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Médecine palliative Soins de support Accompagnement Éthique (2014) 13, 39—43 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com PRATIQUE DU SOIN Affaire Vincent Lambert : l’émergence des droits des proches Vincent Limbert’s case: Emergence of right for kith and kin Nicolas Merot a,1,, Sylvain Pourchet b a Unité de soins palliatifs, centre hospitalier de Beauvais, 10, rue Jean-Jaurès, 60000 Goincourt, France b Hôpital Paul-Brousse, 14 rue Paul-Vaillant-Couturier, 94800 Villejuif, France Rec ¸u le 22 juillet 2013 ; rec ¸u sous la forme révisée le 20 octobre 2013; accepté le 13 novembre 2013 Disponible sur Internet le 28 janvier 2014 MOTS CLÉS Abstention thérapeutique ; Soins terminaux ; Consentement d’un tiers ; Famille ; Jurisprudence Résumé Le 11 mai 2013, les parents d’une personne gravement malade se sont vu reconnaître par l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne leur droit à être consultés avant une décision de limitation d’un traitement jugé déraisonnable. « L’ordonnance Vincent Lambert » est une première décision de justice s’appliquant à la loi Leonetti. Afin d’en tirer toutes les conséquences pour nos pratiques médicales, un focus sur la place que réserve la loi aux proches de la personne malade est nécessaire. La loi leur accorde un rôle croissant lorsque la maladie est grave, lorsque la personne malade perd sa capacité à décider pour elle-même et lorsque la décision médicale est susceptible de mettre en jeu le pro- nostic du malade. De manière schématique, on retiendra deux points : en cas de maladie grave les proches doivent être informés ; si la personne malade n’est plus en mesure de donner son consentement, ils doivent être consultés. La définition des proches concernés est très peu res- trictive. Ces droits leurs sont ouverts, sauf refus du patient, indépendamment de la désignation d’une personne de confiance. Bien sûr, celle-ci est investie d’une légitimité plus grande, mais sa simple existence ne diminue aucunement les droits des autres proches. Cette décision ne fait que confirmer une règle simple, inscrite dans la loi Leonetti qui veut que l’entourage de la personne malade soit pleinement pris en considération. Elle incite à tout faire pour construire, autour du patient, le consensus le plus large possible. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Merot). 1 Photo. 1636-6522/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.11.004

Affaire Vincent Lambert : l’émergence des droits des proches

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Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2014) 13, 39—43

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

PRATIQUE DU SOIN

Affaire Vincent Lambert : l’émergence desdroits des proches

Vincent Limbert’s case: Emergence of right for kith and kin

Nicolas Merota,1,∗, Sylvain Pourchetb

a Unité de soins palliatifs, centre hospitalier de Beauvais, 10, rue Jean-Jaurès, 60000Goincourt, Franceb Hôpital Paul-Brousse, 14 rue Paul-Vaillant-Couturier, 94800 Villejuif, France

Recu le 22 juillet 2013 ; recu sous la forme révisée le 20 octobre 2013; accepté le 13 novembre2013Disponible sur Internet le 28 janvier 2014

MOTS CLÉSAbstentionthérapeutique ;Soins terminaux ;Consentement d’untiers ;Famille ;Jurisprudence

Résumé Le 11 mai 2013, les parents d’une personne gravement malade se sont vu reconnaîtrepar l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne leurdroit à être consultés avant une décision de limitation d’un traitement jugé déraisonnable.« L’ordonnance Vincent Lambert » est une première décision de justice s’appliquant à la loiLeonetti. Afin d’en tirer toutes les conséquences pour nos pratiques médicales, un focus sur laplace que réserve la loi aux proches de la personne malade est nécessaire. La loi leur accordeun rôle croissant lorsque la maladie est grave, lorsque la personne malade perd sa capacité àdécider pour elle-même et lorsque la décision médicale est susceptible de mettre en jeu le pro-nostic du malade. De manière schématique, on retiendra deux points : en cas de maladie graveles proches doivent être informés ; si la personne malade n’est plus en mesure de donner sonconsentement, ils doivent être consultés. La définition des proches concernés est très peu res-trictive. Ces droits leurs sont ouverts, sauf refus du patient, indépendamment de la désignationd’une personne de confiance. Bien sûr, celle-ci est investie d’une légitimité plus grande, maissa simple existence ne diminue aucunement les droits des autres proches. Cette décision nefait que confirmer une règle simple, inscrite dans la loi Leonetti qui veut que l’entourage de la

personne malade soit pleinement pris en considération. Elle incite à tout faire pour construire,autour du patient, le consensus le plus large possible.

Tous droits réservés.

© 2013 Elsevier Masson SAS.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Merot).

1 Photo.

1636-6522/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.11.004

40 N. Merot, S. Pourchet

KEYWORDSWithholdingtreatment;Terminal care/LJ;Third-partyconsent/LJ;Family;Jurisprudence

Summary May 11, 2013, the Court of Châlons-en-Champagne recognized to the parents of aseriously ill person the right to be consulted before stopping an unreasonable treatment. ‘‘TheVincent Lambert case’’ is the first court referring to the Leonetti law. In order to understandall the consequences for our medical practices, we have to study the role that the law reservesto the patient’s kith and kin. The law gives them a greater role when the disease is severe,when the patient loses the ability to decide for himself, and when the medical decision is likelyto modify the prognosis of the disease. Schematically, we note two points: in case of a seriousillness parents/family should be informed; if the patient is unable to give consent, they shouldbe consulted. The definition of ‘‘family’’ is not restrictive. Those rights are only restrictedwhen the patient decides so, regardless of the designation of a ‘‘person of trust’’. Of course,this designation confers on the person a greater legitimacy, but its mere existence does notdiminish others relatives’ rights. This decision confirms a common sense rule, enshrined in theLeonetti law that we should take account of the patient’s kith and kin. It encourages physiciansto seek to construct around the patient, the largest consensus.© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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ans l’histoire tragique de Vincent Lambert, le juge deséférés du tribunal de grande instance de Châlons-en-hampagne ne s’est pas prononcé sur le fond d’uneécision médicale, l’arrêt de l’alimentation artificielle chezn patient dans un état pauci-relationnel. Il s’est pro-oncé sur la forme, sur le manquement du médecin àon obligation de consulter la famille d’une personnealade, privée de sa capacité à décider pour elle-même

1].Lorsque la personne malade n’est plus en mesure de déci-

er pour elle-même, la loi prévoit et détaille la procédure àespecter avant de pouvoir décider d’une limitation de trai-ements actifs : « la procédure collégiale ». Parmi les étapese cette procédure, le médecin a l’obligation de prendre enompte l’avis de la famille.

C’est donc, au nom de ce qui apparaît comme un droit être consultée conféré à la famille que se fonde le jugeour invalider la décision médicale d’arrêt de l’alimentationrtificielle.

Cette première jurisprudence relative à la loi Leonetticlaire les dispositions légales sous un angle inhabituel,elui des proches. L’irruption de cette jurisprudence nousnvite à réinterpréter la législation sous cet angle-là, afine déterminer l’étendue des droits qui sont reconnus à laamille et plus largement aux proches dans le Code de santéublique.

Mettre à jour les droits des proches en filigrane desroits des malades nous mènera à lister d’abord des dis-ositions éparses issues des strates législatives successives.ous proposerons ensuite une interprétation qui permettra’en saisir l’unité et la cohérence.

L’existence de cette jurisprudence et la relecture de laoi qu’elle impose a, nous le pensons, des implications poures pratiques médicales, notamment en ce qui concerne lalace à accorder aux proches, aux familles et à la per-

onne de confiance. Nous affirmons que, loin de complexifieros pratiques médicales, cette interprétation de la loi estarante d’un meilleur accompagnement de la personnealade et de son entourage.

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’ordonnance

appelons les faits à l’origine de la décision. Vincent Lam-ert est hospitalisé dans une unité de soins palliatifs entat pauci-relationnel depuis 4 ans après un accident de voi-ure. Il n’a pas de personne de confiance désignée. Selona compagne, il a confié, avant l’accident ne pas sou-aiter le maintien en vie artificiel. Jugeant la poursuitee l’alimentation et de l’hydratation artificielle déraison-able dans ce contexte, le médecin en charge du malade

engagé une « procédure collégiale ». L’avis de la compa-ne a été recueilli mais pas celui des parents du malade,ui ont découvert la décision quelques jours plus tard.es parents ont contesté la validité de la décision devante tribunal compétent. Du fait de l’absence d’informationt de consultation des parents, la procédure est enta-hée d’illégalité. De ce seul fait, tout en affirmant laossible légitimité de la question de l’arrêt des théra-eutiques, l’ordonnance enjoint l’hôpital à réintroduire’alimentation.

Parce que le médecin n’a pas consulté l’ensemble de laamille, le Juge a estimé que la procédure collégiale n’a pasté respectée. Cette ordonnance nous donne à savoir qu’ilaut comprendre le terme « famille » de la manière la plusarge possible : on ne saurait se limiter à consulter l’avis d’unu deux des membres de l’entourage du malade concerné2].

ôles et attribution des proches prévusans la loi.

fin de mieux comprendre cette ordonnance, il nous paraîtécessaire de commencer en analysant la place réservée auxntourages dans la loi. Ces dispositions sont regroupées dansa première partie du Code de santé publique. Elles sont

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ssues de diverses lois : loi n 99-477 du 9 juin 1999 visant àarantir le droit à l’accès aux soins palliatifs ; loi no 2002-03 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et àa qualité du système de santé (dite loi Kouchner) ; loi

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Affaire Vincent Lambert : l’émergence des droits des proche

no 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des maladeset à la fin de vie, dite loi Leonetti [3—5].

Informer

La loi définit d’abord les modalités de communication : Ilexiste une levée du secret médical qui concerne la personnede confiance et l’ensemble des proches en cas de diagnosticou de pronostic grave :

« En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secretmédical ne s’oppose pas à ce que la famille, les prochesde la personne malade ou la personne de confiancedéfinie à l’article L. 1111-6 recoivent les informationsnécessaires destinées à leur permettre d’apporter un sou-tien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. »

Art. L. 1110-4 du code de santé publique.

Ce droit d’informer se mue en un devoir d’informerdans certaines situations : lorsque le médecin engage unethérapeutique susceptible d’avoir comme effet secondaired’abréger la vie. Ce devoir concerne de la même manière lapersonne de confiance et les autres proches.

« Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souf-france d’une personne, en phase avancée ou terminaled’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit lacause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoirpour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informerle malade, [. . .], la personne de confiance visée à l’articleL. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. »

Art L. 1110-5, § 5.

Décider

La loi prévoit également leur participation à certains pro-cessus de décision médicale. Le médecin a l’obligation derecueillir l’avis consultatif de la famille ou à défaut unproche et de la personne de confiance (si elle existe) lorsquela personne malade est hors d’état de donner son consente-ment.

Cette obligation résulte de deux lois différentes :

« Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer savolonté, aucune intervention ou investigation ne peutêtre réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que lapersonne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou lafamille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. »

Art. L. 1111-4, § 4, issue de la loi Kouchner.

Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer savolonté, la limitation ou l’arrêt de traitement suscep-tible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé

sans avoir respecté la procédure collégiale définie parle code de déontologie médicale et sans que la personnede confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou la famille ou,à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les direc-tives anticipées de la personne, aient été consultés. »

Art L. 1111-4, § 5, issu de la loi Leonetti.

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Ce dernier paragraphe peut paraître redondant vis-à-is du précédent, il vient renforcer la portée de cettebligation dans les situations de limitation de traitement.e cinquième alinéa est invoqué dans la décision du1 mai 2013 pour fonder l’illégalité de la décision prise [1].

En cas de recherche biomédicale lorsque le patientst hors d’état de donner son consentement, il existe un

consentement pour autrui ». La personne de confiance oun membre de la famille est, dans cette seule situation,mené à donner son consentement à la participation aurotocole.

En cas de prélèvement sur personne décédée : il ne s’agiti d’un avis consultatif ni d’un consentement aux soins, maisu « témoignage de la non-opposition » de la personne décé-ée.

Il nous paraît nécessaire d’insister sur un point impor-ant : qu’il s’agisse d’information ou de recueil de l’avis,’existence d’une personne de confiance ne supprime pas’obligation d’informer et —– ou de consulter —– l’ensemblee la famille. On arguera que les formulations des dispo-itions de l’article L1111-4 sont insuffisamment précises etaissent à croire que l’on pourrait choisir de n’informer —–u de ne consulter —– que la personne de confiance si ellexiste. En aucun cas : les décrets relatifs qui suivent etui constituent le Code de déontologie médical ne laissentucun doute sur le fait qu’il faut informer l’une ainsi quees autres, qu’il faut consulter l’une ainsi que les autres (art. 1111-19 du Code de santé publique et art. R. 4127-36) [6].

En revanche, l’avis de la personne de confiance « prévautur tout autre avis non médical » (Art L. 1111-12 du Code deanté publique). On comprend ici combien la loi Leonettist une ardente invitation au consensus. Ce n’est pas tou-ours possible. En toute circonstance, la décision finale doittre « motivée ». On pourrait imaginer une situation où unrrêt de traitement chez un patient hors d’état de donneron consentement serait décidé contre l’avis de la personnee confiance. Une telle décision nous semblerait possible

condition de remplir strictement toutes les étapes de larocédure collégiale, et de produire des éléments convain-ants (par exemple des témoignages concordants d’un refus’acharnement de la part de la personne malade) motivantette décision.

ccompagner

nfin, la loi prévoit également que l’entourage puisseénéficier d’un soutien. C’est un aspect fondamental dea relation médecin-proche. En effet, tout malade a leroit d’accéder à des soins palliatifs (Article L. 1110-9).es soins visent entre autre « à soutenir son entourage »Article L. 1110-10)

Cette référence est sibylline dans la loi. C’est pourtant,ans l’expérience des soins palliatifs la clé de voûte de laelation médecin—proche. L’information et la consultatione ces derniers peuvent aussi être interprétées comme l’unees modalités de ce soutien, qui vise à expliquer la situationu malade, à expliquer les décisions médicales, à prépareres proches. Nous soutenons que les dispositions présentées

i-dessus, celles qui autorisent —– et obligent parfois —– ànformer les proches, et celles qui imposent de les consul-er, concourent à la réalisation d’un bon accompagnement7].

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Soulignons l’importance de la distinction qui s’opère ici.ans la loi Leonetti, le principe de l’autonomie de la per-onne est centrale [8], mais ce n’est pas le seul principen jeu. Lorsque les proches sont informés pour « leur per-ettre d’apporter un soutien direct » au malade, ou lorsque

es « directives anticipées » sont recherchées, c’est la déci-ion la plus conforme à ce qu’aurait voulu le patient quist recherchée. En revanche, lorsqu’on consulte largementa famille on ne poursuit plus le même but, on s’autorise

prendre en compte l’avis du proche même s’il divergee celui de la personne malade ; la loi ne précise à aucunoment que cette consultation se borne à concourir aueilleur respect de la volonté de la personne malade. On

nforme la famille parce qu’elle a le droit d’être infor-ée ; on consulte les membres de la famille parce qu’on

st tenu de prendre en compte leur avis. On s’intéresse auxroches pour eux-mêmes. On percoit la référence implicite

d’autres grands principes que l’autonomie de la personne :a reconnaissance de sa possible vulnérabilité, et les implica-ions en termes de responsabilité pour autrui ; responsabilitées proches qui s’impliquent, responsabilité du médecin quiécide en toute connaissance de cause [6,10].

ne implication progressivementroissante

a lecture de la loi que nous avons donnée plusaut distingue les différentes facettes de la relationédecin—proches. En réalité ces différents temps de

ommunication sont intimement liés : accompagnement,nformation, et participation aux processus décisionnels.fin de donner une vision qui nous semble être plus utile pour

a pratique, nous distinguerons trois grands types de situa-ions. Cette proposition est volontairement simplificatrice.lle est pourtant fidèle à l’interprétation que l’ordonnanceu 11 mai 2013 nous engage à donner de la loi.

En absence de « diagnostic ou de pronostic grave », seulest prévue la présence possible de la personne de confianceux entretiens médicaux. Rien n’est spécifié pour les autresroches. L’information est due au seul malade ; lui seulonne son consentement aux soins.

En cas de « diagnostic ou de pronostic grave » et si laersonne malade est en possession de ses capacités deécider pour elle-même, il existe une levée du secret médi-al sauf opposition du malade ; Le médecin doit délivrer’information à la personne de confiance (si elle existe)t aux proches. Cette information a pour but de leur per-ettre d’apporter au malade un soutien direct. Si l’étatu malade requiert des soins palliatifs, les proches doiventux aussi recevoir un soutien, ils doivent alors être pris enonsidération pour eux-mêmes. Seul le patient donne sononsentement aux soins.

Lorsque le patient n’est plus en possession de ses capaci-és de décider, l’information est due aux proches ainsi qu’àa personne de confiance avant toute décision diagnostiqueu thérapeutique. La notion de consentement n’existe plus.

’avis consultatif de la personne de confiance si elle existeinsi que celui de la famille, au sens large est requis saufrgence ou impossibilité. Leurs avis doit être pris en compte.a responsabilité de la décision revient in fine au praticien.

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N. Merot, S. Pourchet

aire évoluer les pratiques

onstatons que la progression de la maladie va de pairvec une progression de l’importance que donne la loi auxroches de la personne malade.

En l’absence de maladie grave, on concoit que le modèleu colloque singulier reste la norme de la relation. Plus laaladie progresse, moins pertinent est ce modèle.Plus la maladie est grave, plus il nous faut faire de la

lace à la famille, à toute la famille. Il faut le constater,’est un droit que la famille peut maintenant opposer auxédecins.Une telle évolution est sans aucun doute une contrainte

upplémentaire à prendre en compte. Nous formulons’hypothèse qu’elle est aussi le gage de progrès ; de pro-rès des droits de la personne, mais également de progrèses pratiques médicales. Une telle évolution est suscep-ible de nous faire gagner en efficacité. Bien sûr, il nousaut intégrer de nouveaux outils propres à mieux communi-uer avec l’ensemble des proches de la personne malade.itons l’exemple de l’organisation par le médecin d’unonseil de famille, tel que le propose Isabelle Marin [10] :ux moments clé de l’évolution de la maladie, elle proposee convoquer le plus largement possible l’entourage d’unalade, avec l’accord de celui-ci, d’informer les personnesrésentes et de construire avec eux et avec la personnealade un consensus sur le projet de soins. On comprend

mmédiatement dans cette proposition combien la construc-ion d’un tel consensus peut représenter un gain de tempsour la suite, un gain d’efficacité pour la prise en chargeltérieure.

onclusion

’ordonnance en référé du 11 mai 2013 précise la notion deamille telle qu’elle existe dans les dispositions relatives

la limitation ou l’arrêt de traitement (Art L. 1111-4 §5).’avis de la famille doit s’entendre comme l’avis de toute laamille.

Au-delà de ce premier niveau de lecture, cetterdonnance est riche d’enseignements. Elle a d’abord’immense mérite de réaliser un focus sur cette rela-ion médecin—proches qui est un des volets du travail’accompagnement du malade et de son entourage en soinsalliatifs. En cela elle apparaît cohérente avec l’un desrands principes du texte de la loi Leonetti : tout faire pouréaliser un consensus le plus large possible sur le projetonstruit avec le malade.

Elle nous rappelle aussi que le dispositif de la personnee confiance n’est pas la seule modalité de cette relation.ette désignation confère à la personne désignée un sur-roît de légitimité. Le reste de l’entourage n’en reste pasoins reconnu légitime par la loi aux côtés de la personnee confiance.

Cette interprétation, enfin, permet de considérer la déci-ion médicale lorsque la personne n’est plus en mesure deonner son consentement en refusant de se contenter de

’hégémonique principe de respect de l’autonomie de la per-onne. Constatons avec Corine Pelluchon dans L’autonomierisée combien l’expérience de la maladie grave compro-et toute tentative de ne se référer qu’à ce principe

s

Affaire Vincent Lambert : l’émergence des droits des proche

éthique pour fonder une décision juste [9]. Cette inter-prétation offre une piste de dépassement vers le haut decette question éthique. En reconnaissant la vulnérabilitéde la personne malade, en reconnaissant les obligationsmorales qui découlent du constat de sa vulnérabilité,on poursuit cet objectif. En reconnaissant l’existence,l’importance et la légitimité des réseaux d’interdépendanceet d’appartenance de la personne malade, en donnant touteleur place aux familles et aux proches, on offre une alterna-tive pour fonder une décision juste du point de vue éthiquelorsque la personne malade n’est plus en mesure de déciderpour elle-même.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références

[1] Ordonnance no 1300740 du Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne du 11 mai 2013 [consultée le 15 mai 2013 sur lesite www.sfap.org]

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[2] Société francaise d’accompagnement, soins palliatifs (Sfap).Réaction de la Sfap à l’ordonnance du juge des référés concer-nant une situation de fin de vie au CHU de Reims [consultée le15 mai 2013 sur le site www.sfap.org]

[3] Assemblée nationale. Loi no 99-477 du 9 juin 1999 visant àgarantir le droit à l’accès aux soins palliatifs. Journal Officiel1999 [10 juin 1999].

[4] Assemblée nationale. Loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relativeaux droits des malades et à la qualité du système de santé.Journal Officiel 2002 2005 [5 mars 2002].

[5] Assemblée nationale. Loi no 2005-370 du 22 avril 2005 relativeaux droits des malades et à la fin de vie. Journal officiel 2005[23 avril 2005].

[6] Merot N [Thèse de doctorat] Place de la personne de confiancedans les soins ambulatoires : étude qualitative en réseaux desoins palliatifs. Paris: Université Pierre-et-Marie-Curie Paris VI;2011.

[7] Mallevaey B. L’accompagnement des personnes en fin de vie etde leurs proches. Oncologie 2005;7:583—9.

[8] Berthiau D. La personne de confiance : la dérive d’une insti-tution concue pour de bonnes raisons. Tentative d’explicationd’un insuccès. Med Droit 2008;2008:38—42.

[9] Pelluchon C. L’autonomie brisée : bioéthique et philosophie.

Paris: Presses universitaires de France; 2009.

10] Marin I. La communication avec les familles, proposition d’unenouvelle pratique : les conseils de famille. La Lettre du cancé-rologue 2006;15:83—8.