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Actes des 10e Rencontres de La Dur@nce
Conférence
Site académique Aix-Marseille d’histoire-géographie.
Afrique et développement durable
Gérard Granier Le 13 octobre 2010 Agrégé de géographie IA-IPR honoraire
Cette intervention se décomposera en deux temps :
- un premier temps d’approches générales visant à tenter de répondre à 3 questions :
quelle place pour Afrique dans les nouveaux programmes de géographie ? Qu’est-ce que le
développement durable ? Ce terme peut-il avoir un sens dans le cas de l’Afrique ?
- un second temps d’approches thématiques permettant d’aborder concrètement
quelques problématiques de développement durable particulièrement importantes pour le
continent africain. Dans le temps disponible, on abordera seulement la question
démographique et la question agricole qui se rencontrent autour de l’interrogation : nourrir
les hommes.
I. Trois questions préalables
1. Quelle place pour l’Afrique dans les programmes de géographie ?
Le développement durable occupe une place considérable dans les nouveaux programmes
de géographie, aussi bien au collège qu’au lycée. En même temps, l’Afrique, en tant que
continent, traditionnellement présente en classe de cinquième, disparait de ces mêmes
programmes. Mais comme le montrent les tableaux ci-dessous (doc 1), par le biais de la
démarche privilégiée de l’étude de cas, l’Afrique peut être présente à de multiples reprises
dans le cursus d’un élève, à condition que le professeur veille scrupuleusement à répartir les
choix de ces études de cas parmi les différents continents. C’est une recommandation qui
figure d’ailleurs en toutes lettres dans les programmes. Car, sans cette vigilance, l’Afrique
pourrait être totalement absente puisqu’elle n’est jamais citée comme point d’appui
obligatoire.
Afrique et développement durable dans les programmes de géographie
Classe de 6e
« Connaissances »Thème d’étude « Démarches » Etude de cas
Habiter la ville 2 villes dans 2 aires culturelles
différentes
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Habiter le monde rural 2 espaces ruraux dans deux aires
culturelles différentes
Habiter un littoral Un littoral touristique
Habiter un espace à fortes contraintes Un désert chaud
Classe de 5e
« Connaissances » Thème d’étude « Démarches » Etudes de cas ou
exemples
Croissance démographique et
développement
Un front pionnier en Afrique
Santé et développement Les infrastructures sanitaires dans un
pays pauvre
Education et développement Exemple : alphabétisation et accès à
l’éducation dans un pays pauvre
Risques et développement Une catastrophe naturelle dans un pays
pauvre
Pauvreté et développement Décrire les conditions de vie de
populations pauvres
La sécurité alimentaire mondiale Etude comparée de la situation
alimentaire dans deux sociétés
différentes
La ressource en eau L’exploitation, la consommation et la
distribution de l’eau dans un pays du
Maghreb
Classe de seconde (rentrée 2010)
Etude de cas sur thèmes d’études
Nourrir les hommes
L’eau, ressource essentielle
L’enjeu énergétique
Villes et développement durable
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Conférence
Les espaces soumis aux risques majeurs
2. Qu’est-ce que le développement durable ?
Le développement durable fait l’objet d’une définition officielle déjà ancienne puisqu’elle
figure dans le célèbre rapport Brundtland, Notre avenir à tous, publié par l’ONU en 1987 :
« un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures à répondre aux leurs ». Cette « formule magique « (Paul Arnould) se
décline en trois volets : un volet économique : poursuivre le développement (à distinguer
d’une simple croissance), tout en préservant l’environnement et en réduisant les inégalités
(volet social). Un développement durable implique une certaine forme de gouvernance,
démocratique et participative, d’où le schéma de «la fleur du développement durable »,
proposé par la géographe Anne Jegou1, la gouvernance participative constituant la sève
indispensable à la vitalité des différents pétales…
Le mot de développement durable est donc né au sein de la sphère onusienne, dans le
cadre de rapports internationaux et non pas dans des écrits d’universitaires ou de
chercheurs, ni dans des programmes politiques nationaux. Il faut aussi être bien conscient
du fait que cette notion a été dès le départ fortement promue et soutenue par quelques
puissantes ONG, protectrices de la Nature, à forte culture anglo-saxonne On peut citer
notamment l’UICN (Union internationale pour la conservation de la Nature) ou le WWF. De
manière significative, le terme de « sustainable development » est paru pour la première fois
en 1980 dans un rapport commun du PNUE (programme des Nations-Unies pour
l’environnement, une institution créée à l‘issue du premier « Sommet de la Terre » de
Stockholm en 1972) de WWF et de l’UICN.
Cette notion a ensuite été progressivement intégrée dans tous les programmes et rapports
officiels et comme critère de financement des projets de développement par les « bailleurs ».
Mais il a quand même fallu de nombreuses années pour que ce mot s’impose dans un pays
comme la France (première mention dans loi Pasqua sur l’aménagement du territoire en
1995 puis généralisation dans le grand public dans les années 2000).
Le développement durable ne prétend pas être une réalité d’aujourd’hui. C’est
principalement un cadre pour l’action (la notion offre une grille de lecture pour évaluer un
projet d’aménagement ou la réalité d’un territoire), un projet politique au sens noble du
terme, voire une sorte d’utopie créatrice. Cette notion doit se décliner à différentes échelles
et à ce titre elle intéresse particulièrement l’analyse géographique :
- à l’échelle mondiale, on est encore très loin d’un développement durable, faute d’une
gouvernance mondiale et de l’égoïsme des nations,
- au niveau local, les perspectives sont plus encourageantes. Les agendas 21, qui se
développent rapidement en Europe, constituent un excellent outil d’aménagement durable.
En Afrique, des opérations dites de micro-développement, peuvent aussi satisfaire à des
critères de développement durable (cf exemple de Guelack présenté ci-dessous)
1 Jegou Anne, Les géographes français face au développement durable, L’information géographique, n3, 2007
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3. La notion de développement durable peut-elle avoir un sens en Afrique ?
- Au premier abord, la notion de développement durable ne pourrait-elle pas sembler un luxe
pour une population africaine qui doit majoritairement d’abord chercher à survivre ?
L’idéologie du développement durable, qui distingue voire oppose l’Homme de la Nature,
pourrait aussi paraître étrangère aux traditions africaines nourries par l’animisme, pour lequel
l’Homme est une composante de la Nature.
- Pourtant, le développement durable doit être un impératif pour ce continent, comme pour
les autres, au moins pour trois raisons :
- l’Afrique est fortement concernée par les enjeux mondiaux : changement climatique,
épuisement des ressources non renouvelables, etc.
- le développement durable implique le développement humain et cherche d’abord à
répondre aux « besoins du présent » qui sont dans le cas de l’Afrique des besoins
élémentaires : être en bonne santé, se nourrir, se loger, etc.
- l’Afrique sera à l’avenir le continent le plus concerné par la question de l’équilibre à
préserver entre croissance démographique et conservation des ressources puisque sa
population devrait encore doubler d’ici 2050.
- Allant plus loin, certains auteurs estiment même que les africains seraient des
« précurseurs du développement durable » (Sylvie Brunel, A qui profite le développement
durable ? Larousse, 2008) en pratiquant déjà, faute de moyens, cette « économie légère » à
laquelle aspire nombre d’écologistes.
II. Deux questions de développement durables posées à l’Afrique
1. La question de la croissance démographique : faut-il craindre une « bombe P » 2?
Le retour d’un certain néo-malthusianisme accompagne la montée de l’idée de
développement durable au moins dans certains pays comme le Royaume-Uni ou les Etats-
Unis. Or une des spécificités du continent africain est de présenter la plus forte croissance
démographique au monde associée à la plus forte présence de pays les moins avancés
(PMA).
La question du rapport croissance démographique/développement a donc une certaine
légitimité même si les réponses à cette question peuvent varier.
a. La situation démographique actuelle en Afrique
Remarque préalable : il existe un gros problème de fiabilité des données statistiques compte
tenu de la désorganisation de nombreux Etats. Par exemple, que peut signifier le nombre de
70 millions d’habitants en 2010 pour la République démocratique du Congo alors que le
dernier recensement remonte à 1984 et que sévit dans ce pays une situation de guerre
larvée depuis de nombreuses années ?
2 Erhlich Paul, La bombe P, Fayard 1972
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En 2009, la population africaine aurait passé le cap du milliard d’habitants selon l’ONU
(contre seulement 225 millions d’hab. en 1950), soit un quadruplement en 60 ans !
L’Afrique affiche en effet les taux de croissance les plus élevés de la planète : de l’ordre de
3% par an, car, globalement, elle n’est pas encore entrée dans la deuxième phase de la
transition démographique.
La mortalité a baissé tardivement (après la seconde guerre mondiale) mais fortement. Avec
un taux de 16 pour mille en 2007, elle affiche le taux le plus élevé de la planète (moyenne
mondiale : 9 pour mille) et ceci pour 3 raisons principales :
- la forte mortalité infantile (2 à 3 enfants sur 10 meurent avant l’âge de 5 ans)
- la mortalité directe ou indirecte due aux guerres
- le rôle du SIDA : 1, 4 millions de morts en Afrique subsaharienne en 2008
La fécondité, bien qu’en baisse, demeure très forte : encore près de 5 enfants par femme
(moyenne mondiale : 2,5).
(Doc. 3 La fécondité dans le monde en 2005.)3
Même avec une baisse de la fécondité, la natalité demeure exceptionnellement élevée du
fait de l’importance des populations en âge de se reproduire. Avec 6 millions de naissances
par an, le Nigéria est au 3ème rang mondial en valeur absolue. Le Mali affiche encore un taux
3 Carte extraite de Granier Gérard (sous la dir de), Enseigner le développement durable. Géographie 5
e, CRDP Amiens, 2010
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de natalité de 43 pour mille.
Cette situation d’ensemble masque cependant une hétérogénéité croissante entre les Etats :
- L’Afrique du Nord est en train de terminer sa transition démographique : en Tunisie, la
fécondité est tombée à moins de 2 enfants par femme ; en Algérie, le décrochage a été
brutal pour atteindre actuellement 2,4 enfants par femme. Fait nouveau, l’évolution de la
fécondité est donc maintenant déconnectée de l’évolution du niveau de vie.
- L’Afrique australe se rapproche aussi de l’achèvement de la transition démographique
(Fécondité : 2, 8)
- Avec ses niveaux de fécondité exceptionnellement élevés (Niger : 7,15, Ouganda 6, 38)
l’Afrique subsaharienne fait donc un peu exception.
L’hétérogénéité villes/campagnes mérite aussi d’être soulignée. L’indice synthétique de
fécondité (ISF) est en moyenne de 4 dans les villes contre 6 dans les campagnes. Dans les
villes du Kenya, cet indice est passé en quelques années de 7 à 3,5. Mais la population
urbaine reste moins importante en Afrique que dans les autres continents.
b. Croissance démographique et développement durable
Cette croissance démographique forte est-elle un obstacle au développement ou au
développement durable ? A cette question ancienne, les réponses des auteurs restent
divergentes. Roland Pourtier (2009) parle de « bombe démographique ». Sylvie Brunel
(2004) annonce pourtant « la fin de l’exception démographique africaine ».
- La croissance démographique peut-elle conduire au surpeuplement ?
La notion de « surpeuplement » est à utiliser avec la plus grande précaution même si le
succès de l’indicateur « empreinte écologique » la réactive indirectement. Il en va d’ailleurs
de même pour la notion de « capacité de charge des terres ».
La définition de l’INED montre bien ses limites : « Etat d’un territoire ou d’un espace où les
ressources disponibles ne sont plus suffisantes pour subvenir aux besoins de la population
qui y réside ». Cette définition semble ne pas tenir compte des échanges extérieurs d’un
territoire ou bien elle conviendrait davantage pour caractériser une situation alimentaire
conjoncturelle de disette ou de famine. En fait, on sait bien qu’il n’existe pas de lien
déterministe entre densité de population et surpeuplement : les Pays-Bas ne sont pas
surpeuplés ! Dans une économie ouverte, les échanges commerciaux peuvent compenser
des insuffisances locales.
Cependant un « surpeuplement relatif » peut être admis dans le cas d’une croissance rapide
dans un contexte d’agriculture extensive. Des tensions entre éleveurs et agriculteurs ayant
des pratiques différentes sur une même espace, comme au Sahel, peuvent en résulter. On
peut plus rarement déboucher sur une guerre civile : la faim de terres a été évoquée comme
une des causes possibles du conflit rwandais de 1994.
- le poids considérable des jeunes
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L’Afrique subsaharienne compte 41% de moins de 15 ans dans sa population (moyenne
mondiale : 28 %). Il est évidemment difficile de scolariser la totalité d’une population aussi
abondante et en croissance rapide. Mais surtout l’insertion sur le marché du travail est
problématique. Le secteur informel prolifère (par exemple nombreux enfants ou jeunes
cherchant à profiter des embouteillages des grandes villes pour vendre quelques produits
aux automobilistes). La dilution des vieilles solidarités familiales explique les multiples
formes de déviance (prostitution, drogue, violences). L’émigration à l’étranger apparaît alors
souvent comme le seul espoir mais la « forteresse Europe » se protège relativement bien.
Face à cette situation le géographe Roland Pourtier (2009) porte un jugement sans nuance
: « il n’ya pas d’autre choix que le préservatif aujourd’hui ou la kalachnikov demain».
c. Quels scénarios démographiques pour demain ?
Selon le « Population Reference Bureau », organisation indépendante basée à Washington,
le continent africain pourrait compter deux milliards d’hab en 2050, soit un doublement en 40
ans. Il représenterait alors 20 % de la population mondiale, retrouvant approximativement la
part relative qu’il occupait au milieu du XVIIeme siècle, avant les ravages de la traite et de
l’esclavage.
Mais quel crédit peut-on accorder à cette projection ?
- Il est certain que les populations subsahariennes semblent peut concernées par les
politiques antinatalistes (rôle de l’Islam et des églises évangéliques). Mais après l’Afrique du
Nord, l’Afrique australe (Zimbabwe, Afrique du Sud) est maintenant touchée par des
politiques de contrôle des naissances. L’urbanisation s’accompagne aussi toujours d’une
diminution de la fécondité. Si elle baissait pus vite que prévu, les 2 milliards d’habitants ne
seraient pas atteints.
- Une grosse incertitude concerne les effets démographiques du SIDA. L’Afrique
subsaharienne est le sous continent le plus touché (5,2 % de la population contre seulement
0,8 % au niveau mondial).
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Conférence
(doc 4 carte Taux de prévalence du VIH dans le monde) 4
Mais, tout récemment, grâce a la diffusion des trithérapies et à la politique de prévention, on
observe une stabilisation du taux de prévalence. Les scénarios catastrophes prévoyant une
diminution de la population de certains pays comme le Bostwana pourraient donc ne pas se
réaliser.
2. Les campagnes d’Afrique noire face au développement durable
L’Afrique noire reste majoritairement rurale et agricole malgré une urbanisation galopante : ¾
des pauvres en Afrique occidentale et centrale vivent dans les campagnes, le secteur
agricole représente entre 50 et 70 % de la population active (72% au Sénégal) et fournit une
part importante du PIB (31% au Burkina Faso). Il n’y aura donc pas de développement
durable sans une évolution forte des systèmes agricoles et des campagnes.
a- Des insuffisances notoires demeurent
Problème majeur, la croissance de la production agricole est demeurée inférieure à celle de
la population (contrairement à ce qui s’est passé en Asie ou en Amérique latine). Il en résulte
un accroissement de la dépendance alimentaire.
L’Afrique est ainsi le continent le plus frappé par la malnutrition. Sur le milliard d’humains
concernés, selon la FAO, 236 millions sont en Afrique. Une personne sur trois est sous-
nutrie et, plus grave, la disponibilité alimentaire par habitant n’a pas progressé depuis 50 ans
(2100 cal/jour/hab. en 1961-63 et 2100 cal/jour/hab. en 2010).
4 Carte extraite de Granier Gérard (sous la dir de), Enseigner le développement durable. Géographie 5
e, CRDP Amiens, 2010
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(Doc 5 carte la sous-alimentation dans le monde)5
L’absence de progrès tient en partie à ce que les méthodes agricoles sont restées très
extensives : très peu d’irrigation (5% des terres contre 37 % en Asie), très peu d’engrais (11
kg par ha contre 67 kg en Amérique latine et 129 kg en Asie), des rendements faibles (10 à
12 qx/ha).
Pour augmenter la production, on a privilégié deux autres choix : réduction des jachères,
avec le risque de baisse des rendements et de dégradation des sols qui l’accompagne, mise
en culture de nouvelles terres (le programme de 5e invite à étudier un «front
pionnier » africain).
Cette stagnation agricole répond à des facteurs généraux multiples (insuffisance de la
formation des agriculteurs, manque d’investissements, désintéressement des Etats, etc.). On
pourrait aussi retenir deux données spécifiquement africaines : le statut foncier, défavorable
à l’initiative individuelle, l’effet pervers de l’aide alimentaire en blé ou riz importés à faible
prix, qui ne permet pas une juste rémunération des producteurs locaux.
b- Mais des leviers de changement existent.
On peut citer notamment :
- les marchés urbains locaux, qui constituent un débouché considérable et en
croissance rapide. Le dynamisme des agricultures péri-urbaines (voire intra-urbaines) est
réel et n’empêche pas des spécialisations rémunératrices dans des régions plus éloignées
5 Carte extraite de Granier Gérard (sous la dir de), Enseigner le développement durable. Géographie 5
e, CRDP Amiens, 2010
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des grandes villes (exemple de la culture des oignons en pays dogon au Mali). Cette
explosion du « vivrier marchand » rend largement obsolète la vieille distinction cultures
vivrières/cultures commerciales.
- les marchés mondiaux peuvent offrir aussi de réelles opportunités de
développement. Certes le débat idéologique sur le caractère « durable » d’une
mondialisation des échanges agricoles est posé. Mais pourquoi l’Afrique devrait-elle rester à
l’écart d’un mouvement qui a largement profité à d’autres pays du Sud (Brésil, Asie du sud-
est par exemple) ? Certains marchés traditionnels (café, cacao, huile de palme) sont
menacés par la concurrence d’autres pays du Sud. Mais l’Afrique peut connaître aussi des
succès spectaculaires sur des marchés de « niche » comme celui des roses au Kenya. La
culture des roses est devenue la première source de devises du pays et offre 80 000 emplois
directs et 500 000 emplois indirects. Les exportations sont massives vers les Pays-Bas,
plaque tournante du marché mondial. Les effets pervers en terme de développement durable
ne sont cependant pas négligeables : problème de l’utilisation massive de pesticides,
surconsommation d’eau pour l’irrigation des plants, etc. (cf. Le Monde du 14-15 février 2010,
Le parfum sulfureux des roses kenyanes).
L’Afrique offre donc des potentialités réelles si on combine :
- l’importance des surfaces cultivables non encore exploitées. Selon Sylvie Brunel,
l’Afrique compterait 220 millions d’ha cultivés pour 1000 millions d’ha cultivables. On
comprend que l’Afrique soit actuellement le continent de prédilection pour l’acquisition de
terres par des intérêts étrangers. Le Soudan a fait paraître en août 2008, dans le Financial
Times, l’annonce suivante : « Etat cède 880 000 ha de terres arables pour 670 millions
d’euros ».
- les fortes réserves d’intensification. Les plantes africaines n’ont pas fait l’objet des
mêmes efforts de recherches que le blé ou le riz. Leurs rendements pourraient donc
fortement progresser.
Selon Sylvie Brunel, l’Afrique est « un continent qui, demain, pourrait tout à fait devenir
un des greniers du monde » mais il faut pouvoir garantir à l’agriculteur des prix
suffisamment rémunérateurs et stables.
c. L’exemple du terroir de Guelack au Sénégal
Pour terminer cette intervention sur une note positive et moins misérabiliste que nombre de
reportages médiatiques sur l’Afrique, j’évoquerai en quelques mots un exemple de
développement local au Sénégal (non loin de Saint-Louis). Dans des conditions climatiques
difficiles (précipitations moyennes annuelles de l’ordre de 300 mm seulement), sous
l’impulsion de deux leaders locaux et avec l’appui technique et financier de la coopération
décentralisée (ONG, collectivités locales), cette communauté peule, donc au départ
composée d’éleveurs, a réalisé des progrès substantiels au plan du développement humain
(amélioration de la santé publique, généralisation de l’enseignement primaire, amélioration
de l’habitat) en diversifiant ses activités économiques (introduction d’un élevage bovin et
d’un élevage caprin sédentaire plus intensif que l’élevage semi-nomade traditionnel,
développement de cultures irriguées, artisanat, tourisme solidaire).
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Conférence
(Doc. 6 Cases pour hôtes de passage dans le village de Guelack. Photo G. Granier).
Pour garantir la durabilité de son développement, la population locale a aussi compris qu’elle
devait prendre soin de son environnement naturel malgré une réelle pression
démographique. D’où la mise en œuvre d’une politique de reboisement, des méthodes
agricoles limitant l’usage des pesticides et même des efforts d’enfouissement des déchets
plastiques, qui sont devenus une des plaies de l’Afrique.
(Pour plus de précisions, voir le manuel de géographie seconde Magnard, édition
2010, p 44-45)
Conclusion
Souvent moins citée que d’autres continents, l’Afrique n’en reste pas moins un enjeu majeur
de développement durable car elle doit faire face à des problématiques très contradictoires.
Les environnementalistes y voient d’abord un des derniers terrains de conservation d’une
nature sauvage et s’attachent à préserver les écosystèmes, la biodiversité au risque d’une
« patrimonialisation » abusive (voir les travaux d Marie-Christine Cormier-Salem de l’IRD). A
l’inverse les géographes urbanistes soulignent les énormes difficultés pour aller vers une
ville africaine plus durable face aux dégâts d’une urbanisation galopante et incontrôlée (voir
les travaux d’Elisabeth Dorier-Aprill). Au cœur de l’avenir africain demeure d’abord le défi
d’une croissance démographique qui reste à maîtriser.
Quelques ressources documentaires sur l’Afrique subsaharienne
Les travaux de Sylvie Brunel, en particulier
- L’Afrique, un continent en réserve de développement, Bréal, 2004 - L’Afrique dans la mondialisation, Documentation photographique n°8048, 2005
Actes des 10e Rencontres de La Dur@nce
Conférence
- Le développement durable, Que sais-je n°3719, PUF, 3ème éd., 2009 - A qui profite le développement durable ?, Larousse, 2008 - Nourrir le monde, vaincre la faim, Larousse, 2009
Pourtier Roland (sous la direction de), Géopolitique de l’Afrique et du Moyen-Orient, Nathan,
2ème éd. 2009. Ouvrage destiné à la préparation des concours d’entrée dans les écoles de
commerce
Dubresson Alain, Raison Jean-Pierre, L’Afrique subsaharienne, une géographie du
changement, Coll. U, A. Colin, 2ème éd., 2003
Courade Georges, L’Afrique des idées reçues, Belin, 2006
http://pedagogie.ac-amiens.fr/histoire_geo_ic/?-L-Afrique-et-le-developpement-
Compte-rendu d’un stage de formation continue en 2007 sur « Afrique et développement
durable »