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04 BP 945 Abidjan 04, Côte d’Ivoire Tel: (225) 22-48-76-73 / 22-48-54-30 Fax : (225) 22-48-76-73 12 Octobre 2001 REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE Union-Discipline-Travail PROBLEMATIQUE DE L’URBANISATION ET LES DEFIS DE LA GESTION MUNICIPALE EN AFRIQUE OCCIDENTALE ET CENTRALE Dr. ATTAHI Koffi BNETD PGU Bureau National d’Etudes Programme de Gestion Techniques et de Développement Urbaine

Afrique problematique urbanisation afrique subsaha a koffi

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04 BP 945 Abidjan 04, Côte d’Ivoire Tel: (225) 22-48-76-73 / 22 -48-54-30

Fax : (225) 22-48-76-73

12 Octobre 2001

REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE Union-Discipline-Travail

PROBLEMATIQUE DE L’URBANISATION ET LES DEFIS DE LA GESTION MUNICIPALE EN AFRIQUE

OCCIDENTALE ET CENTRALE

Dr. ATTAHI Koffi

BNETD PGU Bureau National d’Etudes Programme de Gestion Techniques et de Développement Urbaine

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Introduction A partir de la 2ème guerre mondiale et suite à la forte pression migratoire, l’Afrique Occidentale a connu une croissance démographique et une urbanisation sans précédent. Malheureusement, cette urbanisation accélérée ne s’est pas accompagnée d’une croissance économique soutenue.

Aujourd’hui, les grandes ville de la région présentent des bases économiques fragiles stagnantes, dominées par les acteurs du secteur informel. Leurs systèmes de gouvernance sont faibles et les services urbains sont obsolètes et ne desservent qu’une partie de la population résidente.

Les vagues de démocratisation et de décentralisation qui traversent la région depuis le début des années 80 ont crée beaucoup d’espoir et surtout beaucoup d’opportunités pour une meilleure gouvernance et gestion des villes.

Cette présentation se propose de faire le point sur l’urbanisation et ses principaux

problèmes avant d’identifier les nouveaux défis de la gouvernance et la gestion urbaines. SECTION I. Urbanisation et métroplisation en Afrique de l’Ouest 1.1. Les caractéristiques de l’urbanisation

Cette partie s’appuie essentiellement sur les données et les conclusions de l’étude sur les perspectives à long terme en Afrique de l’Ouest (WALTPS) pilotée par Cynergie, le club du Sahel et le Comité Inter-Africain de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS). Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’Afrique de l’Ouest a connu une croissance démographique sans précédent qui a induit :

- une restructuration du peuplement régional ; - une recomposition de l’espace économique ; - une urbanisation accélérée, caractérisée par une primatialité et une métropolisation

affirmées.

1.1.1. Une croissance démographique sans précédent L’Afrique au Sud du Sahara et singulièrement l’Afrique de l’Ouest après une longue

période de stagnation connaît une forte croissance démographique depuis la deuxième guerre mondiale. Cette croissance démographique est le fruit des années d’efforts entrepris pour améliorer les conditions sanitaires et surtout éradiquer les grandes endémies.

Depuis le début de cette période, la région enregistre un taux de croissance démographique d’environ 3% par an. Ce taux de croissance soutenue a fait passer la population de la région de quarante (40) millions en 1930 à quatre vingt cinq (85) en 1960 à deux cent quinze (215) millions en 1990. En l’an 2020, la région compterait au moins quatre cent trente (430) millions d’habitants.

Ce boom démographique s’est développé en même temps que l’ouverture de l’Afrique au marché mondial. Dans la région d’étude, la mise en œuvre des politiques de développement économique et d’aménagement du territoire a accéléré les mouvements de population.

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1.1.2. Une urbanisation accélérée, caractérisée par une primatialité et une

métropolisation affirmées Le développement spectaculaire des villes en Afrique Occidentale est le fait le plus

marquant depuis les années 1960. En effet la proportion d’urbains est passée de 14% à 40% entre 1960 et 1990 alors que le nombre d’urbains passait de 12 à 75 millions à la même période. L’histoire de l’urbanisation retient deux (2) périodes distinctes selon le rythme :

• la période de l’après-guerre à 1990 C’est la période de l’explosion urbaine avec un taux moyen de croissance urbaine de

8% l’an. Cette urbanisation est d’abord le fait des économies riches comme celle du Nigeria avec son boom pétrolier et celle de la Côte d’Ivoire avec sa réussite agricole qui, ont vu la proportion de leur population urbaine passer respectivement de 15 à 49% et 17 à 47% entre 1960 et 1990.

• la période de 1990 à 2000 Cette période est marquée par le ralentissement du rythme d’urbanisation. En effet, le

taux moyen de croissance urbaine est passé de 8% à 4,5% principalement à cause de la crise économique et surtout du tassement du bassin de migrants ruraux. Ces derniers ne représentent que le 1/3 de l’accroissement total de la population urbaine.

Ce phénomène d’urbanisation a fait apparaître un réseau diversifié de villes. En effet, tandis que la popula tion urbaine a été multipliée par 6,5, le nombre de villes de plus de 100 000 habitants est passé de 12 à 90 et celui de centres semi-urbains de 5 000 habitants de 600 à 3 000 entre 1960 et 1990.

Au niveau national, la distribution rang / taille fait apparaître le phénomène

primatialité accentué. Au sein des grandes villes, les quelques villes côtières qui ont su imposer leur rôle de « tête de pont » pour l’intégration au marché régional et global s’affirment comme de véritables métropoles. Dakar, Abidjan, Douala qui dominent d’importants maillages régionaux, deviendront à l’horizon 2020 de véritables mégalopoles à côté de Lagos, la seule mégalopole actuelle de la région. L’ampleur de l’urbanisation est telle qu’elle a enclenché une restructuration du peuplement régional.

Une restructuration du peuplement régional Avec les changements introduits dans le nouvel espace économique en formation par

l’introduction des cultures de rente principalement dans le Sud forestier et les activités manufacturières et de distribution dans les centres urbains, les mouvements migratoires initiés par les travaux forcés vont s’amplifier. Les trois (3) principaux courants migratoires suivants ont été identifiés :

- le courant international des pays du Nord sahélien vers les pays du Sud forestier ; - le courant de l’intérieur de la zone vers les zones côtières ; - le courant des campagnes vers les centres urbains. On distingue quatre (4) grandes zones dans lesquelles les dynamiques de peuplement

amorcées, se sont affirmées entre 1960 et 1990 : - la zone 1 rassemble les principaux pôles de croissance urbaine des pays côtiers et leur

arrière-pays immédiats. Cette zone d’immigration qui a connu la plus forte croissance démographique entre 1960 et 1990 accueille 41% de la population régionale sur 8%

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de la superficie totale. C’est la zone la plus diversifiée avec 124 habitants/km2 et la plus urbanisée avec un taux de 55% en 1990 ;

- la zone 2 rassemble le reste de l’espace proche des côtes avec 28% de la population

sur 55% de la superficie régionale. C’est une zone d ‘émigration peu peuplée et peu urbanisée ;

- la zone 3 correspond approximativement aux pôles de peuplement denses et aux

parties les plus dynamiques des pays sahéliens. Elle regroupe 25% de la population sur 13% du territoire. Cette zone qui abrite les villes de Bamako, Ouagadougou, Niamey et les grandes villes du Nord du Nigeria, est plus urbanisée que la zone 2. Elle n’en demeure pas moins une zone d’émigration ;

- la zone 4, qui couvre le reste de l’espace sahélien constitue l’un des principaux foyers

d’émigration à cause de son potentiel de croissance économique très limité.

Ce découpage met en évidence la forte attraction exercée par la zone 1. En effet, cette

zone côtière attire à la fois les populations des zones moins dynamiques des pays côtiers et celles des pays sahéliens.

Une réorganisation de l’espace économique régional L’étude du WALTPS a noté une forte corrélation entre la densité de population rurale, la productivité agricole et la proximité des marchés urbains. Au niveau régional, cette étude a mis en évidence l’émergence de quatre (4) aires d’influence dominées par les grandes métropoles côtières qui favorisent leur intégration à l’économie mondiale :

- l’aire Nord gravitant autour de Dakar couvrant le Sénégal, la Gambie et le Sud de la Mauritanie ;

- l’aire occidentale , sous influence d’Abidjan ne dessert effectivement que le Mali et

le Burkina Faso ;

- l’aire centrale dominée par la ville de Lagos couvre le Nigeria, le Bénin, le Niger et les parties occidentales du Cameroun et Tchad. En fait, Lagos anime aussi les échanges au sein du « corridor d’urbanisation accélérée » composé d’un chapelet de villes côtières allant d’Abidjan à Port Harcourt, contrebalançant ainsi le poids d’Abidjan dans la zone centrale ;

- la région orientale dominée par Douala et son port couvre outre son arrière -pays

camerounais, une partie du Tchad et de la République Centrafricaine. On réalise que hormis Lagos qui s’affirme comme une véritable métropole régionale, les

grandes métropoles côtières que sont Dakar, Abidjan et Douala ambitionnent de polariser les aires dont les activités économiques demeurent encore sous-intégrées. Ce faible niveau d’intégration des aires et de la région est dû au poids du passé colonial, à la faible harmonisation des politiques d’aménagement du territoire et des réglementations restrictives de circulation des biens et des hommes.

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1.2. Caractéristiques de quelques métropoles de la région

Les trois (3) villes côtières d’Abidjan, Dakar et Douala sont localisées dans la première zone de peuplement, celle des pôles de croissance urbaine rapide des pays côtiers. Quant aux deux (2) villes sahéliennes de Bamako et Ouagadougou, elles font partie de la zone de peuplement N°3 couvrant à la fois les zones de peuplement dense des parties les plus dynamiques des pays sahéliens. A l’image de toute la région, leur croissance a observé une phase d’accélération entre 1950 et 1990 avec un taux moyen de 8% l’an et une phase de décélération à partir de 1990 avec un taux moyen d’environ 3,5% l’an. La ville d’Abidjan compte actuellement environ 3 250 000 habitants agglomérés sur un espace de 627 km2 (0,18% du territoire national) représentant 19% de la population totale du pays et 40% de sa population urbaine. La ville de Dakar occupe une superficie de 550 km2 (0,3% du territoire sénégalais) pour une population d’environ 2 600 000 habitants soit 50% de la population urbaine du Sénégal.

Quant à Ouagadougou, elle ne compterait que 1 200 000 habitants représentant 40% de la population urbaine du pays. Avec 9,4% (1999), elle a le taux de croissance urbaine le plus élevé des villes capitales de la région suivie de Nouakchott. Bamako compterait la même population soit 12 00 000 habitants regroupés sur une superficie de 267 km2. La ville de Douala regrouperait environ 1700 000 habitants.

La population résidente de ces villes est jeune avec respectivement 50% et 55% de

moins de 20 ans à Dakar et Bamako, et 41,6% de moins de 15 ans et 2% de plus de 55 ans à Abidjan. A l’exception d’Abidjan la cosmopolite, la population résidente est assez homogène avec une représentation des nationaux variant de 85 à 90%. A Dakar par exemple, 85% de la population est de nationalité sénégalaise, 32% de cette population résidente est née en dehors de la ville. A Abidjan, 45% de la population résidente est d’origine étrangère. Cette forte représentation des étrangers et les pratiques d’exclusion socio-économiques ont attisé les tensions sociales. Enfin la ville de Dakar concentre 87% de l’emploi structuré contre 75% à Abidjan, 70% à Douala, 60% à Bamako et Ouagadougou.

SECTION II. Problèmes de la croissance urbaine en Afrique de l’Ouest 2.1. Les problèmes majeurs Les problèmes engendrés par la croissance urbaine sont multiples, mais pour les fins de l’analyse, nous les avons regroupés en trois (3) catégories :

- ceux associés à la dégradation accélérée de l’environnement ; - ceux liés à la montée de la pauvreté ; - ceux liés aux facteurs socio-politiques.

2.1.1. Une dégradation accélérée de l’environnement urbain La démarche retenue pour introduire l’analyse de l’environnement s’articule autour de deux (2) axes :

- une approche fonctionnelle qui privilégie le fonctionnement interne de la ville et les questions liées à la gestion environnementale au sens strict (l’agenda brun, etc.) ; - une approche anticipative qui aborde l’impact du développement et du fonctionnement de la ville sur l’environnement régional et ses ressources naturelles.

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2.1.1.1 Les problèmes liés à la croissance et au fonctionnement interne de la ville Nous avons retenu les cinq (5) problèmes majeurs partagés par ces métropoles. • la difficile maîtrise de la croissance urbaine Une des caractéristiques majeures du développement des grandes métropoles reste l’urbanisation spontanée. En effet, partout les quartie rs d’habitat spontanés continuent à s’étendre soit dans les zones périphériques soit dans les zones à développement différé ou non constructibles isolées par la croissance spatiale. Les quartiers spontanés abritent plus de 40% de la population résidente à Bamako et 20% à Abidjan.

L’habitat spontané s’est développé sous différentes formes, tantôt de façon très

anarchique (ruelles étroites et tortueuses, tantôt selon une trame régulière et bien desservie par des rues de 5 à 6 mètres de large. De nombreux espaces non urbanisés correspondent à des accidents de relief, principalement des vallées de rivières, des zones basses inondables entravent la circulation. A l’habitat spontané, il faut aussi associer l’habitat de type « villageois » constitué par les nombreux noyaux villageois rattrapés par l’urbanisation qui restent sous-équipés et sous -intégrés.

• l’insuffisance de l’assainissement des quartiers Le drainage des eaux, des pluies est défaillant. Les villes ont fait un effort

d’équipement en réseau de drainage des eaux pluviales notamment dans les centres villes dotées d’un réseau hérité de la colonisation et dans les zones d’habitat collectif planifié. Ainsi, Bamako dispose d’un réseau de 400km alors que Ouagadougou ne dispose que 165,56 km dont 49,5% en terre, 39,6% revêtus et 10 ,9% revêtus et dallés. La proportion de ménages raccordés au réseau public d’assainissement reste faible, en effet, elle est 25% à Abidjan, 15% à Dakar, 10% à Conakry, 4% à Nouakchott, 2% à Bamako, 1% à Cotonou et 0% à Ouagadougou (PNUD, 1999). Malheureusement, en l’absence de maintenance systématique (réparation et curage) dû à la faiblesse des moyens matériels et financiers déployés, le réseau est obstrué. A cet égard, les autres villes partagent les caractéristiques et effets du mauvais fonctionnement du réseau de Doubla ci-dessous mentionnés (YANGO. J. 1994 : 39).

« - A l’amont des bassins au niveau des voiries, un envahissement et un encombrement fréquent des réseaux, soit par les ordures ménagères, du sable ou des gravats, soit par des remblais ou de la végétation arrachés par l ‘érosion de surface, qui obstruent les lits mineurs ;

- un état peu enviable des canalisations enterrées ou semi enterrées qui, du fait de manque de pièges à sable destinés à empêcher les fines pa rticules d’accéder dans les buses, conduit à leur obstruction progressive ;

- des ensablements particulièrement marqués, favorisés notamment par des pertes de charges résultant de la présence de nombreux accidents de topographie ;

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- une anthropisation accélérée du milieu urbain caractérisée par un accroissement des surfaces imperméables et une diminution de la couverture végétale entraînant de fait une augmentation significative des écoulements de surface ».

Face au sous-dimensionnement à l’insuffisance et aux mauvais fonctionnement du réseau de drainage des villes comme Douala qui reçoit en moyenne 4 200 mm de précipitations annuelles pour 250 jours de pluies, connaissent les assauts répétés et redoutés des inondations annuelles et leurs cortèges de drames humains. Le réseau d’assainissement des eaux usées domestiques et industrielles est également insuffisant et défectueux. Ce réseau diversifié utilise les types d’assainissement suivants :

- réseaux d’égout dans les quartiers anciens et les zones d’opérations immobilières groupées ; - fosses septiques et fosses étanches dans les zones d’habitat de « cour » ; - puisards et latrines dans les noyaux villageois et d’habitat spontané.

A Ouagadougou, 75% de la population utilisent les latrines traditionnelles, 7% de cette

même population ne dispose pas d’installation sanitaire, 200 000 m3 de matières de vidanges et 600 000 m3 d’effluents industriels sont rejetés sans traitement dans le milieu naturel annuellement. Enfin face à la menace du péril fécal, certaines villes se sont dotées d’outils techniques et réglementaires. C’est le cas d’Abidjan avec son schéma directeur d’assainissement et de Ouagadougou avec son plan stratégique d’assainissement (PSAO). Certaines dispositions des codes nationaux de l’eau (en Côte d’ivoire) et de l’environnement régissent les secteurs de l’hydraulique urbaine, de l’environnement et du cadre de vie.

• La crise des déchets urbains Aujourd’hui, toutes les villes de l’étude font face à une crise sans précédent de la

gestion des ordures ménagères. Les niveaux de collecte et de mise en décharge atteignent rarement 50% des déchets produits. Après des essais infructueux de gestion du service de collecte en régie, aujourd’hui deux formes de gestion existent. A Bamako, la pré-collecte est confiée à 60 groupements d’intérêts économiques formés par des jeunes déscolarisés et le District se réserve les activités de transfert à la décharge.

Ailleurs, le secteur privé est présent sur toute la chaîne, malheureusement les administrations métropolitaines sevrées financièrement par l’Etat depuis le début de la crise économique n’arrivent pas s’acquitter régulièrement des 200 à 300 millions de redevances mensuelles d’Abidjan et Douala. Après la privatisation des services, la recherche de mode de financement fiable du système devrait orienter les énergies. En effet, la présente taxe d’enlèvement des ordures ménagères couvre à peine le 10ème des charges de service à Abidjan et à Dakar. Un comité interministériel a été mis en place récemment à Abidjan pour proposer un nouveau mode de financement.

• Des entraves à l’accessibilité La voirie est inadéquate dans toutes les grandes métropoles hormis Abidjan qui

dispose d’un réseau plus fourni et moins dégradé. En effet, alors que Ouagadougou ne dispose que de 432 km de voirie dont 73 km soit 16,89% de voies bitumées, le réseau global de voirie d’Abidjan comporte 2042 km de voie dont 1484 km soit 72,67% sont bitumées.

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Néanmoins la répartition des voies bitumées et non bitumées fait apparaître de fortes

disparités entre les communes. Les quartiers d’affaires et ceux situés dans les voisinages immédiats sont entièrement bitumés ou ont une grande proportion de leurs rues bitumées. Les quartiers les plus défavorisés sont ceux où les voies en terre sont majoritaires et le bitumage très en retard. Ces voies en terre poussiéreuses en saison sèche deviennent boueuses à chaque pluie.

A Ouagadougou et Bamako, la présence fréquente de « dos d’âne » obligeant les

conducteurs à réduire leur vitesse et à observer la prudence dans les zones d’habitat densifié et l’épandage régulier des eaux usées de ménage sur la voie sont surtout des stratégies locales visant à réduire la montée de la poussière.

Les conséquences sanitaires du sous-développement de la voirie sont importantes. La

mauvaise évacuation des eaux et l’entassement des ordures ménagères favorisés par l’accès difficile des camions aux ordures ménagères aggravent l’insalubrité et le développement des maladies d’origine hydrique en saison des pluies. En saison sèche, la montée de la poussière favorise quant à elle la propagation des maladies respiratoires.

Les deux derniers traits des entraves à l’accessibilité sont l’encombrement des voies et

les difficultés de circulation. En effet, la prolifération des activités du secteur informel et le laxisme dans l’application des textes réglementant l’utilisation du domaine public ont abouti à une colonisation des trottoirs et des parties de voies par les activités commerciales. L’encombrement des voies s’est surtout développé dans le voisinage des grands marchés et des gares routières.

Devant l’inefficacité des opérations périodiques de déguerpissement, les maires des

communes d’Abidjan ont entrepris la construction de grands marchés. A Ouagadougou, la mairie met en œuvre un programme ambitieux de construction de centres commerciaux de quartiers et d’aménagement de kiosques sur une partie du trottoir des grands axes.

A partir de 1994, année du début de l’importation des véhicules d’occasion en

provenance d’Europe, on a assisté à une explosion du parc automobile des grandes métropoles. Les embouteillages monstres bloquant l’entrée et la sortie du centre d’affaires sont devenus fréquents aux heures de point. A Abidjan par exemple entre 1996 et 1998, le nombre de véhicules est passé de 137 000 unités à 175 000 unités, soit une croissance annuelle d’environ 26% alors que le réseau de voies enregistrait une croissance presque nulle.

Malgré le réaménagement, l’autorisation d’importation des véhicules d’occasion qui

interdit l’importation des véhicules âgés de plus de sept (7) ans depuis 1998, la croissance des nouvelles immatriculations qui se situe autour de 9% par an, est encore trop élevée pour la capacité d’absorption de la ville (Marchés tropicaux et Méditerranéens, Décembre 1998, p. 46). Les difficultés de circulation sont localement aggravées par l’indiscipline et les arrêts intempestifs des taxis communaux et les taxis-motos.

• Un cadre de vie de qualité médiocre Depuis le début de la crise économique, les activités du secteur informel ont envahi les

trottoirs des zones d’habitat populaire. Ainsi , les travaux de modifications de la partie des logements donnant sur la rue permettent d’aménager soit une boutique, soit un salon de coiffure, soit un atelier de couture. Les kiosques provisoirement aménagés devant les

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habitations abritent tantôt le commerce des fruits et légumes, tantôt celui des beignets, tantôt celui de la location des téléphones portables, tantôt celui de la petite restauration. Toutes ces constructions et leurs activités affectent l’harmonie des espaces et créent la pollution visuelle. Faute d’entretien les jardins de quartier laissés à l’abandon sont devenus très vite des fiches urbaines et des repères favoris des petits délinquants. Enfin la pollution sonore issue du bruit des hauts parleurs des restaurants et « maquis » populaires et des lieux de culte qui ne cessent de coloniser les salles de cinéma et les vidéos -clubs achèvent le tableau de la médiocrité du cadre de vie.

Face à cette dégradation du cadre de vie, les Maires ont initié quelques actions salvatrices. Ainsi à Ouagadougou, l’aménagement des jardins de quartiers désignés affectueusement « les jardins du Maire » a connu un franc succès. A Abidjan, le programme de rénovation des jardins de la ville et de construction de nouveaux jardins sur le front lagunaire a malheureusement été arrêté par la crise. A Ouagadougou et à Bamako, l’aménagement de mausolées et de monuments dans les principaux ronds-points a donné un cachet particulier aux quartiers et aussi réconcilié les villes avec leur histoire.

2.1.1.2. Problèmes liés à l’impact du développement urbain sur l’environnement local et les ressources naturelles

Deux (2) problèmes majeurs ont été identifiés ; - la dégradation de l’environnement régional immédiat des villes par la création

d’espaces péri-urbains ; - la prédation incontrôlée des ressources à stock ou renouvellement limité.

Un des facteurs importants de la dégradation de l’environnement régional immédiat des

métropoles africaines est la création d’espaces péri-urbains. Ces espaces, mélanges de vie urbaine et rurale sont induits par un mode d’extension spatiale mis en place en deux (2) étapes : « une avancée de formes anarchiques d’installations humaines en symbiose économique avec la ville puis une densification de ces espaces » (TA THU Thuy ; 1993 : 13).

Ces formes d’occupation du sol sous influence urbaine, ni vraiment urbaines, ni vraiment rurales, échappent à toute réglementation et à tout contrôle. C’est dans ces conditions que les autorités coutumières supposées détentrices des « droits » sur ces terrains procèdent à des lotissements et à des ventes de parcelles. Après l’ouverture de quelques voies, à l’initiative des occupants les sociétés concessionnaires des réseaux d’eau et d’électricité viennent éventuellement effectuer un équipement sommaire de raccordement aux réseaux.

La croissance anarchique des zones péri-urbaines des grandes métropoles constitue une des faiblesses de la planification urbaine dans la région. La maîtrise du développeme nt péri-urbain constitue donc un des défis importants de la gouvernance métropolitaine. Le système de prédation anarchique des ressources naturelles de la région d’influence de la ville commence à montrer ses effets. En effet à Abidjan, Bamako, Dakar et Ouagadougou, le front de fabrication du charbon de bois et de coupe de bois de chauffe qui se situe approximativement à 80 km de la ville. L’éloignement de la ressource de la ville affecte le prix de revient qui a connu une augmentation régulière ces dernières années à la suite de la suppression de la subvention du prix du carburant. Il témoigne surtout de la dégradation accélérée des ressources naturelles pour des fins de reproduction de la ville.

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Les mesures anticipatrices de réglementation de l’exploitation des carrières de sable et de graviers ont préservé les sites d’urbanisation à Abidjan, néanmoins elles ont renchéri les coûts de revient des matériaux de construction. Pour les métropoles du Sahel comme Ouagadougou la gestion de l’eau constitue une grande préoccupation à cause de la pénurie et des besoins élevés dans la zone aussi bien pour la consommation humaine, que pour l’industrie, les activités, l ‘élevage et l’agriculture (maraîchage). Bien que la mobilisation et la gestion des ressources en eau sont assurées par l’Etat, la ville s’implique de plus en plus dans le suivi des projets.

2.1.2. Pauvreté urbaine croissante dans un environnement économique morose L’étude de la pauvreté urbaine commence par une évaluation de l’environnement économique urbain avant d’analyser l’accès aux services urbains de base et la désintégration et l’exclusion sociale.

• Un environnement économique urbain en constante dégradation L’environnement économique urbain demeure toujours morose dans la région. En effet

depuis le début des années 1990, le modèle de fonctionnement des économies a été déstabilisé par la conjonction de deux (2) facteurs importants que sont : l’appauvrissement des Etats suite à la chute des prix des matières premières et leur retrait forcé des activités de production à la suite du discrédit causé par la faillite des entreprises publiques.

L’application des mesures d’assainissement proposée par les programmes d’ajustement structurels a permis la privatisation des entreprises publiques du secteur productif et le renforcement de leur compétitivité. Ainsi aujourd’hui, la plupart des sociétés concessionnaires de services publics urbains dont les prestations déterminent la productivité des métropoles (eau, électricité, téléphone, etc.) ont pu se refaire une santé économique au point où certaines mettent en œuvre des programmes d’extension de services (Côte d’Ivoire-Telecom et Compagnie Ivoirienne d’Electricité à Abidjan). Au niveau des secteurs sociaux, on note une déliquescence des systèmes éducatifs et des systèmes de santé consécutive à la baisse du soutien des Etats. Les réponses du secteur privé sont très souvent hors de la portée des populations défavorisées. Avec l’introduction de la concurrence dans le secteur informel quelques entreprises moyennes dans le domaine des services (transport, commerce, etc.) ont émergé. C’est d’ailleurs dans les branches d’activités de services liés au transport et aux technologies de la communication et de l’information qu’on enregistre les forts taux de croissance. Le secteur informel est devenu depuis les années 1980, le principal pourvoyeur d’emplois urbains malgré sa faible productivité. En effet, ce secteur représente, 77% des emplois à Cotonou, 73% à Conakry, 65% à Abidjan, 60% à Ouagadougou, 47% à Dakar, 41% à Nouakchott et 36% à Bamako (PNUD, 1999). Dans cette dernière ville, le secteur informel représente 74,2% de la population active occupée non agricole. Il est constitué pour 19,3% d’activités commerciales et pour 37,6% d’activités de services. L’économie informelle à Bamako est surtout marquée par son caractère tertiaire et commercial et la forte présence des femmes (AIC, 1994 : 131).

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Enfin, la pluri-activité engendrée par la situation de sous-emploi invisible (l’insuffisance des ressources tirées de l’activité principale) touche 4,5% de la population active occupée à Bamako (5,6% pour les hommes et 2,4% pour les femmes) et 6,1% de la population salariée (7,3% pour les hommes et 3% pour les femmes) (DNSI : 1989, p. 122). La diminution de l’activ ité et l’application des divers programmes d’ajustement structurel ont affecté les populations urbaines. Depuis le début des années 1980, l’application des divers et nécessaires plans d’ajustement des secteurs de l’activité économique s’est accompagnée dans bien des cas de compressions d’employés et de diminutions drastiques des salaires et du pouvoir d’achat. Un des volets importants des programmes, la réduction de la masse salariale des Etats, a engendré une suspension de nouvelles embauches, l’annulation des contrats des agents temporaires et journaliers et la mise en retraite anticipée de nombreux fonctionnaires. Le contexte de morosité économique actuelle n’a pas favorisé la reconversion des agents compressés et ceux mis en retraite anticipée. Par ailleurs, ces politiques d’ajustement, dans certains cas faisant trop place au remboursement de la dette extérieure au détriment de la dette intérieure, ont participé à la faillite des petites et moyennes entreprises prestataires de service de l’Etat – aggravant ainsi la crise sociale. Aujourd’hui beaucoup d’Etats de la région font difficilement face à leurs charges salariales. Ce sont surtout les ménages urbains qui doivent supporter de vastes réseaux de prestations sociales qui sont les plus éprouvés. Face à ces difficultés que rencontrent les citadins, surtout ceux des métropoles côtières, on assiste à une réorientation des flux migratoires. Des villes comme Abidjan ont vu partir, durant la dernière décennie, des résidents vers leurs villages ou leurs pa ys d’origine.

• Une crise accentuée des équipements et services urbains Dans la plupart des villes africaines, suite à la diminution des ressources, les activités

de la filière officielle de développement des terrains des extensions urbaines ne touchent que quelques zones limitées couvrant dans le meilleur des cas 20% de l’espace urbain. Quant aux zones d’extension ayant fait l’objet de lotissements communaux, elles sont sommairement équipées avant d’être attribuées. En effet les travaux d’aménagement effectués se résument à l’ouverture des voies et au bornage des parcelles. L’installation des réseaux d’eau et d’électricité par les sociétés concessionnaires de ces services interviendra lorsqu’un niveau suffisant de mise en valeur des quartiers leur permettra d’anticiper la rentabilité de leurs investissements.

Ainsi, la proportion de ménages raccordés à l’eau varie de 76 à Abidjan à 17 à Bamako, en passant par 71 à Dakar, 29 à Conakry, 27 à Cotonou et 19 à Nouakchott. La proportion de ménages ayant recours à la borne fontaine varie de 49 (Ouagadougou) et 0 (Cotonou),en passant par 30 à Nouakchott, 19 à Bamako, 14 à Dakar, 3 à Conakry et 2 à Abidjan. En revanche, plus de la moitié des ménages de quatre (4) villes capitales ont recours soit aux opérateurs soit aux sources traditionnelles pour leur approvisionnement en eau , ce sont notamment Cotonou (73%), Conakry (68%), Bamako (64%) alors que cette proportion n’est que de 28% à Ouagadougou, 22% à Abidjan et 15% à Dakar (PNUD, 1999). Les emprises de voiries urbaines dont la dotation en voies bitumées et réseaux de drainage devrait observer la même procédure, n’ont fait l’objet d’aucun aménagement moderne à cause de la modicité des budgets d’équipement des communes et des faibles

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densités d’occupation observées dans les zones périurbaines. La maintenance des équipements existants laisse à désirer à cause des faibles capacités d’intervention des communes. Pendant longtemps, la desserte de vastes zones de quartiers spontanés, n’était pas envisagé par les sociétés concessionnaires qu’à l’issue d’opérations douloureuses de restructuration. Enfin dans la plupart des villes, la brutalité de la croissance démographique et le manque de moyens et surtout d’imagination n’ont pas permis à l’offre de suivre et de s’adapter à la demande de services urbains. Malgré le desserrement des taux de croissance urbaine observé ces dernières années, les déficits accumulés sont au centre des préoccupations des autorités locales. Devant l’acuité de la crise des services urbains, certaines agences de coopération encouragent la contribution des ONG et la participation des groupes communautaires de base dans la production et la gestion des services urbains de proximité.

• Montée de la précarité et de l’exclusion sociale Une des particularités du secteur informel dans les régions métropolitaines est la

vulnérabilité de certains segments du marché du travail et la précarité des revenus de leurs actifs. C’est le cas de la catégorie des travailleurs indépendants marginaux qui regroupent 34,5% de s chefs de ménages pauvres à Ouagadougou (SANOU, O. M., 1993). Ils exercent une multitude de petites activités (petit commerce, réparation de mobylettes, restauration, gestion de parking, etc.) dont l’accès est relativement facile et libre parce que nécessitant peu d’investissements et pratiquement pas de formation professionnelle.

Du fait de la précarité de leurs revenus, ils n’ont pas accès aux services urbains de base

fournis par les concessionnaires (eau, électricité, etc.) ainsi que les prestations sociales du secteur public (éducation des enfants, santé, etc.). Souvent la marginalisation sociale est sanctionnée par une marginalisation spatiale. A Ouagadougou, la concentration des pauvres est marquée dans les zones non loties et les secteurs périphériques (secteurs 16 à 30) (ECLA, 1998 : 25). A Abidjan, 64% des garçons de 15 à 19 ans sont scolarisés dans la riche Commune de Cocody contre seulement 11% à Abobo et 10% à Attiécoubé.

Les groupes très pauvres ou ne pouvant plus se prendre en charge du fait d’un

handicap physique ont développé plusieurs stratégies de survie dont les principales à Ouagadougou sont :

- la mendicité dans les carrefours, lieux de prière, etc. ; - le concassage des cailloux et des blocs de pierre ; - le ramassage du sable et du gravillon ; - l’emploi dans les familles pour les activités domestiques : garde d’enfants, lavage,

préparation de mets ; - le regroupement de certains groupes sociaux tels que les handicapés en vue de mener

des activités rémunératrices : poterie, broderie, couture, tissage, maroquinerie, pyrogravure, confection de serpillières, tapis, filets de volley-ball, etc. L’Etat Burkinabé par le biais du Ministère de l’action Sociale et de la Famille et la Mairie de Ouagadougou ont initié des programmes de prise en charge des pauvres souvent en partenariat. Ainsi, trois (3) centres de solidarité construits pour accueillir les personnes nécessiteuses dans le soucis d’enrayer la mendicité sont fonctionnels aux secteurs 9 et 12 et 15. Un centre spécialisé dans l’accueil des « mangeuses d’âmes » abandonnées par les familles accueillent actuellement 320 pensionnaires actifs dans la filature, la culture des champs et le maraîchage.

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Les autres prestations couvrent notamment : - la récupération des enfants égarés (2 à 5 ans) ; - la prise en charge des malades mentaux notamment les femmes avec les enfants ; - les fournitures d’équipement (béquilles, voiturettes, etc.) aux personnes handicapées ; - la prise en charge des sinistrés (incendies, inondations).

Si Abidjan, fidèle à sa tradition reste une terre d’accueil, ces dernières années,

l’aggravation de la crise économique et les dérives du pluralisme politique ont créé un climat de méfiance entre les communautés nationales et les communautés étrangères. En effet depuis le début des années 1990, un vague sentiment de nationalisme teinté de xénophobie habite une frange de la population ivoirienne qui impute à tort la responsabilité de la crise économique et sociale en partie à la forte présence d'étrangers. La mise en œuvre de certaines pratiques discriminatoires notamment :

- le retrait du droit de vote aux étrangers en 1995 ; - les tentatives « d’ivoirisation » des chefferies des quartiers populaires après la

dissolution des comités de base de l’ancien parti unique ; - l’institution de quotas pour les ivoiriens en vue de favoriser l’insertion économique

des femmes et des jeunes lors de l’attribution des nouveaux emplacements, commerciaux des grands marchés rénovés d’Adjamé et de Treichville en 1998 ;

- l’expulsion récente des pêcheurs maliens opérant sur les lacs d’Anyamé, celle des pêcheurs ghanéens et des agriculteurs burkinabé des régions de Tabou et Sassandra ;

- et surtout les dérives des récents débats sur l’ivoirité, les critères d’éligibilité aux

postes de Président de la République et de député, les fraudes sur les cartes nationales d’identité ont fait croire que la volonté d’exclusion des étrangers de la vie politique et économique est bien réelle. Ces événements témoignent néanmoins des difficultés de cohabitation et de l’existence d’une tension réelle.

2.1.3. Fractures et meurtrissures urbaines

• Fragmentation géographique et fractures socio -politiques Les villes ivoiriennes sont issues pour la plupart de la colonisation dont elles ont hérité

leurs structures spatiales ségréguées. Le quartier du Plateau, siège de la ville blanche de la colonisation concentre toujours les fonctions commerciales, administratives et une fonction résidentielle résiduelle. Cette ville blanche était construite à bonne distance des quartiers indigènes dont elle est presque toujours séparée soit par une barrière naturelle soit par camp militaire.

Ces pratiques de développement séparé des communautés, tant décriées n’ont pas malheureusement disparu avec les indépendances. En effet, la fragmentation géographique et socio-économique amorcée durant la période coloniale s’est consolidée avec les nouveaux choix d’urbanisme et le processus d’urbanisation périphérique. C’est ainsi que dans toutes les villes, les pratiques d’affectation des sols réserveront aux classes supérieures montantes les terrains localisés sur les zones saines et ventilées des plateaux.

Les classes moyennes occupent les cités planifiées bâties sur les terrains de basse altitude de la zone péri-urbaine. Quant aux classes populaires, elles seront reléguées soit dans les vieux noyaux villageois et leur excroissance urbaine, soit dans les cités d’habitat spontané établies dans les zones non constructibles et les zones à urbanisation différée du tissu urbain.

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Deux (2) composantes importantes de la nouvelle politique d’urbanisme notamment

les opérations d’aménagement foncier et les opérations de restructuration vont jouer un rôle décisif dans la mise en place de l’option de cloisonnement social et géographique. En effet, l’Etat par le biais des opérations d’aménagement foncier concentrent l’effort d’équipement dans les quartiers administratifs et les quartiers résidentiels affectés aux classes supérieures et subsidiairement dans les zones d’habitat planifié occupées par les classes moyennes.

Quant aux opérations de restructuration au bulldozer des deux (2) premières décennies de l’indépendance, elles étaient destinées à extirper du tissu urbain autorisé la plupart des poches d’habitats précaires.

La plupart des ménages contraints de quitter les sites des opé rations de restructuration sont venus s'établir dans des zones péri-urbaines où les conditions d’accès aux terrains à bâtir et aux logements sont relativement faciles et simples. Les noyaux villageois et leurs extensions urbaines ainsi que les zones d’habitats précaires, livrés à eux-mêmes pour leur développement, sont notés sous -équipés et insalubres.

Par ailleurs, le phénomène de fragmentation géographique et sociale va faire place à une véritable fracture sociale avec la prise de distance entre les différentes couches sociales de la ville. En effet, la persistance de la crise économique et l’accentuation de la pauvreté ont contribué à générer trois (3) effets importants quant à l’évolution des rapports sociaux. Elles ont dégradé les solidarités traditionnelles (lignagères et familiales), fait le lit du développement de l’insécurité mais aussi généré une vie associative à la fois intense et fragile.

La conjugaison de ces trois (3) événements isole davantage les plus pauvres qui, sevrés des ressources de la solidarité traditionnelle et victimes de la petite criminalité et souvent de véritables systèmes mafieux écumant le quartier sont contraints de se replier sur eux-mêmes. Les classes moyennes cherchent à éviter les pauvres en s’abritant derrière le prétexte de l’insécurité prononcée dans leurs zones de résidence. Les classes supérieures plus mobiles, évitent les deux (2) zones d’habitat des deux (2) classes précédentes pour les mêmes raisons, utilisent les ressources des nouvelles technologies de communication et les milices privées (vigilantes) pour sécuriser leurs zones de résidences et recomposer leurs réseaux sociaux.

Depuis le début de la décennie écoulée, hormis les associations sportives, les deux (2) formes majeures de vie associative intense ide ntifiées proviennent des partis politiques et des communautés religieuses. En effet pendant que les deux (2) grandes religions révélées : le christianisme et l’islam multiplient les initiatives d’encadrement social à travers les croisades de propagation de la foi et les œuvres sociales, les partis politiques dans leurs efforts de consolidation multiplient de leur côté, les actions d’encadrement politique. Tous ces efforts de mobilisation se sont soldés par la montée sans précédent de la ferveur religieuse et l’émergence des trois (3) partis politiques.

En fait tout porte à croire que devant les difficultés de la vie aggravées par la carence de l’Etat des communes et de la famille, les populations ont décidé de s’en remettre à la fois à la religion pour un minimum de prise en charge sociale et aux partis politiques pour une société plus solidaire fruit d’une œuvre de refondation économique, sociale et culturelle du pays.

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Malheureusement, les amalgames entre la religion et la politique ont très vite fait apparaître une nouvelle fracture politico-religieuse. En effet, après plusieurs tentatives d’alliances, aujourd’hui deux (2) grands blocs politiques à base ethniques et religieuses dominent le paysage politique ivoirien : D’un côté le bloc parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Front Populaire Ivoirien (FPI) qui recrute majoritairement ses membres chez les chrétiens du Sud forestier et de l’autre côté, le Rassemblement des Républicains recrutant majoritairement parmi les populations musulmanes du Nord du pays et les immigrés originaires des pays sahéliens

Les affrontements meurtriers, accompagnés d’incendies d’édifices religieux qui ont suivi les élections présidentielles du mois d’octobre 2000, ont mis à nu cette autre fracture d’autant plus pernicieuse qu’elle n’est pas géographiquement localisable. Cependant le fait que ce soit les quartiers périphériques de Yopougon, Abobo et Kumassi où la précarité physique côtoie la vulnérabilité sociale qui aient été les principaux théâtres des affrontements meurtriers révèlent que ces quartiers devenus sensibles parce qu’ils cristallisent les frustrations et contradictions sociales, méritent un programme de développement économique et social en traitement d’urgence.

• La ville, otage et victime des violences politiques Vers la fin des années 1980, le durcissement du régime et la gestion opaque des

affaires publiques ont entraîné la multiplication des mouvements de contestations et les revendications sociales. A partir de 1990, avec l’ouverture politique et la reconnaissance des partis politiques, les collectifs des partis politiques de l’opposition n’hésitent plus à prendre la rue pour revendiquer l’établissement d’un Etat de droit. En 1992, une marche pacifique avec l’encadrement des forces de l’ordre sur un itinéraire connu et autorisé s’est terminée dans une grande confusion au centre -ville avec des dizaines de voitures du palais de la justice incendiées, des vitrines de magasins de luxe et des pare-brises des voitures endommagées.

A l’issue de cette violente manifestation qui jeta l’émoi sur toute la ville, une centaine de personnes dont les leaders du Front Populaire Ivoirien (FPI), tenus pour responsables et coupables furent arrêtés. Dans la foulée afin de prévenir de tels dérapages, une loi dite la loi anti-casse forçant les commanditaires des marches et les coupables des actes de vandalisme à réparer les dégâts commis, fut adoptée. Cette loi n’arrive pas à altérer la détermination des opposants. Mieux à l’occasion du boycott actif des élections présidentielle s de 1995, les opposants mettent en œuvre une nouvelle stratégie afin de contourner la loi anti-casseur.

Des manifestations dites éclatées sur tout le territoire et en particulier dans tous les quartiers vont être organisées simultanément en vue d’empêche r l’organisation des élections. Ainsi des barrages constitués de carcasses de voitures et de vieilles pneumatiques incendiées ont été dressés sur les principaux axes de circulation urbaines et les principaux carrefours. La riposte de la gendarmerie a fait des dizaines de morts et des centaines d’arrestations. Il convient de remarquer que dans la foulée un pas important a été franchi. En effet, les manifestants s’en sont pris aux biens publics avec comme résultats des dizaines d’autobus et de voitures administratives incendiées.

Un second pas sera franchi avec les folles journées du coup d’Etat militaire de décembre 1999.et des deux tentatives de coup d’Etat de 2000 par le pillage des magasins et l’incendie des propriétés immobilières supposées appartenir aux dignitaires du régime déchu par les militaires et les populations des quartiers déshérités.

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On réalise que contrairement à l’Europe où les jeunes des banlieues françaises s’attaquent aux forces de l’ordre, ici ce sont les biens publics et privés et surtout le patrimoine et le mobilier urbains (édifices publics, abris-bus, autobus, cabines téléphoniques, feux tricolores, panneaux de signalisation, voies urbaines, etc) qui sont endommagés ou détruits. La ville, théâtre de toutes ces violences en devient la victime résignée.

Le drame c’est que certains actes de vandalisme politique commis par les habitants des quartiers déshérités tels que la destruction des autobus, des abris-bus, des cabines téléphoniques, des commerces de proximité, etc. contribuent à aggraver la crise des services urbains et à restructurer l’offre de service en ciblant les quartiers centraux où il existe une sécurité relative. SECTION III : Les défis majeurs urbaine et municipale Au terme de cette étude, on réalise que la restructuration de l’espace économique ouest africain amorcée depuis l’époque coloniale et qui s’est accélérée durant les premières décennies des indépendances, se poursuit. Ce mouvement est accompagné par une croissance rapide et une redistribution de la population. Cette dynamique de peuplement au profit des zones relativement plus performantes des régions côtières et du Sahel va se poursuivre. L’explosion urbaine qui a induit cette dynamique nouvelle de peuplement et surtout la concentration de 50% à 40% de la population urbaine de plus en plus jeune a posé de nombreux problèmes. Bien que les problèmes rencontrés dans les métropoles ouest africaines ne soient pas différents fondamentalement de ceux présentés par les métropoles et mégalopoles du monde en développe ment, nous avons retenu ici sept (7) défis majeurs à relever :

1. Mieux encadrer et accompagner la croissance urbaine Une des principales leçons des dernières décennies d’urbanisation est que la croissance

urbaine est difficilement maîtrisable ; dès lors les politiques et les pratiques doivent au mieux viser son encadrement et son accompagnement pour limiter le développement incontrôlé. Cette nouvelle option ne peut être mise en œuvre que si quelques conditions sont réunies :

- poursuivre l’effort de connaissance des processus et pratiques à l’œuvre dans ces métropoles par la recherche urbaine et le développement de base de données ;

- revoir la question de la propriété foncière coutumière de manière réaliste et durable ; - mettre en œuvre des outils de planification spatiale simplifiés arrimés à des outils de

développement stratégique favorisant la négociation, la concertation et la recherche du consensus.

2. Améliorer le cadre de vie et la gestion des ressources locales La notion d’environnement urbain et régional est une notion problématique. Alors

qu’il est traité comme un objet homogène qui constitue un patrimoine (cadre de vie et ressources naturelles) à gérer, l’environnement est en fait perçu de façon différenciée voire conflictuelle par les différents acteurs de la ville : ménages pauvres, ménages riches, administrateurs, opérateurs économiques institutionnels, petits patrons, travailleurs indépendants du secteur informel. La plupart des problèmes environnementaux trouvent leur origine dans la taille et la structure démographique des ménages et des unités d’habitation, dans leurs activités et modèles de consommation ainsi que dans le type d’infrastructures et d’équipements des ménages et des quartiers. Dans ces conditions, l’atteinte des résultats escomptés passe nécessairement par :

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- une nouvelle planification urbaine et une gestion municipale soucieuses de la protection du cadre de vie et une meilleure utilisation des ressources naturelles ;

- la promotion d’outils de contrôle communautaire du développement et de l’utilisation de l’espace urbain ;

- la promotion d’outils de concertation dans la gestion des espaces périurbains et des ressources naturelles. Certains de ces outils ont déjà fait leur preuve dans la gestion des forêts classées.

Aujourd’hui avec les agendas 21 locaux, les plans municipaux d’actions

environnementales et autres stratégie de développement durable mettant l’accent sur la nécessité de préserver les ressources vitales pour l’avenir, les Maires peuvent disposer d’instruments leur permettant d’assumer leurs responsabilités. Malheureusement, très peu d’entre eux se préoccupent des problèmes de l’interland de leur ville et participent effectivement à la mise en œuvre d’outils de gestion concertée dans cet espace.

3. Mieux planifier les actions de ré duction de la pauvreté La conjugaison des insuffisances constatées dans les domaines de l’emploi et la

génération des ressources, de l’accès aux services urbains de base et la montée de la violence, des symptômes de déstructuration du tissu social et de l’exclusion socio-économique et culturelle aggrave la pauvreté urbaine. Cette pauvreté est particulièrement ressentie par les populations des zones périurbaines et les groupes vulnérables.

Le défi majeur des autorités urbaines est la connaissance du phénomène de la pauvreté et le développement de véritables programmes et actions de lutte contre la pauvreté et la coordination de leur mise en œuvre. L’expérience du projet Lutte contre Urbaine à Abidjan, qui s’est inspirée du processus de city consultation du programme de gestion a abouti à un plan d’actions composé de trois (3) éléments suivants :

- un profil de pauvreté assorti des principaux indicateurs et ratios de mesure du phénomène ;

- un plan d’actions à long terme ; - un programme d’investissement triennal. Les administrations des métropoles ne disposent pas de compétence rompues aux

techniques de développement participatif de plans d’actions de lutte contre la pauvreté. La grande faiblesse de cette expérience est que les participants à l’atelier de planification focalisés sur les problèmes leur environnement immédiat et de survie ont mis très peu d’accent sur les questions de gouvernance qui sont souvent à la base de certains problèmes rattachés à la pauvreté.

4. Renforcer la gouvernance métropolitaine A l’issue d’un exercice d’évaluation de la gouvernance métropolitaine à Abidjan, on

réalise que les principaux objectifs poursuivis par la mise en place de la Ville d’Abidjan n’ont été que partiellement atteints. En effet, la répartition des responsabilités entre les différents acteurs institutionnels manque de clarté, ce qui entretient des tensions et des crises inutiles.

En revanche, le système de représentation proposé est très équitable mais il ne permet

pas l’émergence d’un Maire disposant d’un poids politique et de l’autorité indispensable pour exercer un vrai leadership métropolitain. En effet, dans la forme de gouvernance actuelle, le Maire de la ‘Ville’ est l’otage des représentants des communes au Conseil; il doit manœuvrer habillement pour faire triompher les enjeux métropolitains sur les intérêts partisans des communes. C’est ce qui explique que les nobles idéaux de solidarité, qui ont présidé à la mise

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en place du système de partage de l’assiette fiscale de l’agglomération par l’affectation d’office de 40 % des recettes budgétaires des communes à la ‘Ville’, sont de plus en plus remis en cause. Même la gestion par la ‘Ville ’ d’un service à caractère métropolitain comme les ordures ménagères, par souci de rationalisation, est remise en cause.

La ‘Ville’ est très peu présente dans l’exercice des fonctions de programmation des actions de développement et de mise en valeur du territoire métropolitain. Elle est presque déboutée dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de promotion des actions de développement économique et touristique au niveau métropolitain. En résumé, la ‘Ville’ d’Abidjan apparaît comme un organe de coordination technique doté d’un pouvoir politique très faible au point qu’elle ne peut pas exercer le leadership métropolitain qu’on attend d’elle. Malheureusement, le gouvernement métropolitain est le seul lieu où peuvent se développer une conscience et une connaissance des enjeux métropolitains. Une réforme est en cours, elle remplace le Maire de la ville d’Abidjan élu par ses pairs, Maires des communes partenaires de la ville par un Gouverneur de District nommé par le Gouvernement. Bien que le nouveau Gouverneur disposera de beaucoup plus de poids politique, la procédure de désignation constitue un recul au regard des principes démocratiques.

5. Compléter les outils de planification par les plans stratégiques de développement

La planification urbaine classique débouchant sur les documents d’urbanisme directeurs (schémas directeurs d’urbanisme, schémas de structure) et les documents d’urbanisme opérationnels (plan programme, plan de détails, plan de lotissement) traite en priorité des questions de développement physique de la ville. Malgré les efforts amorcés ces dernières années pour faire participer les populations à l’élaboration de ces documents d’urbanisme, l’approche reste encore technocratique (bureaux d’études, cadres techniques et politiques de la ville).

Devant l’insatisfaction grandissante liée aux impacts limités de ces documents sur le

développement local durable, on assiste à l'émergence de nouveaux outils de planification et de programmation de développement local. On compte dans cette catégorie les documents suivants:

- Les plans locaux d’actions environnementales ou agendas 21 locaux développés à la suite de la Conférence de Rio sur l'Environnement, 1992 (Sustainable Cities Programme et PLAE du Programme de Gestion Urbaine);

- Les plans municipaux d’actions de lutte contre la pauvreté lancés à la suite du Sommet Mondial sur la Pauvreté de Copenhague, 1995 (PGU);

- Les plans locaux de lutte contre l’insécurité urbaine (safer cities programme, HABITAT, 1998).

Malheureusement, le développement de ces plans d’actions adopte une démarche

sectorielle tendant à découper la réalité urbaine pour ne prendre en charge que quelques aspects du développement local durable (pauvreté, sécurité, environnement). Par ailleurs, dans un contexte où l’utilisation des documents de planification classique par les gestionnaires de la ville est insuffisante à cause de la méconnaissance de leur potentialité, la multiplication des plans d’actions sectorielles, tend à créer la confusion et à désorienter les autorités locales ainsi

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que la population (cas du plan d’actions de lutte contre la pauvreté urbaine et de celui de la sécurité urbaine dans la commune d'Adjamé).

L’expérience acquise dans l’élaboration des plans d’actions dans la sous région, dans le cadre des activités du PGU, nous enseigne que malgré les tentatives d’ouverture opérées, le processus de développement des plans d’actions sectorielles frustre plutôt les populations. En effet, celles -ci voudraient bien profiter d’une des rares opportunités qui leur est offerte pour identifier les problèmes de développement de leur cité sans discrimination en vue d’une recherche de solutions durables.

Par ailleurs, depuis l’avènement de la démocratisation et de son pendant local, la décentralisation, les populations deviennent beaucoup plus exigeantes envers les élus locaux, à qui elles reprochent de ne pas présenter de véritables « projets locaux de société » axés sur une vision partagée du devenir de la cité.

Dans les meilleurs des cas, les ébauches de vision de la cité élaborées à la faveur des campagnes électorales ne sont pas partagées par l’ensemble des citadins, c’est plutôt le projet d’un candidat ou d'une liste électorale .

Enfin, il convient de rappeler que la plupart des projets urbains ou municipaux initiés par les gouvernements avec l’appui des partenaires au développement ne s’inscrivent pas dans une logique de vision partagée de la cité, mais plutôt dans une logique de rattrapage ou d’opérations d’urgence visant à combler les besoins prioritaires. Tous ces constats poussent de plus en plus les planificateurs et gestionnaires urbains ainsi que les observateurs avertis de la scène urbaine africaine à opter pour l’élaboration de plans stratégiques de développement urbains ou locaux.

La planification stratégique dans les secteurs de l’aménagement urbain et de la gestion urbaine est l’opération permettant de définir une vision claire de l’avenir désiré par les autorités et les populations d’une cité, sanctionnée par un plan d’action à long, moyen et court terme visant à la matérialiser. C’est aussi un véritable « projet local de société », un document de référence et de négociation pour l’ensemble des citoyens et acteurs institutionnels qui souhaitent apporter leur contribution ou s’impliquer pleinement au développement de la ville.

Ce document est complété par un plan d’opération des actions prioritaires à réaliser

pour le court terme (3 ans) précisant pour chaque action retenue, les cibles, le budget, le calendrier et la stratégie d’exécution ainsi que les indicateurs pour le suivi-évaluation. Le dossier du plan de développement stratégique urbain comprend les documents suivants:

- le diagnostic stratégique local; - le recueil des principaux indicateurs de développement; - la stratégie de développement à long terme (10 ans); - le plan d’opération des actions prioritaires à court terme (3 ans)

6. Développer des stratégies de développement économique local Si par le passé récent, les autorités urbaines étaient plus préoccupées par le

développement et la mis en œuvre de stratégie de mobilisation de ressources locales, aujourd’hui la promotion du développement économique devient un des défis majeurs en matière de gestion urbaine et municipale. Ce changement d’orientation s’explique par plusieurs facteurs :

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- d’abord la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel et le retrait progressif de l’Etat des secteurs productifs a réduit son rôle dans la gestion économique nationale ;

- si l’avènement de la globalisation crée de nouvelles opportunités pour les acteurs économiques locaux, ces derniers doivent aujourd’hui compter d’abord sur leur propre compétitivité pour capter les marchés et sur les efforts des autorités urbaines à offrir un environnement plus compétitif avec des équipements et des services d’accompagnement performants ;

- les autorités urbaines réalisent que le développement économique permet un renforcement de la base économique locale et assure un accroissement des ressources locales et une meilleure contribution aux charges de développement.

C’est pourquoi, dans le cadre du Cities Alliances, le centre ville de Johannesburg en

déclin s’est doté d’une stratégie de développement économique locale. La ville de Kigali réalise actuellement la sienne avec le concours de Habitat, du PNUD et de l’USAID.

7. Assurer un développement social durable de la cité La ville a de tout temps été le lieu de la tolérance, de l’intégration raciale et culturelle et

de la cohabitation pacifique entre les races, les ethnies et les religions différentes. Aujourd’hui, aussi bien au Nord comme au Sud, les inégalités sociales, les conflits culturelles et la fragmentation politique déjà à l’œuvre s’accentuent. Ces fractures et fragmentations socio-politiques s’expliquent notamment par la crise économique, la restructuration du marché de l’emploi, les coupures budgétaires et l’importance des migrations internationales.

L’Afrique n’échappe pas à cette règle, les chercheurs en science sociale ont eu recours

au concept de développement social durable et de ville inclusive pour envisager une solution à ces crises. Pour les Professeurs Stren et Polèse (2000), le développement social durable de la ville réfère à un développement urbain qui est compatible avec une évolution harmonieuse de la société civile créant ainsi les conditions d’une cohabitation pacifique entre les groupes culturellement et socialement différents et d’une meilleure intégration sociale ainsi qu’une amélioration de la qualité de la vie pour tous les segments de la population.

Dans certaines villes africaines qui abritent un fort contingent d’immigrants, à la suite

des affrontements observés ces derniers temps dus principalement à la montée des intégrismes religieux et à leur utilisation à des fins politiques, la cohabitation entre les peuples d’horizons culturels et religieux différents, constitue une préoccupation majeure pour les autorités. Le maintien de la paix et de la cohésion sociale qui jusque là constitue une prérogative des autorités nationales pourrait bénéficier de l’appui des autorités locales pour une gestion beaucoup plus rapprochée et suivie des populations. Conclusion

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