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Son Excellence Monsieur Philippe Goffin
Ministre des Affaires étrangères et européennes
Rue des Petits Carmes, 15
B - 1000 Bruxelles
Commission européenne/Europese Commissie, 1049 Bruxelles/Brussel, BELGIQUE/BELGIË - Tel. +32 22991111
COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 24.1.2020
C(2020) 494 final
VERSION PUBLIQUE
Ce document est publié uniquement
pour information.
Objet: Aide d’État SA.55046 (2019/N) – Belgique
Soutien aux jeux vidéo culturels, artistiques et éducatifs (Wallimage)
Monsieur le Ministre,
1. PROCÉDURE
(1) Les autorités belges ont notifié leur projet de soutenir la création de jeux vidéo le
2 septembre 2019. Le 12 septembre 2019, la Commission a demandé des
informations complémentaires, qui ont été transmises le 10 octobre 2019 par les
autorités belges. Le 29 octobre 2019, la Commission a demandé des clarifications
qui ont été apportées le 4 décembre 2019 par les autorités belges. Le 10 décembre
2019, la Commission a demandé des clarifications qui ont été apportées le 7
janvier 2020 par les autorités belges.
(2) Par lettre en date du 23 Janvier 2020, les autorités belges ont exceptionnellement
accepté de renoncer à leur droit découlant de l’Article 342 TFUE en conjonction
avec l’Article 3 du Règlement 1/1958 et de permettre l’adoption et la notification
de la présente décision en langue française.
2. DESCRIPTION DE LA MESURE
2.1. Objectif de la mesure
(3) Le régime d’aides faisant l’objet de la présente décision a pour objectif de
soutenir la création de jeux interactifs pour un ou plusieurs joueurs et accessibles
sur une plate-forme numérique (ci-après, « la Mesure »).
2
2.2. Contexte de la mesure
(4) Selon les autorités belges, le secteur du jeu vidéo en région wallonne n’est pas
suffisamment structuré et fait face à des difficultés de financement auprès des
investisseurs privés, restreignant de ce fait son potentiel de développement. Les
difficultés de financement ont pour conséquence un nombre de projets lancés
limité et d’ambition moindre.
(5) En Belgique, le secteur du jeu vidéo représentait en 2018 EUR 100 millions, soit
0,08% du marché mondial (s’élevant à approximativement EUR 124 milliards en
2018).1 Au sein du pays, la région wallonne compte un peu moins d’un tiers des
travailleurs dans le secteur du jeu vidéo, les autres deux tiers étant comptabilisés
en Flandre.2 Il existe 35 entreprises wallonnes actives dans le secteur du jeu
vidéo. Ces entreprises sont des micros et petites entreprises : elles sont composées
d’une à 17 personnes. La majorité de ces entreprises (63%) sont récentes, c’est-à-
dire existantes depuis moins de 6 ans. En raison de la taille et de la jeunesse des
entreprises du secteur, celles-ci font face à des difficultés pour se développer et
donc permettre la création d’un plus grand nombre et d’une plus grande diversité
de jeux vidéo culturels.
(6) Les autorités belges font les constats suivants :
(a) Les producteurs tendent à privilégier la réalisation des jeux les uns après
les autres, alors que la possibilité d’entreprendre plusieurs projets en
même temps permettrait de répartir davantage les risques financiers.
(b) Les projets de jeux vidéo à forte composante éducative, culturelle et
artistique sont considérés plus risqués car, s’ils génèrent les mêmes coûts
de production que les jeux vidéo populaires au niveau mondial, ils
bénéficient d’un accès à un marché plus restreint.
(c) Les restrictions financières limitent le lancement de projets de grande
envergure, présentant un fort potentiel créatif mais également un budget
plus élevé. La production des jeux vidéo est donc concentrée sur des jeux
PC et des jeux à plus faible budget.
(d) Les difficultés de financement font obstacle à la préservation et au
développement d’un savoir-faire culturel local. En effet, les producteurs
sont plutôt incités à travailler en sous-traitance pour des entreprises
étrangères qu’à développer des jeux vidéo propres et lancer des nouvelles
licences.3 Le secteur du jeu vidéo en région wallonne souffre donc d’un
manque de compétence disponible. Les entreprises sont obligées de
développer d’autres activités annexes permettant d’assurer le financement
des projets (développement informatique, modélisation 3D, etc.).
1 L’industrie de l’image en Wallonie, Etat de l’art et pistes d’opportunités, rapport rédigé pour le
compte de GRE-Liège et Meusinvest par CIDE-SOCRAN, 2018. 2 Ibidem. 3 Les autorités belges ont expliqué que la dépendance des producteurs aux éditeurs étrangers impliquait
bien souvent la cession des droits de propriété intellectuelle de la part des producteurs à ces mêmes
éditeurs étrangers.
3
(7) Pour toutes ces raisons notamment, les autorités wallonnes souhaitent mettre en
place la Mesure afin de soutenir les créations de jeux vidéo qui seraient
difficilement finançables aux conditions du marché.
2.3. Base juridique
(8) La Mesure est régie par le Règlement Wallimage Entreprises, pris en application
notamment de l’Arrêté du Gouvernement wallon du 27 septembre 2018 qui porte
sur l’augmentation du budget de Wallimage Entreprises, y inclus celui dédié au
secteur du jeu vidéo.
2.4. Critères d’éligibilité
2.4.1. Bénéficiaires
(9) Le bénéficiaire doit être une société de production de jeux vidéo ayant établi un
siège dans un Etat Membre de l’Union européenne ou de l’Espace Economique
Européen (EEE). Le directeur ou gérant ou administrateur délégué ou la majorité
des administrateurs sont ressortissants des Etats suscités. Les entreprises qui ne
sont pas établies en Belgique doivent remplir, au moment du paiement de l’aide,
l’une des conditions suivantes pour être éligibles :
(a) Disposer d’une filiale en Wallonie, d’une succursale en Wallonie ou d’une
agence permanente employant au moins une personne à plein temps en
Wallonie ; ou
(b) Etre en partenariat avec une société wallonne cosignataire de la
convention d’investissement et garante de la bonne fin du projet.4
(10) De plus, le bénéficiaire doit remplir l’une des conditions suivantes :
(a) Etre une société qui est propriétaire ou copropriétaire de la propriété
intellectuelle du jeu vidéo ; ou
(b) Participer activement à la fabrication du jeu vidéo.
2.4.2. Projets éligibles
(11) Les projets éligibles à la mesure d’aide sont les jeux vidéo définis comme les jeux
interactifs qui peuvent être joués par un ou plusieurs joueurs sur une plate-forme
numérique. La plate-forme numérique peut consister en un PC, une console de
jeu, un smartphone, une tablette, etc.
(12) Plus précisément, les autorités belges identifient trois genres de jeux vidéo
éligibles :
(a) Les jeux de divertissement, définis comme des jeux vidéo axés sur le
plaisir du jeu.
4 Par exemple, une entreprise établie dans un autre Etat membre de l’Union européenne que la Belgique
confie le développement du jeu vidéo à une entreprise localisée en Wallonie.
4
(b) Les jeux artistiques, définis comme des créations artistiques pour
lesquelles le médium « jeu » est utilisé comme forme d’expression, mais
dont l’objectif premier est une expérience artistique (par exemple dans un
musée, via une installation, etc.).
(c) Les jeux éducatifs, définis comme des jeux qui ont principalement un but
éducatif ou social. Cette catégorie comprend également les jeux destinés à
l’éducation.
(13) Les jeux vidéo doivent disposer d’au moins 30% du financement total du projet.
(14) Les projets sont soumis à un test culturel. Ils doivent répondre à au moins deux
critères dans chacune des trois catégories du test culturel. Le test culturel contient
les critères suivants :
Catégories Critères
I. Contexte et contenu
culturels
1) Le jeu se situe en Wallonie, en Belgique, dans l’EEE ou dans un
Etat lié à la Belgique par un Traité de coproduction ou contient des
références à cet égard.
2) Les personnages principaux se réfèrent à la Wallonie, la Belgique,
l’EEE ou un Etat lié à la Belgique par un Traité de coproduction ou
représentent un personnage historique ou fictif de la Wallonie, de la
Belgique ou de l’EEE ou de l’histoire mondiale.
3) Le jeu sort au moins en français.
4) Le thème, les motifs, les idées, le contenu ou le design du jeu
contiennent une référence à la Wallonie, à la Belgique, à l’EEE ou à
un Etat lié à la Belgique par un Traité de coproduction.
5) Le jeu, en tant que création artistique, contribue au patrimoine
culturel de la Wallonie, de la Belgique et de l’EEE ou d’un Etat lié à
la Belgique par un Traité de coproduction.
6) Le jeu est adapté à la culture éducative de la Wallonie, de la
Belgique, de l’EEE ou d’un Etat lié à la Belgique par une Traité de
coproduction.
Le contexte et le contenu culturels peuvent dans des cas
exceptionnels également être non-européens, lorsqu’ils sont
clairement encadrés et particulièrement créatifs ou innovants et
lorsqu’un plus grand nombre de critères sont remplis au titre des
catégories II et III.
II. Plate-forme
culturelle/créative
Le premier ou le deuxième point est obligatoire
1) Le projet doit avoir un effet stimulant sur l’économie culturelle et
créative nationale, étant donné qu’une partie essentielle de l’activité
créative (développement conceptuel, design, programmation, son) a
lieu en Wallonie.
2) Au moins 50% des membres de l’équipe ont leur résidence
5
principale en Wallonie, y sont taxés ou connaissent la culture
wallonne d’une autre manière. Les membres de l’équipe suivants
doivent satisfaire à ce critère : le producteur,
l’auteur/rédacteur/développeur de concept principal, le concepteur
sonore/compositeur principal, le directeur artistique, le directeur
technique et le concepteur de jeu.
3) Encouragement des jeunes talents culturels : l’équipe comprend
des jeunes diplômés de la formation professionnelle supérieure, des
universités ou des établissements d’enseignement supérieurs, à
condition que l’université ou l’école soit située en Wallonie, ou si le
jeune diplômé réside actuellement en Wallonie.
4) Une coopération existe avec des professionnels d’autres Etats
membres de l’EEE ou d’un Etat lié à la Belgique par un Traité de
coproduction.
III. Innovations
artistiques, créatives et
technologiques
Le jeu est particulièrement créatif ou innovant sur les points
suivants :
1) Structure de l’histoire ou du jeu.
2) Conception des personnages, du décor, de l’histoire et de
l’environnement.
3) Musique utilisée ou conception sonore.
4) Interactivité, plusieurs joueurs, interface utilisateur, contenu
généré par l’utilisateur.
5) Utilisation de l’intelligence artificielle.
6) Utilisation de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée.
7) Utilisation de nouvelles technologies pour le développement, la
mise en œuvre ou l’application du jeu.
(15) D’autres points d’attention seront examinés, définis selon le genre du jeu vidéo
concerné, et portant notamment sur la qualité et la valeur-ajoutée de l’œuvre et la
solidité du projet.
(16) Les jeux vidéo à caractère pornographique, incitant à la violence ou à la haine
raciale, ou délivrant un message contraire aux Droits de l’Homme ne sont pas
éligibles.
2.4.3. Dépenses éligibles
(17) Les dépenses de pré-production et les dépenses de production sont éligibles.
(18) La phase de pré-production est définie comme celle de la réalisation de toutes les
activités avant la production du jeu, notamment la rédaction du jeu, l’élaboration
6
du document de conception technique, la recherche de partenaires, l’élaboration
d’un plan de financement, la réalisation de prototypes.
(19) La phase de production constitue la phase de réalisation effective du jeu vidéo
dans sa version définitive en vue de sa diffusion.
(20) Les dépenses éligibles sont les dépenses liées à la fabrication du jeu, à savoir les
coûts de personnel, la location ou l’achat d’équipement, les dépenses liées à la
protection de la propriété intellectuelle et les coûts directs de sous-traitance.
(21) Les projets éligibles peuvent demander une aide dans les situations suivantes :
(a) Avant le début du projet, c’est à dire que l’aide sera calculée sur
l’ensemble des dépenses éligibles du projet initial.
(b) Avant les travaux additionnels, c’est-à-dire que l’aide sera calculée sur les
dépenses éligibles correspondant uniquement aux dépenses permettant le
développement notable du projet. Le projet est considéré comme faisant
l’objet d’un développement notable si le produit réalisé5, la portée6 ou la
rapidité7 de mise en œuvre du projet est substantiellement modifié.
(22) Les demandes d’aide doivent être introduites avant le début des travaux
principaux du projet initial. Les demandes d’aides visant à soutenir le
développement notable du projet doivent être déposées avant la mise en œuvre
des travaux y afférents.
2.5. Modalités d’attribution de l’aide
2.5.1. Autorité chargée de la mise en œuvre de la mesure
(23) Wallimage Entreprises est l’entité juridique qui est chargée de mettre en œuvre la
Mesure. Wallimage Entreprises est un Fonds public d’investissement dédié aux
entreprises audiovisuelles. Elle a été créée par le gouvernement wallon en 2008 et
est détenue à 100% par la Wallonie. Le Conseil d’Administration est composé
d’administrateurs nommés par la Région wallonne ou des entreprises publiques
contrôlées par la Région wallonne.
(24) La directrice de Wallimage Entreprises reçoit les demandes d’aides. La directrice,
aidée par une équipe interne et un expert externe, émet un avis sur les dossiers qui
lui sont soumis à l’attention du Conseil d’Administration de Wallimage
5 Les autorités belges ont expliqué que le projet propose un développement notable eu égard au produit
réalisé dans le cas où, par exemple, le producteur doit produire une démonstration plus avancée du jeu,
malgré un premier prototype financé par ses soins. Dans ce cas, l’aide renforce la solidité du projet en
vue de son arrivée sur le marché. 6 Les autorités belges ont expliqué que le projet propose un développement notable eu égard à sa portée
dans le cas où, par exemple, le producteur est amené à ajouter des nouvelles modalités ou
caractéristiques au jeu (ajouter la possibilité d’un mode multi-joueurs, améliorer le jeu par une
collaboration artistique avec un artiste renommé, etc.). 7 Les autorités belges ont expliqué que le projet propose un développement notable eu égard à sa
rapidité de mise en œuvre dans le cas où, par exemple, le producteur est incité à développer le jeu pour
d’autres plateformes, en même temps que la version initiale, mais sans en avoir les moyens. Le
développement plus tardif pour d’autres plateformes risque de diminuer les opportunités du jeu lors de
sa sortie sur le marché.
7
Entreprises. Un rapport de gestion portant notamment sur la mise en œuvre de la
Mesure est envoyé chaque année à l’administration wallonne.
(25) Wallimage Entreprises vérifiera avant la décision d’attribution de l’aide que les
projets sollicitant une aide pour les dépenses liées au développement notable du
projet démontrent effectivement une modification substantielle dudit projet. La
vérification s’effectuera sur la base de tout document probant.
2.5.2. Forme de l’aide
(26) L’aide prend la forme d’une avance récupérable. Le remboursement d’une partie
de l’aide par le bénéficiaire s’effectue dans les conditions suivantes :
(a) Le remboursement est limité à 25% de l’avance si le projet n’aboutit pas à
une commercialisation, ou s’il aboutit à une commercialisation générant
des recettes brutes inférieures à 25% du coût de production.
(b) Le remboursement de l’avance est proportionnel aux recettes générées
dans l’hypothèse où la commercialisation du jeu génère des recettes brutes
supérieures à 25% du coût de production.8 Le remboursement est plafonné
à 200% du montant de l’avance.
2.5.3. Autre contrepartie
(27) En plus du remboursement de l’avance, le bénéficiaire devra verser une somme
correspondant à 2.5% des recettes perçues sur la commercialisation du jeu, sans
limite dans le temps. Le bénéficiaire peut proposer une remontée des recettes vers
Wallimage Entreprises plus intéressante. Ce choix sera pris en compte lors de
l’évaluation du dossier.
2.5.4. Montant de l’aide
(28) L’aide à la pré-production s’élève au maximum à EUR 30 000 par projet. Elle
peut atteindre EUR 75 000 par projet si la création d’un prototype est également
prévue dans la phase de pré-production.
(29) L’aide à la production s’élève au maximum à EUR 500 000 par projet. Le
montant de l’aide à la pré-production éventuellement reçue est pris en compte
dans ce montant maximal.
2.5.5. Intensité d’aide et aide cumulée
(30) La Mesure établit trois taux d’intensité maximums en fonction du genre de jeu
vidéo concerné :
(a) Les jeux de divertissement peuvent bénéficier d’une aide représentant
maximum 50% du financement total de la création du jeu vidéo.
(b) Les jeux artistiques peuvent bénéficier d’une aide représentant maximum
85% du financement total de la création du jeu vidéo.
8 Par exemple, si les recettes générées par la commercialisation représentent 50% du coût de production, le
remboursement de l’avance correspondra à 50% du montant accordé.
8
(c) Les jeux éducatifs peuvent bénéficier d’une aide représentant maximum
75% du financement total de la création du jeu vidéo.
(31) L’aide en faveur des dépenses éligibles liées au développement notable du projet
(voir le considérant (20) (b) ci-dessus) n’excède pas 100% des coûts additionnels
liés au développement notable du projet, dans la limite des seuils absolus et des
taux mentionnés aux paragraphes (27), (28) et (29) ci-dessus.
(32) Les autorités belges ont indiqué que les jeux artistiques et les jeux éducatifs
bénéficient d’une intensité plus élevée d’aide car ils sont considérés comme des
œuvres difficiles. Ces œuvres sont qualifiées de difficiles en raison des plus
grandes difficultés auxquelles elles doivent faire face pour avoir accès au
financement. Les autorités belges ont également indiqué que le marché de ces
œuvres est nettement plus petit que pour les autres types de jeux vidéo.
(33) Dans l’hypothèse où les projets soutenus par la Mesure bénéficient d’autres aides
d’Etat, l’intensité cumulée des aides devra respecter les taux mentionnés ci-
dessus.
(34) Le respect de l’intensité maximale d’aide sera vérifié par l’autorité d’octroi à trois
occasions : lors de l’examen de la demande d’intervention, avant la conclusion de
la convention et lors du versement de la dernière tranche après vérification des
comptes définitifs de la phase concernée.
2.5.6. Budget et durée
(35) Le budget annuel de la Mesure s’élève à EUR 2 millions. Le budget total de la
mesure notifié s’élève à EUR 12 millions. La validité de la Mesure court jusqu’au
31 octobre 2025.
2.5.7. Financement de la mesure
(36) La Mesure est financée entièrement par la région wallonne.
3. APPRÉCIATION DE LA MESURE
3.1. Présence de l’aide
(37) L’article 107, paragraphe 1, du TFUE dispose : « Sauf dérogations prévues par
les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles
affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou
au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui
menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou
certaines productions ».
3.1.1. Ressources d’Etat
(38) Les fonds utilisés dans le cadre de ce régime d’aide proviennent de la région
wallonne, donc du budget de l’autorité étatique. En outre, l’entité Wallimage
Entreprises est une entreprise publique mise en place et financée par les autorités
régionales (voir considérant (22) ci-dessus). En conséquence, les fonds
constituent des ressources d’Etat et sont imputables à l’Etat.
9
3.1.2. Avantage
(39) La Mesure vise à réduire les coûts de production supportés par le producteur de
jeux vidéo. Ces dépenses relèvent des coûts que doivent normalement supporter
tous producteurs de jeux vidéo. Il s’agit donc d’un coût qui grève normalement le
budget du bénéficiaire.
(40) L’aide prend la forme d’une avance remboursable en faveur du bénéficiaire et est
assortie de conditions relatives à la remontée des recettes en faveur de Wallimage
Entreprises. Comme expliqué au considérant (25) ci-dessus, les conditions de
remboursement de l’avance varient en fonction des recettes générées. En
revanche, un taux fixe de remontée des recettes s’élevant à 2.5% est appliqué
(voir le considérant (26) ci-dessus).
(41) Ces conditions pourraient s’apparenter à celles utilisées par les instruments privés
de financement (prêts bancaires, investissements en cofinancement, etc.).
Cependant, elles ne sauraient être assimilées à des instruments financiers
fonctionnant aux mêmes termes que le marché. En effet, comme l’avancent les
autorités belges (voir considérant (6) ci-dessus), l’objectif de la mesure est
notamment de pallier le manque de financements disponibles sur le marché privé
en raison des forts aléas quant à la capacité de remboursement, ce qui peut en
effet être un critère prohibitif pour les intermédiaires financiers classiques.
(42) En conséquence, la Mesure procure un avantage dont le producteur ne pourrait
pas bénéficier dans les conditions normales du marché. La Mesure constitue donc
un avantage en faveur des producteurs de jeux vidéo.
3.1.3. Sélectivité
(43) La Mesure est sélective puisque seuls les bénéficiaires dont le projet aura passé le
test de sélection pourront bénéficier d’une aide. De plus, le régime d’aide ne
concerne qu’un segment du secteur des œuvres audiovisuelles et de l’image
animée, celui des jeux vidéo.
(44) La Mesure est donc sélective en faveur de certains producteurs de jeux vidéo.
3.1.4. Distorsion de concurrence et effets sur les échanges entre Etats
membres
(45) Étant donné que les jeux vidéo sont échangés au niveau international, l’avantage
financier octroyé aux bénéficiaires affecte la concurrence et les échanges entre
États membres.
3.1.5. Conclusion
(46) Eu égard aux considérations qui précèdent, la mesure en cause constitue une aide
d’Etat au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.
3.2. Compatibilité de l’aide
3.2.1. Légalité générale
(47) Pour être compatibles, les régimes d’aides doivent d’abord respecter le critère de
« légalité générale ». La notion de « légalité générale » suppose que les conditions
10
d’éligibilité et les critères d’octroi ne contiennent aucune clause contraire au
TFUE dans les domaines autres que les aides d’Etat.9
(48) La Mesure n’impose pas de condition relative à la nationalité belge ou à
l’établissement à titre principal sur le territoire belge de l’entreprise bénéficiaire.
Comme rappelé au considérant (8) ci-dessus, les bénéficiaires peuvent être établis
dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique
européen. La Mesure respecte donc le critère de légalité générale.
3.2.2. Promotion de la culture, conformément à l’article 107, paragraphe
3, alinéa d), du TFUE
(49) L’article 107, paragraphe 3, alinéa d), du TFUE dispose que les aides destinées à
promouvoir la culture et la conservation du patrimoine peuvent être considérées
comme compatibles avec le marché intérieur quand elles n’altèrent pas les
conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure
contraire à l’intérêt commun.
(50) La Commission n’a pas élaboré de lignes directrices pour l’application de cette
disposition concernant les aides aux jeux vidéo. Le point 24 de la Communication
cinéma relative aux aides en faveur des œuvres audiovisuelles10 (ci-après, « la
Communication Cinéma ») confirme que les aides destinées à favoriser les jeux
vidéo sont analysées au cas par cas.
(51) L’évaluation des aides aux jeux vidéo sur la base de l’article 107, paragraphe 3,
alinéa d) du TFUE est conforme à la pratique de la Commission dans ce secteur.11
La Commission a notamment reconnu dans la décision relative au crédit d’impôt
9 Arrêt de la Cour, Matra c/ Commission, C-225/91, 15 Juin 1993, considérant 41.
10 Communication de la Commission sur les aides d’Etat en faveur des œuvres cinématographiques et
aux autres œuvres audiovisuelles (2013/C 332/01), JO C 332, 15.11.2013, p. 1. 11 La Commission a reconnu la nécessité des soutiens en faveur des jeux vidéo dans les décisions
suivantes :
C47/2006 – France - Crédit d'impôt pour la création de jeux vidéo,
http://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_details.cfm?proc_code=3_C47_2006;
SA.36139 (2013/C) - UK - Video games tax relief,
http://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_details.cfm?proc_code=3_SA_36139;
SA.33943 – France - Prolongation du régime d'aide C 47/2006 - Crédit d'impôt en faveur de la création
de jeux vidéo, http://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_details.cfm?proc_code=3_SA_33943;
SA.39299 (2014/N) – France - Crédit d’impôt en faveur de la création de jeux vidéo – modifications,
http://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_details.cfm?proc_code=3_SA_39299;
SA.47892 (2017/N) – France - Crédit d’impôt en faveur de la création de jeux vidéo – modifications et
prolongation - http://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_details.cfm?proc_code=3_SA_47892;
SA.45735 (2017/N) – Denmark – Scheme for the development, production and promotion of cultural
and educational digital games,
http://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_details.cfm?proc_code=3_SA_45735;
SA.46572 (2017/N)- Germany - Bavarian games support measure,
http://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/case_details.cfm?proc_code=3_SA_46572
SA.49947 (2017/N) – Belgique – Aide aux jeux vidéo (VAF Gamefonds)
https://ec.europa.eu/competition/state_aid/cases/272571/272571_2006208_95_2.pdf
SA.50512 (2018/N) – France – Fonds d’aides aux jeux vidéo – volets écriture, création de propriétés
intellectuelles et opérations à caractère collectif
https://ec.europa.eu/competition/state_aid/cases/274922/274922_2009141_86_2.pdf
SA.51820 (2018/N) – Germany – North Rhine Westphalian games support measure
https://ec.europa.eu/competition/state_aid/cases/277019/277019_2042144_125_2.pdf
11
français en faveur des jeux vidéo que certains jeux vidéo peuvent constituer des
produits culturels.12
(52) Les autorités belges ont défini trois catégories de jeux pouvant bénéficier de la
Mesure. Il s’agit des jeux de divertissement, des jeux artistiques et des jeux
éducatifs (voir considérant (11) ci-dessus), sous réserve qu’il s’agisse d’un jeu
vidéo qualitatif qui a une importance culturelle, éducative ou sociétale. Les
autorités belges ont mis en place un barème de sélection des projets afin de
vérifier que les jeux soutenus répondent effectivement à ces conditions (voir
considérant (13) ci-dessus).
(53) Le barème de sélection est composé de trois catégories de critères et 17 critères de
sélection. Pour être éligibles, les projets doivent remplir au moins 2 critères de
sélection de chacune des trois catégories (voir considérant (13) ci-dessus). Ainsi,
les projets doivent obligatoirement répondre aux exigences relatives au contexte
et contenu culturels établies par les autorités belges. En outre, un comité d’experts
examinera les projets soutenus (voir considérant (23) ci-dessus).
(54) En conclusion, la Mesure soutient des projets culturels et remplit l’objectif de
promotion de la culture, en application de l’article 107, paragraphe 3, alinéa d) du
TFUE.
3.2.3. Caractère approprié de la mesure
(55) La Mesure vise à soutenir des projets culturels rencontrant des difficultés de
financements sur le marché en raison notamment de la nature (œuvres culturelles)
et risqués (coûts de production certains mais audience incertaine) du projet. Elle
contribue donc à financer une partie des coûts de production des jeux vidéo
sélectionnés en raison de leur contribution à la promotion de la culture.
(56) La Commission considère que le recours aux aides sous forme d'avances
récupérables doit être encouragé, étant donné que ces instruments de partage des
risques contribuent à renforcer l'effet incitatif de l'aide. La présente Mesure prend
la forme d’avance récupérable, dont le niveau de remboursement dépend du
niveau de recettes réalisées (voir considérant (25) ci-dessus).
(57) Par conséquent, la Mesure est appropriée pour atteindre l’objectif poursuivi.
3.2.4. Nécessité de la mesure
(58) Les jeux vidéo constituent des œuvres culturelles promouvant la culture locale et
européenne. Leur potentiel de commercialisation à l’international représente un
levier pour la promotion de la culture à grande échelle.
(59) Cependant, les projets de jeux vidéo rencontrent des difficultés de financement
aux conditions du marché (voir considérants (4) à (6) ci-dessus). Les risques
financiers inhérents aux projets de jeux vidéo, dont les coûts de fabrication sont
certains contrairement aux recettes potentielles, constituent des obstacles à
l’investissement privé. L’intervention publique est donc nécessaire pour permettre
à une part plus grande et plus diversifiée de projets de voir le jour.
12 Voir le considérant 64 de la décision C47/2006 - France, Crédit d’impôt en faveur de la création de
jeux vidéo, 11 Décembre 2007, ibidem.
12
(60) L’intervention publique est limitée aux projets qui, sans aide, n’auraient pas été
initiés par le bénéficiaire. Cela est démontré par le fait que les demandes d’aides
doivent être déposées avant le début des travaux principaux ou, le cas échéant,
avant le début des travaux liés au développement notable du projet (voir
considérant (20) ci-dessus). Ainsi, l’aide sera accordée uniquement pour des
nouvelles activités qui n’avaient pas été initialement prévues dans le projet et qui,
sans l’intervention publique, ne pourraient pas être engagées. En d’autres termes,
l’aide ne financera pas des dépenses qui avaient déjà été prévues lors du la mise
en œuvre des travaux.
3.2.5. Proportionnalité de la mesure
(61) Le point 24 de la Communication Cinéma établit que, dans la mesure où il peut
être démontré qu’un régime d’aide axé sur des jeux ayant des finalités culturelles
et éducatives est nécessaire, la Commission appliquera les mêmes critères
d’intensité de l’aide établis pour les régimes d’aides en faveur des œuvres
audiovisuelles.
(62) La Mesure soutient la création de jeux vidéo dans des proportions limitées. Les
intensités d’aides maximales varient en effet de 50% à 85%, conformément aux
seuils établis par la Communication Cinéma. Les taux maximaux d’intensité
visent à préserver l’initiative privée en obligeant les bénéficiaires d’aides à
obtenir des fonds provenant d’autres ressources qu’étatiques.
(63) Les dépenses éligibles relatives au développement notable du projet (voir
considérant (20) ci-dessus) peuvent bénéficier d’une aide à hauteur de 100% de
leur montant, dans la limite de l’intensité maximale et du montant maximal de
l’aide applicables au projet (voir considérant (30) ci-dessus). Ce taux
d’intervention garantit que l’aide n’excède pas les limites maximales fixées au
niveau du projet global, qui sont calculées sur la base de l’ensemble des aides
d’Etat attribuées au projet.
(64) En complément du remboursement de l’avance, la Mesure prévoit qu’une part des
recettes est automatiquement reversée à l’autorité d’octroi, indépendamment d’un
seuil de recettes réalisées (voir considérant (26) ci-dessus). La Mesure est conçue
pour que l’intervention publique soit modulée en fonction du succès du projet
soutenu.
(65) En conclusion, la Mesure est proportionnée à l’objectif poursuivi.
3.2.6. Distorsions de concurrence et effets sur les échanges limités
(66) Compte tenu du budget relativement limité comparé au chiffre global du secteur
(EUR 2 millions, représentant seulement 2% du poids de l’industrie belge), les
effets de distorsion induits par l’aide peuvent être considérés comme faibles.
3.2.7. Conclusion
(67) La Commission conclut que l’aide n’aura pas pour objectif de renforcer indûment
le pouvoir de marché des entreprises bénéficiaires, ni d’entraver les incitants
dynamiques des acteurs du marché mais, au contraire d’accroître la diversité de
l’offre sur le marché. Le bilan global de l'aide est positif pour le marché intérieur,
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dès lors que les distorsions de concurrence et les effets sur le commerce sont
limités.
4. CONCLUSION
Eu égard aux éléments qui précèdent, la Commission a décidé de ne pas soulever
d’objections au regard de l'aide d'Etat notifiée au motif qu’elle est compatible avec le
marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, alinéa d du TFUE.
Dans le cas où la présente lettre contiendrait des éléments confidentiels qui ne doivent
pas être divulgués à des tiers, vous êtes invité à en informer la Commission, dans un délai
de quinze jours ouvrables à compter de la date de sa réception. Si la Commission ne
reçoit pas de demande motivée à cet effet dans le délai prescrit, elle considérera que vous
acceptez la publication du texte intégral de la lettre dans la langue faisant foi à l'adresse
internet suivante: http://ec.europa.eu/competition/elojade/isef/index.cfm.
Cette demande devra être envoyée par courriel à l'adresse suivante:
Commission européenne
Direction générale de la concurrence
Greffe des aides d'État
1049 Bruxelles
Veuillez croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma haute considération.
Par la Commission
Margrethe VESTAGER
Vice-présidente exécutive