout examen dufond:

    (1) si elle a ou non comptence pour examiner les moyens tirs par leGouvernement de la prtendue inobservation de larticle 26 (art. 26) de laConvention, soit en ce qui concerne lpuisement des voies de recoursinternes, soit en ce qui concerne le dlai de six mois;

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    (2) si, dans laffirmative, le Gouvernement ne doit pas tre dclar forclos opposer lirrecevabilit des requtes, soit pour non-puisement des voies de

    recours internes, soit, subsidiairement, dans le cas de Versyp, pour tardivet;(3) au cas o le Gouvernement ne serait pas dclar forclos, si les moyens

    dirrecevabilit invoqus par lui sont fonds.

    A. Sur la comptence de la cour pour connatre des moyens de non-

    puisement des voies de recours internes et de tardivet opposspar le gouvernement aux requtes retenues par la commission

    47. Pour apprcier si elle a comptence pour connatre des moyensopposs par le Gouvernement aux prsentes requtes, la Cour se reporte autexte de la Convention, et spcialement larticle 45 (art. 45) qui dterminesa comptence ratione materiae. Cet article prcise que "la comptence de laCour stend toutes les affaires concernant linterprtation et lapplicationde la (...) Convention que les Hautes Parties Contractantes ou la Commissionlui soumettront, dans les conditions prvues par larticle 48 (art. 48)". Suivantcette disposition, ainsi que la Cour la dclar dans son arrt du 9 fvrier 1967(affaire "linguistique", srie A, p. 18), "la base de la comptence rationemateriae de la Cour est tablie lorsque laffaire dont il sagit a trait unequestion dinterprtation ou dapplication de la Convention".

    48. Le membre de phrase "affaires concernant linterprtation etlapplication de la (...) Convention", qui figure larticle 45 (art. 45), est

    remarquable par son ampleur. La porte tout fait gnrale quil faut luiattribuer se trouve confirme par la version anglaise du paragraphe 1 delarticle 46 (art. 46-1), laquelle sexprime en termes encore plus larges ("allmatters") que larticle 45 (art. 45) ("all cases").

    49. la vrit, il ressort de larticle 45 (art. 45) que la Cour ne peutexercer sa comptence qu lgard des affaires dont elle est rgulirementsaisie et son contrle doit ncessairement porter dabord sur le respect desconditions dfinies aux articles 47 et 48 (art. 47, art. 48). Une foisrgulirement saisie, la Cour jouit pourtant de la plnitude de juridiction et

    peut donc connatre de toutes les questions de fait et de droit qui se poserontau cours de lexamen de laffaire.

    50. On ne voit pas, ds lors, comment les questions dinterprtation etdapplication de larticle 26 (art. 26) souleves devant la Cour pendantlexamen dune affaire, chapperaient sa juridiction. La chose se conoitdautant moins que la rgle de lpuisement des voies de recours internesdlimite le domaine dans lequel les tats contractants ont consenti rpondredes manquements qui leur sont reprochs devant les organes de laConvention, et que la Cour doit assurer lobservation des dispositions yrelatives aussi bien que le respect des droits et liberts individuels garantis parla Convention et les Protocoles.

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    La rgle de lpuisement des voies de recours, qui dispense les tats derpondre de leurs actes devant un organe international avant davoir eu

    loccasion dy remdier dans leur ordre juridique interne, compte dailleursparmi les principes de droit international gnralement reconnus, auxquelslarticle 26 (art. 26) renvoie expressment.

    Quant au dlai de six mois, il dcoule dune clause spciale de laConvention et constitue un facteur de scurit juridique.

    51. Cette conclusion nest aucunement infirme par les pouvoirs quelarticle 27 (art. 27) de la Convention attribue la Commission en ce quiconcerne la recevabilit des requtes. La tche que cet article (art. 27) assigne la Commission est une tche de filtrage: la Commission retient les requtesou ne les retient pas. Ses dcisions de rejeter une requte quelle considrecomme irrecevable sont sans recours, comme le sont du reste aussi celles par

    lesquelles elle retient une requte; elles sont prises en toute indpendance (cf.,mutatis mutandis, larrt Lawless du 14 novembre 1960, srie A, p. 11). Ladcision de retenir une affaire a pour effet damener la Commission sacquitter des fonctions dfinies aux articles 28 31 (art. 28, art. 29, art. 30,art. 31) de la Convention et de permettre la saisine ventuelle de la Cour,mais elle ne lie pas la Cour, pas plus que ne la lie lavis formul par laCommission, dans son rapport final, "sur le point de savoir si les faitsconstats rvlent, de la part de ltat intress, une violation des obligationsqui lui incombent aux termes de la Convention" (article 31) (art. 31).

    52. Par ces motifs, la Cour sestime comptente pour connatre desquestions de non-puisement et de tardivet souleves en lespce.

    B. Sur la forclusion

    53. La comptence de la Cour pour statuer sur les moyens opposs par ungouvernement dfendeur, sur la base de larticle 26 (art. 26), aux demandesdiriges contre lui, nimplique aucunement que la Cour doive se dsintresserde lattitude adopte cet gard par ce gouvernement au cours de la

    procdure devant la Commission.54. Il est en effet de pratique courante, devant les juridictions

    internationale et internes, que les exceptions dirrecevabilit doivent en rgle

    gnrale tre opposes in limine litis. Cest l sinon toujours un impratif, dumoins un desideratum dune bonne administration de la justice et uneexigence de la scurit juridique. La Cour elle-mme a prescrit, larticle 46

    par. 1 de son Rglement, que "toute exception prliminaire doit tre prsenteau plus tard avant lexpiration du dlai fix pour la premire pice de la

    procdure crite dposer par la Partie soulevant lexception".Certes, il ne sagit pas devant la Cour de la mme procdure que celle qui

    sest poursuivie devant la Commission, et dordinaire il ny a mme pasidentit de parties, mais il sagit de la mme affaire et il rsulte de lconomiegnrale de la Convention que les exceptions dincomptence et

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    dirrecevabilit doivent en principe tre souleves dabord devant laCommission dans la mesure o leur nature et les circonstances sy prtent

    (comp. larrt Stgmller du 10 novembre 1969, srie A, pp. 41-42, par. 8, etlarrt Matznetter du mme jour, srie A, p. 32, par. 6).

    55. En outre, rien nempche les Etats de renoncer au bnfice de la rglede lpuisement des voies de recours internes, qui a pour but essentiel de

    protger leur ordre juridique national. Il existe ce sujet une longue pratiqueinternationale laquelle la Convention na srement pas entendu droger carelle se rfre, en son article 26 (art. 26), aux principes de droit internationalgnralement reconnus. Si pareille renonciation intervient devant laCommission (cf. p. ex. Annuaire de la Convention, volume 7, pp. 259-261),on nimagine gure que le gouvernement intress puisse la rtracter saguise aprs la saisine de la Cour.

    56. Examinant la procdure qui sest droule devant la Commission, laCour constate que le Gouvernement avait, dans ses premires observationsrelatives la recevabilit des requtes, oppos lun des griefs de FranzOoms la fin de non-recevoir tire du non-puisement des voies de recoursinternes. La Commission ayant considr ledit grief comme manifestementmal fond, jugea superflu de se prononcer sur lexception. La dcision

    partielle rendue ce sujet dans laffaire Ooms porte la date du 11 fvrier1967.

    Au cours des dbats oraux qui suivirent cette dcision partielle et celles dumme jour concernant les deux affaires connexes, un membre de laCommission prit linitiative, le 6 avril 1967, dinterroger lagent duGouvernement sur la possibilit dattaquer devant le Conseil dtat lesdcisions des juges de paix en matire de vagabondage (articles 13 et 16 de laloi de 1891) et les dcisions du ministre de la justice refusant dlargir unvagabond dtenu (articles 15 et 18 de la mme loi). Lagent duGouvernement rpondit que la haute juridiction administrative sestimaitincomptente pour connatre dun recours dirig contre lordonnance dun

    juge de paix (arrt Vleminckx du 21 dcembre 1951; cf. le paragraphe 37 ci-dessus). Il souligna toutefois "quau moins une procdure" - laffaire Du Bois- "tait en cours devant le Conseil dtat dans laquelle le problme delexistence dun recours contre la dcision du juge de paix (tait) nouveau

    pos"; il exprima aussi lavis personnel que "la dcision de rejet", par leministre, dune demande de libration pourrait sans doute tre annule, le caschant, par le Conseil dtat "pour tel ou tel motif de pure lgalit". Il nentira cependant pas argument pour inviter la Commission soit repousser lesrequtes pour non-puisement, soit surseoir statuer sur leur recevabilit.

    Aussi la Commission crut-elle pouvoir conclure linexistence de voies derecours internes et ds lors constater dans sa dcision du 7 avril 1967, parlaquelle elle dclarait les requtes recevables, "que les requrants (avaient)respect les conditions de larticle 26 (art. 26) de la Convention".

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    57. Deux mois plus tard cependant, le 7 juin 1967, le Conseil dtatrendait un arrt renversant sa jurisprudence antrieure et dclarant recevable

    et justifi le recours en annulation introduit par le sieur Du Bois contrelordonnance dun juge de paix (cf. le paragraphe 37 ci-dessus). LeGouvernement en a inform la Commission par un mmoire du 31 juillet1967 et il a formellement demand le rejet des trois requtes commeirrecevables pour non-puisement des voies de recours internes. Le conseildes requrants a mis lavis que le Gouvernement dfendeur ntait "pasrecevable discuter la recevabilit des requtes, celle-ci ayant tdfinitivement constate par la dcision de la Commission du 7 avril 1967"(paragraphe 59 du rapport). Lagent du Gouvernement a ritr sa demandedans sa plaidoirie devant la Commission, le 8 fvrier 1968 (paragraphes 124et 125 du rapport): il a invit la Commission rendre "une seconde dcision

    sur la recevabilit pour constater que des termes mmes de larrt du Conseildtat de Belgique, il (rsultait) clairement que (les) requrants avaient leurdisposition une voie de recours dont ils ne (staient) pas servis alors quilsauraient pu le faire".

    Enfin, la Commission a repouss cette demande dans le rapport quelle aadopt le 19 juillet 1969 (paragraphe 177). Elle a rappel que "daprs les

    principes de droit international, auxquels renvoie larticle 26 (art. 26) de laConvention, un requrant est dispens dpuiser une voie de recours internesi, en vertu dune jurisprudence constante des instances nationales, cette voienoffre aucune chance raisonnable daboutir"; elle a relev quavant larrtDu Bois du 7 juin 1967, tel tait le cas des recours contre les dcisions dun

    juge de paix en matire de vagabondage, et a conclu que ctait juste titrequelle avait dclar recevables les trois requtes et que larrt susvis neconstituait pas "un lment nouveau de nature justifier un rexamen de ladcision sur la recevabilit des requtes".

    Dans ces conditions, la Cour ne peut considrer que le Gouvernementbelge soit forclos se prvaloir devant elle de lexception de non-puisementdes voies de recours internes en ce qui concerne les ordonnances des juges de

    paix de Charleroi, de Namur et de Bruxelles.58. Il nen va pas de mme du moyen de tardivet que le Gouvernement

    oppose titre subsidiaire au requrant Versyp.

    Ce dernier a saisi la Commission le 16 aot 1966, soit plus de six moisaprs la dcision du Tribunal de police de Bruxelles ordonnant, le 4novembre 1965, son internement pour vagabondage (cf. les paragraphes 29 et31 ci-dessus). Le Gouvernement en dduit que si la Cour considrait laditedcision comme non susceptible lpoque de recours, la requte de Versyp la Commission devrait tre juge irrecevable pour inobservation du dlai

    prescrit par larticle 26 (art. 26) in fine de la Convention.La Cour relve que ce moyen na jamais t invoqu devant la

    Commission, ni mme pendant la procdure crite devant la Cour: lagent duGouvernement la prsent pour la premire fois dans sa plaidoirie du 16

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    novembre 1970, soit plus de trois ans aprs la dcision de la Commission surla recevabilit et plus dun an aprs la saisine de la Cour.

    Dans ces conditions, la Cour dclare le Gouvernement forclos seprvaloir de la tardivet de la requte de Versyp.

    59. La mme constatation vaut pour le moyen de non-puisement dont leGouvernement a saisi la Cour quant aux dcisions du ministre de la justicerejetant les demandes dlargissement des trois requrants.

    Ceux-ci ont plaid que le maintien de leur internement par le ministre avaitenfreint larticle 5 par. 1 (art. 5-1) de la Convention. Le Gouvernement faitvaloir quil leur et t loisible dattaquer lesdites dcisions auprs duConseil dtat en allguant la violation de larticle 5 (art. 5), directementapplicable en droit belge, et quils ont nglig dexercer pareil recours.Devant la Commission, toutefois, le Gouvernement na jamais invoqu

    larticle 26 (art. 26) de la Convention sur le point dont il sagit (cf. lesparagraphes 56 et 57 ci-dessus); pour les raisons dj indiques, il ne sauraitle faire pour la premire fois devant la Cour.

    C. Quant au bien-fond du moyen de non-puisement des voies de

    recours internes

    60. La Cour rappelle que selon le droit international, auquel larticle 26(art. 26) renvoie expressment, la rgle de lpuisement nimpose lexercicedes recours que pour autant quil en existe qui soient accessibles aux

    intresss et adquats, cest--dire de nature porter remde leurs griefs(arrt Stgmller du 10 novembre 1969, srie A, p. 42, par. 11).Il est galement admis quil incombe au gouvernement qui soulve

    lexception dindiquer les moyens qui, son avis, taient la disposition desintresss et auraient d tre utiliss par eux jusqu puisement.

    Les indications fournies cet gard par le Gouvernement belge ont trait lesunes aux dcisions dinternement, les autres linternement subsquent desrequrants. La Cour ayant dclar le Gouvernement forclos se prvaloir dumoyen fond sur les secondes (cf. le paragraphe 59 ci-dessus), seules les

    premires entrent dsormais en ligne de compte sur le terrain de larticle 26(art. 26) de la Convention. La thse du Gouvernement a subi leur sujet une

    nette volution au cours des procdures.61. Il na jamais t contest que les dcisions prises par les juges de paix lgard de Jacques De Wilde, de Franz Ooms et dEdgard Versyp revtaientun caractre administratif et, partant, ntaient susceptibles ni dappel ni derecours en cassation (cf. le paragraphe 37 ci-dessus).

    Lagent du Gouvernement, se fondant semble-t-il sur larrt Vleminckx du21 dcembre 1951, a galement admis dans les premiers dbats devant laCommission que le Conseil dtat naurait pas non plus accueilli de recourscontre lesdites ordonnances dinternement.

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    Aprs larrt Du Bois du 7 juin 1967, lagent du Gouvernement a reconnuque la jurisprudence ancienne tait "un peu irrelle en ce sens que, de toute

    manire, aprs le jugement du juge de paix, il ny a jamais eu de nouvelledcision de ladministration" (paragraphe 120 du rapport de la Commission).Il a, devant la Cour, exprim le mme avis, constatant que la prtenduedcision ministrielle vise par larrt Vleminckx se ramenait un simple"acte administratif dexcution" de lordonnance du juge de paix, voire "uneopration purement matrielle". Cette opinion parat fonde: lexamen desdossiers des procdures suivies devant les juges de paix rvle que, de fait,les officiers comptents du ministre public ont t chargs par les juges de

    paix de Charleroi, de Namur et de Bruxelles, de lexcution de leursordonnances et quils ont, dans ce but, "requis" les directeurs des colonies deWortel et de Merxplas de "recevoir" De Wilde, Ooms et Versyp "dans leur

    tablissement" sans quil y ait eu de "dcision" nouvelle prise ce sujet (cf.les paragraphes 17, 24 et 29 ci-dessus). Sans doute le ministre peut-ilintervenir sur la base de la loi de 1891 pour sopposer ce quil soit donnsuite aux ordonnances dinternement. Dans la pratique, toutefois, il nusegnralement pas de cette facult et il nen a pas us dans les prsentesaffaires.

    Lagent du Gouvernement a pourtant tir argument devant la Commission,puis devant la Cour, du fait quil rsultait du mme arrt Du Bois que lesordonnances prises par les juges de paix en matire dinternement pourvagabondage taient bien susceptibles de recours devant le Conseil dtat. Ila ajout que laffaire Du Bois tait dj pendante devant la juridictionadministrative au moment o linternement des requrants fut ordonn, quilexistait donc ce moment une possibilit de renversement de la jurisprudenceVleminckx et que, ds lors, les requrants ne pouvaient se dispenser de tentersemblable recours.

    62. La Cour ne peut se rallier cette manire de voir. Elle constate - sansquil soit mme besoin dexaminer cet endroit si un recours au Conseildtat et t de nature parer aux griefs que suivant lopinio communisexistant en Belgique jusquau 7 juin 1967, un recours au Conseil dtatcontre les ordonnances du juge de paix passait pour irrecevable.

    Telle fut la thse dfendue devant le Conseil dtat, dans laffaire Du

    Bois, par le Gouvernement lui-mme. On ne peut reprocher aux requrantsdavoir adopt, en 1965 et 1966, une conduite conforme lopinion quelagent du Gouvernement exprimait encore au dbut de 1967 dans les dbatsdevant la Commission sur la recevabilit et qui prvalait lpoque enBelgique.

    En outre, une fois connu larrt Du Bois du 7 juin 1967, les requrantsnont pas eu loccasion de profiter de la possibilit de recours quil semblaitouvrir, car bien avant son prononc le dlai de soixante jours prvu larticle4 de larrt du Rgent du 23 aot 1948, dterminant la procdure devant lasection dadministration du Conseil dtat, tait arriv expiration.

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    La Cour estime en consquence quen ce qui concerne les griefs relatifsaux ordonnances dinternement, le moyen tir par le Gouvernement dune

    inobservation de la rgle de lpuisement des voies de recours internes nestpas fond.

    II. SUR LE FOND

    63. Sur le fond des prsentes affaires, Gouvernement et Commission ontrepris en substance, loccasion des dbats oraux, les conclusions quifiguraient dans leurs mmoires respectifs.

    Le Gouvernement a demand la Cour:

    "de dire que les dcisions et mesures faisant lobjet des requtes introduites contre laBelgique par Jacques De Wilde le 17 juin 1966, par Franz Ooms le 20 mai 1966 et parEdgard Versyp le 16 aot 1966, ne sont pas en opposition avec les obligationsrsultant pour la Belgique de la Convention europenne des Droits de lHomme."

    De son ct, la Commission a pri la Cour "de dcider:

    1) si la comptence exerce par le juge de paix, en dcidant de mettre les requrants la disposition du gouvernement du chef de vagabondage, est de nature ou non remplir les conditions prvues dans la Convention et notamment en son article 5 par. 4(art. 5-4);

    2) si la Convention et notamment larticle 5 par. 4 (art. 5-4) ont t viols ou nonpar le fait que les requrants nont pas eu leur disposition un recours devant untribunal qui, des intervalles raisonnables, aprs la dcision initiale sur la dtention,

    aurait pu examiner si les conditions de lgalit de la dtention taient toujours runieset ordonner la libration du dtenu si tel ntait plus le cas;

    3) si la Convention et notamment larticle 7, ainsi que larticle 6 paras. 1 et 3 b) et c)(art. 7, art. 6-1, art. 6-3-b, art. 6-3-c), ont t viols ou non par le fait que les mesuresde correction prises lgard des vagabonds en vertu de la lgislation belgerevtiraient, en fait, un caractre pnal;

    4) si la Convention et notamment larticle 4 (art. 4) ont t viols ou non par le faitque les requrants ont t astreints du travail forc pendant une dtention qui nesatisferait pas aux conditions prvues larticle 5 (art. 5);

    5) si la Convention et notamment larticle 8 (art. 8) ont t viols ou non par le fait

    que la correspondance des requrants a t soumise la censure pendant leurdtention."

    Il ressort du dossier que des questions de fond se posent aussi en lespcesur le terrain des paragraphes 1 et 3 de larticle 5 (art. 5-1, art. 5-3), delarticle 3 et de larticle 13 (art. 3, art. 13).

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    A. Sur l"observation gnrale et prliminaire" du gouvernement

    64. Dans ses mmoires et plaidoiries, le Gouvernement a rappel que laCour a pour tche de statuer sur trois cas concrets dapplication de lalgislation litigieuse, et non sur un problme abstrait touchant lacompatibilit de cette lgislation avec la Convention; il sest appuy, cetgard, sur larrt De Becker du 27 mars 1962 (srie A, p. 26 in fine). Partantde l, il a soulign que les requrants staient prsents de leur plein gr la

    police et que leur admission Wortel et Merxplas avait "rsult dunedemande explicite ou implicite de leur part, explicite pour Versyp et pourOoms, implicite pour De Wilde". Selon lui, pareille "constitution volontaire"ne peut gure passer pour une "privation de libert", au sens de larticle 5 (art.5). Il en a conclu que la Cour devait carter demble lhypothse dun

    manquement aux exigences de la Convention, tant "pour linternement lui-mme" que "pour les conditions de celui-ci".

    65. Cette argumentation ne convainc pas la Cour.Le fait de se prsenter la police en vue dun internement peut tre inspir

    par la dtresse ou une misre passagre. Il nimplique pas ncessairement quele solliciteur se trouve en tat de vagabondage, moins encore quil soit unmendiant professionnel ou que son tat de vagabondage rsulte de lune descirconstances - fainantise, ivrognerie ou drglement de moeurs - qui,suivant larticle 13 de la loi de 1891, peuvent entraner une mesuredinternement plus svre.

    Dans la mesure o elle a jou un rle, la volont des intresss ne sauraitdailleurs effacer ni masquer le caractre impratif, et non "contractuel", desdcisions incrimines, qui ressort sans ambigut des textes lgaux (articles 8,13, 15, 16 et 18 de la loi de 1891) et des pices du dossier.

    Enfin et surtout, le droit la libert revt une trop grande importance dansune "socit dmocratique", au sens de la Convention, pour quune personne

    perde le bnfice de la protection de celle-ci du seul fait quelle se constitueprisonnire. Une dtention pourrait enfreindre larticle 5 (art. 5) quand bienmme lindividu dont il sagit laurait accepte. Dans une matire qui relvede lordre public au sein du Conseil de lEurope, un contrle scrupuleux, dela part des organes de la Convention, de toute mesure pouvant porter atteinte

    aux droits et liberts garantis, est command dans tous les cas. Larticle 12 dela loi de 1891 reconnat du reste la ncessit dun tel contrle lchellenationale: il oblige la justice de paix vrifier "lidentit, lge, ltat

    physique, ltat mental et le genre de vie" de quiconque est traduit devant elle"du chef de vagabondage". La "constitution volontaire" des requrants nedispense pas davantage la Cour de rechercher sil y a eu ou non violation dela Convention.

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    B. Sur la violation allgue du paragraphe 1 de larticle 5 (art. 5-1)

    66. Il ressort du dossier que les requrants ont invoqu, entre autres, lepremier paragraphe de larticle 5 (art. 5-1) de la Convention; leGouvernement a combattu leur thse que la Commission a rejete dans sonrapport.

    Pour autant quil sapplique en lespce, larticle 5 par. 1 (art. 5-1) est ainsilibell:

    "Toute personne a droit la libert et la sret. Nul ne peut tre priv de sa libert,sauf dans les cas suivants et selon les voies lgales:

    (...)

    e) sil sagit de la dtention rgulire (...) dun vagabond;

    (...)."

    67. Les requrants ont t privs de leur libert titre provisoire par lecommissaire de police auquel ils staient prsents, puis traduits par lui dansles vingt-quatre heures, conformment larticle 3 de la loi du 1er mai 1849,devant le juge de paix qui les a mis la disposition du gouvernement (cf. les

    paragraphes 16, 17, 23, 24, 28 et 29 ci-dessus).La rgularit des actes des commissaires de police na pas t conteste;

    les intresss se prsentant spontanment et faisant tat de leur qualit devagabond, il tait normal quils fussent dfrs au juge de paix pour quil

    statut. Ces actes au surplus revtaient un caractre purement prparatoire.Cest en vertu des ordonnances des juges de paix que linternement a eu

    lieu. Cest donc en fonction desdites ordonnances quil faut apprcier largularit de la dtention des trois requrants.

    68. La Convention ne contient pas de dfinition du terme "vagabond". Ladfinition qui figure larticle 347 du Code pnal belge est ainsi libelle:"Les vagabonds sont ceux qui nont ni domicile certain, ni moyens desubsistance, et qui nexercent habituellement ni mtier ni profession". Si cestrois circonstances se trouvent runies, elles peuvent conduire les autoritscomptentes mettre les intresss la disposition du gouvernement titre devagabonds. La dfinition prcite ne parat nullement inconciliable avec

    lacception usuelle du mot "vagabond", et la Cour estime quune personne quiest un vagabond au sens de larticle 347 du Code tombe, en principe, sous lecoup de lexception prvue larticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e) de la Convention.

    Or, en lespce, labsence de domicile certain et de moyens de subsistancersultait non seulement de linitiative des intresss, qui staient prsents la police, mais des dclarations faites par eux lpoque: ils affirmrent tousles trois tre sans emploi (cf. les paragraphes 16, 23 et 28 ci-dessus). Quantau caractre habituel de cette inactivit, les juges de paix de Charleroi, Namuret Bruxelles ont pu le dduire des renseignements dont chacun deux

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    disposait au sujet du requrant traduit devant lui. En outre, ledit caractresemble confirm par la circonstance que les trois intresss, bien que se

    disant travailleurs, paraissent navoir pu justifier du minimum de journes detravail, fournies au cours dune priode dtermine, qui daprs larrt royaldu 20 dcembre 1963 (articles 118 et suivants) leur et permis de prtendreau bnfice dallocations de chmage.

    69. Ayant ainsi la qualit de "vagabond", les requrants pouvaient, selonlarticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e) de la Convention, faire lobjet dune dtention

    pourvu quelle ft ordonne par les autorits comptentes et conformment la procdure lgale belge.

    La Cour constate cet gard que les intresss nont pas subi le mmesort: De Wilde a t mis la disposition du gouvernement le 19 avril 1966

    pour deux ans, mais relax le 16 novembre 1966; Ooms a t mis la

    disposition du gouvernement le 21 dcembre 1965 pour une dureindtermine et a recouvr sa libert aprs un an, soit lexpiration du termelgal; Versyp a t mis la disposition du gouvernement le 4 novembre 1965

    pour deux ans, puis largi le 10 aot 1967 aprs un an, neuf mois et six jours(cf. les paragraphes 17, 20, 24, 26, 29 et 31 ci-dessus).

    Ainsi que la Cour la dj not, la mise la disposition du gouvernementpour une dure dtermine ne se distingue pas seulement de celle pour unedure indtermine par le fait que la premire doit tre prononce pour unminimum de deux ans (article 13 de la loi de 1891) alors que la seconde ne

    peut se prolonger au-del dun an (articles 16 et 18): la premire est aussi plusrigoureuse en ce quelle sinscrit au casier judiciaire (cf. le paragraphe 36 ci-dessus), ainsi quen ce qui concerne les incapacits lectorales (cf. le

    paragraphe 158 du rapport de la Commission).En lespce, les ordonnances relatives De Wilde et Versyp nindiquent

    pas laquelle des quatre circonstances mentionnes larticle 13 aurait amenles juges appliquer cet article plutt que larticle 16, mais elles se rfrentau dossier administratif des intresss. Or, celui de Jacques De Wildecontenait un bulletin de renseignements dat du 19 avril 1966, jour de lacomparution devant le juge de paix de Charleroi, et qui numrait diversescondamnations et mises la disposition du gouvernement prononces contrele requrant (cf. le paragraphe 16 ci-dessus). En outre, le Tribunal de police

    de Bruxelles avait connaissance, au moment o Versyp a t traduit devantlui, dun document de loffice de radaptation sociale attribuant son tat devagabondage sa fainantise et son penchant pour la boisson (cf. le

    paragraphe 28 ci-dessus).70. La Cour ne constate donc ni illgalit ni arbitraire dans le cas de la

    mise des trois requrants la disposition du gouvernement, et elle na aucuneraison de considrer comme incompatible avec larticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e)de la Convention la dtention qui en est rsulte.

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    C. Sur la violation allgue du paragraphe 3 de larticle 5 (art. 5-3)

    71. Devant la Commission, les requrants ont galement allgu laviolation du paragraphe 3 de larticle 5 (art. 5-3), aux termes duquel:

    "Toute personne arrte ou dtenue, dans les conditions prvues au paragraphe 1 c)(...), doit tre aussitt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilit par la loi exercer des fonctions judiciaires et a le droit dtre juge dans un dlai raisonnable, oulibre pendant la procdure (...)."

    Le paragraphe 1 c) de larticle 5 (art. 5-1-c), auquel se rfre le texteprcit, concerne uniquement un individu "arrt et dtenu en vue dtreconduit devant lautorit judiciaire comptente, lorsquil y a des raisons

    plausibles de souponner quil a commis une infraction ou quil y a desmotifs raisonnables de croire la ncessit de lempcher de commettre uneinfraction ou de senfuir aprs laccomplissement de celle-ci". Levagabondage simple ne constituant pas une infraction en droit belge (cf. le

    paragraphe 34 ci-dessus), les requrants nont pas t arrts et dtenus envertu de lalina c) du premier paragraphe de larticle 5 (art. 5-1-c) nidailleurs de lalina a) (art. 5-1-a) ("aprs condamnation par un tribunalcomptent") -, mais bien de lalina e) (art. 5-1-e). Il faut en conclure, avec laCommission, que le paragraphe 3 (art. 5-3) ne leur tait pas applicable.

    D. Sur la violation allgue du paragraphe 4 de larticle 5 (art. 5-4)

    72. Accueillant dans une certaine mesure la thse des requrants, laCommission a exprim lavis que le systme litigieux mconnat larticle 5par. 4 (art. 5-4) de la Convention.

    Selon le paragraphe 4 de larticle 5 (art. 5-4), qui vaut entre autres pour lesvagabonds dtenus en vertu de lalina e) du paragraphe 1 (art. 5-1-e), "toute

    personne prive de sa libert par arrestation ou dtention a le droitdintroduire un recours devant un tribunal, afin quil statue bref dlai sur lalgalit de sa dtention et ordonne sa libration si la dtention est illgale".

    73. Bien que la Cour nait relev en lespce aucune incompatibilit avecle paragraphe 1 de larticle 5 (art. 5-1) (cf. les paragraphes 67 70 ci-dessus),cette constatation ne la dispense pas de rechercher prsent sil y a eu

    infraction au paragraphe 4 (art. 5-4). Il sagit en effet de dispositionsdistinctes, et lobservation de la seconde ne dcoule pas eo ipso du respect dela premire: "toute personne prive de sa libert", rgulirement ou non, adroit un contrle de lgalit exerc par un tribunal; une violation peut doncrsulter soit dune dtention incompatible avec le paragraphe 1 (art. 5-1), soitde labsence dun recours conforme au paragraphe 4 (art. 5-4), soit encore desdeux la fois.

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    1. Quant aux dcisions dinternement

    74. La Cour a commenc par rechercher si les conditions dans lesquellesDe Wilde, Ooms et Versyp ont comparu devant la justice de paix leur ontassur le droit dintroduire un recours devant un tribunal pour contester lalgalit de leur privation de libert.

    75. Cest en excution des ordonnances des juges de paix que lesrequrants ont t interns: leur arrestation par la police constituait un simpleacte provisoire et aucun autre organe nest intervenu dans les trois affaires(cf. le paragraphe 67 ci-dessus).

    Une premire question surgit par consquent. Larticle 5 par. 4 (art. 5-4)exige-t-il que deux autorits soccupent des cas rgis par lui, savoir celle quiordonne la privation de libert et une seconde qui, ayant le caractre dun

    tribunal, examine la lgalit de cette mesure linitiative de lintress?Suffit-il, au contraire, que la dtention soit dcide par un organe qui runisseles lments inhrents la notion de "tribunal", au sens de larticle 5 par. 4(art. 5-4)?

    76. De prime abord, le libell de larticle 5 par. 4 (art. 5-4) pourrait donner penser quil reconnat au dtenu le droit de faire toujours contrler par untribunal la lgalit dune dcision antrieure qui la priv de sa libert. Lesdeux textes officiels ne sexpriment cependant pas dans les mmes termes, letexte anglais parlant de "proceedings" et non d"appeal", de "recourse" ou de"remedy" (comp. les articles 13 et 26) (art. 13, art. 26). Dailleurs, il est clairque larticle 5 par. 4 (art. 5-4) a pour but dassurer aux individus arrts ou

    dtenus le droit une vrification juridictionnelle de la lgalit de la mesureainsi prise leur gard; le mot "tribunal" ("court") y figure au singulier et nonau pluriel. Si la dcision privative de libert mane dun organe administratif,larticle 5 par. 4 (art. 5-4) astreint sans nul doute les tats ouvrir au dtenuun recours auprs dun tribunal, mais rien nindique quil en aille de mmequand elle est rendue par un tribunal statuant lissue dune procdure

    judiciaire. Dans cette dernire hypothse, le contrle voulu par larticle 5 par.4 (art. 5-4) se trouve incorpor la dcision; tel est le cas, par exemple, dune"condamnation" lemprisonnement prononce "par un tribunal comptent"(article 5 par. 1 a) de la Convention) (art. 5-1-a). On peut en conclure quelarticle 5 par. 4 (art. 5-4) est respect si larrestation ou la dtention dun

    vagabond, vises au paragraphe 1 e) (art. 5-1-e), sont ordonnes par un"tribunal" au sens du paragraphe 4 (art. 5-4).Il ressort cependant du but et de lobjet de larticle 5 (art. 5), ainsi que des

    propres termes du paragraphe 4 (art. 5-4) ("recours", "proceedings"), que pourconstituer un tel "tribunal" un organe doit offrir les garanties fondamentalesde procdure appliques en matire de privation de libert. Si la procdure delorgane comptent ne les fournit pas, on ne saurait dispenser ltat de mettre la disposition de lintress une seconde autorit qui sentoure, elle, detoutes les garanties dune procdure judiciaire.

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    En dfinitive, la Cour estime que larticle 5 par. 4 (art. 5-4) se contente delintervention dun organe unique, mais condition que la procdure suivie

    ait un caractre judiciaire et donne lindividu en cause des garantiesadaptes la nature de la privation de libert dont il sagit.

    77. Ds lors, la Cour a recherch si dans les prsentes affaires le juge depaix avait le caractre dun "tribunal" au sens de larticle 5 par. 4 (art. 5-4), etnotamment si les requrants ont bnfici auprs de lui des garantiesindiques plus haut.

    Du point de vue organique, le juge de paix est sans nul doute un "tribunal";la Commission la relev du reste. Indpendant du pouvoir excutif commedes parties en cause, il jouit des garanties que les articles 99 et 100 de laConstitution belge accordent aux juges.

    Quant la tche dont il sacquitte dans le domaine considr, elle consiste

    dire pour droit si les conditions lgales de la "mise la disposition dugouvernement" se trouvent runies dans le chef de la personne amene devantlui. Par l mme, le tribunal de police "statue" ncessairement "sur la lgalit"de la dtention que le ministre public linvite autoriser.

    La Commission a soulign toutefois quen matire de vagabondage, lejuge de paix accomplit une "fonction administrative" et nexerce donc pas le"contrle judiciaire" prescrit par larticle 5 par. 4 (art. 5-4). Cette opinion sefonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil dtat (cf. le

    paragraphe 37 ci-dessus). La Commission en a dduit que louverture dunrecours judiciaire simposait.

    78. A la vrit, la Convention emploie le mot "tribunal" dans plusieurs deses articles. Elle sen sert pour dsigner lun des lments constitutifs de lagarantie accorde lindividu par la disposition en cause (cf., outre larticle 5

    par. 4, les articles 2 par. 1, 5 par. 1, alinas a) et b), et 6 par. 1) (art. 5-4, art.2-1, art. 5-1-a, art. 5-1-b, art. 6-1). Il sagit toujours, dans ces cas divers,dorganes prsentant non seulement des traits fondamentaux communs, au

    premier rang desquels se place lindpendance par rapport lexcutif et auxparties (cf. larrt Neumeister du 27 juin 1968, srie A, p. 44, par. 24), maisencore les garanties dune procdure judiciaire. Les modalits de la procdurevoulue par la Convention ne doivent cependant pas ncessairement treidentiques dans chacun des cas o celle-ci requiert lintervention dun

    tribunal. Pour trancher la question de savoir si une procdure offre desgaranties suffisantes, il faut avoir gard la nature particulire descirconstances dans lesquelles elle se droule. Ainsi, la Cour a estim danslaffaire Neumeister que les juridictions comptentes demeuraient des"tribunaux" malgr labsence d"galit des armes" entre le ministre publicet une personne qui rclamait sa mise en libert provisoire (ibidem); il

    pourrait, nanmoins, ne pas en aller de mme dans un contexte diffrent, etpar exemple dans une autre hypothse rgie elle aussi par larticle 5 par. 4(art. 5-4).

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    79. Il incombe donc la Cour de dterminer si la procdure suivie devantles Tribunaux de police de Charleroi, de Namur et de Bruxelles rpondait aux

    exigences de larticle 5 par. 4 (art. 5-4), telles quelles se dgagent delinterprtation adopte ci-dessus. La privation de libert dont se plaignent DeWilde, Ooms et Versyp ressemble celle inflige par une juridiction pnale.Partant, la procdure applicable ne devait pas leur fournir des garantiessensiblement infrieures celles qui existent en matire pnale dans les tatsmembres du Conseil de lEurope.

    Daprs la lgislation belge, tout individu trouv en tat de vagabondageest arrt puis traduit - en principe dans les vingt-quatre heures - devant letribunal de police (article 8 de la loi de 1891 et article 3 de la loi du ler mai1849). En ce qui concerne linterrogatoire de pareil individu, la loi de 1891 se

    borne prciser en son article 12 que le juge de paix vrifie lidentit, lge,

    ltat physique, ltat mental et le genre de vie de la personne amene devantlui. Quant aux droits de la dfense, la seule disposition pertinente figure larticle 3 de la loi du 1er mai 1849, daprs lequel un dlai de trois jours estaccord lintress sil le demande. Selon les renseignements fournis par leGouvernement, le Code dinstruction criminelle ne sapplique pas linternement des vagabonds.

    La procdure dont il sagit se ressent du caractre administratif de ladcision rendre. Elle nassure pas des garanties comparables celles quivalent pour les dtentions en matire pnale, alors pourtant que linternementdes vagabonds se rapproche dune telle dtention par bien des cts. Oncomprend mal que les personnes arrtes pour vagabondage simple doivent secontenter dune procdure aussi sommaire: les individus passibles de peines

    plus courtes que la mesure prvue larticle 13, et mme larticle 16, de laloi de 1891 - y compris ceux qui sont poursuivis pour infraction aux articles342 344 du Code pnal (vagabondage qualifi) - bnficient, eux, des largesgaranties du Code dinstruction criminelle. Sans doute ladite procdure

    prsente-t-elle certains aspects judiciaires, comme la publicit delinterrogatoire et du prononc, mais ils ne suffisent pas donner au juge de

    paix le caractre dun "tribunal", au sens de larticle 5 par. 4 (art. 5-4), si lontient dment compte de la gravit de lenjeu, savoir une longue privation delibert assortie de diverses consquences dshonorantes. Partant, elle ne

    rpond point par elle-mme aux exigences de larticle 5 par. 4 (art. 5-4), etcest bon droit que la Commission a estim quune voie de recours aurait dsouvrir aux requrants. Or, la Cour a dj relev que De Wilde, Ooms etVersyp nont eu accs ni une juridiction judiciaire suprieure ni, au moinsen pratique, au Conseil dEtat (cf. les paragraphes 37 et 62 ci-dessus).

    80. La Cour arrive donc la conclusion quil y a eu, sur le point dont ilsagit ici, violation du paragraphe 4 de larticle 5 (art. 5-4) en ce que les troisrequrants nont pas bnfici des garanties prescrites par ce paragraphe.

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    2. Quant au rejet des demandes de libration adresses par les

    requrants aux autorits administratives

    81. Selon les requrants, il y a eu violation de larticle 5 par. 4 (art. 5-4) enraison non seulement des conditions dans lesquelles le juge de paix a ordonnleur internement, mais aussi du rejet de leurs demandes de mise en libert.

    82. La Cour relve que les requrants auraient pu sans conteste saisir leConseil dtat, et que ce recours et t adquat, si le ministre de la justiceavait mconnu la loi de 1891 en repoussant leurs demandes dlargissement.