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agir ››››››››››› LE MAGAZINE DE L‘ENTRAIDE PROTESTANTE SUISSE | Nº 6 | 2 / MAI 2012 Asile : les vrais chiffres

agir n° 6 - 2/2012

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Asile : les vrais chiffres

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agir›››››››››››LE MAGAZINE DE L‘ENTRAIDE PROTESTANTE SUISSE | Nº 6 | 2 / MAI 2012

Asile : les vrais chiffres

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ÉDITORIAL2 SOMMAIRE

2 Editorial

3 Regards croisés

Coup de projecteur sur

Luisa Campanile et Gustavo

Capdevila Fonrouge

4 L’invitée

Carte blanche à Fanny Matthey

5 Développement des

communautés rurales

Ethiopie : approvisionnement

durable en eau

6 Journée des réfugiés

Les vrais chiffres en matière d’asile

8 Défense juridique

Interview de deux juristes du Service

d’Aide Juridique aux Exilé-e-s

10 Journée des réfugiés

Trois récits de requérants d’asile

12 Actuel et agenda

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En couverture Photo : EPER / Stephan Maurer

IMPRESSUM AGIR N°6, MAI 2012ISSN 2235-0772Paraît 4 fois par an Editeur : Entraide Protestante Suisse (EPER)Responsable de la publication : Olivier GrazRédaction : Joëlle Herren LauferTraduction : Sandra Först Impression : Jordi, BelpTirage : 17 300 exemplairesAbonnement : CHF 10, déduits une fois par an de vos donsAdresse : Bd de Grancy 17 bis, case postale 536, 1001 LausanneTéléphone : 021 613 40 70Fax : 021 617 26 26Internet : www.eper.chE-mail : [email protected] pour les dons : 10-1390-5

Garder le cap dans l’urgence

L’action de l’EPER vise à améliorer durablement les conditions de vie des personnes qu’elle touche. Cette formule simple représente en fait un défi majeur : trouver l’équilibre entre les moyens de renforcer à long terme l’autonomie des personnes et les mesures à court terme dictées par l’urgence du terrain. Les articles de ce numéro d’agir illustrent comment l’EPER fait face à cette exigence.

A l’étranger, une nouvelle crise alimentaire frappe les régions du Niger et de l’Ethiopie. L’EPER y est active depuis plusieurs années ; déjà confrontée à ces situations par le passé, elle a pu apporter une réponse rapide au risque de malnutrition de plus de 10 000 enfants au Niger et soutenir 8 000 familles dans le sud de l’Ethiopie. Parallèlement à cette aide urgente, une action à long terme vise à diminuer l’impact futur de la sécheresse : améliorer l’alimentation en eau de la population par le forage de puits, arboriser des exploitations agricoles pour protéger les terres.

Et en Suisse ? Notre engagement dans le domaine de l’asile fait face au même défi de concilier urgences du court terme et perspectives à long terme. En prévi-sion du dimanche des réfugiés du 17 juin, ce numéro d’agir présente notre travail de conseil juridique auprès des requérants d’asile. L’interview de deux juristes du SAJE rend compte de la difficulté de leur travail au quotidien, reflet d’un contexte législatif endurci et de la détresse vécue par les requérants d’asile. Les témoignages de requérants ne donnent pas dans le sentimentalisme ; ils rappellent qu’au cœur d’une procédure d’asile se joue d’abord le destin personnel d’humains, réalité trop souvent occultée dans les débats.

Mais pour améliorer durablement cette situation, le conseil juridique de profession-nels ne suffit pas : un changement de perspective est nécessaire. Ce numéro d’agir y contribue. Premièrement, en rappelant certains faits : les personnes issues de l’asile représentent par exemple moins de 1% de la population résidant en Suisse et le nombre de demandes d’asile est en moyenne stable depuis des décennies. Deuxièmement, en rappelant les enjeux réels de l’asile que le vacarme xénophobe fait souvent oublier : avant d’être un problème à « résoudre », l’asile est un droit humain, qui fait la dignité de notre pays et doit être protégé. Notre invitée rap-pelle ces principes dans la perspective du rapport que la Confédération rendra ces prochains jours au Comité des droits de l’homme de l’ONU, en réponse à son « Examen périodique universel ».

N’hésitez pas à nous contacter pour nous demander d’intervenir à l’occasion du dimanche des réfugiés ou lors d’autres activités que vous organisez. Vous contri-buerez ainsi à améliorer la perception de l’asile en Suisse, condition de tout changement durable en faveur des personnes traversant cette épreuve.

Excellente lecture et merci de votre précieux soutien,

Philippe BoveySecrétaire romand

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INTÉGRATION SOCIALE EN SUISSE

Semaine de l’intégration : coup de projecteur sur le « Regard croisé » entre deux acteurs

Né au Costa Rica en 1979 de parents argentins ayant fui la dictature militaire, Gustavo Capdevila Fonrouge se reconnaît très bien dans la chanson de l’Argentin Facundo Cabral « No soy de aquí, ni soy de allá » (Je ne suis pas d’ici, ni d’ailleurs). Ayant grandi et étudié entre San José, Buenos Aires, Ams-terdam et Genève, Gustavo a finalement posé ses valises dans la cité de Calvin, après des études de théâtre et de mise en scène. Quant à Luisa Campa-nile, elle est née en 1973 à Sion de parents immigrés napolitains. Licenciée en psychologie de l’Université de Genève, cette comédienne, metteure en scène et enseignante est l’auteure de l’autofiction « Flux Migratoires », publiée aux éditions Xenia. Dans ce livre, elle raconte son parcours du combattant pour obtenir la naturalisation suisse.

Dans le cadre de la troisième semaine d’inté-gration nationale de l’EPER qui s’est déroulée du 26 au 30 mars 2012, chaque bureau régional a proposé un « Regard croisé » entre un bénéficiaire d’un projet de l’EPER et une personnalité du monde politique, culturel ou sportif. Cette rencontre d’un jour a permis la découverte réciproque de deux quotidiens.

C’est donc lundi 26 mars, au Café de Grancy à Lausanne, que Luisa rencontre Gustavo, qui par-ticipe au projet de l’EPER Mentorat Emploi Migra-tion. Entre un tartare de thon et un filet de daurade grillé, ces deux amateurs de théâtre échangent leurs expériences migratoires. Ce qui diffère entre eux, c’est que Gustavo est un migrant et Luisa une « 2G », autrement dit une « deuxième génération »,

comme elle l’écrit avec humour dans son livre. Ils partagent également leurs premières expériences en tant que parents. Gustavo a une fille et Luisa un fils d’à peu près le même âge. Il est amusant de noter que leurs deux enfants ont les yeux bleus et les cheveux blonds, et ne ressemblent pas à leurs parents, au teint mat. A l’heure du dessert, Luisa donne à Gustavo des noms de contacts dans le milieu du théâtre, pour l’aider à trouver du travail.

A 14 heures, ils se dirigent vers le Musée de l’immigration, le plus petit musée de Suisse. Ernesto Ricou, le fondateur de ce lieu, accueille Luisa et Gustavo dans un français parfait, teinté d’un petit accent portugais. Il y a 7 ans, ce peintre et enseignant d’Arts visuels, aux multiples origines, a transformé son atelier de peinture pour créer ce musée. Le lieu présente des objets hétéroclites que chaque migrant peut déposer en provenance de son pays d’origine et de la Suisse. Ce projet participatif se veut ainsi « une mise en lien entre nationalités du monde entier ».

Après cette visite, Luisa et Gustavo se rendent au théâtre du Bourg afin d’effectuer le réglage sonore de la lecture-spectacle « Flux Migratoires ». Cette représentation du livre de Luisa est organisée par l’EPER, pour lancer la semaine de l’intégration et clore cette journée de « Regards croisés ». Un spectacle applaudi par une cinquantaine de per-sonnes et qui touche particulièrement le cœur des « 2G », appréciant d’entendre une verbalisation du mal être que l’on peut ressentir à n’être ni d’ici, ni d’ailleurs.

Luisa Campanile et Gustavo Capdevila Fonrouge ont croisé leurs regards l’espace d’une journée. Tous deux acteurs et jeunes parents, ils ont partagé leurs expériences de l’immigration.LAURELINE MAGNIN

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4 L’INVITÉE

Fanny Matthey est collaboratrice pour le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) à l’Université de Neuchâtel. Elle est l’auteure d’une thèse intitulée « Pro-cédures d’asile et pluralité de statuts. Du ‹ nomad’s land › au ‹ no man’s land juridique › : parcours de la personne dont la demande d’asile est refusée, en droit suisse et en droit euro-péen » (à paraître 2012).

Carte blanche à Fanny MattheyLe droit d’asile, une affaire interne, mais pas seulement…

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Bien que les Etats soient libres de contrôler les flux migra-toires, de fixer les conditions d’entrée et de séjour des étrangers et par conséquent de déterminer le contenu de

leur loi sur l’asile, ils sont tenus de se conformer à un certain nombre de normes relevant du droit international qui fixent des limites à cette liberté de principe.

Certaines dispositions du droit international contiennent des garanties et des droits fondamentaux qui s’appliquent en effet à tout être humain, quel que soit son statut. Le respect de ces droits connaît plusieurs types de contrôle. Il peut être assuré de manière contraignante par une Cour ou un Comité interna-tional ou par d’autres mesures, plus « souples », mais néanmoins essentielles. Dans cette optique, l’Assemblée générale des Na-tions Unies a mis sur pied, en 2006, un mécanisme d’« examen périodique universel ». Il s’agit d’un processus d’évaluation de la situation en matière de droits de l’homme dans un Etat, ce qui permet ensuite à celui-ci de prendre des mesures pour améliorer la situation sur ce plan et de se conformer à ses obligations in-ternationales. Chaque Etat membre de l’ONU peut adresser à l’Etat examiné des recommandations. La Suisse a été examinée une première fois en 2008. Début 2012, le Centre suisse de com-pétence pour les droits humains a préparé une « Etude sur le suivi des recommandations adressées à la Suisse dans le cadre de l’examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme de l’ONU » qui évalue la mise en œuvre des 23 recommandations que la Suisse a acceptées sur les 31 qu’elle a reçues.

Une seule recommandation concerne l’asile. Le Brésil a invité la Suisse à analyser la loi sur l’asile et sa compatibilité avec le droit international des droits de l’homme (rec. 57.2). Bien que le

Département fédéral des affaires étrangères ait affirmé, dans un rapport intermédiaire de 2011, que cette étude était en cours, il convient de relever trois domaines qui peuvent notamment poser problème sous l’angle de leur compatibilité avec les droits hu-mains : la procédure d’asile, les notions de pays sûrs et les pays « Dublin », ainsi que la question de l’aide d’urgence.

En ce qui concerne la procédure d’asile en général et plus particulièrement la tendance constante à accélérer cette procé-dure par de nouvelles révisions législatives, il existe un risque que les garanties générales de procédure ne soient pas respectées, notamment lorsque le délai pour recourir est très court ou lors-que l’effet suspensif au recours1 n’est pas octroyé. Les notions de « pays sûrs » et le système de Dublin peuvent être problématiques vis-à-vis du principe de non-refoulement, notamment s’il existe un risque de renvoi en chaîne sans « pronostic positif »2. Enfin, l’aide d’urgence, telle qu’elle est parfois appliquée actuellement peut être discutable au sens de différentes dispositions du droit international qui consacrent notamment le droit à un niveau de vie suffisant ou le droit de bénéficier du meilleur état de santé physique et mental possible.

Finalement, certaines propositions de modification de la loi sur l’asile présentées entre 2009 et 2011 suscitent aussi quelques inquiétudes. A titre d’exemple, on peut mentionner la proposi-tion d’exclure de la qualité de réfugié les déserteurs et objecteurs de conscience : cette modification pourrait ne pas être compatible avec la notion de réfugié telle qu’elle est prévue par la Conven-tion de Genève ; ou encore la proposition de prévoir une amende pour les requérants qui ont « des activités politiques publiques en Suisse uniquement dans l’intention de créer des motifs subjectifs après la fuite » ainsi que pour toute personne qui les assistera dans ces activités. Cette innovation semble clairement aller à l’encontre des libertés d’opinion et de réunion.

Ainsi, le droit d’asile, bien qu’étant du ressort des Etats, ne peut s’écarter des fondements du droit international. Le législa-teur notamment se doit donc de garder à l’esprit ces principes lorsqu’il entend revoir la loi.

1 L’effet suspensif au recours permet de ne pas effectuer le renvoi tant que la décision définitive n’est pas rendue. Si cet effet suspensif n’est pas octroyé, le droit à un recours effectif peut ne plus être garanti.2 En d’autres termes, le principe de non-refoulement peut ne pas être respecté lorsqu’un Etat renvoie un requérant dans un pays qui, à son tour, risque de le renvoyer plus loin. Pour éviter toute violation du principe de non-refoulement, le premier Etat qui effectue le renvoi devrait s’assurer que l’Etat de destination respectera le principe de non-refoulement et qu’il pourra garantir l’accès à une procédure d’asile sérieuse.

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DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS RURALES

Régulièrement touché par des sécheresses, le sud de l’Ethiopie n’a quasiment pas reçu de pluie depuis deux ans. Active dans la région avec son organisation partenaire locale Oromo Self-Help Organization (OSHO) depuis 2006, l’EPER distribue des vivres à la population et s’engage en faveur d’un approvisionnement en eau durable.RAYMOND ROHRER, ADAPTATION SANDRA FÖRST

Ethiopie : améliorer l’alimentation en eau

Dans le district de Miyo, situé à l’extrême sud de l’Ethiopie, plus de 90% de la popu-lation vit de l’élevage et de l’agriculture.

Chaque année, l’approche de la saison sèche est une période cruciale ; l’eau devient alors le bien le plus précieux. Depuis des générations, les éleveurs de Borena savent où mener leurs troupeaux pour qu’ils puissent s’abreuver. Ils vont jusqu’aux savanes kenyanes durant les années particulièrement arides. Les femmes et les enfants restent au pays et surveil-lent les récoltes. L’eau est puisée dans des puits, des « elas » en langue locale.

Objectif du Millénaire

A l’échelle planétaire, l’accès à l’eau est probléma-tique pour plus d’un milliard de personnes. C’est pourquoi les Nations Unies ont fixé comme Objec-tif du Millénaire de réduire de moitié d’ici à 2015 la proportion de personnes n’ayant pas accès de manière durable à un approvisionnement en eau potable et à un système d’assainissement de base. Depuis plus de dix ans, des organisations et des autorités étatiques s’engagent ensemble pour que cet objectif puisse être atteint.

Consortium suisse de l’eau

L’an dernier, huit organisations suisses se sont réu-nies en un consortium de l’eau avec le soutien finan- cier de la DDC pour garantir un meilleur accès à l’eau à quelque 270 000 personnes et leur offrir un

meilleur système d’assainissement de base : durant deux ans, de nombreux puits et installations sani-taires seront construits en Afrique et en Asie pour un montant de CHF 16 millions. L’EPER s’engage avec quatre projets en Ethiopie, au Niger, au Sud Soudan et au Zimbabwe.

Réservoirs grands comme un stade de foot

Dans le sud de l’Ethiopie, l’EPER soutient quelque 8 000 familles du district de Miyo. En plus de leur distribuer des vivres, elle assure durablement leur accès à l’eau. En collaboration avec les familles, il est ainsi prévu d’installer trois réservoirs d’eau fai-sant chacun la grandeur d’un stade de foot – de quoi recueillir l’eau de pluie et alimenter les puits durant plusieurs mois. En outre, des puits sont réno- vés et des abreuvoirs consolidés. Aucune pompe à moteur n’est installée, celles-ci entraînant rapide-ment un gaspillage de l’eau. Durant les périodes de sécheresse, une citerne de 30 m3 doit permettre aux femmes et aux enfants de se ravitailler en eau potable. Des mesures simples sont également prises pour protéger les enfants en bas âge contre les maladies : construction de latrines et de lavoirs, ou encore sensibilisation à une utilisation hygiénique de l’eau. Les agriculteurs, quant à eux, bénéficient d’un soutien pour arboriser, au moyen de variétés de plantes locales et résistantes à la sécheresse, 400 hectares de zones non exploitées afin d’éviter que l’eau de pluie ne s’écoule trop vite, causant notamment une érosion du sol.

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6 DÉFENSE DES DROITS DES PERSONNES SOCIALEMENT DÉFAVORISÉES

La Suisse est-elle victime d’un afflux massif de réfugiés et d’abus répétés en matière d’asile ? Il en est question dans les médias et le sujet tend les politiques. Résultat : des campagnes xénophobes fleurissent et la loi sur l’asile se durcit. En réalité pourtant, les personnes réfugiées ne représentent qu’une partie infime de la population suisse et le besoin de protection de la plupart d’entre elles a été reconnu. Petite analyse des chiffres dont personne ne parle.STEFAN HERY, ADAPTATION SANDRA FOERST

Asile : les vrais chiffres

Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 43 millions de per-sonnes se trouvent actuellement sur les

routes. Plus de 15 millions d’entre elles sont des personnes réfugiées vivant en-dehors de leur pays d’origine. Il s’agit de personnes réfugiées au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, c’est-à-dire de personnes « qui, craignant avec raison d’être persécutées du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur apparte-nance à un certain groupe social ou de leurs opi-nions politiques, se trouvent hors du pays dont elles ont la nationalité et qui ne peuvent ou, du fait de cette crainte, ne veulent se réclamer de la protection de ce pays. »

Seule une petite partie des personnes se trouvant sur les routes à travers le monde vient chercher pro-tection en Europe. Par rapport à dix ans en arrière,

le nombre total de personnes requérantes d’asile a même diminué sur le continent. Ce phénomène s’explique par la politique de plus en plus restrictive de l’UE en matière de réfugiés et de migration. Face aux contrôles rigoureux aux frontières extérieures de l’UE, la plupart des personnes requérantes d’asile n’entrent en Europe qu’au péril de leur vie.

Seuls 6% des demandes d’asile en Europe sont déposées en Suisse

Parmi toutes les demandes d’asile déposées en Europe, 6% à peine le sont en Suisse1. En 2011, cela a représenté 22 551 personnes. Si ce chiffre est en hausse par rapport aux années précédentes, il correspond pratiquement à la moyenne des 20 dernières années2. (Pour rappel : lorsque la guerre de Yougoslavie a éclaté en 1991 et durant la guerre

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7du Kosovo en 1998 et 1999, plus de 40 000 per-sonnes ont déposé une demande d’asile.)

La hausse des demandes d’asile observée ces dernières années s’explique principalement par la situation en Afrique du Nord. A elle seule, la guerre en Libye est à l’origine de la fuite de dizaines de milliers de personnes. Une grande partie d’entre elles sont des réfugiés d’origine érythréenne ayant quitté leur pays en raison de la répression et de la terreur qui y régnaient pour tenter leur chance en Libye. La guerre les a forcés à fuir à nouveau. La plupart d’entre eux ont alors cherché refuge dans les camps de réfugiés installés dans le désert tu-nisien. Néanmoins, ceux-ci étaient et sont toujours caractérisés par des conditions extrêmement pré-caires. Tout retour en Erythrée est exclu, car ils y seraient persécutés. Nombre de réfugiés érythréens ont donc déposé une demande d’asile en Suisse, où ils avaient des proches. La Suisse a reconnu le statut de réfugié de la plupart d’entre eux et leur a offert l’asile et, ainsi, le droit de rejoindre leur famille.

En 2011, l’Office fédéral des migrations (ODM), responsable de l’examen des demandes d’asile en Suisse, a pris 19 467 décisions (majoritairement des octrois d’asile, admissions provisoires et non-entrées en matière – NEM). Le nombre de dossiers traités est ainsi légèrement inférieur au nombre de demandes soumises.

Deux tiers des requérants reçoivent une pro-tection de la Suisse

Dans plus d’un tiers des cas, la Suisse n’était pas responsable de l’examen. Il s’agissait en effet de demandes soumises par des personnes dont les empreintes digitales avaient déjà été saisies électro-niquement dans un autre Etat européen. Or, selon le règlement de Dublin, l’ODM n’entre pas en ma-tière dans pareil cas (non-entrée en matière, NEM). Si l’on déduit ces cas du nombre total de décisions prises par l’ODM, il reste 12 368 cas dans lesquels la Suisse a considéré qu’elle avait la compétence décisionnelle. L’ODM a octroyé l’asile dans 30% de ces cas, soit à 3711 personnes. Une admission à titre provisoire a en outre été octroyée à 3070 per-sonnes (soit 25%). Au total, 55% des personnes requérantes d’asile, soit 6781 personnes, ont donc obtenu une protection de la Suisse en 20113.

Néanmoins, ces chiffres n’incluent pas les re-cours admis. En effet, en cas de décision négative de l’ODM, les personnes requérantes d’asile ont le droit de faire recours auprès du Tribunal adminis-tratif fédéral. Ces dernières années, celui-ci a donné raison au requérant environ une fois sur cinq. Ne sont pas non plus prises en compte les demandes de recours de deuxième instance et de réexamen. En effet, les personnes requérantes d’asile ont la possibilité de soumettre une deuxième demande d’asile ou une demande de réexamen à l’ODM lorsque leur situation personnelle ou la situation

dans leur pays d’origine a évolué depuis la dernière décision ou que de nouveaux éléments de preuve sont disponibles. Ces dernières années, environ une demande sur trois a débouché sur l’obtention d’une protection4. Dans tous ces cas, la décision négative d’origine n’était pas (plus) conforme au droit. Les requérants qui ne remplissent pas les critères d’obtention d’un droit de résidence doivent quant à eux quitter le pays. Il s’agit notamment des personnes venues en Suisse pour des raisons pure-ment économiques.

Au total, plus de deux tiers de toutes les per-sonnes ayant soumis à l’origine une demande d’asile, soit 17 484 personnes, vivent aujourd’hui en Suisse avec un besoin de protection reconnu. Ces personnes ont un statut reconnu de réfugié et sont au bénéfice d’une autorisation d’établissement (permis C). En outre, 9 494 personnes au statut reconnu de réfugié sont au bénéfice d’une autori-sation de séjour (permis B) et 23 310 personnes ont été admises à titre provisoire (permis F)5.

Les personnes ayant un statut reconnu de réfugié et celles admises à titre provisoire seraient, en cas de renvoi dans leur pays d’origine, expo-sées à un danger concret : persécution personnelle, guerre, guerre civile, violence générale ou absence d’accès aux services médicaux. Sont particulière-ment vulnérables à cet égard les mères célibataires, les parents élevant seuls leurs enfants, les familles, les mineurs non accompagnés et les personnes souffrant de maladies psychiques ou physiques.

En conclusion, les chiffres ci-dessus réfutent le préjugé largement répandu selon lequel la plupart des personnes requérantes d’asile abusent du sys-tème et n’ont en réalité pas besoin de protection. En effet, le statut de réfugié ou l’impossibilité d’un retour dans leur pays d’origine a été constaté chez la majorité des personnes requérantes d’asile.

Par ailleurs, le discours dominant d’un « af-flux massif de réfugiés » est lui aussi battu en brèche lorsque l’on examine la composition de la population résidant en Suisse : 4% à peine de la population résidente étrangère est constituée de personnes ayant soumis à l’origine une demande d’asile6, ce qui représente 0,9% de la population totale résidant en Suisse. Finalement, les chiffres présentés attestent du nombre infime de demandes d’asile au niveau suisse par rapport au nombre de demandes d’asile au niveau européen et, surtout, au nombre total de personnes ayant besoin de protection à travers le monde.

Sources

1 http://epp.eurostat.ec.europa.eu. Chiffres 20102 http://sjep.revues.org et http://www.bfm.admin.ch3 Statistiques de l’ODM en matière d’asile, 20114 Recours de première et de deuxième instance. Source : Rapport sur des mesures d’accélération dans le domaine de l’asile du DFJP de mars 2011, pages 18 et suivante5 Statistiques de l’ODM en matière d’asile, 20116 ODM, état fin 2010

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8 DÉFENSE DES DROITS DES PERSONNES SOCIALEMENT DÉFAVORISÉES

En amont de l’obtention du statut de réfugié, il y a toute une procédure administrative, souvent longue et douloureuse pour les requérants d’asile. Le Service d’Aide Juridique aux Exilés (SAJE) de l’EPER travaille au quotidien avec ces femmes et ces hommes contraints de fuir leur pays d’origine. Mathias Deshusses et Philippe Stern, tous deux juristes au SAJE, nous livrent leur expérience.JOËLLE HERREN LAUFER

Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s« Une décision positive peut changer la vie des gens et de leurs descendants. »

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Quelle est la vocation du SAJE ?Mathias Deshusses (MD) : Le SAJE garantit le droit fondamental d’être défendu pour les requérants d’asile résidant dans le can-ton de Vaud qui n’en ont pas les moyens, soit la majorité d’entre eux. On leur explique le pourquoi des décisions, comment ça fonctionne, on les conseille, on les oriente, et on entreprend des démarches juridiques en leur faveur.

Quelle est l’étendue de vos mandats ?Philippe Stern (PS) : Nous faisons des recours et suivons des pro-cédures d’asile complètes. C’est l’aspect fédéral. Mais nous nous occupons également des conditions de vie des requérants d’asile dans le canton de Vaud en soutenant les demandes de logement adéquats, en faisant opposition aux sanctions administratives ou en réagissant aux suppressions de l’aide d’urgence.

Quel est le contexte actuel de l’asile en Suisse ?MD : La tendance est à la restriction des droits, en Suisse comme dans le reste de l’Europe. Les accords de Dublin ont encore diminué les droits des requérants d’asile.

Concrètement, qu’impliquent les accords de Dublin ?MD : Un requérant qui pose une demande d’asile en Suisse après avoir séjourné ou transité par un Etat européen doit être renvoyé dans ce même Etat. Ses empreintes digitales font foi. Il ne béné-ficie donc que d’une audition sommaire sur ses données person-nelles avant son renvoi dans un pays tiers. PS : Trop souvent, les requérants d’asile en procédure « Dublin » sont traités comme des criminels puisqu’ils sont soumis à de la détention administrative avant leur renvoi « Dublin ». Or, nombre d’entre eux ont vécu dans des conditions extrêmement précaires à leur arrivée en Europe. Il faut savoir qu’en Grèce ou en Hongrie, les requérants sont systématiquement mis en détention et qu’en Italie, ils se retrouvent à la rue et ne bénéficient d’aucune aide sociale.

A quel moment de la procédure les requérants se tournent-ils vers le SAJE ?PS : Le SAJE intervient en dernier recours, quand les requérants reçoivent une réponse négative de l’Office des migrations (ODM) et qu’ils n’ont pas d’argent pour faire recours. On va les recevoir et déterminer si la prise d’un mandat se justifie. Il s’agit de définir si le requérant a une chance, même petite, de voir son recours aboutir positivement.MD : Même quand on estime qu’un recours n’a aucune chance d’aboutir, nous acceptons parfois d’aider le requérant à faire une lettre en nom propre, pour lui garantir son droit à faire recours et l’aider à formuler ses arguments. C’est fondamental pour lui.

Qu’est-ce qui vous motive ?PS : Malgré la pénibilité du contexte de l’asile, je me bats pour que la « tradition humanitaire » de la Suisse ne soit pas qu’une vaste hypocrisie. Les demandeurs d’asile ne sont pas qu’un nu-méro N qu’on leur attribue à leur arrivée en Suisse mais bien des personnes humaines qui ont le droit, comme chacun d’entre nous, d’être traitées avec un minimum de respect, de dignité et d’équité.MD : Mon moteur est d’œuvrer pour l’accès aux droits fonda-mentaux pour les requérants d’asile.

Etes-vous parfois découragés ?MD : On est régulièrement submergé par la quantité de travail et il est difficile d’encaisser les décisions négatives concernant des cas très difficiles auxquels nous croyons et pour lesquels nous avons dépensé beaucoup d’énergie, en termes de travail mais aussi émotionnellement.PS : Bien entendu. Mais les quelques décisions positives que l’on reçoit « bouleversent » la destinée de toute une lignée de per-sonnes et ça me donne la force de continuer à me battre.

Peut-on parler de décisions arbitraires ?PS : Dans les cas « Dublin », l’audition sommaire est « expédiée » sans que les requérants d’asile puissent s’exprimer sur les motifs de fuite de leur pays d’origine, leurs conditions de vie dans le premier pays « Dublin » ou encore leurs problèmes de santé. Il y a une réelle « déshumanisation » de la procédure, qui débouche, trop souvent, sur des décisions bâclées car mal instruites. MD : En revanche, les requérants n’ont aucun droit à l’erreur, lors de leurs auditions notamment. Certains relèvent, par exemple, des problèmes de traduction sans que rien ne puisse être fait par la suite. C’est aussi le cas lors d’auditions très sensibles, telles que celles touchant à des violences sexuelles, où l’encadrement n’est pas adéquat. Pour les personnes qui demandent l’asile depuis l’étranger, on peut être des mois sans aucune nouvelle de l’ODM, avant de recevoir des questionnaires qui doivent être transmis au requérant dans le pays de transit et auquel il doit répondre dans un très court délai, sous peine de recevoir une décision de non entrée en matière. Or, ces personnes sont souvent dans un processus de survie et ne sont pas constamment joignables ni à

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même de communiquer de telles informations. J’ai l’impression qu’il y a deux poids, deux mesures.

Quel est le taux de réussite du SAJE ?PS : C’est variable d’année en année. Nous avons une moyenne d’un recours sur quatre qui aboutit. Il s’agit principalement d’admissions provisoires ou d’annulations de décisions, ce qui signifie que le dossier du requérant est renvoyé à l’ODM pour une nouvelle prise de décision. Les recours qui aboutissent sur un statut de réfugié sont extrêmement rares, il n’y en a qu’un ou deux par an !

Comment le SAJE a-t-il vécu son intégration à l’EPER en janvier 2011 ?PS : Il est clair que cette « reprise » a été un soulagement car nous avions des problèmes de financement. Outre les meilleures conditions de travail, je me sens plus soutenu dans le travail que je fais tout en gardant une grande indépendance. Enfin, comme nos locaux sont séparés, l’intégration à l’EPER fait son chemin lentement.

Avez-vous l’impression que votre travail est bien compris du grand public ?MD : L’idée que les requérants d’asile sont des profiteurs, ou du moins qu’ils ne font que coûter de l’argent aux contribuables, est très ancrée. Il est dur de sortir de ce cliché. Ce message est aussi véhiculé par les politiciens qui stigmatisent les étrangers en général. PS : Non, la procédure d’asile est très complexe et il est difficile de parler du contenu de notre travail aux « néophytes ». Même les politiques expérimentés dans le domaine peinent à sortir d’un discours marqué par les préjugés.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?PS : Le canton de Vaud figure en deuxième place du pays par rapport au nombre de requérants d’asile. Pourtant, le SAJE est le seul bureau de défense juridique sur tout le canton. C’est peu comparé à Genève, qui jouit de quatre structures similaires avec un nombre de requérants beaucoup plus bas. Ici, on croule sous les dossiers. Concrètement, nous aurions besoin de deux juristes supplémentaires pour pouvoir faire face à la demande.MD : Nous ne nous limitons pas à l’écriture de recours, mais répondons aussi aux problématiques de logement et d’aide so-ciale des requérants. En 2011 plus particulièrement, nous avons pris en charge une vague de demandes d’asile de Somaliens et d’Erythréens ayant fui leur pays et dont un des proches est en Suisse. La quantité de travail est exponentielle au fur et à mesure que les droits des requérants d’asile sont réduits, et ne va pas diminuer avec la guerre en Somalie, la fuite des Erythréens ou l’« exode » des migrants qui travaillaient en Libye.

Nous célébrons le 17 juin la Journée des réfugiés, qu’est-ce que ça vous inspire ?PS : Que la Suisse octroie des statuts de réfugiés ! Etant donné que nous nous occupons principalement des personnes qui ont reçu une décision négative, nous avons tendance à oublier que l’article 3 de la Loi sur l’asile existe et qu’il est appliqué. Mais au-delà des aspects juridiques, si l’on part du principe que la Journée des réfugiés fait référence aux personnes ayant dû fuir leur pays, il y a un antagonisme entre le fait que les conflits, la misère et le manque de perspectives dans certains pays soient reconnus et médiatisés et que, malgré cela, les personnes réfugiées soient toujours plus stigmatisées, criminalisées ou bafouées dans leurs droits fondamentaux.

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En vertu des accords de Dublin, l’Erythréen Mussie Gebrab vient de recevoir sa troisième décision de ren-voi vers l’Italie, où il n’a d’autre solution que de vivre à la rue. Le Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s (SAJE) suit son dossier et tente d’obtenir un droit de séjour pour lui en Suisse. En attendant, il vit de l’aide d’urgence, soit CHF 9.50 par jour.

« J’ai miraculeusement pu m’évader de prison en Erythrée et fuir la torture que je subissais. J’étais emprisonné parce qu’en tant que soldat, j’ai re-fusé l’ordre de tirer sur des personnes. Après cinq semaines de fuite à pied via le Soudan, la Libye

puis Lampedusa en Italie, je suis arrivé en Suisse en 2008. Mon frère s’est noyé en route dans la Méditerranée en tentant de rejoindre Lampedusa. Comme mes empreintes digitales ont été enregis-trées en Italie, les autorités suisses m’ont renvoyé à Rome directement, sans audition. A mon arrivée là-bas, les policiers de l’aéroport m’ont interpellé de manière agressive et m’ont forcé à rester là sans nourriture ni eau pendant neuf heures. Après, ils m’ont ordonné de partir. Je n’avais personne à qui m’adresser pour demander de l’aide. Je ne connais personne en Italie et ne parle pas l’italien. Je me suis retrouvé à la gare de Rome, avec d’autres gens qui dormaient à même le sol. J’ai dormi par terre avec eux. Je n’avais pas d’argent et j’avais faim. Autour de moi, les gens étaient devenus fous, cer-tains étaient alcoolisés ou toxicomanes. Il y avait beaucoup d’Erythréens ‹ sans-abris ›. J’ai mendié de l’argent pour quitter l’Italie quatre mois plus tard. Deux ans après, les autorités suisses m’ont à nouveau renvoyé en Italie, à Milan. Les policiers de l’aéroport m’ont dit n’avoir aucune information au sujet de mon renvoi et m’ont forcé à quitter l’aéroport rapidement. Quand je leur ai demandé où aller ils m’ont insulté et dit d’aller où je voud-rais. J’ai dormi quatre nuits dans un parc où se trouvaient d’autres personnes sans domicile fixe. Comme à Rome, certains étaient devenus fous ou alcooliques. J’avais faim, froid et je me sentais malade. Je suis revenu en Suisse. Les autorités ont à nouveau décidé mon renvoi en Italie. Je ne sais plus quoi faire. Je ne comprends pas la décision des autorités suisses. J’ai toujours été honnête. Je ne veux pas vivre caché. La vie est impossible pour moi en Italie, je ne veux pas vivre à la rue. Aujourd’hui, je me sens vidé de toutes mes forces et de tout espoir. Je demande seulement de pouvoir vivre nor-malement, sans craindre la faim, le froid, la misère ou la terreur. »

DÉFENSE DES DROITS DES PERSONNES SOCIALEMENT DÉFAVORISÉES

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Les trois récits qui suivent permettent d’illustrer différentes facettes de la procédure d’asile suisse. Le cas de l’Erythréen Mussie Gebrab incarne l’absurdité et l’hypocrisie du système Dublin subi par 30% des demandeurs d’asile en Suisse parce qu’il a eu le malheur d’entrer en Europe par l’Italie. La situation de Tarek Zalmat reflète la difficulté à faire reconnaître la persécution endurée dans certains pays comme la Libye avec une procédure qui traîne depuis plus de dix ans. Les jeunes étudiantes irakiennes ont quant à elles plus de chance même si elles n’ont pas obtenu le statut de réfugié car elles pourront entreprendre une demande de permis B après cinq ans en Suisse. JOËLLE HERREN LAUFER

Journée des réfugiésPas de procédure d’asile standard : témoignages

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« Je ne veux pas vivre à la rue en Italie »

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Difficile de travailler quand on est estampillé « procédure d’asile »

Tarek Zalmat, qui a fui la persécution en Libye, vit sans réel statut en Suisse depuis neuf ans. Il ne peut s’imaginer retourner chez lui en tant qu’activiste d’une minorité non-reconnue.

Derrière son air dur se cache une personne pleine d’humanité avec toute une histoire faite de colère et d’appréhension. Tarek Zalmat est un opposant politique berbère qui a fui la persécution en Libye pour trouver refuge en Suisse. Trois mois après son arrivée, en 2003, sa première demande d’asile est rejetée. Il se tourne donc vers le SAJE, qui fait re-cours contre la décision de l’Office des migrations (ODM). Ce recours est rejeté en 2005 et, faute de pouvoir retourner en Libye, durant trois ans il vit à l’aide d’urgence sans possibilité de travailler. Durant cette période, de nouvelles procédures sont enta-mées par le SAJE sans succès. Finalement, en 2008, l’ODM accepte de reconsidérer la demande d’asile de M. Zalmat, qui reçoit un permis N, qui signifie la réouverture de la procédure d’asile. Ce n’est donc pas un permis de séjour. En janvier 2012, l’Office des migrations (ODM) le convoque pour une audi-tion. La décision n’est pas encore tombée. Mais il ne peut s’imaginer retourner en Libye. « Si la Suisse me renvoyait en Libye, cela équivaudrait à prati-quer la peine de mort ». Les Berbères sont opprimés en Libye ; la reconnaissance de leur culture dans la Constitution est l’un de ses combats ; il rêve d’une Libye qui serait une union de tribus. En Suisse depuis neuf ans, Tarek Zalmat a ap-pris le français, qu’il parle couramment : « J’écoute la radio, j’aime lire. » Il a fait une formation et a travaillé pendant quatre ans dans un programme d’occupation comme employé administratif. Mais ce statut est peu considéré et le frustre : « J’aimerais pouvoir obtenir un travail. » Tarek veut coûte que coûte rester en Suisse, où il poursuit son engage-ment en faveur des Berbères. « Je veux juste pouvoir

vivre dignement. J’ai déjà des ouvertures pour un travail mais il me faut un permis de séjour. » D’où tire-t-il sa force ? « Dieu m’aide à rester correct et à défendre mes droits même si ça me coûte cher. »

« Fuir l’Irak a été une décision très difficile »

Lina et Lubna Al-Bayati ont quitté l’Irak pour la Suisse avec leur famille. Malgré quelques embûches comme la non-reconnaissance de leurs diplômes, elles ont réussi à s’intégrer plutôt facilement et nous livrent leur récit.

« Nous sommes deux sœurs de 24 et 25 ans, origi-naires de Bagdad en Irak. Nous sommes venues demander l’asile en Suisse en février 2008, avec toute notre famille, soit huit personnes. Nous avons principalement fui l’Irak à cause de l’enlèvement de notre frère. La Suisse nous a octroyé un permis F, admission provisoire. En Irak, notre père était un avocat réputé et notre mère travaillait comme prof de sport. Quant à nous, nous étudiions toutes deux la médecine. Fuir a été une décision très difficile pour toute la famille. Mais nous n’avions pas vraiment le choix. Pour reprendre la médecine, il nous a fallu faire une maturité suisse, ce que nous avons réussi en deux ans et demi. Nous nous sommes ensuite inscrites en pharmacie à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, car nous avons malheureusement raté l’examen d’entrée de la faculté de médecine. Nous jouissons toutes les deux d’une bourse d’étude et avons toutes deux un job d’étudiante dans un res-taurant. Notre vie en Suisse n’a pas toujours été simple, mais nous nous sommes bien intégrées grâce au club de sport de notre village. Le fait d’être de cul-ture irakienne mais d’avoir adopté la culture suisse nous rend plus ouvertes et plus fortes. »

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17 juin 2012Dimanche des réfugiésGarantir une terre d’asile

L’EPER perpétue la tradition hu-manitaire de terre d’accueil et d’asile helvétique par le biais de ses projets en faveur des personnes réfugiées en Suisse. Ce sens de l’accueil répond également à la vocation chrétienne d’offrir l’hospitalité dans un cadre légal bien précis. Afin de garantir une terre d’asile, de respecter les droits humains et les règles en vigueur, les projets de l’EPER proposent aux requérant-e-s d’asile une aide sous forme d’accompagnement et de conseils juridiques. Ensuite, cap vers l’intégration à différents niveaux de la société par le biais d’autres projets. N’oublions pas que les personnes réfugiées ont tout abandonné sur le chemin de l’exil, sauf leurs compé-tences. Il est donc nécessaire de leur permettre de faire bénéficier la société d’accueil de leurs compétences. Ainsi reconnus, ils n’en réussiront que mieux leur intégration.

Des collaborateurs de l’EPER sont à disposition pour des présentations. Un dossier « Garantir une terre d’asile » et un dépliant sur les projets en faveur des réfugiés sont disponibles en téléchargement sur www.eper.ch/jdr/ ou par téléphone : 021 613 40 70

Nouveau projet « Age et migration » démarre en Suisse romande

L’EPER démarre un projet pilote des-tiné à la population migrante âgée de plus de 55 ans, établie dans le can-ton de Vaud, qui se trouve dans une situation d’extrême fragilité sociale et sanitaire. Faute d’information, cette population ne fait souvent pas appel aux structures publiques de prise en charge, qui lui seraient pourtant bénéfiques. En collabora-tion avec Pro Senectute VD, « Age et migration » vise à faciliter l’accès à diverses informations et prestations relatives à la santé et à l’âge ainsi qu’à renforcer le réseau commu-nautaire et à encourager l’échange interculturel par le biais d’activités axées sur le bien-être physique et moral telles que des excursions ou la pratique de sports.

Actuel Agenda

Petits moyens, grands effets.

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20 juin 201214e Foulées de la Solidarité à Peseux (NE)Course en faveur d’un projet de développement rural et de promotion de la paix en Arménie, organisée par les Eglises catholique et réformée de La Côte. Départ : terrain FC Corcelles dès 18 h 00. Infos : Claude Doerfliger, 032 731 42 27, [email protected]. Inscriptions possibles dès 17 h 00 sur place

1er juillet 2012 Festiv’été Terre Nouvelle à l’alpage de la Correntine, au-dessus de BièreCulte et manifestation en plein air organisés par la paroisse du Pied du Jura. Offrande en faveur du développement des communautés rurales en Arménie. Infos : Sandro Restauri 021 331 56 77

17 août 2012 Course de la solidarité à Prêles Deuxième édition organisée par les paroisses du district de La Neuveville pour soutenir la formation des sages-femmes dans la zone rurale du Ferlo au Sénégal. Halle poly-valente Les Joncs, dès 17 h 30 pour les enfants, dès 19 h 00 pour les adultes. Parcours amélioré, garderie. Infos : Stéphane Rouèche, 032 315 27 37. Inscriptions possibles dès 16 h 30 sur place

Eté 2012 Stand avec animation« Une chèvre contre la faim » 8–10 juin : Festival de la Terre à Lausanne 29–30 juin : Journées des 5 continents à Martigny17–22 juillet : Paléo Festival à Nyon